Speaker #0Je crois vraiment que c'est le souci de la société actuelle, notamment de la société du visuel actuel, c'est qu'on essaye de faire beau et on n'essaye pas de faire vrai. Et là, autant vous dire que les mots de l'entreprise, ils sont très liés à ça.
Bienvenue dans ce troisième épisode du podcast Le Poids des mots, le podcast d'Oxymore And More qui pèse... sous-pèse le mot juste et son poids sur les mots de l'entreprise. Nous allons aujourd'hui particulièrement nous intéresser à l'univers de l'entreprise justement parce que faire société, c'est parler et être une société, c'est faire société parce que c'est ça qui crée le groupe, le fait d'utiliser les mêmes mots et finalement, parfois, utiliser les mêmes mots sans questionner les mots. C'est ce qui va générer les mots, M-A-U-X, et c'est ce qu'on va aller explorer ensemble dans cet épisode.
Je m'appelle Sonia Vignon, je suis linguiste spécialiste en rhétorique et en sémantique. J'ai travaillé en France, au Canada, et j'ai rencontré tellement de gens merveilleux qui avaient un rapport aux mots et à la langue différents que je me suis rendue compte que c'est ce qui faisait notre singularité et notre humanité.
Quand on parle des mots de l'entreprise, M-A-U-X, ils sont souvent très étroitement liés aux mots de l'entreprise, M-O-T-S. Et évidemment, dit comme ça, ça paraît assez logique. Pourquoi ? Eh bien, pour plein de raisons. La première, c'est qu'on a, depuis une bonne trentaine d'années, fait une énorme erreur en essayant de séparer, d'avoir cette injonction à la séparation, vie pro / vie perso. Vous avez a priori un seul cerveau. Et je ne suis pas persuadée que Jean-Marc, qui s'est fait larguer la veille au soir, après 30 ans de vie commune pour le prof de tennis, va arriver au boulot smiley, smiley. Et qu'il va vraiment bien faire son petit distinguo, vie pro, vie perso, et arriver au boulot et dire, jusqu'à 18h, je suis au top. Je vais bien. Je suis dans mon taf, je suis, mais alors, au bon endroit. Evidemment pas, dit comme ça, ça semble assez logique que non. Et donc, ça vient questionner un des mots M-O-T-S de l'entreprise qui me rend dingue en ce moment, à savoir le happiness officer. À quel moment on considère qu'en entreprise, quelqu'un est responsable de son bonheur ? Je veux dire, déjà dans la vie, philosophiquement parlant : Qui d'autre que soi-même est responsable de son propre bonheur ? Et à qui d'autre pouvons-nous donner la responsabilité de notre propre bonheur ? Ça vient chercher sur des fondements bien plus loin que ceux de l'entreprise ou de la vie en entreprise, mais en réalité, c'est forcément quelque chose qui nous impacte au quotidien, parce que ça veut dire que la société a totalement déresponsabilisé chacun de ses propres engagements à la vie. Et donc, je suis navrée, mais mon bonheur, il ne dépend que de moi. Il dépend aussi du prof de tennis, si je me fais larguer pour le prof de tennis. Mais en réalité, comment est-ce qu'on a pu mettre en entreprise des responsables de bonheur ? À quel moment on n'a pas questionné le mot et on n'a pas compris que ça allait créer des maux, M-A-U-X ? Parce qu'en donnant la responsabilité du bonheur à quelqu'un d'externe à nous-mêmes, et en plus, dans le cadre de l'entreprise, on a quand même fait de chacun un gros assisté, un gros bébé, qui aujourd'hui, s'il n'est pas bien dans sa boîte, ne se questionne pas et dit « faute de la boîte, faute de l'entreprise ». Puisque le responsable, la pinès, machin, c'est quelqu'un de l'entreprise qui est là pour contribuer à mon bonheur. Mais là, c'est de la philosophie, on ne va pas le traiter aujourd'hui, mais est-ce que l'entreprise est le lieu du bonheur ? Est-ce que c'est en entreprise que je suis censée aller chercher du bonheur ? Moi, je ne crois pas. Moi, je crois que mon bonheur vient de ma vie et que si j'ai beaucoup de chance, j'ai aussi de la joie en entreprise. Mais ce n'est pas l'entreprise qui va générer le bonheur. C'est le fait que j'aime ce que je fais qui va générer du bonheur.
Et c'est là qu'à nouveau, on a déjà parlé dans un épisode précédent, mais on constate à quel point on a essayé... de mettre des mots pour travestir la réalité, mettre des titres pour essayer de dire « Non, mais en fait, on va être heureux dans cette boîte. » Mais à quel moment ? Est-ce qu'on ne pouvait pas d'abord questionner : L'entreprise est-elle un lieu de bonheur ? L'entreprise est-elle un lieu où on doit forcément être heureux ? Moi, je crois qu'on doit s'épanouir dans son métier, on doit s'épanouir dans l'entreprise, mais s'épanouir, ça ne veut pas forcément dire être heureux. Si dans nos vies personnelles, on a des difficultés, si on a des soucis de santé, si on a des parents ou des enfants qui ont, eux, des soucis de santé, on ne peut pas, de toutes les manières, trouver le bonheur en entreprise. Est-ce que oser nommer cette réalité-là et de dire qu'on a une seule vie perso, pro, tout est imbriqué et donc nous avons nous la responsabilité de ne pas rendre les autres malheureux, ce serait déjà pas mal. Prendre la responsabilité de la relation, de sa propre partie dans la relation, c'est suffisant. Je ne crois pas qu'on a besoin d'aller comme ça toujours dans des extrêmes et d'aller chercher des mots qui mentent de manière à travestir la réalité de l'entreprise. L'entreprise n'est pas un lieu de bonheur et on ne peut pas séparer la vie pro de la vie perso tant qu'on a un seul et unique cerveau.
Ça va expliquer beaucoup des maux de l'entreprise déjà parce qu'il y a quand même un langage propre au monde professionnel qui est devenu aujourd'hui extrêmement vide de sens. Alors là, pour le coup, on peut y aller fort, mais qu'est-ce qu'on a comme expression insupportable dans l'entreprise ? Le trou dans la raquette. Oh, il y a un trou dans la raquette, ça veut dire ? On a besoin de faire un tennis. Ça, c'est un truc qui est très drôle. Comme le « je prends le point » . Tout le monde fait un tennis, apparemment. Donc, « je prends le point » . OK, super. On ne fait plus des réunions, on va brainstormer. Parce qu'apparemment, en anglais, c'est plus classe. Une réunion, c'est chiant. Un brainstorm, c'est classe. On a créé des mots qu'on a complètement vidé de leur sens. Comme par exemple, aujourd'hui, on disrupte tout, n'importe quoi. Comme en cuisine, ils revisitent. Fais-moi un poteau-feu, en fait. Un très bon poteau-feu. Je n'ai pas spécialement besoin qu'il soit revisité en forme de la tour Eiffel avec les carottes à part. Je veux un poteau-feu.
Et je crois vraiment que c'est le souci de la société actuelle, notamment de la société du visuel actuel, c'est qu'on essaye de faire beau et on n'essaye pas de faire vrai. Et là, autant vous dire que les mots de l'entreprise, ils sont très liés à ça. On vend une entreprise belle. On vend une entreprise dans laquelle il fait bon vivre et on n'essaye pas que ce soit vrai, qu'on passe vraiment un temps de qualité dans l'entreprise avec des échanges de qualité. Et pour avoir des échanges de qualité, je pense qu'il faut commencer par avoir des échanges en conscience. Et donc en utilisant des mots qui nous conviennent, qui nous ressemblent et dans lesquels on met du sens. Qui aujourd'hui a envie qu'on lui dise « asap » pour de vrai ? Il n'y a pas longtemps, j'ai découvert dans un groupe dans lequel j'interviens, parce que, en tête à tête, c'est devenu le one-to-one. Apparemment, one-to-one, plus classe que tête à tête, évidemment, parce qu'en anglais, tout est plus classe. Et maintenant, c'est le 121. One-to-one. Un-deux-un. Ah oui. Et là, est-ce qu'on n'a pas quand même touché le fond de la piscine ? Parce qu'on ne veut même plus réfléchir à qu'est-ce qu'on fait des huit millièmes de secondes qu'on a gagné à taper 121 au lieu d'écrire réunion. Je ne sais pas. Mais apparemment, on a très besoin de ces huit secondes de gagné. Et ça, quand même, chez moi, c'est quelque chose qui m'interpelle beaucoup. Et en entreprise, c'est quand même le monde du fake. Là, je fais exprès d'utiliser un anglicisme.
Alors donc, moi je propose qu'on parte gaiement dans la farandole des mots débiles de l'entreprise. Alors, ils ne sont pas débiles en soi. Quand même, je le reprécise, ce n'est jamais le mot en tant que tel, c'est toujours ce qu'on en fait. Le mot n'est jamais responsable. Le mot est une victime de notre usage et de ce qu'on lui fait dire, le pauvre. Alors que ce n'est pas pour ça qu'il était là au départ, il n'était pas venu pour s'offrir, ok ? Voilà, il faut avoir la ref. Eh bien, si tu ne l'as pas, tu es exclu du groupe. C'est terrible à quel point on peut créer comme ça des groupes. Tous les gens qui sont allés au collège savent à quel point c'est dur de ne pas avoir la ref et à quel point c'est dur de ne pas faire partie du groupe. Et en fait, même les adultes sont en terreur de ça. Bref, on va passer s'allonger tout de suite pour faire de la psy.
Revenons aux mots insupportables de l'entreprise. Ils ne sont pas insupportables en tant que tels, je le redis, mais c'est insupportable dans leur usage, typiquement agilité. Agilité au départ c'est plutôt un joli mot, il y a un truc de souplesse, on voit, il faut être agile, très bien. C'est intelligent en plus l'agilité, ça veut dire qu'on est capable d'aller s'adapter et tout, c'est chouette. Or, en entreprise, il a vraiment été utilisé comme... contorsion. Ça veut dire, je vais te mettre un truc carré et tu vas me faire rentrer un truc rond dedans. Et s'il te plaît, sans râler, parce que c'est de l'agilité. Et donc, ça, c'est une injonction masquée à autre chose. Ça, c'est terrible. C'est comme quand vous lisez dans une annonce, et on en reparlera dans le podcast sur les mots de la RH : post-transverse. Et ça, ça veut dire souvent, on n'a pas le budget d'un côté ou de l'autre. Et donc, il va falloir faire le secrétariat et les carreaux. À un moment, on est transverse sur comptable et commercial et machin. Donc, évidemment, transverse au départ, c'était plutôt joli. Le mot en tant que tel, il n'a rien de mauvais. Mais ce que ça donne de la réalité de l'entreprise derrière, c'est assez moche.
Tous les mots volés à l'anglais, notamment dans les startups, vraiment, c'est devenu des éléments de langage du quotidien. plus personne ne parle autrement. Mais ça fait le groupe, et c'est ça aussi. Ça dit la jeunesse, ça dit l'appartenance à un monde très précis. Le monde de la tech se revendique par ses éléments de langage complètement anglais. Et ça, c'est même quelque chose qui les définit en tant que monde de la tech. Ça veut dire que ramener à ce moment-là de la justesse dans le mot leur semblerait contre-productif, puisqu'ils se définissent par là même, parce qu'ils parlent avec ces anglicismes-là qu'ils considèrent être jeunes, modernes, funs. Enfin voilà, donc tout ça va bien au-delà du mot. Ça va aussi sur la représentation qu'on s'en fait, sur le fait que ça fait de nous ou pas des gens qui font partie du groupe. Et donc le mot devient à ce moment-là quelque chose de l'ordre de l'identité. Et c'est bien de toutes les manières ce qu'on prône chez Oxymore, puisqu'on fait nous des identités sémantiques, des identités lexicales, et c'est le fait de dire le mot te définit et les mots que tu utilises vont te définir. Sauf que si tu utilises les mêmes que tous tes voisins, à quel moment est-ce que tu parles de toi ? On peut se demander si le mot fait le groupe, est-ce que le choix d'utiliser d'autres mots va défaire le groupe ? Est-ce que si je suis une entreprise de la tech et que je choisis en pleine conscience d'utiliser des mots français, je suis de fait exclue de l'univers de la tech parce que je n'utilise pas les mots de la tech ou est-ce que ça me rend moins crédible dans l'univers de la tech ? parce que je n'utilise pas les éléments de langage propres à mon univers ? Oui, complètement. Ça veut dire que malgré tout, il y a des mots aujourd'hui qui sont des mots du métier. On a des lexiques de métier. Et ça, on ne peut plus y toucher. Dans le BTP, quelqu'un qui est sur une grue, il est sur une grue. On ne peut pas appeler autrement la grue que... Si, tu vas voir qu'on va être capable d'appeler ça un élément de levage indisponible à la perte de je ne sais pas quoi, évidemment. Ça se trouve, ils l'ont déjà fait, il faudra que je m'en renseigne quand même. Mais pour certains outils de la tech, c'est pareil, ils vont être obligés d'utiliser le mot de l'outil, puisque c'est le mot de l'outil. Mais là où ça en devient ridicule, c'est dans l'abus de langage, c'est dans les habitus.
Il y avait le cas à une époque, c'est très le lot de Wall Street, mais pour le coup, vraiment, le monde de la bourse, des traders… était un monde extrêmement codifié dans son langage avec des vrais éléments de langage violents. Le loup de Wall Street, il se définissait vraiment comme ça. C'était des chasseurs, c'était des loups, c'était des tueurs. Et donc, ils utilisaient ce vocabulaire-là parce qu'on est des mecs de 30 ans, on va croquer la vie, on va croquer les femmes, on va croquer le pognon. Et c'était extrêmement assumé. Ça ne fait pas des mots jolis pour autant, mais... C'était très juste par rapport à leur réalité de métier et de perception de leur métier. Donc, à la rigueur, ce n'était pas tellement questionnable. C'était moche pour nous, humainement parlant, on se dit « quel bonheur dans la vie que d'avoir envie de croquer ! » Mais au moins, ça avait le mérite d'être honnête.
Et aujourd'hui, le problème, c'est que ça n'est plus honnête. C'est simplement de la poudre, de la fumée. C'est fait pour faire la blague quoi. Mais il n'y a rien de tangible derrière tout ça. Et moi je crois que si on osait nommer en français, peut-être en effet que ça ferait des boomers et que ça serait… Mais à la fois au moins, ça apporterait une écoute différente. Et est-ce que ce n'est pas ça finalement ? Communiquer, c'est être écouté, être entendu, être retenu. Peut-être que tout simplement pour être mémorable, il faut oser être authentique. Sortir des éléments de langage habituels et donc non questionnés. Et revenir à un, moi, être humain, quand je parle de ça, je le nomme comme ça, parce que c'est ma manière de le voir. Et donc, c'est très assumé. Je crois aujourd'hui, je disais que j'étais une linguiste punk, et je crois vraiment qu'on peut tout dire, par exemple. Je suis convaincue qu'on peut tout dire, vraiment, simplement, comment on le dit ? C'est ça le vrai sujet ! Mais on peut tout dire. Si on fait l'effort de faire attention à l'autre, on peut tout lui dire. Il faut simplement réfléchir à comment le dire pour que ce soit entendu et écouté.
Donc dans tous les éléments de langage qui ne sont pas tout à fait justes, Il faut aussi avoir l'honnêteté de reconnaître qu'on ne sait pas parfois jusqu'à quel degré d'honnêteté on peut aller. Ce n'est pas tout à fait admis l'honnêteté dans la société en général d'ailleurs et dans l'entreprise. Quand on fait des entretiens d'embauche, vous connaissez tous cette question débile, vos trois qualités, vos trois défauts ? Alors normalement en 2025, plus personne ne l'a pose. Mais on avait quand même ce truc génial de dire « moi dans les défauts, je dirais que je suis trop investie, je travaille trop, je suis trop dans le truc, quoi. J'ai beaucoup de mal à respecter les horaires.» Parce qu'évidemment, personne n'allait dire, le démon à mon défaut, c'est que... "Moi, par exemple, avant 10h du matin, ce n'est pas mal de me parler. Je serai là, mais je ne serai pas là." Donc, bien sûr que personne n'est honnête dans ces cas-là.
Et on va aussi avoir la difficulté maintenant, générationnelle. Parce que, quels sont les mots de l'entreprise qui sont tolérés, jusqu'où je peux aller dans l'honnêteté de ma génération ? Moi, je dis beaucoup à l'oral le mot « chouette » . C'est chouette. Et j'aime beaucoup ce mot. En plus, je le trouve mignon. Il a un truc très réjouissant, presque un peu enfantin. Pour autant, on sait très bien qu'on ne peut pas écrire « chouette » dans l'entreprise. À l'écrit, ce n'est pas du tout un mot qui passe. Parce que ça n'est pas contextuellement OK d'écrire « chouette » en entreprise. Et ça, c'est quand même une nuance, une subtilité qui n'est pas toujours facile à acquérir.
De la même manière qu'il y a des expressions figées qu'on utilise en entreprise et elles ont un sens sous-jacent que peut-être tout le monde n'a pas. Par exemple, « sauf erreur de ma part » . Quand j'écris « sauf erreur de ma part » , je dis très clairement « écoute-moi bien Martine, je sais que je n'ai pas fait d'erreur connasse, donc tu es gentille, tu vérifies » . Eh bien, en réalité, quand je dis ça en formation ou en conférence, j'ai toujours quelqu'un, mais vraiment, qui a le visage qui tombe par terre et qui me dit « Ah ben non, mais moi je le disais pour de vrai, parce que je me disais peut-être j'ai fait des erreurs. » Et la personne en face, c'est vrai, elle le prend toujours mal. Eh ben oui, forcément, puisqu'aujourd'hui, il y a un accord tacite sur cette expression qui dit « en fait, ça veut dire que je sais que je n'ai pas fait d'erreur. Je l'écris très poliment, mais en fait, je sais que je n'ai pas fait d'erreur. » Donc, il y a le fait d'oser nommer la réalité, oui. Le fait de dire : on a le droit d'être des êtres humains, et donc, vie pro, vie perso, Nous ne pouvons pas le séparer, d'accord, mais en plus, il y a le fait de dire, il y a des sous-jacents, il y a du générationnel, il y a du sexué, c'est-à-dire qu'une femme et un homme n'auront pas forcément la même zone de langage dans le cerveau, ils n'auront pas forcément les mêmes rapports homos non plus. Et puis quand on dit quelque chose à quelqu'un de 20 ans et à quelqu'un de 50, ben t'as pas la ref, t'as la ref, on ne sait pas, on ne sait plus.
Bref, aujourd'hui... le mot est quelque chose d'extrêmement dangereux en entreprise et je crois qu'à trop vouloir normer, c'est-à-dire enlever le relief, en plus on a créé une espèce de peur de si j'ose le faire, mais est-ce que ça va passer en fait ? Est-ce que je ne vais pas me tirer une balle dans le pied en osant être moi-même ? À quel degré de moi-même je peux aller ? Être authentique, c'est bien, mais jusqu'où je peux être authentique ? Parce qu'en effet, à priori, personne ne se pointe le matin en piju. On s'habille quand même, même si on n'avait pas envie. Et on pourrait se dire, écoute, moi aujourd'hui, j'avais envie de venir bosser en piju. Je suis mieux, je suis plus à l'aise. Alors oui, mais non, parce qu'il y a des codes sociaux. Et donc, malgré tout, il y a aussi des codes dans l'entreprise, propres à chaque entreprise. Moi, je fais quelque chose dans la mienne, c'est que chaque fois que je recrute quelqu'un, je passe la première matinée d'accueil à simplement lui expliquer comment on fonctionne. Et c'est quoi nos codes à nous ? Et c'est quoi nos interactions à nous ? Et je pense qu'on est plutôt dans une ambiance de bonne déconne et pour autant, on bosse. Donc, à quel moment la déconne n'est plus autorisée ? Et à quel moment ça n'est plus drôle, mais c'est vulgaire ? Et à quel moment… Enfin, tout ça est tellement subtil qu'en fait… Je crois que ce sont des choses dont il faut se parler et que le vrai danger des maux M-A-U-X de l'entreprise, c'est de ne pas avoir utilisé les mots M-O-T-S pour codifier les échanges et pour structurer le niveau de langage toléré, le niveau de jeunesse accepté ou non, le niveau de boumitude accepté ou non. Mais tout ça est en fait quelque chose de l'ordre de la Convention sociale tacite qui devrait être questionnée. Et je pense que chaque dirigeant pourrait organiser une petite séance de papote pour que les gens soient sécurisés dans leur propre prise de parole et niveau d'authenticité et de vérité possible.
Alors évidemment, tous les concepts qu'on a vus aujourd'hui, on se dit « mais par quel bout je le prends ce petit bazar ? » Eh bien, tout simplement, je pense qu'il faut aussi qu'on s'autorise à se dire « ce n'est pas parce que je parle français que je suis en capacité et en compétence à accompagner mes équipes sur des sujets comme la manière dont ils rédigent leurs mails, comme la manière dont ils se parlent entre eux, comme la manière dont ils prennent la parole à l'écrit ou à l'oral. Ce n'est pas parce que moi, aujourd'hui, je sais remplir un tableau Excel que je fais moi-même mon bilan. Voilà, j'ai un expert comptable. Donc, ce n'est pas parce que vous savez parler français que vous êtes en compétence de gérer des ateliers de parole, de gérer des formations auprès de vos collaborateurs. L'idée, c'est quand même, faisons appel aux bons professionnels pour les bonnes tâches. Et au niveau du langage, on a tendance à se dire que c'est une faute professionnelle en tant que dirigeant si on ne sait pas le gérer nous-mêmes. Or, vraiment, c'est une compétence connexe. Ça n'est pas du tout quelque chose qui est propre à la fonction de dirigeant ou de DAF ou de RH, loin de là. Déculpabilisons-nous, décomplexons-nous de ne pas avoir cette compétence-là. Si vous voulez qu'on en parle, ce sera avec plaisir. Venez sur notre LinkedIn, sur notre site Internet et échangeons sur les mots et les maux avec plaisir.