- Speaker #0
Bienvenue sur le podcast Le 16 des leaders. Votre espace-temps pour ensemble, passez à la prochaine étape et avancez en cohérence avec les nouvelles attentes de la société. Aujourd'hui, j'ai la joie d'accueillir Lisa Bellinghausen qui est docteure en psychologie, cofondatrice du Calia Emotion Institute. Et en tant que coautrice de thèses quotient émotionnelles, elle a fortement contribué à faire émerger une nouvelle façon de penser les émotions dans le monde professionnel. Alors si j'ai eu envie de l'inviter dans cette série, c'est parce qu'il me semble impossible de parler de liberté d'être sans parler d'émotions. Nos émotions sont souvent perçues comme des failles à maîtriser et pourtant, elles sont de véritables bouches-sols intérieures. Elles nous indiquent quand nous sommes alignés et quand nous nous éloignons de nous-mêmes. Et dans le monde du travail, encore plus dans le leadership, cette dimension émotionnelle reste encore trop souvent reléguée au second plan, alors même qu'elle conditionne la qualité de nos décisions, de nos relations et de notre impact collectif. Ensemble, avec Lisa, nous allons explorer comment l'intelligence émotionnelle peut devenir un levier de transformation personnel et organisationnel. Comment nos émotions, loin d'être des obstacles, peuvent devenir des ressources adaptatives au service de nos objectifs, de la performance et de notre propre liberté d'être ? Je suis ravie de t'avoir avec nous, merci d'être présent pour l'enregistrement de ce podcast. Ce qui m'intéressait aujourd'hui à travers cet échange, c'était notamment de travailler autour du registre des émotions, car il n'y a pas de liberté d'être. sans effectivement la gestion de nos propres émotions. Alors peut-être avant de commencer sur ce sujet-là, j'aimerais ça déjà que tu nous dises que ça évoque pour toi la liberté d'être soi.
- Speaker #1
Alors qu'est-ce que ça évoque pour moi ? Évidemment, je vais prendre un peu le filtre ou le prisme émotionnel. Mais pour moi, la liberté d'être, c'est déjà, il y a cette étape peut-être préalable de la connaissance de soi, de la conscience de soi, de ce qui est vraiment important pour nous. de nos valeurs, et les émotions sont une voie par excellence pour accéder à cette connaissance intime de soi. Qu'est-ce qui fait notre alignement ? Qu'est-ce qui fait à quoi on aspire, vers où on a envie d'aller ? Et en fait, c'est ça qui, pour moi, est quelque part le socle de la liberté d'être, parce que c'est ce qui va me donner, en fait, les pistes sur lesquelles me développer, aller dans l'expansion, que c'est… personnels, relationnels, environnementaux. Et du coup, la liberté d'être, c'est cette authenticité en alignement de soi, pour moi, de poursuivre ses buts en toute modestie et évidemment dans le respect de l'autre et de la relation. Donc, c'est un peu l'émotion, ça nous renseigne sur qu'est-ce qui fait notre colonne vertébrale, si je devrais t'imaginer un schéma. Et une fois, je suis consciente de cette colonne vertébrale, La liberté d'être, c'est de l'exprimer, de la faire fleurir et d'aller de l'avant. Ce sera peut-être quelque chose de ce genre.
- Speaker #0
Alors, justement, dans ce que tu me dis, ça me rappelle aussi une lecture que j'ai faite dernièrement sur Spinoza, qui parlait du ponatus, qui est au cœur finalement de la liberté d'être. Comment finalement on cultive notre puissance d'être ? Et alors lui, ce qu'il mettait de l'avant, c'était justement ce lien entre les émotions. et notre capacité à travailler notre alignement en se basant sur la joie, la joie qui est vraiment au cœur de ce qu'il valorisait, la joie comme étant effectivement le signal que dès lors où on est en joie, on avance vers le développement de notre puissance d'être, et à contrario, la tristesse nous indiquait à quel point effectivement on s'en éloignait. Alors par rapport à ça, toi, je ne sais pas ce que tu en penses, est-ce que tu remets en cause finalement ce que prenait Spinoza ? Ou au contraire, il était déjà d'actualité ?
- Speaker #1
Alors pour moi, j'aurais bien aimé converser avec lui autour de ce sujet. Mais pour moi, il était déjà précurseur et visionnaire du rôle fondamental de la joie. Parce que la joie, elle va pouvoir parler du triple lien qui va bien, du lien avec soi. Qu'est-ce qui me nourrit profondément ? Où est-ce que je suis ? Dans la juste place, dans l'univers. La joie du lien de soi à soi va se déclencher quand on est dans l'être et le faire aligner dans nos valeurs. Donc on peut même être dans une joie profonde dans les décisions les plus compliquées de notre vie parce qu'on sait que c'est juste ce qu'on décide. Donc pour moi, il était très très précurseur. Il va aussi jusqu'à dire la joie c'est le désir agissant en fait. Elle donne cette direction d'expansion, que ce soit de soi, de la relation, de l'environnement. Peut-être là où avec la tristesse… Ce n'est pas que j'ai un désaccord, je le mettrais différemment en lumière parce que joie et tristesse sont quelque part les mêmes choses, mais d'une face différente. Tu vois ce que je veux dire ? C'est le yin et le yang. Et en fait, la tristesse, elle va nous renseigner sur quand nos liens sont mis à mal. Donc du coup, ce qui est magique, c'est qu'en fait, elle va nous livrer le CV de recrutement, des relations qui font sens pour nous. activités qui font sens, tu vois. Il fut un grand temps de ma vie, enfant, ado, je faisais du cheval. Et je sais que c'est quelque chose qui aujourd'hui est bien moins présent dans ma vie. Et si je ressens de la tristesse par rapport à ça, c'est que c'est une activité qui est porteur profondément de sens pour moi. Et que dans mon futur, j'ai besoin de peut-être la retrouver parce que c'est un bout de lien de moi à moi. Donc, même les tristesses... difficile comme quand on perd un ami ou un proche tu vois c'est toujours ça nous donne en fait ce qui est important relationnellement parlant que ce soit relation à nous,
- Speaker #0
à l'autre à l'environnement et ça nous aide à prioriser dans le présent ce qu'on a besoin de développer dans le futur oui complètement et je lisais aussi sur la tristesse et j'aimais beaucoup aussi cette signification de dire qu'en fait souvent dans un ... un état de deuil, la tristesse nous permettait en fait de nous rendre compte qu'on était déjà sur le chemin. Et ça, effectivement, je trouve que ça a quelque part une aura hyper positive dans la gestion du mouvement, quelque part. D'ailleurs, on ne l'a pas dit, mais c'est vrai qu'effectivement, les émotions, justement, si on revient à l'étymologie du terme, c'est ex mobere, c'est la mise en mouvement, et c'est ce en quoi, effectivement, c'est tellement crucial. de travailler et d'être à l'écoute des émotions pour justement aussi mettre en mouvement soi-même, mais aussi les gens. Chaque émotion nous fait vivre et nous fait comprendre qu'il y a des besoins inassouvis qui sont à traiter.
- Speaker #1
Inassouvis ou assouvis, tu vois, parce que quand c'est les émotions plaisantes et on a ce biais fondamental, d'ailleurs en entreprise ou dans la vie, ou peut-être plutôt encore... plus en entreprise, de regarder tous les grains de sable et toutes les émotions déplaisantes, tu vois, et de voir ah oui, ça c'est pas nourri, ça c'est pas nourri. Mais l'émotion plaisante, c'est une porte d'accès aussi à ce qui nous nourrit. Donc, ça aussi, c'est vraiment important de les écouter parce que ça nous dit et ça nous révèle ce qui nourrit notre besoin.
- Speaker #0
Pour continuer sur ce chemin-là, et c'est vrai qu'effectivement, le jour où j'ai pris conscience de ça, à quel point finalement la façon dont on interprète les circonstances avait un lien direct avec les émotions qu'on allait ressentir et donc les actions que l'on allait générer sur le terrain avec un impact direct aussi sur les résultats. Mais du coup, ça donne un champ d'investigation pour soi aussi, pour notre propre développement, de se dire comment finalement au quotidien je remets en question ma façon d'interpréter une situation. Est-ce que je suis dans la justesse ? Est-ce que je suis dans l'exhaustivité ? Et si je me mets dans les bottes de la personne en face qui a vécu cette situation, est-ce que je le vivrai de la même manière ? Et c'est vrai que, notamment dans la posture de dirigeant, de manager, rien que d'avancer sur ce chemin-là, d'aider l'autre à avancer sur ses angles morts, dans l'interprétation qu'il a d'une situation, c'est un terrain justement pour les faire grandir. Ça m'amène justement aussi au sujet des organisations. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, encore trop souvent ou parfois, on se rend compte à quel point les émotions ont du mal à rentrer à l'intérieur, effectivement, du monde des entreprises, sont encore pas mal rejetées et bannies. Moi, j'entends souvent la remise en cause de la vulnérabilité des dirigeants, la remise en question aussi... de l'écoute des émotions des collaborateurs lorsqu'ils sont en transformation j'entends beaucoup des réflexions du type bon là maintenant ça y est on a suffisamment expliqué il va falloir y aller, on passe à autre chose alors moi j'aimerais ça que tu nous dises ce qui fait que selon toi on en est encore là et en quoi finalement on aurait intérêt à porter un autre regard sur les émotions et la façon finalement aussi de les appréhender avec Merci. avec justesse, pour en faire un levier plutôt qu'une faiblesse.
- Speaker #1
Alors, je vais peut-être répondre avec un peu d'historique et un peu... De ma fenêtre, les organisations ont franchement bougé. Moi, j'ai commencé à travailler en 2004, 2005, 2006, avec l'intelligence émotionnelle. Et donc, c'était vraiment cette période où c'était le stress. C'était le stress au travail, les risques psychosociaux. En 2007, il y avait l'accord interprofessionnel qui s'est posé. et après il y avait donc dans les organisations, les vagues de suicides, etc. Ensuite, on est passé à cette notion de QVT. Donc, on est parti de l'idée, déjà, il faut réduire les facteurs de souffrance. On s'est rendu compte qu'en fait, ça ne faisait pas des employés heureux non plus. Et puis, on a travaillé sur les facteurs QVT. Ce n'était pas ça non plus. Donc, en fait, on a vu la vision. Il faut travailler à la fois sur les deux, réduire ce qui crée la souffrance et augmenter ce qui va. donc voilà, historiquement c'est des échelons fort en fait, ces accords et ce travail-là. Et donc pour moi, je me rappelle très bien, une fois c'était un DRH qui partait à la retraite et il avait manigancé l'émotion et au début des interventions, il fallait toujours qu'il y ait les mots « performance » , « prise de décision » . Aujourd'hui, on va parler d'écologie, relationnelle, personnelle, de sécurité psychologique. Donc pour moi, il y a beaucoup de choses qui ont bougé, le champ lexical en témoigne. tu vois, dans ces temps-là. Donc, pour moi, il y a vraiment quand même aujourd'hui une avancée. On a des entreprises hyper avant-gardistes. Voilà, j'en ai quelques exemples comme ça qui ont pris l'audace de dire, en fait, l'intelligence émotionnelle, un axe stratégique au même titre du marketing, du commercial, et on implémente de la tête au pied de l'entreprise.
- Speaker #0
C'est vrai que c'est pertinent avec l'intérêt de l'intelligence artificielle, c'est certain.
- Speaker #1
C'est tout à fait et en même temps c'est aussi pertinent parce qu'on sort de ce côté facteur de stress, facteur bien-être, on passe à quelque chose où l'émotion c'est un KPI. Tu en parlais tout à l'heure, c'est un KPI à deux titres parce que ça va me renseigner sur est-ce que ça va et est-ce que l'énergie est libre pour être mise au service des missions. Est-ce qu'il y a des ajustements relationnels ou organisationnels à faire ? Donc, c'est un vrai KPI, un témoin. Et de l'autre côté, l'émotion permet d'impulser du comportement. Donc, si on passe à cette vision que l'intelligence émotionnelle, finalement, c'est une compétence compétitive et stratégique pour l'entreprise parce que ça permet de décoder ce qui se passe et du coup d'être dans la prévention et l'action ajustée. et en même temps, temps, c'est ce qui met au mouvement. Donc du coup, là aussi, si je veux qu'une équipe développe la combativité, c'est quoi les émotions qui soutiennent cette combativité dans un moment où ça fait la différence ? J'ai besoin de développer la cohésion, il y a des émotions qui témoignent du bon lien. Est-ce qu'elles circulent ou pas ? Tu vois ? Donc je crois qu'on arrive aujourd'hui à cette vision.
- Speaker #0
Et c'est vrai que... Il y a au tout début de ma vie professionnelle, je faisais du recrutement, notamment de dirigeant et j'utilisais un test SOSI où effectivement à chaque extrême, tu avais l'orientation très résultat, performance et émotion. Et en fait, à l'époque, je me souviens très bien qu'on me disait non, Yvanne, cette personne-là est trop dans l'émotionnel. On ne peut pas se permettre effectivement d'avoir des dirigeants qui ne soient pas focus vraiment sur les objectifs, les résultats. Et aujourd'hui, je dirais depuis une dizaine d'années, ça s'est complètement inversé. Et notamment, il y a au tout début où j'ai lancé ce podcast, j'avais interviewé des chasseurs de tête québécois sur l'évolution du leadership. Et ils prenaient à quel point aujourd'hui on ne pouvait plus se permettre d'avoir des dirigeants qui étaient trop focus sur les objectifs, au point de délaisser ou de renier finalement l'humain. On a besoin d'avoir des personnes qui, au contraire, puissent articuler l'humain. Et je pense qu'effectivement, au service d'un objectif, la base de ça, c'est la compréhension aussi de ce qui se joue au niveau des émotions de leurs collaborateurs.
- Speaker #1
Entièrement.
- Speaker #0
Capacité à sentir, à ressentir, pour justement lever les résistances en place. Et ce que tu disais tout à l'heure aussi m'interpellait, parce que j'ai entendu parler de toi. et de tes travaux, il y a dix ans de ça. Ils en avaient interpellé parce que, notamment, on l'avait utilisé dans, on va dire, une conférence RH, cette notion de dire que la joie... associé à une saine gestion était l'émotion la plus en lien avec la productivité des gens. Et les résultats avaient été vraiment, on l'avait expérimenté et les résultats avaient été incroyables. Alors tout à l'heure tu parlais justement de ça, de cette notion de valeur adaptative des émotions et on a échangé là-dessus justement dans la préparation du podcast. J'aimerais ça que tu en parles. Tu parlais notamment de dire, bah oui, la peur, l'anxiété, ça a aussi une valeur intéressante pour atteindre certains objectifs personnels. Peut-être si tu peux expliquer ça pour l'auditoire.
- Speaker #1
Volontiers. Alors, en fait, chaque émotion, aussi inconfortable qu'elle puisse être, va avoir en fait un message. Une information à nous délivrer sur la relation aux autres, au monde, à notre environnement. Et donc à une valeur adaptative, à une bonne intention pour nous. Donc la joie, c'est l'émotion du lien. C'est une des émotions les plus vulnérables parce que c'est l'émotion qui ouvre à l'intime, qui témoigne d'une sécurité psychologique, d'une confiance. On va être dans l'entraide, le soutien et tout ça. Donc ça, c'est vraiment une émotion qui témoigne du bon fonctionnement du collectif d'un point de vue humain. Donc si ce lien, il est vraiment fort, en fait, ça va permettre d'aller vers une performance, parce que je ne vais pas avoir la rumination si je lance une idée. Mais qu'est-ce qu'Yvan va penser de moi ? Et si ça, ça s'installe, C'est là où ça devient compliqué de mettre mon énergie au service des missions parce qu'il y a quelque chose. Donc la joie témoigne, nous, quand on intervient dans les entreprises et on n'a que les émotions de satisfaction, de fierté, d'envie, d'enthousiasme, c'est tous des émotions qui sont beaucoup orientées résultats, objectifs. Et si on n'a que ces émotions et on n'a pas la joie, on se dit que ce collectif-là, en situation de crise, il ne va jamais survivre. Parce que du coup, l'énergie va se tourner contre les relations en mode protection et ne va pas être disponible pour les tâches. Donc ça, c'est le côté joie.
- Speaker #0
D'ailleurs, sur la joie, tu vois, je l'ai expérimenté dernièrement lors d'une convention avec plus de 150 managers. Et on a vraiment créé ces sentiments de joie au sein du collectif avec, comme tu disais, une... une saine tension, c'est-à-dire avec des objectifs qui soient très cadrés. Et c'est vrai que ça a été un franc succès. Et en même temps, je trouve que ce qui est puissant là-dedans, c'est que ça ouvre aussi le chemin vers le fait qu'on sorte de ces schémas un peu très corporate, de la posture effectivement des dirigeants dans la façon effectivement de gérer leurs collaborateurs et de se dire finalement, on peut aussi associer la joie au monde du travail. On peut être productif dans la joie.
- Speaker #1
et ça je trouve que c'est génial alors productif dans la joie tu vois tu disais oui il y a une focalisation sur les enjeux donc là on voit la joie c'est ce témoin du lien par contre la productivité la joie elle a plus envie, on est ensemble on est bien et c'est là où du coup on va introduire d'autres émotions par exemple l'anxiété sur les enjeux sur le projet, comment on va le cadrer comment on va le mener Merci. Il peut y avoir de l'envie, tu vois, pour parler des ambitions, des étapes, du plan d'action, tu vois, activer la combativité, tu vois.
- Speaker #0
La saine tension, c'est ça, quand on parle de saine tension, d'associer la joie à la saine tension, c'est ça, c'est finalement refaire vivre l'importance de ce que l'on fait, les enjeux associés à ça. Ça peut être anxiogène d'ailleurs, de se dire on va générer de l'anxiété au sein d'un collectif. de le dire de cette façon-là, on va revenir au sens, on va revenir à finalement l'importance des enjeux que l'on a à relever au quotidien.
- Speaker #1
Entièrement. Et c'est là où, s'il n'y a pas une sécurité psychologique fort, le fait que j'impulse de l'anxiété, ça va être un facteur de méfiance. L'autre cherche à prendre le pouvoir, ou je ne sais pas, tu vois Yvanne ? Et en fait, quand le collègue, et vraiment dans une sécurité psychologique. Je sais là, on se prend 30 minutes, on est focalisé, en jeu, en performe, et à la fin, on célèbre avec fierté parce qu'on a eu des idées out of the box et tout. C'est une autre chose. Et c'est ça que nous, on défend. Chaque émotion a une fonction. On défend l'idée des cocktails émotionnels, qu'il y a des climats émotionnellement plus porteurs que d'autres. Et c'est ça qui offre l'intelligence émotionnelle. Elle offre un chemin pour traiter l'émotion de manière plus efficace.
- Speaker #0
Alors, tu nous parlais de la joie. Alors, les autres, alors, effectivement, comment tu dirais qu'elles peuvent aussi être au service des objectifs que l'on a à atteindre ?
- Speaker #1
Je prends notamment l'anxiété. Et je me rappelle de cette entreprise, tu vois, qui a eu du mal à écouter les anxiétés des collaborateurs et qui a perdu une part de marché importante parce que c'était… ils étaient leaders des petits flacons de shampoing et tout en plastique pour les hôtels. Et en fait, l'anxiété de la base disait qu'il y a un changement dans la société et le regard par rapport à ces produits. Il faut que c'est du recyclé, rechargeable. Et en fait, ils ont perdu leur première place. Ils ont perdu ce virage-là parce qu'ils ne savaient pas écouter les anxiétés. Donc nous, les comités de direction qui ne regardent pas, pas de temps à autre le futur avec anxiété et espoir, tu vois, ça nous inquiète, nous, quand on intervient. Donc, tu vois, c'est les deux émotions du futur et qui permettent, en fait, avec proactivité, de créer un futur, de le sécuriser et de le construire. Après, tu as d'autres thèmes, tu vois, c'est, on a beaucoup de soucis éthiques dans les entreprises, tu vois, de mésusage, du pouvoir, de... de positionnement à outrance, de manière très violente parfois. Et en fait, c'est les émotions des bornes éthiques. Donc nous, on a beaucoup de personnes qui nous disent « Oh là là, oui, le mépris, le dégoût sont les émotions éthiques par excellence. » Donc on doit pouvoir les entendre. Quand on a dans une équipe du mépris qui se manifeste, soit parce que vraiment il y a des comportements déviants ou parce qu'il est instrumentalisé pour prendre du pouvoir, c'est quelque chose qui doit se traiter et on doit redresser finalement les valeurs communes et créer un conformisme autour de ces valeurs communes et avec courage recadrer les comportements qui sont déviants. Donc tu vois, chaque émotion quelque part a vraiment son rôle. au service d'un collectif sain, au service de performance. Tu vois, je prends un autre exemple, les émotions plaisantes. C'est j'ai un nouveau membre dans l'équipe, j'ai besoin de recréer un sentiment d'appartenance, de souder mon équipe. Quoi de mieux que la fierté collective ? Tu vois, c'est le travail qu'elle nous offre, c'est autour des identifications, des challenges et des défis qui font sens pour chacun. Moi, en tant que leader, ça me renseigne quoi déléguer à qui. Et en même temps, ça me révèle les talents de chacun des membres de mon équipe dans une complémentarité que moi, je peux, comme un chef d'orchestre, mettre en musique, en fait, tu vois. Donc, chaque émotion, comme ça, va être témoin d'une dynamique, autant qu'elle va me permettre, en fait, d'agir sur mon collègue.
- Speaker #0
à bon escient en fait alors justement tu vois pour avancer là dessus et donner cette envie ou quelques moyens en tous les cas à des dirigeants d'avancer sur ce chemin de l'écoute de leurs propres émotions mais aussi des autres de leurs collaborateurs que seraient les premiers éléments que tu prenerais pour avancer sur ce chemin là quelques actions clés pour Merci. Déjà, s'ouvrir aux émotions de l'autre, s'ouvrir à ses propres émotions.
- Speaker #1
Alors, on a fait une étude dernièrement avec les collègues de Stuttgart et ce qu'on a pu voir vraiment, c'est l'importance de prendre conscience de son fonctionnement émotionnel à soi. Ça, c'est un vrai premier accès. Comment moi, je fonctionne avec mes émotions ? Quand est-ce que je les ressens ? C'est lesquels ? Je les nomme ? J'essaie d'accéder à leurs sources, de quoi ça parle. Donc, comment je fonctionne avec la colère ? Quand je la ressens, en fait, je ne l'exprime pas. Tiens, quel est l'impact si je ne l'exprime pas ? Quel est l'impact ? J'avais un dirigeant qui n'exprimait pas les fiertés parce qu'il se disait, mais si j'exprime les fiertés aux femmes de mon équipe, en fait, elles vont avoir l'impression que je les drague. Quel est l'impact ? de ça sur la relation si je n'exprime pas les fiertés tu vois c'est de awareness pour créer de l'awareness. Pour moi, c'est conscience. Vraiment,
- Speaker #0
être conscient déjà de ses propres fonctionnements, motions. Et c'est vrai qu'en tant que dirigeant, souvent, on entend aussi que lorsque l'on veut générer une transformation organisationnelle, en fait, le plafond vert de cette transformation, c'est la propre transformation du dirigeant.
- Speaker #1
Et c'est du coup dire ... Parce que ça, ça va être l'étape suivante. Parce que si le dirigeant se transforme, mais le codire ne change pas, et donc c'est là qu'il y a un rôle fondamental de l'environnement, parce qu'on ne peut pas développer l'intelligence émotionnelle dans un environnement qui n'est pas ouvert à ça. Et donc il y a cette deuxième étape, c'est quelles sont les émotions qui circulent dans mon codire, et qui circulent entre les membres du codire, avec moi, et c'est quoi sont les règles d'expression qu'on veut. Et ça, ça change fondamentalement la donne et qu'on met l'expression au-dessus de l'art et la manière. Parce que si je ne valorise pas l'expression, même si parfois elle va un peu de travers, je ne vais pas pouvoir renverser la manière de faire. Il y a comme ça un comité de direction et on a formé plus de 30% de toute l'organisation pour que ça devienne un vrai langage commun. Dans tous les services, il y avait 30% de formés. en une année. Et maintenant, après, on a continué pour augmenter encore la taille, mais c'est cette masse critique de 30%. Et du coup, ce président, c'était extraordinaire parce qu'il y en a un des membres du comité de direction qui apparemment est vraiment sorti de ses gants et a explosé de colère. Et donc, tous les yeux étaient rivés sur lui.
- Speaker #0
Il s'est levé et il a dit
- Speaker #1
« Merci pour cette expression. » C'est que s'il y a quelque chose, là on voit qu'il y a quelque chose de très important, on va le traiter. Par contre, bon, l'art est la manière, on peut le travailler. Je t'invite vraiment à travailler dessus. Mais on accuse réception, il y a un truc vraiment qui se passe en temps de service, on se pose avec, on bouge notre agenda, on prend une heure là-dessus et on le traite. Et ça, c'est de la grandeur et c'est de l'exemplarité. C'est, oui, l'expression doit être en décode et tout ça, oui. Par contre, une émotion non exprimée risque de devenir un vrai poison. Et donc,
- Speaker #0
l'expression doit être favorisée et c'est ce qui va aussi, à un moment, créer ce renversement. Et c'est vrai que, dans ce que tu dis, il y a deux choses qui me font penser. Au fait que, notamment, c'est vrai qu'effectivement, la scène confrontation... dans les collectifs est très importante et c'est un notamment des piliers justement d'une saine gestion d'un collectif. C'est comment finalement on ouvre les portes à la confrontation. Souvent, effectivement, on dit que les conflits, on veut les éviter. Or, finalement, de pouvoir exprimer ce qui est là et d'oser le faire dans un cadre de sécurité psychologique, ça ouvre finalement un chemin à, justement, au fait de se dire les vraies affaires, mais aussi de traiter les sujets qui sont Merci. au cœur de l'activité entièrement.
- Speaker #1
Et je trouve le conflit, tu vois, c'est vraiment le fait qu'on évite le conflit, créer en fait des conflits. Parce que du coup, au lieu d'exprimer mon léger agacement et mon besoin léger d'ajustement, en fait, du coup, il y a cette pratique de prendre sur soi. Moi, je défends l'idée qu'il faut arrêter de prendre sur soi.
- Speaker #0
Parce que c'est beaucoup plus aisé d'exprimer un petit quelque chose que d'accumuler. Et à un moment, ça s'exprime, je ne supporte plus et je sors de mes gants et la plupart de monde comprend et c'est compliqué. Exactement. À chaque fois, effectivement, qu'une émotion n'est pas exprimée. Et c'est vrai que dans la communication non violente, c'est un terrain qu'on utilise beaucoup. On va apprendre à nommer les faits. et ensuite à nommer nos émotions. Et là, autant te dire que, et j'imagine que tu expérimentes ça, à quel point c'est difficile pour les gens de nommer leurs émotions, à quel point ils peuvent se sentir mal à l'aise au fait de les exprimer. Or, on reconnecte vraiment avec l'humain dans l'entreprise. Et c'est vrai que du coup, comme je le dis souvent, que ce soit sur le chemin personnel ou professionnel, finalement, on se permet, au lieu de toujours mettre sous le tapis, de ne pas renoncer à soi, et aussi de ne pas renoncer à l'autre, et de travailler finalement la relation dans le temps, sans que ça devienne quelque chose, une boule finalement, de choses que l'on a mises sous la table, sous le tapis, qui deviennent énormes et explosives.
- Speaker #1
Entièrement.
- Speaker #0
Et du coup, tu vois, j'aime beaucoup ce que tu dis là, c'est l'expression de ce qui ne va pas permet les ajustements,
- Speaker #1
et l'expression de ce qui va, On voit à l'autre comment on aime fonctionner. Et je crois que ça aussi, on a besoin de le faire. On prend spontanément beaucoup plus de temps à exprimer ce qui ne va pas et de ruminer aussi ce qui ne va pas. Je crois qu'on a juste besoin de regarder combien de temps on passe à réfléchir nos colères, nos anxiétés, nos tristesses, nos peurs. Et combien de temps on passe à réfléchir nos fiertés, nos satisfactions, nos joies, nos espoirs et tout ça. et je crois assez Une émotion non exprimée dans la relation, quand c'est des plaisances, ça risque de créer vraiment des grands cailloux. Et quand c'est plaisant, c'est des opportunités qu'on rate pour fortifier, pour créer du baume, pour dire à l'autre ce qu'on aime en fait. Et ça aussi, c'est une zone de vulnérabilité forte parce que quand je dis à l'autre ce que j'aime, en fait, je lui donne aussi le pouvoir de me le donner ou pas. Et c'est là où la sécurité psychologique joue un rôle extrêmement important parce que du coup, je lui communique ce que j'aime, ce que j'ai besoin pour être bien et grandir. Et c'est là où on a besoin de ce pacte établi qu'on va créer un côté de pacte de non-agression. Je t'explicite mes sources de colère et ce que je n'aime pas et on évite de marcher dessus. Par contre, je t'explique aussi ce que j'aime après une réunion qui s'est bien passée. Je dis « Ah, je suis satisfaite. Là, chacun a pu s'exprimer. J'ai apprécié la qualité de l'écoute. C'était un bon rythme. » Et on explicite ce genre de choses. C'est du coup aussi dire « Là, augmentons ça. » Augmentons ce qui va bien, semons les sources d'émotions plaisantes.
- Speaker #0
Et c'est vrai qu'effectivement, ça c'est un pas magistral pour avancer vers justement sa propre liberté d'être soi, quelque part. Mais comme tu le dis, le préalable c'est vraiment de se connaître et de prendre conscience finalement aussi de ses émotions, mais aussi de ses besoins et d'oser en fait les écouter.
- Speaker #1
Juste chaque émotion, elle a un déclencheur et un besoin. Et après, elle se manifeste. Elle a des utilités. Et en fait, nous, ce qu'on voit, c'est que pour faire de l'émotion une opportunité, accéder à son utilité, il y a ces étapes-là. C'est quoi le déclencheur ? C'est quoi le besoin ? Comment elle se manifeste ? Et en quoi elle est utile pour moi, la relation à l'autre et le collectif ? Et ce questionnement-là va m'aider à vraiment faire quelque chose plutôt de positif de l'émotion.
- Speaker #0
Je pense que c'est un beau mot de la fin, ça. Lisa, on va ravi. Est-ce que tu aurais peut-être un premier petit pas que tu pourrais transmettre aux gens qui veulent avancer sur ce terrain-là de la gestion de leurs propres émotions pour avancer vers ce chemin de la liberté d'être soi ? Qu'est-ce que tu mettrais de l'avant comme premier petit pas ?
- Speaker #1
Il y a peut-être un vrai premier pas, c'est d'ouvrir son champ émotionnel. Alors, il y a la roue des émotions de Genève, de Scherer. C'est une roue, il y a 16 émotions dessus, 8 plaisantes, 8 déplaisantes. Et peut-être juste une, deux fois par jour, se poser avec cette roue et se dire « Tiens, mais qu'est-ce que j'ai vécu ? » Et d'aller à la rencontre de ses déclencheurs et de son besoin. pour les déplaisantes, mais aussi pour les plaisantes, pour accéder à cette information utile. Et du coup, avoir cette interrogation des déclencheurs et besoins, parce que si je connais mes déclencheurs et besoins, en fait, je récupère la main un petit peu sur mon futur émotionnel. Si je sais ce qui me déclenche des joies, des fiertés, je vais pouvoir les semer. Et c'est pareil pour mon équipe. Si je sais de quoi est fait leur joie, leur espoir, leurs émotions, je vais pouvoir semer certaines sources et peut-être éviter d'autres. Et donc, aller peut-être à la rencontre des déclencheurs et des besoins pour soi, pour les autres et les collectifs. Parce que finalement, le climat émotionnel le plus porteur, on le voit dans les recherches, c'est vivre pour une émotion déplaisante, 5 à 7. émotions plaisantes et donc si je m'intéresse à leur source c'est me rencontrer rencontrer l'autre, aller vers cette liberté d'être et aller vers un climat émotionnellement porteur pour soi et les collectifs
- Speaker #0
Merci beaucoup Lisa en tous les cas pour ton partage et ton expertise voilà, merci à toi Ravi, un grand plaisir aussi merci
- Speaker #2
Yvan Si vous aussi avez envie de passer à la prochaine étape dans votre carrière, le développement de votre leadership ou avec vos équipes, rendez-vous sur le-sas-coaching.com