- Speaker #0
Ches histoires d'entrepreneurs, les échos du territoire, le territoire en écho, un podcast de Roissy Dev.
- Speaker #1
Bonjour et bienvenue dans cette série réalisée pour et par les entrepreneurs du territoire de Roissy Pays de France. Dans ce podcast, vous découvrirez les parcours inspirants de celles et ceux qui façonnent l'économie locale. Aujourd'hui, première partie d'un rendez-vous qui va vous ouvrir l'appétit. Avec le dirigeant de François a la Patate, une entreprise qui produit et distribue des pommes de terre, notamment pour des grandes tables parisiennes. C'est un homme qui se décrit comme patient, régulier et honnête. Voici Yannick Jouanneault.
- Speaker #0
Le territoire en écho, un podcast de Roissy Dev.
- Speaker #2
Bonjour Yannick. Bonjour David.
- Speaker #1
Vous n'en avez pas marre qu'on vous demande Alors Yannick, la patate ? On a dû vous la faire celle-là.
- Speaker #2
C'est vrai que je suis né sur un tas de pommes de terre. A l'époque, la maison familiale dans laquelle nous habitions était également l'entrepôt dans lequel travaillait mon père. Donc, ayant vécu dans ce milieu-là depuis tout petit, j'ai toujours eu l'habitude de recevoir ne serait-ce que la part de mes copains et de me demander si j'avais la patate.
- Speaker #1
Vous n'avez rien contre les épinards, les haricots verts, les flageolets ?
- Speaker #2
Absolument pas ! bien que j'en mange un peu moins que la pomme de terre.
- Speaker #1
C'est vrai. Ah oui, alors quand justement on produit des pommes de terre pour les grands restaurants, les brasseries parisiennes, on peut encore manger des pommes de terre ? On n'est pas un peu dégoûté à un moment ?
- Speaker #2
Ah non ! Les tests sont quotidiens et sont nécessaires. Hormis le fait que j'adore heureusement tous les plats à base de pommes de terre, je m'énerveille encore à chaque fois sur certaines variétés qui sont nouvelles et qui ont des qualités.
- Speaker #1
Ecoutez je suis dispo à midi donc je vous rejoins. C'est quand même sympa ça comme métier de tester des pommes de terre.
- Speaker #2
Oui, c'est vrai qu'avant de commencer à planter une nouvelle variété, il faut déjà faire des tests préliminaires sur 2-3 années pour avoir une idée de comment se comporte le plant et comment il évolue, savoir si les qualités culinaires sont abouties, avoir une idée aussi de la conservation. Donc pour effectivement planter 50-60 hectares d'une variété, il faut déjà avoir travaillé quelques années dessus pour pouvoir être certain du résultat.
- Speaker #1
Oui, parce que vous êtes un peu agronome en quelque sorte. Vous cherchez les bonnes combinaisons et vous produisez vos propres pommes de terre proches de l'entrepôt où vous vous trouvez ?
- Speaker #2
Oui, on produit sur le secteur de Roy, aux portes de la Picardie. Et effectivement, on produit des variétés que l'on espère et que l'on a assez rares et qui ne sont pas dans le commerce. Notre variété de phare, c'est la "voyager". On travaille déjà depuis une quinzaine d'années.
- Speaker #1
La voyager, qu'est-ce qu'elle a de particulier ?
- Speaker #2
Alors, elle a une... Qualité culinaire pour la frite, bien différente des autres, à savoir qu'elle a déjà une forme oblongue, donc elle est longue, ce qui donne des longues frites. Et elle a toutes les caractéristiques d'une pomme de terre qui résiste bien à la friture, a une belle coloration et qui a surtout une bonne qualité gustative après fritabilité.
- Speaker #1
Ce n'est pas évident de décrire dans un média de manière générale, parce qu'évidemment, ça, c'est une expérience à vivre le goût. Qu'est-ce que vous auriez envie de nous décrire pour identifier les variétés de goût et pour le coup, ce qui nous attire, nous les consommateurs ?
- Speaker #2
Lorsqu'on fait une frite maison, on recherche bien entendu l'aspect visuel. Donc, il faut qu'elle ait une belle coloration dorée. Mais on ne s'arrête pas à cela. Il faut aussi qu'elle ait une bonne chair fondante à l'intérieur et que ça fasse une belle pellicule dorée en extérieur. Après, il faut choisir des variétés qui grossissent bien, de façon à avoir une longue frite. Lorsqu'on réunit tous ces paramètres, il y a encore un challenge à tenir, c'est que cette variété se conserve bien en fin de saison pour essayer de l'avoir au moins 9 mois de l'année.
- Speaker #1
Ah oui, d'accord. Après, il y a une affaire de conservation, bien évidemment.
- Speaker #2
Une affaire de conservation.
- Speaker #1
J'achète des pommes de terre, le mieux, c'est de les conserver à quelle température ?
- Speaker #2
Surtout à l'abri de la lumière, ça c'est primordial. Après, lorsqu'on veut faire une bonne frite, on s'interdit de les conserver en dessous de 7 degrés, parce que le fait de les conserver au froid sucre naturellement la pomme de terre, et ça aurait tendance à donner une couleur rougeâtre à la frite, ce qui est franchement désagréable.
- Speaker #1
Agronomes et un peu chimistes aussi.
- Speaker #2
De loin, effectivement.
- Speaker #1
J'ai l'impression que c'est une alchimie quand même de bien cuire une pomme de terre, que ce soit en frites ou sous d'autres formes.
- Speaker #2
Effectivement, c'est très facile d'acheter une belle salade parce qu'on le voit à l'œil nu déjà si elle va être belle et bonne en général. Alors que même une belle pomme de terre d'aspect, ce n'est pas pour ça qu'on aura une belle frite. C'est les qualités culinaires de la variété qui en font son intérêt.
- Speaker #1
Alors, est-ce que vous faites des dégustations à l'aveugle ? Spunta, Victoria, Voyager, Charlotte, Belle de Fontenay ? pas forcément à l'aveugle, on garde les yeux ouverts. Mais par contre, on Alors on fait des dégustations. On a un atelier de fabrication de frites crues ici. Donc, on a une friteuse dans le laboratoire et chaque production de frites journalières occasionne des tests le matin. Et donc, on vérifie effectivement que les qualités culinaires du produit sont les meilleures.
Oui c'est ça, sans bandeau sur les yeux. Mais en tout cas, vous êtes capable de reconnaître une Spunta d'une voyager, par exemple. Oui,
- Speaker #2
Alors oui, une Spunta d'une voyageur d'une agria, oui. On attache quand même une grande importance à l'aspect visuel du produit, ce que regarde le consommateur.
- Speaker #1
Dites-nous un mot sur les préférences des consommateurs. J'ai l'impression que c'est la frite qui emporte tous les suffrages.
- Speaker #2
On est tous des grands gourmands, donc moi le premier. Effectivement, les frites, c'est tellement bon à manger. Lorsque la frite est bien réussie, qu'elle a ses deux belles cuissons et qu'on sort une frite croustillante, ça n'enlève en rien qu'une purée, comme la fait Joël Rebuchon, est excellente également. Mais je mange beaucoup plus de frites que de purées ou de pommes sautées.
- Speaker #1
Alors Joël Rebuchon, justement, vous en parlez. On pourrait parler de Pierre Hermé, de Cyril Lignac, de grands chefs comme ça qui ont adopté vos patates. Qu'est-ce qu'ils en disent et quelles innovations ils ont pu apporter à ces pommes de terre ?
- Speaker #2
Déjà, le fait d'utiliser une variété qui n'est pas présente sur le marché et d'avoir un résultat qui les surprend, pour nous, c'est une grande satisfaction. Donc c'est vrai que si l'on est présent, dans ces maisons, c'est qu'on essaye d'avoir une variété phare qui est différente de celle que l'on trouve en général sur le marché. On arrive à répondre à une demande des chefs de cuisine qui sont très exigeants et qui ont raison de l'être parce qu'ils n'ont pas le droit non plus à l'erreur lorsqu'ils font une mise en œuvre d'un produit. Donc le fait d'avoir une variété comme ça qui correspond à leur exigence 12 mois de l'année, c'est vrai que c'est une grande satisfaction.
- Speaker #1
C'est de la patate de luxe ?
- Speaker #2
Alors, ce n'est pas de la patate de luxe. C'est parce que les pommes de terre de luxe, il y en a de plus en plus. Auparavant, c'était tous les petits calibres que l'on laissait dans les champs et maintenant qui sont bien récoltés et qui sont mis dans des petites clayettes avec un petit peu de terre tourbée dessus pour leur donner encore un attrait supplémentaire. Par contre, ce sont des variétés qui sont rares, qui ne produisent pas forcément beaucoup à l'hectare, mais qui ont des bonnes qualités culinaires une fois la mise en œuvre du produit effectué.
- Speaker #1
Alors vous représentez la troisième génération à diriger cette entreprise qui a été créée par votre grand-père.
- Speaker #2
Mon grand-père, effectivement, il avait monté cette maison François en 1955, qu'il soit parti de sa Bretagne natale avec l'ambition de conquérir Paris dans le monde et l'univers de la pomme de terre. Et mon père a fait carrière avec lui et a repris la maison en 1981. J'ai repris la maison en 2009, effectivement, avec un développement en national sur certaines chaînes de burgers et de franchisés. Et puis toujours mon activité principale qui se trouve au niveau de la restauration et de la distribution sur Paris et sa proche couronne.
- Speaker #1
C'est ça. Et avant 2009, qu'est-ce que vous faites ?
- Speaker #2
J'ai travaillé avec mon père pendant 20 ans pour lui. Donc toujours dans la maison François. En tant que livreur, j'avais mes quartiers de distribution qui étaient Paris 11e, 20e et 19e, dans lesquels je me suis fait mes armes. Mais... Et qui m'a permis de me rendre compte des attentes et des demandes de chacun de mes clients.
- Speaker #1
Et aujourd'hui, ce sont combien de salariés, François la patate ? Alors,
- Speaker #2
nous sommes 12 salariés au travers des deux entreprises. Donc, il y en a neuf qui sont sur François la patate. Et on est trois sur l'atelier de la frite qui travaille du lundi au vendredi en fabrication en cru.
- Speaker #1
Alors, un jour, vous vient l'idée de créer un atelier de fabrication de frites crues.
- Speaker #2
Eh bien déjà, j'ai eu l'occasion d'aller 3-4 jours en Belgique de façon à avoir des chaînes de fabrication en fonctionnement.
- Speaker #1
Alors, est-ce que ce sont vraiment les pros de la frite ? Est-ce qu'on n'en a pas un peu trop dit sur les Belges ? J'essaie d'être un peu chauvin, vous avez vu, j'essaie.
- Speaker #2
La French Fries reste à la base un produit et une fabrication, une création française. Mais par contre, effectivement, tous les industriels de la frite se trouvent en Belgique et en Hollande. Donc, ce n'est pas pour rien. Mais effectivement... On a les capacités, nous Français, d'avoir des industries proches de Paris pour éviter d'avoir utilisé les produits belges. C'est pour ça qu'on a monté notre laboratoire de découpe qui fait 400 m² de machines qui sont ultra performantes. Des éplucheuses, des éplucheuses à couteau, des éplucheuses rotatives et qui utilisent également l'intelligence artificielle avec la détection des défauts, qui éjecte les produits qui ne doivent pas rentrer dans le process.
- Speaker #1
Même dans les pommes de terre, il y a de l'IA.
- Speaker #2
Exactement. Et donc, pour arriver en fin de chaîne avec des pommes de terre régulières, avec toutes les fausses coupes, toutes les petites brisures qui sont retirées, les pommes de terre qui ne sont pas assez longues, qui sont écartées.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qui vous passe par la tête ce jour-là ? Qu'est-ce qui vous amène à créer cet atelier ? Il y a une demande pressante ou vous vous dites, tiens, il y a peut-être matière à aller encore plus loin que la seule livraison ?
- Speaker #2
Alors oui, après la période Covid, je me suis rendu compte que beaucoup de mes amis restaurateurs se plaignaient d'avoir moins de main-d'œuvre et que souvent les commis de cuisine étaient passés cuisiniers et que le plongeur était passé commis de cuisine. Et donc, il n'y avait plus personne pour éplucher mes pommes de terre. Donc, l'idée m'est venue effectivement de monter un atelier qui permettrait d'éviter ces contraintes de fabrication pour mes clients tout en proposant un produit aussi bon que s'il était préparé en résto.
- Speaker #1
Merci beaucoup Yannick.
- Speaker #2
Merci à vous. Au revoir David.
- Speaker #0
Les histoires d'entrepreneurs, les échos du territoire, le territoire en écho, un podcast de Roissy Dev.