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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Sarkozy, Zucman, Bloquons Tout : une philosophie de la lutte des classes

Sarkozy, Zucman, Bloquons Tout : une philosophie de la lutte des classes

14min |01/10/2025
Play
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14min |01/10/2025
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Description

Face la taxe Zucman, et à la condamnation de Nicolas Sarkozy , la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre, pour protester contre la politique d’austérité et l’autoritarisme d’Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d’un retour des classes sociales, de la conscience de classe, et de la lutte des classes ?

L’occasion de revenir aux fondamentaux de la philosophie de Karl Marx.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page .

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


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Un grand merci aux tipeur-ses : Anne-Cécile, Didier, Mailys, Barthélémy, Olivier, Romain, Cédric, Quentin, Charlély, Antony, Aurélie, Claire, Paul, Erwan, Guillaume, Claudia, Lionel, Yves, Denis, M2linée, Marie Vincent, Olivier, Kilian, Anthony, Nicolas, Rémi, Béatrice, Damien, Mathilde, Anouk, David, Elodie, Vivien, Franck, Tiphaine, Margaux, Alix, Maya, Olivier, Juliette, Jonathan, Yacine, Arnaud, Bruno, Quentin, Augustin, Anaïs, Laurent, Nicolas, Alexandre, Gauthier, Khadija, Charles, Solène, Yoann, Juliette, Florence, Charles, Benjamin, Bastien, Jean-Charles, Anne, Florian, Etienne, Céline, Yvan, Antoine, Thomas, Eric, Matthieu, Clément, Anouck, Jean-François, Louise, Etienne, Francisco, Yoann, Tristan, Maud, Nathalie, Marc, Margot.

C'est grâce à vous que le podcast existe 💜


Etudes citées dans l'épisode :

  • Pélage, Agnès, et Tristan Poullaouec. « La France « d’en bas » qu’on regarde “d’en haut” ». En quête d’appartenances, Ined Éditions, 2009

  • "Au-delà du niveau de revenu, l’identification aux classes moyennes joue sur les attentes en matière de politiques sociales", DREES, novembre 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Face à la taxe Zucman et à la condamnation de Nicolas Sarkozy, la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre pour protester contre la politique d'austérité et l'autoritarisme d'Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d'un retour des classes sociales, de la conscience de classe et de la lutte des classes ? On en parle avec Karl Marx. Je suis Alice de Rochechouart. Et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre Privilège aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien ! En ce moment... Plusieurs événements donnent l'impression qu'on est vraiment revenu à une lutte des classes, au sens marxiste du terme. Tout en haut, les classes aisées semblent resserrer les rangs contre ce qu'elles perçoivent comme des offensives économiques et politiques. La taxe Zucman, cet impôt planché de 2% sur la fortune des ultra-riches, serait une offensive économique contre la bourgeoisie tout entière. Alors que cette taxe ne concernerait que 1800 foyers, elle suscite des levées de boucliers auprès de la classe dominante. qui craint évidemment que cette taxe s'étende jusqu'à les concerner eux. Et puis, il y aurait une offensive politique. La condamnation de Nicolas Sarkozy à 50 prisons fermes dans l'affaire du financement de sa campagne électorale par le dictateur sanguinaire libyen Kadhafi a conduit de nombreux commentateurs politiques à parler de tyrannie des juges. Par exemple, le journal du dimanche n'hésite pas à comparer Nicolas Sarkozy au comte de Monte-Cristo et interview le président qui déclare « Ce combat, je le mène pour l'état de droit » . Rappelons que le journal appartient à Vincent Bolloré, qui avait accueilli l'ancien président déchu sur son yacht avant sa campagne électorale. Même Marine Le Pen a défendu celui qui est pourtant son ennemi politique. Évidemment, comme elle est elle-même empêtrée dans l'affaire des détournements de fonds du Parlement européen, elle a tout intérêt à dénoncer un complot judiciaire. Il faut dire que la classe dominante n'est pas habituée à aller en prison même quand elle est condamnée. Or cette fois-ci, Nicolas Sarkozy devrait être véritablement incarcéré. De quoi faire trembler une classe politique cernée par les procès. La classe dominante semble donc faire front uni contre ces menaces à sa toute puissance. Au même moment, le mouvement Bloquons Tout entame sa troisième semaine de mobilisation après des rencontres avec le Premier ministre qui, sans surprise, ont été infructueuses. Sébastien Lecornu a enterré la taxe Zucman, il rejette toute possibilité de l'abrogation de la réforme des retraites et il perpétue le plan d'austérité entamé par son prédécesseur François Bayrou. Alors, toutes les organisations syndicales ont appelé à faire grève dès demain et de nombreux mouvements citoyens spontanés prévoient des actions de blocage partout en France. À l'autre bout de l'échelle sociale, on a donc aussi l'impression d'assister au retour d'une conscience de classe sociale. C'est eux... Contre nous, les deux camps se renforcent. Est-ce le retour de la lutte des classes ? La classe sociale et la lutte des classes sont des notions centrales de la philosophie de Karl Marx. Bien qu'il ne les ait pas inventées, il les a considérablement étoffées et définies. Aussi, je vous propose de revenir à ces fondamentaux du marxisme. Pour Marx, La société est structurée par les rapports de production. En gros, qui possède les moyens de production, c'est-à-dire le capital, et qui travaille. C'est ce qu'il appelle l'infrastructure. La façon dont l'économie est structurée va conduire à une certaine organisation sociale, à une répartition de la population en plusieurs groupes. Ces groupes, ce sont les classes sociales. D'un côté, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production et exploite des gens pour travailler à sa place. De l'autre, le prolétariat, qui ne possède que sa force de travail et est donc obligé de travailler pour subsister. Attention, Marx n'a jamais dit qu'il y avait uniquement deux classes sociales qui formeraient deux gros blocs homogènes. Il a au contraire décrit d'autres classes sociales, comme la petite bourgeoisie ou encore le sous-prolétariat. Cependant, il met l'accent sur la bourgeoisie et le prolétariat, qui sont les deux pôles qui entrent le plus en confrontation à l'ère du capitalisme. Les classes sociales sont donc définies de manière objective par l'infrastructure. Si l'on possède les moyens de production, on est bourgeois, sinon on est prolétaire. Je schématise. Cette organisation économique va ensuite déterminer la superstructure, c'est-à-dire l'ensemble des institutions politiques, la culture et l'idéologie au sein de la société. Par exemple, la bourgeoisie va mettre en place des institutions qui garantissent la propriété de ses biens et diffuser une idéologie qui va légitimer les inégalités. En fait, la bourgeoisie prend peu à peu conscience qu'elle partage des intérêts communs avec les autres membres de son groupe. Et elle s'organise afin d'imposer l'idéologie dominante et de légitimer son pouvoir. Au début, un groupe est une classe en soi. C'est-à-dire qu'il est défini par des critères objectifs, extérieurs. Mais les gens n'ont pas forcément conscience d'appartenir à ce groupe. Et parfois, ce groupe devient une classe sociale pour soi. Les individus ont alors conscience d'appartenir au même groupe. ils prennent conscience d'eux-mêmes de leurs intérêts communs. C'est la naissance de la conscience de classe. Mais comment se construit cette conscience de classe ? Comment devenir une classe pour soi ? Je récapitule. Chez Marx, les classes sociales existent de manière objective, qu'on en ait conscience ou non, et elles sont définies par les structures économiques. La difficulté, c'est de devenir un groupe conscient de lui-même, de développer une conscience de classe. Or, la bourgeoisie y est parvenue à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, précisément en défendant ses intérêts contre l'aristocratie. En France, c'est en luttant contre les privilèges de la noblesse que la bourgeoisie est devenue une classe pour soi. Cela lui a permis de conquérir le pouvoir et d'imposer son idéologie à la société tout entière, en particulier la méritocratie. et l'individualisme. En fait, la conscience de classe, c'est toujours le produit d'une lutte et d'un combat politique. Et comme l'objectif de la philosophie marxiste, aussi bien chez Marx que chez ses successeurs, c'est que le prolétariat acquiert cette conscience de classe, il va falloir lutter. Le prolétariat parviendra à la conscience de classe grâce à la lutte. Et pour cela, il va d'abord falloir des moments galvanisants. des grèves, des conflits sociaux pour conquérir de nouveaux droits ou protester contre des conditions de travail ou d'existence. L'effervescence de la lutte et le contact avec ses camarades va permettre une prise de conscience progressive de sa situation et de son appartenance à une classe sociale dominée et surtout, cela va ouvrir la voie à une remise en question de l'ordre existant. Cependant, l'effervescence de ces moments de lutte peut rapidement retomber et il doit donc être suivi d'organisations politiques notamment dans les partis et les syndicats. Car la lutte est permanente, elle ne peut pas prendre fin en un jour. C'est pour cette raison que Marx affirme que la lutte des classes est le moteur de l'histoire. Ainsi, la conscience de classe se construit dans le combat politique, c'est-à-dire dans la lutte des classes. Alors, est-ce ce à quoi on assiste aujourd'hui ? Ou les classes sociales ont-elles disparu au profit d'une grande classe moyenne, comme on l'entend parfois ? On entend souvent que la lutte des classes serait peu à peu retombée dans la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, la période des Trente Glorieuses, juste après la Deuxième Guerre mondiale, a été marquée par une forte croissance économique, le plein emploi et la mise en place de l'État-providence, ce qui a conduit à une augmentation générale du niveau de vie et à la baisse des inégalités. C'est à ce moment qu'on se met à parler de « moyennisation » . La majorité de la population appartiendrait désormais à une vaste classe moyenne. Ce qui mettrait plus ou moins fin à la lutte des classes. Est-ce vrai ? Pas totalement. Certes, en 2024, plus de la moitié des gens déclarent appartenir à la classe moyenne. Mais regardons de plus près. Ces enquêtes sociologiques font en fait une distinction entre classe moyenne inférieure et classe moyenne supérieure. Cela montre bien que la classe moyenne n'est pas du tout homogène, qu'elle est elle-même subdivisée et que finalement, le terme ne dit pas grand-chose. Ces enquêtes... distingue en réalité cinq catégories sociales, ce qui est totalement conforme avec l'analyse de Marx. Et puis, les théories de la moyennisation et de la disparition des classes sociales est d'autant plus contestée que les inégalités remontent depuis la fin des années 1990. Et depuis le début des années 2000, on parle ainsi plutôt de retour des classes sociales. Les enquêtes montrent que la moitié des gens ont encore le sentiment d'appartenir à une classe. Certes, Cela a baissé par rapport aux années 60-70, pendant lesquelles c'était plutôt deux tiers des gens. Mais ce n'est pas non plus un effondrement, et il paraît totalement excessif de parler de la disparition de la conscience de classe. Et puis, les sentiments évoluent. De moins en moins de gens déclarent appartenir à la classe moyenne, et se sentent désormais appartenir aux classes modestes. Enfin, ces enquêtes montrent que les classes sociales aisées ont plus de conscience de classe que les autres. En termes marxistes, cela dit bien que la bourgeoisie a une conscience de classe plus établie que le prolétariat. Finalement, la sociologie n'appuie pas vraiment cette théorie de la disparition de la lutte des classes. En réalité, la lutte des classes n'a évidemment jamais disparu. C'est seulement la conscience de classe qui, à un moment, a baissé. Si celle-ci a fléchi depuis les années 1990, c'est pour plusieurs raisons. Déjà, l'offensive néolibérale a conduit au triomphe de l'idéologie individualiste, qui est évidemment le premier ennemi de la conscience de classe. Impossible de se sentir appartenir à un collectif quand la société vous répète que vous n'êtes qu'un individu isolé, y compris dans le travail. Ainsi, la flexibilisation et l'ubérisation du travail ont brisé les lieux de socialisation et les possibilités de lutte collective. Ensuite, les partis politiques censés représenter les classes travailleuses et mener la lutte, comme il fut un temps, le Parti Socialiste, ont trahi les classes populaires en menant des politiques libérales et antisociales. Les syndicats, quant à eux, privilégient le dialogue social à la lutte des classes, ce qui les éloigne peu à peu des revendications et de l'efficacité politique. Enfin, c'est souvent la bourgeoisie elle-même qui a répété que la lutte des classes avait disparu. Une stratégie bien maligne pour étouffer toute contestation sociale et brimer la conscience de classe. Là encore, La bourgeoisie a réussi à imposer son narratif, son idéologie dominante, afin de consolider son propre pouvoir. Aujourd'hui, une grande partie de la bourgeoisie a bien conscience d'elle-même et n'hésite pas à défendre ses intérêts. Ainsi, la mobilisation contre l'attaque Zucman et la condamnation de Nicolas Sarkozy sont à la fois des symptômes de la conscience de classe bourgeoise et des événements qui permettent de la renforcer. Et comme Sébastien Lecornu a montré qu'il ne changerait pas l'orientation politique de la Macronie, la classe bourgeoise risque de sortir encore plus soudée et puissante qu'avant. Il faut donc qu'il y ait symétriquement un sursaut de la conscience de classe prolétaire. Pour cela, il faut que la lutte continue, qu'elle devienne un grand mouvement de grève générale, un lieu de sociabilisation et de création du collectif. Le comportement de la classe dominante face à l'attaque Zucman et à la condamnation de Sarkozy doit être un catalyseur, le moteur d'une révolte et d'une prise de conscience. Car comme le dit Marx, les individus ne constituent une classe que pour autant qu'ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre classe. Karl Marx a prédit qu'un jour, une révolution permettrait de mettre fin à la lutte des classes en atteignant l'égalité au sein d'une société sans classe. On l'espère. En attendant, remobilisons-nous pour bloquons tout et n'oublions pas Prétendre que la lutte des classes a disparu, c'est assurer la domination de la classe bourgeoise. Rappelez-vous ça quand les commentateurs affirmeront dès demain soir que la mobilisation est un échec. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier... Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

Description

Face la taxe Zucman, et à la condamnation de Nicolas Sarkozy , la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre, pour protester contre la politique d’austérité et l’autoritarisme d’Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d’un retour des classes sociales, de la conscience de classe, et de la lutte des classes ?

L’occasion de revenir aux fondamentaux de la philosophie de Karl Marx.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page .

💜 Merci pour votre soutien !


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Un grand merci aux tipeur-ses : Anne-Cécile, Didier, Mailys, Barthélémy, Olivier, Romain, Cédric, Quentin, Charlély, Antony, Aurélie, Claire, Paul, Erwan, Guillaume, Claudia, Lionel, Yves, Denis, M2linée, Marie Vincent, Olivier, Kilian, Anthony, Nicolas, Rémi, Béatrice, Damien, Mathilde, Anouk, David, Elodie, Vivien, Franck, Tiphaine, Margaux, Alix, Maya, Olivier, Juliette, Jonathan, Yacine, Arnaud, Bruno, Quentin, Augustin, Anaïs, Laurent, Nicolas, Alexandre, Gauthier, Khadija, Charles, Solène, Yoann, Juliette, Florence, Charles, Benjamin, Bastien, Jean-Charles, Anne, Florian, Etienne, Céline, Yvan, Antoine, Thomas, Eric, Matthieu, Clément, Anouck, Jean-François, Louise, Etienne, Francisco, Yoann, Tristan, Maud, Nathalie, Marc, Margot.

C'est grâce à vous que le podcast existe 💜


Etudes citées dans l'épisode :

  • Pélage, Agnès, et Tristan Poullaouec. « La France « d’en bas » qu’on regarde “d’en haut” ». En quête d’appartenances, Ined Éditions, 2009

  • "Au-delà du niveau de revenu, l’identification aux classes moyennes joue sur les attentes en matière de politiques sociales", DREES, novembre 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Face à la taxe Zucman et à la condamnation de Nicolas Sarkozy, la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre pour protester contre la politique d'austérité et l'autoritarisme d'Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d'un retour des classes sociales, de la conscience de classe et de la lutte des classes ? On en parle avec Karl Marx. Je suis Alice de Rochechouart. Et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre Privilège aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien ! En ce moment... Plusieurs événements donnent l'impression qu'on est vraiment revenu à une lutte des classes, au sens marxiste du terme. Tout en haut, les classes aisées semblent resserrer les rangs contre ce qu'elles perçoivent comme des offensives économiques et politiques. La taxe Zucman, cet impôt planché de 2% sur la fortune des ultra-riches, serait une offensive économique contre la bourgeoisie tout entière. Alors que cette taxe ne concernerait que 1800 foyers, elle suscite des levées de boucliers auprès de la classe dominante. qui craint évidemment que cette taxe s'étende jusqu'à les concerner eux. Et puis, il y aurait une offensive politique. La condamnation de Nicolas Sarkozy à 50 prisons fermes dans l'affaire du financement de sa campagne électorale par le dictateur sanguinaire libyen Kadhafi a conduit de nombreux commentateurs politiques à parler de tyrannie des juges. Par exemple, le journal du dimanche n'hésite pas à comparer Nicolas Sarkozy au comte de Monte-Cristo et interview le président qui déclare « Ce combat, je le mène pour l'état de droit » . Rappelons que le journal appartient à Vincent Bolloré, qui avait accueilli l'ancien président déchu sur son yacht avant sa campagne électorale. Même Marine Le Pen a défendu celui qui est pourtant son ennemi politique. Évidemment, comme elle est elle-même empêtrée dans l'affaire des détournements de fonds du Parlement européen, elle a tout intérêt à dénoncer un complot judiciaire. Il faut dire que la classe dominante n'est pas habituée à aller en prison même quand elle est condamnée. Or cette fois-ci, Nicolas Sarkozy devrait être véritablement incarcéré. De quoi faire trembler une classe politique cernée par les procès. La classe dominante semble donc faire front uni contre ces menaces à sa toute puissance. Au même moment, le mouvement Bloquons Tout entame sa troisième semaine de mobilisation après des rencontres avec le Premier ministre qui, sans surprise, ont été infructueuses. Sébastien Lecornu a enterré la taxe Zucman, il rejette toute possibilité de l'abrogation de la réforme des retraites et il perpétue le plan d'austérité entamé par son prédécesseur François Bayrou. Alors, toutes les organisations syndicales ont appelé à faire grève dès demain et de nombreux mouvements citoyens spontanés prévoient des actions de blocage partout en France. À l'autre bout de l'échelle sociale, on a donc aussi l'impression d'assister au retour d'une conscience de classe sociale. C'est eux... Contre nous, les deux camps se renforcent. Est-ce le retour de la lutte des classes ? La classe sociale et la lutte des classes sont des notions centrales de la philosophie de Karl Marx. Bien qu'il ne les ait pas inventées, il les a considérablement étoffées et définies. Aussi, je vous propose de revenir à ces fondamentaux du marxisme. Pour Marx, La société est structurée par les rapports de production. En gros, qui possède les moyens de production, c'est-à-dire le capital, et qui travaille. C'est ce qu'il appelle l'infrastructure. La façon dont l'économie est structurée va conduire à une certaine organisation sociale, à une répartition de la population en plusieurs groupes. Ces groupes, ce sont les classes sociales. D'un côté, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production et exploite des gens pour travailler à sa place. De l'autre, le prolétariat, qui ne possède que sa force de travail et est donc obligé de travailler pour subsister. Attention, Marx n'a jamais dit qu'il y avait uniquement deux classes sociales qui formeraient deux gros blocs homogènes. Il a au contraire décrit d'autres classes sociales, comme la petite bourgeoisie ou encore le sous-prolétariat. Cependant, il met l'accent sur la bourgeoisie et le prolétariat, qui sont les deux pôles qui entrent le plus en confrontation à l'ère du capitalisme. Les classes sociales sont donc définies de manière objective par l'infrastructure. Si l'on possède les moyens de production, on est bourgeois, sinon on est prolétaire. Je schématise. Cette organisation économique va ensuite déterminer la superstructure, c'est-à-dire l'ensemble des institutions politiques, la culture et l'idéologie au sein de la société. Par exemple, la bourgeoisie va mettre en place des institutions qui garantissent la propriété de ses biens et diffuser une idéologie qui va légitimer les inégalités. En fait, la bourgeoisie prend peu à peu conscience qu'elle partage des intérêts communs avec les autres membres de son groupe. Et elle s'organise afin d'imposer l'idéologie dominante et de légitimer son pouvoir. Au début, un groupe est une classe en soi. C'est-à-dire qu'il est défini par des critères objectifs, extérieurs. Mais les gens n'ont pas forcément conscience d'appartenir à ce groupe. Et parfois, ce groupe devient une classe sociale pour soi. Les individus ont alors conscience d'appartenir au même groupe. ils prennent conscience d'eux-mêmes de leurs intérêts communs. C'est la naissance de la conscience de classe. Mais comment se construit cette conscience de classe ? Comment devenir une classe pour soi ? Je récapitule. Chez Marx, les classes sociales existent de manière objective, qu'on en ait conscience ou non, et elles sont définies par les structures économiques. La difficulté, c'est de devenir un groupe conscient de lui-même, de développer une conscience de classe. Or, la bourgeoisie y est parvenue à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, précisément en défendant ses intérêts contre l'aristocratie. En France, c'est en luttant contre les privilèges de la noblesse que la bourgeoisie est devenue une classe pour soi. Cela lui a permis de conquérir le pouvoir et d'imposer son idéologie à la société tout entière, en particulier la méritocratie. et l'individualisme. En fait, la conscience de classe, c'est toujours le produit d'une lutte et d'un combat politique. Et comme l'objectif de la philosophie marxiste, aussi bien chez Marx que chez ses successeurs, c'est que le prolétariat acquiert cette conscience de classe, il va falloir lutter. Le prolétariat parviendra à la conscience de classe grâce à la lutte. Et pour cela, il va d'abord falloir des moments galvanisants. des grèves, des conflits sociaux pour conquérir de nouveaux droits ou protester contre des conditions de travail ou d'existence. L'effervescence de la lutte et le contact avec ses camarades va permettre une prise de conscience progressive de sa situation et de son appartenance à une classe sociale dominée et surtout, cela va ouvrir la voie à une remise en question de l'ordre existant. Cependant, l'effervescence de ces moments de lutte peut rapidement retomber et il doit donc être suivi d'organisations politiques notamment dans les partis et les syndicats. Car la lutte est permanente, elle ne peut pas prendre fin en un jour. C'est pour cette raison que Marx affirme que la lutte des classes est le moteur de l'histoire. Ainsi, la conscience de classe se construit dans le combat politique, c'est-à-dire dans la lutte des classes. Alors, est-ce ce à quoi on assiste aujourd'hui ? Ou les classes sociales ont-elles disparu au profit d'une grande classe moyenne, comme on l'entend parfois ? On entend souvent que la lutte des classes serait peu à peu retombée dans la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, la période des Trente Glorieuses, juste après la Deuxième Guerre mondiale, a été marquée par une forte croissance économique, le plein emploi et la mise en place de l'État-providence, ce qui a conduit à une augmentation générale du niveau de vie et à la baisse des inégalités. C'est à ce moment qu'on se met à parler de « moyennisation » . La majorité de la population appartiendrait désormais à une vaste classe moyenne. Ce qui mettrait plus ou moins fin à la lutte des classes. Est-ce vrai ? Pas totalement. Certes, en 2024, plus de la moitié des gens déclarent appartenir à la classe moyenne. Mais regardons de plus près. Ces enquêtes sociologiques font en fait une distinction entre classe moyenne inférieure et classe moyenne supérieure. Cela montre bien que la classe moyenne n'est pas du tout homogène, qu'elle est elle-même subdivisée et que finalement, le terme ne dit pas grand-chose. Ces enquêtes... distingue en réalité cinq catégories sociales, ce qui est totalement conforme avec l'analyse de Marx. Et puis, les théories de la moyennisation et de la disparition des classes sociales est d'autant plus contestée que les inégalités remontent depuis la fin des années 1990. Et depuis le début des années 2000, on parle ainsi plutôt de retour des classes sociales. Les enquêtes montrent que la moitié des gens ont encore le sentiment d'appartenir à une classe. Certes, Cela a baissé par rapport aux années 60-70, pendant lesquelles c'était plutôt deux tiers des gens. Mais ce n'est pas non plus un effondrement, et il paraît totalement excessif de parler de la disparition de la conscience de classe. Et puis, les sentiments évoluent. De moins en moins de gens déclarent appartenir à la classe moyenne, et se sentent désormais appartenir aux classes modestes. Enfin, ces enquêtes montrent que les classes sociales aisées ont plus de conscience de classe que les autres. En termes marxistes, cela dit bien que la bourgeoisie a une conscience de classe plus établie que le prolétariat. Finalement, la sociologie n'appuie pas vraiment cette théorie de la disparition de la lutte des classes. En réalité, la lutte des classes n'a évidemment jamais disparu. C'est seulement la conscience de classe qui, à un moment, a baissé. Si celle-ci a fléchi depuis les années 1990, c'est pour plusieurs raisons. Déjà, l'offensive néolibérale a conduit au triomphe de l'idéologie individualiste, qui est évidemment le premier ennemi de la conscience de classe. Impossible de se sentir appartenir à un collectif quand la société vous répète que vous n'êtes qu'un individu isolé, y compris dans le travail. Ainsi, la flexibilisation et l'ubérisation du travail ont brisé les lieux de socialisation et les possibilités de lutte collective. Ensuite, les partis politiques censés représenter les classes travailleuses et mener la lutte, comme il fut un temps, le Parti Socialiste, ont trahi les classes populaires en menant des politiques libérales et antisociales. Les syndicats, quant à eux, privilégient le dialogue social à la lutte des classes, ce qui les éloigne peu à peu des revendications et de l'efficacité politique. Enfin, c'est souvent la bourgeoisie elle-même qui a répété que la lutte des classes avait disparu. Une stratégie bien maligne pour étouffer toute contestation sociale et brimer la conscience de classe. Là encore, La bourgeoisie a réussi à imposer son narratif, son idéologie dominante, afin de consolider son propre pouvoir. Aujourd'hui, une grande partie de la bourgeoisie a bien conscience d'elle-même et n'hésite pas à défendre ses intérêts. Ainsi, la mobilisation contre l'attaque Zucman et la condamnation de Nicolas Sarkozy sont à la fois des symptômes de la conscience de classe bourgeoise et des événements qui permettent de la renforcer. Et comme Sébastien Lecornu a montré qu'il ne changerait pas l'orientation politique de la Macronie, la classe bourgeoise risque de sortir encore plus soudée et puissante qu'avant. Il faut donc qu'il y ait symétriquement un sursaut de la conscience de classe prolétaire. Pour cela, il faut que la lutte continue, qu'elle devienne un grand mouvement de grève générale, un lieu de sociabilisation et de création du collectif. Le comportement de la classe dominante face à l'attaque Zucman et à la condamnation de Sarkozy doit être un catalyseur, le moteur d'une révolte et d'une prise de conscience. Car comme le dit Marx, les individus ne constituent une classe que pour autant qu'ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre classe. Karl Marx a prédit qu'un jour, une révolution permettrait de mettre fin à la lutte des classes en atteignant l'égalité au sein d'une société sans classe. On l'espère. En attendant, remobilisons-nous pour bloquons tout et n'oublions pas Prétendre que la lutte des classes a disparu, c'est assurer la domination de la classe bourgeoise. Rappelez-vous ça quand les commentateurs affirmeront dès demain soir que la mobilisation est un échec. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier... Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Face la taxe Zucman, et à la condamnation de Nicolas Sarkozy , la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre, pour protester contre la politique d’austérité et l’autoritarisme d’Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d’un retour des classes sociales, de la conscience de classe, et de la lutte des classes ?

L’occasion de revenir aux fondamentaux de la philosophie de Karl Marx.


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Un grand merci aux tipeur-ses : Anne-Cécile, Didier, Mailys, Barthélémy, Olivier, Romain, Cédric, Quentin, Charlély, Antony, Aurélie, Claire, Paul, Erwan, Guillaume, Claudia, Lionel, Yves, Denis, M2linée, Marie Vincent, Olivier, Kilian, Anthony, Nicolas, Rémi, Béatrice, Damien, Mathilde, Anouk, David, Elodie, Vivien, Franck, Tiphaine, Margaux, Alix, Maya, Olivier, Juliette, Jonathan, Yacine, Arnaud, Bruno, Quentin, Augustin, Anaïs, Laurent, Nicolas, Alexandre, Gauthier, Khadija, Charles, Solène, Yoann, Juliette, Florence, Charles, Benjamin, Bastien, Jean-Charles, Anne, Florian, Etienne, Céline, Yvan, Antoine, Thomas, Eric, Matthieu, Clément, Anouck, Jean-François, Louise, Etienne, Francisco, Yoann, Tristan, Maud, Nathalie, Marc, Margot.

C'est grâce à vous que le podcast existe 💜


Etudes citées dans l'épisode :

  • Pélage, Agnès, et Tristan Poullaouec. « La France « d’en bas » qu’on regarde “d’en haut” ». En quête d’appartenances, Ined Éditions, 2009

  • "Au-delà du niveau de revenu, l’identification aux classes moyennes joue sur les attentes en matière de politiques sociales", DREES, novembre 2024


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Face à la taxe Zucman et à la condamnation de Nicolas Sarkozy, la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre pour protester contre la politique d'austérité et l'autoritarisme d'Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d'un retour des classes sociales, de la conscience de classe et de la lutte des classes ? On en parle avec Karl Marx. Je suis Alice de Rochechouart. Et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre Privilège aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien ! En ce moment... Plusieurs événements donnent l'impression qu'on est vraiment revenu à une lutte des classes, au sens marxiste du terme. Tout en haut, les classes aisées semblent resserrer les rangs contre ce qu'elles perçoivent comme des offensives économiques et politiques. La taxe Zucman, cet impôt planché de 2% sur la fortune des ultra-riches, serait une offensive économique contre la bourgeoisie tout entière. Alors que cette taxe ne concernerait que 1800 foyers, elle suscite des levées de boucliers auprès de la classe dominante. qui craint évidemment que cette taxe s'étende jusqu'à les concerner eux. Et puis, il y aurait une offensive politique. La condamnation de Nicolas Sarkozy à 50 prisons fermes dans l'affaire du financement de sa campagne électorale par le dictateur sanguinaire libyen Kadhafi a conduit de nombreux commentateurs politiques à parler de tyrannie des juges. Par exemple, le journal du dimanche n'hésite pas à comparer Nicolas Sarkozy au comte de Monte-Cristo et interview le président qui déclare « Ce combat, je le mène pour l'état de droit » . Rappelons que le journal appartient à Vincent Bolloré, qui avait accueilli l'ancien président déchu sur son yacht avant sa campagne électorale. Même Marine Le Pen a défendu celui qui est pourtant son ennemi politique. Évidemment, comme elle est elle-même empêtrée dans l'affaire des détournements de fonds du Parlement européen, elle a tout intérêt à dénoncer un complot judiciaire. Il faut dire que la classe dominante n'est pas habituée à aller en prison même quand elle est condamnée. Or cette fois-ci, Nicolas Sarkozy devrait être véritablement incarcéré. De quoi faire trembler une classe politique cernée par les procès. La classe dominante semble donc faire front uni contre ces menaces à sa toute puissance. Au même moment, le mouvement Bloquons Tout entame sa troisième semaine de mobilisation après des rencontres avec le Premier ministre qui, sans surprise, ont été infructueuses. Sébastien Lecornu a enterré la taxe Zucman, il rejette toute possibilité de l'abrogation de la réforme des retraites et il perpétue le plan d'austérité entamé par son prédécesseur François Bayrou. Alors, toutes les organisations syndicales ont appelé à faire grève dès demain et de nombreux mouvements citoyens spontanés prévoient des actions de blocage partout en France. À l'autre bout de l'échelle sociale, on a donc aussi l'impression d'assister au retour d'une conscience de classe sociale. C'est eux... Contre nous, les deux camps se renforcent. Est-ce le retour de la lutte des classes ? La classe sociale et la lutte des classes sont des notions centrales de la philosophie de Karl Marx. Bien qu'il ne les ait pas inventées, il les a considérablement étoffées et définies. Aussi, je vous propose de revenir à ces fondamentaux du marxisme. Pour Marx, La société est structurée par les rapports de production. En gros, qui possède les moyens de production, c'est-à-dire le capital, et qui travaille. C'est ce qu'il appelle l'infrastructure. La façon dont l'économie est structurée va conduire à une certaine organisation sociale, à une répartition de la population en plusieurs groupes. Ces groupes, ce sont les classes sociales. D'un côté, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production et exploite des gens pour travailler à sa place. De l'autre, le prolétariat, qui ne possède que sa force de travail et est donc obligé de travailler pour subsister. Attention, Marx n'a jamais dit qu'il y avait uniquement deux classes sociales qui formeraient deux gros blocs homogènes. Il a au contraire décrit d'autres classes sociales, comme la petite bourgeoisie ou encore le sous-prolétariat. Cependant, il met l'accent sur la bourgeoisie et le prolétariat, qui sont les deux pôles qui entrent le plus en confrontation à l'ère du capitalisme. Les classes sociales sont donc définies de manière objective par l'infrastructure. Si l'on possède les moyens de production, on est bourgeois, sinon on est prolétaire. Je schématise. Cette organisation économique va ensuite déterminer la superstructure, c'est-à-dire l'ensemble des institutions politiques, la culture et l'idéologie au sein de la société. Par exemple, la bourgeoisie va mettre en place des institutions qui garantissent la propriété de ses biens et diffuser une idéologie qui va légitimer les inégalités. En fait, la bourgeoisie prend peu à peu conscience qu'elle partage des intérêts communs avec les autres membres de son groupe. Et elle s'organise afin d'imposer l'idéologie dominante et de légitimer son pouvoir. Au début, un groupe est une classe en soi. C'est-à-dire qu'il est défini par des critères objectifs, extérieurs. Mais les gens n'ont pas forcément conscience d'appartenir à ce groupe. Et parfois, ce groupe devient une classe sociale pour soi. Les individus ont alors conscience d'appartenir au même groupe. ils prennent conscience d'eux-mêmes de leurs intérêts communs. C'est la naissance de la conscience de classe. Mais comment se construit cette conscience de classe ? Comment devenir une classe pour soi ? Je récapitule. Chez Marx, les classes sociales existent de manière objective, qu'on en ait conscience ou non, et elles sont définies par les structures économiques. La difficulté, c'est de devenir un groupe conscient de lui-même, de développer une conscience de classe. Or, la bourgeoisie y est parvenue à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, précisément en défendant ses intérêts contre l'aristocratie. En France, c'est en luttant contre les privilèges de la noblesse que la bourgeoisie est devenue une classe pour soi. Cela lui a permis de conquérir le pouvoir et d'imposer son idéologie à la société tout entière, en particulier la méritocratie. et l'individualisme. En fait, la conscience de classe, c'est toujours le produit d'une lutte et d'un combat politique. Et comme l'objectif de la philosophie marxiste, aussi bien chez Marx que chez ses successeurs, c'est que le prolétariat acquiert cette conscience de classe, il va falloir lutter. Le prolétariat parviendra à la conscience de classe grâce à la lutte. Et pour cela, il va d'abord falloir des moments galvanisants. des grèves, des conflits sociaux pour conquérir de nouveaux droits ou protester contre des conditions de travail ou d'existence. L'effervescence de la lutte et le contact avec ses camarades va permettre une prise de conscience progressive de sa situation et de son appartenance à une classe sociale dominée et surtout, cela va ouvrir la voie à une remise en question de l'ordre existant. Cependant, l'effervescence de ces moments de lutte peut rapidement retomber et il doit donc être suivi d'organisations politiques notamment dans les partis et les syndicats. Car la lutte est permanente, elle ne peut pas prendre fin en un jour. C'est pour cette raison que Marx affirme que la lutte des classes est le moteur de l'histoire. Ainsi, la conscience de classe se construit dans le combat politique, c'est-à-dire dans la lutte des classes. Alors, est-ce ce à quoi on assiste aujourd'hui ? Ou les classes sociales ont-elles disparu au profit d'une grande classe moyenne, comme on l'entend parfois ? On entend souvent que la lutte des classes serait peu à peu retombée dans la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, la période des Trente Glorieuses, juste après la Deuxième Guerre mondiale, a été marquée par une forte croissance économique, le plein emploi et la mise en place de l'État-providence, ce qui a conduit à une augmentation générale du niveau de vie et à la baisse des inégalités. C'est à ce moment qu'on se met à parler de « moyennisation » . La majorité de la population appartiendrait désormais à une vaste classe moyenne. Ce qui mettrait plus ou moins fin à la lutte des classes. Est-ce vrai ? Pas totalement. Certes, en 2024, plus de la moitié des gens déclarent appartenir à la classe moyenne. Mais regardons de plus près. Ces enquêtes sociologiques font en fait une distinction entre classe moyenne inférieure et classe moyenne supérieure. Cela montre bien que la classe moyenne n'est pas du tout homogène, qu'elle est elle-même subdivisée et que finalement, le terme ne dit pas grand-chose. Ces enquêtes... distingue en réalité cinq catégories sociales, ce qui est totalement conforme avec l'analyse de Marx. Et puis, les théories de la moyennisation et de la disparition des classes sociales est d'autant plus contestée que les inégalités remontent depuis la fin des années 1990. Et depuis le début des années 2000, on parle ainsi plutôt de retour des classes sociales. Les enquêtes montrent que la moitié des gens ont encore le sentiment d'appartenir à une classe. Certes, Cela a baissé par rapport aux années 60-70, pendant lesquelles c'était plutôt deux tiers des gens. Mais ce n'est pas non plus un effondrement, et il paraît totalement excessif de parler de la disparition de la conscience de classe. Et puis, les sentiments évoluent. De moins en moins de gens déclarent appartenir à la classe moyenne, et se sentent désormais appartenir aux classes modestes. Enfin, ces enquêtes montrent que les classes sociales aisées ont plus de conscience de classe que les autres. En termes marxistes, cela dit bien que la bourgeoisie a une conscience de classe plus établie que le prolétariat. Finalement, la sociologie n'appuie pas vraiment cette théorie de la disparition de la lutte des classes. En réalité, la lutte des classes n'a évidemment jamais disparu. C'est seulement la conscience de classe qui, à un moment, a baissé. Si celle-ci a fléchi depuis les années 1990, c'est pour plusieurs raisons. Déjà, l'offensive néolibérale a conduit au triomphe de l'idéologie individualiste, qui est évidemment le premier ennemi de la conscience de classe. Impossible de se sentir appartenir à un collectif quand la société vous répète que vous n'êtes qu'un individu isolé, y compris dans le travail. Ainsi, la flexibilisation et l'ubérisation du travail ont brisé les lieux de socialisation et les possibilités de lutte collective. Ensuite, les partis politiques censés représenter les classes travailleuses et mener la lutte, comme il fut un temps, le Parti Socialiste, ont trahi les classes populaires en menant des politiques libérales et antisociales. Les syndicats, quant à eux, privilégient le dialogue social à la lutte des classes, ce qui les éloigne peu à peu des revendications et de l'efficacité politique. Enfin, c'est souvent la bourgeoisie elle-même qui a répété que la lutte des classes avait disparu. Une stratégie bien maligne pour étouffer toute contestation sociale et brimer la conscience de classe. Là encore, La bourgeoisie a réussi à imposer son narratif, son idéologie dominante, afin de consolider son propre pouvoir. Aujourd'hui, une grande partie de la bourgeoisie a bien conscience d'elle-même et n'hésite pas à défendre ses intérêts. Ainsi, la mobilisation contre l'attaque Zucman et la condamnation de Nicolas Sarkozy sont à la fois des symptômes de la conscience de classe bourgeoise et des événements qui permettent de la renforcer. Et comme Sébastien Lecornu a montré qu'il ne changerait pas l'orientation politique de la Macronie, la classe bourgeoise risque de sortir encore plus soudée et puissante qu'avant. Il faut donc qu'il y ait symétriquement un sursaut de la conscience de classe prolétaire. Pour cela, il faut que la lutte continue, qu'elle devienne un grand mouvement de grève générale, un lieu de sociabilisation et de création du collectif. Le comportement de la classe dominante face à l'attaque Zucman et à la condamnation de Sarkozy doit être un catalyseur, le moteur d'une révolte et d'une prise de conscience. Car comme le dit Marx, les individus ne constituent une classe que pour autant qu'ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre classe. Karl Marx a prédit qu'un jour, une révolution permettrait de mettre fin à la lutte des classes en atteignant l'égalité au sein d'une société sans classe. On l'espère. En attendant, remobilisons-nous pour bloquons tout et n'oublions pas Prétendre que la lutte des classes a disparu, c'est assurer la domination de la classe bourgeoise. Rappelez-vous ça quand les commentateurs affirmeront dès demain soir que la mobilisation est un échec. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier... Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

Description

Face la taxe Zucman, et à la condamnation de Nicolas Sarkozy , la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre, pour protester contre la politique d’austérité et l’autoritarisme d’Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d’un retour des classes sociales, de la conscience de classe, et de la lutte des classes ?

L’occasion de revenir aux fondamentaux de la philosophie de Karl Marx.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

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Etudes citées dans l'épisode :

  • Pélage, Agnès, et Tristan Poullaouec. « La France « d’en bas » qu’on regarde “d’en haut” ». En quête d’appartenances, Ined Éditions, 2009

  • "Au-delà du niveau de revenu, l’identification aux classes moyennes joue sur les attentes en matière de politiques sociales", DREES, novembre 2024


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  • Speaker #0

    Face à la taxe Zucman et à la condamnation de Nicolas Sarkozy, la classe dominante fait front. Parallèlement, le mouvement Bloquons Tout recommence dès le 2 octobre pour protester contre la politique d'austérité et l'autoritarisme d'Emmanuel Macron. Ces deux dynamiques témoignent-elles d'un retour des classes sociales, de la conscience de classe et de la lutte des classes ? On en parle avec Karl Marx. Je suis Alice de Rochechouart. Et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don en cliquant sur la page indiquée en description. Et bien sûr, vous pouvez aussi acheter mon livre Privilège aux éditions J.C. Lattès. Merci pour votre soutien ! En ce moment... Plusieurs événements donnent l'impression qu'on est vraiment revenu à une lutte des classes, au sens marxiste du terme. Tout en haut, les classes aisées semblent resserrer les rangs contre ce qu'elles perçoivent comme des offensives économiques et politiques. La taxe Zucman, cet impôt planché de 2% sur la fortune des ultra-riches, serait une offensive économique contre la bourgeoisie tout entière. Alors que cette taxe ne concernerait que 1800 foyers, elle suscite des levées de boucliers auprès de la classe dominante. qui craint évidemment que cette taxe s'étende jusqu'à les concerner eux. Et puis, il y aurait une offensive politique. La condamnation de Nicolas Sarkozy à 50 prisons fermes dans l'affaire du financement de sa campagne électorale par le dictateur sanguinaire libyen Kadhafi a conduit de nombreux commentateurs politiques à parler de tyrannie des juges. Par exemple, le journal du dimanche n'hésite pas à comparer Nicolas Sarkozy au comte de Monte-Cristo et interview le président qui déclare « Ce combat, je le mène pour l'état de droit » . Rappelons que le journal appartient à Vincent Bolloré, qui avait accueilli l'ancien président déchu sur son yacht avant sa campagne électorale. Même Marine Le Pen a défendu celui qui est pourtant son ennemi politique. Évidemment, comme elle est elle-même empêtrée dans l'affaire des détournements de fonds du Parlement européen, elle a tout intérêt à dénoncer un complot judiciaire. Il faut dire que la classe dominante n'est pas habituée à aller en prison même quand elle est condamnée. Or cette fois-ci, Nicolas Sarkozy devrait être véritablement incarcéré. De quoi faire trembler une classe politique cernée par les procès. La classe dominante semble donc faire front uni contre ces menaces à sa toute puissance. Au même moment, le mouvement Bloquons Tout entame sa troisième semaine de mobilisation après des rencontres avec le Premier ministre qui, sans surprise, ont été infructueuses. Sébastien Lecornu a enterré la taxe Zucman, il rejette toute possibilité de l'abrogation de la réforme des retraites et il perpétue le plan d'austérité entamé par son prédécesseur François Bayrou. Alors, toutes les organisations syndicales ont appelé à faire grève dès demain et de nombreux mouvements citoyens spontanés prévoient des actions de blocage partout en France. À l'autre bout de l'échelle sociale, on a donc aussi l'impression d'assister au retour d'une conscience de classe sociale. C'est eux... Contre nous, les deux camps se renforcent. Est-ce le retour de la lutte des classes ? La classe sociale et la lutte des classes sont des notions centrales de la philosophie de Karl Marx. Bien qu'il ne les ait pas inventées, il les a considérablement étoffées et définies. Aussi, je vous propose de revenir à ces fondamentaux du marxisme. Pour Marx, La société est structurée par les rapports de production. En gros, qui possède les moyens de production, c'est-à-dire le capital, et qui travaille. C'est ce qu'il appelle l'infrastructure. La façon dont l'économie est structurée va conduire à une certaine organisation sociale, à une répartition de la population en plusieurs groupes. Ces groupes, ce sont les classes sociales. D'un côté, la bourgeoisie, qui possède les moyens de production et exploite des gens pour travailler à sa place. De l'autre, le prolétariat, qui ne possède que sa force de travail et est donc obligé de travailler pour subsister. Attention, Marx n'a jamais dit qu'il y avait uniquement deux classes sociales qui formeraient deux gros blocs homogènes. Il a au contraire décrit d'autres classes sociales, comme la petite bourgeoisie ou encore le sous-prolétariat. Cependant, il met l'accent sur la bourgeoisie et le prolétariat, qui sont les deux pôles qui entrent le plus en confrontation à l'ère du capitalisme. Les classes sociales sont donc définies de manière objective par l'infrastructure. Si l'on possède les moyens de production, on est bourgeois, sinon on est prolétaire. Je schématise. Cette organisation économique va ensuite déterminer la superstructure, c'est-à-dire l'ensemble des institutions politiques, la culture et l'idéologie au sein de la société. Par exemple, la bourgeoisie va mettre en place des institutions qui garantissent la propriété de ses biens et diffuser une idéologie qui va légitimer les inégalités. En fait, la bourgeoisie prend peu à peu conscience qu'elle partage des intérêts communs avec les autres membres de son groupe. Et elle s'organise afin d'imposer l'idéologie dominante et de légitimer son pouvoir. Au début, un groupe est une classe en soi. C'est-à-dire qu'il est défini par des critères objectifs, extérieurs. Mais les gens n'ont pas forcément conscience d'appartenir à ce groupe. Et parfois, ce groupe devient une classe sociale pour soi. Les individus ont alors conscience d'appartenir au même groupe. ils prennent conscience d'eux-mêmes de leurs intérêts communs. C'est la naissance de la conscience de classe. Mais comment se construit cette conscience de classe ? Comment devenir une classe pour soi ? Je récapitule. Chez Marx, les classes sociales existent de manière objective, qu'on en ait conscience ou non, et elles sont définies par les structures économiques. La difficulté, c'est de devenir un groupe conscient de lui-même, de développer une conscience de classe. Or, la bourgeoisie y est parvenue à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècle, précisément en défendant ses intérêts contre l'aristocratie. En France, c'est en luttant contre les privilèges de la noblesse que la bourgeoisie est devenue une classe pour soi. Cela lui a permis de conquérir le pouvoir et d'imposer son idéologie à la société tout entière, en particulier la méritocratie. et l'individualisme. En fait, la conscience de classe, c'est toujours le produit d'une lutte et d'un combat politique. Et comme l'objectif de la philosophie marxiste, aussi bien chez Marx que chez ses successeurs, c'est que le prolétariat acquiert cette conscience de classe, il va falloir lutter. Le prolétariat parviendra à la conscience de classe grâce à la lutte. Et pour cela, il va d'abord falloir des moments galvanisants. des grèves, des conflits sociaux pour conquérir de nouveaux droits ou protester contre des conditions de travail ou d'existence. L'effervescence de la lutte et le contact avec ses camarades va permettre une prise de conscience progressive de sa situation et de son appartenance à une classe sociale dominée et surtout, cela va ouvrir la voie à une remise en question de l'ordre existant. Cependant, l'effervescence de ces moments de lutte peut rapidement retomber et il doit donc être suivi d'organisations politiques notamment dans les partis et les syndicats. Car la lutte est permanente, elle ne peut pas prendre fin en un jour. C'est pour cette raison que Marx affirme que la lutte des classes est le moteur de l'histoire. Ainsi, la conscience de classe se construit dans le combat politique, c'est-à-dire dans la lutte des classes. Alors, est-ce ce à quoi on assiste aujourd'hui ? Ou les classes sociales ont-elles disparu au profit d'une grande classe moyenne, comme on l'entend parfois ? On entend souvent que la lutte des classes serait peu à peu retombée dans la deuxième moitié du XXe siècle. En effet, la période des Trente Glorieuses, juste après la Deuxième Guerre mondiale, a été marquée par une forte croissance économique, le plein emploi et la mise en place de l'État-providence, ce qui a conduit à une augmentation générale du niveau de vie et à la baisse des inégalités. C'est à ce moment qu'on se met à parler de « moyennisation » . La majorité de la population appartiendrait désormais à une vaste classe moyenne. Ce qui mettrait plus ou moins fin à la lutte des classes. Est-ce vrai ? Pas totalement. Certes, en 2024, plus de la moitié des gens déclarent appartenir à la classe moyenne. Mais regardons de plus près. Ces enquêtes sociologiques font en fait une distinction entre classe moyenne inférieure et classe moyenne supérieure. Cela montre bien que la classe moyenne n'est pas du tout homogène, qu'elle est elle-même subdivisée et que finalement, le terme ne dit pas grand-chose. Ces enquêtes... distingue en réalité cinq catégories sociales, ce qui est totalement conforme avec l'analyse de Marx. Et puis, les théories de la moyennisation et de la disparition des classes sociales est d'autant plus contestée que les inégalités remontent depuis la fin des années 1990. Et depuis le début des années 2000, on parle ainsi plutôt de retour des classes sociales. Les enquêtes montrent que la moitié des gens ont encore le sentiment d'appartenir à une classe. Certes, Cela a baissé par rapport aux années 60-70, pendant lesquelles c'était plutôt deux tiers des gens. Mais ce n'est pas non plus un effondrement, et il paraît totalement excessif de parler de la disparition de la conscience de classe. Et puis, les sentiments évoluent. De moins en moins de gens déclarent appartenir à la classe moyenne, et se sentent désormais appartenir aux classes modestes. Enfin, ces enquêtes montrent que les classes sociales aisées ont plus de conscience de classe que les autres. En termes marxistes, cela dit bien que la bourgeoisie a une conscience de classe plus établie que le prolétariat. Finalement, la sociologie n'appuie pas vraiment cette théorie de la disparition de la lutte des classes. En réalité, la lutte des classes n'a évidemment jamais disparu. C'est seulement la conscience de classe qui, à un moment, a baissé. Si celle-ci a fléchi depuis les années 1990, c'est pour plusieurs raisons. Déjà, l'offensive néolibérale a conduit au triomphe de l'idéologie individualiste, qui est évidemment le premier ennemi de la conscience de classe. Impossible de se sentir appartenir à un collectif quand la société vous répète que vous n'êtes qu'un individu isolé, y compris dans le travail. Ainsi, la flexibilisation et l'ubérisation du travail ont brisé les lieux de socialisation et les possibilités de lutte collective. Ensuite, les partis politiques censés représenter les classes travailleuses et mener la lutte, comme il fut un temps, le Parti Socialiste, ont trahi les classes populaires en menant des politiques libérales et antisociales. Les syndicats, quant à eux, privilégient le dialogue social à la lutte des classes, ce qui les éloigne peu à peu des revendications et de l'efficacité politique. Enfin, c'est souvent la bourgeoisie elle-même qui a répété que la lutte des classes avait disparu. Une stratégie bien maligne pour étouffer toute contestation sociale et brimer la conscience de classe. Là encore, La bourgeoisie a réussi à imposer son narratif, son idéologie dominante, afin de consolider son propre pouvoir. Aujourd'hui, une grande partie de la bourgeoisie a bien conscience d'elle-même et n'hésite pas à défendre ses intérêts. Ainsi, la mobilisation contre l'attaque Zucman et la condamnation de Nicolas Sarkozy sont à la fois des symptômes de la conscience de classe bourgeoise et des événements qui permettent de la renforcer. Et comme Sébastien Lecornu a montré qu'il ne changerait pas l'orientation politique de la Macronie, la classe bourgeoise risque de sortir encore plus soudée et puissante qu'avant. Il faut donc qu'il y ait symétriquement un sursaut de la conscience de classe prolétaire. Pour cela, il faut que la lutte continue, qu'elle devienne un grand mouvement de grève générale, un lieu de sociabilisation et de création du collectif. Le comportement de la classe dominante face à l'attaque Zucman et à la condamnation de Sarkozy doit être un catalyseur, le moteur d'une révolte et d'une prise de conscience. Car comme le dit Marx, les individus ne constituent une classe que pour autant qu'ils ont à soutenir une lutte commune contre une autre classe. Karl Marx a prédit qu'un jour, une révolution permettrait de mettre fin à la lutte des classes en atteignant l'égalité au sein d'une société sans classe. On l'espère. En attendant, remobilisons-nous pour bloquons tout et n'oublions pas Prétendre que la lutte des classes a disparu, c'est assurer la domination de la classe bourgeoise. Rappelez-vous ça quand les commentateurs affirmeront dès demain soir que la mobilisation est un échec. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram sur mon compte Alice de Rochechouart. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Un grand merci à Elodie, Alix, Bruno, Alexandre, Étienne, Barthélémy, Romain, Aurélie, Claire, Denis, Nicolas, Franck, Béatrice, Gauthier, Florence, Bastien, Florian, Tristan, Mathieu, Clément, Cédric, Laurent, Olivier... Agathe, Vincent, Antoine, Mathilde, Odile, Stéphanie, Julia, Lucille. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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