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LE SAS DES LEADERS

Thierry Adda : "Liberté d’être et leadership : un équilibre à (re)trouver"

Thierry Adda : "Liberté d’être et leadership : un équilibre à (re)trouver"

46min |13/03/2025
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Description

Bienvenue dans Le SAS des Leaders. Yvane Le Dot, coach professionnelle accréditée ICF et fondatrice du cabinet Franco-Canadien "Le SAS",s'entretient avec Thierry Adda, Président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans.


Nous ouvrons ensemble la nouvelle série consacrée à un sujet essentiel : la liberté d’être. Un thème qui résonne au cœur des attentes et des besoins de notre société.


Nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d’authenticité se heurte souvent aux cadres imposés par les organisations.


Alors, sommes-nous réellement libres d’être nous-mêmes ? Et pourquoi est-il crucial, en particulier pour les leaders, de cultiver cette liberté et de favoriser l’expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ?


Avec Thierry Adda, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique et concret. Nous parlerons du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter, et nous irons jusqu’à nous interroger sur l’impact de l’intelligence artificielle sur notre liberté d’être.

Alors, installez-vous confortablement, et embarquons ensemble dans cette réflexion sur la liberté d’être.


Bonne écoute!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Le Sass des leaders. Votre espace-temps pour ensemble, passez à la prochaine étape et avancez en cohérence avec les nouvelles attentes de la société. Bienvenue dans Le Sas des leaders. Aujourd'hui, j'ai le plaisir et ma mime en choix. d'accueillir un invité qui a profondément mouillé ma réflexion ces derniers temps, Thierry Hadda. Il est président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, le conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans. Et l'une de ses particularités, qui est un grand atout, c'est de savoir rendre la philosophie vivante, concrète et accessible. J'ai d'ailleurs suivi la plupart de ses conférences ces derniers temps et je peux vous dire qu'à chaque fois, elles ont été une véritable invitation à aller plus loin. dans la réflexion et dans l'action. Alors aujourd'hui ensemble, on ouvre une nouvelle série consacrée à un sujet qui me tient à cœur, la liberté d'être. Au-delà de me tenir à cœur, c'est un thème qui résonne vraiment au cœur des attentes et des besoins de notre société. Comme vous le savez, nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d'authenticité se heurte souvent au cadre imposé par les organisations. Alors la question, sommes-nous réellement libres d'être nous-mêmes ? Et pourquoi aujourd'hui est-il crucial, en particulier pour les leaders, de captiver cette liberté et de favoriser l'expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ? Avec Thierry Hadar, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique mais aussi très concret. On parlera du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter. et nous irons jusqu'à nous interroger sur l'impact de l'intelligence artificielle sur notre propre liberté d'être. Alors installez-vous confortablement et embarquons ensemble dans cette réflexion philosophique sur la liberté d'être tout en étant pratique. Bonjour Thierry, comme je le disais je suis vraiment ravie de vous avoir aujourd'hui pour commencer cette nouvelle série sur la liberté d'être et notamment parce que je pense avoir écouté l'ensemble de vos conférences sur la nouvelle acropole que vous dirigez et un des sujets que vous avez investi qui est le mien c'est la liberté d'être, la liberté d'être soi. Alors peut-être pour commencer ce que j'aimerais c'est que vous donniez cette définition, que vous partagiez votre définition philosophique de la liberté d'être ?

  • Speaker #1

    Écoutez, je crois qu'on peut définir la liberté comme une capacité de se mettre en mouvement. Et le mouvement, ce n'est pas simplement bouger physiquement à l'extérieur, c'est également bouger quelque chose à l'intérieur. Il y a le mouvement qui va faire que la graine devient une plante, que l'enfant devient un adulte, mais il y a également le mouvement qui fait que tout ce qui était... potentiel en nous commence par devenir actuel et la liberté c'est précisément de faire en sorte qu'il y ait un mouvement qui rende des choses qui pour nous étaient potentielles, bien réelles au quotidien et ça, ça a une conséquence, ça nous permet de faire des choix parce qu'on est capable de se mettre en mouvement et parce que ce mouvement il est mu à partir de notre intériorité

  • Speaker #0

    Donc, quelque part, c'est sortir d'une certaine inertie, quand on parle de mouvement, et c'est quelque part aussi faire émerger ce qui est en nous, à l'extérieur de nous, dans le monde.

  • Speaker #1

    C'est ça. Ce qui est trompeur, c'est que l'inertie n'est pas être à l'arrêt. Une boule de billard qui a été percutée file à toute vitesse sur le billard. Elle est en mouvement, mais elle est en totale inertie, parce qu'il n'y a pas de moteur à l'intérieur. sortir de l'inertie se mettre en mouvement c'est trouver la force en soi qui nous permet d'agir par rapport à ce que nous pensons juste et valable profondément par rapport à l'individu que nous sommes alors vous parlez de moteur c'est

  • Speaker #0

    très intéressant selon vous comment effectivement on peut le faire émerger le mettre en mouvement activer ce moteur c'est

  • Speaker #1

    assumer la relation qu'il y a entre notre profondeur, dans laquelle il y a l'individu qui est en nous, la racine d'individu c'est ce qui est indivisible, c'est notre unité, c'est ce qui nous fonde, et à l'extérieur de nous-mêmes, il y a les circonstances. qui elles vont nous faire agir par inertie. Un tel m'a dit telle chose, telle circonstance m'a bouleversé. J'agis parce qu'il y a un choc extérieur, alors là il y a inertie. Mais le véritable mouvement, c'est celui qui naît du contact avec ma propre profondeur.

  • Speaker #0

    Et comment justement on peut cultiver ça ? Quelles sont les pratiques, les clés philosophiques que vous valorisez ?

  • Speaker #1

    Je dirais que déjà, la première action que nous pouvons faire, c'est prendre conscience de notre addiction aux sensations, aux émotions, à la circonstance, ce que toutes les philosophies appellent d'une certaine manière l'homme extérieur. Prendre position vis-à-vis de cela, par rapport à nous-mêmes, en cessant cette addiction, en disant « oui, ok, nous sommes en mouvement par rapport à... » à notre environnement, mais nous sommes également en capacité de faire des choix et donc de décider d'agir en fonction de Ausha, à travers les circonstances et pas mûs par les circonstances.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que pour le coup, ça ramène quand même au fait qu'on soit quelque part un peu coupé finalement de notre partie ou de notre intériorité, c'est ce que vous positionnez beaucoup. Justement, c'est quoi le lien que vous faites entre la liberté et la vie intérieure ?

  • Speaker #1

    C'est que très précisément, ce chemin qu'il y a entre la surface et la profondeur est ce que l'on peut appeler la vie intérieure. La vie intérieure, c'est ce qui se déploie quand on sort de l'immédiateté pour rentrer en contact avec l'unité qui nous fonde. Donc si je commence à... apprendre à faire des choix à partir de mes valeurs, de mes finalités, de ce qui est juste pour moi, je deviens libre. Disons que liberté et choix sont les deux faces d'une même médaille. Celui qui est libre est en mesure de faire des choix. Celui qui fait réellement des choix est libre. Il ne décide pas par rapport à ce qui l'environne, mais par rapport à ses propres convictions.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une notion aussi de responsabilité derrière, ce que j'entends.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Peut-être qu'une des difficultés contemporaines, c'est la difficulté à être responsable de sa propre conscience.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce que vous entendez par responsable de sa propre conscience ?

  • Speaker #1

    À quoi je pense ? Qu'est-ce qui me préoccupe ? Me suis-je dispersé ? Est-ce que j'ai gardé en tête la direction dans laquelle je voulais aller ? Ou est-ce qu'au contraire, je me considère victime de tous ces mails qui m'arrivent, de toutes ces sollicitations multiples, de tous ces collaborateurs que je dois gérer ? Si je suis responsable de ma conscience, j'assume que je dois rester centré dans un environnement qui est mouvant et dans lequel il va y avoir de multiples sollicitations. Le propre... La démarche philosophique, c'est ne jamais se situer en victime. Et pour cela, il faut être responsable de sa confiance.

  • Speaker #0

    C'est bon, c'est bon. Aujourd'hui, ce qui m'intéressait aussi, c'est d'avoir votre propre regard sur la société actuelle et peut-être plus spécifiquement sur le monde du travail, ce qui nous intéresse aujourd'hui aussi. Simone Veil a, il y a pratiquement une centaine d'années, évoqué le déracinement auquel l'humain a été confronté. Aujourd'hui, est-ce que vous pensez qu'on peut dire la même chose ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est presque encore pire aujourd'hui avec la sollicitation permanente des écrans. Vous savez, la moyenne en France, c'est 5 heures et plus de temps d'écran pour la population adulte. Donc, à partir de ce moment-là, quelle est la liberté de chacun ? Tout simplement parce que tout ceci induit beaucoup de passivité, beaucoup de mécanicité. Donc c'est difficile d'être libre, mais c'est possible, puisque comme on le disait précédemment, cela repose sur un choix. Dans le monde du travail, par rapport à votre question, je pense qu'il est important de comprendre que nous avons besoin de régénération pour être efficace. C'est-à-dire qu'un sportif, par exemple, va accepter, va consentir des efforts dans sa course. dans son entraînement quotidien, mais il sait pourquoi il est en train de s'entraîner, ça le régénère et ses finalités sont claires. Si un collaborateur dans l'entreprise est en train de travailler sur une partie d'un process, mais qu'il ne connaît pas le process global, qu'il n'est pas en interaction, qu'il n'a pas de possibilité de communiquer, d'influer sur la tâche, voire de l'améliorer, il va devenir passif et il perdra non seulement toute forme de liberté intérieure, mais toute forme d'efficacité.

  • Speaker #0

    On parlait de déracinement et du point qu'avait amené Simone Veil. Est-ce que vous pourriez juste l'expliciter ? Parce que c'est vrai que moi je vous amène ça, la plupart peut-être de nos auditeurs, c'est une terminologie qui est… qui n'est pas forcément connu. En quoi on peut parler de déracinement de la société, que ce soit actuel ou passé d'ailleurs, ou le racinement de l'homme d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    L'enracinement procède, si on veut le dire simplement, du sentiment d'une filiation. On appartient à une tradition, on appartient à une culture, on se situe dans un temps long. dans une chaîne de transmission dans laquelle nous prenons notre place avec une certaine solidarité. Le monde d'aujourd'hui nous mène à un déracinement parce qu'il privilégie l'immédiateté, le temps court et il pousse à l'extrême et précoce autonomisation dans des finalités d'intérêt, vous avez probablement vu. ces supermarchés qui font des tout petits caddies pour les enfants. Donc, certes, l'enfant s'autonomise, mais bon, sans une finalité consumériste, comme on le comprend bien. Tout ceci déracine, puisqu'on ne se sent plus appartenir à une démarche que l'on peut achever ou parachever par notre action et dans laquelle il nous a été transmis quelque chose, mais on nous demande avec précocité et sans forcément nous en avoir fournit les outils de prendre des décisions dans l'immédiat.

  • Speaker #0

    Ou de subir aussi des décisions sans avoir l'impression effectivement d'en avoir réellement la complète maîtrise.

  • Speaker #1

    C'est ça, sans que ça s'intègre dans quelque chose qui fasse sens, cohérence. Une des difficultés d'aujourd'hui, c'est le primat de l'efficacité sur la cohérence. Et donc si on est en train de travailler dans un environnement que l'on juge incohérent, ce sera très difficile d'être efficace. Parce que face à l'incohérence, tout le monde se démotive.

  • Speaker #0

    Donc là, vous remettez en exergue quelque part la nécessité, toujours et encore, de donner du sens, de cultiver une raison d'être dans le monde de l'entreprise, voire même aussi de savoir interrelier sa propre raison d'être en tant qu'individu. Et elle est là, c'est notre responsabilité. avec aussi celle de l'entreprise.

  • Speaker #1

    C'est ça qui va permettre à l'individu de devenir un acteur efficace et responsable au sein de ce qu'il est en train de faire.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que c'est en ça, je vois les gens que j'accompagne, c'est souvent sur cette logique de déconnexion du sens et de la raison d'être entre l'employeur et puis qui ils sont, que se crée une réelle scission.

  • Speaker #1

    Juste avec la... La multiplicité des interactions crée, pour des raisons qui parfois peuvent paraître intelligentes, de la dispersion. La dispersion amène à quelque chose que condamnait beaucoup Simone Veil, qui est la distraction. Et quand on se distrait, alors la distraction c'est l'opposé de la concentration, quand on se distrait, on parvient à l'oubli. C'est-à-dire, on devient amnésique des valeurs, des finalités, etc. Le stress monte et alors là, la possibilité d'agir avec une quelconque puissance d'être ou une quelconque efficacité au sein du collectif dans lequel on est engagé devient nulle.

  • Speaker #0

    Elle parlait d'ailleurs beaucoup du pouvoir de l'attention.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'effectivement vous préconiserez justement pour des leaders à ce niveau-là comme clé philosophique ou comme élément pratique ? qu'ils pourraient mettre en place pour faire vivre ce grand principe qu'elles mettaient de l'avant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut assumer, même si aujourd'hui c'est quelque chose que l'on comprend mal, une part de solitude intérieure. Je pense qu'il y a une énorme différence entre la solitude et l'esseulement. L'esseulement, c'est être en manque de la présence d'autrui, vivre mal le fait d'être seul. Alors que la solitude, c'est déjà simplement avoir un peu de temps avec soi-même, un peu de temps où on peut se concentrer sur ce qui est important pour nous. Un peu de temps de silence, un peu de temps de disponibilité sans bavardage mental. Ça peut être une activité corporelle, ça peut être de l'écoute musicale. C'est-à-dire retrouver un temps dans lequel, eh bien justement, on peut se réenraciner dans un temps long. Il y a un lien qui est difficile à conceptualiser entre le silence et le temps long. En retrouvant le silence, on s'est réinscrit dans notre trajectoire. Et quand on est agité en permanence, tout se fragmente, tout se disperse un peu façon puzzle. Et c'est très compliqué d'avoir une vision unifiée de vers où on veut aller.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous disiez aussi, que j'avais notamment beaucoup aimé dans l'une de vos conférences sur la liberté d'être, où vous expliquez justement les différentes parties de l'être, le moi qui est quelque part. notre extériorité, notre personnalité, ce qui nous régit un peu au quotidien, et puis le soi qui est effectivement notre intériorité. Et l'importance finalement de se recentrer au quotidien, et c'est là où effectivement ça revient à ce que vous disiez, trouver ce temps, ce silence aussi pour se retrouver, pour se recentrer sur notre raison d'être, nos valeurs, qui nous sommes, ce que l'on veut être aussi, quelle est notre finalité. dans le monde. Et ce que j'aimais bien aussi, c'est que vous aviez amené ce fameux paradoxe de la liberté qui nécessite de l'exigence et de l'obéissance à, finalement, nos propres besoins intérieurs. Est-ce que vous pouvez en parler, juste, ou éclairer ça ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que ce qu'il y a de très beau dans cet apparent paradoxe, c'est que La liberté demande de la discipline. Il n'y a rien de plus beau que par exemple entendre un musicien improviser. Mais improviser, cela demande de s'être incorporé, de s'être approprié intérieurement toutes les règles intimes de l'instrument avec lesquelles on est en train de travailler, jusqu'au point de les avoir fait siennes. Cette discipline est justement ce qui permet d'utiliser notre personnalité comme un instrument qui permettra qu'il y ait la liberté d'exprimer qui nous sommes en profondeur. S'il n'y a pas de discipline, notamment de la conscience, si on est pris par l'impatience qui empêche le temps long par les patients que l'on s'agite ou que l'on se distrait, La possibilité de vivre cela s'estompe. La liberté est le fruit d'une exigence assumée. Parce que quand on entend exigence, souvent aujourd'hui on pense à une exigence subie. C'est pour ça que je vous parlais du sportif à l'entraînement, du musicien, c'est-à-dire de ceux qui ont fait le choix de ce qu'ils aiment et qui assument l'exigence naturelle qui va de pair.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, c'est souvent aussi ce qu'on dit des grands hommes. Les grands hommes sont ceux qui ont finalement, face aux circonstances les plus difficiles, ont réussi finalement à rester centrés sur les valeurs qui étaient les leurs.

  • Speaker #1

    Absolument. C'est-à-dire la capacité à garder en conscience des choix, des valeurs, c'est-à-dire des normes d'action, des finalités, c'est-à-dire vers où on veut aller, qui restent vitales, quelles que soient. les circonstances traversées. Il n'y a pas de possibilité d'apporter quelque chose de beau au monde dans lequel nous vivons sans induire un mouvement de la conscience qui va de l'intérieur vers l'extérieur. Et si on est trop heureux, si on se disperse, c'est à contrario les circonstances qui impriment notre marque sur nous et nous rendent, comment dire, impuissants.

  • Speaker #0

    Ça connecte aussi beaucoup avec la réalité que je vois sur le terrain parce que, comme je vous disais, je suis cause, donc j'accompagne beaucoup de dirigeants. Et souvent, en fait, ils arrivent à moi et me disent « En ce moment, j'ai l'impression que je suis dans un tourbillon. C'est le tourbillon, effectivement, de mon entreprise. Il faut que je prenne de la hauteur. Je n'y arrive pas. » Et c'est vrai qu'on est vraiment en lien avec ce que vous dites, cette notion de se dire finalement comment je reste au-dessus des circonstances. Et ça reste vraiment cohérent avec leurs grands besoins. Comment j'arrive finalement à prendre le recul suffisant, à me recentrer pour finalement être à même de gérer avec discernement et en cohérence avec qui je suis ? la réalité du terrain. Et c'est là où ce que vous dites, je trouve, est une magnifique réponse. C'est finalement l'importance de cultiver sa vie intérieure, de se recentrer sur nos fondamentaux, nos essentiels, nos valeurs, les vertus que l'on veut faire vivre et incarner au monde, en fait.

  • Speaker #1

    En fait, c'est un peu ce que je vous disais tout à l'heure sur la responsabilité de notre conscience. Il y a deux mouvements, centrifuge et centripète. Centrifuge, C'est la conscience qui va se disperser par la multiplicité des sollicitations extérieures que le cadre va vivre. Donc il n'y a pas d'effort à faire pour vivre la force centrifuge, elle nous percute de plein fouet. Par contre, le véritable dirigeant est celui qui, par sa propre discipline intérieure, est capable de faire naître une force centripète, c'est-à-dire qui le ramène vers son unité intérieure, elle lui donne le pouvoir d'élévation et de concentration. de garder claires ses finalités et ses valeurs, quelles que soient les tempêtes traversées. Comme toute exigence et discipline, au fond, il est davantage question d'entraînement que de compétence ou d'optitude.

  • Speaker #0

    C'est tellement ça. Et c'est vrai qu'au regard de l'immensité, de l'incertitude auxquelles on fait face et on va faire de plus en plus face, ça va être tellement important pour les leaders de savoir justement cultiver et solidifier finalement ce qui est en eux pour pouvoir effectivement l'incarner davantage au quotidien et prendre de la hauteur.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que plus les temps sont troubles, plus les équipes tournent le regard vers le boss, vers les dirigeants, pour voir comment lui est en train de driver la situation. Et ce qui est important à comprendre, en tous les cas philosophiquement c'est capital, c'est que l'exemple n'est pas une des formes de la transmission. C'est l'unique. L'unique manière de transmettre est l'exemplarité. Puisque si en plus, on a le malheur d'avoir un discours et de porter un verbe, un langage, en donnant une direction, dans laquelle il n'y a pas une immédiate cohérence avec le comportement du dirigeant, non seulement les valeurs du collectif, de l'entreprise ou du groupe humain sont bafouées, mais cette personne-là est disqualifiée. aux yeux des personnes qu'elle est censée elle-même diriger.

  • Speaker #0

    Après, au-delà de ça, et j'entends ce que vous dites, et la réalité aussi, c'est souvent la pression du groupe, de l'organisation, qui est finalement à un poids tel que la plupart des dirigeants se sentent aussi parfois dans l'obligation de faire vivre des stratégies et de les décliner de manière sans forcément retrouver cet alignement. Alors vous allez me dire, c'est là où la responsabilité joue toute son œuvre. Qu'est-ce que vous pourriez... C'est quoi votre avis là-dessus ?

  • Speaker #1

    Je pense que philosophiquement, il y a deux paramètres essentiels, deux constantes, on pourrait dire, qui sont la forme et la vie. Nous travaillons avec un cadre des formes, et néanmoins, nous devons laisser passer une vie. celle de notre conscience, celle des finalités et des valeurs du groupe humain dont nous sommes porteurs. Et là, il y a une dialectique qui s'instaure entre la forme et la vie. Plus la forme peut être exigeante et contraignante au travers du cadre dans lequel on est en train de travailler, plus la vie doit être puissante. C'est-à-dire, plus le réseau humain doit être qualifié, plus le... tissage de relations doit être riche, plus il doit y avoir de confiance et d'interactivité entre les individus pour que chacun sache que malgré la rigueur et le niveau de contrainte opérée par cette forme, ils ont la possibilité d'exprimer leur altérité et leur singularité.

  • Speaker #0

    C'est juste magnifique. Et c'est vrai que ça fait aussi l'interrelation entre justement le cadre la responsabilité, la liberté d'être, à quel point effectivement c'est aussi dans l'exigence que l'on peut aussi se révéler et c'est aussi dans l'exigence qu'il faut aussi apporter une certaine conscience à l'autre, à l'altérité. Au-delà de ça, l'idée c'est de se dire aussi en tant que dirigeant, on a beaucoup parlé effectivement de sa posture pour faire face finalement aux circonstances et à l'incertitude. Comment il peut aussi justement cultiver ça ? Vous parlez de donner de la vie dans un cadre qui est exigeant.

  • Speaker #1

    Je crois, vous l'aviez dit tout à l'heure, que... L'homme, au sens générique bien sûr, les hommes et les femmes ont besoin de sens. Et sans aller chercher des choses métaphysiques, la première dimension du sens, c'est la cohérence. C'est déjà ne jamais contrevenir aux valeurs que l'on a affichées. Toute entreprise, tout collectif cherche à agir en ayant une identité. et en promouvant des éléments auxquels elle est attachée vis-à-vis desquels elle essaye de communiquer. Donc, l'important, c'est d'être cohérent et de ne jamais contrevenir en interne, au sein des équipes, aux valeurs affichées, au nom d'une hypothétique urgence. Au fond, ça revient à dire de ne jamais manager par la pression. C'est-à-dire de toujours faire appel à l'autonomie des individus. plutôt qu'à la contrainte. Une des choses que j'ai apprises, aussi bien dans la théorie philosophique que dans la pratique, c'est qu'il y a très peu de choses urgentes. Je pense que c'est le fait de vivre à la surface de soi-même et d'être agité qui nous fait considérer que beaucoup de choses sont urgentes. Et quand quelqu'un est face à l'urgence, il s'agite. avec le risque de tomber dans la violence. Et la violence n'est pas simplement la violence physique. Violence, ça vient des viols. Ça veut dire transgression. Transgression des limites. C'est-à-dire ne pas respecter les cadres qui ont été posés, ne pas être cohérent. Donc, il est possible, même dans un environnement contraignant, de donner des possibilités d'émancipation intérieure à l'individu. Mais ça implique lui donner la possibilité d'exprimer sa plus-value, les respecter, prioriser l'important sur l'urgent, avoir toujours une hiérarchisation des informations, pas tout mettre au même niveau, puisque c'est ça qui va provoquer l'anxiété, et faire que, paradoxalement, plus les conditions de travail sont exigeantes au travers du... cadre dans lequel on est en train d'œuvrer, plus le lien à soi et aux autres doit être réel. C'est-à-dire qu'il n'y ait pas de peur, qu'il y ait un réel respect réciproque. Je dirais encore plus important, une communication sans aucun jeu psychologique malsain. C'est-à-dire l'exigence est claire et définie et je pense que beaucoup de dirigeants ont peur de cela, assumer l'explicite plutôt que l'implicite, c'est ça que j'appelle les jeux psychologiques, parce que lorsque l'exigence est claire et définie et qu'elle est cohérente avec les valeurs affichées, alors elle provoque de la motivation. Et là, les individus motivés vont pouvoir partager ensemble de la confiance, de la conscience. Et quand il y a confiance et conscience, même dans un environnement contraignant, il peut y avoir une véritable liberté d'être.

  • Speaker #0

    Alors, confiance et conscience, qu'est-ce que vous entendez ? Alors, peut-être pour conscience, parce que c'est vrai qu'effectivement, c'est un terme qui n'est pas tant utilisé, qu'il l'est de plus en plus, on parle de leadership conscient, mais justement, cette connexion que vous faites entre la confiance et la conscience, pouvez-vous expliquer un peu plus ?

  • Speaker #1

    Alors, commençons par la conscience. On peut... avoir conscience de son environnement, mais si on est collé à cet environnement, si on est dans l'émotion, on n'a pas conscience de ce que nous-mêmes nous sommes en train de vivre ou en train de dire. On a tous entendu quelqu'un qui venait de s'énerver dire « Oh, je ne sais plus ce que j'ai dit » . Pourquoi ? Parce que si on est trop proche de l'événement, qu'on est trop proche des choses, qu'on ne sait pas gérer la distance, on perd conscience on perd pas conscience forcément de l'action mais dans notre relation à l'action

  • Speaker #0

    Donc, la conscience dont je suis en train de parler, c'est celle qui nous permet d'être maître de nous-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire rester au-dessus des circonstances, quelque part.

  • Speaker #0

    C'est ça, de rester enraciné, comme nous le disions au début de notre session.

  • Speaker #1

    Alors, juste pour reprendre ce que vous avez dit, parce que j'ai trouvé ça très intéressant, l'un des premiers éléments que j'entends, qui, quelque part, pourraient favoriser, en tant que leader, la liberté d'être des différents membres de leurs équipes. c'est déjà de créer un cadre de cohérence en termes de valeurs. C'est pour ça qu'effectivement, on incarne et on fait vivre les valeurs de l'organisation ou les siennes au quotidien auprès de ces équipes. J'ai beaucoup aimé aussi cette notion de cadre intemporel qui serait finalement représenté par le leader en tant que tel. C'est-à-dire qu'il y aurait beau avoir l'urgence, les circonstances, l'incertitude, des enjeux, des intempéries, en fait, le leader… quelque part, se doit d'apporter cette notion d'attemporel, de gestion sur une notion du long terme. Est-ce que c'est bien ça ? Vous avez quelque part un peu…

  • Speaker #0

    Disons qu'il doit y avoir une forme de détachement par rapport à l'action elle-même. C'est-à-dire, comme disaient les stoïciens, il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Et c'est vrai dans une clé éthique à l'échelle individuelle, mais c'est vrai également au niveau managérial dans un collectif. Ce qui dépend de nous, c'est de bosser pour être prêt au moment T, d'avoir anticipé les éléments, d'être concentré, d'avoir une direction claire, d'avoir préparé les différents outils en temps et en heure. Et bon, mais ensuite, on passe à l'action. Et là, ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas de stress. inutile, qu'il n'y ait pas d'agitation, qu'il n'y ait pas d'anxiété, qu'il n'y ait pas de peur. Et pour ça, ça implique qu'il faut lâcher prise sur le résultat puisque ça ne dépend plus de nous. Ce qui dépendait de nous c'était d'agir de manière juste et correcte. Préparer à cela. Et le dirigeant d'un collectif quel qu'il soit, que ce soit dans le milieu sportif, dans le milieu professionnel, eh bien, il doit incarner cette cohérence Et cette clarté part de là l'objectif concret que l'on vise à réaliser. Sinon, la peur et l'anxiété gagnera à l'équipe, que ce soit le cadre supérieur, le PDG de l'entreprise ou le capitaine de l'équipe. S'il y a un doute au moment où le collectif est face à la difficulté, si celui qui dirige le collectif montre ostensiblement qu'ils doutent, c'est-à-dire qu'ils ne gardaient pas la concentration et la finalité par-delà l'événement, c'est le collectif tout entier qui va briller.

  • Speaker #1

    Complètement. Un autre point que vous ameniez sur justement les grands cadres, quelque part, qui favorisent cette liberté d'être au sein du collectif, c'est de créer un cadre de sécurité, quelque part de sécurité psychologique. Et d'ailleurs, je ne sais pas si ça vous parle, mais William Schultz, qui a travaillé aussi là-dessus, avait fait des études et notamment ce qui ressortait, c'est que entre différentes équipes, même entre un bon manager et un mauvais manager, ce qui allait générer finalement une plus haute performance, c'était la capacité finalement à créer un cadre de sécurité finalement au sein des équipes pour avancer vers davantage de performance. Donc c'est complètement en relation et c'est vrai que c'est en lien avec le fait de générer de la confiance. et d'avancer davantage vers l'émancipation aussi de chacun dont vous parlez.

  • Speaker #0

    Philosophiquement, nous sommes dans un monde dans lequel il y a beaucoup d'impermanence et il y a une dialectique entre permanence et impermanence. Certes, ce monde essentiellement est impermanent, mais si l'équipe ou l'entreprise n'a pas un cadre permanent de repères sur lesquels on peut s'appuyer, Si on ne sait pas comment l'autre va réagir, si on ne peut pas poser un cadre de relation qui soit stable et sur lequel on puisse s'appuyer, il est évident que cela fragilise non seulement psychologiquement, moralement, mais aussi d'une certaine manière spirituellement, puisque ça appauvrit, ça asphyxie et ça empêche la connexion à soi, puisqu'on est en permanence sur l'équilibre.

  • Speaker #1

    Donc, quelque part, j'allais vous poser la question sur ce dire, finalement, quels seraient les grands avantages pour les bénéfices pour les dirigeants, finalement ? de croire en la pertinence aujourd'hui de favoriser quelque part le fait d'aider chacun des membres de leurs équipes à cultiver leur singularité, à cultiver finalement leur propre liberté d'être, parce que ça peut faire peur, et c'est normal, on vit dans un monde qui régit par les normes, les processus, où quelque part on a aussi éteint un peu le pouvoir de l'individu en tant que tel à être lui-même dans sa toute puissance.

  • Speaker #0

    C'est sûr que dans une première approche, mais pas très saine, ça peut sembler plus rassurant de gérer un collectif de personnes soumises et plus autonomes, puisqu'il n'y a pas de surprise. Par contre, en cas de difficulté, il n'y aura pas de surprise non plus. Personne ne trouvera des solutions. Si par contre, on apprend en donnant un cadre qui permet la singularité, et l'autonomie de chacun, l'immense bénéfice que l'on peut en tirer, c'est la capacité de résilience, d'adaptation, d'innovation. C'est-à-dire des individus qui ont une puissance d'autonomie qui vont leur permettre de rebondir, d'être autonome, même sans avoir de consignes. Tout simplement parce qu'ils partagent par le haut un certain nombre de directions très claires. qui leur permettent des performances dont ils ont été chercher, je dirais, la ressource en eux-mêmes en étant mus par des finalités claires. Donc c'est un énorme avantage, un collectif qui est capable de fonctionner comme ça, mais ça demande des dirigeants qui font preuve d'élévation.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un bon point, c'est-à-dire que ça demande effectivement déjà un certain éveil, on va dire, du dirigeant sur l'importance de... justement d'être en conscience de l'ensemble de ces points et ça part effectivement du changement et de l'introspection qu'il va faire aussi en lui. Qu'est-ce que vous en pensez de ça ? Est-ce que finalement on ne travaille pas autour de la limite propre du développement du dirigeant en tant que tel ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense que tout part de celui qui est en train d'impulser le mouvement et qui doit le coordonner, c'est comme un chef d'orchestre. Si les musiciens peuvent être bons, Mais s'il y a un problème dans la direction de l'orchestre, quelle que soit la valeur des musiciens, il y aura des problèmes de tempo entre les différents registres. Donc il y a quelque chose qu'il faut assumer dans notre responsabilité. Cette question de la responsabilité de la conscience, pour moi, elle est importante puisqu'elle nous permet de comprendre que par-delà la performance extérieure, le fait d'obtenir des résultats... en agissant, si on veut conduire, diriger, accompagner d'autres personnes, il faut laisser un peu cette performance extérieure et cultiver un temps de centralité, de solitude, un peu d'élévation pour avoir des perspectives qui aillent plus loin et qui puissent permettre une dilatation de l'ensemble.

  • Speaker #1

    Juste, je vais vous amener aussi un peu vers l'avenir, et notamment, on voit à quel point l'évolution et l'arrivée, on va dire, de l'intelligence artificielle commence à bousculer beaucoup les lignes, et puis les postures aussi. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce point-là et de se dire finalement, face à ce que nous impose l'intelligence artificielle, est-ce que vous pensez qu'on va évoluer vers plus ou moins de liberté d'être ? Ou au contraire, ça peut être justement une opportunité pour faire vivre cette singularité qui est la nôtre.

  • Speaker #0

    Je crois, comme pour beaucoup de choses, que ça dépend de l'usage que nous en avons aujourd'hui. Avec le principe du moteur à explosion, on peut faire des moteurs, on peut faire des ambulances ou on peut faire des tanks. C'est des usages très différents d'une même chose. Donc la question, c'est celle de l'usage. Si on utilise l'intelligence artificielle, par exemple, comme un super archiviste ou un documentaliste hors pair qui me donnait, me synthétisait les éléments dont j'ai besoin avec une incroyable rapidité, c'est extrêmement positif. Si par contre je ne sais plus faire seul une réflexion ou une synthèse ou un effort intellectuel, comme je commence à le voir aujourd'hui, ça commence à devenir compliqué, c'est évidemment négatif. Donc, en clair, nous jouons un jeu dangereux, puisque nous travaillons avec des outils qui sont surpuissants, et globalement avec des esprits qui sont dispersés, et avec beaucoup de faiblesse morale. Donc, le risque est immense de parvenir, par facilité et confort, à une perte de liberté intérieure, mais qui, soyons honnêtes, n'est pas tant créée ou induite par l'outil lui-même, mais plutôt... par la dépendance, la difficulté à s'affranchir du confort ou de la facilité, et au fait de ne pas se donner l'exigence de soi-même, par soi-même et pour soi-même, car pour celui qui se la donne, il n'y a pas en soi de risque par rapport à l'intelligence artificielle ou numérique. Tout revient en gros à la connaissance des humanités et à la... construction de l'individu en tant que personne. Si quelqu'un est stable, équilibré, avec une bonne hauteur de vue et sans dépendance ni addiction, Ausha nous dit l'intelligence artificielle sera quelque chose d'utile et d'efficace mais sans préparation, sans éducation avec une faible culture on va induire une énorme dépendance et il n'y a pas de liberté d'être possible dans la dépendance.

  • Speaker #1

    Donc, écoutez, ce n'est pas très positif tout ça, mais j'entends effectivement cette notion encore de responsabilité que l'on a et d'exigence que l'on a face à effectivement nos propres valeurs et règles intérieures quelque part.

  • Speaker #0

    C'est toujours possible, comme tout se transmet par l'exemple, de transmettre l'apprentissage. ludique, même joyeux, de l'étude, de l'effort, de la construction de soi. Rien n'est jamais perdu à l'échelle individuelle. Tout est toujours possible. Il y a des myriades d'individus qui œuvrent dans ce sens-là, mais collectivement, les dynamiques qui sont en œuvre ne vont pas dans le sens, actuellement, tout au moins, je l'entends, d'une élévation de la culture ou de la... pratique de la discipline intérieure dans la relation à l'effort déjà intellectuel ?

  • Speaker #1

    Alors, on va arriver doucement vers la conclusion. Et merci vraiment pour tout ce que vous avez partagé, Thierry. Moi, je suis curieuse. Et c'est vrai qu'au travers de l'ensemble des conférences que j'ai entendues de vous, je me suis dit, voilà, ça m'intéresse de connaître aussi votre réalité à vous. Comment vous faites aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous pratiquez justement pour développer votre propre liberté d'être ? et vous recentrer ?

  • Speaker #0

    Je dirais simplement déjà comme nécessité absolue une petite dose quotidienne de solitude joyeuse quelque chose d'indispensable au moins une demi-heure dans laquelle rien ni personne ne puisse nous perturber c'est Gandhi qui avait pris l'usage un jour par semaine de ne pas parler Alors, je n'ai pas la chance de pouvoir le faire, mais c'est quelque chose que j'aimerais vraiment beaucoup. Et si vraiment il y avait une urgence, on lui faisait passer un petit papier et il répondait avec un écrit. Je trouve ça très beau. Le fait de faire un jeûne du bavardage mental et de rester dans une forme de tranquillité. Alors, déjà au moins, si je parviens à une demi-heure par jour, c'est quelque chose qui m'aide beaucoup. Je dirais garder des pauses de musique classique. et d'études de la philosophie, mais surtout de garder au quotidien un temps régulier d'examen de conscience pour ne pas me donner des satisfaits faciles et dire, bon, mais entre moi et moi, est-ce qu'aujourd'hui, je suis content de ce que j'ai fait ? Ça fait partie de ce cheminement.

  • Speaker #1

    Merci en tous les cas pour pour ce partage. Alors, peut-être avant de se quitter également, j'ai l'habitude de demander à chacun des personnes que j'interview justement, quel petit pas ils pourraient proposer ou suggérer finalement aux personnes qui nous écoutent pour avancer vers une plus grande, justement, liberté d'être. Qu'est-ce que vous auriez à proposer ? Qu'est-ce qui serait suffisamment concret ? pour que ce petit pas soit aussi le début d'un long chemin ? Parce qu'on s'entend que développer sa liberté d'être, c'est un chemin de vie.

  • Speaker #0

    Alors, je dirais humblement de chercher à se donner des temps de pause. C'est possible au quotidien qu'il soit hors du sentiment d'urgence, mais aussi hors de la distraction dans laquelle l'esprit n'est fixé sur rien et vagabonde. Ça peut être prendre le temps de contempler la nature, de regarder danser les arbres, même en ville, de regarder une fleur, un nuage, suffisamment longtemps pour fixer son esprit sans désirer rien, sans spéculer, juste être face à ce qu'on contemple. Je dirais aussi lire des romans historiques. Pour sortir du temps dans lequel on est et arrêter de se prendre pour le centre du monde en pensant que le monde a toujours été ainsi et voir les choses autrement. Et enfin, peut-être comme dernière préconisation, toujours chercher à ce que notre journée produise plus d'énergie qu'elle n'en consomme.

  • Speaker #1

    Ah, ça c'est beau ça ! Bon, écoutez, je crois que ça sera le mot de la fin. P Merci beaucoup Thierry ce moment de réflexion, de prise de hauteur sur un chemin philosophique qui est important, je crois. Merci en tous les cas d'avoir accepté de finir.

  • Speaker #0

    J'étais très heureux de cet échange.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Vous avez écouté le podcast Le Sas des leaders. Si vous aussi avez envie de passer à la prochaine étape dans votre carrière, le développement de votre leadership ou avec vos équipes, rendez-vous sur le-sas-coaching.com.

Description

Bienvenue dans Le SAS des Leaders. Yvane Le Dot, coach professionnelle accréditée ICF et fondatrice du cabinet Franco-Canadien "Le SAS",s'entretient avec Thierry Adda, Président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans.


Nous ouvrons ensemble la nouvelle série consacrée à un sujet essentiel : la liberté d’être. Un thème qui résonne au cœur des attentes et des besoins de notre société.


Nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d’authenticité se heurte souvent aux cadres imposés par les organisations.


Alors, sommes-nous réellement libres d’être nous-mêmes ? Et pourquoi est-il crucial, en particulier pour les leaders, de cultiver cette liberté et de favoriser l’expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ?


Avec Thierry Adda, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique et concret. Nous parlerons du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter, et nous irons jusqu’à nous interroger sur l’impact de l’intelligence artificielle sur notre liberté d’être.

Alors, installez-vous confortablement, et embarquons ensemble dans cette réflexion sur la liberté d’être.


Bonne écoute!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Le Sass des leaders. Votre espace-temps pour ensemble, passez à la prochaine étape et avancez en cohérence avec les nouvelles attentes de la société. Bienvenue dans Le Sas des leaders. Aujourd'hui, j'ai le plaisir et ma mime en choix. d'accueillir un invité qui a profondément mouillé ma réflexion ces derniers temps, Thierry Hadda. Il est président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, le conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans. Et l'une de ses particularités, qui est un grand atout, c'est de savoir rendre la philosophie vivante, concrète et accessible. J'ai d'ailleurs suivi la plupart de ses conférences ces derniers temps et je peux vous dire qu'à chaque fois, elles ont été une véritable invitation à aller plus loin. dans la réflexion et dans l'action. Alors aujourd'hui ensemble, on ouvre une nouvelle série consacrée à un sujet qui me tient à cœur, la liberté d'être. Au-delà de me tenir à cœur, c'est un thème qui résonne vraiment au cœur des attentes et des besoins de notre société. Comme vous le savez, nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d'authenticité se heurte souvent au cadre imposé par les organisations. Alors la question, sommes-nous réellement libres d'être nous-mêmes ? Et pourquoi aujourd'hui est-il crucial, en particulier pour les leaders, de captiver cette liberté et de favoriser l'expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ? Avec Thierry Hadar, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique mais aussi très concret. On parlera du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter. et nous irons jusqu'à nous interroger sur l'impact de l'intelligence artificielle sur notre propre liberté d'être. Alors installez-vous confortablement et embarquons ensemble dans cette réflexion philosophique sur la liberté d'être tout en étant pratique. Bonjour Thierry, comme je le disais je suis vraiment ravie de vous avoir aujourd'hui pour commencer cette nouvelle série sur la liberté d'être et notamment parce que je pense avoir écouté l'ensemble de vos conférences sur la nouvelle acropole que vous dirigez et un des sujets que vous avez investi qui est le mien c'est la liberté d'être, la liberté d'être soi. Alors peut-être pour commencer ce que j'aimerais c'est que vous donniez cette définition, que vous partagiez votre définition philosophique de la liberté d'être ?

  • Speaker #1

    Écoutez, je crois qu'on peut définir la liberté comme une capacité de se mettre en mouvement. Et le mouvement, ce n'est pas simplement bouger physiquement à l'extérieur, c'est également bouger quelque chose à l'intérieur. Il y a le mouvement qui va faire que la graine devient une plante, que l'enfant devient un adulte, mais il y a également le mouvement qui fait que tout ce qui était... potentiel en nous commence par devenir actuel et la liberté c'est précisément de faire en sorte qu'il y ait un mouvement qui rende des choses qui pour nous étaient potentielles, bien réelles au quotidien et ça, ça a une conséquence, ça nous permet de faire des choix parce qu'on est capable de se mettre en mouvement et parce que ce mouvement il est mu à partir de notre intériorité

  • Speaker #0

    Donc, quelque part, c'est sortir d'une certaine inertie, quand on parle de mouvement, et c'est quelque part aussi faire émerger ce qui est en nous, à l'extérieur de nous, dans le monde.

  • Speaker #1

    C'est ça. Ce qui est trompeur, c'est que l'inertie n'est pas être à l'arrêt. Une boule de billard qui a été percutée file à toute vitesse sur le billard. Elle est en mouvement, mais elle est en totale inertie, parce qu'il n'y a pas de moteur à l'intérieur. sortir de l'inertie se mettre en mouvement c'est trouver la force en soi qui nous permet d'agir par rapport à ce que nous pensons juste et valable profondément par rapport à l'individu que nous sommes alors vous parlez de moteur c'est

  • Speaker #0

    très intéressant selon vous comment effectivement on peut le faire émerger le mettre en mouvement activer ce moteur c'est

  • Speaker #1

    assumer la relation qu'il y a entre notre profondeur, dans laquelle il y a l'individu qui est en nous, la racine d'individu c'est ce qui est indivisible, c'est notre unité, c'est ce qui nous fonde, et à l'extérieur de nous-mêmes, il y a les circonstances. qui elles vont nous faire agir par inertie. Un tel m'a dit telle chose, telle circonstance m'a bouleversé. J'agis parce qu'il y a un choc extérieur, alors là il y a inertie. Mais le véritable mouvement, c'est celui qui naît du contact avec ma propre profondeur.

  • Speaker #0

    Et comment justement on peut cultiver ça ? Quelles sont les pratiques, les clés philosophiques que vous valorisez ?

  • Speaker #1

    Je dirais que déjà, la première action que nous pouvons faire, c'est prendre conscience de notre addiction aux sensations, aux émotions, à la circonstance, ce que toutes les philosophies appellent d'une certaine manière l'homme extérieur. Prendre position vis-à-vis de cela, par rapport à nous-mêmes, en cessant cette addiction, en disant « oui, ok, nous sommes en mouvement par rapport à... » à notre environnement, mais nous sommes également en capacité de faire des choix et donc de décider d'agir en fonction de Ausha, à travers les circonstances et pas mûs par les circonstances.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que pour le coup, ça ramène quand même au fait qu'on soit quelque part un peu coupé finalement de notre partie ou de notre intériorité, c'est ce que vous positionnez beaucoup. Justement, c'est quoi le lien que vous faites entre la liberté et la vie intérieure ?

  • Speaker #1

    C'est que très précisément, ce chemin qu'il y a entre la surface et la profondeur est ce que l'on peut appeler la vie intérieure. La vie intérieure, c'est ce qui se déploie quand on sort de l'immédiateté pour rentrer en contact avec l'unité qui nous fonde. Donc si je commence à... apprendre à faire des choix à partir de mes valeurs, de mes finalités, de ce qui est juste pour moi, je deviens libre. Disons que liberté et choix sont les deux faces d'une même médaille. Celui qui est libre est en mesure de faire des choix. Celui qui fait réellement des choix est libre. Il ne décide pas par rapport à ce qui l'environne, mais par rapport à ses propres convictions.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une notion aussi de responsabilité derrière, ce que j'entends.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Peut-être qu'une des difficultés contemporaines, c'est la difficulté à être responsable de sa propre conscience.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce que vous entendez par responsable de sa propre conscience ?

  • Speaker #1

    À quoi je pense ? Qu'est-ce qui me préoccupe ? Me suis-je dispersé ? Est-ce que j'ai gardé en tête la direction dans laquelle je voulais aller ? Ou est-ce qu'au contraire, je me considère victime de tous ces mails qui m'arrivent, de toutes ces sollicitations multiples, de tous ces collaborateurs que je dois gérer ? Si je suis responsable de ma conscience, j'assume que je dois rester centré dans un environnement qui est mouvant et dans lequel il va y avoir de multiples sollicitations. Le propre... La démarche philosophique, c'est ne jamais se situer en victime. Et pour cela, il faut être responsable de sa confiance.

  • Speaker #0

    C'est bon, c'est bon. Aujourd'hui, ce qui m'intéressait aussi, c'est d'avoir votre propre regard sur la société actuelle et peut-être plus spécifiquement sur le monde du travail, ce qui nous intéresse aujourd'hui aussi. Simone Veil a, il y a pratiquement une centaine d'années, évoqué le déracinement auquel l'humain a été confronté. Aujourd'hui, est-ce que vous pensez qu'on peut dire la même chose ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est presque encore pire aujourd'hui avec la sollicitation permanente des écrans. Vous savez, la moyenne en France, c'est 5 heures et plus de temps d'écran pour la population adulte. Donc, à partir de ce moment-là, quelle est la liberté de chacun ? Tout simplement parce que tout ceci induit beaucoup de passivité, beaucoup de mécanicité. Donc c'est difficile d'être libre, mais c'est possible, puisque comme on le disait précédemment, cela repose sur un choix. Dans le monde du travail, par rapport à votre question, je pense qu'il est important de comprendre que nous avons besoin de régénération pour être efficace. C'est-à-dire qu'un sportif, par exemple, va accepter, va consentir des efforts dans sa course. dans son entraînement quotidien, mais il sait pourquoi il est en train de s'entraîner, ça le régénère et ses finalités sont claires. Si un collaborateur dans l'entreprise est en train de travailler sur une partie d'un process, mais qu'il ne connaît pas le process global, qu'il n'est pas en interaction, qu'il n'a pas de possibilité de communiquer, d'influer sur la tâche, voire de l'améliorer, il va devenir passif et il perdra non seulement toute forme de liberté intérieure, mais toute forme d'efficacité.

  • Speaker #0

    On parlait de déracinement et du point qu'avait amené Simone Veil. Est-ce que vous pourriez juste l'expliciter ? Parce que c'est vrai que moi je vous amène ça, la plupart peut-être de nos auditeurs, c'est une terminologie qui est… qui n'est pas forcément connu. En quoi on peut parler de déracinement de la société, que ce soit actuel ou passé d'ailleurs, ou le racinement de l'homme d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    L'enracinement procède, si on veut le dire simplement, du sentiment d'une filiation. On appartient à une tradition, on appartient à une culture, on se situe dans un temps long. dans une chaîne de transmission dans laquelle nous prenons notre place avec une certaine solidarité. Le monde d'aujourd'hui nous mène à un déracinement parce qu'il privilégie l'immédiateté, le temps court et il pousse à l'extrême et précoce autonomisation dans des finalités d'intérêt, vous avez probablement vu. ces supermarchés qui font des tout petits caddies pour les enfants. Donc, certes, l'enfant s'autonomise, mais bon, sans une finalité consumériste, comme on le comprend bien. Tout ceci déracine, puisqu'on ne se sent plus appartenir à une démarche que l'on peut achever ou parachever par notre action et dans laquelle il nous a été transmis quelque chose, mais on nous demande avec précocité et sans forcément nous en avoir fournit les outils de prendre des décisions dans l'immédiat.

  • Speaker #0

    Ou de subir aussi des décisions sans avoir l'impression effectivement d'en avoir réellement la complète maîtrise.

  • Speaker #1

    C'est ça, sans que ça s'intègre dans quelque chose qui fasse sens, cohérence. Une des difficultés d'aujourd'hui, c'est le primat de l'efficacité sur la cohérence. Et donc si on est en train de travailler dans un environnement que l'on juge incohérent, ce sera très difficile d'être efficace. Parce que face à l'incohérence, tout le monde se démotive.

  • Speaker #0

    Donc là, vous remettez en exergue quelque part la nécessité, toujours et encore, de donner du sens, de cultiver une raison d'être dans le monde de l'entreprise, voire même aussi de savoir interrelier sa propre raison d'être en tant qu'individu. Et elle est là, c'est notre responsabilité. avec aussi celle de l'entreprise.

  • Speaker #1

    C'est ça qui va permettre à l'individu de devenir un acteur efficace et responsable au sein de ce qu'il est en train de faire.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que c'est en ça, je vois les gens que j'accompagne, c'est souvent sur cette logique de déconnexion du sens et de la raison d'être entre l'employeur et puis qui ils sont, que se crée une réelle scission.

  • Speaker #1

    Juste avec la... La multiplicité des interactions crée, pour des raisons qui parfois peuvent paraître intelligentes, de la dispersion. La dispersion amène à quelque chose que condamnait beaucoup Simone Veil, qui est la distraction. Et quand on se distrait, alors la distraction c'est l'opposé de la concentration, quand on se distrait, on parvient à l'oubli. C'est-à-dire, on devient amnésique des valeurs, des finalités, etc. Le stress monte et alors là, la possibilité d'agir avec une quelconque puissance d'être ou une quelconque efficacité au sein du collectif dans lequel on est engagé devient nulle.

  • Speaker #0

    Elle parlait d'ailleurs beaucoup du pouvoir de l'attention.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'effectivement vous préconiserez justement pour des leaders à ce niveau-là comme clé philosophique ou comme élément pratique ? qu'ils pourraient mettre en place pour faire vivre ce grand principe qu'elles mettaient de l'avant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut assumer, même si aujourd'hui c'est quelque chose que l'on comprend mal, une part de solitude intérieure. Je pense qu'il y a une énorme différence entre la solitude et l'esseulement. L'esseulement, c'est être en manque de la présence d'autrui, vivre mal le fait d'être seul. Alors que la solitude, c'est déjà simplement avoir un peu de temps avec soi-même, un peu de temps où on peut se concentrer sur ce qui est important pour nous. Un peu de temps de silence, un peu de temps de disponibilité sans bavardage mental. Ça peut être une activité corporelle, ça peut être de l'écoute musicale. C'est-à-dire retrouver un temps dans lequel, eh bien justement, on peut se réenraciner dans un temps long. Il y a un lien qui est difficile à conceptualiser entre le silence et le temps long. En retrouvant le silence, on s'est réinscrit dans notre trajectoire. Et quand on est agité en permanence, tout se fragmente, tout se disperse un peu façon puzzle. Et c'est très compliqué d'avoir une vision unifiée de vers où on veut aller.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous disiez aussi, que j'avais notamment beaucoup aimé dans l'une de vos conférences sur la liberté d'être, où vous expliquez justement les différentes parties de l'être, le moi qui est quelque part. notre extériorité, notre personnalité, ce qui nous régit un peu au quotidien, et puis le soi qui est effectivement notre intériorité. Et l'importance finalement de se recentrer au quotidien, et c'est là où effectivement ça revient à ce que vous disiez, trouver ce temps, ce silence aussi pour se retrouver, pour se recentrer sur notre raison d'être, nos valeurs, qui nous sommes, ce que l'on veut être aussi, quelle est notre finalité. dans le monde. Et ce que j'aimais bien aussi, c'est que vous aviez amené ce fameux paradoxe de la liberté qui nécessite de l'exigence et de l'obéissance à, finalement, nos propres besoins intérieurs. Est-ce que vous pouvez en parler, juste, ou éclairer ça ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que ce qu'il y a de très beau dans cet apparent paradoxe, c'est que La liberté demande de la discipline. Il n'y a rien de plus beau que par exemple entendre un musicien improviser. Mais improviser, cela demande de s'être incorporé, de s'être approprié intérieurement toutes les règles intimes de l'instrument avec lesquelles on est en train de travailler, jusqu'au point de les avoir fait siennes. Cette discipline est justement ce qui permet d'utiliser notre personnalité comme un instrument qui permettra qu'il y ait la liberté d'exprimer qui nous sommes en profondeur. S'il n'y a pas de discipline, notamment de la conscience, si on est pris par l'impatience qui empêche le temps long par les patients que l'on s'agite ou que l'on se distrait, La possibilité de vivre cela s'estompe. La liberté est le fruit d'une exigence assumée. Parce que quand on entend exigence, souvent aujourd'hui on pense à une exigence subie. C'est pour ça que je vous parlais du sportif à l'entraînement, du musicien, c'est-à-dire de ceux qui ont fait le choix de ce qu'ils aiment et qui assument l'exigence naturelle qui va de pair.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, c'est souvent aussi ce qu'on dit des grands hommes. Les grands hommes sont ceux qui ont finalement, face aux circonstances les plus difficiles, ont réussi finalement à rester centrés sur les valeurs qui étaient les leurs.

  • Speaker #1

    Absolument. C'est-à-dire la capacité à garder en conscience des choix, des valeurs, c'est-à-dire des normes d'action, des finalités, c'est-à-dire vers où on veut aller, qui restent vitales, quelles que soient. les circonstances traversées. Il n'y a pas de possibilité d'apporter quelque chose de beau au monde dans lequel nous vivons sans induire un mouvement de la conscience qui va de l'intérieur vers l'extérieur. Et si on est trop heureux, si on se disperse, c'est à contrario les circonstances qui impriment notre marque sur nous et nous rendent, comment dire, impuissants.

  • Speaker #0

    Ça connecte aussi beaucoup avec la réalité que je vois sur le terrain parce que, comme je vous disais, je suis cause, donc j'accompagne beaucoup de dirigeants. Et souvent, en fait, ils arrivent à moi et me disent « En ce moment, j'ai l'impression que je suis dans un tourbillon. C'est le tourbillon, effectivement, de mon entreprise. Il faut que je prenne de la hauteur. Je n'y arrive pas. » Et c'est vrai qu'on est vraiment en lien avec ce que vous dites, cette notion de se dire finalement comment je reste au-dessus des circonstances. Et ça reste vraiment cohérent avec leurs grands besoins. Comment j'arrive finalement à prendre le recul suffisant, à me recentrer pour finalement être à même de gérer avec discernement et en cohérence avec qui je suis ? la réalité du terrain. Et c'est là où ce que vous dites, je trouve, est une magnifique réponse. C'est finalement l'importance de cultiver sa vie intérieure, de se recentrer sur nos fondamentaux, nos essentiels, nos valeurs, les vertus que l'on veut faire vivre et incarner au monde, en fait.

  • Speaker #1

    En fait, c'est un peu ce que je vous disais tout à l'heure sur la responsabilité de notre conscience. Il y a deux mouvements, centrifuge et centripète. Centrifuge, C'est la conscience qui va se disperser par la multiplicité des sollicitations extérieures que le cadre va vivre. Donc il n'y a pas d'effort à faire pour vivre la force centrifuge, elle nous percute de plein fouet. Par contre, le véritable dirigeant est celui qui, par sa propre discipline intérieure, est capable de faire naître une force centripète, c'est-à-dire qui le ramène vers son unité intérieure, elle lui donne le pouvoir d'élévation et de concentration. de garder claires ses finalités et ses valeurs, quelles que soient les tempêtes traversées. Comme toute exigence et discipline, au fond, il est davantage question d'entraînement que de compétence ou d'optitude.

  • Speaker #0

    C'est tellement ça. Et c'est vrai qu'au regard de l'immensité, de l'incertitude auxquelles on fait face et on va faire de plus en plus face, ça va être tellement important pour les leaders de savoir justement cultiver et solidifier finalement ce qui est en eux pour pouvoir effectivement l'incarner davantage au quotidien et prendre de la hauteur.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que plus les temps sont troubles, plus les équipes tournent le regard vers le boss, vers les dirigeants, pour voir comment lui est en train de driver la situation. Et ce qui est important à comprendre, en tous les cas philosophiquement c'est capital, c'est que l'exemple n'est pas une des formes de la transmission. C'est l'unique. L'unique manière de transmettre est l'exemplarité. Puisque si en plus, on a le malheur d'avoir un discours et de porter un verbe, un langage, en donnant une direction, dans laquelle il n'y a pas une immédiate cohérence avec le comportement du dirigeant, non seulement les valeurs du collectif, de l'entreprise ou du groupe humain sont bafouées, mais cette personne-là est disqualifiée. aux yeux des personnes qu'elle est censée elle-même diriger.

  • Speaker #0

    Après, au-delà de ça, et j'entends ce que vous dites, et la réalité aussi, c'est souvent la pression du groupe, de l'organisation, qui est finalement à un poids tel que la plupart des dirigeants se sentent aussi parfois dans l'obligation de faire vivre des stratégies et de les décliner de manière sans forcément retrouver cet alignement. Alors vous allez me dire, c'est là où la responsabilité joue toute son œuvre. Qu'est-ce que vous pourriez... C'est quoi votre avis là-dessus ?

  • Speaker #1

    Je pense que philosophiquement, il y a deux paramètres essentiels, deux constantes, on pourrait dire, qui sont la forme et la vie. Nous travaillons avec un cadre des formes, et néanmoins, nous devons laisser passer une vie. celle de notre conscience, celle des finalités et des valeurs du groupe humain dont nous sommes porteurs. Et là, il y a une dialectique qui s'instaure entre la forme et la vie. Plus la forme peut être exigeante et contraignante au travers du cadre dans lequel on est en train de travailler, plus la vie doit être puissante. C'est-à-dire, plus le réseau humain doit être qualifié, plus le... tissage de relations doit être riche, plus il doit y avoir de confiance et d'interactivité entre les individus pour que chacun sache que malgré la rigueur et le niveau de contrainte opérée par cette forme, ils ont la possibilité d'exprimer leur altérité et leur singularité.

  • Speaker #0

    C'est juste magnifique. Et c'est vrai que ça fait aussi l'interrelation entre justement le cadre la responsabilité, la liberté d'être, à quel point effectivement c'est aussi dans l'exigence que l'on peut aussi se révéler et c'est aussi dans l'exigence qu'il faut aussi apporter une certaine conscience à l'autre, à l'altérité. Au-delà de ça, l'idée c'est de se dire aussi en tant que dirigeant, on a beaucoup parlé effectivement de sa posture pour faire face finalement aux circonstances et à l'incertitude. Comment il peut aussi justement cultiver ça ? Vous parlez de donner de la vie dans un cadre qui est exigeant.

  • Speaker #1

    Je crois, vous l'aviez dit tout à l'heure, que... L'homme, au sens générique bien sûr, les hommes et les femmes ont besoin de sens. Et sans aller chercher des choses métaphysiques, la première dimension du sens, c'est la cohérence. C'est déjà ne jamais contrevenir aux valeurs que l'on a affichées. Toute entreprise, tout collectif cherche à agir en ayant une identité. et en promouvant des éléments auxquels elle est attachée vis-à-vis desquels elle essaye de communiquer. Donc, l'important, c'est d'être cohérent et de ne jamais contrevenir en interne, au sein des équipes, aux valeurs affichées, au nom d'une hypothétique urgence. Au fond, ça revient à dire de ne jamais manager par la pression. C'est-à-dire de toujours faire appel à l'autonomie des individus. plutôt qu'à la contrainte. Une des choses que j'ai apprises, aussi bien dans la théorie philosophique que dans la pratique, c'est qu'il y a très peu de choses urgentes. Je pense que c'est le fait de vivre à la surface de soi-même et d'être agité qui nous fait considérer que beaucoup de choses sont urgentes. Et quand quelqu'un est face à l'urgence, il s'agite. avec le risque de tomber dans la violence. Et la violence n'est pas simplement la violence physique. Violence, ça vient des viols. Ça veut dire transgression. Transgression des limites. C'est-à-dire ne pas respecter les cadres qui ont été posés, ne pas être cohérent. Donc, il est possible, même dans un environnement contraignant, de donner des possibilités d'émancipation intérieure à l'individu. Mais ça implique lui donner la possibilité d'exprimer sa plus-value, les respecter, prioriser l'important sur l'urgent, avoir toujours une hiérarchisation des informations, pas tout mettre au même niveau, puisque c'est ça qui va provoquer l'anxiété, et faire que, paradoxalement, plus les conditions de travail sont exigeantes au travers du... cadre dans lequel on est en train d'œuvrer, plus le lien à soi et aux autres doit être réel. C'est-à-dire qu'il n'y ait pas de peur, qu'il y ait un réel respect réciproque. Je dirais encore plus important, une communication sans aucun jeu psychologique malsain. C'est-à-dire l'exigence est claire et définie et je pense que beaucoup de dirigeants ont peur de cela, assumer l'explicite plutôt que l'implicite, c'est ça que j'appelle les jeux psychologiques, parce que lorsque l'exigence est claire et définie et qu'elle est cohérente avec les valeurs affichées, alors elle provoque de la motivation. Et là, les individus motivés vont pouvoir partager ensemble de la confiance, de la conscience. Et quand il y a confiance et conscience, même dans un environnement contraignant, il peut y avoir une véritable liberté d'être.

  • Speaker #0

    Alors, confiance et conscience, qu'est-ce que vous entendez ? Alors, peut-être pour conscience, parce que c'est vrai qu'effectivement, c'est un terme qui n'est pas tant utilisé, qu'il l'est de plus en plus, on parle de leadership conscient, mais justement, cette connexion que vous faites entre la confiance et la conscience, pouvez-vous expliquer un peu plus ?

  • Speaker #1

    Alors, commençons par la conscience. On peut... avoir conscience de son environnement, mais si on est collé à cet environnement, si on est dans l'émotion, on n'a pas conscience de ce que nous-mêmes nous sommes en train de vivre ou en train de dire. On a tous entendu quelqu'un qui venait de s'énerver dire « Oh, je ne sais plus ce que j'ai dit » . Pourquoi ? Parce que si on est trop proche de l'événement, qu'on est trop proche des choses, qu'on ne sait pas gérer la distance, on perd conscience on perd pas conscience forcément de l'action mais dans notre relation à l'action

  • Speaker #0

    Donc, la conscience dont je suis en train de parler, c'est celle qui nous permet d'être maître de nous-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire rester au-dessus des circonstances, quelque part.

  • Speaker #0

    C'est ça, de rester enraciné, comme nous le disions au début de notre session.

  • Speaker #1

    Alors, juste pour reprendre ce que vous avez dit, parce que j'ai trouvé ça très intéressant, l'un des premiers éléments que j'entends, qui, quelque part, pourraient favoriser, en tant que leader, la liberté d'être des différents membres de leurs équipes. c'est déjà de créer un cadre de cohérence en termes de valeurs. C'est pour ça qu'effectivement, on incarne et on fait vivre les valeurs de l'organisation ou les siennes au quotidien auprès de ces équipes. J'ai beaucoup aimé aussi cette notion de cadre intemporel qui serait finalement représenté par le leader en tant que tel. C'est-à-dire qu'il y aurait beau avoir l'urgence, les circonstances, l'incertitude, des enjeux, des intempéries, en fait, le leader… quelque part, se doit d'apporter cette notion d'attemporel, de gestion sur une notion du long terme. Est-ce que c'est bien ça ? Vous avez quelque part un peu…

  • Speaker #0

    Disons qu'il doit y avoir une forme de détachement par rapport à l'action elle-même. C'est-à-dire, comme disaient les stoïciens, il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Et c'est vrai dans une clé éthique à l'échelle individuelle, mais c'est vrai également au niveau managérial dans un collectif. Ce qui dépend de nous, c'est de bosser pour être prêt au moment T, d'avoir anticipé les éléments, d'être concentré, d'avoir une direction claire, d'avoir préparé les différents outils en temps et en heure. Et bon, mais ensuite, on passe à l'action. Et là, ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas de stress. inutile, qu'il n'y ait pas d'agitation, qu'il n'y ait pas d'anxiété, qu'il n'y ait pas de peur. Et pour ça, ça implique qu'il faut lâcher prise sur le résultat puisque ça ne dépend plus de nous. Ce qui dépendait de nous c'était d'agir de manière juste et correcte. Préparer à cela. Et le dirigeant d'un collectif quel qu'il soit, que ce soit dans le milieu sportif, dans le milieu professionnel, eh bien, il doit incarner cette cohérence Et cette clarté part de là l'objectif concret que l'on vise à réaliser. Sinon, la peur et l'anxiété gagnera à l'équipe, que ce soit le cadre supérieur, le PDG de l'entreprise ou le capitaine de l'équipe. S'il y a un doute au moment où le collectif est face à la difficulté, si celui qui dirige le collectif montre ostensiblement qu'ils doutent, c'est-à-dire qu'ils ne gardaient pas la concentration et la finalité par-delà l'événement, c'est le collectif tout entier qui va briller.

  • Speaker #1

    Complètement. Un autre point que vous ameniez sur justement les grands cadres, quelque part, qui favorisent cette liberté d'être au sein du collectif, c'est de créer un cadre de sécurité, quelque part de sécurité psychologique. Et d'ailleurs, je ne sais pas si ça vous parle, mais William Schultz, qui a travaillé aussi là-dessus, avait fait des études et notamment ce qui ressortait, c'est que entre différentes équipes, même entre un bon manager et un mauvais manager, ce qui allait générer finalement une plus haute performance, c'était la capacité finalement à créer un cadre de sécurité finalement au sein des équipes pour avancer vers davantage de performance. Donc c'est complètement en relation et c'est vrai que c'est en lien avec le fait de générer de la confiance. et d'avancer davantage vers l'émancipation aussi de chacun dont vous parlez.

  • Speaker #0

    Philosophiquement, nous sommes dans un monde dans lequel il y a beaucoup d'impermanence et il y a une dialectique entre permanence et impermanence. Certes, ce monde essentiellement est impermanent, mais si l'équipe ou l'entreprise n'a pas un cadre permanent de repères sur lesquels on peut s'appuyer, Si on ne sait pas comment l'autre va réagir, si on ne peut pas poser un cadre de relation qui soit stable et sur lequel on puisse s'appuyer, il est évident que cela fragilise non seulement psychologiquement, moralement, mais aussi d'une certaine manière spirituellement, puisque ça appauvrit, ça asphyxie et ça empêche la connexion à soi, puisqu'on est en permanence sur l'équilibre.

  • Speaker #1

    Donc, quelque part, j'allais vous poser la question sur ce dire, finalement, quels seraient les grands avantages pour les bénéfices pour les dirigeants, finalement ? de croire en la pertinence aujourd'hui de favoriser quelque part le fait d'aider chacun des membres de leurs équipes à cultiver leur singularité, à cultiver finalement leur propre liberté d'être, parce que ça peut faire peur, et c'est normal, on vit dans un monde qui régit par les normes, les processus, où quelque part on a aussi éteint un peu le pouvoir de l'individu en tant que tel à être lui-même dans sa toute puissance.

  • Speaker #0

    C'est sûr que dans une première approche, mais pas très saine, ça peut sembler plus rassurant de gérer un collectif de personnes soumises et plus autonomes, puisqu'il n'y a pas de surprise. Par contre, en cas de difficulté, il n'y aura pas de surprise non plus. Personne ne trouvera des solutions. Si par contre, on apprend en donnant un cadre qui permet la singularité, et l'autonomie de chacun, l'immense bénéfice que l'on peut en tirer, c'est la capacité de résilience, d'adaptation, d'innovation. C'est-à-dire des individus qui ont une puissance d'autonomie qui vont leur permettre de rebondir, d'être autonome, même sans avoir de consignes. Tout simplement parce qu'ils partagent par le haut un certain nombre de directions très claires. qui leur permettent des performances dont ils ont été chercher, je dirais, la ressource en eux-mêmes en étant mus par des finalités claires. Donc c'est un énorme avantage, un collectif qui est capable de fonctionner comme ça, mais ça demande des dirigeants qui font preuve d'élévation.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un bon point, c'est-à-dire que ça demande effectivement déjà un certain éveil, on va dire, du dirigeant sur l'importance de... justement d'être en conscience de l'ensemble de ces points et ça part effectivement du changement et de l'introspection qu'il va faire aussi en lui. Qu'est-ce que vous en pensez de ça ? Est-ce que finalement on ne travaille pas autour de la limite propre du développement du dirigeant en tant que tel ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense que tout part de celui qui est en train d'impulser le mouvement et qui doit le coordonner, c'est comme un chef d'orchestre. Si les musiciens peuvent être bons, Mais s'il y a un problème dans la direction de l'orchestre, quelle que soit la valeur des musiciens, il y aura des problèmes de tempo entre les différents registres. Donc il y a quelque chose qu'il faut assumer dans notre responsabilité. Cette question de la responsabilité de la conscience, pour moi, elle est importante puisqu'elle nous permet de comprendre que par-delà la performance extérieure, le fait d'obtenir des résultats... en agissant, si on veut conduire, diriger, accompagner d'autres personnes, il faut laisser un peu cette performance extérieure et cultiver un temps de centralité, de solitude, un peu d'élévation pour avoir des perspectives qui aillent plus loin et qui puissent permettre une dilatation de l'ensemble.

  • Speaker #1

    Juste, je vais vous amener aussi un peu vers l'avenir, et notamment, on voit à quel point l'évolution et l'arrivée, on va dire, de l'intelligence artificielle commence à bousculer beaucoup les lignes, et puis les postures aussi. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce point-là et de se dire finalement, face à ce que nous impose l'intelligence artificielle, est-ce que vous pensez qu'on va évoluer vers plus ou moins de liberté d'être ? Ou au contraire, ça peut être justement une opportunité pour faire vivre cette singularité qui est la nôtre.

  • Speaker #0

    Je crois, comme pour beaucoup de choses, que ça dépend de l'usage que nous en avons aujourd'hui. Avec le principe du moteur à explosion, on peut faire des moteurs, on peut faire des ambulances ou on peut faire des tanks. C'est des usages très différents d'une même chose. Donc la question, c'est celle de l'usage. Si on utilise l'intelligence artificielle, par exemple, comme un super archiviste ou un documentaliste hors pair qui me donnait, me synthétisait les éléments dont j'ai besoin avec une incroyable rapidité, c'est extrêmement positif. Si par contre je ne sais plus faire seul une réflexion ou une synthèse ou un effort intellectuel, comme je commence à le voir aujourd'hui, ça commence à devenir compliqué, c'est évidemment négatif. Donc, en clair, nous jouons un jeu dangereux, puisque nous travaillons avec des outils qui sont surpuissants, et globalement avec des esprits qui sont dispersés, et avec beaucoup de faiblesse morale. Donc, le risque est immense de parvenir, par facilité et confort, à une perte de liberté intérieure, mais qui, soyons honnêtes, n'est pas tant créée ou induite par l'outil lui-même, mais plutôt... par la dépendance, la difficulté à s'affranchir du confort ou de la facilité, et au fait de ne pas se donner l'exigence de soi-même, par soi-même et pour soi-même, car pour celui qui se la donne, il n'y a pas en soi de risque par rapport à l'intelligence artificielle ou numérique. Tout revient en gros à la connaissance des humanités et à la... construction de l'individu en tant que personne. Si quelqu'un est stable, équilibré, avec une bonne hauteur de vue et sans dépendance ni addiction, Ausha nous dit l'intelligence artificielle sera quelque chose d'utile et d'efficace mais sans préparation, sans éducation avec une faible culture on va induire une énorme dépendance et il n'y a pas de liberté d'être possible dans la dépendance.

  • Speaker #1

    Donc, écoutez, ce n'est pas très positif tout ça, mais j'entends effectivement cette notion encore de responsabilité que l'on a et d'exigence que l'on a face à effectivement nos propres valeurs et règles intérieures quelque part.

  • Speaker #0

    C'est toujours possible, comme tout se transmet par l'exemple, de transmettre l'apprentissage. ludique, même joyeux, de l'étude, de l'effort, de la construction de soi. Rien n'est jamais perdu à l'échelle individuelle. Tout est toujours possible. Il y a des myriades d'individus qui œuvrent dans ce sens-là, mais collectivement, les dynamiques qui sont en œuvre ne vont pas dans le sens, actuellement, tout au moins, je l'entends, d'une élévation de la culture ou de la... pratique de la discipline intérieure dans la relation à l'effort déjà intellectuel ?

  • Speaker #1

    Alors, on va arriver doucement vers la conclusion. Et merci vraiment pour tout ce que vous avez partagé, Thierry. Moi, je suis curieuse. Et c'est vrai qu'au travers de l'ensemble des conférences que j'ai entendues de vous, je me suis dit, voilà, ça m'intéresse de connaître aussi votre réalité à vous. Comment vous faites aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous pratiquez justement pour développer votre propre liberté d'être ? et vous recentrer ?

  • Speaker #0

    Je dirais simplement déjà comme nécessité absolue une petite dose quotidienne de solitude joyeuse quelque chose d'indispensable au moins une demi-heure dans laquelle rien ni personne ne puisse nous perturber c'est Gandhi qui avait pris l'usage un jour par semaine de ne pas parler Alors, je n'ai pas la chance de pouvoir le faire, mais c'est quelque chose que j'aimerais vraiment beaucoup. Et si vraiment il y avait une urgence, on lui faisait passer un petit papier et il répondait avec un écrit. Je trouve ça très beau. Le fait de faire un jeûne du bavardage mental et de rester dans une forme de tranquillité. Alors, déjà au moins, si je parviens à une demi-heure par jour, c'est quelque chose qui m'aide beaucoup. Je dirais garder des pauses de musique classique. et d'études de la philosophie, mais surtout de garder au quotidien un temps régulier d'examen de conscience pour ne pas me donner des satisfaits faciles et dire, bon, mais entre moi et moi, est-ce qu'aujourd'hui, je suis content de ce que j'ai fait ? Ça fait partie de ce cheminement.

  • Speaker #1

    Merci en tous les cas pour pour ce partage. Alors, peut-être avant de se quitter également, j'ai l'habitude de demander à chacun des personnes que j'interview justement, quel petit pas ils pourraient proposer ou suggérer finalement aux personnes qui nous écoutent pour avancer vers une plus grande, justement, liberté d'être. Qu'est-ce que vous auriez à proposer ? Qu'est-ce qui serait suffisamment concret ? pour que ce petit pas soit aussi le début d'un long chemin ? Parce qu'on s'entend que développer sa liberté d'être, c'est un chemin de vie.

  • Speaker #0

    Alors, je dirais humblement de chercher à se donner des temps de pause. C'est possible au quotidien qu'il soit hors du sentiment d'urgence, mais aussi hors de la distraction dans laquelle l'esprit n'est fixé sur rien et vagabonde. Ça peut être prendre le temps de contempler la nature, de regarder danser les arbres, même en ville, de regarder une fleur, un nuage, suffisamment longtemps pour fixer son esprit sans désirer rien, sans spéculer, juste être face à ce qu'on contemple. Je dirais aussi lire des romans historiques. Pour sortir du temps dans lequel on est et arrêter de se prendre pour le centre du monde en pensant que le monde a toujours été ainsi et voir les choses autrement. Et enfin, peut-être comme dernière préconisation, toujours chercher à ce que notre journée produise plus d'énergie qu'elle n'en consomme.

  • Speaker #1

    Ah, ça c'est beau ça ! Bon, écoutez, je crois que ça sera le mot de la fin. P Merci beaucoup Thierry ce moment de réflexion, de prise de hauteur sur un chemin philosophique qui est important, je crois. Merci en tous les cas d'avoir accepté de finir.

  • Speaker #0

    J'étais très heureux de cet échange.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Vous avez écouté le podcast Le Sas des leaders. Si vous aussi avez envie de passer à la prochaine étape dans votre carrière, le développement de votre leadership ou avec vos équipes, rendez-vous sur le-sas-coaching.com.

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Description

Bienvenue dans Le SAS des Leaders. Yvane Le Dot, coach professionnelle accréditée ICF et fondatrice du cabinet Franco-Canadien "Le SAS",s'entretient avec Thierry Adda, Président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans.


Nous ouvrons ensemble la nouvelle série consacrée à un sujet essentiel : la liberté d’être. Un thème qui résonne au cœur des attentes et des besoins de notre société.


Nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d’authenticité se heurte souvent aux cadres imposés par les organisations.


Alors, sommes-nous réellement libres d’être nous-mêmes ? Et pourquoi est-il crucial, en particulier pour les leaders, de cultiver cette liberté et de favoriser l’expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ?


Avec Thierry Adda, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique et concret. Nous parlerons du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter, et nous irons jusqu’à nous interroger sur l’impact de l’intelligence artificielle sur notre liberté d’être.

Alors, installez-vous confortablement, et embarquons ensemble dans cette réflexion sur la liberté d’être.


Bonne écoute!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Le Sass des leaders. Votre espace-temps pour ensemble, passez à la prochaine étape et avancez en cohérence avec les nouvelles attentes de la société. Bienvenue dans Le Sas des leaders. Aujourd'hui, j'ai le plaisir et ma mime en choix. d'accueillir un invité qui a profondément mouillé ma réflexion ces derniers temps, Thierry Hadda. Il est président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, le conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans. Et l'une de ses particularités, qui est un grand atout, c'est de savoir rendre la philosophie vivante, concrète et accessible. J'ai d'ailleurs suivi la plupart de ses conférences ces derniers temps et je peux vous dire qu'à chaque fois, elles ont été une véritable invitation à aller plus loin. dans la réflexion et dans l'action. Alors aujourd'hui ensemble, on ouvre une nouvelle série consacrée à un sujet qui me tient à cœur, la liberté d'être. Au-delà de me tenir à cœur, c'est un thème qui résonne vraiment au cœur des attentes et des besoins de notre société. Comme vous le savez, nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d'authenticité se heurte souvent au cadre imposé par les organisations. Alors la question, sommes-nous réellement libres d'être nous-mêmes ? Et pourquoi aujourd'hui est-il crucial, en particulier pour les leaders, de captiver cette liberté et de favoriser l'expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ? Avec Thierry Hadar, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique mais aussi très concret. On parlera du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter. et nous irons jusqu'à nous interroger sur l'impact de l'intelligence artificielle sur notre propre liberté d'être. Alors installez-vous confortablement et embarquons ensemble dans cette réflexion philosophique sur la liberté d'être tout en étant pratique. Bonjour Thierry, comme je le disais je suis vraiment ravie de vous avoir aujourd'hui pour commencer cette nouvelle série sur la liberté d'être et notamment parce que je pense avoir écouté l'ensemble de vos conférences sur la nouvelle acropole que vous dirigez et un des sujets que vous avez investi qui est le mien c'est la liberté d'être, la liberté d'être soi. Alors peut-être pour commencer ce que j'aimerais c'est que vous donniez cette définition, que vous partagiez votre définition philosophique de la liberté d'être ?

  • Speaker #1

    Écoutez, je crois qu'on peut définir la liberté comme une capacité de se mettre en mouvement. Et le mouvement, ce n'est pas simplement bouger physiquement à l'extérieur, c'est également bouger quelque chose à l'intérieur. Il y a le mouvement qui va faire que la graine devient une plante, que l'enfant devient un adulte, mais il y a également le mouvement qui fait que tout ce qui était... potentiel en nous commence par devenir actuel et la liberté c'est précisément de faire en sorte qu'il y ait un mouvement qui rende des choses qui pour nous étaient potentielles, bien réelles au quotidien et ça, ça a une conséquence, ça nous permet de faire des choix parce qu'on est capable de se mettre en mouvement et parce que ce mouvement il est mu à partir de notre intériorité

  • Speaker #0

    Donc, quelque part, c'est sortir d'une certaine inertie, quand on parle de mouvement, et c'est quelque part aussi faire émerger ce qui est en nous, à l'extérieur de nous, dans le monde.

  • Speaker #1

    C'est ça. Ce qui est trompeur, c'est que l'inertie n'est pas être à l'arrêt. Une boule de billard qui a été percutée file à toute vitesse sur le billard. Elle est en mouvement, mais elle est en totale inertie, parce qu'il n'y a pas de moteur à l'intérieur. sortir de l'inertie se mettre en mouvement c'est trouver la force en soi qui nous permet d'agir par rapport à ce que nous pensons juste et valable profondément par rapport à l'individu que nous sommes alors vous parlez de moteur c'est

  • Speaker #0

    très intéressant selon vous comment effectivement on peut le faire émerger le mettre en mouvement activer ce moteur c'est

  • Speaker #1

    assumer la relation qu'il y a entre notre profondeur, dans laquelle il y a l'individu qui est en nous, la racine d'individu c'est ce qui est indivisible, c'est notre unité, c'est ce qui nous fonde, et à l'extérieur de nous-mêmes, il y a les circonstances. qui elles vont nous faire agir par inertie. Un tel m'a dit telle chose, telle circonstance m'a bouleversé. J'agis parce qu'il y a un choc extérieur, alors là il y a inertie. Mais le véritable mouvement, c'est celui qui naît du contact avec ma propre profondeur.

  • Speaker #0

    Et comment justement on peut cultiver ça ? Quelles sont les pratiques, les clés philosophiques que vous valorisez ?

  • Speaker #1

    Je dirais que déjà, la première action que nous pouvons faire, c'est prendre conscience de notre addiction aux sensations, aux émotions, à la circonstance, ce que toutes les philosophies appellent d'une certaine manière l'homme extérieur. Prendre position vis-à-vis de cela, par rapport à nous-mêmes, en cessant cette addiction, en disant « oui, ok, nous sommes en mouvement par rapport à... » à notre environnement, mais nous sommes également en capacité de faire des choix et donc de décider d'agir en fonction de Ausha, à travers les circonstances et pas mûs par les circonstances.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que pour le coup, ça ramène quand même au fait qu'on soit quelque part un peu coupé finalement de notre partie ou de notre intériorité, c'est ce que vous positionnez beaucoup. Justement, c'est quoi le lien que vous faites entre la liberté et la vie intérieure ?

  • Speaker #1

    C'est que très précisément, ce chemin qu'il y a entre la surface et la profondeur est ce que l'on peut appeler la vie intérieure. La vie intérieure, c'est ce qui se déploie quand on sort de l'immédiateté pour rentrer en contact avec l'unité qui nous fonde. Donc si je commence à... apprendre à faire des choix à partir de mes valeurs, de mes finalités, de ce qui est juste pour moi, je deviens libre. Disons que liberté et choix sont les deux faces d'une même médaille. Celui qui est libre est en mesure de faire des choix. Celui qui fait réellement des choix est libre. Il ne décide pas par rapport à ce qui l'environne, mais par rapport à ses propres convictions.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une notion aussi de responsabilité derrière, ce que j'entends.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Peut-être qu'une des difficultés contemporaines, c'est la difficulté à être responsable de sa propre conscience.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce que vous entendez par responsable de sa propre conscience ?

  • Speaker #1

    À quoi je pense ? Qu'est-ce qui me préoccupe ? Me suis-je dispersé ? Est-ce que j'ai gardé en tête la direction dans laquelle je voulais aller ? Ou est-ce qu'au contraire, je me considère victime de tous ces mails qui m'arrivent, de toutes ces sollicitations multiples, de tous ces collaborateurs que je dois gérer ? Si je suis responsable de ma conscience, j'assume que je dois rester centré dans un environnement qui est mouvant et dans lequel il va y avoir de multiples sollicitations. Le propre... La démarche philosophique, c'est ne jamais se situer en victime. Et pour cela, il faut être responsable de sa confiance.

  • Speaker #0

    C'est bon, c'est bon. Aujourd'hui, ce qui m'intéressait aussi, c'est d'avoir votre propre regard sur la société actuelle et peut-être plus spécifiquement sur le monde du travail, ce qui nous intéresse aujourd'hui aussi. Simone Veil a, il y a pratiquement une centaine d'années, évoqué le déracinement auquel l'humain a été confronté. Aujourd'hui, est-ce que vous pensez qu'on peut dire la même chose ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est presque encore pire aujourd'hui avec la sollicitation permanente des écrans. Vous savez, la moyenne en France, c'est 5 heures et plus de temps d'écran pour la population adulte. Donc, à partir de ce moment-là, quelle est la liberté de chacun ? Tout simplement parce que tout ceci induit beaucoup de passivité, beaucoup de mécanicité. Donc c'est difficile d'être libre, mais c'est possible, puisque comme on le disait précédemment, cela repose sur un choix. Dans le monde du travail, par rapport à votre question, je pense qu'il est important de comprendre que nous avons besoin de régénération pour être efficace. C'est-à-dire qu'un sportif, par exemple, va accepter, va consentir des efforts dans sa course. dans son entraînement quotidien, mais il sait pourquoi il est en train de s'entraîner, ça le régénère et ses finalités sont claires. Si un collaborateur dans l'entreprise est en train de travailler sur une partie d'un process, mais qu'il ne connaît pas le process global, qu'il n'est pas en interaction, qu'il n'a pas de possibilité de communiquer, d'influer sur la tâche, voire de l'améliorer, il va devenir passif et il perdra non seulement toute forme de liberté intérieure, mais toute forme d'efficacité.

  • Speaker #0

    On parlait de déracinement et du point qu'avait amené Simone Veil. Est-ce que vous pourriez juste l'expliciter ? Parce que c'est vrai que moi je vous amène ça, la plupart peut-être de nos auditeurs, c'est une terminologie qui est… qui n'est pas forcément connu. En quoi on peut parler de déracinement de la société, que ce soit actuel ou passé d'ailleurs, ou le racinement de l'homme d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    L'enracinement procède, si on veut le dire simplement, du sentiment d'une filiation. On appartient à une tradition, on appartient à une culture, on se situe dans un temps long. dans une chaîne de transmission dans laquelle nous prenons notre place avec une certaine solidarité. Le monde d'aujourd'hui nous mène à un déracinement parce qu'il privilégie l'immédiateté, le temps court et il pousse à l'extrême et précoce autonomisation dans des finalités d'intérêt, vous avez probablement vu. ces supermarchés qui font des tout petits caddies pour les enfants. Donc, certes, l'enfant s'autonomise, mais bon, sans une finalité consumériste, comme on le comprend bien. Tout ceci déracine, puisqu'on ne se sent plus appartenir à une démarche que l'on peut achever ou parachever par notre action et dans laquelle il nous a été transmis quelque chose, mais on nous demande avec précocité et sans forcément nous en avoir fournit les outils de prendre des décisions dans l'immédiat.

  • Speaker #0

    Ou de subir aussi des décisions sans avoir l'impression effectivement d'en avoir réellement la complète maîtrise.

  • Speaker #1

    C'est ça, sans que ça s'intègre dans quelque chose qui fasse sens, cohérence. Une des difficultés d'aujourd'hui, c'est le primat de l'efficacité sur la cohérence. Et donc si on est en train de travailler dans un environnement que l'on juge incohérent, ce sera très difficile d'être efficace. Parce que face à l'incohérence, tout le monde se démotive.

  • Speaker #0

    Donc là, vous remettez en exergue quelque part la nécessité, toujours et encore, de donner du sens, de cultiver une raison d'être dans le monde de l'entreprise, voire même aussi de savoir interrelier sa propre raison d'être en tant qu'individu. Et elle est là, c'est notre responsabilité. avec aussi celle de l'entreprise.

  • Speaker #1

    C'est ça qui va permettre à l'individu de devenir un acteur efficace et responsable au sein de ce qu'il est en train de faire.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que c'est en ça, je vois les gens que j'accompagne, c'est souvent sur cette logique de déconnexion du sens et de la raison d'être entre l'employeur et puis qui ils sont, que se crée une réelle scission.

  • Speaker #1

    Juste avec la... La multiplicité des interactions crée, pour des raisons qui parfois peuvent paraître intelligentes, de la dispersion. La dispersion amène à quelque chose que condamnait beaucoup Simone Veil, qui est la distraction. Et quand on se distrait, alors la distraction c'est l'opposé de la concentration, quand on se distrait, on parvient à l'oubli. C'est-à-dire, on devient amnésique des valeurs, des finalités, etc. Le stress monte et alors là, la possibilité d'agir avec une quelconque puissance d'être ou une quelconque efficacité au sein du collectif dans lequel on est engagé devient nulle.

  • Speaker #0

    Elle parlait d'ailleurs beaucoup du pouvoir de l'attention.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'effectivement vous préconiserez justement pour des leaders à ce niveau-là comme clé philosophique ou comme élément pratique ? qu'ils pourraient mettre en place pour faire vivre ce grand principe qu'elles mettaient de l'avant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut assumer, même si aujourd'hui c'est quelque chose que l'on comprend mal, une part de solitude intérieure. Je pense qu'il y a une énorme différence entre la solitude et l'esseulement. L'esseulement, c'est être en manque de la présence d'autrui, vivre mal le fait d'être seul. Alors que la solitude, c'est déjà simplement avoir un peu de temps avec soi-même, un peu de temps où on peut se concentrer sur ce qui est important pour nous. Un peu de temps de silence, un peu de temps de disponibilité sans bavardage mental. Ça peut être une activité corporelle, ça peut être de l'écoute musicale. C'est-à-dire retrouver un temps dans lequel, eh bien justement, on peut se réenraciner dans un temps long. Il y a un lien qui est difficile à conceptualiser entre le silence et le temps long. En retrouvant le silence, on s'est réinscrit dans notre trajectoire. Et quand on est agité en permanence, tout se fragmente, tout se disperse un peu façon puzzle. Et c'est très compliqué d'avoir une vision unifiée de vers où on veut aller.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous disiez aussi, que j'avais notamment beaucoup aimé dans l'une de vos conférences sur la liberté d'être, où vous expliquez justement les différentes parties de l'être, le moi qui est quelque part. notre extériorité, notre personnalité, ce qui nous régit un peu au quotidien, et puis le soi qui est effectivement notre intériorité. Et l'importance finalement de se recentrer au quotidien, et c'est là où effectivement ça revient à ce que vous disiez, trouver ce temps, ce silence aussi pour se retrouver, pour se recentrer sur notre raison d'être, nos valeurs, qui nous sommes, ce que l'on veut être aussi, quelle est notre finalité. dans le monde. Et ce que j'aimais bien aussi, c'est que vous aviez amené ce fameux paradoxe de la liberté qui nécessite de l'exigence et de l'obéissance à, finalement, nos propres besoins intérieurs. Est-ce que vous pouvez en parler, juste, ou éclairer ça ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que ce qu'il y a de très beau dans cet apparent paradoxe, c'est que La liberté demande de la discipline. Il n'y a rien de plus beau que par exemple entendre un musicien improviser. Mais improviser, cela demande de s'être incorporé, de s'être approprié intérieurement toutes les règles intimes de l'instrument avec lesquelles on est en train de travailler, jusqu'au point de les avoir fait siennes. Cette discipline est justement ce qui permet d'utiliser notre personnalité comme un instrument qui permettra qu'il y ait la liberté d'exprimer qui nous sommes en profondeur. S'il n'y a pas de discipline, notamment de la conscience, si on est pris par l'impatience qui empêche le temps long par les patients que l'on s'agite ou que l'on se distrait, La possibilité de vivre cela s'estompe. La liberté est le fruit d'une exigence assumée. Parce que quand on entend exigence, souvent aujourd'hui on pense à une exigence subie. C'est pour ça que je vous parlais du sportif à l'entraînement, du musicien, c'est-à-dire de ceux qui ont fait le choix de ce qu'ils aiment et qui assument l'exigence naturelle qui va de pair.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, c'est souvent aussi ce qu'on dit des grands hommes. Les grands hommes sont ceux qui ont finalement, face aux circonstances les plus difficiles, ont réussi finalement à rester centrés sur les valeurs qui étaient les leurs.

  • Speaker #1

    Absolument. C'est-à-dire la capacité à garder en conscience des choix, des valeurs, c'est-à-dire des normes d'action, des finalités, c'est-à-dire vers où on veut aller, qui restent vitales, quelles que soient. les circonstances traversées. Il n'y a pas de possibilité d'apporter quelque chose de beau au monde dans lequel nous vivons sans induire un mouvement de la conscience qui va de l'intérieur vers l'extérieur. Et si on est trop heureux, si on se disperse, c'est à contrario les circonstances qui impriment notre marque sur nous et nous rendent, comment dire, impuissants.

  • Speaker #0

    Ça connecte aussi beaucoup avec la réalité que je vois sur le terrain parce que, comme je vous disais, je suis cause, donc j'accompagne beaucoup de dirigeants. Et souvent, en fait, ils arrivent à moi et me disent « En ce moment, j'ai l'impression que je suis dans un tourbillon. C'est le tourbillon, effectivement, de mon entreprise. Il faut que je prenne de la hauteur. Je n'y arrive pas. » Et c'est vrai qu'on est vraiment en lien avec ce que vous dites, cette notion de se dire finalement comment je reste au-dessus des circonstances. Et ça reste vraiment cohérent avec leurs grands besoins. Comment j'arrive finalement à prendre le recul suffisant, à me recentrer pour finalement être à même de gérer avec discernement et en cohérence avec qui je suis ? la réalité du terrain. Et c'est là où ce que vous dites, je trouve, est une magnifique réponse. C'est finalement l'importance de cultiver sa vie intérieure, de se recentrer sur nos fondamentaux, nos essentiels, nos valeurs, les vertus que l'on veut faire vivre et incarner au monde, en fait.

  • Speaker #1

    En fait, c'est un peu ce que je vous disais tout à l'heure sur la responsabilité de notre conscience. Il y a deux mouvements, centrifuge et centripète. Centrifuge, C'est la conscience qui va se disperser par la multiplicité des sollicitations extérieures que le cadre va vivre. Donc il n'y a pas d'effort à faire pour vivre la force centrifuge, elle nous percute de plein fouet. Par contre, le véritable dirigeant est celui qui, par sa propre discipline intérieure, est capable de faire naître une force centripète, c'est-à-dire qui le ramène vers son unité intérieure, elle lui donne le pouvoir d'élévation et de concentration. de garder claires ses finalités et ses valeurs, quelles que soient les tempêtes traversées. Comme toute exigence et discipline, au fond, il est davantage question d'entraînement que de compétence ou d'optitude.

  • Speaker #0

    C'est tellement ça. Et c'est vrai qu'au regard de l'immensité, de l'incertitude auxquelles on fait face et on va faire de plus en plus face, ça va être tellement important pour les leaders de savoir justement cultiver et solidifier finalement ce qui est en eux pour pouvoir effectivement l'incarner davantage au quotidien et prendre de la hauteur.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que plus les temps sont troubles, plus les équipes tournent le regard vers le boss, vers les dirigeants, pour voir comment lui est en train de driver la situation. Et ce qui est important à comprendre, en tous les cas philosophiquement c'est capital, c'est que l'exemple n'est pas une des formes de la transmission. C'est l'unique. L'unique manière de transmettre est l'exemplarité. Puisque si en plus, on a le malheur d'avoir un discours et de porter un verbe, un langage, en donnant une direction, dans laquelle il n'y a pas une immédiate cohérence avec le comportement du dirigeant, non seulement les valeurs du collectif, de l'entreprise ou du groupe humain sont bafouées, mais cette personne-là est disqualifiée. aux yeux des personnes qu'elle est censée elle-même diriger.

  • Speaker #0

    Après, au-delà de ça, et j'entends ce que vous dites, et la réalité aussi, c'est souvent la pression du groupe, de l'organisation, qui est finalement à un poids tel que la plupart des dirigeants se sentent aussi parfois dans l'obligation de faire vivre des stratégies et de les décliner de manière sans forcément retrouver cet alignement. Alors vous allez me dire, c'est là où la responsabilité joue toute son œuvre. Qu'est-ce que vous pourriez... C'est quoi votre avis là-dessus ?

  • Speaker #1

    Je pense que philosophiquement, il y a deux paramètres essentiels, deux constantes, on pourrait dire, qui sont la forme et la vie. Nous travaillons avec un cadre des formes, et néanmoins, nous devons laisser passer une vie. celle de notre conscience, celle des finalités et des valeurs du groupe humain dont nous sommes porteurs. Et là, il y a une dialectique qui s'instaure entre la forme et la vie. Plus la forme peut être exigeante et contraignante au travers du cadre dans lequel on est en train de travailler, plus la vie doit être puissante. C'est-à-dire, plus le réseau humain doit être qualifié, plus le... tissage de relations doit être riche, plus il doit y avoir de confiance et d'interactivité entre les individus pour que chacun sache que malgré la rigueur et le niveau de contrainte opérée par cette forme, ils ont la possibilité d'exprimer leur altérité et leur singularité.

  • Speaker #0

    C'est juste magnifique. Et c'est vrai que ça fait aussi l'interrelation entre justement le cadre la responsabilité, la liberté d'être, à quel point effectivement c'est aussi dans l'exigence que l'on peut aussi se révéler et c'est aussi dans l'exigence qu'il faut aussi apporter une certaine conscience à l'autre, à l'altérité. Au-delà de ça, l'idée c'est de se dire aussi en tant que dirigeant, on a beaucoup parlé effectivement de sa posture pour faire face finalement aux circonstances et à l'incertitude. Comment il peut aussi justement cultiver ça ? Vous parlez de donner de la vie dans un cadre qui est exigeant.

  • Speaker #1

    Je crois, vous l'aviez dit tout à l'heure, que... L'homme, au sens générique bien sûr, les hommes et les femmes ont besoin de sens. Et sans aller chercher des choses métaphysiques, la première dimension du sens, c'est la cohérence. C'est déjà ne jamais contrevenir aux valeurs que l'on a affichées. Toute entreprise, tout collectif cherche à agir en ayant une identité. et en promouvant des éléments auxquels elle est attachée vis-à-vis desquels elle essaye de communiquer. Donc, l'important, c'est d'être cohérent et de ne jamais contrevenir en interne, au sein des équipes, aux valeurs affichées, au nom d'une hypothétique urgence. Au fond, ça revient à dire de ne jamais manager par la pression. C'est-à-dire de toujours faire appel à l'autonomie des individus. plutôt qu'à la contrainte. Une des choses que j'ai apprises, aussi bien dans la théorie philosophique que dans la pratique, c'est qu'il y a très peu de choses urgentes. Je pense que c'est le fait de vivre à la surface de soi-même et d'être agité qui nous fait considérer que beaucoup de choses sont urgentes. Et quand quelqu'un est face à l'urgence, il s'agite. avec le risque de tomber dans la violence. Et la violence n'est pas simplement la violence physique. Violence, ça vient des viols. Ça veut dire transgression. Transgression des limites. C'est-à-dire ne pas respecter les cadres qui ont été posés, ne pas être cohérent. Donc, il est possible, même dans un environnement contraignant, de donner des possibilités d'émancipation intérieure à l'individu. Mais ça implique lui donner la possibilité d'exprimer sa plus-value, les respecter, prioriser l'important sur l'urgent, avoir toujours une hiérarchisation des informations, pas tout mettre au même niveau, puisque c'est ça qui va provoquer l'anxiété, et faire que, paradoxalement, plus les conditions de travail sont exigeantes au travers du... cadre dans lequel on est en train d'œuvrer, plus le lien à soi et aux autres doit être réel. C'est-à-dire qu'il n'y ait pas de peur, qu'il y ait un réel respect réciproque. Je dirais encore plus important, une communication sans aucun jeu psychologique malsain. C'est-à-dire l'exigence est claire et définie et je pense que beaucoup de dirigeants ont peur de cela, assumer l'explicite plutôt que l'implicite, c'est ça que j'appelle les jeux psychologiques, parce que lorsque l'exigence est claire et définie et qu'elle est cohérente avec les valeurs affichées, alors elle provoque de la motivation. Et là, les individus motivés vont pouvoir partager ensemble de la confiance, de la conscience. Et quand il y a confiance et conscience, même dans un environnement contraignant, il peut y avoir une véritable liberté d'être.

  • Speaker #0

    Alors, confiance et conscience, qu'est-ce que vous entendez ? Alors, peut-être pour conscience, parce que c'est vrai qu'effectivement, c'est un terme qui n'est pas tant utilisé, qu'il l'est de plus en plus, on parle de leadership conscient, mais justement, cette connexion que vous faites entre la confiance et la conscience, pouvez-vous expliquer un peu plus ?

  • Speaker #1

    Alors, commençons par la conscience. On peut... avoir conscience de son environnement, mais si on est collé à cet environnement, si on est dans l'émotion, on n'a pas conscience de ce que nous-mêmes nous sommes en train de vivre ou en train de dire. On a tous entendu quelqu'un qui venait de s'énerver dire « Oh, je ne sais plus ce que j'ai dit » . Pourquoi ? Parce que si on est trop proche de l'événement, qu'on est trop proche des choses, qu'on ne sait pas gérer la distance, on perd conscience on perd pas conscience forcément de l'action mais dans notre relation à l'action

  • Speaker #0

    Donc, la conscience dont je suis en train de parler, c'est celle qui nous permet d'être maître de nous-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire rester au-dessus des circonstances, quelque part.

  • Speaker #0

    C'est ça, de rester enraciné, comme nous le disions au début de notre session.

  • Speaker #1

    Alors, juste pour reprendre ce que vous avez dit, parce que j'ai trouvé ça très intéressant, l'un des premiers éléments que j'entends, qui, quelque part, pourraient favoriser, en tant que leader, la liberté d'être des différents membres de leurs équipes. c'est déjà de créer un cadre de cohérence en termes de valeurs. C'est pour ça qu'effectivement, on incarne et on fait vivre les valeurs de l'organisation ou les siennes au quotidien auprès de ces équipes. J'ai beaucoup aimé aussi cette notion de cadre intemporel qui serait finalement représenté par le leader en tant que tel. C'est-à-dire qu'il y aurait beau avoir l'urgence, les circonstances, l'incertitude, des enjeux, des intempéries, en fait, le leader… quelque part, se doit d'apporter cette notion d'attemporel, de gestion sur une notion du long terme. Est-ce que c'est bien ça ? Vous avez quelque part un peu…

  • Speaker #0

    Disons qu'il doit y avoir une forme de détachement par rapport à l'action elle-même. C'est-à-dire, comme disaient les stoïciens, il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Et c'est vrai dans une clé éthique à l'échelle individuelle, mais c'est vrai également au niveau managérial dans un collectif. Ce qui dépend de nous, c'est de bosser pour être prêt au moment T, d'avoir anticipé les éléments, d'être concentré, d'avoir une direction claire, d'avoir préparé les différents outils en temps et en heure. Et bon, mais ensuite, on passe à l'action. Et là, ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas de stress. inutile, qu'il n'y ait pas d'agitation, qu'il n'y ait pas d'anxiété, qu'il n'y ait pas de peur. Et pour ça, ça implique qu'il faut lâcher prise sur le résultat puisque ça ne dépend plus de nous. Ce qui dépendait de nous c'était d'agir de manière juste et correcte. Préparer à cela. Et le dirigeant d'un collectif quel qu'il soit, que ce soit dans le milieu sportif, dans le milieu professionnel, eh bien, il doit incarner cette cohérence Et cette clarté part de là l'objectif concret que l'on vise à réaliser. Sinon, la peur et l'anxiété gagnera à l'équipe, que ce soit le cadre supérieur, le PDG de l'entreprise ou le capitaine de l'équipe. S'il y a un doute au moment où le collectif est face à la difficulté, si celui qui dirige le collectif montre ostensiblement qu'ils doutent, c'est-à-dire qu'ils ne gardaient pas la concentration et la finalité par-delà l'événement, c'est le collectif tout entier qui va briller.

  • Speaker #1

    Complètement. Un autre point que vous ameniez sur justement les grands cadres, quelque part, qui favorisent cette liberté d'être au sein du collectif, c'est de créer un cadre de sécurité, quelque part de sécurité psychologique. Et d'ailleurs, je ne sais pas si ça vous parle, mais William Schultz, qui a travaillé aussi là-dessus, avait fait des études et notamment ce qui ressortait, c'est que entre différentes équipes, même entre un bon manager et un mauvais manager, ce qui allait générer finalement une plus haute performance, c'était la capacité finalement à créer un cadre de sécurité finalement au sein des équipes pour avancer vers davantage de performance. Donc c'est complètement en relation et c'est vrai que c'est en lien avec le fait de générer de la confiance. et d'avancer davantage vers l'émancipation aussi de chacun dont vous parlez.

  • Speaker #0

    Philosophiquement, nous sommes dans un monde dans lequel il y a beaucoup d'impermanence et il y a une dialectique entre permanence et impermanence. Certes, ce monde essentiellement est impermanent, mais si l'équipe ou l'entreprise n'a pas un cadre permanent de repères sur lesquels on peut s'appuyer, Si on ne sait pas comment l'autre va réagir, si on ne peut pas poser un cadre de relation qui soit stable et sur lequel on puisse s'appuyer, il est évident que cela fragilise non seulement psychologiquement, moralement, mais aussi d'une certaine manière spirituellement, puisque ça appauvrit, ça asphyxie et ça empêche la connexion à soi, puisqu'on est en permanence sur l'équilibre.

  • Speaker #1

    Donc, quelque part, j'allais vous poser la question sur ce dire, finalement, quels seraient les grands avantages pour les bénéfices pour les dirigeants, finalement ? de croire en la pertinence aujourd'hui de favoriser quelque part le fait d'aider chacun des membres de leurs équipes à cultiver leur singularité, à cultiver finalement leur propre liberté d'être, parce que ça peut faire peur, et c'est normal, on vit dans un monde qui régit par les normes, les processus, où quelque part on a aussi éteint un peu le pouvoir de l'individu en tant que tel à être lui-même dans sa toute puissance.

  • Speaker #0

    C'est sûr que dans une première approche, mais pas très saine, ça peut sembler plus rassurant de gérer un collectif de personnes soumises et plus autonomes, puisqu'il n'y a pas de surprise. Par contre, en cas de difficulté, il n'y aura pas de surprise non plus. Personne ne trouvera des solutions. Si par contre, on apprend en donnant un cadre qui permet la singularité, et l'autonomie de chacun, l'immense bénéfice que l'on peut en tirer, c'est la capacité de résilience, d'adaptation, d'innovation. C'est-à-dire des individus qui ont une puissance d'autonomie qui vont leur permettre de rebondir, d'être autonome, même sans avoir de consignes. Tout simplement parce qu'ils partagent par le haut un certain nombre de directions très claires. qui leur permettent des performances dont ils ont été chercher, je dirais, la ressource en eux-mêmes en étant mus par des finalités claires. Donc c'est un énorme avantage, un collectif qui est capable de fonctionner comme ça, mais ça demande des dirigeants qui font preuve d'élévation.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un bon point, c'est-à-dire que ça demande effectivement déjà un certain éveil, on va dire, du dirigeant sur l'importance de... justement d'être en conscience de l'ensemble de ces points et ça part effectivement du changement et de l'introspection qu'il va faire aussi en lui. Qu'est-ce que vous en pensez de ça ? Est-ce que finalement on ne travaille pas autour de la limite propre du développement du dirigeant en tant que tel ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense que tout part de celui qui est en train d'impulser le mouvement et qui doit le coordonner, c'est comme un chef d'orchestre. Si les musiciens peuvent être bons, Mais s'il y a un problème dans la direction de l'orchestre, quelle que soit la valeur des musiciens, il y aura des problèmes de tempo entre les différents registres. Donc il y a quelque chose qu'il faut assumer dans notre responsabilité. Cette question de la responsabilité de la conscience, pour moi, elle est importante puisqu'elle nous permet de comprendre que par-delà la performance extérieure, le fait d'obtenir des résultats... en agissant, si on veut conduire, diriger, accompagner d'autres personnes, il faut laisser un peu cette performance extérieure et cultiver un temps de centralité, de solitude, un peu d'élévation pour avoir des perspectives qui aillent plus loin et qui puissent permettre une dilatation de l'ensemble.

  • Speaker #1

    Juste, je vais vous amener aussi un peu vers l'avenir, et notamment, on voit à quel point l'évolution et l'arrivée, on va dire, de l'intelligence artificielle commence à bousculer beaucoup les lignes, et puis les postures aussi. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce point-là et de se dire finalement, face à ce que nous impose l'intelligence artificielle, est-ce que vous pensez qu'on va évoluer vers plus ou moins de liberté d'être ? Ou au contraire, ça peut être justement une opportunité pour faire vivre cette singularité qui est la nôtre.

  • Speaker #0

    Je crois, comme pour beaucoup de choses, que ça dépend de l'usage que nous en avons aujourd'hui. Avec le principe du moteur à explosion, on peut faire des moteurs, on peut faire des ambulances ou on peut faire des tanks. C'est des usages très différents d'une même chose. Donc la question, c'est celle de l'usage. Si on utilise l'intelligence artificielle, par exemple, comme un super archiviste ou un documentaliste hors pair qui me donnait, me synthétisait les éléments dont j'ai besoin avec une incroyable rapidité, c'est extrêmement positif. Si par contre je ne sais plus faire seul une réflexion ou une synthèse ou un effort intellectuel, comme je commence à le voir aujourd'hui, ça commence à devenir compliqué, c'est évidemment négatif. Donc, en clair, nous jouons un jeu dangereux, puisque nous travaillons avec des outils qui sont surpuissants, et globalement avec des esprits qui sont dispersés, et avec beaucoup de faiblesse morale. Donc, le risque est immense de parvenir, par facilité et confort, à une perte de liberté intérieure, mais qui, soyons honnêtes, n'est pas tant créée ou induite par l'outil lui-même, mais plutôt... par la dépendance, la difficulté à s'affranchir du confort ou de la facilité, et au fait de ne pas se donner l'exigence de soi-même, par soi-même et pour soi-même, car pour celui qui se la donne, il n'y a pas en soi de risque par rapport à l'intelligence artificielle ou numérique. Tout revient en gros à la connaissance des humanités et à la... construction de l'individu en tant que personne. Si quelqu'un est stable, équilibré, avec une bonne hauteur de vue et sans dépendance ni addiction, Ausha nous dit l'intelligence artificielle sera quelque chose d'utile et d'efficace mais sans préparation, sans éducation avec une faible culture on va induire une énorme dépendance et il n'y a pas de liberté d'être possible dans la dépendance.

  • Speaker #1

    Donc, écoutez, ce n'est pas très positif tout ça, mais j'entends effectivement cette notion encore de responsabilité que l'on a et d'exigence que l'on a face à effectivement nos propres valeurs et règles intérieures quelque part.

  • Speaker #0

    C'est toujours possible, comme tout se transmet par l'exemple, de transmettre l'apprentissage. ludique, même joyeux, de l'étude, de l'effort, de la construction de soi. Rien n'est jamais perdu à l'échelle individuelle. Tout est toujours possible. Il y a des myriades d'individus qui œuvrent dans ce sens-là, mais collectivement, les dynamiques qui sont en œuvre ne vont pas dans le sens, actuellement, tout au moins, je l'entends, d'une élévation de la culture ou de la... pratique de la discipline intérieure dans la relation à l'effort déjà intellectuel ?

  • Speaker #1

    Alors, on va arriver doucement vers la conclusion. Et merci vraiment pour tout ce que vous avez partagé, Thierry. Moi, je suis curieuse. Et c'est vrai qu'au travers de l'ensemble des conférences que j'ai entendues de vous, je me suis dit, voilà, ça m'intéresse de connaître aussi votre réalité à vous. Comment vous faites aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous pratiquez justement pour développer votre propre liberté d'être ? et vous recentrer ?

  • Speaker #0

    Je dirais simplement déjà comme nécessité absolue une petite dose quotidienne de solitude joyeuse quelque chose d'indispensable au moins une demi-heure dans laquelle rien ni personne ne puisse nous perturber c'est Gandhi qui avait pris l'usage un jour par semaine de ne pas parler Alors, je n'ai pas la chance de pouvoir le faire, mais c'est quelque chose que j'aimerais vraiment beaucoup. Et si vraiment il y avait une urgence, on lui faisait passer un petit papier et il répondait avec un écrit. Je trouve ça très beau. Le fait de faire un jeûne du bavardage mental et de rester dans une forme de tranquillité. Alors, déjà au moins, si je parviens à une demi-heure par jour, c'est quelque chose qui m'aide beaucoup. Je dirais garder des pauses de musique classique. et d'études de la philosophie, mais surtout de garder au quotidien un temps régulier d'examen de conscience pour ne pas me donner des satisfaits faciles et dire, bon, mais entre moi et moi, est-ce qu'aujourd'hui, je suis content de ce que j'ai fait ? Ça fait partie de ce cheminement.

  • Speaker #1

    Merci en tous les cas pour pour ce partage. Alors, peut-être avant de se quitter également, j'ai l'habitude de demander à chacun des personnes que j'interview justement, quel petit pas ils pourraient proposer ou suggérer finalement aux personnes qui nous écoutent pour avancer vers une plus grande, justement, liberté d'être. Qu'est-ce que vous auriez à proposer ? Qu'est-ce qui serait suffisamment concret ? pour que ce petit pas soit aussi le début d'un long chemin ? Parce qu'on s'entend que développer sa liberté d'être, c'est un chemin de vie.

  • Speaker #0

    Alors, je dirais humblement de chercher à se donner des temps de pause. C'est possible au quotidien qu'il soit hors du sentiment d'urgence, mais aussi hors de la distraction dans laquelle l'esprit n'est fixé sur rien et vagabonde. Ça peut être prendre le temps de contempler la nature, de regarder danser les arbres, même en ville, de regarder une fleur, un nuage, suffisamment longtemps pour fixer son esprit sans désirer rien, sans spéculer, juste être face à ce qu'on contemple. Je dirais aussi lire des romans historiques. Pour sortir du temps dans lequel on est et arrêter de se prendre pour le centre du monde en pensant que le monde a toujours été ainsi et voir les choses autrement. Et enfin, peut-être comme dernière préconisation, toujours chercher à ce que notre journée produise plus d'énergie qu'elle n'en consomme.

  • Speaker #1

    Ah, ça c'est beau ça ! Bon, écoutez, je crois que ça sera le mot de la fin. P Merci beaucoup Thierry ce moment de réflexion, de prise de hauteur sur un chemin philosophique qui est important, je crois. Merci en tous les cas d'avoir accepté de finir.

  • Speaker #0

    J'étais très heureux de cet échange.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Vous avez écouté le podcast Le Sas des leaders. Si vous aussi avez envie de passer à la prochaine étape dans votre carrière, le développement de votre leadership ou avec vos équipes, rendez-vous sur le-sas-coaching.com.

Description

Bienvenue dans Le SAS des Leaders. Yvane Le Dot, coach professionnelle accréditée ICF et fondatrice du cabinet Franco-Canadien "Le SAS",s'entretient avec Thierry Adda, Président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans.


Nous ouvrons ensemble la nouvelle série consacrée à un sujet essentiel : la liberté d’être. Un thème qui résonne au cœur des attentes et des besoins de notre société.


Nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d’authenticité se heurte souvent aux cadres imposés par les organisations.


Alors, sommes-nous réellement libres d’être nous-mêmes ? Et pourquoi est-il crucial, en particulier pour les leaders, de cultiver cette liberté et de favoriser l’expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ?


Avec Thierry Adda, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique et concret. Nous parlerons du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter, et nous irons jusqu’à nous interroger sur l’impact de l’intelligence artificielle sur notre liberté d’être.

Alors, installez-vous confortablement, et embarquons ensemble dans cette réflexion sur la liberté d’être.


Bonne écoute!


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Le Sass des leaders. Votre espace-temps pour ensemble, passez à la prochaine étape et avancez en cohérence avec les nouvelles attentes de la société. Bienvenue dans Le Sas des leaders. Aujourd'hui, j'ai le plaisir et ma mime en choix. d'accueillir un invité qui a profondément mouillé ma réflexion ces derniers temps, Thierry Hadda. Il est président de la Nouvelle Acropole France, école de philosophie, le conférencier et enseignant depuis plus de 30 ans. Et l'une de ses particularités, qui est un grand atout, c'est de savoir rendre la philosophie vivante, concrète et accessible. J'ai d'ailleurs suivi la plupart de ses conférences ces derniers temps et je peux vous dire qu'à chaque fois, elles ont été une véritable invitation à aller plus loin. dans la réflexion et dans l'action. Alors aujourd'hui ensemble, on ouvre une nouvelle série consacrée à un sujet qui me tient à cœur, la liberté d'être. Au-delà de me tenir à cœur, c'est un thème qui résonne vraiment au cœur des attentes et des besoins de notre société. Comme vous le savez, nous évoluons dans un monde où les injonctions et les normes façonnent nos comportements, parfois au détriment de notre singularité. Dans le travail, la quête d'authenticité se heurte souvent au cadre imposé par les organisations. Alors la question, sommes-nous réellement libres d'être nous-mêmes ? Et pourquoi aujourd'hui est-il crucial, en particulier pour les leaders, de captiver cette liberté et de favoriser l'expression de la singularité de chacun au sein des collectifs ? Avec Thierry Hadar, nous allons explorer ces questions sous un prisme à la fois philosophique mais aussi très concret. On parlera du rôle du leadership dans cette quête, des obstacles à surmonter. et nous irons jusqu'à nous interroger sur l'impact de l'intelligence artificielle sur notre propre liberté d'être. Alors installez-vous confortablement et embarquons ensemble dans cette réflexion philosophique sur la liberté d'être tout en étant pratique. Bonjour Thierry, comme je le disais je suis vraiment ravie de vous avoir aujourd'hui pour commencer cette nouvelle série sur la liberté d'être et notamment parce que je pense avoir écouté l'ensemble de vos conférences sur la nouvelle acropole que vous dirigez et un des sujets que vous avez investi qui est le mien c'est la liberté d'être, la liberté d'être soi. Alors peut-être pour commencer ce que j'aimerais c'est que vous donniez cette définition, que vous partagiez votre définition philosophique de la liberté d'être ?

  • Speaker #1

    Écoutez, je crois qu'on peut définir la liberté comme une capacité de se mettre en mouvement. Et le mouvement, ce n'est pas simplement bouger physiquement à l'extérieur, c'est également bouger quelque chose à l'intérieur. Il y a le mouvement qui va faire que la graine devient une plante, que l'enfant devient un adulte, mais il y a également le mouvement qui fait que tout ce qui était... potentiel en nous commence par devenir actuel et la liberté c'est précisément de faire en sorte qu'il y ait un mouvement qui rende des choses qui pour nous étaient potentielles, bien réelles au quotidien et ça, ça a une conséquence, ça nous permet de faire des choix parce qu'on est capable de se mettre en mouvement et parce que ce mouvement il est mu à partir de notre intériorité

  • Speaker #0

    Donc, quelque part, c'est sortir d'une certaine inertie, quand on parle de mouvement, et c'est quelque part aussi faire émerger ce qui est en nous, à l'extérieur de nous, dans le monde.

  • Speaker #1

    C'est ça. Ce qui est trompeur, c'est que l'inertie n'est pas être à l'arrêt. Une boule de billard qui a été percutée file à toute vitesse sur le billard. Elle est en mouvement, mais elle est en totale inertie, parce qu'il n'y a pas de moteur à l'intérieur. sortir de l'inertie se mettre en mouvement c'est trouver la force en soi qui nous permet d'agir par rapport à ce que nous pensons juste et valable profondément par rapport à l'individu que nous sommes alors vous parlez de moteur c'est

  • Speaker #0

    très intéressant selon vous comment effectivement on peut le faire émerger le mettre en mouvement activer ce moteur c'est

  • Speaker #1

    assumer la relation qu'il y a entre notre profondeur, dans laquelle il y a l'individu qui est en nous, la racine d'individu c'est ce qui est indivisible, c'est notre unité, c'est ce qui nous fonde, et à l'extérieur de nous-mêmes, il y a les circonstances. qui elles vont nous faire agir par inertie. Un tel m'a dit telle chose, telle circonstance m'a bouleversé. J'agis parce qu'il y a un choc extérieur, alors là il y a inertie. Mais le véritable mouvement, c'est celui qui naît du contact avec ma propre profondeur.

  • Speaker #0

    Et comment justement on peut cultiver ça ? Quelles sont les pratiques, les clés philosophiques que vous valorisez ?

  • Speaker #1

    Je dirais que déjà, la première action que nous pouvons faire, c'est prendre conscience de notre addiction aux sensations, aux émotions, à la circonstance, ce que toutes les philosophies appellent d'une certaine manière l'homme extérieur. Prendre position vis-à-vis de cela, par rapport à nous-mêmes, en cessant cette addiction, en disant « oui, ok, nous sommes en mouvement par rapport à... » à notre environnement, mais nous sommes également en capacité de faire des choix et donc de décider d'agir en fonction de Ausha, à travers les circonstances et pas mûs par les circonstances.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que pour le coup, ça ramène quand même au fait qu'on soit quelque part un peu coupé finalement de notre partie ou de notre intériorité, c'est ce que vous positionnez beaucoup. Justement, c'est quoi le lien que vous faites entre la liberté et la vie intérieure ?

  • Speaker #1

    C'est que très précisément, ce chemin qu'il y a entre la surface et la profondeur est ce que l'on peut appeler la vie intérieure. La vie intérieure, c'est ce qui se déploie quand on sort de l'immédiateté pour rentrer en contact avec l'unité qui nous fonde. Donc si je commence à... apprendre à faire des choix à partir de mes valeurs, de mes finalités, de ce qui est juste pour moi, je deviens libre. Disons que liberté et choix sont les deux faces d'une même médaille. Celui qui est libre est en mesure de faire des choix. Celui qui fait réellement des choix est libre. Il ne décide pas par rapport à ce qui l'environne, mais par rapport à ses propres convictions.

  • Speaker #0

    Il y a quand même une notion aussi de responsabilité derrière, ce que j'entends.

  • Speaker #1

    Bien sûr. Peut-être qu'une des difficultés contemporaines, c'est la difficulté à être responsable de sa propre conscience.

  • Speaker #0

    Alors, qu'est-ce que vous entendez par responsable de sa propre conscience ?

  • Speaker #1

    À quoi je pense ? Qu'est-ce qui me préoccupe ? Me suis-je dispersé ? Est-ce que j'ai gardé en tête la direction dans laquelle je voulais aller ? Ou est-ce qu'au contraire, je me considère victime de tous ces mails qui m'arrivent, de toutes ces sollicitations multiples, de tous ces collaborateurs que je dois gérer ? Si je suis responsable de ma conscience, j'assume que je dois rester centré dans un environnement qui est mouvant et dans lequel il va y avoir de multiples sollicitations. Le propre... La démarche philosophique, c'est ne jamais se situer en victime. Et pour cela, il faut être responsable de sa confiance.

  • Speaker #0

    C'est bon, c'est bon. Aujourd'hui, ce qui m'intéressait aussi, c'est d'avoir votre propre regard sur la société actuelle et peut-être plus spécifiquement sur le monde du travail, ce qui nous intéresse aujourd'hui aussi. Simone Veil a, il y a pratiquement une centaine d'années, évoqué le déracinement auquel l'humain a été confronté. Aujourd'hui, est-ce que vous pensez qu'on peut dire la même chose ?

  • Speaker #1

    Je pense que c'est presque encore pire aujourd'hui avec la sollicitation permanente des écrans. Vous savez, la moyenne en France, c'est 5 heures et plus de temps d'écran pour la population adulte. Donc, à partir de ce moment-là, quelle est la liberté de chacun ? Tout simplement parce que tout ceci induit beaucoup de passivité, beaucoup de mécanicité. Donc c'est difficile d'être libre, mais c'est possible, puisque comme on le disait précédemment, cela repose sur un choix. Dans le monde du travail, par rapport à votre question, je pense qu'il est important de comprendre que nous avons besoin de régénération pour être efficace. C'est-à-dire qu'un sportif, par exemple, va accepter, va consentir des efforts dans sa course. dans son entraînement quotidien, mais il sait pourquoi il est en train de s'entraîner, ça le régénère et ses finalités sont claires. Si un collaborateur dans l'entreprise est en train de travailler sur une partie d'un process, mais qu'il ne connaît pas le process global, qu'il n'est pas en interaction, qu'il n'a pas de possibilité de communiquer, d'influer sur la tâche, voire de l'améliorer, il va devenir passif et il perdra non seulement toute forme de liberté intérieure, mais toute forme d'efficacité.

  • Speaker #0

    On parlait de déracinement et du point qu'avait amené Simone Veil. Est-ce que vous pourriez juste l'expliciter ? Parce que c'est vrai que moi je vous amène ça, la plupart peut-être de nos auditeurs, c'est une terminologie qui est… qui n'est pas forcément connu. En quoi on peut parler de déracinement de la société, que ce soit actuel ou passé d'ailleurs, ou le racinement de l'homme d'ailleurs ?

  • Speaker #1

    L'enracinement procède, si on veut le dire simplement, du sentiment d'une filiation. On appartient à une tradition, on appartient à une culture, on se situe dans un temps long. dans une chaîne de transmission dans laquelle nous prenons notre place avec une certaine solidarité. Le monde d'aujourd'hui nous mène à un déracinement parce qu'il privilégie l'immédiateté, le temps court et il pousse à l'extrême et précoce autonomisation dans des finalités d'intérêt, vous avez probablement vu. ces supermarchés qui font des tout petits caddies pour les enfants. Donc, certes, l'enfant s'autonomise, mais bon, sans une finalité consumériste, comme on le comprend bien. Tout ceci déracine, puisqu'on ne se sent plus appartenir à une démarche que l'on peut achever ou parachever par notre action et dans laquelle il nous a été transmis quelque chose, mais on nous demande avec précocité et sans forcément nous en avoir fournit les outils de prendre des décisions dans l'immédiat.

  • Speaker #0

    Ou de subir aussi des décisions sans avoir l'impression effectivement d'en avoir réellement la complète maîtrise.

  • Speaker #1

    C'est ça, sans que ça s'intègre dans quelque chose qui fasse sens, cohérence. Une des difficultés d'aujourd'hui, c'est le primat de l'efficacité sur la cohérence. Et donc si on est en train de travailler dans un environnement que l'on juge incohérent, ce sera très difficile d'être efficace. Parce que face à l'incohérence, tout le monde se démotive.

  • Speaker #0

    Donc là, vous remettez en exergue quelque part la nécessité, toujours et encore, de donner du sens, de cultiver une raison d'être dans le monde de l'entreprise, voire même aussi de savoir interrelier sa propre raison d'être en tant qu'individu. Et elle est là, c'est notre responsabilité. avec aussi celle de l'entreprise.

  • Speaker #1

    C'est ça qui va permettre à l'individu de devenir un acteur efficace et responsable au sein de ce qu'il est en train de faire.

  • Speaker #0

    Et c'est vrai que c'est en ça, je vois les gens que j'accompagne, c'est souvent sur cette logique de déconnexion du sens et de la raison d'être entre l'employeur et puis qui ils sont, que se crée une réelle scission.

  • Speaker #1

    Juste avec la... La multiplicité des interactions crée, pour des raisons qui parfois peuvent paraître intelligentes, de la dispersion. La dispersion amène à quelque chose que condamnait beaucoup Simone Veil, qui est la distraction. Et quand on se distrait, alors la distraction c'est l'opposé de la concentration, quand on se distrait, on parvient à l'oubli. C'est-à-dire, on devient amnésique des valeurs, des finalités, etc. Le stress monte et alors là, la possibilité d'agir avec une quelconque puissance d'être ou une quelconque efficacité au sein du collectif dans lequel on est engagé devient nulle.

  • Speaker #0

    Elle parlait d'ailleurs beaucoup du pouvoir de l'attention.

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'effectivement vous préconiserez justement pour des leaders à ce niveau-là comme clé philosophique ou comme élément pratique ? qu'ils pourraient mettre en place pour faire vivre ce grand principe qu'elles mettaient de l'avant ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il faut assumer, même si aujourd'hui c'est quelque chose que l'on comprend mal, une part de solitude intérieure. Je pense qu'il y a une énorme différence entre la solitude et l'esseulement. L'esseulement, c'est être en manque de la présence d'autrui, vivre mal le fait d'être seul. Alors que la solitude, c'est déjà simplement avoir un peu de temps avec soi-même, un peu de temps où on peut se concentrer sur ce qui est important pour nous. Un peu de temps de silence, un peu de temps de disponibilité sans bavardage mental. Ça peut être une activité corporelle, ça peut être de l'écoute musicale. C'est-à-dire retrouver un temps dans lequel, eh bien justement, on peut se réenraciner dans un temps long. Il y a un lien qui est difficile à conceptualiser entre le silence et le temps long. En retrouvant le silence, on s'est réinscrit dans notre trajectoire. Et quand on est agité en permanence, tout se fragmente, tout se disperse un peu façon puzzle. Et c'est très compliqué d'avoir une vision unifiée de vers où on veut aller.

  • Speaker #0

    C'est ce que vous disiez aussi, que j'avais notamment beaucoup aimé dans l'une de vos conférences sur la liberté d'être, où vous expliquez justement les différentes parties de l'être, le moi qui est quelque part. notre extériorité, notre personnalité, ce qui nous régit un peu au quotidien, et puis le soi qui est effectivement notre intériorité. Et l'importance finalement de se recentrer au quotidien, et c'est là où effectivement ça revient à ce que vous disiez, trouver ce temps, ce silence aussi pour se retrouver, pour se recentrer sur notre raison d'être, nos valeurs, qui nous sommes, ce que l'on veut être aussi, quelle est notre finalité. dans le monde. Et ce que j'aimais bien aussi, c'est que vous aviez amené ce fameux paradoxe de la liberté qui nécessite de l'exigence et de l'obéissance à, finalement, nos propres besoins intérieurs. Est-ce que vous pouvez en parler, juste, ou éclairer ça ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que ce qu'il y a de très beau dans cet apparent paradoxe, c'est que La liberté demande de la discipline. Il n'y a rien de plus beau que par exemple entendre un musicien improviser. Mais improviser, cela demande de s'être incorporé, de s'être approprié intérieurement toutes les règles intimes de l'instrument avec lesquelles on est en train de travailler, jusqu'au point de les avoir fait siennes. Cette discipline est justement ce qui permet d'utiliser notre personnalité comme un instrument qui permettra qu'il y ait la liberté d'exprimer qui nous sommes en profondeur. S'il n'y a pas de discipline, notamment de la conscience, si on est pris par l'impatience qui empêche le temps long par les patients que l'on s'agite ou que l'on se distrait, La possibilité de vivre cela s'estompe. La liberté est le fruit d'une exigence assumée. Parce que quand on entend exigence, souvent aujourd'hui on pense à une exigence subie. C'est pour ça que je vous parlais du sportif à l'entraînement, du musicien, c'est-à-dire de ceux qui ont fait le choix de ce qu'ils aiment et qui assument l'exigence naturelle qui va de pair.

  • Speaker #0

    Et d'ailleurs, c'est souvent aussi ce qu'on dit des grands hommes. Les grands hommes sont ceux qui ont finalement, face aux circonstances les plus difficiles, ont réussi finalement à rester centrés sur les valeurs qui étaient les leurs.

  • Speaker #1

    Absolument. C'est-à-dire la capacité à garder en conscience des choix, des valeurs, c'est-à-dire des normes d'action, des finalités, c'est-à-dire vers où on veut aller, qui restent vitales, quelles que soient. les circonstances traversées. Il n'y a pas de possibilité d'apporter quelque chose de beau au monde dans lequel nous vivons sans induire un mouvement de la conscience qui va de l'intérieur vers l'extérieur. Et si on est trop heureux, si on se disperse, c'est à contrario les circonstances qui impriment notre marque sur nous et nous rendent, comment dire, impuissants.

  • Speaker #0

    Ça connecte aussi beaucoup avec la réalité que je vois sur le terrain parce que, comme je vous disais, je suis cause, donc j'accompagne beaucoup de dirigeants. Et souvent, en fait, ils arrivent à moi et me disent « En ce moment, j'ai l'impression que je suis dans un tourbillon. C'est le tourbillon, effectivement, de mon entreprise. Il faut que je prenne de la hauteur. Je n'y arrive pas. » Et c'est vrai qu'on est vraiment en lien avec ce que vous dites, cette notion de se dire finalement comment je reste au-dessus des circonstances. Et ça reste vraiment cohérent avec leurs grands besoins. Comment j'arrive finalement à prendre le recul suffisant, à me recentrer pour finalement être à même de gérer avec discernement et en cohérence avec qui je suis ? la réalité du terrain. Et c'est là où ce que vous dites, je trouve, est une magnifique réponse. C'est finalement l'importance de cultiver sa vie intérieure, de se recentrer sur nos fondamentaux, nos essentiels, nos valeurs, les vertus que l'on veut faire vivre et incarner au monde, en fait.

  • Speaker #1

    En fait, c'est un peu ce que je vous disais tout à l'heure sur la responsabilité de notre conscience. Il y a deux mouvements, centrifuge et centripète. Centrifuge, C'est la conscience qui va se disperser par la multiplicité des sollicitations extérieures que le cadre va vivre. Donc il n'y a pas d'effort à faire pour vivre la force centrifuge, elle nous percute de plein fouet. Par contre, le véritable dirigeant est celui qui, par sa propre discipline intérieure, est capable de faire naître une force centripète, c'est-à-dire qui le ramène vers son unité intérieure, elle lui donne le pouvoir d'élévation et de concentration. de garder claires ses finalités et ses valeurs, quelles que soient les tempêtes traversées. Comme toute exigence et discipline, au fond, il est davantage question d'entraînement que de compétence ou d'optitude.

  • Speaker #0

    C'est tellement ça. Et c'est vrai qu'au regard de l'immensité, de l'incertitude auxquelles on fait face et on va faire de plus en plus face, ça va être tellement important pour les leaders de savoir justement cultiver et solidifier finalement ce qui est en eux pour pouvoir effectivement l'incarner davantage au quotidien et prendre de la hauteur.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire que plus les temps sont troubles, plus les équipes tournent le regard vers le boss, vers les dirigeants, pour voir comment lui est en train de driver la situation. Et ce qui est important à comprendre, en tous les cas philosophiquement c'est capital, c'est que l'exemple n'est pas une des formes de la transmission. C'est l'unique. L'unique manière de transmettre est l'exemplarité. Puisque si en plus, on a le malheur d'avoir un discours et de porter un verbe, un langage, en donnant une direction, dans laquelle il n'y a pas une immédiate cohérence avec le comportement du dirigeant, non seulement les valeurs du collectif, de l'entreprise ou du groupe humain sont bafouées, mais cette personne-là est disqualifiée. aux yeux des personnes qu'elle est censée elle-même diriger.

  • Speaker #0

    Après, au-delà de ça, et j'entends ce que vous dites, et la réalité aussi, c'est souvent la pression du groupe, de l'organisation, qui est finalement à un poids tel que la plupart des dirigeants se sentent aussi parfois dans l'obligation de faire vivre des stratégies et de les décliner de manière sans forcément retrouver cet alignement. Alors vous allez me dire, c'est là où la responsabilité joue toute son œuvre. Qu'est-ce que vous pourriez... C'est quoi votre avis là-dessus ?

  • Speaker #1

    Je pense que philosophiquement, il y a deux paramètres essentiels, deux constantes, on pourrait dire, qui sont la forme et la vie. Nous travaillons avec un cadre des formes, et néanmoins, nous devons laisser passer une vie. celle de notre conscience, celle des finalités et des valeurs du groupe humain dont nous sommes porteurs. Et là, il y a une dialectique qui s'instaure entre la forme et la vie. Plus la forme peut être exigeante et contraignante au travers du cadre dans lequel on est en train de travailler, plus la vie doit être puissante. C'est-à-dire, plus le réseau humain doit être qualifié, plus le... tissage de relations doit être riche, plus il doit y avoir de confiance et d'interactivité entre les individus pour que chacun sache que malgré la rigueur et le niveau de contrainte opérée par cette forme, ils ont la possibilité d'exprimer leur altérité et leur singularité.

  • Speaker #0

    C'est juste magnifique. Et c'est vrai que ça fait aussi l'interrelation entre justement le cadre la responsabilité, la liberté d'être, à quel point effectivement c'est aussi dans l'exigence que l'on peut aussi se révéler et c'est aussi dans l'exigence qu'il faut aussi apporter une certaine conscience à l'autre, à l'altérité. Au-delà de ça, l'idée c'est de se dire aussi en tant que dirigeant, on a beaucoup parlé effectivement de sa posture pour faire face finalement aux circonstances et à l'incertitude. Comment il peut aussi justement cultiver ça ? Vous parlez de donner de la vie dans un cadre qui est exigeant.

  • Speaker #1

    Je crois, vous l'aviez dit tout à l'heure, que... L'homme, au sens générique bien sûr, les hommes et les femmes ont besoin de sens. Et sans aller chercher des choses métaphysiques, la première dimension du sens, c'est la cohérence. C'est déjà ne jamais contrevenir aux valeurs que l'on a affichées. Toute entreprise, tout collectif cherche à agir en ayant une identité. et en promouvant des éléments auxquels elle est attachée vis-à-vis desquels elle essaye de communiquer. Donc, l'important, c'est d'être cohérent et de ne jamais contrevenir en interne, au sein des équipes, aux valeurs affichées, au nom d'une hypothétique urgence. Au fond, ça revient à dire de ne jamais manager par la pression. C'est-à-dire de toujours faire appel à l'autonomie des individus. plutôt qu'à la contrainte. Une des choses que j'ai apprises, aussi bien dans la théorie philosophique que dans la pratique, c'est qu'il y a très peu de choses urgentes. Je pense que c'est le fait de vivre à la surface de soi-même et d'être agité qui nous fait considérer que beaucoup de choses sont urgentes. Et quand quelqu'un est face à l'urgence, il s'agite. avec le risque de tomber dans la violence. Et la violence n'est pas simplement la violence physique. Violence, ça vient des viols. Ça veut dire transgression. Transgression des limites. C'est-à-dire ne pas respecter les cadres qui ont été posés, ne pas être cohérent. Donc, il est possible, même dans un environnement contraignant, de donner des possibilités d'émancipation intérieure à l'individu. Mais ça implique lui donner la possibilité d'exprimer sa plus-value, les respecter, prioriser l'important sur l'urgent, avoir toujours une hiérarchisation des informations, pas tout mettre au même niveau, puisque c'est ça qui va provoquer l'anxiété, et faire que, paradoxalement, plus les conditions de travail sont exigeantes au travers du... cadre dans lequel on est en train d'œuvrer, plus le lien à soi et aux autres doit être réel. C'est-à-dire qu'il n'y ait pas de peur, qu'il y ait un réel respect réciproque. Je dirais encore plus important, une communication sans aucun jeu psychologique malsain. C'est-à-dire l'exigence est claire et définie et je pense que beaucoup de dirigeants ont peur de cela, assumer l'explicite plutôt que l'implicite, c'est ça que j'appelle les jeux psychologiques, parce que lorsque l'exigence est claire et définie et qu'elle est cohérente avec les valeurs affichées, alors elle provoque de la motivation. Et là, les individus motivés vont pouvoir partager ensemble de la confiance, de la conscience. Et quand il y a confiance et conscience, même dans un environnement contraignant, il peut y avoir une véritable liberté d'être.

  • Speaker #0

    Alors, confiance et conscience, qu'est-ce que vous entendez ? Alors, peut-être pour conscience, parce que c'est vrai qu'effectivement, c'est un terme qui n'est pas tant utilisé, qu'il l'est de plus en plus, on parle de leadership conscient, mais justement, cette connexion que vous faites entre la confiance et la conscience, pouvez-vous expliquer un peu plus ?

  • Speaker #1

    Alors, commençons par la conscience. On peut... avoir conscience de son environnement, mais si on est collé à cet environnement, si on est dans l'émotion, on n'a pas conscience de ce que nous-mêmes nous sommes en train de vivre ou en train de dire. On a tous entendu quelqu'un qui venait de s'énerver dire « Oh, je ne sais plus ce que j'ai dit » . Pourquoi ? Parce que si on est trop proche de l'événement, qu'on est trop proche des choses, qu'on ne sait pas gérer la distance, on perd conscience on perd pas conscience forcément de l'action mais dans notre relation à l'action

  • Speaker #0

    Donc, la conscience dont je suis en train de parler, c'est celle qui nous permet d'être maître de nous-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire rester au-dessus des circonstances, quelque part.

  • Speaker #0

    C'est ça, de rester enraciné, comme nous le disions au début de notre session.

  • Speaker #1

    Alors, juste pour reprendre ce que vous avez dit, parce que j'ai trouvé ça très intéressant, l'un des premiers éléments que j'entends, qui, quelque part, pourraient favoriser, en tant que leader, la liberté d'être des différents membres de leurs équipes. c'est déjà de créer un cadre de cohérence en termes de valeurs. C'est pour ça qu'effectivement, on incarne et on fait vivre les valeurs de l'organisation ou les siennes au quotidien auprès de ces équipes. J'ai beaucoup aimé aussi cette notion de cadre intemporel qui serait finalement représenté par le leader en tant que tel. C'est-à-dire qu'il y aurait beau avoir l'urgence, les circonstances, l'incertitude, des enjeux, des intempéries, en fait, le leader… quelque part, se doit d'apporter cette notion d'attemporel, de gestion sur une notion du long terme. Est-ce que c'est bien ça ? Vous avez quelque part un peu…

  • Speaker #0

    Disons qu'il doit y avoir une forme de détachement par rapport à l'action elle-même. C'est-à-dire, comme disaient les stoïciens, il y a ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Et c'est vrai dans une clé éthique à l'échelle individuelle, mais c'est vrai également au niveau managérial dans un collectif. Ce qui dépend de nous, c'est de bosser pour être prêt au moment T, d'avoir anticipé les éléments, d'être concentré, d'avoir une direction claire, d'avoir préparé les différents outils en temps et en heure. Et bon, mais ensuite, on passe à l'action. Et là, ce qui est important, c'est qu'il n'y ait pas de stress. inutile, qu'il n'y ait pas d'agitation, qu'il n'y ait pas d'anxiété, qu'il n'y ait pas de peur. Et pour ça, ça implique qu'il faut lâcher prise sur le résultat puisque ça ne dépend plus de nous. Ce qui dépendait de nous c'était d'agir de manière juste et correcte. Préparer à cela. Et le dirigeant d'un collectif quel qu'il soit, que ce soit dans le milieu sportif, dans le milieu professionnel, eh bien, il doit incarner cette cohérence Et cette clarté part de là l'objectif concret que l'on vise à réaliser. Sinon, la peur et l'anxiété gagnera à l'équipe, que ce soit le cadre supérieur, le PDG de l'entreprise ou le capitaine de l'équipe. S'il y a un doute au moment où le collectif est face à la difficulté, si celui qui dirige le collectif montre ostensiblement qu'ils doutent, c'est-à-dire qu'ils ne gardaient pas la concentration et la finalité par-delà l'événement, c'est le collectif tout entier qui va briller.

  • Speaker #1

    Complètement. Un autre point que vous ameniez sur justement les grands cadres, quelque part, qui favorisent cette liberté d'être au sein du collectif, c'est de créer un cadre de sécurité, quelque part de sécurité psychologique. Et d'ailleurs, je ne sais pas si ça vous parle, mais William Schultz, qui a travaillé aussi là-dessus, avait fait des études et notamment ce qui ressortait, c'est que entre différentes équipes, même entre un bon manager et un mauvais manager, ce qui allait générer finalement une plus haute performance, c'était la capacité finalement à créer un cadre de sécurité finalement au sein des équipes pour avancer vers davantage de performance. Donc c'est complètement en relation et c'est vrai que c'est en lien avec le fait de générer de la confiance. et d'avancer davantage vers l'émancipation aussi de chacun dont vous parlez.

  • Speaker #0

    Philosophiquement, nous sommes dans un monde dans lequel il y a beaucoup d'impermanence et il y a une dialectique entre permanence et impermanence. Certes, ce monde essentiellement est impermanent, mais si l'équipe ou l'entreprise n'a pas un cadre permanent de repères sur lesquels on peut s'appuyer, Si on ne sait pas comment l'autre va réagir, si on ne peut pas poser un cadre de relation qui soit stable et sur lequel on puisse s'appuyer, il est évident que cela fragilise non seulement psychologiquement, moralement, mais aussi d'une certaine manière spirituellement, puisque ça appauvrit, ça asphyxie et ça empêche la connexion à soi, puisqu'on est en permanence sur l'équilibre.

  • Speaker #1

    Donc, quelque part, j'allais vous poser la question sur ce dire, finalement, quels seraient les grands avantages pour les bénéfices pour les dirigeants, finalement ? de croire en la pertinence aujourd'hui de favoriser quelque part le fait d'aider chacun des membres de leurs équipes à cultiver leur singularité, à cultiver finalement leur propre liberté d'être, parce que ça peut faire peur, et c'est normal, on vit dans un monde qui régit par les normes, les processus, où quelque part on a aussi éteint un peu le pouvoir de l'individu en tant que tel à être lui-même dans sa toute puissance.

  • Speaker #0

    C'est sûr que dans une première approche, mais pas très saine, ça peut sembler plus rassurant de gérer un collectif de personnes soumises et plus autonomes, puisqu'il n'y a pas de surprise. Par contre, en cas de difficulté, il n'y aura pas de surprise non plus. Personne ne trouvera des solutions. Si par contre, on apprend en donnant un cadre qui permet la singularité, et l'autonomie de chacun, l'immense bénéfice que l'on peut en tirer, c'est la capacité de résilience, d'adaptation, d'innovation. C'est-à-dire des individus qui ont une puissance d'autonomie qui vont leur permettre de rebondir, d'être autonome, même sans avoir de consignes. Tout simplement parce qu'ils partagent par le haut un certain nombre de directions très claires. qui leur permettent des performances dont ils ont été chercher, je dirais, la ressource en eux-mêmes en étant mus par des finalités claires. Donc c'est un énorme avantage, un collectif qui est capable de fonctionner comme ça, mais ça demande des dirigeants qui font preuve d'élévation.

  • Speaker #1

    Alors ça, c'est un bon point, c'est-à-dire que ça demande effectivement déjà un certain éveil, on va dire, du dirigeant sur l'importance de... justement d'être en conscience de l'ensemble de ces points et ça part effectivement du changement et de l'introspection qu'il va faire aussi en lui. Qu'est-ce que vous en pensez de ça ? Est-ce que finalement on ne travaille pas autour de la limite propre du développement du dirigeant en tant que tel ?

  • Speaker #0

    Oui, je pense que tout part de celui qui est en train d'impulser le mouvement et qui doit le coordonner, c'est comme un chef d'orchestre. Si les musiciens peuvent être bons, Mais s'il y a un problème dans la direction de l'orchestre, quelle que soit la valeur des musiciens, il y aura des problèmes de tempo entre les différents registres. Donc il y a quelque chose qu'il faut assumer dans notre responsabilité. Cette question de la responsabilité de la conscience, pour moi, elle est importante puisqu'elle nous permet de comprendre que par-delà la performance extérieure, le fait d'obtenir des résultats... en agissant, si on veut conduire, diriger, accompagner d'autres personnes, il faut laisser un peu cette performance extérieure et cultiver un temps de centralité, de solitude, un peu d'élévation pour avoir des perspectives qui aillent plus loin et qui puissent permettre une dilatation de l'ensemble.

  • Speaker #1

    Juste, je vais vous amener aussi un peu vers l'avenir, et notamment, on voit à quel point l'évolution et l'arrivée, on va dire, de l'intelligence artificielle commence à bousculer beaucoup les lignes, et puis les postures aussi. Donc, j'aimerais ça vous entendre sur ce point-là et de se dire finalement, face à ce que nous impose l'intelligence artificielle, est-ce que vous pensez qu'on va évoluer vers plus ou moins de liberté d'être ? Ou au contraire, ça peut être justement une opportunité pour faire vivre cette singularité qui est la nôtre.

  • Speaker #0

    Je crois, comme pour beaucoup de choses, que ça dépend de l'usage que nous en avons aujourd'hui. Avec le principe du moteur à explosion, on peut faire des moteurs, on peut faire des ambulances ou on peut faire des tanks. C'est des usages très différents d'une même chose. Donc la question, c'est celle de l'usage. Si on utilise l'intelligence artificielle, par exemple, comme un super archiviste ou un documentaliste hors pair qui me donnait, me synthétisait les éléments dont j'ai besoin avec une incroyable rapidité, c'est extrêmement positif. Si par contre je ne sais plus faire seul une réflexion ou une synthèse ou un effort intellectuel, comme je commence à le voir aujourd'hui, ça commence à devenir compliqué, c'est évidemment négatif. Donc, en clair, nous jouons un jeu dangereux, puisque nous travaillons avec des outils qui sont surpuissants, et globalement avec des esprits qui sont dispersés, et avec beaucoup de faiblesse morale. Donc, le risque est immense de parvenir, par facilité et confort, à une perte de liberté intérieure, mais qui, soyons honnêtes, n'est pas tant créée ou induite par l'outil lui-même, mais plutôt... par la dépendance, la difficulté à s'affranchir du confort ou de la facilité, et au fait de ne pas se donner l'exigence de soi-même, par soi-même et pour soi-même, car pour celui qui se la donne, il n'y a pas en soi de risque par rapport à l'intelligence artificielle ou numérique. Tout revient en gros à la connaissance des humanités et à la... construction de l'individu en tant que personne. Si quelqu'un est stable, équilibré, avec une bonne hauteur de vue et sans dépendance ni addiction, Ausha nous dit l'intelligence artificielle sera quelque chose d'utile et d'efficace mais sans préparation, sans éducation avec une faible culture on va induire une énorme dépendance et il n'y a pas de liberté d'être possible dans la dépendance.

  • Speaker #1

    Donc, écoutez, ce n'est pas très positif tout ça, mais j'entends effectivement cette notion encore de responsabilité que l'on a et d'exigence que l'on a face à effectivement nos propres valeurs et règles intérieures quelque part.

  • Speaker #0

    C'est toujours possible, comme tout se transmet par l'exemple, de transmettre l'apprentissage. ludique, même joyeux, de l'étude, de l'effort, de la construction de soi. Rien n'est jamais perdu à l'échelle individuelle. Tout est toujours possible. Il y a des myriades d'individus qui œuvrent dans ce sens-là, mais collectivement, les dynamiques qui sont en œuvre ne vont pas dans le sens, actuellement, tout au moins, je l'entends, d'une élévation de la culture ou de la... pratique de la discipline intérieure dans la relation à l'effort déjà intellectuel ?

  • Speaker #1

    Alors, on va arriver doucement vers la conclusion. Et merci vraiment pour tout ce que vous avez partagé, Thierry. Moi, je suis curieuse. Et c'est vrai qu'au travers de l'ensemble des conférences que j'ai entendues de vous, je me suis dit, voilà, ça m'intéresse de connaître aussi votre réalité à vous. Comment vous faites aujourd'hui ? Qu'est-ce que vous pratiquez justement pour développer votre propre liberté d'être ? et vous recentrer ?

  • Speaker #0

    Je dirais simplement déjà comme nécessité absolue une petite dose quotidienne de solitude joyeuse quelque chose d'indispensable au moins une demi-heure dans laquelle rien ni personne ne puisse nous perturber c'est Gandhi qui avait pris l'usage un jour par semaine de ne pas parler Alors, je n'ai pas la chance de pouvoir le faire, mais c'est quelque chose que j'aimerais vraiment beaucoup. Et si vraiment il y avait une urgence, on lui faisait passer un petit papier et il répondait avec un écrit. Je trouve ça très beau. Le fait de faire un jeûne du bavardage mental et de rester dans une forme de tranquillité. Alors, déjà au moins, si je parviens à une demi-heure par jour, c'est quelque chose qui m'aide beaucoup. Je dirais garder des pauses de musique classique. et d'études de la philosophie, mais surtout de garder au quotidien un temps régulier d'examen de conscience pour ne pas me donner des satisfaits faciles et dire, bon, mais entre moi et moi, est-ce qu'aujourd'hui, je suis content de ce que j'ai fait ? Ça fait partie de ce cheminement.

  • Speaker #1

    Merci en tous les cas pour pour ce partage. Alors, peut-être avant de se quitter également, j'ai l'habitude de demander à chacun des personnes que j'interview justement, quel petit pas ils pourraient proposer ou suggérer finalement aux personnes qui nous écoutent pour avancer vers une plus grande, justement, liberté d'être. Qu'est-ce que vous auriez à proposer ? Qu'est-ce qui serait suffisamment concret ? pour que ce petit pas soit aussi le début d'un long chemin ? Parce qu'on s'entend que développer sa liberté d'être, c'est un chemin de vie.

  • Speaker #0

    Alors, je dirais humblement de chercher à se donner des temps de pause. C'est possible au quotidien qu'il soit hors du sentiment d'urgence, mais aussi hors de la distraction dans laquelle l'esprit n'est fixé sur rien et vagabonde. Ça peut être prendre le temps de contempler la nature, de regarder danser les arbres, même en ville, de regarder une fleur, un nuage, suffisamment longtemps pour fixer son esprit sans désirer rien, sans spéculer, juste être face à ce qu'on contemple. Je dirais aussi lire des romans historiques. Pour sortir du temps dans lequel on est et arrêter de se prendre pour le centre du monde en pensant que le monde a toujours été ainsi et voir les choses autrement. Et enfin, peut-être comme dernière préconisation, toujours chercher à ce que notre journée produise plus d'énergie qu'elle n'en consomme.

  • Speaker #1

    Ah, ça c'est beau ça ! Bon, écoutez, je crois que ça sera le mot de la fin. P Merci beaucoup Thierry ce moment de réflexion, de prise de hauteur sur un chemin philosophique qui est important, je crois. Merci en tous les cas d'avoir accepté de finir.

  • Speaker #0

    J'étais très heureux de cet échange.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup. Vous avez écouté le podcast Le Sas des leaders. Si vous aussi avez envie de passer à la prochaine étape dans votre carrière, le développement de votre leadership ou avec vos équipes, rendez-vous sur le-sas-coaching.com.

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