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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Macron à Notre-Dame : une philosophie du roi

Macron à Notre-Dame : une philosophie du roi

13min |11/12/2024
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Macron à Notre-Dame : une philosophie du roi

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Description

Et si la philosophie permettait de comprendre la figure du roi-président ?


⛪ Ce weekend avait lieu la cérémonie d’ouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait solennellement annoncé « nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans ». Pari réussi : la cathédrale est apparue plus belle que jamais.


Mais il y a eu un certain nombre de critiques, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron, et sur son attitude quasi-royale.


👑 Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président, au sein d’une 5ème République souvent qualifiée de monarchie présidentielle.

Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie du roi.

On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz, et bien sûr, de roi !




🎙️ Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram !


Un grand merci aux tipeur-ses : Alice, Veronika, Pierre, Julie, Maya, Michel, Julien, Thomas, Marc, Matthieu, Clément, Agnès, Isabelle, Mariam, Céline.

Grâce à vous, on n'a pas fini de réfléchir ensemble à l'actualité politique !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce week-end avait lieu la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait à l'époque solennellement annoncé Nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans Un chantier colossal avait alors débuté pour reconstruire la cathédrale à l'identique dans un délai très court et ambitieux. Paris réussit pour Emmanuel Macron et la cathédrale est apparue plus belle que jamais. Mais un certain nombre de critiques se sont faites entendre concernant la réouverture. Déjà, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron. Ensuite, sur son ambiguïté vis-à-vis de la laïcité et de la séparation de l'Église et de l'État. Et enfin, sur l'attitude quasi royale qu'il a adoptée, faisant de Notre-Dame de Paris une allégorie de la nation française. Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président au sein d'une Vème République souvent qualifiés de monarchie présidentielle. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du roi. On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz et bien sûr, de roi. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Macron a-t-il bafoué la séparation de l'Église et de l'État en faisant un discours au sein de la cathédrale et en assistant à la messe ? On peut légitimement se poser la question. Mais Notre-Dame de Paris est-elle un édifice religieux ou politique ? En réalité, un peu des deux. C'est ce qu'on remarque quand on regarde l'histoire de la cathédrale. On se rend compte qu'elle a toujours incarné les tensions entre religion et politique. Tout commence il y a plus de 800 ans, en 1165. L'évêque de Paris, Maurice de Sully, décide de faire construire une cathédrale au cœur de Paris. Une cathédrale somptueuse, utilisant les dernières techniques architecturales pour construire un édifice aérien, baigné de lumière. Un édifice divin. Et cette cathédrale sera construite en face du Palais Royal. De quoi symboliser la concurrence entre les deux pouvoirs. Ou peut-être leur complémentarité. Au moment de la construction, le roi Philippe Auguste est lui aussi en train de bâtir quelque chose. Le royaume de France. Lui qui avait hérité d'un royaume qui se limitait en gros à l'île de France, parvient à conquérir de nouveaux territoires et à unifier le royaume. La capitale sera Paris. Philippe Auguste décrète que le palais royal sera la résidence fixe des rois. Et plutôt que d'entrer en conflit avec le pouvoir religieux, il passe un accord avec l'évêque de Paris. En 1214, il célèbre ses victoires militaires à Notre-Dame, qui n'est pourtant pas encore achevée. Notre-Dame devient officiellement la cathédrale du royaume de France. Si la cathédrale de Reims est celle où l'on sacre les rois, et la basilique de Saint-Denis l'endroit où on les enterre, Notre-Dame sera la cathédrale de leur règne, une cathédrale politique. Les liens étroits entre Notre-Dame et le roi vont perdurer pendant des siècles. 400 ans plus tard, Louis XIV célèbre encore ses victoires militaires dans la cathédrale, accrochant les drapeaux arrachés à ses ennemis dans l'allée centrale. Pendant la Révolution, la religion catholique est brièvement remplacée par le culte de l'être suprême. Notre-Dame est alors renommée le temple de la raison et les statues de rois sont décapitées. 10 ans plus tard, Napoléon se fait sacrer empereur à Notre-Dame et il fait un affront. au pouvoir religieux. Le pape lui donne la couronne, mais c'est bien lui, Napoléon, qui la pose sur sa propre tête et sur celle de l'impératrice Joséphine. Notre-Dame a donc toujours été le théâtre de la relation compliquée de l'enchevêtrement entre le religieux et le politique. Et cela perdure au XXe siècle. Si Clémenceau refuse d'y célébrer l'armistice de 1918, De Gaulle y fera une célébration, certes expresse, au moment de la libération de Paris. Notre-Dame, qui appartient à tous les Français et au patrimoine national depuis la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, devient un lieu de rassemblement, l'incarnation de l'esprit français, la cathédrale de la nation, à la fois religieuse et politique. Notre-Dame et le Royaume de France naissent au même moment et la cathédrale incarne depuis toujours les liens étroits entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. On peut alors la considérer comme un double symbole. Elle symbolise d'un côté la continuité du pouvoir et de la nation française et de l'autre l'enchevêtrement du religieux et du politique. Et ça, c'est aussi la caractéristique de la figure du roi. C'est en tout cas la théorie d'un historien allemand, Ernst Kantorowicz, qui publie en 1957 un livre intitulé Les deux corps du roi Il montre que la royauté médiévale s'est construite en imitant des concepts religieux, chrétiens, et s'appuie en particulier sur l'idée de la double nature de Jésus, qui serait à la fois homme et Dieu. Le roi, de la même manière, est considéré comme ayant deux corps, deux natures. Un corps naturel, mortel, c'est la personne physique du roi, et un corps politique, immortel, sa personne sacrée. Quand le roi physique meurt, le roi sacré ne meurt pas. Il se réincarne dans le successeur. C'est ce que montre la phrase Le roi est mort, vive le roi La royauté est sacrée, immortelle et continue. Et la métaphore du corps ne s'arrête pas là. L'Église chrétienne était considérée comme un corps mystique, dont Jésus était la tête. Et peu à peu, l'État est considéré comme un corps politique, avec le roi à sa tête. Le roi devient Dieu le Père, le Père de la Patrie. Patrie voulant dire la Terre des Pères. La conception de l'État est désormais mystique. C'est une unité sacrée, quasi divine, portée par une lumière transcendante. Paradoxalement, selon Kantorowicz, c'est parce que l'État moderne a imité l'Église qu'il est parvenu à s'en détacher. Je m'explique. En copiant la symbolique de l'Église, en empruntant son vocabulaire religieux, l'État est devenu sacré et donc ultra-puissant. Il n'y a plus une Église qui gère les âmes et un État politique qui s'occupe bassement des affaires terrestres. La royauté devient sacrée, ce qui en fait une entité autonome et aussi puissante que l'Église. L'analyse de Kantorowicz permet de comprendre la contradiction interne au pouvoir politique moderne. Le politique s'émancipe du religieux précisément parce qu'il en reprend les codes. Autrement dit, la conceptualisation de notre État moderne est pleine de religieux, en dépit de toute séparation juridique de l'Église et de l'État. C'est ce qu'on appelle la sécularisation, l'idée que tous les concepts politiques modernes serait dérivé de concepts religieux. C'était particulièrement vrai dans la monarchie absolue de droit divin, où le roi était l'envoyé de Dieu sur terre. Et il devait alors représenter cette divinité, cette continuité sacrée du pouvoir, à l'aide de mises en scène, d'images, des productions artistiques et des cérémonies. Et la Vème République, celle qu'on appelle la monarchie présidentielle, semble avoir hérité de ces structures. En particulier, la sacralisation du président de la République et l'étendue de son pouvoir. En fait, la théorie des deux corps du roi continue à irriguer l'imaginaire collectif. Lors de la mort du général de Gaulle, par exemple, on a organisé deux cérémonies. Un enterrement en petit comité, pour le corps naturel du roi, et une cérémonie nationale pour son corps sacré à Notre-Dame de Paris. Idem pour les funérailles de François Mitterrand. Et évidemment, celui qui surjoue le plus la sacralité du président roi, c'est Emmanuel Macron. Un Emmanuel Macron qui revendique explicitement d'ailleurs son admiration pour Kantorowicz et sa théorie des deux corps du roi. Macron a plusieurs fois parlé de sa conception spirituelle, transcendante du pouvoir, jusqu'à regretter le vide émotionnel, imaginaire, collectif provoqué par la mort de Louis XVI et que la démocratie française ne parviendrait pas à combler. En 2017, il affirmait aussi, en faisant directement référence à Kantorowicz, que le président a plusieurs corps. Là encore, le corps naturel et le corps mystique. On l'a bien vu ces derniers mois. Cette conception sacrée du pouvoir conduit Macron à délégitimer le Parlement et les élections au nom d'une vision supérieure. Et cette vision supérieure, c'est la sienne, bien entendu. Alors ? Rien d'étonnant à ce que Macron se soit mis en scène à Notre-Dame, cette cathédrale à la fois religieuse et politique, symbole de lumière sacrée et de continuité spirituelle de la France. Macron a, à plusieurs reprises, comparé la reconstruction de Notre-Dame à sa propre action politique. Lors du discours de réouverture, il a même prononcé cette phrase Cette cathédrale fut ainsi la métaphore heureuse de ce qu'est une nation et ce que devrait être le monde Dans la cathédrale, l'écoutaient religieusement les héritiers de l'ancienne famille royale française, dont les chaises indiquaient Son Altesse Royale, le Prince Charles de Bourbon des Deux-Siciles, reliqua d'un autre temps Près de lui, siégeaient tous les puissants, religieux et politiques. Le Prince William, Donald Trump, Elon Musk, Bernard Arnault. Et si Macron a rendu hommage aux travailleurs et travailleuses pendant son discours, ce sont bien les courtisans et les puissants qui ont été conviés. à participer à sa propre représentation du roi. Notre-Dame n'a donc pas fini d'être le théâtre des frictions entre le religieux et le politique. Au même moment, le pape catholique François, qui avait refusé l'invitation à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame, inaugurait une crèche de Noël au Vatican. Il priait devant une sculpture de Jésus enfant enveloppée dans un kéfier, une écharpe symbolisant la Palestine, rendant hommage aux enfants massacrés à Gaza. Un contraste amer avec une monarchie présidentielle ivre de sa propre puissance, prête à tout pour sacraliser son pouvoir, y compris accorder l'impunité à un criminel de guerre en train d'envahir ses pays voisins. S'il y a bien un message d'humanité porté par la religion catholique, il semble que ce week-end, ce n'est pas ce message-là qui a été porté à Notre-Dame. Ce week-end, Notre-Dame était davantage politique que religieuse. Au moment où Victor Hugo avait publié son chef-d'œuvre Notre-Dame de Paris, il y eut des voix pour s'offusquer du fait qu'il avait laissé trop de place aux monstres et aux pauvres de Paris et que la cathédrale était comme éclairée d'en bas par des soupiraux d'enfer. Mais c'est peut-être comme ça que Notre-Dame est la plus belle. Je ne sais pas vous, mais moi, je préfère les Quasimodo et les Esmeralda aux Frollo et aux Retailleau. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Pierre, Florian, Margot, Jean-Christophe, Jean-Michel, Étienne, Louis-Michel, Corinne, Élodie, Céline et Yvan, qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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Et si la philosophie permettait de comprendre la figure du roi-président ?


⛪ Ce weekend avait lieu la cérémonie d’ouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait solennellement annoncé « nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans ». Pari réussi : la cathédrale est apparue plus belle que jamais.


Mais il y a eu un certain nombre de critiques, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron, et sur son attitude quasi-royale.


👑 Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président, au sein d’une 5ème République souvent qualifiée de monarchie présidentielle.

Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie du roi.

On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz, et bien sûr, de roi !




🎙️ Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien !


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Un grand merci aux tipeur-ses : Alice, Veronika, Pierre, Julie, Maya, Michel, Julien, Thomas, Marc, Matthieu, Clément, Agnès, Isabelle, Mariam, Céline.

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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Ce week-end avait lieu la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait à l'époque solennellement annoncé Nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans Un chantier colossal avait alors débuté pour reconstruire la cathédrale à l'identique dans un délai très court et ambitieux. Paris réussit pour Emmanuel Macron et la cathédrale est apparue plus belle que jamais. Mais un certain nombre de critiques se sont faites entendre concernant la réouverture. Déjà, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron. Ensuite, sur son ambiguïté vis-à-vis de la laïcité et de la séparation de l'Église et de l'État. Et enfin, sur l'attitude quasi royale qu'il a adoptée, faisant de Notre-Dame de Paris une allégorie de la nation française. Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président au sein d'une Vème République souvent qualifiés de monarchie présidentielle. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du roi. On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz et bien sûr, de roi. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Macron a-t-il bafoué la séparation de l'Église et de l'État en faisant un discours au sein de la cathédrale et en assistant à la messe ? On peut légitimement se poser la question. Mais Notre-Dame de Paris est-elle un édifice religieux ou politique ? En réalité, un peu des deux. C'est ce qu'on remarque quand on regarde l'histoire de la cathédrale. On se rend compte qu'elle a toujours incarné les tensions entre religion et politique. Tout commence il y a plus de 800 ans, en 1165. L'évêque de Paris, Maurice de Sully, décide de faire construire une cathédrale au cœur de Paris. Une cathédrale somptueuse, utilisant les dernières techniques architecturales pour construire un édifice aérien, baigné de lumière. Un édifice divin. Et cette cathédrale sera construite en face du Palais Royal. De quoi symboliser la concurrence entre les deux pouvoirs. Ou peut-être leur complémentarité. Au moment de la construction, le roi Philippe Auguste est lui aussi en train de bâtir quelque chose. Le royaume de France. Lui qui avait hérité d'un royaume qui se limitait en gros à l'île de France, parvient à conquérir de nouveaux territoires et à unifier le royaume. La capitale sera Paris. Philippe Auguste décrète que le palais royal sera la résidence fixe des rois. Et plutôt que d'entrer en conflit avec le pouvoir religieux, il passe un accord avec l'évêque de Paris. En 1214, il célèbre ses victoires militaires à Notre-Dame, qui n'est pourtant pas encore achevée. Notre-Dame devient officiellement la cathédrale du royaume de France. Si la cathédrale de Reims est celle où l'on sacre les rois, et la basilique de Saint-Denis l'endroit où on les enterre, Notre-Dame sera la cathédrale de leur règne, une cathédrale politique. Les liens étroits entre Notre-Dame et le roi vont perdurer pendant des siècles. 400 ans plus tard, Louis XIV célèbre encore ses victoires militaires dans la cathédrale, accrochant les drapeaux arrachés à ses ennemis dans l'allée centrale. Pendant la Révolution, la religion catholique est brièvement remplacée par le culte de l'être suprême. Notre-Dame est alors renommée le temple de la raison et les statues de rois sont décapitées. 10 ans plus tard, Napoléon se fait sacrer empereur à Notre-Dame et il fait un affront. au pouvoir religieux. Le pape lui donne la couronne, mais c'est bien lui, Napoléon, qui la pose sur sa propre tête et sur celle de l'impératrice Joséphine. Notre-Dame a donc toujours été le théâtre de la relation compliquée de l'enchevêtrement entre le religieux et le politique. Et cela perdure au XXe siècle. Si Clémenceau refuse d'y célébrer l'armistice de 1918, De Gaulle y fera une célébration, certes expresse, au moment de la libération de Paris. Notre-Dame, qui appartient à tous les Français et au patrimoine national depuis la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, devient un lieu de rassemblement, l'incarnation de l'esprit français, la cathédrale de la nation, à la fois religieuse et politique. Notre-Dame et le Royaume de France naissent au même moment et la cathédrale incarne depuis toujours les liens étroits entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. On peut alors la considérer comme un double symbole. Elle symbolise d'un côté la continuité du pouvoir et de la nation française et de l'autre l'enchevêtrement du religieux et du politique. Et ça, c'est aussi la caractéristique de la figure du roi. C'est en tout cas la théorie d'un historien allemand, Ernst Kantorowicz, qui publie en 1957 un livre intitulé Les deux corps du roi Il montre que la royauté médiévale s'est construite en imitant des concepts religieux, chrétiens, et s'appuie en particulier sur l'idée de la double nature de Jésus, qui serait à la fois homme et Dieu. Le roi, de la même manière, est considéré comme ayant deux corps, deux natures. Un corps naturel, mortel, c'est la personne physique du roi, et un corps politique, immortel, sa personne sacrée. Quand le roi physique meurt, le roi sacré ne meurt pas. Il se réincarne dans le successeur. C'est ce que montre la phrase Le roi est mort, vive le roi La royauté est sacrée, immortelle et continue. Et la métaphore du corps ne s'arrête pas là. L'Église chrétienne était considérée comme un corps mystique, dont Jésus était la tête. Et peu à peu, l'État est considéré comme un corps politique, avec le roi à sa tête. Le roi devient Dieu le Père, le Père de la Patrie. Patrie voulant dire la Terre des Pères. La conception de l'État est désormais mystique. C'est une unité sacrée, quasi divine, portée par une lumière transcendante. Paradoxalement, selon Kantorowicz, c'est parce que l'État moderne a imité l'Église qu'il est parvenu à s'en détacher. Je m'explique. En copiant la symbolique de l'Église, en empruntant son vocabulaire religieux, l'État est devenu sacré et donc ultra-puissant. Il n'y a plus une Église qui gère les âmes et un État politique qui s'occupe bassement des affaires terrestres. La royauté devient sacrée, ce qui en fait une entité autonome et aussi puissante que l'Église. L'analyse de Kantorowicz permet de comprendre la contradiction interne au pouvoir politique moderne. Le politique s'émancipe du religieux précisément parce qu'il en reprend les codes. Autrement dit, la conceptualisation de notre État moderne est pleine de religieux, en dépit de toute séparation juridique de l'Église et de l'État. C'est ce qu'on appelle la sécularisation, l'idée que tous les concepts politiques modernes serait dérivé de concepts religieux. C'était particulièrement vrai dans la monarchie absolue de droit divin, où le roi était l'envoyé de Dieu sur terre. Et il devait alors représenter cette divinité, cette continuité sacrée du pouvoir, à l'aide de mises en scène, d'images, des productions artistiques et des cérémonies. Et la Vème République, celle qu'on appelle la monarchie présidentielle, semble avoir hérité de ces structures. En particulier, la sacralisation du président de la République et l'étendue de son pouvoir. En fait, la théorie des deux corps du roi continue à irriguer l'imaginaire collectif. Lors de la mort du général de Gaulle, par exemple, on a organisé deux cérémonies. Un enterrement en petit comité, pour le corps naturel du roi, et une cérémonie nationale pour son corps sacré à Notre-Dame de Paris. Idem pour les funérailles de François Mitterrand. Et évidemment, celui qui surjoue le plus la sacralité du président roi, c'est Emmanuel Macron. Un Emmanuel Macron qui revendique explicitement d'ailleurs son admiration pour Kantorowicz et sa théorie des deux corps du roi. Macron a plusieurs fois parlé de sa conception spirituelle, transcendante du pouvoir, jusqu'à regretter le vide émotionnel, imaginaire, collectif provoqué par la mort de Louis XVI et que la démocratie française ne parviendrait pas à combler. En 2017, il affirmait aussi, en faisant directement référence à Kantorowicz, que le président a plusieurs corps. Là encore, le corps naturel et le corps mystique. On l'a bien vu ces derniers mois. Cette conception sacrée du pouvoir conduit Macron à délégitimer le Parlement et les élections au nom d'une vision supérieure. Et cette vision supérieure, c'est la sienne, bien entendu. Alors ? Rien d'étonnant à ce que Macron se soit mis en scène à Notre-Dame, cette cathédrale à la fois religieuse et politique, symbole de lumière sacrée et de continuité spirituelle de la France. Macron a, à plusieurs reprises, comparé la reconstruction de Notre-Dame à sa propre action politique. Lors du discours de réouverture, il a même prononcé cette phrase Cette cathédrale fut ainsi la métaphore heureuse de ce qu'est une nation et ce que devrait être le monde Dans la cathédrale, l'écoutaient religieusement les héritiers de l'ancienne famille royale française, dont les chaises indiquaient Son Altesse Royale, le Prince Charles de Bourbon des Deux-Siciles, reliqua d'un autre temps Près de lui, siégeaient tous les puissants, religieux et politiques. Le Prince William, Donald Trump, Elon Musk, Bernard Arnault. Et si Macron a rendu hommage aux travailleurs et travailleuses pendant son discours, ce sont bien les courtisans et les puissants qui ont été conviés. à participer à sa propre représentation du roi. Notre-Dame n'a donc pas fini d'être le théâtre des frictions entre le religieux et le politique. Au même moment, le pape catholique François, qui avait refusé l'invitation à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame, inaugurait une crèche de Noël au Vatican. Il priait devant une sculpture de Jésus enfant enveloppée dans un kéfier, une écharpe symbolisant la Palestine, rendant hommage aux enfants massacrés à Gaza. Un contraste amer avec une monarchie présidentielle ivre de sa propre puissance, prête à tout pour sacraliser son pouvoir, y compris accorder l'impunité à un criminel de guerre en train d'envahir ses pays voisins. S'il y a bien un message d'humanité porté par la religion catholique, il semble que ce week-end, ce n'est pas ce message-là qui a été porté à Notre-Dame. Ce week-end, Notre-Dame était davantage politique que religieuse. Au moment où Victor Hugo avait publié son chef-d'œuvre Notre-Dame de Paris, il y eut des voix pour s'offusquer du fait qu'il avait laissé trop de place aux monstres et aux pauvres de Paris et que la cathédrale était comme éclairée d'en bas par des soupiraux d'enfer. Mais c'est peut-être comme ça que Notre-Dame est la plus belle. Je ne sais pas vous, mais moi, je préfère les Quasimodo et les Esmeralda aux Frollo et aux Retailleau. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Pierre, Florian, Margot, Jean-Christophe, Jean-Michel, Étienne, Louis-Michel, Corinne, Élodie, Céline et Yvan, qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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⛪ Ce weekend avait lieu la cérémonie d’ouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait solennellement annoncé « nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans ». Pari réussi : la cathédrale est apparue plus belle que jamais.


Mais il y a eu un certain nombre de critiques, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron, et sur son attitude quasi-royale.


👑 Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président, au sein d’une 5ème République souvent qualifiée de monarchie présidentielle.

Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie du roi.

On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz, et bien sûr, de roi !




🎙️ Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

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  • Speaker #0

    Ce week-end avait lieu la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait à l'époque solennellement annoncé Nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans Un chantier colossal avait alors débuté pour reconstruire la cathédrale à l'identique dans un délai très court et ambitieux. Paris réussit pour Emmanuel Macron et la cathédrale est apparue plus belle que jamais. Mais un certain nombre de critiques se sont faites entendre concernant la réouverture. Déjà, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron. Ensuite, sur son ambiguïté vis-à-vis de la laïcité et de la séparation de l'Église et de l'État. Et enfin, sur l'attitude quasi royale qu'il a adoptée, faisant de Notre-Dame de Paris une allégorie de la nation française. Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président au sein d'une Vème République souvent qualifiés de monarchie présidentielle. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du roi. On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz et bien sûr, de roi. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Macron a-t-il bafoué la séparation de l'Église et de l'État en faisant un discours au sein de la cathédrale et en assistant à la messe ? On peut légitimement se poser la question. Mais Notre-Dame de Paris est-elle un édifice religieux ou politique ? En réalité, un peu des deux. C'est ce qu'on remarque quand on regarde l'histoire de la cathédrale. On se rend compte qu'elle a toujours incarné les tensions entre religion et politique. Tout commence il y a plus de 800 ans, en 1165. L'évêque de Paris, Maurice de Sully, décide de faire construire une cathédrale au cœur de Paris. Une cathédrale somptueuse, utilisant les dernières techniques architecturales pour construire un édifice aérien, baigné de lumière. Un édifice divin. Et cette cathédrale sera construite en face du Palais Royal. De quoi symboliser la concurrence entre les deux pouvoirs. Ou peut-être leur complémentarité. Au moment de la construction, le roi Philippe Auguste est lui aussi en train de bâtir quelque chose. Le royaume de France. Lui qui avait hérité d'un royaume qui se limitait en gros à l'île de France, parvient à conquérir de nouveaux territoires et à unifier le royaume. La capitale sera Paris. Philippe Auguste décrète que le palais royal sera la résidence fixe des rois. Et plutôt que d'entrer en conflit avec le pouvoir religieux, il passe un accord avec l'évêque de Paris. En 1214, il célèbre ses victoires militaires à Notre-Dame, qui n'est pourtant pas encore achevée. Notre-Dame devient officiellement la cathédrale du royaume de France. Si la cathédrale de Reims est celle où l'on sacre les rois, et la basilique de Saint-Denis l'endroit où on les enterre, Notre-Dame sera la cathédrale de leur règne, une cathédrale politique. Les liens étroits entre Notre-Dame et le roi vont perdurer pendant des siècles. 400 ans plus tard, Louis XIV célèbre encore ses victoires militaires dans la cathédrale, accrochant les drapeaux arrachés à ses ennemis dans l'allée centrale. Pendant la Révolution, la religion catholique est brièvement remplacée par le culte de l'être suprême. Notre-Dame est alors renommée le temple de la raison et les statues de rois sont décapitées. 10 ans plus tard, Napoléon se fait sacrer empereur à Notre-Dame et il fait un affront. au pouvoir religieux. Le pape lui donne la couronne, mais c'est bien lui, Napoléon, qui la pose sur sa propre tête et sur celle de l'impératrice Joséphine. Notre-Dame a donc toujours été le théâtre de la relation compliquée de l'enchevêtrement entre le religieux et le politique. Et cela perdure au XXe siècle. Si Clémenceau refuse d'y célébrer l'armistice de 1918, De Gaulle y fera une célébration, certes expresse, au moment de la libération de Paris. Notre-Dame, qui appartient à tous les Français et au patrimoine national depuis la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, devient un lieu de rassemblement, l'incarnation de l'esprit français, la cathédrale de la nation, à la fois religieuse et politique. Notre-Dame et le Royaume de France naissent au même moment et la cathédrale incarne depuis toujours les liens étroits entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. On peut alors la considérer comme un double symbole. Elle symbolise d'un côté la continuité du pouvoir et de la nation française et de l'autre l'enchevêtrement du religieux et du politique. Et ça, c'est aussi la caractéristique de la figure du roi. C'est en tout cas la théorie d'un historien allemand, Ernst Kantorowicz, qui publie en 1957 un livre intitulé Les deux corps du roi Il montre que la royauté médiévale s'est construite en imitant des concepts religieux, chrétiens, et s'appuie en particulier sur l'idée de la double nature de Jésus, qui serait à la fois homme et Dieu. Le roi, de la même manière, est considéré comme ayant deux corps, deux natures. Un corps naturel, mortel, c'est la personne physique du roi, et un corps politique, immortel, sa personne sacrée. Quand le roi physique meurt, le roi sacré ne meurt pas. Il se réincarne dans le successeur. C'est ce que montre la phrase Le roi est mort, vive le roi La royauté est sacrée, immortelle et continue. Et la métaphore du corps ne s'arrête pas là. L'Église chrétienne était considérée comme un corps mystique, dont Jésus était la tête. Et peu à peu, l'État est considéré comme un corps politique, avec le roi à sa tête. Le roi devient Dieu le Père, le Père de la Patrie. Patrie voulant dire la Terre des Pères. La conception de l'État est désormais mystique. C'est une unité sacrée, quasi divine, portée par une lumière transcendante. Paradoxalement, selon Kantorowicz, c'est parce que l'État moderne a imité l'Église qu'il est parvenu à s'en détacher. Je m'explique. En copiant la symbolique de l'Église, en empruntant son vocabulaire religieux, l'État est devenu sacré et donc ultra-puissant. Il n'y a plus une Église qui gère les âmes et un État politique qui s'occupe bassement des affaires terrestres. La royauté devient sacrée, ce qui en fait une entité autonome et aussi puissante que l'Église. L'analyse de Kantorowicz permet de comprendre la contradiction interne au pouvoir politique moderne. Le politique s'émancipe du religieux précisément parce qu'il en reprend les codes. Autrement dit, la conceptualisation de notre État moderne est pleine de religieux, en dépit de toute séparation juridique de l'Église et de l'État. C'est ce qu'on appelle la sécularisation, l'idée que tous les concepts politiques modernes serait dérivé de concepts religieux. C'était particulièrement vrai dans la monarchie absolue de droit divin, où le roi était l'envoyé de Dieu sur terre. Et il devait alors représenter cette divinité, cette continuité sacrée du pouvoir, à l'aide de mises en scène, d'images, des productions artistiques et des cérémonies. Et la Vème République, celle qu'on appelle la monarchie présidentielle, semble avoir hérité de ces structures. En particulier, la sacralisation du président de la République et l'étendue de son pouvoir. En fait, la théorie des deux corps du roi continue à irriguer l'imaginaire collectif. Lors de la mort du général de Gaulle, par exemple, on a organisé deux cérémonies. Un enterrement en petit comité, pour le corps naturel du roi, et une cérémonie nationale pour son corps sacré à Notre-Dame de Paris. Idem pour les funérailles de François Mitterrand. Et évidemment, celui qui surjoue le plus la sacralité du président roi, c'est Emmanuel Macron. Un Emmanuel Macron qui revendique explicitement d'ailleurs son admiration pour Kantorowicz et sa théorie des deux corps du roi. Macron a plusieurs fois parlé de sa conception spirituelle, transcendante du pouvoir, jusqu'à regretter le vide émotionnel, imaginaire, collectif provoqué par la mort de Louis XVI et que la démocratie française ne parviendrait pas à combler. En 2017, il affirmait aussi, en faisant directement référence à Kantorowicz, que le président a plusieurs corps. Là encore, le corps naturel et le corps mystique. On l'a bien vu ces derniers mois. Cette conception sacrée du pouvoir conduit Macron à délégitimer le Parlement et les élections au nom d'une vision supérieure. Et cette vision supérieure, c'est la sienne, bien entendu. Alors ? Rien d'étonnant à ce que Macron se soit mis en scène à Notre-Dame, cette cathédrale à la fois religieuse et politique, symbole de lumière sacrée et de continuité spirituelle de la France. Macron a, à plusieurs reprises, comparé la reconstruction de Notre-Dame à sa propre action politique. Lors du discours de réouverture, il a même prononcé cette phrase Cette cathédrale fut ainsi la métaphore heureuse de ce qu'est une nation et ce que devrait être le monde Dans la cathédrale, l'écoutaient religieusement les héritiers de l'ancienne famille royale française, dont les chaises indiquaient Son Altesse Royale, le Prince Charles de Bourbon des Deux-Siciles, reliqua d'un autre temps Près de lui, siégeaient tous les puissants, religieux et politiques. Le Prince William, Donald Trump, Elon Musk, Bernard Arnault. Et si Macron a rendu hommage aux travailleurs et travailleuses pendant son discours, ce sont bien les courtisans et les puissants qui ont été conviés. à participer à sa propre représentation du roi. Notre-Dame n'a donc pas fini d'être le théâtre des frictions entre le religieux et le politique. Au même moment, le pape catholique François, qui avait refusé l'invitation à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame, inaugurait une crèche de Noël au Vatican. Il priait devant une sculpture de Jésus enfant enveloppée dans un kéfier, une écharpe symbolisant la Palestine, rendant hommage aux enfants massacrés à Gaza. Un contraste amer avec une monarchie présidentielle ivre de sa propre puissance, prête à tout pour sacraliser son pouvoir, y compris accorder l'impunité à un criminel de guerre en train d'envahir ses pays voisins. S'il y a bien un message d'humanité porté par la religion catholique, il semble que ce week-end, ce n'est pas ce message-là qui a été porté à Notre-Dame. Ce week-end, Notre-Dame était davantage politique que religieuse. Au moment où Victor Hugo avait publié son chef-d'œuvre Notre-Dame de Paris, il y eut des voix pour s'offusquer du fait qu'il avait laissé trop de place aux monstres et aux pauvres de Paris et que la cathédrale était comme éclairée d'en bas par des soupiraux d'enfer. Mais c'est peut-être comme ça que Notre-Dame est la plus belle. Je ne sais pas vous, mais moi, je préfère les Quasimodo et les Esmeralda aux Frollo et aux Retailleau. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Pierre, Florian, Margot, Jean-Christophe, Jean-Michel, Étienne, Louis-Michel, Corinne, Élodie, Céline et Yvan, qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

Description

Et si la philosophie permettait de comprendre la figure du roi-président ?


⛪ Ce weekend avait lieu la cérémonie d’ouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait solennellement annoncé « nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans ». Pari réussi : la cathédrale est apparue plus belle que jamais.


Mais il y a eu un certain nombre de critiques, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron, et sur son attitude quasi-royale.


👑 Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président, au sein d’une 5ème République souvent qualifiée de monarchie présidentielle.

Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie du roi.

On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz, et bien sûr, de roi !




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Transcription

  • Speaker #0

    Ce week-end avait lieu la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après le terrible incendie qui avait ravagé sa flèche et la charpente. Emmanuel Macron avait à l'époque solennellement annoncé Nous rebâtirons Notre-Dame en cinq ans Un chantier colossal avait alors débuté pour reconstruire la cathédrale à l'identique dans un délai très court et ambitieux. Paris réussit pour Emmanuel Macron et la cathédrale est apparue plus belle que jamais. Mais un certain nombre de critiques se sont faites entendre concernant la réouverture. Déjà, sur la récupération politique de la reconstruction de la cathédrale par Macron. Ensuite, sur son ambiguïté vis-à-vis de la laïcité et de la séparation de l'Église et de l'État. Et enfin, sur l'attitude quasi royale qu'il a adoptée, faisant de Notre-Dame de Paris une allégorie de la nation française. Ce n'est pas la première fois qu'Emmanuel Macron se comporte comme un roi-président au sein d'une Vème République souvent qualifiés de monarchie présidentielle. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie du roi. On va parler histoire, religion, révolution, philosophie de Ernst Kantorowicz et bien sûr, de roi. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Macron a-t-il bafoué la séparation de l'Église et de l'État en faisant un discours au sein de la cathédrale et en assistant à la messe ? On peut légitimement se poser la question. Mais Notre-Dame de Paris est-elle un édifice religieux ou politique ? En réalité, un peu des deux. C'est ce qu'on remarque quand on regarde l'histoire de la cathédrale. On se rend compte qu'elle a toujours incarné les tensions entre religion et politique. Tout commence il y a plus de 800 ans, en 1165. L'évêque de Paris, Maurice de Sully, décide de faire construire une cathédrale au cœur de Paris. Une cathédrale somptueuse, utilisant les dernières techniques architecturales pour construire un édifice aérien, baigné de lumière. Un édifice divin. Et cette cathédrale sera construite en face du Palais Royal. De quoi symboliser la concurrence entre les deux pouvoirs. Ou peut-être leur complémentarité. Au moment de la construction, le roi Philippe Auguste est lui aussi en train de bâtir quelque chose. Le royaume de France. Lui qui avait hérité d'un royaume qui se limitait en gros à l'île de France, parvient à conquérir de nouveaux territoires et à unifier le royaume. La capitale sera Paris. Philippe Auguste décrète que le palais royal sera la résidence fixe des rois. Et plutôt que d'entrer en conflit avec le pouvoir religieux, il passe un accord avec l'évêque de Paris. En 1214, il célèbre ses victoires militaires à Notre-Dame, qui n'est pourtant pas encore achevée. Notre-Dame devient officiellement la cathédrale du royaume de France. Si la cathédrale de Reims est celle où l'on sacre les rois, et la basilique de Saint-Denis l'endroit où on les enterre, Notre-Dame sera la cathédrale de leur règne, une cathédrale politique. Les liens étroits entre Notre-Dame et le roi vont perdurer pendant des siècles. 400 ans plus tard, Louis XIV célèbre encore ses victoires militaires dans la cathédrale, accrochant les drapeaux arrachés à ses ennemis dans l'allée centrale. Pendant la Révolution, la religion catholique est brièvement remplacée par le culte de l'être suprême. Notre-Dame est alors renommée le temple de la raison et les statues de rois sont décapitées. 10 ans plus tard, Napoléon se fait sacrer empereur à Notre-Dame et il fait un affront. au pouvoir religieux. Le pape lui donne la couronne, mais c'est bien lui, Napoléon, qui la pose sur sa propre tête et sur celle de l'impératrice Joséphine. Notre-Dame a donc toujours été le théâtre de la relation compliquée de l'enchevêtrement entre le religieux et le politique. Et cela perdure au XXe siècle. Si Clémenceau refuse d'y célébrer l'armistice de 1918, De Gaulle y fera une célébration, certes expresse, au moment de la libération de Paris. Notre-Dame, qui appartient à tous les Français et au patrimoine national depuis la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État, devient un lieu de rassemblement, l'incarnation de l'esprit français, la cathédrale de la nation, à la fois religieuse et politique. Notre-Dame et le Royaume de France naissent au même moment et la cathédrale incarne depuis toujours les liens étroits entre le pouvoir politique et le pouvoir religieux. On peut alors la considérer comme un double symbole. Elle symbolise d'un côté la continuité du pouvoir et de la nation française et de l'autre l'enchevêtrement du religieux et du politique. Et ça, c'est aussi la caractéristique de la figure du roi. C'est en tout cas la théorie d'un historien allemand, Ernst Kantorowicz, qui publie en 1957 un livre intitulé Les deux corps du roi Il montre que la royauté médiévale s'est construite en imitant des concepts religieux, chrétiens, et s'appuie en particulier sur l'idée de la double nature de Jésus, qui serait à la fois homme et Dieu. Le roi, de la même manière, est considéré comme ayant deux corps, deux natures. Un corps naturel, mortel, c'est la personne physique du roi, et un corps politique, immortel, sa personne sacrée. Quand le roi physique meurt, le roi sacré ne meurt pas. Il se réincarne dans le successeur. C'est ce que montre la phrase Le roi est mort, vive le roi La royauté est sacrée, immortelle et continue. Et la métaphore du corps ne s'arrête pas là. L'Église chrétienne était considérée comme un corps mystique, dont Jésus était la tête. Et peu à peu, l'État est considéré comme un corps politique, avec le roi à sa tête. Le roi devient Dieu le Père, le Père de la Patrie. Patrie voulant dire la Terre des Pères. La conception de l'État est désormais mystique. C'est une unité sacrée, quasi divine, portée par une lumière transcendante. Paradoxalement, selon Kantorowicz, c'est parce que l'État moderne a imité l'Église qu'il est parvenu à s'en détacher. Je m'explique. En copiant la symbolique de l'Église, en empruntant son vocabulaire religieux, l'État est devenu sacré et donc ultra-puissant. Il n'y a plus une Église qui gère les âmes et un État politique qui s'occupe bassement des affaires terrestres. La royauté devient sacrée, ce qui en fait une entité autonome et aussi puissante que l'Église. L'analyse de Kantorowicz permet de comprendre la contradiction interne au pouvoir politique moderne. Le politique s'émancipe du religieux précisément parce qu'il en reprend les codes. Autrement dit, la conceptualisation de notre État moderne est pleine de religieux, en dépit de toute séparation juridique de l'Église et de l'État. C'est ce qu'on appelle la sécularisation, l'idée que tous les concepts politiques modernes serait dérivé de concepts religieux. C'était particulièrement vrai dans la monarchie absolue de droit divin, où le roi était l'envoyé de Dieu sur terre. Et il devait alors représenter cette divinité, cette continuité sacrée du pouvoir, à l'aide de mises en scène, d'images, des productions artistiques et des cérémonies. Et la Vème République, celle qu'on appelle la monarchie présidentielle, semble avoir hérité de ces structures. En particulier, la sacralisation du président de la République et l'étendue de son pouvoir. En fait, la théorie des deux corps du roi continue à irriguer l'imaginaire collectif. Lors de la mort du général de Gaulle, par exemple, on a organisé deux cérémonies. Un enterrement en petit comité, pour le corps naturel du roi, et une cérémonie nationale pour son corps sacré à Notre-Dame de Paris. Idem pour les funérailles de François Mitterrand. Et évidemment, celui qui surjoue le plus la sacralité du président roi, c'est Emmanuel Macron. Un Emmanuel Macron qui revendique explicitement d'ailleurs son admiration pour Kantorowicz et sa théorie des deux corps du roi. Macron a plusieurs fois parlé de sa conception spirituelle, transcendante du pouvoir, jusqu'à regretter le vide émotionnel, imaginaire, collectif provoqué par la mort de Louis XVI et que la démocratie française ne parviendrait pas à combler. En 2017, il affirmait aussi, en faisant directement référence à Kantorowicz, que le président a plusieurs corps. Là encore, le corps naturel et le corps mystique. On l'a bien vu ces derniers mois. Cette conception sacrée du pouvoir conduit Macron à délégitimer le Parlement et les élections au nom d'une vision supérieure. Et cette vision supérieure, c'est la sienne, bien entendu. Alors ? Rien d'étonnant à ce que Macron se soit mis en scène à Notre-Dame, cette cathédrale à la fois religieuse et politique, symbole de lumière sacrée et de continuité spirituelle de la France. Macron a, à plusieurs reprises, comparé la reconstruction de Notre-Dame à sa propre action politique. Lors du discours de réouverture, il a même prononcé cette phrase Cette cathédrale fut ainsi la métaphore heureuse de ce qu'est une nation et ce que devrait être le monde Dans la cathédrale, l'écoutaient religieusement les héritiers de l'ancienne famille royale française, dont les chaises indiquaient Son Altesse Royale, le Prince Charles de Bourbon des Deux-Siciles, reliqua d'un autre temps Près de lui, siégeaient tous les puissants, religieux et politiques. Le Prince William, Donald Trump, Elon Musk, Bernard Arnault. Et si Macron a rendu hommage aux travailleurs et travailleuses pendant son discours, ce sont bien les courtisans et les puissants qui ont été conviés. à participer à sa propre représentation du roi. Notre-Dame n'a donc pas fini d'être le théâtre des frictions entre le religieux et le politique. Au même moment, le pape catholique François, qui avait refusé l'invitation à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame, inaugurait une crèche de Noël au Vatican. Il priait devant une sculpture de Jésus enfant enveloppée dans un kéfier, une écharpe symbolisant la Palestine, rendant hommage aux enfants massacrés à Gaza. Un contraste amer avec une monarchie présidentielle ivre de sa propre puissance, prête à tout pour sacraliser son pouvoir, y compris accorder l'impunité à un criminel de guerre en train d'envahir ses pays voisins. S'il y a bien un message d'humanité porté par la religion catholique, il semble que ce week-end, ce n'est pas ce message-là qui a été porté à Notre-Dame. Ce week-end, Notre-Dame était davantage politique que religieuse. Au moment où Victor Hugo avait publié son chef-d'œuvre Notre-Dame de Paris, il y eut des voix pour s'offusquer du fait qu'il avait laissé trop de place aux monstres et aux pauvres de Paris et que la cathédrale était comme éclairée d'en bas par des soupiraux d'enfer. Mais c'est peut-être comme ça que Notre-Dame est la plus belle. Je ne sais pas vous, mais moi, je préfère les Quasimodo et les Esmeralda aux Frollo et aux Retailleau. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Pierre, Florian, Margot, Jean-Christophe, Jean-Michel, Étienne, Louis-Michel, Corinne, Élodie, Céline et Yvan, qui, avec leurs dons, soutiennent l'aventure du fil d'actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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