Speaker #0Mais ça, on le connaît tous, le poids du petit mot hyper cassant. Il suffit d'avoir fait un Noël dans sa famille en général pour avoir vécu ça. Ah, tu te resserres ? Point d'interrogation. Évidemment que ce qu'on est en train de dire, c'est pas Ah tiens, tu es en train de te resservir. Ce qu'on dit c'est Ah tiens, avec la taille de ton pantalon, tu y vas quand même. Ça, c'est le poids des mots. Bonjour et bienvenue dans l'épisode 8 du Poids des mots, le podcast d'Oximor & Mor. Et aujourd'hui, nous allons nous concentrer sur le poids des mots, au sens strict. Littéralement, les mots nous pèsent, les mots nous blessent, les mots nous heurtent. Les mots, comment dirais-je, nous enferment gentiment dans de petites cases et nous ne sommes pas toujours aussi petits que l'on pourrait le croire. Aujourd'hui, on prend de l'espace, on prend le large. Et on ramène le mot à ce qu'il a de plus réjouissant quand on le repense un petit peu. Je vous invite donc à faire un pas de côté pour que le mot ne soit plus un poids, mais bien un joli petit poids dans le matelas que l'on reconnaît parfois à la princesse au petit poids. Celle qui va pinailler certes, mais qui va permettre quand même d'avoir une meilleure qualité de vie. Bonjour, je m'appelle Sonia Vignon, je suis linguiste spécialiste en rhétorique et en sémantique. J'ai travaillé en France, au Canada, et j'ai rencontré tellement de gens merveilleux qui avaient un rapport au mot et à la langue différent que je me suis rendue compte que c'est ce qui faisait notre singularité et notre humanité. Quand on enregistrait un des premiers épisodes de ce podcast avec mes collaboratrices, il y a un moment où je me suis vraiment agacée. on était en train de parler écriture inclusive je crois que c'est le sujet qui me monte en l'air en ce moment et Luna pour ne pas la citer me dit ah c'est génial quand t'es énervée comme ça on voit à quel point c'est important pour toi alors oui c'est important pour moi non je ne suis pas sûre que ce soit génial et en réalité je ne suis même pas sûre qu'il y ait vraiment quelqu'un dans la vie pour qui ça n'est pas important que le poids des mots même quand on les rejette même quand on dit ah ça va c'est bon t'as compris pinaille pas En réalité, on y accorde de l'importance. Le fait même de ne pas vouloir y accorder de l'importance est un acte militant. Les gens qui disent « non, c'est bon, on se comprend, pire. Non, c'est bon, je me comprends. » Alors autant te dire, mon petit lapin, que si tu essayes d'entrer en relation avec toi-même, pourquoi pas ? Dans ce cas-là, je t'invite à aller dans une grotte au fin fond du Larzac. Mais si tu essaies d'entrer en relation à l'autre, les mots « juste » , c'est quand même pas mal. Et là où on voit qu'on a quand même du chemin à parcourir, c'est l'entreprise évidemment. Le meilleur exemple, celui qui me rend folle en ce moment, c'est McDonald's. Alors évidemment, vous allez me dire, il y a plein de sujets chez McDonald's qui peuvent nous rendre fous. Ce n'est pas faux. Et d'ailleurs, ça nous rend fous à plusieurs sujets, parce que moi j'ai quand même des enfants qui, globalement, sont fous de la malbouffe. Mais c'est un autre sujet. Et venez comme vous êtes. Elle est formidable cette phrase, venez comme vous êtes. On en a fait un gimmick, on l'utilise entre nous. Ils ont parfaitement réussi leur coup. C'est devenu une expression de la langue française. Viens, viens comme tu es. On fait un apéro samedi, qu'est-ce que j'amène ? Mais rien, viens comme tu es. Et ça, moi j'avoue, ça peut m'agacer un tout petit peu. Parce que, venez comme vous êtes, très bien. Venez comme vous êtes, mangez la même nourriture que l'intégralité de la planète. Est-ce qu'il n'y a pas une petite dissonance cognitive ? Est-ce qu'on n'est pas un tout petit peu sur l'injonction paradoxale absolue ? Et bien sûr qu'on ne le questionne pas parce que c'est drôle, ça marche, ça nous fait plaisir. Mais en réalité, qui vient comme il est dans une société uniformisée jusqu'à ce qu'on mange ? Ça, je ne suis pas sûre. Il n'y a pas longtemps, j'en parlais avec des gens lors d'une formation qui m'ont dit « Oui, mais Sonia, tu sais, au Japon, il y a des sandwiches qui sont faits avec du riz. » Très bien, ok. Il y a une petite amélioration culturelle. Mais la réalité quand même, c'est qu'on dit à des gens de venir comme ils sont pour faire exactement la même chose que tous leurs voisins. Alors voilà, c'est l'injonction paradoxale du langage quand il n'est pas pensé, mais qu'il est esthétisé. Le poids des mots, c'est ça. C'est tout ce qu'on peut entendre qui, si on le repense un tout petit peu, va totalement... nous paraître absurde, mais à force de l'entendre, on ne le questionne plus. Un autre exemple, la confiance n'exclut pas le contrôle. Bah si Thérèse ! La confiance exclut le contrôle en fait. Par définition, la confiance exclut le contrôle. Pourquoi est-ce que je ne prends pas 10 secondes de plus ? Littéralement, franchement, 10 secondes. Pour expliquer, ok, sur ce dossier, j'ai un petit sujet, je vais peut-être être un peu plus contrôlant parce que moi-même j'ai des attentes fortes, que j'ai une hiérarchie, peu importe, je vais contextualiser ma demande. Mais sur ce sujet-là, en revanche, c'est très ok pour moi, tu l'as déjà fait, je sais que tu es absolument capable. je ne contrôlerai donc pas. Là-dessus, pas de problème, on est en confiance. Ça prend quoi ? 10 secondes d'expliquer mieux les choses ? Est-ce qu'on est à ce point pressé qu'on n'a pas le temps de dire à la personne avec laquelle on est quelque chose de sensé ? Donc la confiance n'exclut pas le contrôle ? Si. Venez comme vous êtes, certainement pas chez McDonald's. Je suis sûre qu'au moment où on se parle, vous en avez tous des phrases comme ça, où vous vous dites, mais c'est tellement... couillon de dire un truc pareil. Et en plus, c'est faux. C'est ça le poids des mots. Le poids des mots, c'est utiliser la langue de la mauvaise manière. Là, clairement, l'injonction paradoxale, c'est très enfermant. C'est un peu le principe de tous les slogans aussi. On se les approprie et du coup, on fait société autour de cette petite phrase qui est plus esthétique que vraiment pertinente, mais c'est pas grave. Là où on était très très fort pour ça, c'était dans la... pub des années 90. Alors là, évidemment, je vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Mais dans les années 90, on l'avait plus blanc que blanc. C'est pas génial, ça ? C'est quoi plus blanc que blanc ? Transparent ? Étincelant ? Bon, on s'en foutait, c'était pas grave. Elle était chouette, l'expression, ça marchait bien. La paire, il n'y en a pas deux. Mais génial ! Bon, dans les faits, il n'y en a pas deux, il y en a 10 000. Vu que c'est national. Mais c'est pas grave, ça marche très très bien, c'est un coup de génie. Et c'est ça le truc, c'est que bien sûr on ne peut pas non plus rejeter tous les effets de style en disant « Non Sonia, elle a dit qu'il faut être un ayatollah du genre et à partir de maintenant, soit ce que je dis a vraiment du sens, soit je ne le dis pas. » Évidemment pas, et encore heureux qu'on peut se planter, mal utiliser un mot ou utiliser celui qui fait bien en ce moment parce que malgré tout je n'ai pas toujours le temps de repenser 20 ans mon dialogue. Ça, ok, très bien. En revanche, il y a aussi des usages qui peuvent vraiment mettre du poids sur les épaules de l'autre. Et c'est aussi ce qu'on va aller questionner aujourd'hui. Le poids des mots, c'est aussi le très gros poids des tout petits mots. Par exemple, je t'aime bien. Ah, la violence de ce bien ! Il a tué un nombre de cœurs, ce bien ! Incroyable ! Parce qu'évidemment, il y a un univers entre je t'aime et je t'aime bien. Il y a un univers entre je t'aime et je t'aime beaucoup. Et cette petite phrase fait les grands chagrins d'amour. T'es belle aujourd'hui. Qui ne s'est pas fait retoquer sur un t'es belle aujourd'hui ? Ah bah parce que hier, j'étais pas belle quoi. C'est ça aussi le problème des mots. C'est qu'un tout petit mot... peut générer un énorme conflit. Et c'est à la fois réjouissant, parce que ça veut dire que les mots n'ont pas perdu de leur force avec les années, et à la fois évidemment hyper frustrant, parce que souvent on n'est pas volontairement maladroit. D'ailleurs le principe même de la maladresse, c'est que ça n'est pas fait exprès, sinon ça s'appelle un tir. Et quand on met un tir entre les deux yeux de quelqu'un, normalement on l'a fait bien volontairement. Le poids des mots, c'est donc cette... comment dirais-je cette difficulté qu'on a à utiliser la même brique que tout le monde dans le jeu de Lego et pour autant à ne pas en faire à la fin le même jeu que tout le monde le mot c'est ça en fait, c'est une petite brique c'est une jolie petite brique tout seul il est assez inoffensif pour qu'il soit lourd c'est soit qu'il a été adjoint à plein d'autres briques et que vraiment bah Ce n'était pas la bonne adjonction. Soit qu'on a mis cette toute petite brique sur un équilibre instable en bout de game et évidemment, ça fait s'effondrer la tour. Mais ça, on le connaît tous, le poids du petit mot hyper cassant. Il suffit d'avoir fait un Noël dans sa famille en général pour avoir vécu ça. Ah, tu te resserres ? Point d'interrogation. Évidemment que ce qu'on est en train de dire, ce n'est pas, ah tiens, tu es en train de te resservir. Ce qu'on dit c'est « Ah tiens, avec la taille de ton pantalon, tu y vas quand même ! » Ça, c'est le poids des mots. Un tout petit mot, dans son contexte, peut déclencher vraiment de grosses conséquences chez la personne en face. Et c'est là qu'on va aborder le sujet majeur du poids des mots, c'est le fait de dire un mot n'est jamais le problème seul. Il est toujours le problème, entre guillemets, quand il est adjoint à quelque chose. Et ce quelque chose, c'est en fait un ensemble clair. Verbal, non-verbal, paraverbal. On en a déjà parlé ici. Donc le verbal, c'est les mots, le non-verbal, c'est ma voix, mon regard, la manière dont je dis les choses, et puis bien sûr, le paraverbal, tout ce qui tourne autour de ça, le contexte, l'énergie, tout ça, tout ça. Vous mettez tout ça dans un grand shaker, vous secouez, vous secouez, et à la fin, vous obtenez des incompréhensions, des tristesses, et en entreprise, des non-sens. Parce que l'on ne questionne plus. l'usage qu'on fait des mots. Et j'ai eu l'occasion, il n'y a pas longtemps, d'accompagner une entreprise dans laquelle le projet 2025, c'était la transformation continue. Problème, la transformation, oui. Continue, oui. La transformation continue, ça n'existe pas. C'est un non-sens, un peu comme la confiance qui n'exclut pas le contrôle. Et pourquoi est-ce que la transformation continue est un non-sens ? Tout simplement parce qu'une transformation Par définition, ça a un début et ça a une fin. Et donc, si elle est permanente, elle n'a plus de fin. Dans ces cas-là, ça n'est pas une transformation, c'est une évolution. L'évolution peut être permanente. Tout au long de nos vies, on évolue. Et d'ailleurs, on parlait de neuroplasticité il n'y a pas longtemps. La neuroplasticité, c'est l'évolution permanente du cerveau. Mais la transformation permanente en entreprise, c'est vraiment un non-sens. Comment voulez-vous ? qu'un collaborateur s'ancre dans du quotidien, s'ancre dans sa réalité d'aujourd'hui et un sentiment de fierté, d'appartenance dans la tâche accomplie, si on lui explique qu'il faudra faire mieux demain, toujours. La transformation continue. Il y a un petit côté rocher de scisif qui est vraiment très douloureux. Et d'ailleurs, la métaphore et l'image que je donne avec le rocher de scisif, le mythe de scisif, est parfait. Parce que c'est lourd, quoi. Et la transformation continue, c'est lourd. Et l'injonction à ça, c'est lourd. De la même manière qu'on a longtemps, et d'ailleurs c'est toujours le cas dans beaucoup d'entreprises, parlé performance globale. Évidemment, on voit bien le côté vertueux que ça devrait avoir. On essaye d'être performant à plein de niveaux parce qu'il est important d'être performant pour notre environnement, donc en nous engageant. Il est important d'être performant dans nos produits, il est important d'être performant dans notre relation. au client et ou dans notre relation à l'autre, il est important, mais en fait, à vouloir être performant partout, est-ce qu'on est excellent à un seul endroit ? Pas du tout. La notion même de performance globale, c'est nier l'excellence. On ne peut pas être excellent partout, donc on va vouloir être performant partout et, spoiler alert, je vous le dis, ça sera l'épisode 9 de notre podcast, mais... Qu'est-ce que c'est que cette injonction à la performance ? L'être humain doit-il toujours être performant ? Bon, on y reviendra, je ne vous en dis pas plus. Mais voilà quelques exemples de mots qui peuvent être lourds. On voit bien d'ailleurs que ce sont des mots qui sont tout à fait inoffensifs en tant que tels. Ce n'est pas le mot qui pose le problème, c'est évidemment ce qu'on en fait. Et là, je vais citer, une fois n'est pas coutume, quelqu'un d'autre que moi-même. J'ai déjeuné il n'y a pas longtemps avec un de mes clients. qui a évidemment une appétence au mot très importante, parce que sinon ce ne serait pas mon client, et qui est lui plutôt dans les chiffres. Et il m'a livré cette citation que je partage avec vous, qui est donc une citation autour du chiffre au départ, mais si vous remplacez le mot chiffre par le mot mot, eh bien je pense que ça conclura parfaitement cet épisode, tant ça dit de la complexité de ce que nous on en fait. La citation donc est une citation d'Alfred Sauvy. Le chiffre est un être délicat, sensible, qui, soumis à la torture, se livre à des aveux, conforme au désir de son bourreau. Mais dès qu'il est remis en liberté, il se rétracte, maintenant intacte, les vérités qu'il renferme, souvent accusatrices. Le mot, c'est exactement pareil. Le mot est un être délicat, sensible, qui, soumis à la torture, se livre à des aveux, conforme au désir de son bourreau. Mais dès qu'il est remis en liberté, il se rétracte, maintenant... intacte les vérités qu'il renferme, souvent accusatrice. Oui, le mot est un être délicat, sensible et fragile. Notre usage doit l'être tout autant. Le poids des mots Ce n'est pas le poids des mots, c'est le poids du bourreau qui utilise le mot. Vous l'aurez donc compris dans cet épisode, il est venu le temps, non pas des cathédrales, mais de repenser les mots que l'on utilise au quotidien dans l'entreprise. Est-ce qu'il est vraiment souhaitable d'envisager une performance globale ? Est-ce qu'on ne peut pas repenser notre rapport à l'excellence dans un domaine précis ? Est-ce que la transformation est permanente, continue ? Ou peut-on simplement se dire que nous allons transformer d'un point A à un point B et que lorsque nous aurons atteint ce point B, nous aurons la satisfaction d'avoir réussi la transformation, quitte à envisager par la suite une nouvelle transformation qui partira de ce point B vers un point C ? Est-ce que je viens comme je suis quand je suis en entreprise ? Pas plus qu'à McDo, en fait. Je viens comme mon... me demande de venir dans un contexte qui est celui de la culture de l'entreprise, de la culture de mon métier et puis de mon équipe. Il faut tout simplement se rappeler que nous ne pouvons pas avoir d'injonction paradoxale sans, au fond de nous, allumer cette petite lampe rouge, ce fameux red flag dont on a déjà parlé, qui nous fait nous dire « ça ne va pas » . Un petit mot peut vraiment... tout changer en bien, en mal, mais en bien aussi. Parce que quand on dit je t'aime, on crée un nouveau monde, on crée quelque chose de très très joli. Alors quand on dit je t'aime bien, bon, peut-être pas. Mais quand on parle à un ami et qu'on lui dit je t'aime fort, ça marche très bien. Le mot, c'est ce qu'il y a de plus réjouissant, et en entreprise, et dans la vie, parce que c'est ce qui fait de nous des êtres humains capables non pas juste de penser, mais de rentrer en relation les uns avec les autres, les expressions toutes faites qu'on utilise tous les jours sans vraiment les questionner. Je vous en ai cité plusieurs, mais je suis sûre que vous aussi vous avez des expressions comme ça qui vous viennent. Si jamais vous avez envie de nous les partager, rendez-vous sur notre page LinkedIn ou sur notre site internet et on pourra débattre avec grand... J'espère que cet épisode du Poids des mots vous a plu, qu'il a su égayer votre trajet retour ou votre trajet aller ou votre super moment métro, TGV, avion, que sais-je. Et si vous avez l'occasion aujourd'hui de penser grâce aux mots une nouvelle réalité jolie à créer, eh bien faites-le, entrez dans l'armée de la nuance du mot.