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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Lutte contre l'extrême-droite : une philosophie de la guérilla

Lutte contre l'extrême-droite : une philosophie de la guérilla

13min |12/02/2025
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13min |12/02/2025
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Description

Et si la philosophie permettait de repenser l'action politique ?


En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable, aux Etats-Unis ou en France. Politique internationale, droit des minorités, écologie : le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? Et si le modèle, c'était la guérilla ? On en parle avec le philosophe Miguel Benasayag.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram !


Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable aux États-Unis, en France et en Europe. Politique internationale, droit des minorités, écologie, le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? On en parle avec le philosophe Miguel Benassayag. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La période est sombre. Donald Trump multiplie les décisions antidémocratiques. Il annonce vouloir transformer la bande de Gaza en côte d'Azur et déporter les Palestiniens. Il purge ses administrations, réduit les droits des femmes, des personnes trans. La France n'est pas en reste. Le gouvernement accumule notamment les sorties nauséabondes sur l'immigration. Face à ces déclarations, difficile de réagir. On est choqué, sidéré, découragé devant la vitesse à laquelle se propage l'idéologie d'extrême droite. On oscille entre indignation et désespoir, entre colère et dégoût, entre énergie pour se battre et impression qu'il est déjà trop tard. Et vous savez quoi ? C'est l'exact but de cette stratégie. Connaissez-vous Steve Bannon ? Cet homme d'affaires a été le stratège politique de Donald Trump pendant son premier mandat. Et sa stratégie, c'était inonder la zone, noyer les médias en multipliant les outrances. Comme ils sont stupides et paresseux, explique Bannon, ils ne peuvent se concentrer que sur une seule chose à la fois. Car la véritable opposition, selon Bannon, ce ne sont pas les démocrates, ce sont les médias. Son but, c'est donc de casser les médias, de les dompter, en les bombardant d'actualité et en donnant une impression de puissance illimitée. C'est exactement ce que fait Donald Trump, en signant des décrets à répétition, même si ces décrets sont parfois anticonstitutionnels et ne pourront même pas être appliqués. En France, cette stratégie commence à faire des émules. Gérald Darmanin, par exemple, a déclaré cette phrase incroyable. « Être français, ce ne peut pas être le hasard de la naissance » . Je vous laisse essayer de vous rappeler le moment où, avant votre naissance, vous avez fait une demande de passeport français. Darmanin et Retailleau sont en train de remettre en question le droit du sol, affirmant que l'obtention de la nationalité française ne doit pas être automatique. Ce qui est déjà le cas. Être né en France ne confère pas automatiquement la nationalité, loin de là. Rassurez-vous, il y aura bientôt un épisode sur l'identité nationale. En tout cas, comme aux Etats-Unis, ces déclarations tonitruantes tordent le réel au nom d'une idéologie, occupent l'espace médiatique et empêchent toute construction politique. Ces propos inondent la zone et nous sommes submergés par les idées d'extrême droite. Alors que faire ? Comment lutter contre cette stratégie ? Et si on pensait la lutte comme une guérilla ? Le terme qui veut dire « petite guerre » date du début du XIXe siècle, quand les Espagnols se soulevaient contre l'armée napoléonienne. Mais cette technique de résistance est en réalité bien plus ancienne. C'est une résistance des faibles face aux forts. Une tentative de renverser une autorité établie avec de faibles moyens. Et c'est bien ce que nous vivons aujourd'hui. L'espace idéologique et médiatique devient de plus en plus réactionnaire et n'hésite pas à faire sien des thèmes historiquement d'extrême droite. Quand François Bayrou, prétendument centriste, parle de submersion migratoire ou de grand remplacement, quand Bruno Retailleau évoque les Français de papier, il reprenne le langage du Front National et la rhétorique d'extrême droite. Dans ce cadre, il devient de plus en plus difficile de faire entendre un discours alternatif. On est présenté comme un dangereux islamo-gauchiste dès qu'on rappelle les droits humains les plus fondamentaux. Alors, la guérilla consiste à adopter des stratégies d'embuscade, de sabotage, de harcèlement. La guérilla, c'est l'art du mouvement perpétuel, comme le disait Che Guevara. L'idée, c'est d'occuper l'espace, de résister. par une multitude d'actions ciblées. Le philosophe Miguel Benassayag a réfléchi à ces questions. Franco-argentin, il a d'ailleurs combattu aux côtés de Che Guevara en Argentine. Et Guerriero, dit-il, c'est le titre auquel il tient le plus. Bena Sayad s'est intéressé à ce sentiment d'impuissance généralisée. Nous vivons dans un monde où les menaces se multiplient. Menaces écologiques, politiques, épidémiologiques. Et pourtant, nous ne parvenons pas à agir. Nous sommes comme bloqués, sidérés. Et selon lui, cette impuissance, c'est le symptôme de l'effondrement de la conception moderne de l'individu. Un sujet maître de lui-même, parfaitement rationnel, pouvant modeler le monde selon son bon vouloir et doté d'une puissance sans limite. L'individu moderne obéit à une logique de l'efficacité, du contrôle. Tout est mesurable, tout est optimisable et chaque problème a une solution. Toutes nos existences sont désormais régies par l'injonction de bien fonctionner, d'être performants et nous passons notre temps à nous mesurer, à nous évaluer. Combien de calories, combien de pas, quelle fréquence cardiaque, quelle productivité au travail ? Nos vies sont devenues quantitatives, nous n'existons plus, nous fonctionnons. Alors, explique Bena Sayag, le seul objectif devient le bon fonctionnement. L'important, ce n'est pas l'humain, la construction d'une société en commun, mais la bonne marche d'un monde néolibéral. Et dans ce monde, dans cette logique comptable, nous nous décomposons, nous disparaissons. Nous nous effaçons. Le néolibéralisme a capturé notre puissance d'agir et en a fait un désir de consommation et de peur, nous dit-il. Alors, comment libérer la puissance d'agir ? Le problème, selon Bena Sayag, c'est que nous ne pouvons plus croire au futur. Avant, le futur était une promesse de progrès, d'amélioration, et les modèles politiques pouvaient promettre des lendemains qui chantent. Aujourd'hui, le futur est synonyme d'effondrement, de catastrophe. Il nous paralyse. Il faut donc trouver un autre moteur pour nos luttes. Et pour Bena Sayag, le moteur des luttes a changé de place. Il est ici et maintenant dans le présent. La question n'est pas comment le vaincre, mais comment résister au néolibéralisme. dans chacune de ces situations. Il y a, selon lui, plusieurs types de résistance. L'affrontement, d'abord, qui se confronte au pouvoir et qui est absolument nécessaire. Mais, ajoute-t-il, il ne suffit pas de s'opposer, par exemple à l'extrême droite. Le refus est essentiel, mais il doit s'accompagner d'un deuxième type de résistance, la résistance créatrice. Celle qui cherche à imaginer quelque chose de mieux, celle qui cherche à déployer, la puissance de l'imaginaire. Mais la difficulté, c'est qu'il ne faut pas retomber dans le piège de la quête du pouvoir et de la conquête. Il ne faut pas de modèle, de programme, de stratégie généralisée, sous peine, selon Benassayag, de revenir à une logique de domination, de totalisation, de maîtrise. Tout le problème, c'est de promouvoir un changement écologique et social sans retomber dans les logiques guerrières, destructrices, dominatrices. de l'agir politique tel qu'il a toujours été conçu. Autrement dit, on ne vaincra pas l'extrême droite en utilisant les mêmes armes qu'eux, car on risquerait de se perdre soi-même. C'est en cela que l'image de la guérilla est intéressante. Elle permet de penser la résistance autrement, c'est-à-dire comme une manière d'exister, de vivre. Car selon Benassayag, personne ne peut prédire ce qu'il se passera dans dix ou vingt ans. Tout ce qu'on sait, c'est que quand on résiste en créant, on peut développer la pensée, la solidarité et le commun. Cette proposition de Bena Sayag peut paraître un peu frustrante. Il précise lui-même que nous ne pouvons pas savoir si cette stratégie gagnera. Par contre, il nous invite à investir le temps présent, sans savoir de quoi demain sera fait. Il préconise d'abandonner toute vision englobante et préférer des actions locales, des expériences concrètes de vie alternative. De chercher tout ce qui crée du commun plutôt que du fragmenté. Il cite par exemple les ZAD, les coopératives ou encore plus récemment l'occupation à Paris du lieu culturel La Gaîté Lyrique par de jeunes mineurs exilés, les jeunes de Belleville. Pour Benassayag, il faudrait renoncer à l'utopie d'une victoire finale et penser la résistance dans, pour et par les situations que nous habitons. Il nous invite à repenser notre engagement comme une manière de vivre, d'exister, d'être au monde. De ce fait, il est très critique vis-à-vis du numérique, qui se déploie, selon lui, de manière totalitaire et transforme nos vies en algorithmes. Il a, je pense, en partie raison. En partie seulement. Car les réseaux sociaux peuvent être un formidable espace de guérilla. Un espace dominé par une idéologie d'extrême droite et par des milliardaires avides de pouvoir et de richesse, mais où peut s'organiser une résistance à la fois comme affrontement et comme créativité. La semaine dernière, la mobilisation sur les réseaux sociaux a permis de suspendre deux réformes du budget 2025. Une réforme fiscale qui risquait d'étrangler financièrement les auto-entrepreneurs, et la suppression de fonds pour la recherche contre les cancers pédiatriques. Et c'est bien une logique de guérilla qui a permis ce succès. Occuper l'espace jusqu'au harcèlement. En début de semaine, l'activiste écologiste Camille Etienne a posté un message sur les réseaux sociaux pour parler de cette difficulté. « Nos adversaires réussissent à nous mettre dans une position soit de réaction, soit de sidération » , explique-t-elle. Soit on est poussé à s'indigner de ce qu'il décide, soit on est poussé à se démobiliser. Nous nous laissons dicter notre agenda politique, médiatique et militant par nos adversaires. Alors, selon elle, il faut davantage lutter pour des propositions politiques concrètes. Elle évoque deux propositions de loi qui vont être examinées ces prochaines semaines. L'une visant à interdire les PFAS, ces polluants éternels, et obliger l'industrie chimique à payer la dépollution. L'autre visant à taxer les très grandes fortunes. Agir plutôt que réagir. Une stratégie des petits pas. Est-ce satisfaisant ? Est-ce possible pour nous de renoncer à l'idée d'une stratégie globale de conquête ? L'urgence n'exige-t-elle pas au contraire le déploiement d'un grand plan d'action dans lequel tous les moyens seraient bons ? Je ne sais pas. Il faut sans doute les deux. Mais je pense que la philosophie de Bena Sayag nous permet de repenser un front commun. Qu'elle donne de la valeur à des initiatives qui pourraient paraître dérisoires, ponctuelles, anecdotiques. Qu'elle nous permet de penser la résistance en dehors de la logique de parti, d'institution politique, et donc de décloisonner l'action, de ne pas la limiter à un petit groupe. Qu'elle repense l'importance de se lier les uns aux autres. Qu'elle nous redonne de la puissance d'agir en commun. Et en ce moment, on en a bien besoin. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, lefildactu.podcast. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Et un grand merci à Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie, Mathieu, Clément, Augustin. Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Étienne et Juliette. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

Description

Et si la philosophie permettait de repenser l'action politique ?


En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable, aux Etats-Unis ou en France. Politique internationale, droit des minorités, écologie : le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? Et si le modèle, c'était la guérilla ? On en parle avec le philosophe Miguel Benasayag.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


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Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable aux États-Unis, en France et en Europe. Politique internationale, droit des minorités, écologie, le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? On en parle avec le philosophe Miguel Benassayag. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La période est sombre. Donald Trump multiplie les décisions antidémocratiques. Il annonce vouloir transformer la bande de Gaza en côte d'Azur et déporter les Palestiniens. Il purge ses administrations, réduit les droits des femmes, des personnes trans. La France n'est pas en reste. Le gouvernement accumule notamment les sorties nauséabondes sur l'immigration. Face à ces déclarations, difficile de réagir. On est choqué, sidéré, découragé devant la vitesse à laquelle se propage l'idéologie d'extrême droite. On oscille entre indignation et désespoir, entre colère et dégoût, entre énergie pour se battre et impression qu'il est déjà trop tard. Et vous savez quoi ? C'est l'exact but de cette stratégie. Connaissez-vous Steve Bannon ? Cet homme d'affaires a été le stratège politique de Donald Trump pendant son premier mandat. Et sa stratégie, c'était inonder la zone, noyer les médias en multipliant les outrances. Comme ils sont stupides et paresseux, explique Bannon, ils ne peuvent se concentrer que sur une seule chose à la fois. Car la véritable opposition, selon Bannon, ce ne sont pas les démocrates, ce sont les médias. Son but, c'est donc de casser les médias, de les dompter, en les bombardant d'actualité et en donnant une impression de puissance illimitée. C'est exactement ce que fait Donald Trump, en signant des décrets à répétition, même si ces décrets sont parfois anticonstitutionnels et ne pourront même pas être appliqués. En France, cette stratégie commence à faire des émules. Gérald Darmanin, par exemple, a déclaré cette phrase incroyable. « Être français, ce ne peut pas être le hasard de la naissance » . Je vous laisse essayer de vous rappeler le moment où, avant votre naissance, vous avez fait une demande de passeport français. Darmanin et Retailleau sont en train de remettre en question le droit du sol, affirmant que l'obtention de la nationalité française ne doit pas être automatique. Ce qui est déjà le cas. Être né en France ne confère pas automatiquement la nationalité, loin de là. Rassurez-vous, il y aura bientôt un épisode sur l'identité nationale. En tout cas, comme aux Etats-Unis, ces déclarations tonitruantes tordent le réel au nom d'une idéologie, occupent l'espace médiatique et empêchent toute construction politique. Ces propos inondent la zone et nous sommes submergés par les idées d'extrême droite. Alors que faire ? Comment lutter contre cette stratégie ? Et si on pensait la lutte comme une guérilla ? Le terme qui veut dire « petite guerre » date du début du XIXe siècle, quand les Espagnols se soulevaient contre l'armée napoléonienne. Mais cette technique de résistance est en réalité bien plus ancienne. C'est une résistance des faibles face aux forts. Une tentative de renverser une autorité établie avec de faibles moyens. Et c'est bien ce que nous vivons aujourd'hui. L'espace idéologique et médiatique devient de plus en plus réactionnaire et n'hésite pas à faire sien des thèmes historiquement d'extrême droite. Quand François Bayrou, prétendument centriste, parle de submersion migratoire ou de grand remplacement, quand Bruno Retailleau évoque les Français de papier, il reprenne le langage du Front National et la rhétorique d'extrême droite. Dans ce cadre, il devient de plus en plus difficile de faire entendre un discours alternatif. On est présenté comme un dangereux islamo-gauchiste dès qu'on rappelle les droits humains les plus fondamentaux. Alors, la guérilla consiste à adopter des stratégies d'embuscade, de sabotage, de harcèlement. La guérilla, c'est l'art du mouvement perpétuel, comme le disait Che Guevara. L'idée, c'est d'occuper l'espace, de résister. par une multitude d'actions ciblées. Le philosophe Miguel Benassayag a réfléchi à ces questions. Franco-argentin, il a d'ailleurs combattu aux côtés de Che Guevara en Argentine. Et Guerriero, dit-il, c'est le titre auquel il tient le plus. Bena Sayad s'est intéressé à ce sentiment d'impuissance généralisée. Nous vivons dans un monde où les menaces se multiplient. Menaces écologiques, politiques, épidémiologiques. Et pourtant, nous ne parvenons pas à agir. Nous sommes comme bloqués, sidérés. Et selon lui, cette impuissance, c'est le symptôme de l'effondrement de la conception moderne de l'individu. Un sujet maître de lui-même, parfaitement rationnel, pouvant modeler le monde selon son bon vouloir et doté d'une puissance sans limite. L'individu moderne obéit à une logique de l'efficacité, du contrôle. Tout est mesurable, tout est optimisable et chaque problème a une solution. Toutes nos existences sont désormais régies par l'injonction de bien fonctionner, d'être performants et nous passons notre temps à nous mesurer, à nous évaluer. Combien de calories, combien de pas, quelle fréquence cardiaque, quelle productivité au travail ? Nos vies sont devenues quantitatives, nous n'existons plus, nous fonctionnons. Alors, explique Bena Sayag, le seul objectif devient le bon fonctionnement. L'important, ce n'est pas l'humain, la construction d'une société en commun, mais la bonne marche d'un monde néolibéral. Et dans ce monde, dans cette logique comptable, nous nous décomposons, nous disparaissons. Nous nous effaçons. Le néolibéralisme a capturé notre puissance d'agir et en a fait un désir de consommation et de peur, nous dit-il. Alors, comment libérer la puissance d'agir ? Le problème, selon Bena Sayag, c'est que nous ne pouvons plus croire au futur. Avant, le futur était une promesse de progrès, d'amélioration, et les modèles politiques pouvaient promettre des lendemains qui chantent. Aujourd'hui, le futur est synonyme d'effondrement, de catastrophe. Il nous paralyse. Il faut donc trouver un autre moteur pour nos luttes. Et pour Bena Sayag, le moteur des luttes a changé de place. Il est ici et maintenant dans le présent. La question n'est pas comment le vaincre, mais comment résister au néolibéralisme. dans chacune de ces situations. Il y a, selon lui, plusieurs types de résistance. L'affrontement, d'abord, qui se confronte au pouvoir et qui est absolument nécessaire. Mais, ajoute-t-il, il ne suffit pas de s'opposer, par exemple à l'extrême droite. Le refus est essentiel, mais il doit s'accompagner d'un deuxième type de résistance, la résistance créatrice. Celle qui cherche à imaginer quelque chose de mieux, celle qui cherche à déployer, la puissance de l'imaginaire. Mais la difficulté, c'est qu'il ne faut pas retomber dans le piège de la quête du pouvoir et de la conquête. Il ne faut pas de modèle, de programme, de stratégie généralisée, sous peine, selon Benassayag, de revenir à une logique de domination, de totalisation, de maîtrise. Tout le problème, c'est de promouvoir un changement écologique et social sans retomber dans les logiques guerrières, destructrices, dominatrices. de l'agir politique tel qu'il a toujours été conçu. Autrement dit, on ne vaincra pas l'extrême droite en utilisant les mêmes armes qu'eux, car on risquerait de se perdre soi-même. C'est en cela que l'image de la guérilla est intéressante. Elle permet de penser la résistance autrement, c'est-à-dire comme une manière d'exister, de vivre. Car selon Benassayag, personne ne peut prédire ce qu'il se passera dans dix ou vingt ans. Tout ce qu'on sait, c'est que quand on résiste en créant, on peut développer la pensée, la solidarité et le commun. Cette proposition de Bena Sayag peut paraître un peu frustrante. Il précise lui-même que nous ne pouvons pas savoir si cette stratégie gagnera. Par contre, il nous invite à investir le temps présent, sans savoir de quoi demain sera fait. Il préconise d'abandonner toute vision englobante et préférer des actions locales, des expériences concrètes de vie alternative. De chercher tout ce qui crée du commun plutôt que du fragmenté. Il cite par exemple les ZAD, les coopératives ou encore plus récemment l'occupation à Paris du lieu culturel La Gaîté Lyrique par de jeunes mineurs exilés, les jeunes de Belleville. Pour Benassayag, il faudrait renoncer à l'utopie d'une victoire finale et penser la résistance dans, pour et par les situations que nous habitons. Il nous invite à repenser notre engagement comme une manière de vivre, d'exister, d'être au monde. De ce fait, il est très critique vis-à-vis du numérique, qui se déploie, selon lui, de manière totalitaire et transforme nos vies en algorithmes. Il a, je pense, en partie raison. En partie seulement. Car les réseaux sociaux peuvent être un formidable espace de guérilla. Un espace dominé par une idéologie d'extrême droite et par des milliardaires avides de pouvoir et de richesse, mais où peut s'organiser une résistance à la fois comme affrontement et comme créativité. La semaine dernière, la mobilisation sur les réseaux sociaux a permis de suspendre deux réformes du budget 2025. Une réforme fiscale qui risquait d'étrangler financièrement les auto-entrepreneurs, et la suppression de fonds pour la recherche contre les cancers pédiatriques. Et c'est bien une logique de guérilla qui a permis ce succès. Occuper l'espace jusqu'au harcèlement. En début de semaine, l'activiste écologiste Camille Etienne a posté un message sur les réseaux sociaux pour parler de cette difficulté. « Nos adversaires réussissent à nous mettre dans une position soit de réaction, soit de sidération » , explique-t-elle. Soit on est poussé à s'indigner de ce qu'il décide, soit on est poussé à se démobiliser. Nous nous laissons dicter notre agenda politique, médiatique et militant par nos adversaires. Alors, selon elle, il faut davantage lutter pour des propositions politiques concrètes. Elle évoque deux propositions de loi qui vont être examinées ces prochaines semaines. L'une visant à interdire les PFAS, ces polluants éternels, et obliger l'industrie chimique à payer la dépollution. L'autre visant à taxer les très grandes fortunes. Agir plutôt que réagir. Une stratégie des petits pas. Est-ce satisfaisant ? Est-ce possible pour nous de renoncer à l'idée d'une stratégie globale de conquête ? L'urgence n'exige-t-elle pas au contraire le déploiement d'un grand plan d'action dans lequel tous les moyens seraient bons ? Je ne sais pas. Il faut sans doute les deux. Mais je pense que la philosophie de Bena Sayag nous permet de repenser un front commun. Qu'elle donne de la valeur à des initiatives qui pourraient paraître dérisoires, ponctuelles, anecdotiques. Qu'elle nous permet de penser la résistance en dehors de la logique de parti, d'institution politique, et donc de décloisonner l'action, de ne pas la limiter à un petit groupe. Qu'elle repense l'importance de se lier les uns aux autres. Qu'elle nous redonne de la puissance d'agir en commun. Et en ce moment, on en a bien besoin. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, lefildactu.podcast. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Et un grand merci à Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie, Mathieu, Clément, Augustin. Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Étienne et Juliette. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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Et si la philosophie permettait de repenser l'action politique ?


En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable, aux Etats-Unis ou en France. Politique internationale, droit des minorités, écologie : le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? Et si le modèle, c'était la guérilla ? On en parle avec le philosophe Miguel Benasayag.


Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


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💜 Merci pour votre soutien !


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Un grand merci aux tipeur-ses : Matthieu, Clément, Augustin, Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Etienne, Juliette, Bob, Anaïs, Khadija, Yoann, Charles, Quentin, Nico, Solène, Corinne, Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable aux États-Unis, en France et en Europe. Politique internationale, droit des minorités, écologie, le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? On en parle avec le philosophe Miguel Benassayag. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La période est sombre. Donald Trump multiplie les décisions antidémocratiques. Il annonce vouloir transformer la bande de Gaza en côte d'Azur et déporter les Palestiniens. Il purge ses administrations, réduit les droits des femmes, des personnes trans. La France n'est pas en reste. Le gouvernement accumule notamment les sorties nauséabondes sur l'immigration. Face à ces déclarations, difficile de réagir. On est choqué, sidéré, découragé devant la vitesse à laquelle se propage l'idéologie d'extrême droite. On oscille entre indignation et désespoir, entre colère et dégoût, entre énergie pour se battre et impression qu'il est déjà trop tard. Et vous savez quoi ? C'est l'exact but de cette stratégie. Connaissez-vous Steve Bannon ? Cet homme d'affaires a été le stratège politique de Donald Trump pendant son premier mandat. Et sa stratégie, c'était inonder la zone, noyer les médias en multipliant les outrances. Comme ils sont stupides et paresseux, explique Bannon, ils ne peuvent se concentrer que sur une seule chose à la fois. Car la véritable opposition, selon Bannon, ce ne sont pas les démocrates, ce sont les médias. Son but, c'est donc de casser les médias, de les dompter, en les bombardant d'actualité et en donnant une impression de puissance illimitée. C'est exactement ce que fait Donald Trump, en signant des décrets à répétition, même si ces décrets sont parfois anticonstitutionnels et ne pourront même pas être appliqués. En France, cette stratégie commence à faire des émules. Gérald Darmanin, par exemple, a déclaré cette phrase incroyable. « Être français, ce ne peut pas être le hasard de la naissance » . Je vous laisse essayer de vous rappeler le moment où, avant votre naissance, vous avez fait une demande de passeport français. Darmanin et Retailleau sont en train de remettre en question le droit du sol, affirmant que l'obtention de la nationalité française ne doit pas être automatique. Ce qui est déjà le cas. Être né en France ne confère pas automatiquement la nationalité, loin de là. Rassurez-vous, il y aura bientôt un épisode sur l'identité nationale. En tout cas, comme aux Etats-Unis, ces déclarations tonitruantes tordent le réel au nom d'une idéologie, occupent l'espace médiatique et empêchent toute construction politique. Ces propos inondent la zone et nous sommes submergés par les idées d'extrême droite. Alors que faire ? Comment lutter contre cette stratégie ? Et si on pensait la lutte comme une guérilla ? Le terme qui veut dire « petite guerre » date du début du XIXe siècle, quand les Espagnols se soulevaient contre l'armée napoléonienne. Mais cette technique de résistance est en réalité bien plus ancienne. C'est une résistance des faibles face aux forts. Une tentative de renverser une autorité établie avec de faibles moyens. Et c'est bien ce que nous vivons aujourd'hui. L'espace idéologique et médiatique devient de plus en plus réactionnaire et n'hésite pas à faire sien des thèmes historiquement d'extrême droite. Quand François Bayrou, prétendument centriste, parle de submersion migratoire ou de grand remplacement, quand Bruno Retailleau évoque les Français de papier, il reprenne le langage du Front National et la rhétorique d'extrême droite. Dans ce cadre, il devient de plus en plus difficile de faire entendre un discours alternatif. On est présenté comme un dangereux islamo-gauchiste dès qu'on rappelle les droits humains les plus fondamentaux. Alors, la guérilla consiste à adopter des stratégies d'embuscade, de sabotage, de harcèlement. La guérilla, c'est l'art du mouvement perpétuel, comme le disait Che Guevara. L'idée, c'est d'occuper l'espace, de résister. par une multitude d'actions ciblées. Le philosophe Miguel Benassayag a réfléchi à ces questions. Franco-argentin, il a d'ailleurs combattu aux côtés de Che Guevara en Argentine. Et Guerriero, dit-il, c'est le titre auquel il tient le plus. Bena Sayad s'est intéressé à ce sentiment d'impuissance généralisée. Nous vivons dans un monde où les menaces se multiplient. Menaces écologiques, politiques, épidémiologiques. Et pourtant, nous ne parvenons pas à agir. Nous sommes comme bloqués, sidérés. Et selon lui, cette impuissance, c'est le symptôme de l'effondrement de la conception moderne de l'individu. Un sujet maître de lui-même, parfaitement rationnel, pouvant modeler le monde selon son bon vouloir et doté d'une puissance sans limite. L'individu moderne obéit à une logique de l'efficacité, du contrôle. Tout est mesurable, tout est optimisable et chaque problème a une solution. Toutes nos existences sont désormais régies par l'injonction de bien fonctionner, d'être performants et nous passons notre temps à nous mesurer, à nous évaluer. Combien de calories, combien de pas, quelle fréquence cardiaque, quelle productivité au travail ? Nos vies sont devenues quantitatives, nous n'existons plus, nous fonctionnons. Alors, explique Bena Sayag, le seul objectif devient le bon fonctionnement. L'important, ce n'est pas l'humain, la construction d'une société en commun, mais la bonne marche d'un monde néolibéral. Et dans ce monde, dans cette logique comptable, nous nous décomposons, nous disparaissons. Nous nous effaçons. Le néolibéralisme a capturé notre puissance d'agir et en a fait un désir de consommation et de peur, nous dit-il. Alors, comment libérer la puissance d'agir ? Le problème, selon Bena Sayag, c'est que nous ne pouvons plus croire au futur. Avant, le futur était une promesse de progrès, d'amélioration, et les modèles politiques pouvaient promettre des lendemains qui chantent. Aujourd'hui, le futur est synonyme d'effondrement, de catastrophe. Il nous paralyse. Il faut donc trouver un autre moteur pour nos luttes. Et pour Bena Sayag, le moteur des luttes a changé de place. Il est ici et maintenant dans le présent. La question n'est pas comment le vaincre, mais comment résister au néolibéralisme. dans chacune de ces situations. Il y a, selon lui, plusieurs types de résistance. L'affrontement, d'abord, qui se confronte au pouvoir et qui est absolument nécessaire. Mais, ajoute-t-il, il ne suffit pas de s'opposer, par exemple à l'extrême droite. Le refus est essentiel, mais il doit s'accompagner d'un deuxième type de résistance, la résistance créatrice. Celle qui cherche à imaginer quelque chose de mieux, celle qui cherche à déployer, la puissance de l'imaginaire. Mais la difficulté, c'est qu'il ne faut pas retomber dans le piège de la quête du pouvoir et de la conquête. Il ne faut pas de modèle, de programme, de stratégie généralisée, sous peine, selon Benassayag, de revenir à une logique de domination, de totalisation, de maîtrise. Tout le problème, c'est de promouvoir un changement écologique et social sans retomber dans les logiques guerrières, destructrices, dominatrices. de l'agir politique tel qu'il a toujours été conçu. Autrement dit, on ne vaincra pas l'extrême droite en utilisant les mêmes armes qu'eux, car on risquerait de se perdre soi-même. C'est en cela que l'image de la guérilla est intéressante. Elle permet de penser la résistance autrement, c'est-à-dire comme une manière d'exister, de vivre. Car selon Benassayag, personne ne peut prédire ce qu'il se passera dans dix ou vingt ans. Tout ce qu'on sait, c'est que quand on résiste en créant, on peut développer la pensée, la solidarité et le commun. Cette proposition de Bena Sayag peut paraître un peu frustrante. Il précise lui-même que nous ne pouvons pas savoir si cette stratégie gagnera. Par contre, il nous invite à investir le temps présent, sans savoir de quoi demain sera fait. Il préconise d'abandonner toute vision englobante et préférer des actions locales, des expériences concrètes de vie alternative. De chercher tout ce qui crée du commun plutôt que du fragmenté. Il cite par exemple les ZAD, les coopératives ou encore plus récemment l'occupation à Paris du lieu culturel La Gaîté Lyrique par de jeunes mineurs exilés, les jeunes de Belleville. Pour Benassayag, il faudrait renoncer à l'utopie d'une victoire finale et penser la résistance dans, pour et par les situations que nous habitons. Il nous invite à repenser notre engagement comme une manière de vivre, d'exister, d'être au monde. De ce fait, il est très critique vis-à-vis du numérique, qui se déploie, selon lui, de manière totalitaire et transforme nos vies en algorithmes. Il a, je pense, en partie raison. En partie seulement. Car les réseaux sociaux peuvent être un formidable espace de guérilla. Un espace dominé par une idéologie d'extrême droite et par des milliardaires avides de pouvoir et de richesse, mais où peut s'organiser une résistance à la fois comme affrontement et comme créativité. La semaine dernière, la mobilisation sur les réseaux sociaux a permis de suspendre deux réformes du budget 2025. Une réforme fiscale qui risquait d'étrangler financièrement les auto-entrepreneurs, et la suppression de fonds pour la recherche contre les cancers pédiatriques. Et c'est bien une logique de guérilla qui a permis ce succès. Occuper l'espace jusqu'au harcèlement. En début de semaine, l'activiste écologiste Camille Etienne a posté un message sur les réseaux sociaux pour parler de cette difficulté. « Nos adversaires réussissent à nous mettre dans une position soit de réaction, soit de sidération » , explique-t-elle. Soit on est poussé à s'indigner de ce qu'il décide, soit on est poussé à se démobiliser. Nous nous laissons dicter notre agenda politique, médiatique et militant par nos adversaires. Alors, selon elle, il faut davantage lutter pour des propositions politiques concrètes. Elle évoque deux propositions de loi qui vont être examinées ces prochaines semaines. L'une visant à interdire les PFAS, ces polluants éternels, et obliger l'industrie chimique à payer la dépollution. L'autre visant à taxer les très grandes fortunes. Agir plutôt que réagir. Une stratégie des petits pas. Est-ce satisfaisant ? Est-ce possible pour nous de renoncer à l'idée d'une stratégie globale de conquête ? L'urgence n'exige-t-elle pas au contraire le déploiement d'un grand plan d'action dans lequel tous les moyens seraient bons ? Je ne sais pas. Il faut sans doute les deux. Mais je pense que la philosophie de Bena Sayag nous permet de repenser un front commun. Qu'elle donne de la valeur à des initiatives qui pourraient paraître dérisoires, ponctuelles, anecdotiques. Qu'elle nous permet de penser la résistance en dehors de la logique de parti, d'institution politique, et donc de décloisonner l'action, de ne pas la limiter à un petit groupe. Qu'elle repense l'importance de se lier les uns aux autres. Qu'elle nous redonne de la puissance d'agir en commun. Et en ce moment, on en a bien besoin. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, lefildactu.podcast. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Et un grand merci à Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie, Mathieu, Clément, Augustin. Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Étienne et Juliette. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

Description

Et si la philosophie permettait de repenser l'action politique ?


En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable, aux Etats-Unis ou en France. Politique internationale, droit des minorités, écologie : le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? Et si le modèle, c'était la guérilla ? On en parle avec le philosophe Miguel Benasayag.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    En ce moment, pas un jour ne se passe sans une déclaration outrancière ou une décision insupportable aux États-Unis, en France et en Europe. Politique internationale, droit des minorités, écologie, le monde semble basculer dans une surenchère autoritaire et réactionnaire. Alors, comment agir ? Comment ne pas sombrer dans le désespoir ? On en parle avec le philosophe Miguel Benassayag. Je suis Alice de Rochechouart. et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Ce podcast est totalement indépendant et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent en cliquant sur la page indiquée en description. Merci pour votre soutien. La période est sombre. Donald Trump multiplie les décisions antidémocratiques. Il annonce vouloir transformer la bande de Gaza en côte d'Azur et déporter les Palestiniens. Il purge ses administrations, réduit les droits des femmes, des personnes trans. La France n'est pas en reste. Le gouvernement accumule notamment les sorties nauséabondes sur l'immigration. Face à ces déclarations, difficile de réagir. On est choqué, sidéré, découragé devant la vitesse à laquelle se propage l'idéologie d'extrême droite. On oscille entre indignation et désespoir, entre colère et dégoût, entre énergie pour se battre et impression qu'il est déjà trop tard. Et vous savez quoi ? C'est l'exact but de cette stratégie. Connaissez-vous Steve Bannon ? Cet homme d'affaires a été le stratège politique de Donald Trump pendant son premier mandat. Et sa stratégie, c'était inonder la zone, noyer les médias en multipliant les outrances. Comme ils sont stupides et paresseux, explique Bannon, ils ne peuvent se concentrer que sur une seule chose à la fois. Car la véritable opposition, selon Bannon, ce ne sont pas les démocrates, ce sont les médias. Son but, c'est donc de casser les médias, de les dompter, en les bombardant d'actualité et en donnant une impression de puissance illimitée. C'est exactement ce que fait Donald Trump, en signant des décrets à répétition, même si ces décrets sont parfois anticonstitutionnels et ne pourront même pas être appliqués. En France, cette stratégie commence à faire des émules. Gérald Darmanin, par exemple, a déclaré cette phrase incroyable. « Être français, ce ne peut pas être le hasard de la naissance » . Je vous laisse essayer de vous rappeler le moment où, avant votre naissance, vous avez fait une demande de passeport français. Darmanin et Retailleau sont en train de remettre en question le droit du sol, affirmant que l'obtention de la nationalité française ne doit pas être automatique. Ce qui est déjà le cas. Être né en France ne confère pas automatiquement la nationalité, loin de là. Rassurez-vous, il y aura bientôt un épisode sur l'identité nationale. En tout cas, comme aux Etats-Unis, ces déclarations tonitruantes tordent le réel au nom d'une idéologie, occupent l'espace médiatique et empêchent toute construction politique. Ces propos inondent la zone et nous sommes submergés par les idées d'extrême droite. Alors que faire ? Comment lutter contre cette stratégie ? Et si on pensait la lutte comme une guérilla ? Le terme qui veut dire « petite guerre » date du début du XIXe siècle, quand les Espagnols se soulevaient contre l'armée napoléonienne. Mais cette technique de résistance est en réalité bien plus ancienne. C'est une résistance des faibles face aux forts. Une tentative de renverser une autorité établie avec de faibles moyens. Et c'est bien ce que nous vivons aujourd'hui. L'espace idéologique et médiatique devient de plus en plus réactionnaire et n'hésite pas à faire sien des thèmes historiquement d'extrême droite. Quand François Bayrou, prétendument centriste, parle de submersion migratoire ou de grand remplacement, quand Bruno Retailleau évoque les Français de papier, il reprenne le langage du Front National et la rhétorique d'extrême droite. Dans ce cadre, il devient de plus en plus difficile de faire entendre un discours alternatif. On est présenté comme un dangereux islamo-gauchiste dès qu'on rappelle les droits humains les plus fondamentaux. Alors, la guérilla consiste à adopter des stratégies d'embuscade, de sabotage, de harcèlement. La guérilla, c'est l'art du mouvement perpétuel, comme le disait Che Guevara. L'idée, c'est d'occuper l'espace, de résister. par une multitude d'actions ciblées. Le philosophe Miguel Benassayag a réfléchi à ces questions. Franco-argentin, il a d'ailleurs combattu aux côtés de Che Guevara en Argentine. Et Guerriero, dit-il, c'est le titre auquel il tient le plus. Bena Sayad s'est intéressé à ce sentiment d'impuissance généralisée. Nous vivons dans un monde où les menaces se multiplient. Menaces écologiques, politiques, épidémiologiques. Et pourtant, nous ne parvenons pas à agir. Nous sommes comme bloqués, sidérés. Et selon lui, cette impuissance, c'est le symptôme de l'effondrement de la conception moderne de l'individu. Un sujet maître de lui-même, parfaitement rationnel, pouvant modeler le monde selon son bon vouloir et doté d'une puissance sans limite. L'individu moderne obéit à une logique de l'efficacité, du contrôle. Tout est mesurable, tout est optimisable et chaque problème a une solution. Toutes nos existences sont désormais régies par l'injonction de bien fonctionner, d'être performants et nous passons notre temps à nous mesurer, à nous évaluer. Combien de calories, combien de pas, quelle fréquence cardiaque, quelle productivité au travail ? Nos vies sont devenues quantitatives, nous n'existons plus, nous fonctionnons. Alors, explique Bena Sayag, le seul objectif devient le bon fonctionnement. L'important, ce n'est pas l'humain, la construction d'une société en commun, mais la bonne marche d'un monde néolibéral. Et dans ce monde, dans cette logique comptable, nous nous décomposons, nous disparaissons. Nous nous effaçons. Le néolibéralisme a capturé notre puissance d'agir et en a fait un désir de consommation et de peur, nous dit-il. Alors, comment libérer la puissance d'agir ? Le problème, selon Bena Sayag, c'est que nous ne pouvons plus croire au futur. Avant, le futur était une promesse de progrès, d'amélioration, et les modèles politiques pouvaient promettre des lendemains qui chantent. Aujourd'hui, le futur est synonyme d'effondrement, de catastrophe. Il nous paralyse. Il faut donc trouver un autre moteur pour nos luttes. Et pour Bena Sayag, le moteur des luttes a changé de place. Il est ici et maintenant dans le présent. La question n'est pas comment le vaincre, mais comment résister au néolibéralisme. dans chacune de ces situations. Il y a, selon lui, plusieurs types de résistance. L'affrontement, d'abord, qui se confronte au pouvoir et qui est absolument nécessaire. Mais, ajoute-t-il, il ne suffit pas de s'opposer, par exemple à l'extrême droite. Le refus est essentiel, mais il doit s'accompagner d'un deuxième type de résistance, la résistance créatrice. Celle qui cherche à imaginer quelque chose de mieux, celle qui cherche à déployer, la puissance de l'imaginaire. Mais la difficulté, c'est qu'il ne faut pas retomber dans le piège de la quête du pouvoir et de la conquête. Il ne faut pas de modèle, de programme, de stratégie généralisée, sous peine, selon Benassayag, de revenir à une logique de domination, de totalisation, de maîtrise. Tout le problème, c'est de promouvoir un changement écologique et social sans retomber dans les logiques guerrières, destructrices, dominatrices. de l'agir politique tel qu'il a toujours été conçu. Autrement dit, on ne vaincra pas l'extrême droite en utilisant les mêmes armes qu'eux, car on risquerait de se perdre soi-même. C'est en cela que l'image de la guérilla est intéressante. Elle permet de penser la résistance autrement, c'est-à-dire comme une manière d'exister, de vivre. Car selon Benassayag, personne ne peut prédire ce qu'il se passera dans dix ou vingt ans. Tout ce qu'on sait, c'est que quand on résiste en créant, on peut développer la pensée, la solidarité et le commun. Cette proposition de Bena Sayag peut paraître un peu frustrante. Il précise lui-même que nous ne pouvons pas savoir si cette stratégie gagnera. Par contre, il nous invite à investir le temps présent, sans savoir de quoi demain sera fait. Il préconise d'abandonner toute vision englobante et préférer des actions locales, des expériences concrètes de vie alternative. De chercher tout ce qui crée du commun plutôt que du fragmenté. Il cite par exemple les ZAD, les coopératives ou encore plus récemment l'occupation à Paris du lieu culturel La Gaîté Lyrique par de jeunes mineurs exilés, les jeunes de Belleville. Pour Benassayag, il faudrait renoncer à l'utopie d'une victoire finale et penser la résistance dans, pour et par les situations que nous habitons. Il nous invite à repenser notre engagement comme une manière de vivre, d'exister, d'être au monde. De ce fait, il est très critique vis-à-vis du numérique, qui se déploie, selon lui, de manière totalitaire et transforme nos vies en algorithmes. Il a, je pense, en partie raison. En partie seulement. Car les réseaux sociaux peuvent être un formidable espace de guérilla. Un espace dominé par une idéologie d'extrême droite et par des milliardaires avides de pouvoir et de richesse, mais où peut s'organiser une résistance à la fois comme affrontement et comme créativité. La semaine dernière, la mobilisation sur les réseaux sociaux a permis de suspendre deux réformes du budget 2025. Une réforme fiscale qui risquait d'étrangler financièrement les auto-entrepreneurs, et la suppression de fonds pour la recherche contre les cancers pédiatriques. Et c'est bien une logique de guérilla qui a permis ce succès. Occuper l'espace jusqu'au harcèlement. En début de semaine, l'activiste écologiste Camille Etienne a posté un message sur les réseaux sociaux pour parler de cette difficulté. « Nos adversaires réussissent à nous mettre dans une position soit de réaction, soit de sidération » , explique-t-elle. Soit on est poussé à s'indigner de ce qu'il décide, soit on est poussé à se démobiliser. Nous nous laissons dicter notre agenda politique, médiatique et militant par nos adversaires. Alors, selon elle, il faut davantage lutter pour des propositions politiques concrètes. Elle évoque deux propositions de loi qui vont être examinées ces prochaines semaines. L'une visant à interdire les PFAS, ces polluants éternels, et obliger l'industrie chimique à payer la dépollution. L'autre visant à taxer les très grandes fortunes. Agir plutôt que réagir. Une stratégie des petits pas. Est-ce satisfaisant ? Est-ce possible pour nous de renoncer à l'idée d'une stratégie globale de conquête ? L'urgence n'exige-t-elle pas au contraire le déploiement d'un grand plan d'action dans lequel tous les moyens seraient bons ? Je ne sais pas. Il faut sans doute les deux. Mais je pense que la philosophie de Bena Sayag nous permet de repenser un front commun. Qu'elle donne de la valeur à des initiatives qui pourraient paraître dérisoires, ponctuelles, anecdotiques. Qu'elle nous permet de penser la résistance en dehors de la logique de parti, d'institution politique, et donc de décloisonner l'action, de ne pas la limiter à un petit groupe. Qu'elle repense l'importance de se lier les uns aux autres. Qu'elle nous redonne de la puissance d'agir en commun. Et en ce moment, on en a bien besoin. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très vite pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. En attendant, pour des infos exclusives et parfois des petites blagues, vous pouvez me suivre sur Instagram, sur mon compte, lefildactu.podcast. Et un grand merci à toutes celles et ceux qui, grâce à leurs dons, me permettent de continuer sereinement le podcast. Et un grand merci à Vivien, Olivier, Jonathan, Jean-Michel, Nathalie, Mathieu, Clément, Augustin. Laurent, Thomas, Elodie, Bruno, Alexandre, Étienne et Juliette. Vous aussi, vous pouvez rejoindre l'aventure du fil d'actu. Merci et à très vite !

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