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William Daniels : photographe documentaire face Ă  la violence du monde | DEEP DIVE #2 cover
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Le Deep Dive 🎙️

William Daniels : photographe documentaire face Ă  la violence du monde | DEEP DIVE #2

William Daniels : photographe documentaire face Ă  la violence du monde | DEEP DIVE #2

1h18 |19/06/2025|

10

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1h18 |19/06/2025|

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Description

Bienvenue dans ce deuxième épisode du Deep Dive, où l’on plonge avec William Daniels, photographe documentaire qui parcourt les zones de conflit pour donner une voix à ceux que l’on n’entend pas.

Des Philippines à la Syrie, de la Centrafrique au Liban, il a passé plus de 20 ans à documenter l’humanité dans ses zones les plus fragiles : Apatrides, conflits, identités effacées …

Parce que parfois, une image vaut mille mots, William partage ici les coulisses de ses missions, les visages qu’il n’oubliera jamais, les souvenirs qu’il porte encore.


Un récit puissant, entre mémoire, engagement et humanité.


Merci Wiliam 📸


🔗 Retrouvez William sur :

  • Insta : @williamodaniels

  • Facebook : William Daniels

  • Site de William Daniels : https://williamdaniels.net

  • Retrouve l’exposition "Apatride" de William Daniels, Ă  dĂ©couvrir du 30 avril au 28 juin 2025, du mercredi au samedi de 13h30 Ă  18h30, Ă  la galerie FAIT & CAUSE – 58 rue Quincampoix, 75004 Paris.


📩 Nos réseaux & contact :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux Ă  ce moment-lĂ . On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, dans un nouvel épisode du Deep Dive, on plonge avec William Daniels, photographe documentaire de terrain engagé, double lauréat du World Press Photo. Récompensé par le Visador Humanitaire, les bourses Tim et Tarrington et Getty Images, de la Centrafrique au Kirghizstan, des hôpitaux confrontés au paludisme, au camp de réfugiés apatrides, il choisit de regarder et de photographier là où d'autres détournent les yeux. Ensemble, on va descendre dans les profondeurs d'un métier où chaque image est prise entre vérité, risque et respect de l'humain. Bienvenue dans le Deep Dive William, je suis ravi de t'accueillir.

  • Speaker #0

    Merci, je suis ravi d'ĂŞtre lĂ , merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Du coup, tu rajouterais des choses par rapport à ton intro ? Je vais bien résumer un peu. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas mal. C'est pas mal. Ouais, ça raconte un peu ce que j'ai fait sur une quinzaine d'années.

  • Speaker #1

    On dit photographe documentaire, d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Bon, ça, c'est un peu des détails. Moi, je me définis souvent comme photographe documentaire. On pourrait dire photojournaliste. Mais souvent, en France, le mot photojournaliste est un peu... Un peu galvaudé, je trouve. Il sous-entend qu'on travaille pour la presse. Et aujourd'hui, c'est des métiers qui ont énormément changé à cause de l'évolution de la presse. Les problèmes financiers, on ne se finance pas que par la presse. Donc, je préfère dire documentaire parce que du coup, c'est un spectre un petit peu plus large. Mais ça marche. C'est le réel, en tout cas. Je raconte le réel.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu fais ça depuis 20 ans ?

  • Speaker #0

    Un peu près.

  • Speaker #1

    Tu peux me raconter un petit peu, nous raconter comment tu es arrivé à ça ? Parce que je crois que tu as fait des études scientifiques. pour commencer ?

  • Speaker #0

    Oui. Ce ne sont pas des grandes études. J'ai fait un DUT de génie thermique et énergie parce que je venais d'un bac scientifique et que je ne savais pas trop quoi faire et que j'avais un profil plutôt mateux mais je n'avais pas du tout envie de faire d'études. Je n'avais pas envie de voyager énormément. Donc, je m'étais rabattu sur ce format d'un DUT en me disant que ce n'est que deux années. Au moins, ça me donne un vrai diplôme. Si jamais je me réveille pendant ces deux ans-là à vouloir faire des études un peu plus poussées, je pourrais peut-être les rattraper, sinon au moins si je tiens ces deux ans, j'ai quand même un diplôme. J'ai eu ce diplôme en étant très malheureux pendant ces deux ans. Tu faisais déjà de la photo ? C'est venu un peu à ce moment-là, justement par une espèce de frustration de faire des choses trop techniques et qui ne me semblaient pas assez humaines et qui me semblaient loin de ce qui me faisait un peu rêver, c'est-à-dire des expériences, des aventures, des choses un peu plus originales. Et je me suis mis, c'était en banlieue parisienne, et je me suis mis à faire pas mal de photos à ce moment-là, la nuit, le soir, je me souviens j'allais photographier la défense des fois, des choses comme ça. Et je pense que c'est arrivé pour combler ce manque un peu. Et puis après ces études, je suis parti. Enfin, j'ai fini ces études en Guadeloupe. J'ai fait le stage en Guadeloupe et je m'étais arrangé pour ne pas avoir à rentrer. Et pourquoi la Guadeloupe ? Parce que c'est un endroit très bien placé si on veut voyager. Parce qu'une fois que j'ai fini ce stage, j'ai bossé quelques mois dans un magasin photo. Presque par hasard, j'ai trouvé ce boulot dans un magasin photo. Donc c'était... Il y avait peut-être un petit message. Tu penses que c'est ça qui a... Non, mais en tout cas, ça tombait très bien. J'ai bossé 4 mois, le temps de gagner un peu de sous. Au bout de ces 4 mois, je suis parti faire un voyage de 5 mois en bateau stop. J'ai descendu toutes les Caraïbes en bateau stop. C'est ce que j'avais vu. Comment ça s'est passé,

  • Speaker #1

    le bateau stop ?

  • Speaker #0

    À cette époque-là, je pense que c'est toujours le cas. C'était assez facile parce que c'est très touristique, comme toute l'Arche des Caraïbes. C'est très très touristique, il y a beaucoup de locations de super voiliers et après ces voiliers souvent il faut les ramener quelque part donc il y a beaucoup de skippers qui convoient ces voiliers pour les ramener à l'endroit où ils vont être loués à nouveau et qui sont tout seuls et qui a priori ne sont pas contre prendre quelqu'un qui va du coup leur permettre de se reposer un peu plus parce qu'il peut tenir la barre etc. Donc il faut traîner un peu dans les marinas et dans le bar à l'apéro et puis montrer qu'on est sympa, qu'on a envie de voyager, qu'il y a ce petit sac à dos et puis on trouve... on trouvait en tout cas relativement facilement quelqu'un qui allait à la prochaine île ou moi en l'occurrence j'ai fait jusqu'à de Guadeloupe en Martinique après de Martinique jusqu'à Grenade.

  • Speaker #1

    T'avais quel âge ?

  • Speaker #0

    J'avais tout juste 21 ans parce que je suis parti quelques jours après mon anniversaire de mes 21 ans.

  • Speaker #1

    Ouais t'étais assez jeune quand même pour voyager.

  • Speaker #0

    Ouais bah j'avais vraiment très envie, j'avais vraiment un vrai besoin de ça et ce voyage après alors après arriver au Vénézuéla Ça a changé un peu de style. J'ai traversé le Venezuela, toute la Colombie et l'Équateur. Et puis, ça s'est transformé en une espèce de voyage un peu initiatique. Et puis, sur ce voyage, on a évidemment fait énormément de photos. Et puis, avec une envie claire de vivre quelque chose d'assez lié aux rencontres, lié aux expériences un peu originales ou exceptionnelles, qui avaient du sens. Donc, le diplôme de ce DUT, il n'est jamais sorti du tiroir. Je ne le mettais même plus sur mon CV. Je l'ai jamais utilisé.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu as refait un an d'études en photo, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Après ça, je me suis dit, j'ai une autre grande passion qui est le snowboard. Donc après, j'ai passé deux années à faire des petits boulots de saison, surtout pour pouvoir passer l'hiver à la montagne et faire beaucoup de snowboard. Dans ces petits boulots, j'ai notamment fait photographes filmer. Ce sont les photographes, ça ne se fait plus trop maintenant à l'ère du numérique, mais les photographes qu'on voyait sur les plages. Je ne sais pas si votre génération a connu ça. Il y en a encore un peu dans les stations de ski qui peuvent vous affiler.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup qui arrivent et qui prennent des risques.

  • Speaker #0

    Il y en avait énormément avant parce que ça marchait un peu. Je faisais ça.

  • Speaker #1

    Les plages,

  • Speaker #0

    je ne l'ai jamais vu. Je pense que ça ne se fait plus. Nous, on le faisait beaucoup sur les plages. Ça marchait un peu. Je l'ai fait un peu à la grande mode. Ce n'était pas une grande passion ce métier. Mais ça permettait de passer les saisons dans des endroits sympas et surtout, comme je le disais, à la montagne, de faire beaucoup de snowboard. Mais ça je l'ai fait que deux ans et après j'ai eu l'occasion de partir aux Philippines donner des cours de photo dans une association qui s'occupe de petites filles qui ont des histoires assez lourdes, qui ont été abandonnées, parfois même violées très jeunes. Et c'est une association qui a été montée par une française qui s'appelle Laurence Lisier qui a eu cette superbe idée de monter un atelier photo pour ses filles et j'ai eu l'honneur, le privilège si je puis dire, de monter la première session de cet atelier photo. Et c'était une expérience très très forte. Pendant que je faisais cet atelier avec ces filles, moi je les photographiais aussi beaucoup parce que du coup je vivais dans une même maison avec elles.

  • Speaker #1

    Et des enfants des rues du coup ?

  • Speaker #0

    Alors ouais, des enfants des rues souvent, des fois pas spécialement de la rue mais qui ont des histoires vraiment très lourdes. Certaines se retrouvaient à convoyer de la drogue pour leur oncle alors qu'elles avaient à peine 10 ans. Beaucoup étaient violées, c'était une histoire très très lourde. Il y en a une qui avait 11 ans qui était maman. Et donc j'ai passé quelques mois avec ces enfants et la connexion que j'ai eu avec ces filles a été une expérience forte. Et en plus, moi, je faisais beaucoup d'images pendant ce moment-là. Et donc du coup, j'ai commencé à découvrir un peu le rapport entre les images et les histoires humaines. Alors qu'avant, j'étais plus dans un truc un peu classique de photos de voyage. Je vais faire des belles photos qui iront dans les magazines de voyage, etc. Et là, j'ai commencé un peu plus à... Mais dire mais en fait c'est peut-être ça qui me plaît vraiment. Avec une petite ligne,

  • Speaker #1

    c'est ça qui t'a donné envie ?

  • Speaker #0

    Oui, de raconter des histoires sociales, de raconter des histoires humaines, de raconter des histoires qui ont du sens, plus que de faire de la belle photo de voyage.

  • Speaker #1

    Et du coup c'est incroyable d'avoir allié en fait tes trois passions, j'ai l'impression, genre le contact humain, la photo et les voyages.

  • Speaker #0

    Oui, c'était un peu ça, ouais, ouais, ouais. Et puis, ouais, c'est ça. Et puis raconter des choses qui ont du sens, voilà. J'avais envie de ça aussi, j'avais très envie de ça.

  • Speaker #1

    Et du coup les Philippines, raconte-moi un petit peu par rapport à ces jeunes filles, elles avaient jamais j'imagine fait de photos, c'était quoi un peu leur...

  • Speaker #0

    Alors elles connaissaient pas beaucoup la photo, puis alors c'était en 2000, en 2000 je crois, non pardon un peu plus, oui 99 si je me trompe pas, et il n'y avait pas les téléphones portables ou très peu, en tout cas c'était pas l'objet qu'on a aujourd'hui pour faire des photos, donc faire une photo c'était quelque chose, il fallait un appareil etc. et en plus c'était encore en argentique. Parce que votre génération n'a peut-être pas trop connu toi.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai connu, j'ai eu la chance d'avoir fait un club photo au collège et donc j'ai pu développer. J'ai adoré l'argentique, c'était super sympa en noir et blanc. Et après du coup maintenant c'est sûr que je pense que la nouvelle génération connaissent l'argentique.

  • Speaker #0

    Non ils ne connaissent pas trop.

  • Speaker #1

    Mais c'était sympa effectivement avec la petite lumière rouge dans le labo etc. Quand on a beaucoup fait, tu as commencé à faire ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé comme ça, bien sûr. Et puis avec cette fille, j'ai monté ce petit labo aux Philippines, ce qui a été une vraie galère parce qu'il faisait 30 degrés, donc je ne marquais pas très bien les produits. Mais du coup, dans la fabrication de l'image, il y a quelque chose pour ces enfants qui ont un problème avec l'image, et beaucoup avec l'image d'elles-mêmes, parce qu'elles ont été souvent humiliées, maltraitées, etc. Et c'était ça l'intelligence de cet atelier, c'était de travailler sur l'image. Elles se sont beaucoup photographiées entre elles, donc il y a un jeu aussi de comment je m'affirme devant un appareil. Il y a aussi pour faire de la photo, notamment dans un esprit un peu d'un reporter, on va vers les autres. Donc c'est une manière aussi, ça peut être un prétexte pour aller communiquer avec les autres. Des fois, je les ai emmenés au village d'à côté, j'ai dit on va au marché, vous êtes obligés de faire des photos de quelqu'un à moins d'un mètre. Ah non, non,

  • Speaker #1

    je ne la contente pas.

  • Speaker #0

    Mais du coup, ça les force à aller vers le autre et ça faisait un jeu, etc. Et donc ça a été vraiment, moi j'ai l'impression que ça leur a apporté pas mal de choses. Moi, ça m'a apporté beaucoup de choses. c'est chouette Et puis il y a aussi dans la fabrication de l'image justement à cette époque là en argentique où la photo c'est pas juste on appuie on voit le résultat, il y a tout un processus. On développe le film et après on fait le tirage. Et tout ce processus il rentre aussi dans un exercice sur comment on construit l'image, comment on se pré-approprie l'image.

  • Speaker #1

    Ça devait être tellement plus gratifiant avant tu vois que maintenant tu prends une photo avec un iPhone tu vois tout de suite le résultat, la partie de...

  • Speaker #0

    Ça avait plus de valeur. Une image, c'était très compliqué à faire. Maintenant, on en fait 200 et on choisit la meilleure. Donc ça, c'était vraiment une superbe expérience. C'était vraiment très chouette.

  • Speaker #1

    Tu es retourné d'ailleurs aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai retourné un an après. Après cette expérience, je me suis dit, maintenant, je crois que je sais ce que je veux faire. Peut-être qu'il serait temps que je me lance. Mais je ne connaissais rien à ce métier. Je venais d'une famille qui est très ouverte d'esprit, très chouette, mais plutôt mateuse, scientifique. Et donc, je me disais, je veux me lancer comme... reporter mais sans trop savoir comment faire ils ont soutenu ou Pas financièrement mais ils m'ont soutenu dans l'idée dans le principe mon père il était il savait pas trop il voulait pas être méchant mais il était pas réticent quoi il a pas interdit il était pas réticent il y a une époque je lui reprochais un peu de j'aurais bien aimé qu'il soit un petit peu plus encourageant mais je peux pas lui en vouloir il vient d'un milieu où on n'a pas fait de ce genre de métier Je pense qu'il s'inquiétait plus qu'autre chose pour moi. Très vite, il a changé d'avis quand il a vu que ça a commencé. Mais je m'étais dit, je rentre en France, il faut que je gagne de l'argent. Donc j'ai bossé comme barman tout un été et je retourne vite fait aux Philippines. Et là, cette fois, je vais me lancer, je vais faire mon premier reportage personnel sur le thème de l'enfance, particulièrement sur les enfants des rues à Manille. Et puis finalement, cette saison d'été n'a pas marché. J'ai eu un petit accident de bagnole, pas très grave, mais heureusement, parce qu'en fait, je me suis un peu calmé en me disant, Bon, peut-être qu'il faudrait que je m'organise un peu mieux, déjà, je n'y connais rien. Et là, je me suis aperçu que je pouvais faire une école, une petite école privée financée par l'État. Donc, j'ai eu beaucoup de chance, j'ai eu plein de soutien. Voilà, donc j'ai pu faire cette école qui, une petite année, c'était neuf mois, tout en étant un petit payé par mois. C'était à l'époque l'équivalent de ce qu'est le Pôle emploi aujourd'hui. Et du coup, j'ai pu aussi, pendant cette période-là, chercher une bourse pour retourner aux Philippines. Et donc, je suis retourné, mais cette fois, beaucoup mieux préparé, un an plus tard.

  • Speaker #1

    Ce principe de bourse, ça se passait comment du coup ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si ça existe encore, c'était de la bourse qui s'appelait DefiJeune, c'était une bourse régionale qui était donnée à un jeune de moins de 25 ans ou moins de 30 ans pour essayer de monter un projet soit professionnel, soit humanitaire.

  • Speaker #1

    Génial, ouais.

  • Speaker #0

    Et c'était vraiment pas grand-chose, je crois que c'était 1500 euros, mais bon, moi, ça m'avait payé le billet d'avion. Ok. Et voilà, et après sur place je m'étais arrangé avec des ONG qui m'hébergeaient, la vie coûtait pas très cher aux Philippines donc sur place ça coûtait presque rien.

  • Speaker #1

    Et donc t'es retourné aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Je suis retourné aux Philippines et j'ai fait ce... Enfin je suis même plus que aux Philippines, je suis parti carrément trois mois, j'en ai profité pour aller aussi en Indonésie faire un autre reportage que j'ai complètement raté. Et celui sur les Philippines qui était vraiment le principal, le plus important, celui-là j'ai passé trois semaines donc à suivre des petites bandes de gamins. à travailler avec des ONG, aller même jusqu'en prison pour enfants à Manille, et à faire une sorte de portrait de cette jeunesse des rues aux Philippines. Et puis ce travail qui a été mon premier travail un peu personnel, m'a permis d'aller toucher un peu des rédactions. Il a été primé et après j'ai pu commencer à bosser pour des journaux en France, notamment il y a eu un peu de Libé, un peu du Monde, un peu de L'Express. grâce à ce reportage.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Même si ça a mis du temps parce que ce reportage je l'ai fait en noir et blanc donc tout le monde trouvait ça super mais on donne pas de commande en noir et blanc donc il fallait que je passe à la couleur alors que je voulais faire que du noir et blanc à cette époque-là et je me suis mis à la couleur pour pouvoir avoir du boulot et j'ai bien fait parce que depuis j'adore la couleur et je suis devenu vraiment un photographe de la couleur, je suis un passionné de couleur.

  • Speaker #1

    Et tu disais toi que de ce que j'ai lu c'est que t'essayais de... de faire en sorte d'avoir les mêmes émotions qu'en noir et blanc, mais sur la couleur, qui est un passage pas facile justement entre les deux.

  • Speaker #0

    C'est pas si c'est les mêmes émotions, mais en fait la force du noir et blanc, c'est de transposer le réel dans quelque chose de différent, quelque chose de plus universel, quelque chose de plus global, qui raconte à la fois le sujet qui a été traité, mais en même temps peut-être des valeurs plus générales. Et avec la couleur, c'est plus dur parce qu'on est justement plus connecté au réel. Mais ce que j'aime essayer de faire, c'est justement de me servir de la couleur pour avoir cette même bascule qu'apporte le noir et blanc. C'est-à-dire sortir un peu du côté hyper journalistique et précis du sujet sur lequel on travaille pour aller vers quelque chose grâce à de la poésie, grâce à des associations de couleurs, grâce à la lumière, vers quelque chose qui prend une valeur plus universelle, plus en recul. C'est-à-dire, à titre d'exemple, un reportage sur la Centrafrique, un endroit où j'ai beaucoup travaillé, où l'image, finalement, elle peut venir illustrer plein d'autres choses, parce qu'elle fait écho à la fragilité humaine, au courage, à plein d'autres choses comme ça qu'on peut retrouver ailleurs et qui touchent tout le monde, qui ne touchent pas que les personnages des reportages que je... que je photographie quoi. Ok. Je ne sais pas si c'est très clair.

  • Speaker #1

    Ouais, si tu dis ça, ouais.

  • Speaker #0

    Les photographes, ça n'a pas très bien parlé d'habitude. Si,

  • Speaker #1

    si, non, c'était très imagé mais très clair. Avant d'entrer dans le vif du sujet, le Deep Dive est un podcast bienveillant où l'on va à la rencontre d'invités au parcours inspirant. Chaque semaine, je vous emmène avec moi pour explorer la partie immergée de l'iceberg. Le concept est simple, un invité, trois niveaux de discussion. À chaque niveau, l'invité choisit un ou deux badges parmi quatre animaux polaires directement sur la tablette. On commence en surpasse avec la partie émerger de l'iceberg, des questions plus légères pour apprendre à mieux connaître l'invité. Ensuite, on passe en mode deep dive. Direction la partie immergée de l'iceberg et dans les abysses pour des échanges de plus en plus nips. On vous laisse découvrir, c'est parti, l'exploration commence ici. Du coup, il y a 4 badges. Donc partie au-dessus de l'iceberg, je te laisse choisir un des badges et on va parler de ce qu'il y a en dessous.

  • Speaker #0

    Alors ils sont tous au-dessus de l'iceberg. Tu peux cliquer. Donc lĂ ,

  • Speaker #1

    on a un de tes posts Insta.

  • Speaker #0

    du coup tu peux dire ce que c'est pour ceux qui ne voient pas l'image alors c'est un post que j'ai fait il y a quelques mois à l'occasion d'une chouette exposition que j'ai eu à Bruxelles au festival des libertés qui est un super festival fait par une superbe équipe qui est un festival d'une dizaine de jours pendant lequel il y a déjà de la musique, des concerts mais aussi plein de conférences des projections de documentaires sur les droits humains ... Et à chaque fois, ils font ça une fois par an, il y a à chaque fois une grande expo photo et j'ai eu la grande chance que ce soit un travail que j'ai réalisé pendant quelques années sur des communautés apatrides, un peu partout dans le monde, qui a été exposé. Ce travail maintenant est exposé à Paris jusqu'à fin juin dans une petite galerie qui s'appelle la galerie Fête Ecosse près de Beaubourg. Et c'était une super expérience cette expo. En Belgique, c'est une superbe équipe. En Belgique, ils ont un truc génial, c'est que le gouvernement donne de l'argent pour les communautés religieuses. Mais comme il y a une grosse communauté laïque, il y a aussi une somme d'argent qui va pour les laïcs de la Belgique. Et pour pouvoir gérer cet argent, il y a une association qui a été montée qui s'appelle Bruxelles Laïque, qui récolte cet argent et qui finance en partie ce festival. sur les droits humains et voilà donc c'est le moyen d'aborder plein de thématiques assez importantes et de la culture etc et avec des fonds dans un lieu magique qui est le théâtre national wallonie bruxelles que je crois le plus grand théâtre belge c'était

  • Speaker #1

    vraiment ok super d'ailleurs par rapport aux expos que tu as pu faire c'était quoi les thèmes principaux et j'ai vu que tu as pas mal exposé j'avais dit donc pendant l'intro je crois que c'est paris New York, Dubrovnik, t'as fait pas mal de... Beaucoup d'expos, c'était quoi les thèmes principaux que tu as préféré ?

  • Speaker #0

    J'expose les projets sur lesquels je bosse, donc moi je travaille beaucoup sur l'humain, c'est souvent dans des situations de conflits, je ne me définis pas comme un photographe de guerre, parce que c'est une expression très galvaudée qui ne veut pas dire grand chose, mais c'est souvent lié à des conflits, c'est souvent lié à des droits de l'homme. C'est beaucoup sur des situations, des identités post-coloniales par exemple. J'ai beaucoup travaillé en Centrafrique, j'ai beaucoup travaillé au Kyrgyzstan, qui est un jeune pays qui vient de l'éclatement de l'URSS. J'ai beaucoup travaillé à Mayotte ces dernières années, qui est le dernier département français. Donc voilà, c'est toutes les thématiques où pourquoi les gens se tapent dessus, pourquoi les gens souffrent. Beaucoup, etc. Ça m'intéresse un peu parce que j'ai l'impression que ça a du sens de raconter, de fouiller là-dedans. Soit de trouver des explications, soit juste trouver un regard pour le raconter. Ça m'intéresse. Par rapport à cette expo, c'est important d'expliquer ce que c'est. C'est sur des communautés apatrides. un peu partout dans le monde et c'est un travail que j'ai fait grâce à une bourse de la National Geographic Society.

  • Speaker #1

    Donc juste pour bien expliquer le concept, donc apatride, tu peux expliquer un petit peu, tu es parier à un pays, comment tu deviens apatride, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors apatride c'est quand on n'a aucun état, en tout cas un état reconnu, qui reconnaît notre identité et donc qui nous offre une sorte de protection ou en tout cas une identité. Il y en a beaucoup dans le monde, il y en aurait une dizaine de millions. Ça peut être surprenant, mais il y en a beaucoup. Les plus célèbres sont les Rohingyas. C'est un peuple originaire du Bengale qui vivait énormément ces dernières décennies, ces dernières générations, même depuis un moment, déjà peut-être plus d'un siècle, en Birmanie. Sauf qu'en Birmanie, en 1982... On a considéré qu'ils ne faisaient pas partie, on leur a enlevé complètement la nationalité birmane. Il faut rajouter que par dessus ça, ils sont aussi musulmans dans un pays où il y a très peu de musulmans. Et donc ceux-là, ils sont plus d'un million à être complètement apatrides. Aucun pays ne peut les reconnaître. Ils n'ont pas de pays, pas de passeport.

  • Speaker #1

    Je ne pensais pas qu'il y en avait autant, c'est fou.

  • Speaker #0

    Après il y en a plein d'autres, il y en a une petite partie d'haïtiens en République Dominicaine. Il y en a beaucoup qu'on a considéré à risque d'apatrider. C'est-à-dire que techniquement, ils devraient être reconnus par un pays. Par exemple au Népal, il y en a énormément. Techniquement, ils devraient, mais les barrières administratives, la discrimination qui vient des castes, normalement qui n'existent plus, mais qui sont quand même encore beaucoup dans les rapports humains, font que tout ça fait qu'ils n'arrivent pas à avoir une reconnaissance officielle de leur état. Donc ils vivent comme des apatrides. Donc tout ce travail était dans six pays, travailler là-dessus, et indirectement c'est une réflexion sur qu'est-ce que c'est que la citoyenneté, à une époque où le... Les idées identitaires et le populisme explosent un peu partout, dopés par les réseaux sociaux malveillants. Et voilà, donc ça me semblait intéressant de travailler sur tout ça. Comment finalement dans une société on accepte certains mais pas d'autres, pourquoi, comment on partage les ressources, comment... Moi je trouve que c'est assez intéressant de passer un peu. Et c'est ce travail-là qui est exposé encore à Paris pendant quelques semaines. Ok,

  • Speaker #1

    génial. Top, je te laisse choisir du coup un deuxième badge ?

  • Speaker #0

    Alors, on va faire le petit phoque, tiens. Ah lĂ  lĂ , waouh, ouais.

  • Speaker #1

    Donc lĂ , photo...

  • Speaker #0

    C'est une photo très dure, c'est en Centrafrique. Centrafrique, c'est sûrement l'un des sujets les plus violents que j'ai traités avec la Syrie. Entre 2013 et 2016, j'ai travaillé quasiment presque que là-dessus, c'était vraiment mon gros projet. J'ai fait dix séjours, des séjours à chaque fois assez intenses parce que c'était un moment, vraiment une guerre, d'une violence incroyable. Et ce jour-là, je crois que c'est en 2015 ou 2014, 2014 peut-être, je ne sais pas si on voit sur le poste, 2014, ouais. C'est en 2014, on est au pire moment de la guerre, au pire moment de la guerre. Une violence incroyable, ça fait plusieurs mois qu'on est dans un vrai nettoyage ethnique. L'expression nettoyage ethnique est un terme très particulier qui a une valeur. Ce n'est pas moi qui l'utilise, c'est les Nations Unies qui l'ont utilisé. Entre des milices plutôt chrétiennes soutenues par la population plutôt chrétienne contre des milices musulmanes et surtout contre la population civile musulmane dans un pays, c'est difficile à résumer en quelques lignes, où il y a eu un coup d'État mené par des milices musulmanes quelques mois plus tôt qui ont fait beaucoup de... Beaucoup d'exactions, qui ont eu plein de gens, etc. Donc il y a eu un espèce de retour de vengeance par une population chrétienne qui est beaucoup plus grande, 85% à peu près, je crois, de la population est chrétienne. Mais sans que la communauté natationale ne le voie venir, notamment la France, qui s'est fait un petit peu... qui, je pense, a fait une grosse erreur là-dessus, et a laissé faire un petit moment, n'a pas eu le temps de mesurer cette... Et bref, on est dans un état de violence infinie, et on est... Cette image-là, alors, c'est un homme qui est venu voler. quelque chose apparemment dans un bâtiment. Le bâtiment est juste à côté de l'endroit où je loge. C'est un bâtiment administratif qui dépend d'un ministère. Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux à ce moment-là. On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer. Ils me disent mais ce voyou là, c'est une sorte d'homme qui vit dans le quartier, un peu qui vivote dans la rue, etc. serait venu essayer de voler quelque chose dans la nuit dans ce bâtiment et dans ce pays qui est voilà où une sorte de justice sociale qui se fait comme ça un peu dans la rue donc ce mec est en train de se faire tabasser par ces gens dont certains sont des employés sont des employés d'état quoi des fonctionnaires et c'est voilà et on est là et finalement notre présence heureusement on va les calmer et ils vont appeler la police. La police va l'amener, mais alors ce qui est fou, et donc là c'est une photo que j'ai fait, au moment où la police arrive en gros, je me suis dit qu'il fallait montrer ça parce que ça racontait vraiment cette violence ordinaire qui habite tout le monde. Mais alors la petite histoire derrière, c'est que donc on amène...

  • Speaker #1

    Elle est très belle cette photo, elle est très dure.

  • Speaker #0

    Elle est très dure, ouais. Donc cet homme est amené au commissariat, mais c'est nous qui nous... En fait la police a très mal pris ça qu'on soit intervenu, et ont commencé à nous dire... Ils ont commencé à nous accuser. Mais vous, vous faites quoi ? Vous êtes qui ? Pourquoi vous permettez ça ? Etc. Heureusement, en sortant nos cartes de presse et en se plaignant, on a pu... Ça s'est arrangé, mais... Ça racontait beaucoup cette époque où les services d'État n'existent pas. pas ou peu sont assez inefficaces et où toute la population est dans une telle détresse qu'il y a une colère générale et que la violence elle est partout, elle éclate pour un rien quoi.

  • Speaker #1

    Ouais c'est sûr.

  • Speaker #0

    Si on n'avait pas été là, peut-être que ce mec se fait couper en morceaux quoi, vraiment.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Je te laisse cliquer sur le deep dive mode, on va rentrer en mode deep dive. Donc tu laisses cliquer tout en bas.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Du coup, on passe en mode deep dive, donc lĂ , tout l'iceberg, pareil, 4 badges, je te laisse en choisir un.

  • Speaker #0

    Et bah, alors c'est deux dauphins, allez tiens on va changer, on va prendre un non-mammifère. Quelle a été ta mission la plus dure psychologiquement de ta carrière ? Bah, il y en a deux qui me viennent tout de suite à l'esprit, on va dire oui, non, c'est sûr, non, il y en a même une, il n'y a aucun doute, c'est la Syrie en 2012. parce qu'on était plusieurs journalistes. On avait réussi à rentrer dans... C'est le début de la guerre en Syrie. On était rentrés dans une ville assiégée, la ville d'Oms. Et le lendemain matin de notre arrivée, on s'est fait bombarder. Et on était six journalistes. Il y en a deux qui sont morts sur le coup, deux qui ont été gravement blessés et deux qui n'ont rien eu. Moi, j'ai une chance énorme de faire partie des deux qui n'ont rien eu. Mais la suite a été assez compliquée parce qu'on a passé neuf jours à devoir se cacher et puis réussir à rejoindre le Liban avec ma collègue Edith Bouvier, une amie qui avait une blessure assez grave à la jambe et si on la transportait trop, elle pouvait mourir très vite parce que son os pouvait toucher l'artère fémorale. Et bref...

  • Speaker #1

    Et elle qui s'est fait un garrot, j'ai vu avec...

  • Speaker #0

    Non, alors moi je ne l'ai pas fait de garrot, non, moi j'ai juste...

  • Speaker #1

    J'avais un câble éternel, je crois que j'ai lu ça...

  • Speaker #0

    Alors ça, ce n'est pas elle, ça c'est Paul Conroy, l'autre blessé, lui s'est fait un garrot effectivement avec un câble éternel avant de rejoindre la petite clinique où ils ont pu être soignés, qui a été bombardée un peu après la clinique. Mais voilà, il y a eu ces neuf jours où on aurait dû y passer pas mal de fois, où moi j'aurais dû y passer pas mal de fois. Et ouais, ça a été assez dur.

  • Speaker #1

    J'ai vu que tu as été sauvé par un mur, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, un petit bout de mur, un peu comme là. Je pense que j'ai été sauvé par ce mur grâce à une discussion de la veille où je parlais justement avec Paul. C'est-à-dire que l'appartement dans lequel on était, il y avait une... porte vraiment dans un bois pas solide du tout qui est pile dans l'axe de la porte de l'immeuble et je me disais si jamais à un moment quelqu'un tire par cette porte la porte de l'immeuble juste derrière cette porte en bois ne protège de rien du tout donc peut-être que c'est dangereux et je pense que cette discussion m'est restée dans l'esprit dans un petit coin et qu'au moment où on s'est fait bombarder il y a eu une suite de 4 roquettes et en fait la manière avec les roquettes elles servent à à essayer de... C'est-à-dire qu'il y a une première roquette, ils adaptent, c'est un petit peu derrière, une roquette qui va plus loin, et puis du coup, ils se rapprochent. Et donc, c'est suite de plusieurs roquettes, les Syriens avec qui on est, qui sont des activistes, journalistes, pro-démocratie, comprennent que ça se rapproche, et que ça va sûrement taper sur l'immeuble. Et au moment où on nous dit ça, parce qu'au début, il nous dit, il faut sortir vite fait, Quand il y a la deuxième ou troisième, il nous dit non non, attention, il ne faut plus sortir, parce que là il comprend que finalement ça va sûrement taper, et là c'est déjà trop tard, et je pense qu'à ce moment-là, moi je comprends, attention, je repense à cette porte, et du coup je fais un tout petit saut de cabri pour aller sur le bord de la porte, et je suis protégé par ce bout de mur. Les deux qui ont déjà passé cette porte en faisant le tour sont morts, c'est Rémi Euchlick et Marie Colvin, dont Rémi qui était un jeune photographe hyper talentueux français. Il y a un primatenant qui porte son nom au festival Visable pour l'image. Il avait 27 je crois quand il est décédé et Marie Colvin c'était elle une une reporter de guerre hyper connue, vétéran, il y a un film sur elle. Elle avait je pense un bon 55 ans quelque chose comme ça je veux pas dire de bêtises mais voilà donc eux sont morts sur le coup. Edith Bouvier et Paul Conroy qui étaient Comme moi, à l'intérieur de l'appartement, mais juste dans l'axe de la porte, eux ont été blessés assez gravement, parce que la porte a volé en éclats. Et moi, j'étais derrière ce petit bout de mur, et Ravier Espinoza, un journaliste espagnol, lui était de l'autre côté, sur l'autre petit bout de mur, de l'autre côté de la porte. et j'irai à eux même pas une égratignure

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'ils vous visaient du coup ?

  • Speaker #0

    Ah oui, on le sait très bien.

  • Speaker #1

    J'avais vu qu'il y avait un drone qui checkait.

  • Speaker #0

    Des drones, il y en a tout le temps. On l'entendait, on l'entendait. Même des fois, on arrive à le voir. Un moment, il passe un peu, il y a un petit reflet, etc. On arrive à le voir. Mais le drone, on l'entend tout le temps. Même là, au Liban, où j'ai beaucoup travaillé à l'automne, on l'entend en permanence, le drone. D'ailleurs, c'est très sénant parce qu'il y a cette espèce de bruit de moustique et vous savez qu'il est là, qu'il observe, etc.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment, toi, personnellement, du coup, pour encaisser ça ? Comment on vit ? Moi, tu me racontes ça, dans ma tête, c'est un film. Je n'arrive pas à me dire que c'est réel en tant qu'occidentaux.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas quoi répondre à cette question, parce qu'en fait, moi, je me considère plutôt sensible, plutôt émotif. Je ne suis pas du tout un gros, dur, gros... Mais ça passe peut-être parce que c'est un choix de vie. Alors pas de me faire bombarder, évidemment, non. Mais que je sais qu'on a... Par connaissance de cause ? Oui, c'est ça. On part un petit peu en connaissance de cause. C'est pas pareil que je pense à un drame qui nous arrive. Enfin, je pense que j'ai été beaucoup plus bouleversé comme tout le monde par, par exemple, la mort de mon père il y a quelques années. Alors pas de... peut-être pas plus bouleversé c'est différent mais finalement quand on met ça à côté voilà ça rentre dans les mêmes dans les mêmes proportions fait ouais en terme de tristesse sache d'accord

  • Speaker #1

    mais mais pas en termes de traumatisme, tu vois, parce que du coup, t'as des PTSD du coup.

  • Speaker #0

    Oui, oui, alors moi, j'ai toujours été déjà très sensible à ces notions de PTSD. Ma génération fait partie, je pense, celle qui a commencé à un peu mieux reconnaître le PTSD. Je pense que la génération des reporters, vraiment, qui ont fait beaucoup de conflits avant, il y a un peu une sorte de déni presque du PTSD. Pas un déni, pas général, mais je sais beaucoup, il y a un truc, il y avait ce truc assez masculiniste. Ma génération est beaucoup moins masculiniste et puis il y a eu une vraie reconnaissance. Et puis la génération qui arrive en dessous, elle est encore plus ouverte et chouette parce qu'il y a ... Il y a encore d'autres évolutions. Mais moi, j'ai toujours été très ouvert à PTSD. Donc, quand il y a eu cette expérience, le premier truc que j'ai fait, c'est que j'ai été tout de suite voir un psy. D'ailleurs, c'est le gouvernement français qui nous a rapatriés, qui me l'a conseillé, qui est vraiment spécialiste du PTSD, un psy militaire, vraiment spécialiste du PTSD. Et moi, j'ai été très, très, très proactif là-dessus.

  • Speaker #1

    Il y a juste des stress post-traumatiques, pour ceux qui ne connaissent pas.

  • Speaker #0

    Oui, PTSD, c'est le stress post-traumatique, le syndrome de post-traumatique. Et qui m'a vu trois fois, pendant ces trois fois d'une séance d'au moins une heure, une heure et demie, j'ai raconté tous les petits détails, tous les petits trucs, parce qu'il voulait voir s'il y avait quelque chose. En fait, souvent, le PTSD, ça associait vraiment un petit détail à un truc particulier, une vision, une sensation. Et moi, paradoxalement, même si cette histoire est énorme, il semble qu'il n'y ait pas ce petit truc de PDC. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas souffert, que j'ai pleuré en lui racontant certaines scènes, etc. Mais ce n'est pas pour autant qu'il y a vraiment un pitié.

  • Speaker #1

    Il t'a fait de l'EMDR ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors c'est marrant, j'ai essayé de l'EMDR. J'ai essayé de l'EMDR, ça n'a pas super bien marché. C'était il y a quelques années, mais je crois que je vais réessayer. Parce que j'ai quand même gardé un truc de cette expérience affreuse en Syrie. C'est que j'ai gardé une hypersensibilité au son violent, comme une porte qui claque. Et il semble que c'est quelque chose qui peut s'améliorer avec l'EMDR. Donc peut-être que je vais réessayer. Mais ce qui est marrant, quelques années après, j'ai eu une grosse expo à Mérignac, à Bordeaux, et on a organisé une conférence avec une grande spécialiste du PTSD, parce qu'il y a un institut de recherche là-bas, à Bordeaux, là-dessus, où on a parlé de ça, et elle tout de suite m'a dit « Non, non, mais toi, t'as pas un PTSD. Un PTSD, c'est quelque chose qui t'habite chaque minute de ta vie, qui bouleverse tous tes rapports humains, tes rapports sociaux, etc. » On le voit dans le film, il y a un film, American Sniper je crois, non ? Je ne sais plus si ce n'est pas ce film-là. Non,

  • Speaker #1

    BTS.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je ne sais plus si c'est American Sniper avec cet acteur qui est un tireur d'élite de l'armée américaine, qui bosse en Irak et qui revient et puis qui devient complètement fou avec sa famille, vraiment violent. Ça c'est vraiment typique BTS. Donc moi il semble que je n'en ai pas. En tout cas ça n'a pas été... bouleverser ma vie sociale.

  • Speaker #1

    Et mĂŞme si tu n'en as pas, comment tu fais pour repartir ?

  • Speaker #0

    Ça peut sembler bizarre mais en fait la première chose que j'ai envie de faire c'était de repartir. J'ai quasiment plus refait des zones aussi compliquées que cette époque-là en Syrie. Après j'ai travaillé en Centrafrique, c'était différent, c'est pas des bombes qui tombent du ciel déjà, parce que les bombes qui tombent du ciel, ça je veux plus. Donc c'était très différent, à ce moment-là en Centrafrique c'était extrêmement violent, mais c'est affreux à dire, mais on était relativement protégé en étant blanc à cette époque. Ça a complètement changé maintenant je pense, mais on était relativement protégé, pour plein de raisons. Et puis surtout, ce n'était pas des bombes qui tombent du ciel, ce n'est vraiment pas pareil. Des gens qui tirent ou des gens qui se battent avec des machettes. Une bombe, c'est affreux, ça tape n'importe où et ça tue partout autour. Et quelques années après, je me suis retrouvé à Mossoul, en Irak, pour la chute de l'État islamique, où là, c'était une situation un peu similaire avec des bombes, etc. Je n'ai pas du tout aimé et je n'ai plus trop refait depuis. Donc je pense que ça, je ne le referai plus. Après, il y a une chose qui est importante, c'est que ces expériences-là, déjà, il n'y en a pas tant que ça, moi, dans ma carrière. J'ai travaillé sur beaucoup de conflits, mais vraiment être à l'endroit où ça tape, où ça pète, où on peut vraiment se prendre une bombe, etc. Je ne l'ai pas fait énormément, ça. Donc, je ne suis pas quelqu'un qui fait beaucoup de lignes de front. Donc, souvent, on appelle ça, les anglo-saxons appellent ça vraiment des combats de photographeurs. On est vraiment de ceux qui vont faire du combat. Déjà, moi, je ne fais pas beaucoup, ça. Je l'ai fait un tout petit peu, quoi.

  • Speaker #1

    Et les potes tu l'as fait, d'ailleurs tu as un gilet pare-balles, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Ça dépend des situations, alors à cette époque-là j'avais quasiment jamais bossé, j'ai fait toute la chute de Tripoli sans gilet pare-balles La Syrie c'était impossible d'avoir un gilet pare-balles, parce que pour rentrer dans cette ville assiégée on est rentré par un tunnel de 4 km de long qui est un tunnel d'évacuation d'eau, qui faisait 1m60 de haut, donc on était le strict minimum, donc on n'avait pas de gilet pare-balles C'est comment pour le matos du coup,

  • Speaker #1

    vous portiez tout pour l'eau ?

  • Speaker #0

    Matos, on n'a rien. On a un petit sac à dos. Une brosse à dents, un matos photo, un ordi, un caleçon et deux t-shirts. Je vous exagère, mais c'est quasiment ça. C'est un tunnel d'évacuation d'eau, mais il n'y avait pas d'eau, il y a juste un peu de boue. Un tunnel par lequel on a failli ressortir, on a essayé de ressortir le lendemain, enfin non, trois jours après.

  • Speaker #1

    Et du coup, si je reviens par exemple au PTSD, mĂŞme si on n'en a pas, tu fais comment ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quand tu dis qu'il y a potentiellement un risque, tu vois, parce qu'en fait, même si t'as pas que des zones de conflit très graves, etc. T'as des risques, en fait, quand tu voyages, j'imagine, un peu partout, quoi. Surtout quand t'es en contact avec des populations très pauvres, etc. Donc comment tu pars dans l'optique de dire que potentiellement, il peut t'arriver quelque chose ? Comment on se prépare à ça ?

  • Speaker #0

    Ah oui, évidemment, il faut. Mais il faut du coup tout faire pour qu'il se passe rien, quoi. Ça veut dire bien préparer, bien... comme bien bien se renseigner, travailler avec les bonnes personnes. Généralement, quand on travaille dans des coins comme ça, on travaille avec ce qu'on appelle un fixeur.

  • Speaker #1

    Je vais t'en parler. Justement, je ne connaissais pas cette expression. J'ai vu ça sur de tas d'interviews. Et donc, c'est quoi exactement un fixeur ?

  • Speaker #0

    Je pense que très souvent, c'est un journaliste local qui va nous servir un peu de... Alors, à la fois d'interprète, mais qui sert à préparer les rendez-vous, qui sert et qui va devenir... Avec qui on va avoir un travail très... très proche, quoi. Et ça, la qualité de cette personne... Tu fais beaucoup de choses. Par exemple, au Liban, j'en ai un super qui s'appelle Charbel, qui est devenu un vrai copain, qui a été mon élève il y a quelques années dans le cadre d'un stage avec la National Geographic Society en Côte d'Ivoire. Pourtant, lui, il est libanais. Mais lui par exemple il est excellent et je sais que quand il pense que c'est trop dangereux, je sais comprendre, si lui il dit que c'est trop dangereux, je lui fais confiance.

  • Speaker #1

    Comme un alpiniste avec son charpas j'imagine.

  • Speaker #0

    Ouais voilĂ , il y a ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Mais il faut avoir une confiance sur son fixeur, j'imagine ça doit être...

  • Speaker #0

    Bah ouais, c'est pour ça qu'il faut bien trouver les bons. Généralement on se les échange entre journalistes, donc on sait un peu qui est plutôt bon, qui semble carré. Mais tout ça, il faut les payer bien ces gens-là parce que ils risquent leur vie. Donc c'est du budget. Donc ça veut aussi dire que la sécurité, ça coûte cher en fait. Et ça, c'est un vrai souci parce qu'aujourd'hui, il y a très peu d'argent, de moins en moins d'argent dans la presse et dans le reportage en général. Et ça devient un vrai problème. Beaucoup de jeunes partent sans pouvoir justement se payer un bon fixeur qui va faire bien attention à eux.

  • Speaker #1

    Alors tu disais qu'il y a quelques dizaines d'années ou quelques années, justement, le process, ce que j'avais lu sur quand tu partais par exemple avec National Geography ou autre, c'était beaucoup plus long, il y avait beaucoup plus de budget, alors que maintenant il y a vraiment une rupture de budget, tu trouves, pour les médias ?

  • Speaker #0

    Oui, ça s'est énormément cassé la gueule, ça c'est sûr, parce qu'on le voit partout dans tous les médias, il y a de moins en moins d'argent. Alors le printemps de la suédoise graphique, c'était quelque chose de très particulier, parce que c'est quelque chose qui a toujours, sauf depuis quelques années, qui a toujours eu construit... qui s'est construit avec cette idée de faire les reportages avec les meilleurs budgets sur des longues périodes et c'était magique de bosser pour eux, vraiment génial. Mon premier reportage pour eux en Sibérie, je suis allé, j'ai fait deux séjours d'un mois. pour publier neuf photos à la fin. Donc, c'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    C'est incroyable.

  • Speaker #0

    Et au milieu de ces deux séjours d'un mois, on va à Washington, on fait un premier editing, c'est-à-dire un premier choix d'image, on discute et on repart sur le terrain avec toutes les critiques des équipes. Donc ça, c'était des budgets énormes. Malheureusement, ça s'est cassé la gueule.

  • Speaker #1

    Puis du coup, j'imagine que tu as plus de... C'est plus lent, donc toi, avec ton oeil de photo, tu as plus de temps pour avoir un travail qualitatif. J'imagine que tout va tellement vite maintenant que...

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    On va pas parler de bâcler le travail, mais t'as pas le même travail,

  • Speaker #0

    quoi. Non, non, c'est sûr, c'est sûr. On fait des reportages en quelques jours. Donc ça demande... Ouais, il y a moins de recul. Ouais, ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et du coup, sans parler, tu vois, de PTSD, on parlait de peur, etc. Mais juste cette notion de... Comment tu fais pour pas trop éponger ? sur une situation non dangereuse mais qui est dure sur les photographies que tu prends, comment tu fais toi pour garder de la distance entre quand tu prends en photo un sujet ?

  • Speaker #0

    Des fois on ne peut pas trop la garder la distance.

  • Speaker #1

    Tu vis avec.

  • Speaker #0

    Mais des fois il y a le fait d'être derrière l'appareil, ça crée cette espèce de distance. Alors il faut faire attention parce que ça peut être aussi un leurre. C'est bon, je suis protégé. Et puis, finalement, ce qu'on voit, par exemple, en Centrafrique, il y a un moment où je me suis retrouvé à photographier des miliciens dans un petit village où on nous avait dit, attention, c'est chaud là-bas, il se passait des trucs bizarres. Et je suis là, je les photographie, etc. Et puis, à un moment, je vois que par terre, il y a une tête. Et le mec, il m'a posé comme ça avec la crèche, je continue à faire les photos. Et je me dis, il faut les faire ces images, il faut les faire parce que c'est un témoignage qui peut servir vraiment, vraiment. Et d'ailleurs maintenant ces images ont servi dans un procès à la CPI récemment. Mais je fais ces images, et là je suis caché en photo, donc je pense que je continue comme ça en force, en disant il faut le faire, il faut le faire, c'est dégueulasse, c'est dégueulasse. Et là je pense que j'ai sûrement l'impression, en étant derrière l'appareil, que je suis relativement protégé. En fait, là, c'est un peu un leurre parce que l'image, tu la vois quand même. Et après, elle a été publiée, elle a été exposée, cette photo. Et après, maintenant, je ne veux plus la voir. C'est-à-dire qu'elle est sur mon ordinateur. Le fichier, il y a un tag rouge dessus parce que je sais que je ne veux pas l'ouvrir. Je ne veux pas revoir toute cette série où on voit le mec qui pose avec la tête, qui est malin comme ça et tout. Bref. Mais encore une fois, d'un point de vue témoignage et document, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Elle existe. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Alors, elle existe parce que le mec, il fait les malins devant moi. aussi bien, mais quand même, il le prend. Et il faut absolument que ce soit enregistré. Mais pour revenir à ce que tu disais, du coup la plupart du temps quand même il y a un peu ce côté on est derrière l'appareil donc du coup on a une certaine distance et en étant derrière l'appareil on peut aussi à des moments se dire, et c'est assez égoïste mais c'est important quand même c'est pas vraiment mon histoire moi je suis là pour leur raconter.

  • Speaker #1

    Donc tu prends vraiment de la distance avec ce que tu photographies.

  • Speaker #0

    Et c'est pour ça que je pense aussi en tout cas moi j'ai toujours eu besoin de faire comme ça je reste jamais trop longtemps dans un pays je reviens ici pour me rappeler que ma vie moi elle est... Avec ma famille, avec une stabilité relative, enfin en tout cas plus de stabilité, un confort aussi. Et après, je suis très content de retourner vite fait. Mais essayer de se rappeler qu'attention, c'est pas... Parce que je pense que ça arrive un peu chez des jeunes aujourd'hui, qui se mettent à fond comme ça dans leur sujet, qui partent vraiment habiter sur place. Ça peut être super d'habiter sur place, parce qu'on développe une expertise, etc. Mais qui du coup, je pense, sont trop... Ça devient trop leur propre histoire et ça, ça peut... déglinguer plus, ça peut être très profond. Moi, je pense, en tout cas, c'est comme ça que je me protège, que c'est important de me rappeler que ce n'est pas vraiment mon histoire. Je suis juste un témoin de ça, ponctuel.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport aux jeunes et moins jeunes qui veulent se former Ă  la photo, qu'est-ce que tu leur recommanderais en termes de...

  • Speaker #0

    Ben, peut-être vraiment passionné parce que sans passion, j'ai bien s'accroché parce que c'était dur quand moi j'ai commencé il y a 20 ans, je pense que c'est bien plus dur aujourd'hui. Principalement parce que voilà, il n'y a plus trop d'argent dans les médias, parce qu'il y a aussi une concurrence plus raide, parce que moi j'étais encore à une époque où c'était un peu, la grande majorité des photographes c'était quand même des occidentaux. Ça a vachement évolué, ce qui est plutôt une bonne chose. mais ça veut dire aussi plus de concurrence.

  • Speaker #1

    Avec les locaux sur place ?

  • Speaker #0

    Il y a des très bons photographes partout dans le monde. Il y avait sûrement des très bons photographes partout dans le monde avant, mais peut-être que c'était plus difficile pour eux de réussir à se connecter pour des médias. Il y a aussi que comme les médias ont moins d'argent, travailler avec un photographe local coûte moins cher, parce qu'on n'est pas obligé de lui payer un hôtel et un asian. Peut-être même qu'il n'a pas besoin de traducteur ou de fixeur, parce qu'il connaît bien le pays. Oui, c'est vrai. Et puis surtout, les journaux ont beaucoup moins d'argent. Il y a beaucoup moins de journaux qui sont en recherche d'un vrai regard particulier parce que la plupart des médias maintenant sont abonnés à l'AFP ou AP, etc. Ces gros mastodontes qui fournissent de l'information du monde entier tous les jours, etc. De très bonne qualité, mais qui va être moins personnalisée, moins plus générale sur la manière de traiter un conflit. Donc des médias qui vont vraiment vouloir continuer à travailler avec un photographe qui va développer un regard particulier, un angle particulier. Il y en a très peu dans ceux qui ont encore de l'argent.

  • Speaker #1

    Tu as bossé avec quels médias du coup ? Avec beaucoup de médias mais...

  • Speaker #0

    Alors ceux avec qui j'ai bossé vraiment assez régulièrement pendant une période de ma vie, ça a été Time un petit peu, qui était vraiment un super hebdomadaire américain. Qui est toujours un super hebdomadaire américain mais qui a beaucoup moins d'argent, en tout cas qui ne produit quasiment plus, qui n'envoie plus des photos à l'autre bout du monde. Mais je bossais un peu pour eux. La Centrafrique j'ai commencé pour eux d'ailleurs. Et puis surtout National Geographic pendant une dizaine d'années, là où j'ai réalisé pas mal de reportages pour eux. C'était super parce que quasiment à chaque fois des chouettes budgets avec des super photoéditeurs. Le photoéditeur c'est celui, c'est un peu la personne salariée de la rédaction avec qui on va bosser de manière très proche, avec qui on va regarder les photos ensemble, on va choisir les photos ensemble, etc. Il connait le projet depuis le début.

  • Speaker #1

    Et tu disais d'ailleurs que National Geographic, ça s'est adouci en termes de charte éditoriale depuis que ça a été arraché par Disney, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été arraché par Disney il y a quelques années. Et bon, malheureusement, Disney...

  • Speaker #1

    De ligne éditoriale.

  • Speaker #0

    Confond peut-être, à mon sens, divertissement et journalisme. Et c'est affreux parce que cette marque qu'est National Geographic, et notamment le magazine qui a été... qui s'est développé pendant plus de 130 ans, je crois que ça fait quasiment 140 ans que ça existe, qui a mis des décennies à construire cette espèce d'excellence photographique sur le long terme, avec les meilleurs photographes du monde, etc. Oui, donc ça a beaucoup changé, et maintenant ils veulent des sujets légers, sympas, surtout pas droits de l'homme, surtout pas des histoires sociales, comme moi je fais. Donc j'ai trop le profil pour eux. Ceci dit, j'ai beaucoup bossé. J'ai bossé pour eux récemment parce qu'ils ont fait un gros sujet au moment des JO sur la scène à Paris. J'ai fait la couverture qui est sortie dans plusieurs pays dans le monde sur là-dessus. Mais bon, ça, c'est vraiment un travail de commande. Ce n'est pas ce que je fais moi-même.

  • Speaker #1

    C'est la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Oui,

  • Speaker #0

    la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Il y a eu d'autres versions en fonction des pays qui ont été utilisées.

  • Speaker #1

    Et tu dis, effectivement, c'est les Américains qui voulaient absolument placer la tour Eiffel, qui avaient fait plein d'autres photos sur quel t'étais plus fier

  • Speaker #0

    Ce qui est marrant, c'est qu'au début... Elle est très belle,

  • Speaker #1

    avec la tournée.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais. C'est marrant, je l'ai faite vraiment tout à la fin. J'ai bossé des jours et des jours là-dessus. Parce qu'en plus, c'était l'année dernière, au printemps et dernière. Et je ne sais pas si vous vous souvenez, il y avait un temps pourri. Il flottait tout le temps. Il faisait 10 degrés. Je suis allé, j'ai loué un bateau. On a été sur la Seine. Il y avait des enfants, tout ça. je faisais des photos qui étaient chouettes mais ils étaient tous avec des écharpes pour une publication en juillet ça marchait pas trop Et donc j'ai vachement galéré et cette photo de la tour Eiffel je l'ai fait tout à la fin et en fait ce qui est marrant c'est qu'il me disait mais tu fais comme tu veux, ce qu'on veut c'est que ce soit Paris et tout. Et en fait comme tu veux dans le langage américain ça va un peu dire en fait ce serait bien qu'il y ait la tour Eiffel parce que pour plein d'étrangers et ça il faut aussi le comprendre, c'est une vingtaine d'années donc on a peut-être pas trop ce recul. L'emblème de Paris c'est quand même la Tour Eiffel. Moi je me disais, mais par exemple Orte, c'est un super beau bâtiment, sur la Seine le matin c'est très beau.

  • Speaker #1

    Ça parlera moins.

  • Speaker #0

    Plus lourd et je trouvais ça beaucoup plus beau. Bon. Il voulait la Tour Eiffel. Il voulait la Tour Eiffel. Ouais j'imagine. Mais bon, il faut les comprendre aussi. Ouais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Je te laisse choisir un deuxième badge sur cette partie-là.

  • Speaker #0

    Alors j'avais fait la méduse, je vais faire le... Tiens le rorqual. C'est un Roarquel ça non ? Ouais.

  • Speaker #1

    Salut William ! Alors je voulais te demander, est-ce qu'il y a des personnes qui t'ont marqué pendant tes missions, des personnes que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #0

    Bah oui, évidemment, il y en a plein, tout le temps. Je pense que je vais parler de là d'un reportage tout récent, parce que lui m'a bouleversé. Récemment, j'ai pas mal bossé au Liban, pendant toutes les périodes de guerre avec Israël, entre Hezbollah et Israël, et j'ai notamment fait une enquête. pour match, pour Paris Match, avec mon fixeur Charbel et un jeune journaliste qui s'appelle Arthur Saradin qui est brillant. Et on a fait une espèce d'anatomie d'une frappe, c'est-à-dire une frappe en particulier de l'armée israélienne qui était censée tuer un leader du Hezbollah qui n'a pas été du tout touché. On l'a vu un mois et demi après, il a apparu dans un meeting. Mais par contre, il y a eu 17 victimes civiles. Et sur ces 17 victimes civiles, aucune n'était vraiment liée au Sbola. Donc on a oublié de faire un peu une enquête sur les tirs aveugles comme ça qui... qui décime énormément de civils. Et on a passé une dizaine de jours à vraiment retracer toutes les histoires de toutes les familles impactées dans les immeubles à côté, etc. Et donc il y a cette famille en particulier qui nous a beaucoup touchés parce que l'histoire est assez folle. Donc ce sont des réfugiés syriens qui ont quitté la Syrie à cause de la guerre en Syrie. Donc c'est vraiment une autre guerre. Ils se sont retrouvés dans un des immeubles ici parce qu'on pouvait les héberger là. voilà et Quand le missile est arrivé, il a tapé vraiment à l'endroit où il logeait. Donc ils sont tous morts sauf un, c'est Wahid. Et Wahid en arabe ça veut dire le seul, l'unique, comme si son nom annonçait cette histoire. Il était coiffeur, un jeune coiffeur d'une vingtaine d'années. Il était, quand il est sorti de son travail, il a été prié comme le font la plupart des musulmans à la mosquée. Il n'est pas du tout un intégriste islamiste ou quoi que ce soit, mais la plupart des musulmans vont prier. Et quand il a appris ça, quand il est sorti de la mosquée et ils sont tous morts, sa petite soeur qu'il adorait, il nous a montré plein de photos, sa petite soeur, elle n'était même pas identifiable tellement son corps a été enregistré. Il a dû aller récupérer de l'ADN sur des cheveux pour qu'on puisse bien prouver que c'était elle, parce que sinon elle partait, elle n'avait même pas le droit à une sépulture. Il a vu son frère complètement décimé, sa mère... en morceaux, son père décédé, et maintenant il est tout seul, il vit tout seul. Et on l'a rencontré, je l'ai photographié à Beyrouth, où il était chez un cousin éloigné qui l'hébergait, dans un état de choc incroyable. Et il essayait de quitter le pays, d'aller à Londres, je crois que les UN, le HR, essayaient de l'aider à pouvoir avoir des papiers, parce que paradoxalement, l'une des seules choses qu'il a retrouvées dans les décombres, c'est son passeport. pour essayer du coup d'aller à Londres, où là il a de la famille un peu éloignée, mais qui pourrait l'héberger et essayer de recommencer une nouvelle vie. J'ai appris récemment qu'il est toujours à Beyrouth. Mais voilà, ce jeune qui a 20 ans, qui n'a rien à voir avec cette guerre, se retrouve du jour au lendemain dans une famille vraiment aimante. On a vu plein de photos, ils sont tous très proches, avec sa petite sœur, ils passaient leur temps à se faire des selfies, à se faire des câlins, etc. Une famille aimante, ouverte d'esprit, je pense, pas du tout... Pas du tout lié à cette guerre et qui a fui une première guerre en Syrie il y a quelques années. Et voilà, ce mec il se retrouve tout seul. C'est une histoire affreuse. Et on oublie dans tous ces bombardements massifs, parce que là les chiffres qui passent, ce qu'on voit à Gaza, on en est à plus de 50 000 morts, ça devient presque abstrait tous ces chiffres. Et donc avec ce reportage on voulait vraiment mettre le... Mais revenir sur des gens, en particulier sur des histoires bien précises, pour rappeler qu'il y a des humains derrière tous ces chiffres. Ça n'a pas changé grand-chose au déroulement de ce qui se passe là. Mais en tout cas, on a fait cette enquête et j'en suis assez fier. Ce n'est pas souvent que je suis fier d'un boulot. Et celui-là, j'étais vraiment fier qu'on l'ait fait et qu'on l'ait publié.

  • Speaker #1

    Et tu as ces coordonnées ? Tu restes en contact un peu avec...

  • Speaker #0

    Pas directement, parce que lui il ne parle pas du tout anglais, mais par Charbel, mon fixeur Huawei, il prend des nouvelles régulièrement. Et ces temps-ci, j'essaie de trouver un peu de financement pour essayer de continuer à travailler sur tous ces personnages qu'on a suivis, et voir sur le long terme comment ils se reconstruisent derrière. J'aimerais bien essayer de travailler là-dessus. Donc je garde un peu le contact.

  • Speaker #1

    Et notamment, je pense aux jeunes filles philippines, est-ce que tu as du découvert ?

  • Speaker #0

    Non, il y a trop longtemps, c'était des enfants. Et Laurence qui avait monté cette association, pendant très longtemps on est resté en contact, j'étais resté aussi en contact avec sa famille je me souviens. Là on ne s'est plus parlé depuis assez longtemps. Ça remonte à plus de 20 ans ça. Ouais ouais. Mais il y en a, il y a plein de reportages où on reste en contact avec des gens, ouais ouais très souvent. Après je fais beaucoup de reportages en plein de pays différents donc...

  • Speaker #1

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Donc il n'y a pas tout le temps...

  • Speaker #1

    T'as des enfants d'ailleurs ? Non. Ok. Et t'en aurais voulu ou...

  • Speaker #0

    c'est une grande question j'aime beaucoup les enfants j'adore la présence des enfants j'ai une famille nombreuse après je sais pas si je serais bien m'en occuper je suis pas sûr de bien m'occuper moi-même je sais pas si j'arriverais bien à gérer sa responsabilité donc je sais pas je suis pas si vieux que ça justement si t'en aurais voulu je te parle au passé on verra ce qu'il se passe sur les prochaines années Je sais pas si c'est bien culpable ce que je veux faire mais mon ex compagne était aussi photographe et reporter et elle voyageait beaucoup, elle avait deux petites filles que j'ai participé à élever beaucoup. Bon, ça marchait, elles sont sorties donc je pense que c'est faisable.

  • Speaker #1

    Génial, on va descendre dans le dernier mode, le troisième niveau.

  • Speaker #0

    Le super dive.

  • Speaker #1

    Le super dive. Donc lĂ , quatre badges, je te laisse choisir un des badges.

  • Speaker #0

    Bah tiens les deux, on parlait d'enfants, il y a un… Est-ce que tu as déjà regretté de partir en mission ? Bah oui, évidemment, sur l'histoire de la série, oui. Ouais, j'imagine c'est sûr. Le série, quand je sens qu'on va y passer, qu'il n'y a pas d'issue et qu'on est là… Parce qu'il y a quelques jours, on est enfermé dans un immeuble. On est enfermé dans un petit appartement où on se cache et on sait que l'armée de Bachar el-Assad sait qu'on est là et qu'ils vont nous tirer dessus. Et ça tient parce que les rebelles qui nous ont... À cette époque-là, c'est l'armée syrienne libre. Donc voilà ce tout début de la guerre. Ce n'est pas du tout des islamistes, c'est des gens qui veulent de la démocratie, etc. Après, ça a pris une autre proportion, une autre direction. Et on sait que ceux-là qui veulent nous protéger nous mettent dans un appartement où il y a plusieurs étages au-dessus et même les immeubles autour sont très collés quasiment pour justement qu'on soit protégé. Mais il y a des missiles qui vont atterrir sur notre toit, qui nous cherchent. Et là où je sais qu'il y a eu des vrais moments de doute et d'inquiétude et de me dire « merde, on va y passer » . Et dans ces moments, surtout aussi au tout début... D'ailleurs, il y a un moment pire que ça, en fait. C'est au tout début, juste après l'explosion. Je crois que je suis tout seul parce que l'autre photographe, l'autre journaliste, pardon, qui a été indemne, on l'a revu que le soir. Il a disparu. C'est bizarre, on n'a pas compris ce qui s'était passé. Et donc, pendant plusieurs heures, je crois que je suis le seul indemne, en fait, de tout le groupe. Donc, je suis avec deux morts, deux blessés graves et moi tout seul indemne. Alors, plein de Syriens qui nous aident. Attention, on n'est pas que nous tous seuls. Mais quand même, je crois que de notre groupe, je suis le seul à l'aimé. Je me dis mais comment je vais faire ? Je suis dans une période de doute énorme, d'inquiétude. Je me souviens même qu'au moment où je pleure un peu assis comme un con dans cette clinique, c'est un Syrien qui vient me voir et qui me dit « non mais qu'est-ce que tu fais ? » Et j'ai presque eu honte de pleurer. Je me suis dit « putain, mais je pleure sur mon sort alors qu'ils sont 100 fois pire en fait. » Alors que nous, on a décidé de venir là en plus. Mais il y a un moment là où j'ai un espèce de rejet de mes appareils, de ce truc, et je me dis que c'est à cause de ça, c'est à cause de ces putains de photos qu'on en est là, ça fait chier, ça n'a aucun sens, etc. Ça n'a pas duré hyper longtemps, ça a duré jusqu'au lendemain, je crois. C'est un Syrien qui m'a dit « il faut que tu viennes faire des photos à la clinique, là, il y a un bébé qui vient d'arriver, il est tout entaillé là, il a reçu un éclat d'obus, il faut montrer ça » . Et j'y vais presque parce que je n'ose pas lui dire non. Et en fait là-bas je reprends le truc, je me dis mais oui il faut photographier ça. Et heureusement ça m'a remis un peu dans un mode de mission, de travail et de retrouver un peu de sens à notre présence ici. Et j'ai fait ces photos, et d'ailleurs il y a une photo de ce gosse qui a été publiée après dans Time quand on a réussi à sortir, deux semaines après. Mais si le mec n'était pas venu me chercher, je ne sais pas si j'aurais ressorti mes appareils aussi facilement. Je ne voulais pas, je ne voulais même pas les toucher, il y avait un espèce de rejet. C'est là que je suis pas très pro parce que l'autre journaliste, lui, il était déjà en train d'écrire, en train de trouver internet pour essayer d'envoyer ses papiers et tout. Il était beaucoup plus pro que moi.

  • Speaker #1

    Mais ça doit être tellement dur de ne pas éponger, tu vois, même ces images, tu vois, de bébés entaillés, etc. Tu fais comment ? Tu arrives à faire un genre un reset, tu vois ?

  • Speaker #0

    Non, tu fais pas un reset, mais tu te mets dans le mode proactif de... de travail quoi.

  • Speaker #1

    T'es dans l'action tout le temps en fait ? C'est pas qu'ils te permettent de...

  • Speaker #0

    Bon bah ça tac, il faut que j'en fasse une photo, il faut que j'en fasse une photo bien, que je l'envoie, etc.

  • Speaker #1

    Et quand t'es pas dans l'action justement ? T'arrives Ă ...

  • Speaker #0

    Bah quand on est pas dans l'action, on boit un coup, ou on rigole un peu avec les copains, ou... Mais souvent c'est des reportages qui se font où on est précisément tout le temps dans l'action quoi. On est à fond, à fond, à fond, à fond, et... Finalement c'est quand tu montes dans l'avion et que tu reviens, ou que t'arrives à Paris que... descend un peu ça va pas tout de suite d'ailleurs

  • Speaker #1

    Et tu as des trucs à toi ? Est-ce que tu fais un peu des trucs de méditation, de sophrologie, de sport ?

  • Speaker #0

    Méditation un tout petit peu pour des fois faire redescendre un peu les émotions. J'ai appris un peu des exercices de respiration. Je m'en sers de temps en temps. Après, je fais pas mal de sport. Pas autant que j'aimerais d'ailleurs. Donc le snow, tu parles. Le snowboard, j'essaie d'aller assez régulièrement en hiver évidemment, en été un peu de kitesurf, même si j'ai pas pu en faire récemment. Mais tout ça, ça me fait vachement de bien. J'ai passé 5 jours à la montagne à faire beaucoup de snowboard, j'ai des très bonnes conditions il y a 2 semaines. Voilà, ça me fait beaucoup de bien. Après ça peut m'arriver en reportage de même faire un peu de sport, même si c'est pas tout le temps simple. Mais des fois quand on est dans un bon hôtel, dans une capitale, il y a une salle de sport. Tu vas courir une demi-heure, ça fait du bien. Voilà, mais ouais, méditation, c'est pas mal aussi, ça marche bien.

  • Speaker #1

    Et tu penses, si t'avais des enfants, t'aurais fait toutes ces missions, justement, ou pas ? Ou tu crois que tu te serais dit...

  • Speaker #0

    Ce serait sûrement devenu un prétexte conscient, ou conscient pour dire, bah non, je vais pas assez loin. Est-ce que ce serait vraiment pour eux, ou est-ce que ce serait parce que ça me donne l'occasion ? de me limiter, je ne sais pas. Mais oui, ça aurait sûrement changé les choses. Je ne sais pas. Mon ex-compagne, j'ai déjà parlé. Je ne pense pas que ça l'ait limitée de quoi que ce soit. Elle est beaucoup plus têt brûlée que moi.

  • Speaker #1

    Ok, je te laisse choisir un dernier badge.

  • Speaker #0

    Alors, on a fait celui-lĂ  et celui-lĂ . Tiens, le petit et la baleine.

  • Speaker #1

    Je te laisse lire la question.

  • Speaker #0

    Tu as déjà été censuré ou empêché de raconter une histoire durant une de tes missions ? Bah oui, ça arrive tout le temps. Parce qu'évidemment, il y a des gens qui n'ont pas envie qu'on raconte ces histoires-là.

  • Speaker #1

    Ouais, j'imagine.

  • Speaker #0

    Peut-être encore plus aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les gens ont très très peur de l'impact d'une information qui sort. Et quand j'ai travaillé sur ces communautés apatrides, donc l'Expo qu'il y a en ce moment à Paris, il y a un des pays où j'ai beaucoup bossé, c'est en République dominicaine. Il y a une histoire assez forte là-bas. Il y a énormément de migrants haïtiens, dont certains sont là depuis vraiment plusieurs générations, qui avaient la nationalité dominicaine, mais il y a un tel racisme contre eux que la Cour suprême a enlevé la citoyenneté à 133 000 Dominicains d'origine haïtienne, ça c'était il y a une dizaine d'années, en 2013. Et ça a fait un tollé international énorme. Du coup, ils ont redonné la nationalité à une partie, mais il y en a toujours la moitié qui se sont trouvés complètement apatrides. C'est-à-dire que les autorités dominicaines ont dit « mais non, vous n'êtes pas dominicain, vous êtes haïtien » , sauf qu'ils sont là depuis plusieurs générations, donc ils avaient la nationalité dominicaine.

  • Speaker #1

    Donc on retire la nationalité, on leur retire la nationalité,

  • Speaker #0

    et eux leur disent « vous êtes haïtien » , sauf qu'ils disent « mais nous, on ne les connaît même pas, ça fait des générations qu'ils ne sont pas de notre pays » . Donc ils se retrouvent ni reconnus par Haïti, ni reconnus par la République Dominicaine.

  • Speaker #1

    Et ils font comment du coup ?

  • Speaker #0

    Ils peuvent voyager. Les brigadiers sont considérés comme des clandestins et ils peuvent être rattrapés et expulsés en Haïti. Mais Haïti dit, mais nous on ne les connaît pas. Et puis ils n'ont pas de vie à Haïti, leur vie est en République Dominicaine. Et donc j'ai travaillé un peu sur ce sujet-là. Et on a été beaucoup dans les bâtés. Les bâtés ce sont les villages de gens qui travaillent dans la canastrique. parce que... La raison pour laquelle il y a tant d'haïtiens, c'est parce que l'Haïti est très très pauvre et la République Dominicaine est beaucoup plus développée. Donc il y a toujours eu beaucoup d'haïtiens qui allaient travailler en République Dominicaine. Il y a toute une époque où la République Dominicaine faisait venir des haïtiens pour travailler dans les champs de canne à sucre. La grande économie principale de la République Dominicaine, il y a le tourisme, mais c'est aussi la canne à sucre. C'est-à-dire que le pays entier est recouvert de champs de canne à sucre. Et tous les gens qui travaillent dans les champs, c'est des travailleurs très très durs, très mal payés, ce ne sont que des Haïtiens, ou des descendants d'Haïtiens. Et donc on a été beaucoup dans ces champs, qui sont des champs privés, qui appartiennent à de très grandes compagnies, notamment une qui s'appelle Central Romana, et... Donc ces gens sont logés dans ce qui s'appelle des bâtés et ces villages sont... C'est frappant. On a l'impression d'être au 19e siècle dans le sud des Etats-Unis. Vraiment, c'est une autre époque. C'est des villages déglingués, des états affreux, où il n'y a souvent même pas d'accès à l'eau, parfois pas d'électricité, il n'y a pas de latrine, elles sont une toilette, ou alors embouchées. C'est vraiment des conditions de misère. Et tous ces gens sont logés par les entreprises qui emploient... qui les emploie pour travailler dans les champs de canne et sucre. Donc évidemment, on a été travailler dans ces villages. Je suis allé dans plusieurs de ces bâtés. Et il y a un jour, un bâté où on avait déjà bossé, photographié pas mal de gens et tout, et on me dit, il ne faut pas que vous restiez là. Et qu'est-ce qui se passe ? Et bien, il y a un homme de l'entreprise, Central Romana, qui est venu nous menacer, qui m'a dit que si on continue à vous parler, on allait avoir des problèmes. Donc là, on est super inquiets parce qu'on dit, qu'est-ce qu'on fait ? Si on continue notre reportage, on peut les mettre dans la merde. mais en même temps il faut aussi raconter ce qui se passe donc il faut essayer de trouver le... la bonne manière de continuer à avancer. Et on a été dans un autre bâté, puis après il y a un mec élu de la compagnie qui a voulu nous dire, vous n'avez pas le droit, c'est privé, il ne faut pas rester là, etc. L'année suivante, mon fixeur, qui était lui un Dominicain d'origine haïtienne, qui lui avait la nationalité dominicaine assez facilement, lui il a fait des études et tout, il avait tout ce qu'il fallait comme papier, etc. Il a été menacé de mort, sa famille a été menacée de mort.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ok.

  • Speaker #0

    Et l'entreprise, cette entreprise-là, la centrale Romana, elle est depuis fichée par les Etats-Unis comme ne respectant pas certaines règles. Donc du coup, le sucre qui vient de cette entreprise n'a pas le droit d'aller aux Etats-Unis, par exemple. Donc c'est quand même très très grave ce qui se passe. Donc là, c'est typique, un reportage où il faut raconter ce qui se passe, mais on se retrouve menacé ou on veut nous faire taire. Moi encore, j'ai de la chance, je suis français, donc je ne pense pas que les mecs vont s'attaquer à moi. C'est pour ça qu'ils ont menacé le fixeur.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment pour jauger justement entre ce que tu peux faire, pas faire ?

  • Speaker #0

    Alors après, ce qu'on a fait, c'est quand on nous a dit que ça pouvait, on a pu mettre les pieds. Parce que c'est vrai que c'est des endroits privés. En fait, au début, les gens ne nous ont pas vus. Je suis même allé photographier un moment, un contre-maître. J'ai une image d'ailleurs dans l'expo. C'est un contre-maître de cette entreprise qui est en train de travailler. Et je crois qu'il a cru que j'étais un touriste. J'ai vu qu'il me faisait faire des photos. Je suis allé carrément dans le champ avec lui.

  • Speaker #1

    Tu es passé pour des...

  • Speaker #0

    pour un touriste j'ai rien dit je suis arrivé j'ai pris ma photo il trouvait ça rigolo il a rien dit je pense que j'ai une tête de touriste qui a pas compris en plus je bosse au Laïka donc c'est des petits appareils assez compliqués c'est vrai qu'ils savent pas que t'es photographe moi j'ai pas été mentir non plus c'est sûr mais donc là on a pas évidemment continué dans le village parce qu'on veut pas surtout pas que les gens aient des problèmes et après ce que j'ai fait c'est que les images qui ont été sélectionnées que j'ai publiées, diffusées, etc. J'ai bien fait en sorte que déjà les noms, on a changé les noms, on ne donne pas quel est le bâtet, donc c'est quasiment impossible de retrouver qui est la personne photographiée. Si quelqu'un le veut absolument, il peut, mais il faut vraiment, c'est vraiment très compliqué. Des bâtets, il y en a des centaines. L'histoire, c'est une histoire typique de plein plein de gens. Donc voilà, il faut essayer de protéger un maximum et quand même sortir cette information qui est quand même très très importante à raconter.

  • Speaker #1

    et d'ailleurs justement avec ton en étant photographe tarif basse tu es vraiment en contact de la population, comment ils t'accueillent généralement ? Est-ce qu'il y a des gens qui ne veulent pas être pris en photo ? Comment ça se passe un peu ?

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, de plus en plus. Il y a des gens qui ont peur, ça c'est aussi à cause des réseaux sociaux, je pense. De plus en plus de gens qui ne veulent pas être pris en photo. Ça dépend énormément des cultures et des endroits. Un des endroits, paradoxalement, le plus dur, c'est de bosser, c'est en France. Ah ouais, vraiment ? Hyper dur, c'est hyper galère de bosser en France. Tu fais des photos dans la rue, en banlieue par exemple, tu vas te faire sauter dessus, tu fais machin, etc. Il y a plein d'endroits dans le monde où c'est facile, en Afghanistan, c'est facile de faire des photos.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est fou.

  • Speaker #0

    Donc ça dépend vraiment des endroits. Il y a des gens qui ont envie de partager leur histoire, il y a des gens qui ont très peur, il y a des gens... En Afrique, des fois c'est très facile, des fois c'est très très dur. C'est plus dur maintenant, en plus, quand on est un blanc, parce que je pense qu'il y a de plus en plus cette idée du blanc, surtout dans les ex-colonies françaises. Bon, ça peut vraiment se comprendre. Il y a cette idée que le blanc... continuent à exploiter l'africain, je comprends complètement cette idée. Mais sur l'histoire de la Centrafrique par exemple, c'était marrant au début, c'était assez facile de bosser d'un côté, puis après c'était facile aussi de bosser de l'autre. Puis un jour ils se sont aperçus qu'on publiait tout ça, là c'est devenu beaucoup plus dur. mais voilà je sais pas en asie par exemple c'est assez facile de bosser j'aime beaucoup bosser en asie puisque les gens sont très ouverts à l'image et comment tu as vécu toi justement ce changement des réseaux sociaux de la rapidité de l'information par

  • Speaker #1

    rapport à ton métier ?

  • Speaker #0

    bah c'est pas je suis pas sûr que ce soit une si bonne chose quoi parce que c'est devenu la source d'information numéro un pour plein de gens, alors que la source d'information numéro un, ça doit être fait par des professionnels, des médias reconnus avec une expertise, avec des moyens, avec une ligne éditoriale. Et donc maintenant, tout le monde se considère en capacité de relayer une information, mais sans la vérifier, sans la mesurer,

  • Speaker #1

    sans l'analyser. puis t'as le problème de l'IA, on va en parler après mais...

  • Speaker #0

    le problème de lire de l'intelligence artificielle justement alors il ya en plus il ya ça qui va arriver enfin qui arrive on a des clés les vraies photos des vêtements complètement bon avant on pouvait déjà trafiqué les images sous photoshop donc l'idée de la véracité d'une image elle est c'était déjà c'était déjà une vraie question mais non ce qui est ce qui est très ce qui est très dur aussi pour nous c'est que nous pour plein de gens on est on est associé à n'importe quel on pourrait être un associé à un influenceur on est associé à n'importe quelle personne qui se retrouve sur les réseaux sociaux on est la même chose un média ça devenait un média les réseaux sociaux c'est la même chose pour plein de gens alors que non c'est pas du tout la même chose mais je perds en métier perd un peu en valeur peu peur de perdre en crédibilité on peut nous prendre pour des et jusqu'à il n'y a pas longtemps il y avait ce fin il ya toujours ça mais c'est pas mal de pouvoir dire attention moi je travaille pour une graphique ou le monde ou qui peut peut-être nous aider à nous créditer. un peu plus mais le mais pour plein de gens le bout du monde ne mange rien ils sont pas ils voient juste gère maintenant tout le monde a un smartphone il voit juste sur leur smartphone la média c'est la même chose que quelque chose sur facebook sur un tic toc donc ça devient plus dur je pense de convaincre les gens de l'importance de ce qu'on se fait de mon fait et du professionnel avec lequel on on le fait. Et en même temps, nous, on a eu besoin aussi, on a utilisé aussi ces réseaux sociaux pour parler de notre travail, pour pouvoir, surtout quand on est indépendant, clipuser les photographes, on a besoin aussi de continuer. Alors, moins maintenant, parce que ça a perdu vachement ces temps-ci, mais depuis qu'il y a le nouvel algorithme, mais pendant... quelques années instagram c'était très important pour moi il fallait vraiment que je le mets bien sûr c'était une manière aussi de continuer à travailler d'avoir du boulot et de montrer que je continue à produire et c'est donc c'est aussi c'est tout ça c'est compliqué peut-être qu'on aurait dû nous refuser dès le début de jamais touché aux réseaux sociaux je sais pas pour justement qu'il ya une

  • Speaker #1

    frontière plus clair et justement par rapport à l'intelligence artificielle ou il ya un vrai changement par rapport à ça j'ai vu que je crois qu'il y avait ils ont réussi à faker le fait une photo qui a été gagné un prix mais qui était fait par une il ya tant pense quoi tout ça il y en a eu plusieurs qui m'ont fait

  • Speaker #0

    Ce qui est bien, c'est que ceux qui l'ont fait, ils ont avoué très vite l'avoir fait parce qu'ils avaient envie de faire un coup et de montrer l'attention. Donc ça, c'est plutôt pas mal. Mais ça veut dire qu'il y en a sûrement plein qui se sont passés à travers les gouttes. Donc oui, ça, c'est très inquiétant. C'est très inquiétant, mais il va y avoir aussi vite des outils qui vont sûrement, j'espère, pouvoir identifier et dire attention, là, non, ce n'est pas possible. Il y a des appareils maintenant qui commencent à sortir des trucs sur lesquels il y a une espèce de tag dans le fichier où on peut savoir que ça va sûrement aussi pouvoir se bricoler. Je ne sais pas. je pense que le pire est à venir. Pour l'instant, je pense qu'on est encore relativement épargné ou protégé, on va dire, mais il faut rester super vigilant pour la suite. Après, il y a un autre truc, une histoire de vraie hauteur, c'est que l'IA, elle s'appuie sur quelles images pour pouvoir créer des trucs. Elle s'appuie sur les images de tout le monde. Les professions. de change et donc nous on se fait aussi piller en quelque sorte nos créations donc ça c'est un autre problème donc non en tout cas ça pose plein de questions et pas d'inquiétude plein d'inquiétude lia génératif dans l'image à l'avenir et l'information avoir

  • Speaker #1

    et et pour finir du coup on en a un peu parlé tout à l'heure mais juste pour une personne du coup qui veut être photographe dans le jeu visuel peu importe vidéo photo Qu'est-ce que tu lui conseilles ? J'avais vu sur une de tes interviews, je crois que tu parlais de bouffer de l'image, d'aller dans des expos, de regarder le plus de photos possible. Je ne sais pas, est-ce que tu as un tips pour se transformer à la photo ?

  • Speaker #0

    Il faut se cultiver énormément. C'est vraiment quelque chose qui se cultive, je pense, l'image, comme toute... comme toute compétence. Et donc, il faut en voir beaucoup. La chance qu'on a, si on s'adresse à un Français, un Occidental, c'est qu'ici, à Paris, c'est sûrement un des meilleurs endroits au monde pour voir des expos photos. On a des super musées, on a des vrais beaux lieux d'exposition. on a de très beaux festivals Donc il faut voir beaucoup d'images, s'ouvrir l'esprit, sortir des sentiers battus, voir des travaux d'auteurs. C'est vraiment important. C'est une des premières choses que je dis dans les formations que j'anime avec Well Dungeon. Depuis l'année dernière, on a monté une formation spécifiquement pour les photographes documentaires qui est étalée sur plusieurs mois. On accompagne des jeunes photographes, ou moins jeunes d'ailleurs, sur un projet particulier. c'est vraiment la partie des choses chose est plus importante, je pense que c'est se cultiver l'œil. Et ça, se cultiver l'œil, il faut se noyer, s'abreuver, être ivre d'images, photos, mais aussi cinéma. Moi, je vais énormément au cinéma, je suis un fan de cinéma. Ou pas spécialement au cinéma, même sur son ordinateur. Donc ça, c'est vraiment important. C'est développer sa sensibilité aussi, parce que finalement, c'est surtout ça, je pense. Avec le recul, c'est pas beaucoup de technique, c'est de la sensibilité. C'est de la sensibilité.

  • Speaker #1

    Et comment tu la développes justement ?

  • Speaker #0

    Et bah par le biais de plein d'autres arts. Moi je suis sûr que ça m'a fait vachement de bien. J'ai fait beaucoup de musique quand j'étais gamin, un peu poussé par mes parents. J'ai fait pas mal de sport, je suis persuadé que tout ça, ça aide. Et je pense qu'il y a un truc aussi que moi j'ai trouvé un peu tout seul, c'est d'accepter une certaine sensibilité. Ma génération, je pense que c'était plus délicat d'accepter une sorte de sensibilité, peut-être un petit peu plus exceptionnelle. alors qu'au début de ma carrière je me demande si j'étais pas complexé d'une sorte de sensibilité mais ça c'est chose qui évolue aussi c'est sûr parce que chez les nouvelles générations il ya un peu plus carrément d'acceptance de ça moi je venais aussi d'un milieu enfin de famille de mec quatre garçons quatre frères donc c'est un truc de je pense que d'accepter aussi un peu sa civilité de comprendre que c'est une force et une puissance et qu'il faut l'utiliser et de le développer et que c'est un super outil Je pense que c'est un des points principaux, c'est un point super important dans la construction de tout, pas spécialement d'un photographe, de toute façon dans tout, artistes ou journalistes, tous ceux, et même dans un métier peut-être plus classique, je pense que c'est une force énorme la sensibilité. Donc ça, ça fait partie des choses à mon avis importantes, et puis bouffer de l'image, et puis ne pas avoir peur de continuer, parce que c'est long c'est des métiers où c'est très très long de percer c'est très très ça peut être facilement décourageant mais c'est la passion qui fait avancer et que donc il faut il faut il faut continuer un peu comme des mules quoi ouais où c'est poussé poussé et puis à des choses construites il ya des choses qui est pire à des moments qui ce qui vont s'ouvrir après ça se referme voilà ça fait comme 20 à 25 ans c'est une période où ça marche un peu moins bien donc on n'est jamais à l'abri mais c'est pas grave justement il faut un gros C'était une manière aussi de se renouveler, de développer son regard, etc. Oui, carrément. Donc, c'est aussi ça qui est passionnant. Ce n'est pas très sécurisant, mais c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Ok, génial. Du coup, pour rappeler, tu as une exposition. Rappelle jusqu'à quand ?

  • Speaker #0

    Exposition jusqu'au 28 juin à la Galerie Fête et Cause, donc rue Quincampoix, à deux minutes à pied de Beaubourg. Et c'est une petite galerie très chouette, très engagée, qui depuis 1997 je crois expose des travaux sur de la photographie sociale, sur des thématiques assez engagées comme les droits de l'homme. Et là, cette exposition, c'est sur les apatrides, donc des communautés apatrides que j'ai photographiées dans six pays à travers le monde.

  • Speaker #1

    Ok, génial. En tout cas, merci beaucoup William, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci de l'invitation.

  • Speaker #1

    Et on sent que tu es photographe parce que ça va être intéressant pour les gens qui n'ont pas d'image et qui écoutent justement sur les plateformes de streaming. Et justement, je rappelle qu'on est disponible sur toutes les plateformes de streaming, Spotify, etc. et que juste avec je trouve comment tu parles des choses on va en fait tu m'a fait voyager et visuellement on s'imagine on a je trouve que j'ai on est j'ai énormément voyagé là avec ce que tu as dit et visuellement s'imaginer plein de choses c'était franchement c'était passionnant merci beaucoup merci

  • Speaker #0

    je suis ravi que ça t'ait fait voyager ouais je crois que c'est sûrement ça qu'on aime aussi comme les photographes c'est de faire voyager l'autre ouais voilà ouais ouais Faire passer des choses, quoi. Faire passer des ressentis, des émotions, des idées,

  • Speaker #1

    des trucs. Carrément. Carrément, merci beaucoup, à bientôt, salut William Merci de nous avoir écouté, retrouvez Le Deep Dive tous les jeudis sur notre chaîne YouTube Et sur les plateformes d'écoute Spotify, Deezer Apple Podcasts et Amazon Music Pensez à vous abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes D'ici là, prenez soin de vous et à la prochaine

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Explication du concept

    15:18

  • 1er badge: Exposition Ă  Bruxelles, Festival des LibertĂ©s 2024

    15:48

  • 2e badge: Centrafrique 2014, photos prises au cĹ“ur du conflit

    21:24

  • Mode Deep Dive : l’immersion

    25:30

  • 1er badge: Syrie 2012, mission la plus dure psychologiquement de sa carrière

    25:40

  • 2ᵉ badge : Personnes qui l’ont marquĂ©e durant ses missions.

    49:05

  • Les abysses : 1er badge : A-t-il dĂ©jĂ  regrettĂ© d’être parti en mission ?

    55:23

  • Les abysses : 2° badge : Censure pendant l'une de ses missions

    01:01:05

  • Conclusion

    01:12:58

Description

Bienvenue dans ce deuxième épisode du Deep Dive, où l’on plonge avec William Daniels, photographe documentaire qui parcourt les zones de conflit pour donner une voix à ceux que l’on n’entend pas.

Des Philippines à la Syrie, de la Centrafrique au Liban, il a passé plus de 20 ans à documenter l’humanité dans ses zones les plus fragiles : Apatrides, conflits, identités effacées …

Parce que parfois, une image vaut mille mots, William partage ici les coulisses de ses missions, les visages qu’il n’oubliera jamais, les souvenirs qu’il porte encore.


Un récit puissant, entre mémoire, engagement et humanité.


Merci Wiliam 📸


🔗 Retrouvez William sur :

  • Insta : @williamodaniels

  • Facebook : William Daniels

  • Site de William Daniels : https://williamdaniels.net

  • Retrouve l’exposition "Apatride" de William Daniels, Ă  dĂ©couvrir du 30 avril au 28 juin 2025, du mercredi au samedi de 13h30 Ă  18h30, Ă  la galerie FAIT & CAUSE – 58 rue Quincampoix, 75004 Paris.


📩 Nos réseaux & contact :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux Ă  ce moment-lĂ . On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, dans un nouvel épisode du Deep Dive, on plonge avec William Daniels, photographe documentaire de terrain engagé, double lauréat du World Press Photo. Récompensé par le Visador Humanitaire, les bourses Tim et Tarrington et Getty Images, de la Centrafrique au Kirghizstan, des hôpitaux confrontés au paludisme, au camp de réfugiés apatrides, il choisit de regarder et de photographier là où d'autres détournent les yeux. Ensemble, on va descendre dans les profondeurs d'un métier où chaque image est prise entre vérité, risque et respect de l'humain. Bienvenue dans le Deep Dive William, je suis ravi de t'accueillir.

  • Speaker #0

    Merci, je suis ravi d'ĂŞtre lĂ , merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Du coup, tu rajouterais des choses par rapport à ton intro ? Je vais bien résumer un peu. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas mal. C'est pas mal. Ouais, ça raconte un peu ce que j'ai fait sur une quinzaine d'années.

  • Speaker #1

    On dit photographe documentaire, d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Bon, ça, c'est un peu des détails. Moi, je me définis souvent comme photographe documentaire. On pourrait dire photojournaliste. Mais souvent, en France, le mot photojournaliste est un peu... Un peu galvaudé, je trouve. Il sous-entend qu'on travaille pour la presse. Et aujourd'hui, c'est des métiers qui ont énormément changé à cause de l'évolution de la presse. Les problèmes financiers, on ne se finance pas que par la presse. Donc, je préfère dire documentaire parce que du coup, c'est un spectre un petit peu plus large. Mais ça marche. C'est le réel, en tout cas. Je raconte le réel.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu fais ça depuis 20 ans ?

  • Speaker #0

    Un peu près.

  • Speaker #1

    Tu peux me raconter un petit peu, nous raconter comment tu es arrivé à ça ? Parce que je crois que tu as fait des études scientifiques. pour commencer ?

  • Speaker #0

    Oui. Ce ne sont pas des grandes études. J'ai fait un DUT de génie thermique et énergie parce que je venais d'un bac scientifique et que je ne savais pas trop quoi faire et que j'avais un profil plutôt mateux mais je n'avais pas du tout envie de faire d'études. Je n'avais pas envie de voyager énormément. Donc, je m'étais rabattu sur ce format d'un DUT en me disant que ce n'est que deux années. Au moins, ça me donne un vrai diplôme. Si jamais je me réveille pendant ces deux ans-là à vouloir faire des études un peu plus poussées, je pourrais peut-être les rattraper, sinon au moins si je tiens ces deux ans, j'ai quand même un diplôme. J'ai eu ce diplôme en étant très malheureux pendant ces deux ans. Tu faisais déjà de la photo ? C'est venu un peu à ce moment-là, justement par une espèce de frustration de faire des choses trop techniques et qui ne me semblaient pas assez humaines et qui me semblaient loin de ce qui me faisait un peu rêver, c'est-à-dire des expériences, des aventures, des choses un peu plus originales. Et je me suis mis, c'était en banlieue parisienne, et je me suis mis à faire pas mal de photos à ce moment-là, la nuit, le soir, je me souviens j'allais photographier la défense des fois, des choses comme ça. Et je pense que c'est arrivé pour combler ce manque un peu. Et puis après ces études, je suis parti. Enfin, j'ai fini ces études en Guadeloupe. J'ai fait le stage en Guadeloupe et je m'étais arrangé pour ne pas avoir à rentrer. Et pourquoi la Guadeloupe ? Parce que c'est un endroit très bien placé si on veut voyager. Parce qu'une fois que j'ai fini ce stage, j'ai bossé quelques mois dans un magasin photo. Presque par hasard, j'ai trouvé ce boulot dans un magasin photo. Donc c'était... Il y avait peut-être un petit message. Tu penses que c'est ça qui a... Non, mais en tout cas, ça tombait très bien. J'ai bossé 4 mois, le temps de gagner un peu de sous. Au bout de ces 4 mois, je suis parti faire un voyage de 5 mois en bateau stop. J'ai descendu toutes les Caraïbes en bateau stop. C'est ce que j'avais vu. Comment ça s'est passé,

  • Speaker #1

    le bateau stop ?

  • Speaker #0

    À cette époque-là, je pense que c'est toujours le cas. C'était assez facile parce que c'est très touristique, comme toute l'Arche des Caraïbes. C'est très très touristique, il y a beaucoup de locations de super voiliers et après ces voiliers souvent il faut les ramener quelque part donc il y a beaucoup de skippers qui convoient ces voiliers pour les ramener à l'endroit où ils vont être loués à nouveau et qui sont tout seuls et qui a priori ne sont pas contre prendre quelqu'un qui va du coup leur permettre de se reposer un peu plus parce qu'il peut tenir la barre etc. Donc il faut traîner un peu dans les marinas et dans le bar à l'apéro et puis montrer qu'on est sympa, qu'on a envie de voyager, qu'il y a ce petit sac à dos et puis on trouve... on trouvait en tout cas relativement facilement quelqu'un qui allait à la prochaine île ou moi en l'occurrence j'ai fait jusqu'à de Guadeloupe en Martinique après de Martinique jusqu'à Grenade.

  • Speaker #1

    T'avais quel âge ?

  • Speaker #0

    J'avais tout juste 21 ans parce que je suis parti quelques jours après mon anniversaire de mes 21 ans.

  • Speaker #1

    Ouais t'étais assez jeune quand même pour voyager.

  • Speaker #0

    Ouais bah j'avais vraiment très envie, j'avais vraiment un vrai besoin de ça et ce voyage après alors après arriver au Vénézuéla Ça a changé un peu de style. J'ai traversé le Venezuela, toute la Colombie et l'Équateur. Et puis, ça s'est transformé en une espèce de voyage un peu initiatique. Et puis, sur ce voyage, on a évidemment fait énormément de photos. Et puis, avec une envie claire de vivre quelque chose d'assez lié aux rencontres, lié aux expériences un peu originales ou exceptionnelles, qui avaient du sens. Donc, le diplôme de ce DUT, il n'est jamais sorti du tiroir. Je ne le mettais même plus sur mon CV. Je l'ai jamais utilisé.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu as refait un an d'études en photo, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Après ça, je me suis dit, j'ai une autre grande passion qui est le snowboard. Donc après, j'ai passé deux années à faire des petits boulots de saison, surtout pour pouvoir passer l'hiver à la montagne et faire beaucoup de snowboard. Dans ces petits boulots, j'ai notamment fait photographes filmer. Ce sont les photographes, ça ne se fait plus trop maintenant à l'ère du numérique, mais les photographes qu'on voyait sur les plages. Je ne sais pas si votre génération a connu ça. Il y en a encore un peu dans les stations de ski qui peuvent vous affiler.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup qui arrivent et qui prennent des risques.

  • Speaker #0

    Il y en avait énormément avant parce que ça marchait un peu. Je faisais ça.

  • Speaker #1

    Les plages,

  • Speaker #0

    je ne l'ai jamais vu. Je pense que ça ne se fait plus. Nous, on le faisait beaucoup sur les plages. Ça marchait un peu. Je l'ai fait un peu à la grande mode. Ce n'était pas une grande passion ce métier. Mais ça permettait de passer les saisons dans des endroits sympas et surtout, comme je le disais, à la montagne, de faire beaucoup de snowboard. Mais ça je l'ai fait que deux ans et après j'ai eu l'occasion de partir aux Philippines donner des cours de photo dans une association qui s'occupe de petites filles qui ont des histoires assez lourdes, qui ont été abandonnées, parfois même violées très jeunes. Et c'est une association qui a été montée par une française qui s'appelle Laurence Lisier qui a eu cette superbe idée de monter un atelier photo pour ses filles et j'ai eu l'honneur, le privilège si je puis dire, de monter la première session de cet atelier photo. Et c'était une expérience très très forte. Pendant que je faisais cet atelier avec ces filles, moi je les photographiais aussi beaucoup parce que du coup je vivais dans une même maison avec elles.

  • Speaker #1

    Et des enfants des rues du coup ?

  • Speaker #0

    Alors ouais, des enfants des rues souvent, des fois pas spécialement de la rue mais qui ont des histoires vraiment très lourdes. Certaines se retrouvaient à convoyer de la drogue pour leur oncle alors qu'elles avaient à peine 10 ans. Beaucoup étaient violées, c'était une histoire très très lourde. Il y en a une qui avait 11 ans qui était maman. Et donc j'ai passé quelques mois avec ces enfants et la connexion que j'ai eu avec ces filles a été une expérience forte. Et en plus, moi, je faisais beaucoup d'images pendant ce moment-là. Et donc du coup, j'ai commencé à découvrir un peu le rapport entre les images et les histoires humaines. Alors qu'avant, j'étais plus dans un truc un peu classique de photos de voyage. Je vais faire des belles photos qui iront dans les magazines de voyage, etc. Et là, j'ai commencé un peu plus à... Mais dire mais en fait c'est peut-être ça qui me plaît vraiment. Avec une petite ligne,

  • Speaker #1

    c'est ça qui t'a donné envie ?

  • Speaker #0

    Oui, de raconter des histoires sociales, de raconter des histoires humaines, de raconter des histoires qui ont du sens, plus que de faire de la belle photo de voyage.

  • Speaker #1

    Et du coup c'est incroyable d'avoir allié en fait tes trois passions, j'ai l'impression, genre le contact humain, la photo et les voyages.

  • Speaker #0

    Oui, c'était un peu ça, ouais, ouais, ouais. Et puis, ouais, c'est ça. Et puis raconter des choses qui ont du sens, voilà. J'avais envie de ça aussi, j'avais très envie de ça.

  • Speaker #1

    Et du coup les Philippines, raconte-moi un petit peu par rapport à ces jeunes filles, elles avaient jamais j'imagine fait de photos, c'était quoi un peu leur...

  • Speaker #0

    Alors elles connaissaient pas beaucoup la photo, puis alors c'était en 2000, en 2000 je crois, non pardon un peu plus, oui 99 si je me trompe pas, et il n'y avait pas les téléphones portables ou très peu, en tout cas c'était pas l'objet qu'on a aujourd'hui pour faire des photos, donc faire une photo c'était quelque chose, il fallait un appareil etc. et en plus c'était encore en argentique. Parce que votre génération n'a peut-être pas trop connu toi.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai connu, j'ai eu la chance d'avoir fait un club photo au collège et donc j'ai pu développer. J'ai adoré l'argentique, c'était super sympa en noir et blanc. Et après du coup maintenant c'est sûr que je pense que la nouvelle génération connaissent l'argentique.

  • Speaker #0

    Non ils ne connaissent pas trop.

  • Speaker #1

    Mais c'était sympa effectivement avec la petite lumière rouge dans le labo etc. Quand on a beaucoup fait, tu as commencé à faire ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé comme ça, bien sûr. Et puis avec cette fille, j'ai monté ce petit labo aux Philippines, ce qui a été une vraie galère parce qu'il faisait 30 degrés, donc je ne marquais pas très bien les produits. Mais du coup, dans la fabrication de l'image, il y a quelque chose pour ces enfants qui ont un problème avec l'image, et beaucoup avec l'image d'elles-mêmes, parce qu'elles ont été souvent humiliées, maltraitées, etc. Et c'était ça l'intelligence de cet atelier, c'était de travailler sur l'image. Elles se sont beaucoup photographiées entre elles, donc il y a un jeu aussi de comment je m'affirme devant un appareil. Il y a aussi pour faire de la photo, notamment dans un esprit un peu d'un reporter, on va vers les autres. Donc c'est une manière aussi, ça peut être un prétexte pour aller communiquer avec les autres. Des fois, je les ai emmenés au village d'à côté, j'ai dit on va au marché, vous êtes obligés de faire des photos de quelqu'un à moins d'un mètre. Ah non, non,

  • Speaker #1

    je ne la contente pas.

  • Speaker #0

    Mais du coup, ça les force à aller vers le autre et ça faisait un jeu, etc. Et donc ça a été vraiment, moi j'ai l'impression que ça leur a apporté pas mal de choses. Moi, ça m'a apporté beaucoup de choses. c'est chouette Et puis il y a aussi dans la fabrication de l'image justement à cette époque là en argentique où la photo c'est pas juste on appuie on voit le résultat, il y a tout un processus. On développe le film et après on fait le tirage. Et tout ce processus il rentre aussi dans un exercice sur comment on construit l'image, comment on se pré-approprie l'image.

  • Speaker #1

    Ça devait être tellement plus gratifiant avant tu vois que maintenant tu prends une photo avec un iPhone tu vois tout de suite le résultat, la partie de...

  • Speaker #0

    Ça avait plus de valeur. Une image, c'était très compliqué à faire. Maintenant, on en fait 200 et on choisit la meilleure. Donc ça, c'était vraiment une superbe expérience. C'était vraiment très chouette.

  • Speaker #1

    Tu es retourné d'ailleurs aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai retourné un an après. Après cette expérience, je me suis dit, maintenant, je crois que je sais ce que je veux faire. Peut-être qu'il serait temps que je me lance. Mais je ne connaissais rien à ce métier. Je venais d'une famille qui est très ouverte d'esprit, très chouette, mais plutôt mateuse, scientifique. Et donc, je me disais, je veux me lancer comme... reporter mais sans trop savoir comment faire ils ont soutenu ou Pas financièrement mais ils m'ont soutenu dans l'idée dans le principe mon père il était il savait pas trop il voulait pas être méchant mais il était pas réticent quoi il a pas interdit il était pas réticent il y a une époque je lui reprochais un peu de j'aurais bien aimé qu'il soit un petit peu plus encourageant mais je peux pas lui en vouloir il vient d'un milieu où on n'a pas fait de ce genre de métier Je pense qu'il s'inquiétait plus qu'autre chose pour moi. Très vite, il a changé d'avis quand il a vu que ça a commencé. Mais je m'étais dit, je rentre en France, il faut que je gagne de l'argent. Donc j'ai bossé comme barman tout un été et je retourne vite fait aux Philippines. Et là, cette fois, je vais me lancer, je vais faire mon premier reportage personnel sur le thème de l'enfance, particulièrement sur les enfants des rues à Manille. Et puis finalement, cette saison d'été n'a pas marché. J'ai eu un petit accident de bagnole, pas très grave, mais heureusement, parce qu'en fait, je me suis un peu calmé en me disant, Bon, peut-être qu'il faudrait que je m'organise un peu mieux, déjà, je n'y connais rien. Et là, je me suis aperçu que je pouvais faire une école, une petite école privée financée par l'État. Donc, j'ai eu beaucoup de chance, j'ai eu plein de soutien. Voilà, donc j'ai pu faire cette école qui, une petite année, c'était neuf mois, tout en étant un petit payé par mois. C'était à l'époque l'équivalent de ce qu'est le Pôle emploi aujourd'hui. Et du coup, j'ai pu aussi, pendant cette période-là, chercher une bourse pour retourner aux Philippines. Et donc, je suis retourné, mais cette fois, beaucoup mieux préparé, un an plus tard.

  • Speaker #1

    Ce principe de bourse, ça se passait comment du coup ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si ça existe encore, c'était de la bourse qui s'appelait DefiJeune, c'était une bourse régionale qui était donnée à un jeune de moins de 25 ans ou moins de 30 ans pour essayer de monter un projet soit professionnel, soit humanitaire.

  • Speaker #1

    Génial, ouais.

  • Speaker #0

    Et c'était vraiment pas grand-chose, je crois que c'était 1500 euros, mais bon, moi, ça m'avait payé le billet d'avion. Ok. Et voilà, et après sur place je m'étais arrangé avec des ONG qui m'hébergeaient, la vie coûtait pas très cher aux Philippines donc sur place ça coûtait presque rien.

  • Speaker #1

    Et donc t'es retourné aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Je suis retourné aux Philippines et j'ai fait ce... Enfin je suis même plus que aux Philippines, je suis parti carrément trois mois, j'en ai profité pour aller aussi en Indonésie faire un autre reportage que j'ai complètement raté. Et celui sur les Philippines qui était vraiment le principal, le plus important, celui-là j'ai passé trois semaines donc à suivre des petites bandes de gamins. à travailler avec des ONG, aller même jusqu'en prison pour enfants à Manille, et à faire une sorte de portrait de cette jeunesse des rues aux Philippines. Et puis ce travail qui a été mon premier travail un peu personnel, m'a permis d'aller toucher un peu des rédactions. Il a été primé et après j'ai pu commencer à bosser pour des journaux en France, notamment il y a eu un peu de Libé, un peu du Monde, un peu de L'Express. grâce à ce reportage.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Même si ça a mis du temps parce que ce reportage je l'ai fait en noir et blanc donc tout le monde trouvait ça super mais on donne pas de commande en noir et blanc donc il fallait que je passe à la couleur alors que je voulais faire que du noir et blanc à cette époque-là et je me suis mis à la couleur pour pouvoir avoir du boulot et j'ai bien fait parce que depuis j'adore la couleur et je suis devenu vraiment un photographe de la couleur, je suis un passionné de couleur.

  • Speaker #1

    Et tu disais toi que de ce que j'ai lu c'est que t'essayais de... de faire en sorte d'avoir les mêmes émotions qu'en noir et blanc, mais sur la couleur, qui est un passage pas facile justement entre les deux.

  • Speaker #0

    C'est pas si c'est les mêmes émotions, mais en fait la force du noir et blanc, c'est de transposer le réel dans quelque chose de différent, quelque chose de plus universel, quelque chose de plus global, qui raconte à la fois le sujet qui a été traité, mais en même temps peut-être des valeurs plus générales. Et avec la couleur, c'est plus dur parce qu'on est justement plus connecté au réel. Mais ce que j'aime essayer de faire, c'est justement de me servir de la couleur pour avoir cette même bascule qu'apporte le noir et blanc. C'est-à-dire sortir un peu du côté hyper journalistique et précis du sujet sur lequel on travaille pour aller vers quelque chose grâce à de la poésie, grâce à des associations de couleurs, grâce à la lumière, vers quelque chose qui prend une valeur plus universelle, plus en recul. C'est-à-dire, à titre d'exemple, un reportage sur la Centrafrique, un endroit où j'ai beaucoup travaillé, où l'image, finalement, elle peut venir illustrer plein d'autres choses, parce qu'elle fait écho à la fragilité humaine, au courage, à plein d'autres choses comme ça qu'on peut retrouver ailleurs et qui touchent tout le monde, qui ne touchent pas que les personnages des reportages que je... que je photographie quoi. Ok. Je ne sais pas si c'est très clair.

  • Speaker #1

    Ouais, si tu dis ça, ouais.

  • Speaker #0

    Les photographes, ça n'a pas très bien parlé d'habitude. Si,

  • Speaker #1

    si, non, c'était très imagé mais très clair. Avant d'entrer dans le vif du sujet, le Deep Dive est un podcast bienveillant où l'on va à la rencontre d'invités au parcours inspirant. Chaque semaine, je vous emmène avec moi pour explorer la partie immergée de l'iceberg. Le concept est simple, un invité, trois niveaux de discussion. À chaque niveau, l'invité choisit un ou deux badges parmi quatre animaux polaires directement sur la tablette. On commence en surpasse avec la partie émerger de l'iceberg, des questions plus légères pour apprendre à mieux connaître l'invité. Ensuite, on passe en mode deep dive. Direction la partie immergée de l'iceberg et dans les abysses pour des échanges de plus en plus nips. On vous laisse découvrir, c'est parti, l'exploration commence ici. Du coup, il y a 4 badges. Donc partie au-dessus de l'iceberg, je te laisse choisir un des badges et on va parler de ce qu'il y a en dessous.

  • Speaker #0

    Alors ils sont tous au-dessus de l'iceberg. Tu peux cliquer. Donc lĂ ,

  • Speaker #1

    on a un de tes posts Insta.

  • Speaker #0

    du coup tu peux dire ce que c'est pour ceux qui ne voient pas l'image alors c'est un post que j'ai fait il y a quelques mois à l'occasion d'une chouette exposition que j'ai eu à Bruxelles au festival des libertés qui est un super festival fait par une superbe équipe qui est un festival d'une dizaine de jours pendant lequel il y a déjà de la musique, des concerts mais aussi plein de conférences des projections de documentaires sur les droits humains ... Et à chaque fois, ils font ça une fois par an, il y a à chaque fois une grande expo photo et j'ai eu la grande chance que ce soit un travail que j'ai réalisé pendant quelques années sur des communautés apatrides, un peu partout dans le monde, qui a été exposé. Ce travail maintenant est exposé à Paris jusqu'à fin juin dans une petite galerie qui s'appelle la galerie Fête Ecosse près de Beaubourg. Et c'était une super expérience cette expo. En Belgique, c'est une superbe équipe. En Belgique, ils ont un truc génial, c'est que le gouvernement donne de l'argent pour les communautés religieuses. Mais comme il y a une grosse communauté laïque, il y a aussi une somme d'argent qui va pour les laïcs de la Belgique. Et pour pouvoir gérer cet argent, il y a une association qui a été montée qui s'appelle Bruxelles Laïque, qui récolte cet argent et qui finance en partie ce festival. sur les droits humains et voilà donc c'est le moyen d'aborder plein de thématiques assez importantes et de la culture etc et avec des fonds dans un lieu magique qui est le théâtre national wallonie bruxelles que je crois le plus grand théâtre belge c'était

  • Speaker #1

    vraiment ok super d'ailleurs par rapport aux expos que tu as pu faire c'était quoi les thèmes principaux et j'ai vu que tu as pas mal exposé j'avais dit donc pendant l'intro je crois que c'est paris New York, Dubrovnik, t'as fait pas mal de... Beaucoup d'expos, c'était quoi les thèmes principaux que tu as préféré ?

  • Speaker #0

    J'expose les projets sur lesquels je bosse, donc moi je travaille beaucoup sur l'humain, c'est souvent dans des situations de conflits, je ne me définis pas comme un photographe de guerre, parce que c'est une expression très galvaudée qui ne veut pas dire grand chose, mais c'est souvent lié à des conflits, c'est souvent lié à des droits de l'homme. C'est beaucoup sur des situations, des identités post-coloniales par exemple. J'ai beaucoup travaillé en Centrafrique, j'ai beaucoup travaillé au Kyrgyzstan, qui est un jeune pays qui vient de l'éclatement de l'URSS. J'ai beaucoup travaillé à Mayotte ces dernières années, qui est le dernier département français. Donc voilà, c'est toutes les thématiques où pourquoi les gens se tapent dessus, pourquoi les gens souffrent. Beaucoup, etc. Ça m'intéresse un peu parce que j'ai l'impression que ça a du sens de raconter, de fouiller là-dedans. Soit de trouver des explications, soit juste trouver un regard pour le raconter. Ça m'intéresse. Par rapport à cette expo, c'est important d'expliquer ce que c'est. C'est sur des communautés apatrides. un peu partout dans le monde et c'est un travail que j'ai fait grâce à une bourse de la National Geographic Society.

  • Speaker #1

    Donc juste pour bien expliquer le concept, donc apatride, tu peux expliquer un petit peu, tu es parier à un pays, comment tu deviens apatride, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors apatride c'est quand on n'a aucun état, en tout cas un état reconnu, qui reconnaît notre identité et donc qui nous offre une sorte de protection ou en tout cas une identité. Il y en a beaucoup dans le monde, il y en aurait une dizaine de millions. Ça peut être surprenant, mais il y en a beaucoup. Les plus célèbres sont les Rohingyas. C'est un peuple originaire du Bengale qui vivait énormément ces dernières décennies, ces dernières générations, même depuis un moment, déjà peut-être plus d'un siècle, en Birmanie. Sauf qu'en Birmanie, en 1982... On a considéré qu'ils ne faisaient pas partie, on leur a enlevé complètement la nationalité birmane. Il faut rajouter que par dessus ça, ils sont aussi musulmans dans un pays où il y a très peu de musulmans. Et donc ceux-là, ils sont plus d'un million à être complètement apatrides. Aucun pays ne peut les reconnaître. Ils n'ont pas de pays, pas de passeport.

  • Speaker #1

    Je ne pensais pas qu'il y en avait autant, c'est fou.

  • Speaker #0

    Après il y en a plein d'autres, il y en a une petite partie d'haïtiens en République Dominicaine. Il y en a beaucoup qu'on a considéré à risque d'apatrider. C'est-à-dire que techniquement, ils devraient être reconnus par un pays. Par exemple au Népal, il y en a énormément. Techniquement, ils devraient, mais les barrières administratives, la discrimination qui vient des castes, normalement qui n'existent plus, mais qui sont quand même encore beaucoup dans les rapports humains, font que tout ça fait qu'ils n'arrivent pas à avoir une reconnaissance officielle de leur état. Donc ils vivent comme des apatrides. Donc tout ce travail était dans six pays, travailler là-dessus, et indirectement c'est une réflexion sur qu'est-ce que c'est que la citoyenneté, à une époque où le... Les idées identitaires et le populisme explosent un peu partout, dopés par les réseaux sociaux malveillants. Et voilà, donc ça me semblait intéressant de travailler sur tout ça. Comment finalement dans une société on accepte certains mais pas d'autres, pourquoi, comment on partage les ressources, comment... Moi je trouve que c'est assez intéressant de passer un peu. Et c'est ce travail-là qui est exposé encore à Paris pendant quelques semaines. Ok,

  • Speaker #1

    génial. Top, je te laisse choisir du coup un deuxième badge ?

  • Speaker #0

    Alors, on va faire le petit phoque, tiens. Ah lĂ  lĂ , waouh, ouais.

  • Speaker #1

    Donc lĂ , photo...

  • Speaker #0

    C'est une photo très dure, c'est en Centrafrique. Centrafrique, c'est sûrement l'un des sujets les plus violents que j'ai traités avec la Syrie. Entre 2013 et 2016, j'ai travaillé quasiment presque que là-dessus, c'était vraiment mon gros projet. J'ai fait dix séjours, des séjours à chaque fois assez intenses parce que c'était un moment, vraiment une guerre, d'une violence incroyable. Et ce jour-là, je crois que c'est en 2015 ou 2014, 2014 peut-être, je ne sais pas si on voit sur le poste, 2014, ouais. C'est en 2014, on est au pire moment de la guerre, au pire moment de la guerre. Une violence incroyable, ça fait plusieurs mois qu'on est dans un vrai nettoyage ethnique. L'expression nettoyage ethnique est un terme très particulier qui a une valeur. Ce n'est pas moi qui l'utilise, c'est les Nations Unies qui l'ont utilisé. Entre des milices plutôt chrétiennes soutenues par la population plutôt chrétienne contre des milices musulmanes et surtout contre la population civile musulmane dans un pays, c'est difficile à résumer en quelques lignes, où il y a eu un coup d'État mené par des milices musulmanes quelques mois plus tôt qui ont fait beaucoup de... Beaucoup d'exactions, qui ont eu plein de gens, etc. Donc il y a eu un espèce de retour de vengeance par une population chrétienne qui est beaucoup plus grande, 85% à peu près, je crois, de la population est chrétienne. Mais sans que la communauté natationale ne le voie venir, notamment la France, qui s'est fait un petit peu... qui, je pense, a fait une grosse erreur là-dessus, et a laissé faire un petit moment, n'a pas eu le temps de mesurer cette... Et bref, on est dans un état de violence infinie, et on est... Cette image-là, alors, c'est un homme qui est venu voler. quelque chose apparemment dans un bâtiment. Le bâtiment est juste à côté de l'endroit où je loge. C'est un bâtiment administratif qui dépend d'un ministère. Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux à ce moment-là. On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer. Ils me disent mais ce voyou là, c'est une sorte d'homme qui vit dans le quartier, un peu qui vivote dans la rue, etc. serait venu essayer de voler quelque chose dans la nuit dans ce bâtiment et dans ce pays qui est voilà où une sorte de justice sociale qui se fait comme ça un peu dans la rue donc ce mec est en train de se faire tabasser par ces gens dont certains sont des employés sont des employés d'état quoi des fonctionnaires et c'est voilà et on est là et finalement notre présence heureusement on va les calmer et ils vont appeler la police. La police va l'amener, mais alors ce qui est fou, et donc là c'est une photo que j'ai fait, au moment où la police arrive en gros, je me suis dit qu'il fallait montrer ça parce que ça racontait vraiment cette violence ordinaire qui habite tout le monde. Mais alors la petite histoire derrière, c'est que donc on amène...

  • Speaker #1

    Elle est très belle cette photo, elle est très dure.

  • Speaker #0

    Elle est très dure, ouais. Donc cet homme est amené au commissariat, mais c'est nous qui nous... En fait la police a très mal pris ça qu'on soit intervenu, et ont commencé à nous dire... Ils ont commencé à nous accuser. Mais vous, vous faites quoi ? Vous êtes qui ? Pourquoi vous permettez ça ? Etc. Heureusement, en sortant nos cartes de presse et en se plaignant, on a pu... Ça s'est arrangé, mais... Ça racontait beaucoup cette époque où les services d'État n'existent pas. pas ou peu sont assez inefficaces et où toute la population est dans une telle détresse qu'il y a une colère générale et que la violence elle est partout, elle éclate pour un rien quoi.

  • Speaker #1

    Ouais c'est sûr.

  • Speaker #0

    Si on n'avait pas été là, peut-être que ce mec se fait couper en morceaux quoi, vraiment.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Je te laisse cliquer sur le deep dive mode, on va rentrer en mode deep dive. Donc tu laisses cliquer tout en bas.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Du coup, on passe en mode deep dive, donc lĂ , tout l'iceberg, pareil, 4 badges, je te laisse en choisir un.

  • Speaker #0

    Et bah, alors c'est deux dauphins, allez tiens on va changer, on va prendre un non-mammifère. Quelle a été ta mission la plus dure psychologiquement de ta carrière ? Bah, il y en a deux qui me viennent tout de suite à l'esprit, on va dire oui, non, c'est sûr, non, il y en a même une, il n'y a aucun doute, c'est la Syrie en 2012. parce qu'on était plusieurs journalistes. On avait réussi à rentrer dans... C'est le début de la guerre en Syrie. On était rentrés dans une ville assiégée, la ville d'Oms. Et le lendemain matin de notre arrivée, on s'est fait bombarder. Et on était six journalistes. Il y en a deux qui sont morts sur le coup, deux qui ont été gravement blessés et deux qui n'ont rien eu. Moi, j'ai une chance énorme de faire partie des deux qui n'ont rien eu. Mais la suite a été assez compliquée parce qu'on a passé neuf jours à devoir se cacher et puis réussir à rejoindre le Liban avec ma collègue Edith Bouvier, une amie qui avait une blessure assez grave à la jambe et si on la transportait trop, elle pouvait mourir très vite parce que son os pouvait toucher l'artère fémorale. Et bref...

  • Speaker #1

    Et elle qui s'est fait un garrot, j'ai vu avec...

  • Speaker #0

    Non, alors moi je ne l'ai pas fait de garrot, non, moi j'ai juste...

  • Speaker #1

    J'avais un câble éternel, je crois que j'ai lu ça...

  • Speaker #0

    Alors ça, ce n'est pas elle, ça c'est Paul Conroy, l'autre blessé, lui s'est fait un garrot effectivement avec un câble éternel avant de rejoindre la petite clinique où ils ont pu être soignés, qui a été bombardée un peu après la clinique. Mais voilà, il y a eu ces neuf jours où on aurait dû y passer pas mal de fois, où moi j'aurais dû y passer pas mal de fois. Et ouais, ça a été assez dur.

  • Speaker #1

    J'ai vu que tu as été sauvé par un mur, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, un petit bout de mur, un peu comme là. Je pense que j'ai été sauvé par ce mur grâce à une discussion de la veille où je parlais justement avec Paul. C'est-à-dire que l'appartement dans lequel on était, il y avait une... porte vraiment dans un bois pas solide du tout qui est pile dans l'axe de la porte de l'immeuble et je me disais si jamais à un moment quelqu'un tire par cette porte la porte de l'immeuble juste derrière cette porte en bois ne protège de rien du tout donc peut-être que c'est dangereux et je pense que cette discussion m'est restée dans l'esprit dans un petit coin et qu'au moment où on s'est fait bombarder il y a eu une suite de 4 roquettes et en fait la manière avec les roquettes elles servent à à essayer de... C'est-à-dire qu'il y a une première roquette, ils adaptent, c'est un petit peu derrière, une roquette qui va plus loin, et puis du coup, ils se rapprochent. Et donc, c'est suite de plusieurs roquettes, les Syriens avec qui on est, qui sont des activistes, journalistes, pro-démocratie, comprennent que ça se rapproche, et que ça va sûrement taper sur l'immeuble. Et au moment où on nous dit ça, parce qu'au début, il nous dit, il faut sortir vite fait, Quand il y a la deuxième ou troisième, il nous dit non non, attention, il ne faut plus sortir, parce que là il comprend que finalement ça va sûrement taper, et là c'est déjà trop tard, et je pense qu'à ce moment-là, moi je comprends, attention, je repense à cette porte, et du coup je fais un tout petit saut de cabri pour aller sur le bord de la porte, et je suis protégé par ce bout de mur. Les deux qui ont déjà passé cette porte en faisant le tour sont morts, c'est Rémi Euchlick et Marie Colvin, dont Rémi qui était un jeune photographe hyper talentueux français. Il y a un primatenant qui porte son nom au festival Visable pour l'image. Il avait 27 je crois quand il est décédé et Marie Colvin c'était elle une une reporter de guerre hyper connue, vétéran, il y a un film sur elle. Elle avait je pense un bon 55 ans quelque chose comme ça je veux pas dire de bêtises mais voilà donc eux sont morts sur le coup. Edith Bouvier et Paul Conroy qui étaient Comme moi, à l'intérieur de l'appartement, mais juste dans l'axe de la porte, eux ont été blessés assez gravement, parce que la porte a volé en éclats. Et moi, j'étais derrière ce petit bout de mur, et Ravier Espinoza, un journaliste espagnol, lui était de l'autre côté, sur l'autre petit bout de mur, de l'autre côté de la porte. et j'irai à eux même pas une égratignure

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'ils vous visaient du coup ?

  • Speaker #0

    Ah oui, on le sait très bien.

  • Speaker #1

    J'avais vu qu'il y avait un drone qui checkait.

  • Speaker #0

    Des drones, il y en a tout le temps. On l'entendait, on l'entendait. Même des fois, on arrive à le voir. Un moment, il passe un peu, il y a un petit reflet, etc. On arrive à le voir. Mais le drone, on l'entend tout le temps. Même là, au Liban, où j'ai beaucoup travaillé à l'automne, on l'entend en permanence, le drone. D'ailleurs, c'est très sénant parce qu'il y a cette espèce de bruit de moustique et vous savez qu'il est là, qu'il observe, etc.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment, toi, personnellement, du coup, pour encaisser ça ? Comment on vit ? Moi, tu me racontes ça, dans ma tête, c'est un film. Je n'arrive pas à me dire que c'est réel en tant qu'occidentaux.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas quoi répondre à cette question, parce qu'en fait, moi, je me considère plutôt sensible, plutôt émotif. Je ne suis pas du tout un gros, dur, gros... Mais ça passe peut-être parce que c'est un choix de vie. Alors pas de me faire bombarder, évidemment, non. Mais que je sais qu'on a... Par connaissance de cause ? Oui, c'est ça. On part un petit peu en connaissance de cause. C'est pas pareil que je pense à un drame qui nous arrive. Enfin, je pense que j'ai été beaucoup plus bouleversé comme tout le monde par, par exemple, la mort de mon père il y a quelques années. Alors pas de... peut-être pas plus bouleversé c'est différent mais finalement quand on met ça à côté voilà ça rentre dans les mêmes dans les mêmes proportions fait ouais en terme de tristesse sache d'accord

  • Speaker #1

    mais mais pas en termes de traumatisme, tu vois, parce que du coup, t'as des PTSD du coup.

  • Speaker #0

    Oui, oui, alors moi, j'ai toujours été déjà très sensible à ces notions de PTSD. Ma génération fait partie, je pense, celle qui a commencé à un peu mieux reconnaître le PTSD. Je pense que la génération des reporters, vraiment, qui ont fait beaucoup de conflits avant, il y a un peu une sorte de déni presque du PTSD. Pas un déni, pas général, mais je sais beaucoup, il y a un truc, il y avait ce truc assez masculiniste. Ma génération est beaucoup moins masculiniste et puis il y a eu une vraie reconnaissance. Et puis la génération qui arrive en dessous, elle est encore plus ouverte et chouette parce qu'il y a ... Il y a encore d'autres évolutions. Mais moi, j'ai toujours été très ouvert à PTSD. Donc, quand il y a eu cette expérience, le premier truc que j'ai fait, c'est que j'ai été tout de suite voir un psy. D'ailleurs, c'est le gouvernement français qui nous a rapatriés, qui me l'a conseillé, qui est vraiment spécialiste du PTSD, un psy militaire, vraiment spécialiste du PTSD. Et moi, j'ai été très, très, très proactif là-dessus.

  • Speaker #1

    Il y a juste des stress post-traumatiques, pour ceux qui ne connaissent pas.

  • Speaker #0

    Oui, PTSD, c'est le stress post-traumatique, le syndrome de post-traumatique. Et qui m'a vu trois fois, pendant ces trois fois d'une séance d'au moins une heure, une heure et demie, j'ai raconté tous les petits détails, tous les petits trucs, parce qu'il voulait voir s'il y avait quelque chose. En fait, souvent, le PTSD, ça associait vraiment un petit détail à un truc particulier, une vision, une sensation. Et moi, paradoxalement, même si cette histoire est énorme, il semble qu'il n'y ait pas ce petit truc de PDC. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas souffert, que j'ai pleuré en lui racontant certaines scènes, etc. Mais ce n'est pas pour autant qu'il y a vraiment un pitié.

  • Speaker #1

    Il t'a fait de l'EMDR ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors c'est marrant, j'ai essayé de l'EMDR. J'ai essayé de l'EMDR, ça n'a pas super bien marché. C'était il y a quelques années, mais je crois que je vais réessayer. Parce que j'ai quand même gardé un truc de cette expérience affreuse en Syrie. C'est que j'ai gardé une hypersensibilité au son violent, comme une porte qui claque. Et il semble que c'est quelque chose qui peut s'améliorer avec l'EMDR. Donc peut-être que je vais réessayer. Mais ce qui est marrant, quelques années après, j'ai eu une grosse expo à Mérignac, à Bordeaux, et on a organisé une conférence avec une grande spécialiste du PTSD, parce qu'il y a un institut de recherche là-bas, à Bordeaux, là-dessus, où on a parlé de ça, et elle tout de suite m'a dit « Non, non, mais toi, t'as pas un PTSD. Un PTSD, c'est quelque chose qui t'habite chaque minute de ta vie, qui bouleverse tous tes rapports humains, tes rapports sociaux, etc. » On le voit dans le film, il y a un film, American Sniper je crois, non ? Je ne sais plus si ce n'est pas ce film-là. Non,

  • Speaker #1

    BTS.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je ne sais plus si c'est American Sniper avec cet acteur qui est un tireur d'élite de l'armée américaine, qui bosse en Irak et qui revient et puis qui devient complètement fou avec sa famille, vraiment violent. Ça c'est vraiment typique BTS. Donc moi il semble que je n'en ai pas. En tout cas ça n'a pas été... bouleverser ma vie sociale.

  • Speaker #1

    Et mĂŞme si tu n'en as pas, comment tu fais pour repartir ?

  • Speaker #0

    Ça peut sembler bizarre mais en fait la première chose que j'ai envie de faire c'était de repartir. J'ai quasiment plus refait des zones aussi compliquées que cette époque-là en Syrie. Après j'ai travaillé en Centrafrique, c'était différent, c'est pas des bombes qui tombent du ciel déjà, parce que les bombes qui tombent du ciel, ça je veux plus. Donc c'était très différent, à ce moment-là en Centrafrique c'était extrêmement violent, mais c'est affreux à dire, mais on était relativement protégé en étant blanc à cette époque. Ça a complètement changé maintenant je pense, mais on était relativement protégé, pour plein de raisons. Et puis surtout, ce n'était pas des bombes qui tombent du ciel, ce n'est vraiment pas pareil. Des gens qui tirent ou des gens qui se battent avec des machettes. Une bombe, c'est affreux, ça tape n'importe où et ça tue partout autour. Et quelques années après, je me suis retrouvé à Mossoul, en Irak, pour la chute de l'État islamique, où là, c'était une situation un peu similaire avec des bombes, etc. Je n'ai pas du tout aimé et je n'ai plus trop refait depuis. Donc je pense que ça, je ne le referai plus. Après, il y a une chose qui est importante, c'est que ces expériences-là, déjà, il n'y en a pas tant que ça, moi, dans ma carrière. J'ai travaillé sur beaucoup de conflits, mais vraiment être à l'endroit où ça tape, où ça pète, où on peut vraiment se prendre une bombe, etc. Je ne l'ai pas fait énormément, ça. Donc, je ne suis pas quelqu'un qui fait beaucoup de lignes de front. Donc, souvent, on appelle ça, les anglo-saxons appellent ça vraiment des combats de photographeurs. On est vraiment de ceux qui vont faire du combat. Déjà, moi, je ne fais pas beaucoup, ça. Je l'ai fait un tout petit peu, quoi.

  • Speaker #1

    Et les potes tu l'as fait, d'ailleurs tu as un gilet pare-balles, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Ça dépend des situations, alors à cette époque-là j'avais quasiment jamais bossé, j'ai fait toute la chute de Tripoli sans gilet pare-balles La Syrie c'était impossible d'avoir un gilet pare-balles, parce que pour rentrer dans cette ville assiégée on est rentré par un tunnel de 4 km de long qui est un tunnel d'évacuation d'eau, qui faisait 1m60 de haut, donc on était le strict minimum, donc on n'avait pas de gilet pare-balles C'est comment pour le matos du coup,

  • Speaker #1

    vous portiez tout pour l'eau ?

  • Speaker #0

    Matos, on n'a rien. On a un petit sac à dos. Une brosse à dents, un matos photo, un ordi, un caleçon et deux t-shirts. Je vous exagère, mais c'est quasiment ça. C'est un tunnel d'évacuation d'eau, mais il n'y avait pas d'eau, il y a juste un peu de boue. Un tunnel par lequel on a failli ressortir, on a essayé de ressortir le lendemain, enfin non, trois jours après.

  • Speaker #1

    Et du coup, si je reviens par exemple au PTSD, mĂŞme si on n'en a pas, tu fais comment ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quand tu dis qu'il y a potentiellement un risque, tu vois, parce qu'en fait, même si t'as pas que des zones de conflit très graves, etc. T'as des risques, en fait, quand tu voyages, j'imagine, un peu partout, quoi. Surtout quand t'es en contact avec des populations très pauvres, etc. Donc comment tu pars dans l'optique de dire que potentiellement, il peut t'arriver quelque chose ? Comment on se prépare à ça ?

  • Speaker #0

    Ah oui, évidemment, il faut. Mais il faut du coup tout faire pour qu'il se passe rien, quoi. Ça veut dire bien préparer, bien... comme bien bien se renseigner, travailler avec les bonnes personnes. Généralement, quand on travaille dans des coins comme ça, on travaille avec ce qu'on appelle un fixeur.

  • Speaker #1

    Je vais t'en parler. Justement, je ne connaissais pas cette expression. J'ai vu ça sur de tas d'interviews. Et donc, c'est quoi exactement un fixeur ?

  • Speaker #0

    Je pense que très souvent, c'est un journaliste local qui va nous servir un peu de... Alors, à la fois d'interprète, mais qui sert à préparer les rendez-vous, qui sert et qui va devenir... Avec qui on va avoir un travail très... très proche, quoi. Et ça, la qualité de cette personne... Tu fais beaucoup de choses. Par exemple, au Liban, j'en ai un super qui s'appelle Charbel, qui est devenu un vrai copain, qui a été mon élève il y a quelques années dans le cadre d'un stage avec la National Geographic Society en Côte d'Ivoire. Pourtant, lui, il est libanais. Mais lui par exemple il est excellent et je sais que quand il pense que c'est trop dangereux, je sais comprendre, si lui il dit que c'est trop dangereux, je lui fais confiance.

  • Speaker #1

    Comme un alpiniste avec son charpas j'imagine.

  • Speaker #0

    Ouais voilĂ , il y a ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Mais il faut avoir une confiance sur son fixeur, j'imagine ça doit être...

  • Speaker #0

    Bah ouais, c'est pour ça qu'il faut bien trouver les bons. Généralement on se les échange entre journalistes, donc on sait un peu qui est plutôt bon, qui semble carré. Mais tout ça, il faut les payer bien ces gens-là parce que ils risquent leur vie. Donc c'est du budget. Donc ça veut aussi dire que la sécurité, ça coûte cher en fait. Et ça, c'est un vrai souci parce qu'aujourd'hui, il y a très peu d'argent, de moins en moins d'argent dans la presse et dans le reportage en général. Et ça devient un vrai problème. Beaucoup de jeunes partent sans pouvoir justement se payer un bon fixeur qui va faire bien attention à eux.

  • Speaker #1

    Alors tu disais qu'il y a quelques dizaines d'années ou quelques années, justement, le process, ce que j'avais lu sur quand tu partais par exemple avec National Geography ou autre, c'était beaucoup plus long, il y avait beaucoup plus de budget, alors que maintenant il y a vraiment une rupture de budget, tu trouves, pour les médias ?

  • Speaker #0

    Oui, ça s'est énormément cassé la gueule, ça c'est sûr, parce qu'on le voit partout dans tous les médias, il y a de moins en moins d'argent. Alors le printemps de la suédoise graphique, c'était quelque chose de très particulier, parce que c'est quelque chose qui a toujours, sauf depuis quelques années, qui a toujours eu construit... qui s'est construit avec cette idée de faire les reportages avec les meilleurs budgets sur des longues périodes et c'était magique de bosser pour eux, vraiment génial. Mon premier reportage pour eux en Sibérie, je suis allé, j'ai fait deux séjours d'un mois. pour publier neuf photos à la fin. Donc, c'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    C'est incroyable.

  • Speaker #0

    Et au milieu de ces deux séjours d'un mois, on va à Washington, on fait un premier editing, c'est-à-dire un premier choix d'image, on discute et on repart sur le terrain avec toutes les critiques des équipes. Donc ça, c'était des budgets énormes. Malheureusement, ça s'est cassé la gueule.

  • Speaker #1

    Puis du coup, j'imagine que tu as plus de... C'est plus lent, donc toi, avec ton oeil de photo, tu as plus de temps pour avoir un travail qualitatif. J'imagine que tout va tellement vite maintenant que...

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    On va pas parler de bâcler le travail, mais t'as pas le même travail,

  • Speaker #0

    quoi. Non, non, c'est sûr, c'est sûr. On fait des reportages en quelques jours. Donc ça demande... Ouais, il y a moins de recul. Ouais, ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et du coup, sans parler, tu vois, de PTSD, on parlait de peur, etc. Mais juste cette notion de... Comment tu fais pour pas trop éponger ? sur une situation non dangereuse mais qui est dure sur les photographies que tu prends, comment tu fais toi pour garder de la distance entre quand tu prends en photo un sujet ?

  • Speaker #0

    Des fois on ne peut pas trop la garder la distance.

  • Speaker #1

    Tu vis avec.

  • Speaker #0

    Mais des fois il y a le fait d'être derrière l'appareil, ça crée cette espèce de distance. Alors il faut faire attention parce que ça peut être aussi un leurre. C'est bon, je suis protégé. Et puis, finalement, ce qu'on voit, par exemple, en Centrafrique, il y a un moment où je me suis retrouvé à photographier des miliciens dans un petit village où on nous avait dit, attention, c'est chaud là-bas, il se passait des trucs bizarres. Et je suis là, je les photographie, etc. Et puis, à un moment, je vois que par terre, il y a une tête. Et le mec, il m'a posé comme ça avec la crèche, je continue à faire les photos. Et je me dis, il faut les faire ces images, il faut les faire parce que c'est un témoignage qui peut servir vraiment, vraiment. Et d'ailleurs maintenant ces images ont servi dans un procès à la CPI récemment. Mais je fais ces images, et là je suis caché en photo, donc je pense que je continue comme ça en force, en disant il faut le faire, il faut le faire, c'est dégueulasse, c'est dégueulasse. Et là je pense que j'ai sûrement l'impression, en étant derrière l'appareil, que je suis relativement protégé. En fait, là, c'est un peu un leurre parce que l'image, tu la vois quand même. Et après, elle a été publiée, elle a été exposée, cette photo. Et après, maintenant, je ne veux plus la voir. C'est-à-dire qu'elle est sur mon ordinateur. Le fichier, il y a un tag rouge dessus parce que je sais que je ne veux pas l'ouvrir. Je ne veux pas revoir toute cette série où on voit le mec qui pose avec la tête, qui est malin comme ça et tout. Bref. Mais encore une fois, d'un point de vue témoignage et document, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Elle existe. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Alors, elle existe parce que le mec, il fait les malins devant moi. aussi bien, mais quand même, il le prend. Et il faut absolument que ce soit enregistré. Mais pour revenir à ce que tu disais, du coup la plupart du temps quand même il y a un peu ce côté on est derrière l'appareil donc du coup on a une certaine distance et en étant derrière l'appareil on peut aussi à des moments se dire, et c'est assez égoïste mais c'est important quand même c'est pas vraiment mon histoire moi je suis là pour leur raconter.

  • Speaker #1

    Donc tu prends vraiment de la distance avec ce que tu photographies.

  • Speaker #0

    Et c'est pour ça que je pense aussi en tout cas moi j'ai toujours eu besoin de faire comme ça je reste jamais trop longtemps dans un pays je reviens ici pour me rappeler que ma vie moi elle est... Avec ma famille, avec une stabilité relative, enfin en tout cas plus de stabilité, un confort aussi. Et après, je suis très content de retourner vite fait. Mais essayer de se rappeler qu'attention, c'est pas... Parce que je pense que ça arrive un peu chez des jeunes aujourd'hui, qui se mettent à fond comme ça dans leur sujet, qui partent vraiment habiter sur place. Ça peut être super d'habiter sur place, parce qu'on développe une expertise, etc. Mais qui du coup, je pense, sont trop... Ça devient trop leur propre histoire et ça, ça peut... déglinguer plus, ça peut être très profond. Moi, je pense, en tout cas, c'est comme ça que je me protège, que c'est important de me rappeler que ce n'est pas vraiment mon histoire. Je suis juste un témoin de ça, ponctuel.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport aux jeunes et moins jeunes qui veulent se former Ă  la photo, qu'est-ce que tu leur recommanderais en termes de...

  • Speaker #0

    Ben, peut-être vraiment passionné parce que sans passion, j'ai bien s'accroché parce que c'était dur quand moi j'ai commencé il y a 20 ans, je pense que c'est bien plus dur aujourd'hui. Principalement parce que voilà, il n'y a plus trop d'argent dans les médias, parce qu'il y a aussi une concurrence plus raide, parce que moi j'étais encore à une époque où c'était un peu, la grande majorité des photographes c'était quand même des occidentaux. Ça a vachement évolué, ce qui est plutôt une bonne chose. mais ça veut dire aussi plus de concurrence.

  • Speaker #1

    Avec les locaux sur place ?

  • Speaker #0

    Il y a des très bons photographes partout dans le monde. Il y avait sûrement des très bons photographes partout dans le monde avant, mais peut-être que c'était plus difficile pour eux de réussir à se connecter pour des médias. Il y a aussi que comme les médias ont moins d'argent, travailler avec un photographe local coûte moins cher, parce qu'on n'est pas obligé de lui payer un hôtel et un asian. Peut-être même qu'il n'a pas besoin de traducteur ou de fixeur, parce qu'il connaît bien le pays. Oui, c'est vrai. Et puis surtout, les journaux ont beaucoup moins d'argent. Il y a beaucoup moins de journaux qui sont en recherche d'un vrai regard particulier parce que la plupart des médias maintenant sont abonnés à l'AFP ou AP, etc. Ces gros mastodontes qui fournissent de l'information du monde entier tous les jours, etc. De très bonne qualité, mais qui va être moins personnalisée, moins plus générale sur la manière de traiter un conflit. Donc des médias qui vont vraiment vouloir continuer à travailler avec un photographe qui va développer un regard particulier, un angle particulier. Il y en a très peu dans ceux qui ont encore de l'argent.

  • Speaker #1

    Tu as bossé avec quels médias du coup ? Avec beaucoup de médias mais...

  • Speaker #0

    Alors ceux avec qui j'ai bossé vraiment assez régulièrement pendant une période de ma vie, ça a été Time un petit peu, qui était vraiment un super hebdomadaire américain. Qui est toujours un super hebdomadaire américain mais qui a beaucoup moins d'argent, en tout cas qui ne produit quasiment plus, qui n'envoie plus des photos à l'autre bout du monde. Mais je bossais un peu pour eux. La Centrafrique j'ai commencé pour eux d'ailleurs. Et puis surtout National Geographic pendant une dizaine d'années, là où j'ai réalisé pas mal de reportages pour eux. C'était super parce que quasiment à chaque fois des chouettes budgets avec des super photoéditeurs. Le photoéditeur c'est celui, c'est un peu la personne salariée de la rédaction avec qui on va bosser de manière très proche, avec qui on va regarder les photos ensemble, on va choisir les photos ensemble, etc. Il connait le projet depuis le début.

  • Speaker #1

    Et tu disais d'ailleurs que National Geographic, ça s'est adouci en termes de charte éditoriale depuis que ça a été arraché par Disney, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été arraché par Disney il y a quelques années. Et bon, malheureusement, Disney...

  • Speaker #1

    De ligne éditoriale.

  • Speaker #0

    Confond peut-être, à mon sens, divertissement et journalisme. Et c'est affreux parce que cette marque qu'est National Geographic, et notamment le magazine qui a été... qui s'est développé pendant plus de 130 ans, je crois que ça fait quasiment 140 ans que ça existe, qui a mis des décennies à construire cette espèce d'excellence photographique sur le long terme, avec les meilleurs photographes du monde, etc. Oui, donc ça a beaucoup changé, et maintenant ils veulent des sujets légers, sympas, surtout pas droits de l'homme, surtout pas des histoires sociales, comme moi je fais. Donc j'ai trop le profil pour eux. Ceci dit, j'ai beaucoup bossé. J'ai bossé pour eux récemment parce qu'ils ont fait un gros sujet au moment des JO sur la scène à Paris. J'ai fait la couverture qui est sortie dans plusieurs pays dans le monde sur là-dessus. Mais bon, ça, c'est vraiment un travail de commande. Ce n'est pas ce que je fais moi-même.

  • Speaker #1

    C'est la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Oui,

  • Speaker #0

    la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Il y a eu d'autres versions en fonction des pays qui ont été utilisées.

  • Speaker #1

    Et tu dis, effectivement, c'est les Américains qui voulaient absolument placer la tour Eiffel, qui avaient fait plein d'autres photos sur quel t'étais plus fier

  • Speaker #0

    Ce qui est marrant, c'est qu'au début... Elle est très belle,

  • Speaker #1

    avec la tournée.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais. C'est marrant, je l'ai faite vraiment tout à la fin. J'ai bossé des jours et des jours là-dessus. Parce qu'en plus, c'était l'année dernière, au printemps et dernière. Et je ne sais pas si vous vous souvenez, il y avait un temps pourri. Il flottait tout le temps. Il faisait 10 degrés. Je suis allé, j'ai loué un bateau. On a été sur la Seine. Il y avait des enfants, tout ça. je faisais des photos qui étaient chouettes mais ils étaient tous avec des écharpes pour une publication en juillet ça marchait pas trop Et donc j'ai vachement galéré et cette photo de la tour Eiffel je l'ai fait tout à la fin et en fait ce qui est marrant c'est qu'il me disait mais tu fais comme tu veux, ce qu'on veut c'est que ce soit Paris et tout. Et en fait comme tu veux dans le langage américain ça va un peu dire en fait ce serait bien qu'il y ait la tour Eiffel parce que pour plein d'étrangers et ça il faut aussi le comprendre, c'est une vingtaine d'années donc on a peut-être pas trop ce recul. L'emblème de Paris c'est quand même la Tour Eiffel. Moi je me disais, mais par exemple Orte, c'est un super beau bâtiment, sur la Seine le matin c'est très beau.

  • Speaker #1

    Ça parlera moins.

  • Speaker #0

    Plus lourd et je trouvais ça beaucoup plus beau. Bon. Il voulait la Tour Eiffel. Il voulait la Tour Eiffel. Ouais j'imagine. Mais bon, il faut les comprendre aussi. Ouais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Je te laisse choisir un deuxième badge sur cette partie-là.

  • Speaker #0

    Alors j'avais fait la méduse, je vais faire le... Tiens le rorqual. C'est un Roarquel ça non ? Ouais.

  • Speaker #1

    Salut William ! Alors je voulais te demander, est-ce qu'il y a des personnes qui t'ont marqué pendant tes missions, des personnes que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #0

    Bah oui, évidemment, il y en a plein, tout le temps. Je pense que je vais parler de là d'un reportage tout récent, parce que lui m'a bouleversé. Récemment, j'ai pas mal bossé au Liban, pendant toutes les périodes de guerre avec Israël, entre Hezbollah et Israël, et j'ai notamment fait une enquête. pour match, pour Paris Match, avec mon fixeur Charbel et un jeune journaliste qui s'appelle Arthur Saradin qui est brillant. Et on a fait une espèce d'anatomie d'une frappe, c'est-à-dire une frappe en particulier de l'armée israélienne qui était censée tuer un leader du Hezbollah qui n'a pas été du tout touché. On l'a vu un mois et demi après, il a apparu dans un meeting. Mais par contre, il y a eu 17 victimes civiles. Et sur ces 17 victimes civiles, aucune n'était vraiment liée au Sbola. Donc on a oublié de faire un peu une enquête sur les tirs aveugles comme ça qui... qui décime énormément de civils. Et on a passé une dizaine de jours à vraiment retracer toutes les histoires de toutes les familles impactées dans les immeubles à côté, etc. Et donc il y a cette famille en particulier qui nous a beaucoup touchés parce que l'histoire est assez folle. Donc ce sont des réfugiés syriens qui ont quitté la Syrie à cause de la guerre en Syrie. Donc c'est vraiment une autre guerre. Ils se sont retrouvés dans un des immeubles ici parce qu'on pouvait les héberger là. voilà et Quand le missile est arrivé, il a tapé vraiment à l'endroit où il logeait. Donc ils sont tous morts sauf un, c'est Wahid. Et Wahid en arabe ça veut dire le seul, l'unique, comme si son nom annonçait cette histoire. Il était coiffeur, un jeune coiffeur d'une vingtaine d'années. Il était, quand il est sorti de son travail, il a été prié comme le font la plupart des musulmans à la mosquée. Il n'est pas du tout un intégriste islamiste ou quoi que ce soit, mais la plupart des musulmans vont prier. Et quand il a appris ça, quand il est sorti de la mosquée et ils sont tous morts, sa petite soeur qu'il adorait, il nous a montré plein de photos, sa petite soeur, elle n'était même pas identifiable tellement son corps a été enregistré. Il a dû aller récupérer de l'ADN sur des cheveux pour qu'on puisse bien prouver que c'était elle, parce que sinon elle partait, elle n'avait même pas le droit à une sépulture. Il a vu son frère complètement décimé, sa mère... en morceaux, son père décédé, et maintenant il est tout seul, il vit tout seul. Et on l'a rencontré, je l'ai photographié à Beyrouth, où il était chez un cousin éloigné qui l'hébergait, dans un état de choc incroyable. Et il essayait de quitter le pays, d'aller à Londres, je crois que les UN, le HR, essayaient de l'aider à pouvoir avoir des papiers, parce que paradoxalement, l'une des seules choses qu'il a retrouvées dans les décombres, c'est son passeport. pour essayer du coup d'aller à Londres, où là il a de la famille un peu éloignée, mais qui pourrait l'héberger et essayer de recommencer une nouvelle vie. J'ai appris récemment qu'il est toujours à Beyrouth. Mais voilà, ce jeune qui a 20 ans, qui n'a rien à voir avec cette guerre, se retrouve du jour au lendemain dans une famille vraiment aimante. On a vu plein de photos, ils sont tous très proches, avec sa petite sœur, ils passaient leur temps à se faire des selfies, à se faire des câlins, etc. Une famille aimante, ouverte d'esprit, je pense, pas du tout... Pas du tout lié à cette guerre et qui a fui une première guerre en Syrie il y a quelques années. Et voilà, ce mec il se retrouve tout seul. C'est une histoire affreuse. Et on oublie dans tous ces bombardements massifs, parce que là les chiffres qui passent, ce qu'on voit à Gaza, on en est à plus de 50 000 morts, ça devient presque abstrait tous ces chiffres. Et donc avec ce reportage on voulait vraiment mettre le... Mais revenir sur des gens, en particulier sur des histoires bien précises, pour rappeler qu'il y a des humains derrière tous ces chiffres. Ça n'a pas changé grand-chose au déroulement de ce qui se passe là. Mais en tout cas, on a fait cette enquête et j'en suis assez fier. Ce n'est pas souvent que je suis fier d'un boulot. Et celui-là, j'étais vraiment fier qu'on l'ait fait et qu'on l'ait publié.

  • Speaker #1

    Et tu as ces coordonnées ? Tu restes en contact un peu avec...

  • Speaker #0

    Pas directement, parce que lui il ne parle pas du tout anglais, mais par Charbel, mon fixeur Huawei, il prend des nouvelles régulièrement. Et ces temps-ci, j'essaie de trouver un peu de financement pour essayer de continuer à travailler sur tous ces personnages qu'on a suivis, et voir sur le long terme comment ils se reconstruisent derrière. J'aimerais bien essayer de travailler là-dessus. Donc je garde un peu le contact.

  • Speaker #1

    Et notamment, je pense aux jeunes filles philippines, est-ce que tu as du découvert ?

  • Speaker #0

    Non, il y a trop longtemps, c'était des enfants. Et Laurence qui avait monté cette association, pendant très longtemps on est resté en contact, j'étais resté aussi en contact avec sa famille je me souviens. Là on ne s'est plus parlé depuis assez longtemps. Ça remonte à plus de 20 ans ça. Ouais ouais. Mais il y en a, il y a plein de reportages où on reste en contact avec des gens, ouais ouais très souvent. Après je fais beaucoup de reportages en plein de pays différents donc...

  • Speaker #1

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Donc il n'y a pas tout le temps...

  • Speaker #1

    T'as des enfants d'ailleurs ? Non. Ok. Et t'en aurais voulu ou...

  • Speaker #0

    c'est une grande question j'aime beaucoup les enfants j'adore la présence des enfants j'ai une famille nombreuse après je sais pas si je serais bien m'en occuper je suis pas sûr de bien m'occuper moi-même je sais pas si j'arriverais bien à gérer sa responsabilité donc je sais pas je suis pas si vieux que ça justement si t'en aurais voulu je te parle au passé on verra ce qu'il se passe sur les prochaines années Je sais pas si c'est bien culpable ce que je veux faire mais mon ex compagne était aussi photographe et reporter et elle voyageait beaucoup, elle avait deux petites filles que j'ai participé à élever beaucoup. Bon, ça marchait, elles sont sorties donc je pense que c'est faisable.

  • Speaker #1

    Génial, on va descendre dans le dernier mode, le troisième niveau.

  • Speaker #0

    Le super dive.

  • Speaker #1

    Le super dive. Donc lĂ , quatre badges, je te laisse choisir un des badges.

  • Speaker #0

    Bah tiens les deux, on parlait d'enfants, il y a un… Est-ce que tu as déjà regretté de partir en mission ? Bah oui, évidemment, sur l'histoire de la série, oui. Ouais, j'imagine c'est sûr. Le série, quand je sens qu'on va y passer, qu'il n'y a pas d'issue et qu'on est là… Parce qu'il y a quelques jours, on est enfermé dans un immeuble. On est enfermé dans un petit appartement où on se cache et on sait que l'armée de Bachar el-Assad sait qu'on est là et qu'ils vont nous tirer dessus. Et ça tient parce que les rebelles qui nous ont... À cette époque-là, c'est l'armée syrienne libre. Donc voilà ce tout début de la guerre. Ce n'est pas du tout des islamistes, c'est des gens qui veulent de la démocratie, etc. Après, ça a pris une autre proportion, une autre direction. Et on sait que ceux-là qui veulent nous protéger nous mettent dans un appartement où il y a plusieurs étages au-dessus et même les immeubles autour sont très collés quasiment pour justement qu'on soit protégé. Mais il y a des missiles qui vont atterrir sur notre toit, qui nous cherchent. Et là où je sais qu'il y a eu des vrais moments de doute et d'inquiétude et de me dire « merde, on va y passer » . Et dans ces moments, surtout aussi au tout début... D'ailleurs, il y a un moment pire que ça, en fait. C'est au tout début, juste après l'explosion. Je crois que je suis tout seul parce que l'autre photographe, l'autre journaliste, pardon, qui a été indemne, on l'a revu que le soir. Il a disparu. C'est bizarre, on n'a pas compris ce qui s'était passé. Et donc, pendant plusieurs heures, je crois que je suis le seul indemne, en fait, de tout le groupe. Donc, je suis avec deux morts, deux blessés graves et moi tout seul indemne. Alors, plein de Syriens qui nous aident. Attention, on n'est pas que nous tous seuls. Mais quand même, je crois que de notre groupe, je suis le seul à l'aimé. Je me dis mais comment je vais faire ? Je suis dans une période de doute énorme, d'inquiétude. Je me souviens même qu'au moment où je pleure un peu assis comme un con dans cette clinique, c'est un Syrien qui vient me voir et qui me dit « non mais qu'est-ce que tu fais ? » Et j'ai presque eu honte de pleurer. Je me suis dit « putain, mais je pleure sur mon sort alors qu'ils sont 100 fois pire en fait. » Alors que nous, on a décidé de venir là en plus. Mais il y a un moment là où j'ai un espèce de rejet de mes appareils, de ce truc, et je me dis que c'est à cause de ça, c'est à cause de ces putains de photos qu'on en est là, ça fait chier, ça n'a aucun sens, etc. Ça n'a pas duré hyper longtemps, ça a duré jusqu'au lendemain, je crois. C'est un Syrien qui m'a dit « il faut que tu viennes faire des photos à la clinique, là, il y a un bébé qui vient d'arriver, il est tout entaillé là, il a reçu un éclat d'obus, il faut montrer ça » . Et j'y vais presque parce que je n'ose pas lui dire non. Et en fait là-bas je reprends le truc, je me dis mais oui il faut photographier ça. Et heureusement ça m'a remis un peu dans un mode de mission, de travail et de retrouver un peu de sens à notre présence ici. Et j'ai fait ces photos, et d'ailleurs il y a une photo de ce gosse qui a été publiée après dans Time quand on a réussi à sortir, deux semaines après. Mais si le mec n'était pas venu me chercher, je ne sais pas si j'aurais ressorti mes appareils aussi facilement. Je ne voulais pas, je ne voulais même pas les toucher, il y avait un espèce de rejet. C'est là que je suis pas très pro parce que l'autre journaliste, lui, il était déjà en train d'écrire, en train de trouver internet pour essayer d'envoyer ses papiers et tout. Il était beaucoup plus pro que moi.

  • Speaker #1

    Mais ça doit être tellement dur de ne pas éponger, tu vois, même ces images, tu vois, de bébés entaillés, etc. Tu fais comment ? Tu arrives à faire un genre un reset, tu vois ?

  • Speaker #0

    Non, tu fais pas un reset, mais tu te mets dans le mode proactif de... de travail quoi.

  • Speaker #1

    T'es dans l'action tout le temps en fait ? C'est pas qu'ils te permettent de...

  • Speaker #0

    Bon bah ça tac, il faut que j'en fasse une photo, il faut que j'en fasse une photo bien, que je l'envoie, etc.

  • Speaker #1

    Et quand t'es pas dans l'action justement ? T'arrives Ă ...

  • Speaker #0

    Bah quand on est pas dans l'action, on boit un coup, ou on rigole un peu avec les copains, ou... Mais souvent c'est des reportages qui se font où on est précisément tout le temps dans l'action quoi. On est à fond, à fond, à fond, à fond, et... Finalement c'est quand tu montes dans l'avion et que tu reviens, ou que t'arrives à Paris que... descend un peu ça va pas tout de suite d'ailleurs

  • Speaker #1

    Et tu as des trucs à toi ? Est-ce que tu fais un peu des trucs de méditation, de sophrologie, de sport ?

  • Speaker #0

    Méditation un tout petit peu pour des fois faire redescendre un peu les émotions. J'ai appris un peu des exercices de respiration. Je m'en sers de temps en temps. Après, je fais pas mal de sport. Pas autant que j'aimerais d'ailleurs. Donc le snow, tu parles. Le snowboard, j'essaie d'aller assez régulièrement en hiver évidemment, en été un peu de kitesurf, même si j'ai pas pu en faire récemment. Mais tout ça, ça me fait vachement de bien. J'ai passé 5 jours à la montagne à faire beaucoup de snowboard, j'ai des très bonnes conditions il y a 2 semaines. Voilà, ça me fait beaucoup de bien. Après ça peut m'arriver en reportage de même faire un peu de sport, même si c'est pas tout le temps simple. Mais des fois quand on est dans un bon hôtel, dans une capitale, il y a une salle de sport. Tu vas courir une demi-heure, ça fait du bien. Voilà, mais ouais, méditation, c'est pas mal aussi, ça marche bien.

  • Speaker #1

    Et tu penses, si t'avais des enfants, t'aurais fait toutes ces missions, justement, ou pas ? Ou tu crois que tu te serais dit...

  • Speaker #0

    Ce serait sûrement devenu un prétexte conscient, ou conscient pour dire, bah non, je vais pas assez loin. Est-ce que ce serait vraiment pour eux, ou est-ce que ce serait parce que ça me donne l'occasion ? de me limiter, je ne sais pas. Mais oui, ça aurait sûrement changé les choses. Je ne sais pas. Mon ex-compagne, j'ai déjà parlé. Je ne pense pas que ça l'ait limitée de quoi que ce soit. Elle est beaucoup plus têt brûlée que moi.

  • Speaker #1

    Ok, je te laisse choisir un dernier badge.

  • Speaker #0

    Alors, on a fait celui-lĂ  et celui-lĂ . Tiens, le petit et la baleine.

  • Speaker #1

    Je te laisse lire la question.

  • Speaker #0

    Tu as déjà été censuré ou empêché de raconter une histoire durant une de tes missions ? Bah oui, ça arrive tout le temps. Parce qu'évidemment, il y a des gens qui n'ont pas envie qu'on raconte ces histoires-là.

  • Speaker #1

    Ouais, j'imagine.

  • Speaker #0

    Peut-être encore plus aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les gens ont très très peur de l'impact d'une information qui sort. Et quand j'ai travaillé sur ces communautés apatrides, donc l'Expo qu'il y a en ce moment à Paris, il y a un des pays où j'ai beaucoup bossé, c'est en République dominicaine. Il y a une histoire assez forte là-bas. Il y a énormément de migrants haïtiens, dont certains sont là depuis vraiment plusieurs générations, qui avaient la nationalité dominicaine, mais il y a un tel racisme contre eux que la Cour suprême a enlevé la citoyenneté à 133 000 Dominicains d'origine haïtienne, ça c'était il y a une dizaine d'années, en 2013. Et ça a fait un tollé international énorme. Du coup, ils ont redonné la nationalité à une partie, mais il y en a toujours la moitié qui se sont trouvés complètement apatrides. C'est-à-dire que les autorités dominicaines ont dit « mais non, vous n'êtes pas dominicain, vous êtes haïtien » , sauf qu'ils sont là depuis plusieurs générations, donc ils avaient la nationalité dominicaine.

  • Speaker #1

    Donc on retire la nationalité, on leur retire la nationalité,

  • Speaker #0

    et eux leur disent « vous êtes haïtien » , sauf qu'ils disent « mais nous, on ne les connaît même pas, ça fait des générations qu'ils ne sont pas de notre pays » . Donc ils se retrouvent ni reconnus par Haïti, ni reconnus par la République Dominicaine.

  • Speaker #1

    Et ils font comment du coup ?

  • Speaker #0

    Ils peuvent voyager. Les brigadiers sont considérés comme des clandestins et ils peuvent être rattrapés et expulsés en Haïti. Mais Haïti dit, mais nous on ne les connaît pas. Et puis ils n'ont pas de vie à Haïti, leur vie est en République Dominicaine. Et donc j'ai travaillé un peu sur ce sujet-là. Et on a été beaucoup dans les bâtés. Les bâtés ce sont les villages de gens qui travaillent dans la canastrique. parce que... La raison pour laquelle il y a tant d'haïtiens, c'est parce que l'Haïti est très très pauvre et la République Dominicaine est beaucoup plus développée. Donc il y a toujours eu beaucoup d'haïtiens qui allaient travailler en République Dominicaine. Il y a toute une époque où la République Dominicaine faisait venir des haïtiens pour travailler dans les champs de canne à sucre. La grande économie principale de la République Dominicaine, il y a le tourisme, mais c'est aussi la canne à sucre. C'est-à-dire que le pays entier est recouvert de champs de canne à sucre. Et tous les gens qui travaillent dans les champs, c'est des travailleurs très très durs, très mal payés, ce ne sont que des Haïtiens, ou des descendants d'Haïtiens. Et donc on a été beaucoup dans ces champs, qui sont des champs privés, qui appartiennent à de très grandes compagnies, notamment une qui s'appelle Central Romana, et... Donc ces gens sont logés dans ce qui s'appelle des bâtés et ces villages sont... C'est frappant. On a l'impression d'être au 19e siècle dans le sud des Etats-Unis. Vraiment, c'est une autre époque. C'est des villages déglingués, des états affreux, où il n'y a souvent même pas d'accès à l'eau, parfois pas d'électricité, il n'y a pas de latrine, elles sont une toilette, ou alors embouchées. C'est vraiment des conditions de misère. Et tous ces gens sont logés par les entreprises qui emploient... qui les emploie pour travailler dans les champs de canne et sucre. Donc évidemment, on a été travailler dans ces villages. Je suis allé dans plusieurs de ces bâtés. Et il y a un jour, un bâté où on avait déjà bossé, photographié pas mal de gens et tout, et on me dit, il ne faut pas que vous restiez là. Et qu'est-ce qui se passe ? Et bien, il y a un homme de l'entreprise, Central Romana, qui est venu nous menacer, qui m'a dit que si on continue à vous parler, on allait avoir des problèmes. Donc là, on est super inquiets parce qu'on dit, qu'est-ce qu'on fait ? Si on continue notre reportage, on peut les mettre dans la merde. mais en même temps il faut aussi raconter ce qui se passe donc il faut essayer de trouver le... la bonne manière de continuer à avancer. Et on a été dans un autre bâté, puis après il y a un mec élu de la compagnie qui a voulu nous dire, vous n'avez pas le droit, c'est privé, il ne faut pas rester là, etc. L'année suivante, mon fixeur, qui était lui un Dominicain d'origine haïtienne, qui lui avait la nationalité dominicaine assez facilement, lui il a fait des études et tout, il avait tout ce qu'il fallait comme papier, etc. Il a été menacé de mort, sa famille a été menacée de mort.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ok.

  • Speaker #0

    Et l'entreprise, cette entreprise-là, la centrale Romana, elle est depuis fichée par les Etats-Unis comme ne respectant pas certaines règles. Donc du coup, le sucre qui vient de cette entreprise n'a pas le droit d'aller aux Etats-Unis, par exemple. Donc c'est quand même très très grave ce qui se passe. Donc là, c'est typique, un reportage où il faut raconter ce qui se passe, mais on se retrouve menacé ou on veut nous faire taire. Moi encore, j'ai de la chance, je suis français, donc je ne pense pas que les mecs vont s'attaquer à moi. C'est pour ça qu'ils ont menacé le fixeur.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment pour jauger justement entre ce que tu peux faire, pas faire ?

  • Speaker #0

    Alors après, ce qu'on a fait, c'est quand on nous a dit que ça pouvait, on a pu mettre les pieds. Parce que c'est vrai que c'est des endroits privés. En fait, au début, les gens ne nous ont pas vus. Je suis même allé photographier un moment, un contre-maître. J'ai une image d'ailleurs dans l'expo. C'est un contre-maître de cette entreprise qui est en train de travailler. Et je crois qu'il a cru que j'étais un touriste. J'ai vu qu'il me faisait faire des photos. Je suis allé carrément dans le champ avec lui.

  • Speaker #1

    Tu es passé pour des...

  • Speaker #0

    pour un touriste j'ai rien dit je suis arrivé j'ai pris ma photo il trouvait ça rigolo il a rien dit je pense que j'ai une tête de touriste qui a pas compris en plus je bosse au Laïka donc c'est des petits appareils assez compliqués c'est vrai qu'ils savent pas que t'es photographe moi j'ai pas été mentir non plus c'est sûr mais donc là on a pas évidemment continué dans le village parce qu'on veut pas surtout pas que les gens aient des problèmes et après ce que j'ai fait c'est que les images qui ont été sélectionnées que j'ai publiées, diffusées, etc. J'ai bien fait en sorte que déjà les noms, on a changé les noms, on ne donne pas quel est le bâtet, donc c'est quasiment impossible de retrouver qui est la personne photographiée. Si quelqu'un le veut absolument, il peut, mais il faut vraiment, c'est vraiment très compliqué. Des bâtets, il y en a des centaines. L'histoire, c'est une histoire typique de plein plein de gens. Donc voilà, il faut essayer de protéger un maximum et quand même sortir cette information qui est quand même très très importante à raconter.

  • Speaker #1

    et d'ailleurs justement avec ton en étant photographe tarif basse tu es vraiment en contact de la population, comment ils t'accueillent généralement ? Est-ce qu'il y a des gens qui ne veulent pas être pris en photo ? Comment ça se passe un peu ?

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, de plus en plus. Il y a des gens qui ont peur, ça c'est aussi à cause des réseaux sociaux, je pense. De plus en plus de gens qui ne veulent pas être pris en photo. Ça dépend énormément des cultures et des endroits. Un des endroits, paradoxalement, le plus dur, c'est de bosser, c'est en France. Ah ouais, vraiment ? Hyper dur, c'est hyper galère de bosser en France. Tu fais des photos dans la rue, en banlieue par exemple, tu vas te faire sauter dessus, tu fais machin, etc. Il y a plein d'endroits dans le monde où c'est facile, en Afghanistan, c'est facile de faire des photos.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est fou.

  • Speaker #0

    Donc ça dépend vraiment des endroits. Il y a des gens qui ont envie de partager leur histoire, il y a des gens qui ont très peur, il y a des gens... En Afrique, des fois c'est très facile, des fois c'est très très dur. C'est plus dur maintenant, en plus, quand on est un blanc, parce que je pense qu'il y a de plus en plus cette idée du blanc, surtout dans les ex-colonies françaises. Bon, ça peut vraiment se comprendre. Il y a cette idée que le blanc... continuent à exploiter l'africain, je comprends complètement cette idée. Mais sur l'histoire de la Centrafrique par exemple, c'était marrant au début, c'était assez facile de bosser d'un côté, puis après c'était facile aussi de bosser de l'autre. Puis un jour ils se sont aperçus qu'on publiait tout ça, là c'est devenu beaucoup plus dur. mais voilà je sais pas en asie par exemple c'est assez facile de bosser j'aime beaucoup bosser en asie puisque les gens sont très ouverts à l'image et comment tu as vécu toi justement ce changement des réseaux sociaux de la rapidité de l'information par

  • Speaker #1

    rapport à ton métier ?

  • Speaker #0

    bah c'est pas je suis pas sûr que ce soit une si bonne chose quoi parce que c'est devenu la source d'information numéro un pour plein de gens, alors que la source d'information numéro un, ça doit être fait par des professionnels, des médias reconnus avec une expertise, avec des moyens, avec une ligne éditoriale. Et donc maintenant, tout le monde se considère en capacité de relayer une information, mais sans la vérifier, sans la mesurer,

  • Speaker #1

    sans l'analyser. puis t'as le problème de l'IA, on va en parler après mais...

  • Speaker #0

    le problème de lire de l'intelligence artificielle justement alors il ya en plus il ya ça qui va arriver enfin qui arrive on a des clés les vraies photos des vêtements complètement bon avant on pouvait déjà trafiqué les images sous photoshop donc l'idée de la véracité d'une image elle est c'était déjà c'était déjà une vraie question mais non ce qui est ce qui est très ce qui est très dur aussi pour nous c'est que nous pour plein de gens on est on est associé à n'importe quel on pourrait être un associé à un influenceur on est associé à n'importe quelle personne qui se retrouve sur les réseaux sociaux on est la même chose un média ça devenait un média les réseaux sociaux c'est la même chose pour plein de gens alors que non c'est pas du tout la même chose mais je perds en métier perd un peu en valeur peu peur de perdre en crédibilité on peut nous prendre pour des et jusqu'à il n'y a pas longtemps il y avait ce fin il ya toujours ça mais c'est pas mal de pouvoir dire attention moi je travaille pour une graphique ou le monde ou qui peut peut-être nous aider à nous créditer. un peu plus mais le mais pour plein de gens le bout du monde ne mange rien ils sont pas ils voient juste gère maintenant tout le monde a un smartphone il voit juste sur leur smartphone la média c'est la même chose que quelque chose sur facebook sur un tic toc donc ça devient plus dur je pense de convaincre les gens de l'importance de ce qu'on se fait de mon fait et du professionnel avec lequel on on le fait. Et en même temps, nous, on a eu besoin aussi, on a utilisé aussi ces réseaux sociaux pour parler de notre travail, pour pouvoir, surtout quand on est indépendant, clipuser les photographes, on a besoin aussi de continuer. Alors, moins maintenant, parce que ça a perdu vachement ces temps-ci, mais depuis qu'il y a le nouvel algorithme, mais pendant... quelques années instagram c'était très important pour moi il fallait vraiment que je le mets bien sûr c'était une manière aussi de continuer à travailler d'avoir du boulot et de montrer que je continue à produire et c'est donc c'est aussi c'est tout ça c'est compliqué peut-être qu'on aurait dû nous refuser dès le début de jamais touché aux réseaux sociaux je sais pas pour justement qu'il ya une

  • Speaker #1

    frontière plus clair et justement par rapport à l'intelligence artificielle ou il ya un vrai changement par rapport à ça j'ai vu que je crois qu'il y avait ils ont réussi à faker le fait une photo qui a été gagné un prix mais qui était fait par une il ya tant pense quoi tout ça il y en a eu plusieurs qui m'ont fait

  • Speaker #0

    Ce qui est bien, c'est que ceux qui l'ont fait, ils ont avoué très vite l'avoir fait parce qu'ils avaient envie de faire un coup et de montrer l'attention. Donc ça, c'est plutôt pas mal. Mais ça veut dire qu'il y en a sûrement plein qui se sont passés à travers les gouttes. Donc oui, ça, c'est très inquiétant. C'est très inquiétant, mais il va y avoir aussi vite des outils qui vont sûrement, j'espère, pouvoir identifier et dire attention, là, non, ce n'est pas possible. Il y a des appareils maintenant qui commencent à sortir des trucs sur lesquels il y a une espèce de tag dans le fichier où on peut savoir que ça va sûrement aussi pouvoir se bricoler. Je ne sais pas. je pense que le pire est à venir. Pour l'instant, je pense qu'on est encore relativement épargné ou protégé, on va dire, mais il faut rester super vigilant pour la suite. Après, il y a un autre truc, une histoire de vraie hauteur, c'est que l'IA, elle s'appuie sur quelles images pour pouvoir créer des trucs. Elle s'appuie sur les images de tout le monde. Les professions. de change et donc nous on se fait aussi piller en quelque sorte nos créations donc ça c'est un autre problème donc non en tout cas ça pose plein de questions et pas d'inquiétude plein d'inquiétude lia génératif dans l'image à l'avenir et l'information avoir

  • Speaker #1

    et et pour finir du coup on en a un peu parlé tout à l'heure mais juste pour une personne du coup qui veut être photographe dans le jeu visuel peu importe vidéo photo Qu'est-ce que tu lui conseilles ? J'avais vu sur une de tes interviews, je crois que tu parlais de bouffer de l'image, d'aller dans des expos, de regarder le plus de photos possible. Je ne sais pas, est-ce que tu as un tips pour se transformer à la photo ?

  • Speaker #0

    Il faut se cultiver énormément. C'est vraiment quelque chose qui se cultive, je pense, l'image, comme toute... comme toute compétence. Et donc, il faut en voir beaucoup. La chance qu'on a, si on s'adresse à un Français, un Occidental, c'est qu'ici, à Paris, c'est sûrement un des meilleurs endroits au monde pour voir des expos photos. On a des super musées, on a des vrais beaux lieux d'exposition. on a de très beaux festivals Donc il faut voir beaucoup d'images, s'ouvrir l'esprit, sortir des sentiers battus, voir des travaux d'auteurs. C'est vraiment important. C'est une des premières choses que je dis dans les formations que j'anime avec Well Dungeon. Depuis l'année dernière, on a monté une formation spécifiquement pour les photographes documentaires qui est étalée sur plusieurs mois. On accompagne des jeunes photographes, ou moins jeunes d'ailleurs, sur un projet particulier. c'est vraiment la partie des choses chose est plus importante, je pense que c'est se cultiver l'œil. Et ça, se cultiver l'œil, il faut se noyer, s'abreuver, être ivre d'images, photos, mais aussi cinéma. Moi, je vais énormément au cinéma, je suis un fan de cinéma. Ou pas spécialement au cinéma, même sur son ordinateur. Donc ça, c'est vraiment important. C'est développer sa sensibilité aussi, parce que finalement, c'est surtout ça, je pense. Avec le recul, c'est pas beaucoup de technique, c'est de la sensibilité. C'est de la sensibilité.

  • Speaker #1

    Et comment tu la développes justement ?

  • Speaker #0

    Et bah par le biais de plein d'autres arts. Moi je suis sûr que ça m'a fait vachement de bien. J'ai fait beaucoup de musique quand j'étais gamin, un peu poussé par mes parents. J'ai fait pas mal de sport, je suis persuadé que tout ça, ça aide. Et je pense qu'il y a un truc aussi que moi j'ai trouvé un peu tout seul, c'est d'accepter une certaine sensibilité. Ma génération, je pense que c'était plus délicat d'accepter une sorte de sensibilité, peut-être un petit peu plus exceptionnelle. alors qu'au début de ma carrière je me demande si j'étais pas complexé d'une sorte de sensibilité mais ça c'est chose qui évolue aussi c'est sûr parce que chez les nouvelles générations il ya un peu plus carrément d'acceptance de ça moi je venais aussi d'un milieu enfin de famille de mec quatre garçons quatre frères donc c'est un truc de je pense que d'accepter aussi un peu sa civilité de comprendre que c'est une force et une puissance et qu'il faut l'utiliser et de le développer et que c'est un super outil Je pense que c'est un des points principaux, c'est un point super important dans la construction de tout, pas spécialement d'un photographe, de toute façon dans tout, artistes ou journalistes, tous ceux, et même dans un métier peut-être plus classique, je pense que c'est une force énorme la sensibilité. Donc ça, ça fait partie des choses à mon avis importantes, et puis bouffer de l'image, et puis ne pas avoir peur de continuer, parce que c'est long c'est des métiers où c'est très très long de percer c'est très très ça peut être facilement décourageant mais c'est la passion qui fait avancer et que donc il faut il faut il faut continuer un peu comme des mules quoi ouais où c'est poussé poussé et puis à des choses construites il ya des choses qui est pire à des moments qui ce qui vont s'ouvrir après ça se referme voilà ça fait comme 20 à 25 ans c'est une période où ça marche un peu moins bien donc on n'est jamais à l'abri mais c'est pas grave justement il faut un gros C'était une manière aussi de se renouveler, de développer son regard, etc. Oui, carrément. Donc, c'est aussi ça qui est passionnant. Ce n'est pas très sécurisant, mais c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Ok, génial. Du coup, pour rappeler, tu as une exposition. Rappelle jusqu'à quand ?

  • Speaker #0

    Exposition jusqu'au 28 juin à la Galerie Fête et Cause, donc rue Quincampoix, à deux minutes à pied de Beaubourg. Et c'est une petite galerie très chouette, très engagée, qui depuis 1997 je crois expose des travaux sur de la photographie sociale, sur des thématiques assez engagées comme les droits de l'homme. Et là, cette exposition, c'est sur les apatrides, donc des communautés apatrides que j'ai photographiées dans six pays à travers le monde.

  • Speaker #1

    Ok, génial. En tout cas, merci beaucoup William, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci de l'invitation.

  • Speaker #1

    Et on sent que tu es photographe parce que ça va être intéressant pour les gens qui n'ont pas d'image et qui écoutent justement sur les plateformes de streaming. Et justement, je rappelle qu'on est disponible sur toutes les plateformes de streaming, Spotify, etc. et que juste avec je trouve comment tu parles des choses on va en fait tu m'a fait voyager et visuellement on s'imagine on a je trouve que j'ai on est j'ai énormément voyagé là avec ce que tu as dit et visuellement s'imaginer plein de choses c'était franchement c'était passionnant merci beaucoup merci

  • Speaker #0

    je suis ravi que ça t'ait fait voyager ouais je crois que c'est sûrement ça qu'on aime aussi comme les photographes c'est de faire voyager l'autre ouais voilà ouais ouais Faire passer des choses, quoi. Faire passer des ressentis, des émotions, des idées,

  • Speaker #1

    des trucs. Carrément. Carrément, merci beaucoup, à bientôt, salut William Merci de nous avoir écouté, retrouvez Le Deep Dive tous les jeudis sur notre chaîne YouTube Et sur les plateformes d'écoute Spotify, Deezer Apple Podcasts et Amazon Music Pensez à vous abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes D'ici là, prenez soin de vous et à la prochaine

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Explication du concept

    15:18

  • 1er badge: Exposition Ă  Bruxelles, Festival des LibertĂ©s 2024

    15:48

  • 2e badge: Centrafrique 2014, photos prises au cĹ“ur du conflit

    21:24

  • Mode Deep Dive : l’immersion

    25:30

  • 1er badge: Syrie 2012, mission la plus dure psychologiquement de sa carrière

    25:40

  • 2ᵉ badge : Personnes qui l’ont marquĂ©e durant ses missions.

    49:05

  • Les abysses : 1er badge : A-t-il dĂ©jĂ  regrettĂ© d’être parti en mission ?

    55:23

  • Les abysses : 2° badge : Censure pendant l'une de ses missions

    01:01:05

  • Conclusion

    01:12:58

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Description

Bienvenue dans ce deuxième épisode du Deep Dive, où l’on plonge avec William Daniels, photographe documentaire qui parcourt les zones de conflit pour donner une voix à ceux que l’on n’entend pas.

Des Philippines à la Syrie, de la Centrafrique au Liban, il a passé plus de 20 ans à documenter l’humanité dans ses zones les plus fragiles : Apatrides, conflits, identités effacées …

Parce que parfois, une image vaut mille mots, William partage ici les coulisses de ses missions, les visages qu’il n’oubliera jamais, les souvenirs qu’il porte encore.


Un récit puissant, entre mémoire, engagement et humanité.


Merci Wiliam 📸


🔗 Retrouvez William sur :

  • Insta : @williamodaniels

  • Facebook : William Daniels

  • Site de William Daniels : https://williamdaniels.net

  • Retrouve l’exposition "Apatride" de William Daniels, Ă  dĂ©couvrir du 30 avril au 28 juin 2025, du mercredi au samedi de 13h30 Ă  18h30, Ă  la galerie FAIT & CAUSE – 58 rue Quincampoix, 75004 Paris.


📩 Nos réseaux & contact :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux Ă  ce moment-lĂ . On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, dans un nouvel épisode du Deep Dive, on plonge avec William Daniels, photographe documentaire de terrain engagé, double lauréat du World Press Photo. Récompensé par le Visador Humanitaire, les bourses Tim et Tarrington et Getty Images, de la Centrafrique au Kirghizstan, des hôpitaux confrontés au paludisme, au camp de réfugiés apatrides, il choisit de regarder et de photographier là où d'autres détournent les yeux. Ensemble, on va descendre dans les profondeurs d'un métier où chaque image est prise entre vérité, risque et respect de l'humain. Bienvenue dans le Deep Dive William, je suis ravi de t'accueillir.

  • Speaker #0

    Merci, je suis ravi d'ĂŞtre lĂ , merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Du coup, tu rajouterais des choses par rapport à ton intro ? Je vais bien résumer un peu. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas mal. C'est pas mal. Ouais, ça raconte un peu ce que j'ai fait sur une quinzaine d'années.

  • Speaker #1

    On dit photographe documentaire, d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Bon, ça, c'est un peu des détails. Moi, je me définis souvent comme photographe documentaire. On pourrait dire photojournaliste. Mais souvent, en France, le mot photojournaliste est un peu... Un peu galvaudé, je trouve. Il sous-entend qu'on travaille pour la presse. Et aujourd'hui, c'est des métiers qui ont énormément changé à cause de l'évolution de la presse. Les problèmes financiers, on ne se finance pas que par la presse. Donc, je préfère dire documentaire parce que du coup, c'est un spectre un petit peu plus large. Mais ça marche. C'est le réel, en tout cas. Je raconte le réel.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu fais ça depuis 20 ans ?

  • Speaker #0

    Un peu près.

  • Speaker #1

    Tu peux me raconter un petit peu, nous raconter comment tu es arrivé à ça ? Parce que je crois que tu as fait des études scientifiques. pour commencer ?

  • Speaker #0

    Oui. Ce ne sont pas des grandes études. J'ai fait un DUT de génie thermique et énergie parce que je venais d'un bac scientifique et que je ne savais pas trop quoi faire et que j'avais un profil plutôt mateux mais je n'avais pas du tout envie de faire d'études. Je n'avais pas envie de voyager énormément. Donc, je m'étais rabattu sur ce format d'un DUT en me disant que ce n'est que deux années. Au moins, ça me donne un vrai diplôme. Si jamais je me réveille pendant ces deux ans-là à vouloir faire des études un peu plus poussées, je pourrais peut-être les rattraper, sinon au moins si je tiens ces deux ans, j'ai quand même un diplôme. J'ai eu ce diplôme en étant très malheureux pendant ces deux ans. Tu faisais déjà de la photo ? C'est venu un peu à ce moment-là, justement par une espèce de frustration de faire des choses trop techniques et qui ne me semblaient pas assez humaines et qui me semblaient loin de ce qui me faisait un peu rêver, c'est-à-dire des expériences, des aventures, des choses un peu plus originales. Et je me suis mis, c'était en banlieue parisienne, et je me suis mis à faire pas mal de photos à ce moment-là, la nuit, le soir, je me souviens j'allais photographier la défense des fois, des choses comme ça. Et je pense que c'est arrivé pour combler ce manque un peu. Et puis après ces études, je suis parti. Enfin, j'ai fini ces études en Guadeloupe. J'ai fait le stage en Guadeloupe et je m'étais arrangé pour ne pas avoir à rentrer. Et pourquoi la Guadeloupe ? Parce que c'est un endroit très bien placé si on veut voyager. Parce qu'une fois que j'ai fini ce stage, j'ai bossé quelques mois dans un magasin photo. Presque par hasard, j'ai trouvé ce boulot dans un magasin photo. Donc c'était... Il y avait peut-être un petit message. Tu penses que c'est ça qui a... Non, mais en tout cas, ça tombait très bien. J'ai bossé 4 mois, le temps de gagner un peu de sous. Au bout de ces 4 mois, je suis parti faire un voyage de 5 mois en bateau stop. J'ai descendu toutes les Caraïbes en bateau stop. C'est ce que j'avais vu. Comment ça s'est passé,

  • Speaker #1

    le bateau stop ?

  • Speaker #0

    À cette époque-là, je pense que c'est toujours le cas. C'était assez facile parce que c'est très touristique, comme toute l'Arche des Caraïbes. C'est très très touristique, il y a beaucoup de locations de super voiliers et après ces voiliers souvent il faut les ramener quelque part donc il y a beaucoup de skippers qui convoient ces voiliers pour les ramener à l'endroit où ils vont être loués à nouveau et qui sont tout seuls et qui a priori ne sont pas contre prendre quelqu'un qui va du coup leur permettre de se reposer un peu plus parce qu'il peut tenir la barre etc. Donc il faut traîner un peu dans les marinas et dans le bar à l'apéro et puis montrer qu'on est sympa, qu'on a envie de voyager, qu'il y a ce petit sac à dos et puis on trouve... on trouvait en tout cas relativement facilement quelqu'un qui allait à la prochaine île ou moi en l'occurrence j'ai fait jusqu'à de Guadeloupe en Martinique après de Martinique jusqu'à Grenade.

  • Speaker #1

    T'avais quel âge ?

  • Speaker #0

    J'avais tout juste 21 ans parce que je suis parti quelques jours après mon anniversaire de mes 21 ans.

  • Speaker #1

    Ouais t'étais assez jeune quand même pour voyager.

  • Speaker #0

    Ouais bah j'avais vraiment très envie, j'avais vraiment un vrai besoin de ça et ce voyage après alors après arriver au Vénézuéla Ça a changé un peu de style. J'ai traversé le Venezuela, toute la Colombie et l'Équateur. Et puis, ça s'est transformé en une espèce de voyage un peu initiatique. Et puis, sur ce voyage, on a évidemment fait énormément de photos. Et puis, avec une envie claire de vivre quelque chose d'assez lié aux rencontres, lié aux expériences un peu originales ou exceptionnelles, qui avaient du sens. Donc, le diplôme de ce DUT, il n'est jamais sorti du tiroir. Je ne le mettais même plus sur mon CV. Je l'ai jamais utilisé.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu as refait un an d'études en photo, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Après ça, je me suis dit, j'ai une autre grande passion qui est le snowboard. Donc après, j'ai passé deux années à faire des petits boulots de saison, surtout pour pouvoir passer l'hiver à la montagne et faire beaucoup de snowboard. Dans ces petits boulots, j'ai notamment fait photographes filmer. Ce sont les photographes, ça ne se fait plus trop maintenant à l'ère du numérique, mais les photographes qu'on voyait sur les plages. Je ne sais pas si votre génération a connu ça. Il y en a encore un peu dans les stations de ski qui peuvent vous affiler.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup qui arrivent et qui prennent des risques.

  • Speaker #0

    Il y en avait énormément avant parce que ça marchait un peu. Je faisais ça.

  • Speaker #1

    Les plages,

  • Speaker #0

    je ne l'ai jamais vu. Je pense que ça ne se fait plus. Nous, on le faisait beaucoup sur les plages. Ça marchait un peu. Je l'ai fait un peu à la grande mode. Ce n'était pas une grande passion ce métier. Mais ça permettait de passer les saisons dans des endroits sympas et surtout, comme je le disais, à la montagne, de faire beaucoup de snowboard. Mais ça je l'ai fait que deux ans et après j'ai eu l'occasion de partir aux Philippines donner des cours de photo dans une association qui s'occupe de petites filles qui ont des histoires assez lourdes, qui ont été abandonnées, parfois même violées très jeunes. Et c'est une association qui a été montée par une française qui s'appelle Laurence Lisier qui a eu cette superbe idée de monter un atelier photo pour ses filles et j'ai eu l'honneur, le privilège si je puis dire, de monter la première session de cet atelier photo. Et c'était une expérience très très forte. Pendant que je faisais cet atelier avec ces filles, moi je les photographiais aussi beaucoup parce que du coup je vivais dans une même maison avec elles.

  • Speaker #1

    Et des enfants des rues du coup ?

  • Speaker #0

    Alors ouais, des enfants des rues souvent, des fois pas spécialement de la rue mais qui ont des histoires vraiment très lourdes. Certaines se retrouvaient à convoyer de la drogue pour leur oncle alors qu'elles avaient à peine 10 ans. Beaucoup étaient violées, c'était une histoire très très lourde. Il y en a une qui avait 11 ans qui était maman. Et donc j'ai passé quelques mois avec ces enfants et la connexion que j'ai eu avec ces filles a été une expérience forte. Et en plus, moi, je faisais beaucoup d'images pendant ce moment-là. Et donc du coup, j'ai commencé à découvrir un peu le rapport entre les images et les histoires humaines. Alors qu'avant, j'étais plus dans un truc un peu classique de photos de voyage. Je vais faire des belles photos qui iront dans les magazines de voyage, etc. Et là, j'ai commencé un peu plus à... Mais dire mais en fait c'est peut-être ça qui me plaît vraiment. Avec une petite ligne,

  • Speaker #1

    c'est ça qui t'a donné envie ?

  • Speaker #0

    Oui, de raconter des histoires sociales, de raconter des histoires humaines, de raconter des histoires qui ont du sens, plus que de faire de la belle photo de voyage.

  • Speaker #1

    Et du coup c'est incroyable d'avoir allié en fait tes trois passions, j'ai l'impression, genre le contact humain, la photo et les voyages.

  • Speaker #0

    Oui, c'était un peu ça, ouais, ouais, ouais. Et puis, ouais, c'est ça. Et puis raconter des choses qui ont du sens, voilà. J'avais envie de ça aussi, j'avais très envie de ça.

  • Speaker #1

    Et du coup les Philippines, raconte-moi un petit peu par rapport à ces jeunes filles, elles avaient jamais j'imagine fait de photos, c'était quoi un peu leur...

  • Speaker #0

    Alors elles connaissaient pas beaucoup la photo, puis alors c'était en 2000, en 2000 je crois, non pardon un peu plus, oui 99 si je me trompe pas, et il n'y avait pas les téléphones portables ou très peu, en tout cas c'était pas l'objet qu'on a aujourd'hui pour faire des photos, donc faire une photo c'était quelque chose, il fallait un appareil etc. et en plus c'était encore en argentique. Parce que votre génération n'a peut-être pas trop connu toi.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai connu, j'ai eu la chance d'avoir fait un club photo au collège et donc j'ai pu développer. J'ai adoré l'argentique, c'était super sympa en noir et blanc. Et après du coup maintenant c'est sûr que je pense que la nouvelle génération connaissent l'argentique.

  • Speaker #0

    Non ils ne connaissent pas trop.

  • Speaker #1

    Mais c'était sympa effectivement avec la petite lumière rouge dans le labo etc. Quand on a beaucoup fait, tu as commencé à faire ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé comme ça, bien sûr. Et puis avec cette fille, j'ai monté ce petit labo aux Philippines, ce qui a été une vraie galère parce qu'il faisait 30 degrés, donc je ne marquais pas très bien les produits. Mais du coup, dans la fabrication de l'image, il y a quelque chose pour ces enfants qui ont un problème avec l'image, et beaucoup avec l'image d'elles-mêmes, parce qu'elles ont été souvent humiliées, maltraitées, etc. Et c'était ça l'intelligence de cet atelier, c'était de travailler sur l'image. Elles se sont beaucoup photographiées entre elles, donc il y a un jeu aussi de comment je m'affirme devant un appareil. Il y a aussi pour faire de la photo, notamment dans un esprit un peu d'un reporter, on va vers les autres. Donc c'est une manière aussi, ça peut être un prétexte pour aller communiquer avec les autres. Des fois, je les ai emmenés au village d'à côté, j'ai dit on va au marché, vous êtes obligés de faire des photos de quelqu'un à moins d'un mètre. Ah non, non,

  • Speaker #1

    je ne la contente pas.

  • Speaker #0

    Mais du coup, ça les force à aller vers le autre et ça faisait un jeu, etc. Et donc ça a été vraiment, moi j'ai l'impression que ça leur a apporté pas mal de choses. Moi, ça m'a apporté beaucoup de choses. c'est chouette Et puis il y a aussi dans la fabrication de l'image justement à cette époque là en argentique où la photo c'est pas juste on appuie on voit le résultat, il y a tout un processus. On développe le film et après on fait le tirage. Et tout ce processus il rentre aussi dans un exercice sur comment on construit l'image, comment on se pré-approprie l'image.

  • Speaker #1

    Ça devait être tellement plus gratifiant avant tu vois que maintenant tu prends une photo avec un iPhone tu vois tout de suite le résultat, la partie de...

  • Speaker #0

    Ça avait plus de valeur. Une image, c'était très compliqué à faire. Maintenant, on en fait 200 et on choisit la meilleure. Donc ça, c'était vraiment une superbe expérience. C'était vraiment très chouette.

  • Speaker #1

    Tu es retourné d'ailleurs aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai retourné un an après. Après cette expérience, je me suis dit, maintenant, je crois que je sais ce que je veux faire. Peut-être qu'il serait temps que je me lance. Mais je ne connaissais rien à ce métier. Je venais d'une famille qui est très ouverte d'esprit, très chouette, mais plutôt mateuse, scientifique. Et donc, je me disais, je veux me lancer comme... reporter mais sans trop savoir comment faire ils ont soutenu ou Pas financièrement mais ils m'ont soutenu dans l'idée dans le principe mon père il était il savait pas trop il voulait pas être méchant mais il était pas réticent quoi il a pas interdit il était pas réticent il y a une époque je lui reprochais un peu de j'aurais bien aimé qu'il soit un petit peu plus encourageant mais je peux pas lui en vouloir il vient d'un milieu où on n'a pas fait de ce genre de métier Je pense qu'il s'inquiétait plus qu'autre chose pour moi. Très vite, il a changé d'avis quand il a vu que ça a commencé. Mais je m'étais dit, je rentre en France, il faut que je gagne de l'argent. Donc j'ai bossé comme barman tout un été et je retourne vite fait aux Philippines. Et là, cette fois, je vais me lancer, je vais faire mon premier reportage personnel sur le thème de l'enfance, particulièrement sur les enfants des rues à Manille. Et puis finalement, cette saison d'été n'a pas marché. J'ai eu un petit accident de bagnole, pas très grave, mais heureusement, parce qu'en fait, je me suis un peu calmé en me disant, Bon, peut-être qu'il faudrait que je m'organise un peu mieux, déjà, je n'y connais rien. Et là, je me suis aperçu que je pouvais faire une école, une petite école privée financée par l'État. Donc, j'ai eu beaucoup de chance, j'ai eu plein de soutien. Voilà, donc j'ai pu faire cette école qui, une petite année, c'était neuf mois, tout en étant un petit payé par mois. C'était à l'époque l'équivalent de ce qu'est le Pôle emploi aujourd'hui. Et du coup, j'ai pu aussi, pendant cette période-là, chercher une bourse pour retourner aux Philippines. Et donc, je suis retourné, mais cette fois, beaucoup mieux préparé, un an plus tard.

  • Speaker #1

    Ce principe de bourse, ça se passait comment du coup ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si ça existe encore, c'était de la bourse qui s'appelait DefiJeune, c'était une bourse régionale qui était donnée à un jeune de moins de 25 ans ou moins de 30 ans pour essayer de monter un projet soit professionnel, soit humanitaire.

  • Speaker #1

    Génial, ouais.

  • Speaker #0

    Et c'était vraiment pas grand-chose, je crois que c'était 1500 euros, mais bon, moi, ça m'avait payé le billet d'avion. Ok. Et voilà, et après sur place je m'étais arrangé avec des ONG qui m'hébergeaient, la vie coûtait pas très cher aux Philippines donc sur place ça coûtait presque rien.

  • Speaker #1

    Et donc t'es retourné aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Je suis retourné aux Philippines et j'ai fait ce... Enfin je suis même plus que aux Philippines, je suis parti carrément trois mois, j'en ai profité pour aller aussi en Indonésie faire un autre reportage que j'ai complètement raté. Et celui sur les Philippines qui était vraiment le principal, le plus important, celui-là j'ai passé trois semaines donc à suivre des petites bandes de gamins. à travailler avec des ONG, aller même jusqu'en prison pour enfants à Manille, et à faire une sorte de portrait de cette jeunesse des rues aux Philippines. Et puis ce travail qui a été mon premier travail un peu personnel, m'a permis d'aller toucher un peu des rédactions. Il a été primé et après j'ai pu commencer à bosser pour des journaux en France, notamment il y a eu un peu de Libé, un peu du Monde, un peu de L'Express. grâce à ce reportage.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Même si ça a mis du temps parce que ce reportage je l'ai fait en noir et blanc donc tout le monde trouvait ça super mais on donne pas de commande en noir et blanc donc il fallait que je passe à la couleur alors que je voulais faire que du noir et blanc à cette époque-là et je me suis mis à la couleur pour pouvoir avoir du boulot et j'ai bien fait parce que depuis j'adore la couleur et je suis devenu vraiment un photographe de la couleur, je suis un passionné de couleur.

  • Speaker #1

    Et tu disais toi que de ce que j'ai lu c'est que t'essayais de... de faire en sorte d'avoir les mêmes émotions qu'en noir et blanc, mais sur la couleur, qui est un passage pas facile justement entre les deux.

  • Speaker #0

    C'est pas si c'est les mêmes émotions, mais en fait la force du noir et blanc, c'est de transposer le réel dans quelque chose de différent, quelque chose de plus universel, quelque chose de plus global, qui raconte à la fois le sujet qui a été traité, mais en même temps peut-être des valeurs plus générales. Et avec la couleur, c'est plus dur parce qu'on est justement plus connecté au réel. Mais ce que j'aime essayer de faire, c'est justement de me servir de la couleur pour avoir cette même bascule qu'apporte le noir et blanc. C'est-à-dire sortir un peu du côté hyper journalistique et précis du sujet sur lequel on travaille pour aller vers quelque chose grâce à de la poésie, grâce à des associations de couleurs, grâce à la lumière, vers quelque chose qui prend une valeur plus universelle, plus en recul. C'est-à-dire, à titre d'exemple, un reportage sur la Centrafrique, un endroit où j'ai beaucoup travaillé, où l'image, finalement, elle peut venir illustrer plein d'autres choses, parce qu'elle fait écho à la fragilité humaine, au courage, à plein d'autres choses comme ça qu'on peut retrouver ailleurs et qui touchent tout le monde, qui ne touchent pas que les personnages des reportages que je... que je photographie quoi. Ok. Je ne sais pas si c'est très clair.

  • Speaker #1

    Ouais, si tu dis ça, ouais.

  • Speaker #0

    Les photographes, ça n'a pas très bien parlé d'habitude. Si,

  • Speaker #1

    si, non, c'était très imagé mais très clair. Avant d'entrer dans le vif du sujet, le Deep Dive est un podcast bienveillant où l'on va à la rencontre d'invités au parcours inspirant. Chaque semaine, je vous emmène avec moi pour explorer la partie immergée de l'iceberg. Le concept est simple, un invité, trois niveaux de discussion. À chaque niveau, l'invité choisit un ou deux badges parmi quatre animaux polaires directement sur la tablette. On commence en surpasse avec la partie émerger de l'iceberg, des questions plus légères pour apprendre à mieux connaître l'invité. Ensuite, on passe en mode deep dive. Direction la partie immergée de l'iceberg et dans les abysses pour des échanges de plus en plus nips. On vous laisse découvrir, c'est parti, l'exploration commence ici. Du coup, il y a 4 badges. Donc partie au-dessus de l'iceberg, je te laisse choisir un des badges et on va parler de ce qu'il y a en dessous.

  • Speaker #0

    Alors ils sont tous au-dessus de l'iceberg. Tu peux cliquer. Donc lĂ ,

  • Speaker #1

    on a un de tes posts Insta.

  • Speaker #0

    du coup tu peux dire ce que c'est pour ceux qui ne voient pas l'image alors c'est un post que j'ai fait il y a quelques mois à l'occasion d'une chouette exposition que j'ai eu à Bruxelles au festival des libertés qui est un super festival fait par une superbe équipe qui est un festival d'une dizaine de jours pendant lequel il y a déjà de la musique, des concerts mais aussi plein de conférences des projections de documentaires sur les droits humains ... Et à chaque fois, ils font ça une fois par an, il y a à chaque fois une grande expo photo et j'ai eu la grande chance que ce soit un travail que j'ai réalisé pendant quelques années sur des communautés apatrides, un peu partout dans le monde, qui a été exposé. Ce travail maintenant est exposé à Paris jusqu'à fin juin dans une petite galerie qui s'appelle la galerie Fête Ecosse près de Beaubourg. Et c'était une super expérience cette expo. En Belgique, c'est une superbe équipe. En Belgique, ils ont un truc génial, c'est que le gouvernement donne de l'argent pour les communautés religieuses. Mais comme il y a une grosse communauté laïque, il y a aussi une somme d'argent qui va pour les laïcs de la Belgique. Et pour pouvoir gérer cet argent, il y a une association qui a été montée qui s'appelle Bruxelles Laïque, qui récolte cet argent et qui finance en partie ce festival. sur les droits humains et voilà donc c'est le moyen d'aborder plein de thématiques assez importantes et de la culture etc et avec des fonds dans un lieu magique qui est le théâtre national wallonie bruxelles que je crois le plus grand théâtre belge c'était

  • Speaker #1

    vraiment ok super d'ailleurs par rapport aux expos que tu as pu faire c'était quoi les thèmes principaux et j'ai vu que tu as pas mal exposé j'avais dit donc pendant l'intro je crois que c'est paris New York, Dubrovnik, t'as fait pas mal de... Beaucoup d'expos, c'était quoi les thèmes principaux que tu as préféré ?

  • Speaker #0

    J'expose les projets sur lesquels je bosse, donc moi je travaille beaucoup sur l'humain, c'est souvent dans des situations de conflits, je ne me définis pas comme un photographe de guerre, parce que c'est une expression très galvaudée qui ne veut pas dire grand chose, mais c'est souvent lié à des conflits, c'est souvent lié à des droits de l'homme. C'est beaucoup sur des situations, des identités post-coloniales par exemple. J'ai beaucoup travaillé en Centrafrique, j'ai beaucoup travaillé au Kyrgyzstan, qui est un jeune pays qui vient de l'éclatement de l'URSS. J'ai beaucoup travaillé à Mayotte ces dernières années, qui est le dernier département français. Donc voilà, c'est toutes les thématiques où pourquoi les gens se tapent dessus, pourquoi les gens souffrent. Beaucoup, etc. Ça m'intéresse un peu parce que j'ai l'impression que ça a du sens de raconter, de fouiller là-dedans. Soit de trouver des explications, soit juste trouver un regard pour le raconter. Ça m'intéresse. Par rapport à cette expo, c'est important d'expliquer ce que c'est. C'est sur des communautés apatrides. un peu partout dans le monde et c'est un travail que j'ai fait grâce à une bourse de la National Geographic Society.

  • Speaker #1

    Donc juste pour bien expliquer le concept, donc apatride, tu peux expliquer un petit peu, tu es parier à un pays, comment tu deviens apatride, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors apatride c'est quand on n'a aucun état, en tout cas un état reconnu, qui reconnaît notre identité et donc qui nous offre une sorte de protection ou en tout cas une identité. Il y en a beaucoup dans le monde, il y en aurait une dizaine de millions. Ça peut être surprenant, mais il y en a beaucoup. Les plus célèbres sont les Rohingyas. C'est un peuple originaire du Bengale qui vivait énormément ces dernières décennies, ces dernières générations, même depuis un moment, déjà peut-être plus d'un siècle, en Birmanie. Sauf qu'en Birmanie, en 1982... On a considéré qu'ils ne faisaient pas partie, on leur a enlevé complètement la nationalité birmane. Il faut rajouter que par dessus ça, ils sont aussi musulmans dans un pays où il y a très peu de musulmans. Et donc ceux-là, ils sont plus d'un million à être complètement apatrides. Aucun pays ne peut les reconnaître. Ils n'ont pas de pays, pas de passeport.

  • Speaker #1

    Je ne pensais pas qu'il y en avait autant, c'est fou.

  • Speaker #0

    Après il y en a plein d'autres, il y en a une petite partie d'haïtiens en République Dominicaine. Il y en a beaucoup qu'on a considéré à risque d'apatrider. C'est-à-dire que techniquement, ils devraient être reconnus par un pays. Par exemple au Népal, il y en a énormément. Techniquement, ils devraient, mais les barrières administratives, la discrimination qui vient des castes, normalement qui n'existent plus, mais qui sont quand même encore beaucoup dans les rapports humains, font que tout ça fait qu'ils n'arrivent pas à avoir une reconnaissance officielle de leur état. Donc ils vivent comme des apatrides. Donc tout ce travail était dans six pays, travailler là-dessus, et indirectement c'est une réflexion sur qu'est-ce que c'est que la citoyenneté, à une époque où le... Les idées identitaires et le populisme explosent un peu partout, dopés par les réseaux sociaux malveillants. Et voilà, donc ça me semblait intéressant de travailler sur tout ça. Comment finalement dans une société on accepte certains mais pas d'autres, pourquoi, comment on partage les ressources, comment... Moi je trouve que c'est assez intéressant de passer un peu. Et c'est ce travail-là qui est exposé encore à Paris pendant quelques semaines. Ok,

  • Speaker #1

    génial. Top, je te laisse choisir du coup un deuxième badge ?

  • Speaker #0

    Alors, on va faire le petit phoque, tiens. Ah lĂ  lĂ , waouh, ouais.

  • Speaker #1

    Donc lĂ , photo...

  • Speaker #0

    C'est une photo très dure, c'est en Centrafrique. Centrafrique, c'est sûrement l'un des sujets les plus violents que j'ai traités avec la Syrie. Entre 2013 et 2016, j'ai travaillé quasiment presque que là-dessus, c'était vraiment mon gros projet. J'ai fait dix séjours, des séjours à chaque fois assez intenses parce que c'était un moment, vraiment une guerre, d'une violence incroyable. Et ce jour-là, je crois que c'est en 2015 ou 2014, 2014 peut-être, je ne sais pas si on voit sur le poste, 2014, ouais. C'est en 2014, on est au pire moment de la guerre, au pire moment de la guerre. Une violence incroyable, ça fait plusieurs mois qu'on est dans un vrai nettoyage ethnique. L'expression nettoyage ethnique est un terme très particulier qui a une valeur. Ce n'est pas moi qui l'utilise, c'est les Nations Unies qui l'ont utilisé. Entre des milices plutôt chrétiennes soutenues par la population plutôt chrétienne contre des milices musulmanes et surtout contre la population civile musulmane dans un pays, c'est difficile à résumer en quelques lignes, où il y a eu un coup d'État mené par des milices musulmanes quelques mois plus tôt qui ont fait beaucoup de... Beaucoup d'exactions, qui ont eu plein de gens, etc. Donc il y a eu un espèce de retour de vengeance par une population chrétienne qui est beaucoup plus grande, 85% à peu près, je crois, de la population est chrétienne. Mais sans que la communauté natationale ne le voie venir, notamment la France, qui s'est fait un petit peu... qui, je pense, a fait une grosse erreur là-dessus, et a laissé faire un petit moment, n'a pas eu le temps de mesurer cette... Et bref, on est dans un état de violence infinie, et on est... Cette image-là, alors, c'est un homme qui est venu voler. quelque chose apparemment dans un bâtiment. Le bâtiment est juste à côté de l'endroit où je loge. C'est un bâtiment administratif qui dépend d'un ministère. Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux à ce moment-là. On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer. Ils me disent mais ce voyou là, c'est une sorte d'homme qui vit dans le quartier, un peu qui vivote dans la rue, etc. serait venu essayer de voler quelque chose dans la nuit dans ce bâtiment et dans ce pays qui est voilà où une sorte de justice sociale qui se fait comme ça un peu dans la rue donc ce mec est en train de se faire tabasser par ces gens dont certains sont des employés sont des employés d'état quoi des fonctionnaires et c'est voilà et on est là et finalement notre présence heureusement on va les calmer et ils vont appeler la police. La police va l'amener, mais alors ce qui est fou, et donc là c'est une photo que j'ai fait, au moment où la police arrive en gros, je me suis dit qu'il fallait montrer ça parce que ça racontait vraiment cette violence ordinaire qui habite tout le monde. Mais alors la petite histoire derrière, c'est que donc on amène...

  • Speaker #1

    Elle est très belle cette photo, elle est très dure.

  • Speaker #0

    Elle est très dure, ouais. Donc cet homme est amené au commissariat, mais c'est nous qui nous... En fait la police a très mal pris ça qu'on soit intervenu, et ont commencé à nous dire... Ils ont commencé à nous accuser. Mais vous, vous faites quoi ? Vous êtes qui ? Pourquoi vous permettez ça ? Etc. Heureusement, en sortant nos cartes de presse et en se plaignant, on a pu... Ça s'est arrangé, mais... Ça racontait beaucoup cette époque où les services d'État n'existent pas. pas ou peu sont assez inefficaces et où toute la population est dans une telle détresse qu'il y a une colère générale et que la violence elle est partout, elle éclate pour un rien quoi.

  • Speaker #1

    Ouais c'est sûr.

  • Speaker #0

    Si on n'avait pas été là, peut-être que ce mec se fait couper en morceaux quoi, vraiment.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Je te laisse cliquer sur le deep dive mode, on va rentrer en mode deep dive. Donc tu laisses cliquer tout en bas.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Du coup, on passe en mode deep dive, donc lĂ , tout l'iceberg, pareil, 4 badges, je te laisse en choisir un.

  • Speaker #0

    Et bah, alors c'est deux dauphins, allez tiens on va changer, on va prendre un non-mammifère. Quelle a été ta mission la plus dure psychologiquement de ta carrière ? Bah, il y en a deux qui me viennent tout de suite à l'esprit, on va dire oui, non, c'est sûr, non, il y en a même une, il n'y a aucun doute, c'est la Syrie en 2012. parce qu'on était plusieurs journalistes. On avait réussi à rentrer dans... C'est le début de la guerre en Syrie. On était rentrés dans une ville assiégée, la ville d'Oms. Et le lendemain matin de notre arrivée, on s'est fait bombarder. Et on était six journalistes. Il y en a deux qui sont morts sur le coup, deux qui ont été gravement blessés et deux qui n'ont rien eu. Moi, j'ai une chance énorme de faire partie des deux qui n'ont rien eu. Mais la suite a été assez compliquée parce qu'on a passé neuf jours à devoir se cacher et puis réussir à rejoindre le Liban avec ma collègue Edith Bouvier, une amie qui avait une blessure assez grave à la jambe et si on la transportait trop, elle pouvait mourir très vite parce que son os pouvait toucher l'artère fémorale. Et bref...

  • Speaker #1

    Et elle qui s'est fait un garrot, j'ai vu avec...

  • Speaker #0

    Non, alors moi je ne l'ai pas fait de garrot, non, moi j'ai juste...

  • Speaker #1

    J'avais un câble éternel, je crois que j'ai lu ça...

  • Speaker #0

    Alors ça, ce n'est pas elle, ça c'est Paul Conroy, l'autre blessé, lui s'est fait un garrot effectivement avec un câble éternel avant de rejoindre la petite clinique où ils ont pu être soignés, qui a été bombardée un peu après la clinique. Mais voilà, il y a eu ces neuf jours où on aurait dû y passer pas mal de fois, où moi j'aurais dû y passer pas mal de fois. Et ouais, ça a été assez dur.

  • Speaker #1

    J'ai vu que tu as été sauvé par un mur, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, un petit bout de mur, un peu comme là. Je pense que j'ai été sauvé par ce mur grâce à une discussion de la veille où je parlais justement avec Paul. C'est-à-dire que l'appartement dans lequel on était, il y avait une... porte vraiment dans un bois pas solide du tout qui est pile dans l'axe de la porte de l'immeuble et je me disais si jamais à un moment quelqu'un tire par cette porte la porte de l'immeuble juste derrière cette porte en bois ne protège de rien du tout donc peut-être que c'est dangereux et je pense que cette discussion m'est restée dans l'esprit dans un petit coin et qu'au moment où on s'est fait bombarder il y a eu une suite de 4 roquettes et en fait la manière avec les roquettes elles servent à à essayer de... C'est-à-dire qu'il y a une première roquette, ils adaptent, c'est un petit peu derrière, une roquette qui va plus loin, et puis du coup, ils se rapprochent. Et donc, c'est suite de plusieurs roquettes, les Syriens avec qui on est, qui sont des activistes, journalistes, pro-démocratie, comprennent que ça se rapproche, et que ça va sûrement taper sur l'immeuble. Et au moment où on nous dit ça, parce qu'au début, il nous dit, il faut sortir vite fait, Quand il y a la deuxième ou troisième, il nous dit non non, attention, il ne faut plus sortir, parce que là il comprend que finalement ça va sûrement taper, et là c'est déjà trop tard, et je pense qu'à ce moment-là, moi je comprends, attention, je repense à cette porte, et du coup je fais un tout petit saut de cabri pour aller sur le bord de la porte, et je suis protégé par ce bout de mur. Les deux qui ont déjà passé cette porte en faisant le tour sont morts, c'est Rémi Euchlick et Marie Colvin, dont Rémi qui était un jeune photographe hyper talentueux français. Il y a un primatenant qui porte son nom au festival Visable pour l'image. Il avait 27 je crois quand il est décédé et Marie Colvin c'était elle une une reporter de guerre hyper connue, vétéran, il y a un film sur elle. Elle avait je pense un bon 55 ans quelque chose comme ça je veux pas dire de bêtises mais voilà donc eux sont morts sur le coup. Edith Bouvier et Paul Conroy qui étaient Comme moi, à l'intérieur de l'appartement, mais juste dans l'axe de la porte, eux ont été blessés assez gravement, parce que la porte a volé en éclats. Et moi, j'étais derrière ce petit bout de mur, et Ravier Espinoza, un journaliste espagnol, lui était de l'autre côté, sur l'autre petit bout de mur, de l'autre côté de la porte. et j'irai à eux même pas une égratignure

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'ils vous visaient du coup ?

  • Speaker #0

    Ah oui, on le sait très bien.

  • Speaker #1

    J'avais vu qu'il y avait un drone qui checkait.

  • Speaker #0

    Des drones, il y en a tout le temps. On l'entendait, on l'entendait. Même des fois, on arrive à le voir. Un moment, il passe un peu, il y a un petit reflet, etc. On arrive à le voir. Mais le drone, on l'entend tout le temps. Même là, au Liban, où j'ai beaucoup travaillé à l'automne, on l'entend en permanence, le drone. D'ailleurs, c'est très sénant parce qu'il y a cette espèce de bruit de moustique et vous savez qu'il est là, qu'il observe, etc.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment, toi, personnellement, du coup, pour encaisser ça ? Comment on vit ? Moi, tu me racontes ça, dans ma tête, c'est un film. Je n'arrive pas à me dire que c'est réel en tant qu'occidentaux.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas quoi répondre à cette question, parce qu'en fait, moi, je me considère plutôt sensible, plutôt émotif. Je ne suis pas du tout un gros, dur, gros... Mais ça passe peut-être parce que c'est un choix de vie. Alors pas de me faire bombarder, évidemment, non. Mais que je sais qu'on a... Par connaissance de cause ? Oui, c'est ça. On part un petit peu en connaissance de cause. C'est pas pareil que je pense à un drame qui nous arrive. Enfin, je pense que j'ai été beaucoup plus bouleversé comme tout le monde par, par exemple, la mort de mon père il y a quelques années. Alors pas de... peut-être pas plus bouleversé c'est différent mais finalement quand on met ça à côté voilà ça rentre dans les mêmes dans les mêmes proportions fait ouais en terme de tristesse sache d'accord

  • Speaker #1

    mais mais pas en termes de traumatisme, tu vois, parce que du coup, t'as des PTSD du coup.

  • Speaker #0

    Oui, oui, alors moi, j'ai toujours été déjà très sensible à ces notions de PTSD. Ma génération fait partie, je pense, celle qui a commencé à un peu mieux reconnaître le PTSD. Je pense que la génération des reporters, vraiment, qui ont fait beaucoup de conflits avant, il y a un peu une sorte de déni presque du PTSD. Pas un déni, pas général, mais je sais beaucoup, il y a un truc, il y avait ce truc assez masculiniste. Ma génération est beaucoup moins masculiniste et puis il y a eu une vraie reconnaissance. Et puis la génération qui arrive en dessous, elle est encore plus ouverte et chouette parce qu'il y a ... Il y a encore d'autres évolutions. Mais moi, j'ai toujours été très ouvert à PTSD. Donc, quand il y a eu cette expérience, le premier truc que j'ai fait, c'est que j'ai été tout de suite voir un psy. D'ailleurs, c'est le gouvernement français qui nous a rapatriés, qui me l'a conseillé, qui est vraiment spécialiste du PTSD, un psy militaire, vraiment spécialiste du PTSD. Et moi, j'ai été très, très, très proactif là-dessus.

  • Speaker #1

    Il y a juste des stress post-traumatiques, pour ceux qui ne connaissent pas.

  • Speaker #0

    Oui, PTSD, c'est le stress post-traumatique, le syndrome de post-traumatique. Et qui m'a vu trois fois, pendant ces trois fois d'une séance d'au moins une heure, une heure et demie, j'ai raconté tous les petits détails, tous les petits trucs, parce qu'il voulait voir s'il y avait quelque chose. En fait, souvent, le PTSD, ça associait vraiment un petit détail à un truc particulier, une vision, une sensation. Et moi, paradoxalement, même si cette histoire est énorme, il semble qu'il n'y ait pas ce petit truc de PDC. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas souffert, que j'ai pleuré en lui racontant certaines scènes, etc. Mais ce n'est pas pour autant qu'il y a vraiment un pitié.

  • Speaker #1

    Il t'a fait de l'EMDR ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors c'est marrant, j'ai essayé de l'EMDR. J'ai essayé de l'EMDR, ça n'a pas super bien marché. C'était il y a quelques années, mais je crois que je vais réessayer. Parce que j'ai quand même gardé un truc de cette expérience affreuse en Syrie. C'est que j'ai gardé une hypersensibilité au son violent, comme une porte qui claque. Et il semble que c'est quelque chose qui peut s'améliorer avec l'EMDR. Donc peut-être que je vais réessayer. Mais ce qui est marrant, quelques années après, j'ai eu une grosse expo à Mérignac, à Bordeaux, et on a organisé une conférence avec une grande spécialiste du PTSD, parce qu'il y a un institut de recherche là-bas, à Bordeaux, là-dessus, où on a parlé de ça, et elle tout de suite m'a dit « Non, non, mais toi, t'as pas un PTSD. Un PTSD, c'est quelque chose qui t'habite chaque minute de ta vie, qui bouleverse tous tes rapports humains, tes rapports sociaux, etc. » On le voit dans le film, il y a un film, American Sniper je crois, non ? Je ne sais plus si ce n'est pas ce film-là. Non,

  • Speaker #1

    BTS.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je ne sais plus si c'est American Sniper avec cet acteur qui est un tireur d'élite de l'armée américaine, qui bosse en Irak et qui revient et puis qui devient complètement fou avec sa famille, vraiment violent. Ça c'est vraiment typique BTS. Donc moi il semble que je n'en ai pas. En tout cas ça n'a pas été... bouleverser ma vie sociale.

  • Speaker #1

    Et mĂŞme si tu n'en as pas, comment tu fais pour repartir ?

  • Speaker #0

    Ça peut sembler bizarre mais en fait la première chose que j'ai envie de faire c'était de repartir. J'ai quasiment plus refait des zones aussi compliquées que cette époque-là en Syrie. Après j'ai travaillé en Centrafrique, c'était différent, c'est pas des bombes qui tombent du ciel déjà, parce que les bombes qui tombent du ciel, ça je veux plus. Donc c'était très différent, à ce moment-là en Centrafrique c'était extrêmement violent, mais c'est affreux à dire, mais on était relativement protégé en étant blanc à cette époque. Ça a complètement changé maintenant je pense, mais on était relativement protégé, pour plein de raisons. Et puis surtout, ce n'était pas des bombes qui tombent du ciel, ce n'est vraiment pas pareil. Des gens qui tirent ou des gens qui se battent avec des machettes. Une bombe, c'est affreux, ça tape n'importe où et ça tue partout autour. Et quelques années après, je me suis retrouvé à Mossoul, en Irak, pour la chute de l'État islamique, où là, c'était une situation un peu similaire avec des bombes, etc. Je n'ai pas du tout aimé et je n'ai plus trop refait depuis. Donc je pense que ça, je ne le referai plus. Après, il y a une chose qui est importante, c'est que ces expériences-là, déjà, il n'y en a pas tant que ça, moi, dans ma carrière. J'ai travaillé sur beaucoup de conflits, mais vraiment être à l'endroit où ça tape, où ça pète, où on peut vraiment se prendre une bombe, etc. Je ne l'ai pas fait énormément, ça. Donc, je ne suis pas quelqu'un qui fait beaucoup de lignes de front. Donc, souvent, on appelle ça, les anglo-saxons appellent ça vraiment des combats de photographeurs. On est vraiment de ceux qui vont faire du combat. Déjà, moi, je ne fais pas beaucoup, ça. Je l'ai fait un tout petit peu, quoi.

  • Speaker #1

    Et les potes tu l'as fait, d'ailleurs tu as un gilet pare-balles, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Ça dépend des situations, alors à cette époque-là j'avais quasiment jamais bossé, j'ai fait toute la chute de Tripoli sans gilet pare-balles La Syrie c'était impossible d'avoir un gilet pare-balles, parce que pour rentrer dans cette ville assiégée on est rentré par un tunnel de 4 km de long qui est un tunnel d'évacuation d'eau, qui faisait 1m60 de haut, donc on était le strict minimum, donc on n'avait pas de gilet pare-balles C'est comment pour le matos du coup,

  • Speaker #1

    vous portiez tout pour l'eau ?

  • Speaker #0

    Matos, on n'a rien. On a un petit sac à dos. Une brosse à dents, un matos photo, un ordi, un caleçon et deux t-shirts. Je vous exagère, mais c'est quasiment ça. C'est un tunnel d'évacuation d'eau, mais il n'y avait pas d'eau, il y a juste un peu de boue. Un tunnel par lequel on a failli ressortir, on a essayé de ressortir le lendemain, enfin non, trois jours après.

  • Speaker #1

    Et du coup, si je reviens par exemple au PTSD, mĂŞme si on n'en a pas, tu fais comment ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quand tu dis qu'il y a potentiellement un risque, tu vois, parce qu'en fait, même si t'as pas que des zones de conflit très graves, etc. T'as des risques, en fait, quand tu voyages, j'imagine, un peu partout, quoi. Surtout quand t'es en contact avec des populations très pauvres, etc. Donc comment tu pars dans l'optique de dire que potentiellement, il peut t'arriver quelque chose ? Comment on se prépare à ça ?

  • Speaker #0

    Ah oui, évidemment, il faut. Mais il faut du coup tout faire pour qu'il se passe rien, quoi. Ça veut dire bien préparer, bien... comme bien bien se renseigner, travailler avec les bonnes personnes. Généralement, quand on travaille dans des coins comme ça, on travaille avec ce qu'on appelle un fixeur.

  • Speaker #1

    Je vais t'en parler. Justement, je ne connaissais pas cette expression. J'ai vu ça sur de tas d'interviews. Et donc, c'est quoi exactement un fixeur ?

  • Speaker #0

    Je pense que très souvent, c'est un journaliste local qui va nous servir un peu de... Alors, à la fois d'interprète, mais qui sert à préparer les rendez-vous, qui sert et qui va devenir... Avec qui on va avoir un travail très... très proche, quoi. Et ça, la qualité de cette personne... Tu fais beaucoup de choses. Par exemple, au Liban, j'en ai un super qui s'appelle Charbel, qui est devenu un vrai copain, qui a été mon élève il y a quelques années dans le cadre d'un stage avec la National Geographic Society en Côte d'Ivoire. Pourtant, lui, il est libanais. Mais lui par exemple il est excellent et je sais que quand il pense que c'est trop dangereux, je sais comprendre, si lui il dit que c'est trop dangereux, je lui fais confiance.

  • Speaker #1

    Comme un alpiniste avec son charpas j'imagine.

  • Speaker #0

    Ouais voilĂ , il y a ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Mais il faut avoir une confiance sur son fixeur, j'imagine ça doit être...

  • Speaker #0

    Bah ouais, c'est pour ça qu'il faut bien trouver les bons. Généralement on se les échange entre journalistes, donc on sait un peu qui est plutôt bon, qui semble carré. Mais tout ça, il faut les payer bien ces gens-là parce que ils risquent leur vie. Donc c'est du budget. Donc ça veut aussi dire que la sécurité, ça coûte cher en fait. Et ça, c'est un vrai souci parce qu'aujourd'hui, il y a très peu d'argent, de moins en moins d'argent dans la presse et dans le reportage en général. Et ça devient un vrai problème. Beaucoup de jeunes partent sans pouvoir justement se payer un bon fixeur qui va faire bien attention à eux.

  • Speaker #1

    Alors tu disais qu'il y a quelques dizaines d'années ou quelques années, justement, le process, ce que j'avais lu sur quand tu partais par exemple avec National Geography ou autre, c'était beaucoup plus long, il y avait beaucoup plus de budget, alors que maintenant il y a vraiment une rupture de budget, tu trouves, pour les médias ?

  • Speaker #0

    Oui, ça s'est énormément cassé la gueule, ça c'est sûr, parce qu'on le voit partout dans tous les médias, il y a de moins en moins d'argent. Alors le printemps de la suédoise graphique, c'était quelque chose de très particulier, parce que c'est quelque chose qui a toujours, sauf depuis quelques années, qui a toujours eu construit... qui s'est construit avec cette idée de faire les reportages avec les meilleurs budgets sur des longues périodes et c'était magique de bosser pour eux, vraiment génial. Mon premier reportage pour eux en Sibérie, je suis allé, j'ai fait deux séjours d'un mois. pour publier neuf photos à la fin. Donc, c'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    C'est incroyable.

  • Speaker #0

    Et au milieu de ces deux séjours d'un mois, on va à Washington, on fait un premier editing, c'est-à-dire un premier choix d'image, on discute et on repart sur le terrain avec toutes les critiques des équipes. Donc ça, c'était des budgets énormes. Malheureusement, ça s'est cassé la gueule.

  • Speaker #1

    Puis du coup, j'imagine que tu as plus de... C'est plus lent, donc toi, avec ton oeil de photo, tu as plus de temps pour avoir un travail qualitatif. J'imagine que tout va tellement vite maintenant que...

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    On va pas parler de bâcler le travail, mais t'as pas le même travail,

  • Speaker #0

    quoi. Non, non, c'est sûr, c'est sûr. On fait des reportages en quelques jours. Donc ça demande... Ouais, il y a moins de recul. Ouais, ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et du coup, sans parler, tu vois, de PTSD, on parlait de peur, etc. Mais juste cette notion de... Comment tu fais pour pas trop éponger ? sur une situation non dangereuse mais qui est dure sur les photographies que tu prends, comment tu fais toi pour garder de la distance entre quand tu prends en photo un sujet ?

  • Speaker #0

    Des fois on ne peut pas trop la garder la distance.

  • Speaker #1

    Tu vis avec.

  • Speaker #0

    Mais des fois il y a le fait d'être derrière l'appareil, ça crée cette espèce de distance. Alors il faut faire attention parce que ça peut être aussi un leurre. C'est bon, je suis protégé. Et puis, finalement, ce qu'on voit, par exemple, en Centrafrique, il y a un moment où je me suis retrouvé à photographier des miliciens dans un petit village où on nous avait dit, attention, c'est chaud là-bas, il se passait des trucs bizarres. Et je suis là, je les photographie, etc. Et puis, à un moment, je vois que par terre, il y a une tête. Et le mec, il m'a posé comme ça avec la crèche, je continue à faire les photos. Et je me dis, il faut les faire ces images, il faut les faire parce que c'est un témoignage qui peut servir vraiment, vraiment. Et d'ailleurs maintenant ces images ont servi dans un procès à la CPI récemment. Mais je fais ces images, et là je suis caché en photo, donc je pense que je continue comme ça en force, en disant il faut le faire, il faut le faire, c'est dégueulasse, c'est dégueulasse. Et là je pense que j'ai sûrement l'impression, en étant derrière l'appareil, que je suis relativement protégé. En fait, là, c'est un peu un leurre parce que l'image, tu la vois quand même. Et après, elle a été publiée, elle a été exposée, cette photo. Et après, maintenant, je ne veux plus la voir. C'est-à-dire qu'elle est sur mon ordinateur. Le fichier, il y a un tag rouge dessus parce que je sais que je ne veux pas l'ouvrir. Je ne veux pas revoir toute cette série où on voit le mec qui pose avec la tête, qui est malin comme ça et tout. Bref. Mais encore une fois, d'un point de vue témoignage et document, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Elle existe. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Alors, elle existe parce que le mec, il fait les malins devant moi. aussi bien, mais quand même, il le prend. Et il faut absolument que ce soit enregistré. Mais pour revenir à ce que tu disais, du coup la plupart du temps quand même il y a un peu ce côté on est derrière l'appareil donc du coup on a une certaine distance et en étant derrière l'appareil on peut aussi à des moments se dire, et c'est assez égoïste mais c'est important quand même c'est pas vraiment mon histoire moi je suis là pour leur raconter.

  • Speaker #1

    Donc tu prends vraiment de la distance avec ce que tu photographies.

  • Speaker #0

    Et c'est pour ça que je pense aussi en tout cas moi j'ai toujours eu besoin de faire comme ça je reste jamais trop longtemps dans un pays je reviens ici pour me rappeler que ma vie moi elle est... Avec ma famille, avec une stabilité relative, enfin en tout cas plus de stabilité, un confort aussi. Et après, je suis très content de retourner vite fait. Mais essayer de se rappeler qu'attention, c'est pas... Parce que je pense que ça arrive un peu chez des jeunes aujourd'hui, qui se mettent à fond comme ça dans leur sujet, qui partent vraiment habiter sur place. Ça peut être super d'habiter sur place, parce qu'on développe une expertise, etc. Mais qui du coup, je pense, sont trop... Ça devient trop leur propre histoire et ça, ça peut... déglinguer plus, ça peut être très profond. Moi, je pense, en tout cas, c'est comme ça que je me protège, que c'est important de me rappeler que ce n'est pas vraiment mon histoire. Je suis juste un témoin de ça, ponctuel.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport aux jeunes et moins jeunes qui veulent se former Ă  la photo, qu'est-ce que tu leur recommanderais en termes de...

  • Speaker #0

    Ben, peut-être vraiment passionné parce que sans passion, j'ai bien s'accroché parce que c'était dur quand moi j'ai commencé il y a 20 ans, je pense que c'est bien plus dur aujourd'hui. Principalement parce que voilà, il n'y a plus trop d'argent dans les médias, parce qu'il y a aussi une concurrence plus raide, parce que moi j'étais encore à une époque où c'était un peu, la grande majorité des photographes c'était quand même des occidentaux. Ça a vachement évolué, ce qui est plutôt une bonne chose. mais ça veut dire aussi plus de concurrence.

  • Speaker #1

    Avec les locaux sur place ?

  • Speaker #0

    Il y a des très bons photographes partout dans le monde. Il y avait sûrement des très bons photographes partout dans le monde avant, mais peut-être que c'était plus difficile pour eux de réussir à se connecter pour des médias. Il y a aussi que comme les médias ont moins d'argent, travailler avec un photographe local coûte moins cher, parce qu'on n'est pas obligé de lui payer un hôtel et un asian. Peut-être même qu'il n'a pas besoin de traducteur ou de fixeur, parce qu'il connaît bien le pays. Oui, c'est vrai. Et puis surtout, les journaux ont beaucoup moins d'argent. Il y a beaucoup moins de journaux qui sont en recherche d'un vrai regard particulier parce que la plupart des médias maintenant sont abonnés à l'AFP ou AP, etc. Ces gros mastodontes qui fournissent de l'information du monde entier tous les jours, etc. De très bonne qualité, mais qui va être moins personnalisée, moins plus générale sur la manière de traiter un conflit. Donc des médias qui vont vraiment vouloir continuer à travailler avec un photographe qui va développer un regard particulier, un angle particulier. Il y en a très peu dans ceux qui ont encore de l'argent.

  • Speaker #1

    Tu as bossé avec quels médias du coup ? Avec beaucoup de médias mais...

  • Speaker #0

    Alors ceux avec qui j'ai bossé vraiment assez régulièrement pendant une période de ma vie, ça a été Time un petit peu, qui était vraiment un super hebdomadaire américain. Qui est toujours un super hebdomadaire américain mais qui a beaucoup moins d'argent, en tout cas qui ne produit quasiment plus, qui n'envoie plus des photos à l'autre bout du monde. Mais je bossais un peu pour eux. La Centrafrique j'ai commencé pour eux d'ailleurs. Et puis surtout National Geographic pendant une dizaine d'années, là où j'ai réalisé pas mal de reportages pour eux. C'était super parce que quasiment à chaque fois des chouettes budgets avec des super photoéditeurs. Le photoéditeur c'est celui, c'est un peu la personne salariée de la rédaction avec qui on va bosser de manière très proche, avec qui on va regarder les photos ensemble, on va choisir les photos ensemble, etc. Il connait le projet depuis le début.

  • Speaker #1

    Et tu disais d'ailleurs que National Geographic, ça s'est adouci en termes de charte éditoriale depuis que ça a été arraché par Disney, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été arraché par Disney il y a quelques années. Et bon, malheureusement, Disney...

  • Speaker #1

    De ligne éditoriale.

  • Speaker #0

    Confond peut-être, à mon sens, divertissement et journalisme. Et c'est affreux parce que cette marque qu'est National Geographic, et notamment le magazine qui a été... qui s'est développé pendant plus de 130 ans, je crois que ça fait quasiment 140 ans que ça existe, qui a mis des décennies à construire cette espèce d'excellence photographique sur le long terme, avec les meilleurs photographes du monde, etc. Oui, donc ça a beaucoup changé, et maintenant ils veulent des sujets légers, sympas, surtout pas droits de l'homme, surtout pas des histoires sociales, comme moi je fais. Donc j'ai trop le profil pour eux. Ceci dit, j'ai beaucoup bossé. J'ai bossé pour eux récemment parce qu'ils ont fait un gros sujet au moment des JO sur la scène à Paris. J'ai fait la couverture qui est sortie dans plusieurs pays dans le monde sur là-dessus. Mais bon, ça, c'est vraiment un travail de commande. Ce n'est pas ce que je fais moi-même.

  • Speaker #1

    C'est la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Oui,

  • Speaker #0

    la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Il y a eu d'autres versions en fonction des pays qui ont été utilisées.

  • Speaker #1

    Et tu dis, effectivement, c'est les Américains qui voulaient absolument placer la tour Eiffel, qui avaient fait plein d'autres photos sur quel t'étais plus fier

  • Speaker #0

    Ce qui est marrant, c'est qu'au début... Elle est très belle,

  • Speaker #1

    avec la tournée.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais. C'est marrant, je l'ai faite vraiment tout à la fin. J'ai bossé des jours et des jours là-dessus. Parce qu'en plus, c'était l'année dernière, au printemps et dernière. Et je ne sais pas si vous vous souvenez, il y avait un temps pourri. Il flottait tout le temps. Il faisait 10 degrés. Je suis allé, j'ai loué un bateau. On a été sur la Seine. Il y avait des enfants, tout ça. je faisais des photos qui étaient chouettes mais ils étaient tous avec des écharpes pour une publication en juillet ça marchait pas trop Et donc j'ai vachement galéré et cette photo de la tour Eiffel je l'ai fait tout à la fin et en fait ce qui est marrant c'est qu'il me disait mais tu fais comme tu veux, ce qu'on veut c'est que ce soit Paris et tout. Et en fait comme tu veux dans le langage américain ça va un peu dire en fait ce serait bien qu'il y ait la tour Eiffel parce que pour plein d'étrangers et ça il faut aussi le comprendre, c'est une vingtaine d'années donc on a peut-être pas trop ce recul. L'emblème de Paris c'est quand même la Tour Eiffel. Moi je me disais, mais par exemple Orte, c'est un super beau bâtiment, sur la Seine le matin c'est très beau.

  • Speaker #1

    Ça parlera moins.

  • Speaker #0

    Plus lourd et je trouvais ça beaucoup plus beau. Bon. Il voulait la Tour Eiffel. Il voulait la Tour Eiffel. Ouais j'imagine. Mais bon, il faut les comprendre aussi. Ouais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Je te laisse choisir un deuxième badge sur cette partie-là.

  • Speaker #0

    Alors j'avais fait la méduse, je vais faire le... Tiens le rorqual. C'est un Roarquel ça non ? Ouais.

  • Speaker #1

    Salut William ! Alors je voulais te demander, est-ce qu'il y a des personnes qui t'ont marqué pendant tes missions, des personnes que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #0

    Bah oui, évidemment, il y en a plein, tout le temps. Je pense que je vais parler de là d'un reportage tout récent, parce que lui m'a bouleversé. Récemment, j'ai pas mal bossé au Liban, pendant toutes les périodes de guerre avec Israël, entre Hezbollah et Israël, et j'ai notamment fait une enquête. pour match, pour Paris Match, avec mon fixeur Charbel et un jeune journaliste qui s'appelle Arthur Saradin qui est brillant. Et on a fait une espèce d'anatomie d'une frappe, c'est-à-dire une frappe en particulier de l'armée israélienne qui était censée tuer un leader du Hezbollah qui n'a pas été du tout touché. On l'a vu un mois et demi après, il a apparu dans un meeting. Mais par contre, il y a eu 17 victimes civiles. Et sur ces 17 victimes civiles, aucune n'était vraiment liée au Sbola. Donc on a oublié de faire un peu une enquête sur les tirs aveugles comme ça qui... qui décime énormément de civils. Et on a passé une dizaine de jours à vraiment retracer toutes les histoires de toutes les familles impactées dans les immeubles à côté, etc. Et donc il y a cette famille en particulier qui nous a beaucoup touchés parce que l'histoire est assez folle. Donc ce sont des réfugiés syriens qui ont quitté la Syrie à cause de la guerre en Syrie. Donc c'est vraiment une autre guerre. Ils se sont retrouvés dans un des immeubles ici parce qu'on pouvait les héberger là. voilà et Quand le missile est arrivé, il a tapé vraiment à l'endroit où il logeait. Donc ils sont tous morts sauf un, c'est Wahid. Et Wahid en arabe ça veut dire le seul, l'unique, comme si son nom annonçait cette histoire. Il était coiffeur, un jeune coiffeur d'une vingtaine d'années. Il était, quand il est sorti de son travail, il a été prié comme le font la plupart des musulmans à la mosquée. Il n'est pas du tout un intégriste islamiste ou quoi que ce soit, mais la plupart des musulmans vont prier. Et quand il a appris ça, quand il est sorti de la mosquée et ils sont tous morts, sa petite soeur qu'il adorait, il nous a montré plein de photos, sa petite soeur, elle n'était même pas identifiable tellement son corps a été enregistré. Il a dû aller récupérer de l'ADN sur des cheveux pour qu'on puisse bien prouver que c'était elle, parce que sinon elle partait, elle n'avait même pas le droit à une sépulture. Il a vu son frère complètement décimé, sa mère... en morceaux, son père décédé, et maintenant il est tout seul, il vit tout seul. Et on l'a rencontré, je l'ai photographié à Beyrouth, où il était chez un cousin éloigné qui l'hébergait, dans un état de choc incroyable. Et il essayait de quitter le pays, d'aller à Londres, je crois que les UN, le HR, essayaient de l'aider à pouvoir avoir des papiers, parce que paradoxalement, l'une des seules choses qu'il a retrouvées dans les décombres, c'est son passeport. pour essayer du coup d'aller à Londres, où là il a de la famille un peu éloignée, mais qui pourrait l'héberger et essayer de recommencer une nouvelle vie. J'ai appris récemment qu'il est toujours à Beyrouth. Mais voilà, ce jeune qui a 20 ans, qui n'a rien à voir avec cette guerre, se retrouve du jour au lendemain dans une famille vraiment aimante. On a vu plein de photos, ils sont tous très proches, avec sa petite sœur, ils passaient leur temps à se faire des selfies, à se faire des câlins, etc. Une famille aimante, ouverte d'esprit, je pense, pas du tout... Pas du tout lié à cette guerre et qui a fui une première guerre en Syrie il y a quelques années. Et voilà, ce mec il se retrouve tout seul. C'est une histoire affreuse. Et on oublie dans tous ces bombardements massifs, parce que là les chiffres qui passent, ce qu'on voit à Gaza, on en est à plus de 50 000 morts, ça devient presque abstrait tous ces chiffres. Et donc avec ce reportage on voulait vraiment mettre le... Mais revenir sur des gens, en particulier sur des histoires bien précises, pour rappeler qu'il y a des humains derrière tous ces chiffres. Ça n'a pas changé grand-chose au déroulement de ce qui se passe là. Mais en tout cas, on a fait cette enquête et j'en suis assez fier. Ce n'est pas souvent que je suis fier d'un boulot. Et celui-là, j'étais vraiment fier qu'on l'ait fait et qu'on l'ait publié.

  • Speaker #1

    Et tu as ces coordonnées ? Tu restes en contact un peu avec...

  • Speaker #0

    Pas directement, parce que lui il ne parle pas du tout anglais, mais par Charbel, mon fixeur Huawei, il prend des nouvelles régulièrement. Et ces temps-ci, j'essaie de trouver un peu de financement pour essayer de continuer à travailler sur tous ces personnages qu'on a suivis, et voir sur le long terme comment ils se reconstruisent derrière. J'aimerais bien essayer de travailler là-dessus. Donc je garde un peu le contact.

  • Speaker #1

    Et notamment, je pense aux jeunes filles philippines, est-ce que tu as du découvert ?

  • Speaker #0

    Non, il y a trop longtemps, c'était des enfants. Et Laurence qui avait monté cette association, pendant très longtemps on est resté en contact, j'étais resté aussi en contact avec sa famille je me souviens. Là on ne s'est plus parlé depuis assez longtemps. Ça remonte à plus de 20 ans ça. Ouais ouais. Mais il y en a, il y a plein de reportages où on reste en contact avec des gens, ouais ouais très souvent. Après je fais beaucoup de reportages en plein de pays différents donc...

  • Speaker #1

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Donc il n'y a pas tout le temps...

  • Speaker #1

    T'as des enfants d'ailleurs ? Non. Ok. Et t'en aurais voulu ou...

  • Speaker #0

    c'est une grande question j'aime beaucoup les enfants j'adore la présence des enfants j'ai une famille nombreuse après je sais pas si je serais bien m'en occuper je suis pas sûr de bien m'occuper moi-même je sais pas si j'arriverais bien à gérer sa responsabilité donc je sais pas je suis pas si vieux que ça justement si t'en aurais voulu je te parle au passé on verra ce qu'il se passe sur les prochaines années Je sais pas si c'est bien culpable ce que je veux faire mais mon ex compagne était aussi photographe et reporter et elle voyageait beaucoup, elle avait deux petites filles que j'ai participé à élever beaucoup. Bon, ça marchait, elles sont sorties donc je pense que c'est faisable.

  • Speaker #1

    Génial, on va descendre dans le dernier mode, le troisième niveau.

  • Speaker #0

    Le super dive.

  • Speaker #1

    Le super dive. Donc lĂ , quatre badges, je te laisse choisir un des badges.

  • Speaker #0

    Bah tiens les deux, on parlait d'enfants, il y a un… Est-ce que tu as déjà regretté de partir en mission ? Bah oui, évidemment, sur l'histoire de la série, oui. Ouais, j'imagine c'est sûr. Le série, quand je sens qu'on va y passer, qu'il n'y a pas d'issue et qu'on est là… Parce qu'il y a quelques jours, on est enfermé dans un immeuble. On est enfermé dans un petit appartement où on se cache et on sait que l'armée de Bachar el-Assad sait qu'on est là et qu'ils vont nous tirer dessus. Et ça tient parce que les rebelles qui nous ont... À cette époque-là, c'est l'armée syrienne libre. Donc voilà ce tout début de la guerre. Ce n'est pas du tout des islamistes, c'est des gens qui veulent de la démocratie, etc. Après, ça a pris une autre proportion, une autre direction. Et on sait que ceux-là qui veulent nous protéger nous mettent dans un appartement où il y a plusieurs étages au-dessus et même les immeubles autour sont très collés quasiment pour justement qu'on soit protégé. Mais il y a des missiles qui vont atterrir sur notre toit, qui nous cherchent. Et là où je sais qu'il y a eu des vrais moments de doute et d'inquiétude et de me dire « merde, on va y passer » . Et dans ces moments, surtout aussi au tout début... D'ailleurs, il y a un moment pire que ça, en fait. C'est au tout début, juste après l'explosion. Je crois que je suis tout seul parce que l'autre photographe, l'autre journaliste, pardon, qui a été indemne, on l'a revu que le soir. Il a disparu. C'est bizarre, on n'a pas compris ce qui s'était passé. Et donc, pendant plusieurs heures, je crois que je suis le seul indemne, en fait, de tout le groupe. Donc, je suis avec deux morts, deux blessés graves et moi tout seul indemne. Alors, plein de Syriens qui nous aident. Attention, on n'est pas que nous tous seuls. Mais quand même, je crois que de notre groupe, je suis le seul à l'aimé. Je me dis mais comment je vais faire ? Je suis dans une période de doute énorme, d'inquiétude. Je me souviens même qu'au moment où je pleure un peu assis comme un con dans cette clinique, c'est un Syrien qui vient me voir et qui me dit « non mais qu'est-ce que tu fais ? » Et j'ai presque eu honte de pleurer. Je me suis dit « putain, mais je pleure sur mon sort alors qu'ils sont 100 fois pire en fait. » Alors que nous, on a décidé de venir là en plus. Mais il y a un moment là où j'ai un espèce de rejet de mes appareils, de ce truc, et je me dis que c'est à cause de ça, c'est à cause de ces putains de photos qu'on en est là, ça fait chier, ça n'a aucun sens, etc. Ça n'a pas duré hyper longtemps, ça a duré jusqu'au lendemain, je crois. C'est un Syrien qui m'a dit « il faut que tu viennes faire des photos à la clinique, là, il y a un bébé qui vient d'arriver, il est tout entaillé là, il a reçu un éclat d'obus, il faut montrer ça » . Et j'y vais presque parce que je n'ose pas lui dire non. Et en fait là-bas je reprends le truc, je me dis mais oui il faut photographier ça. Et heureusement ça m'a remis un peu dans un mode de mission, de travail et de retrouver un peu de sens à notre présence ici. Et j'ai fait ces photos, et d'ailleurs il y a une photo de ce gosse qui a été publiée après dans Time quand on a réussi à sortir, deux semaines après. Mais si le mec n'était pas venu me chercher, je ne sais pas si j'aurais ressorti mes appareils aussi facilement. Je ne voulais pas, je ne voulais même pas les toucher, il y avait un espèce de rejet. C'est là que je suis pas très pro parce que l'autre journaliste, lui, il était déjà en train d'écrire, en train de trouver internet pour essayer d'envoyer ses papiers et tout. Il était beaucoup plus pro que moi.

  • Speaker #1

    Mais ça doit être tellement dur de ne pas éponger, tu vois, même ces images, tu vois, de bébés entaillés, etc. Tu fais comment ? Tu arrives à faire un genre un reset, tu vois ?

  • Speaker #0

    Non, tu fais pas un reset, mais tu te mets dans le mode proactif de... de travail quoi.

  • Speaker #1

    T'es dans l'action tout le temps en fait ? C'est pas qu'ils te permettent de...

  • Speaker #0

    Bon bah ça tac, il faut que j'en fasse une photo, il faut que j'en fasse une photo bien, que je l'envoie, etc.

  • Speaker #1

    Et quand t'es pas dans l'action justement ? T'arrives Ă ...

  • Speaker #0

    Bah quand on est pas dans l'action, on boit un coup, ou on rigole un peu avec les copains, ou... Mais souvent c'est des reportages qui se font où on est précisément tout le temps dans l'action quoi. On est à fond, à fond, à fond, à fond, et... Finalement c'est quand tu montes dans l'avion et que tu reviens, ou que t'arrives à Paris que... descend un peu ça va pas tout de suite d'ailleurs

  • Speaker #1

    Et tu as des trucs à toi ? Est-ce que tu fais un peu des trucs de méditation, de sophrologie, de sport ?

  • Speaker #0

    Méditation un tout petit peu pour des fois faire redescendre un peu les émotions. J'ai appris un peu des exercices de respiration. Je m'en sers de temps en temps. Après, je fais pas mal de sport. Pas autant que j'aimerais d'ailleurs. Donc le snow, tu parles. Le snowboard, j'essaie d'aller assez régulièrement en hiver évidemment, en été un peu de kitesurf, même si j'ai pas pu en faire récemment. Mais tout ça, ça me fait vachement de bien. J'ai passé 5 jours à la montagne à faire beaucoup de snowboard, j'ai des très bonnes conditions il y a 2 semaines. Voilà, ça me fait beaucoup de bien. Après ça peut m'arriver en reportage de même faire un peu de sport, même si c'est pas tout le temps simple. Mais des fois quand on est dans un bon hôtel, dans une capitale, il y a une salle de sport. Tu vas courir une demi-heure, ça fait du bien. Voilà, mais ouais, méditation, c'est pas mal aussi, ça marche bien.

  • Speaker #1

    Et tu penses, si t'avais des enfants, t'aurais fait toutes ces missions, justement, ou pas ? Ou tu crois que tu te serais dit...

  • Speaker #0

    Ce serait sûrement devenu un prétexte conscient, ou conscient pour dire, bah non, je vais pas assez loin. Est-ce que ce serait vraiment pour eux, ou est-ce que ce serait parce que ça me donne l'occasion ? de me limiter, je ne sais pas. Mais oui, ça aurait sûrement changé les choses. Je ne sais pas. Mon ex-compagne, j'ai déjà parlé. Je ne pense pas que ça l'ait limitée de quoi que ce soit. Elle est beaucoup plus têt brûlée que moi.

  • Speaker #1

    Ok, je te laisse choisir un dernier badge.

  • Speaker #0

    Alors, on a fait celui-lĂ  et celui-lĂ . Tiens, le petit et la baleine.

  • Speaker #1

    Je te laisse lire la question.

  • Speaker #0

    Tu as déjà été censuré ou empêché de raconter une histoire durant une de tes missions ? Bah oui, ça arrive tout le temps. Parce qu'évidemment, il y a des gens qui n'ont pas envie qu'on raconte ces histoires-là.

  • Speaker #1

    Ouais, j'imagine.

  • Speaker #0

    Peut-être encore plus aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les gens ont très très peur de l'impact d'une information qui sort. Et quand j'ai travaillé sur ces communautés apatrides, donc l'Expo qu'il y a en ce moment à Paris, il y a un des pays où j'ai beaucoup bossé, c'est en République dominicaine. Il y a une histoire assez forte là-bas. Il y a énormément de migrants haïtiens, dont certains sont là depuis vraiment plusieurs générations, qui avaient la nationalité dominicaine, mais il y a un tel racisme contre eux que la Cour suprême a enlevé la citoyenneté à 133 000 Dominicains d'origine haïtienne, ça c'était il y a une dizaine d'années, en 2013. Et ça a fait un tollé international énorme. Du coup, ils ont redonné la nationalité à une partie, mais il y en a toujours la moitié qui se sont trouvés complètement apatrides. C'est-à-dire que les autorités dominicaines ont dit « mais non, vous n'êtes pas dominicain, vous êtes haïtien » , sauf qu'ils sont là depuis plusieurs générations, donc ils avaient la nationalité dominicaine.

  • Speaker #1

    Donc on retire la nationalité, on leur retire la nationalité,

  • Speaker #0

    et eux leur disent « vous êtes haïtien » , sauf qu'ils disent « mais nous, on ne les connaît même pas, ça fait des générations qu'ils ne sont pas de notre pays » . Donc ils se retrouvent ni reconnus par Haïti, ni reconnus par la République Dominicaine.

  • Speaker #1

    Et ils font comment du coup ?

  • Speaker #0

    Ils peuvent voyager. Les brigadiers sont considérés comme des clandestins et ils peuvent être rattrapés et expulsés en Haïti. Mais Haïti dit, mais nous on ne les connaît pas. Et puis ils n'ont pas de vie à Haïti, leur vie est en République Dominicaine. Et donc j'ai travaillé un peu sur ce sujet-là. Et on a été beaucoup dans les bâtés. Les bâtés ce sont les villages de gens qui travaillent dans la canastrique. parce que... La raison pour laquelle il y a tant d'haïtiens, c'est parce que l'Haïti est très très pauvre et la République Dominicaine est beaucoup plus développée. Donc il y a toujours eu beaucoup d'haïtiens qui allaient travailler en République Dominicaine. Il y a toute une époque où la République Dominicaine faisait venir des haïtiens pour travailler dans les champs de canne à sucre. La grande économie principale de la République Dominicaine, il y a le tourisme, mais c'est aussi la canne à sucre. C'est-à-dire que le pays entier est recouvert de champs de canne à sucre. Et tous les gens qui travaillent dans les champs, c'est des travailleurs très très durs, très mal payés, ce ne sont que des Haïtiens, ou des descendants d'Haïtiens. Et donc on a été beaucoup dans ces champs, qui sont des champs privés, qui appartiennent à de très grandes compagnies, notamment une qui s'appelle Central Romana, et... Donc ces gens sont logés dans ce qui s'appelle des bâtés et ces villages sont... C'est frappant. On a l'impression d'être au 19e siècle dans le sud des Etats-Unis. Vraiment, c'est une autre époque. C'est des villages déglingués, des états affreux, où il n'y a souvent même pas d'accès à l'eau, parfois pas d'électricité, il n'y a pas de latrine, elles sont une toilette, ou alors embouchées. C'est vraiment des conditions de misère. Et tous ces gens sont logés par les entreprises qui emploient... qui les emploie pour travailler dans les champs de canne et sucre. Donc évidemment, on a été travailler dans ces villages. Je suis allé dans plusieurs de ces bâtés. Et il y a un jour, un bâté où on avait déjà bossé, photographié pas mal de gens et tout, et on me dit, il ne faut pas que vous restiez là. Et qu'est-ce qui se passe ? Et bien, il y a un homme de l'entreprise, Central Romana, qui est venu nous menacer, qui m'a dit que si on continue à vous parler, on allait avoir des problèmes. Donc là, on est super inquiets parce qu'on dit, qu'est-ce qu'on fait ? Si on continue notre reportage, on peut les mettre dans la merde. mais en même temps il faut aussi raconter ce qui se passe donc il faut essayer de trouver le... la bonne manière de continuer à avancer. Et on a été dans un autre bâté, puis après il y a un mec élu de la compagnie qui a voulu nous dire, vous n'avez pas le droit, c'est privé, il ne faut pas rester là, etc. L'année suivante, mon fixeur, qui était lui un Dominicain d'origine haïtienne, qui lui avait la nationalité dominicaine assez facilement, lui il a fait des études et tout, il avait tout ce qu'il fallait comme papier, etc. Il a été menacé de mort, sa famille a été menacée de mort.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ok.

  • Speaker #0

    Et l'entreprise, cette entreprise-là, la centrale Romana, elle est depuis fichée par les Etats-Unis comme ne respectant pas certaines règles. Donc du coup, le sucre qui vient de cette entreprise n'a pas le droit d'aller aux Etats-Unis, par exemple. Donc c'est quand même très très grave ce qui se passe. Donc là, c'est typique, un reportage où il faut raconter ce qui se passe, mais on se retrouve menacé ou on veut nous faire taire. Moi encore, j'ai de la chance, je suis français, donc je ne pense pas que les mecs vont s'attaquer à moi. C'est pour ça qu'ils ont menacé le fixeur.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment pour jauger justement entre ce que tu peux faire, pas faire ?

  • Speaker #0

    Alors après, ce qu'on a fait, c'est quand on nous a dit que ça pouvait, on a pu mettre les pieds. Parce que c'est vrai que c'est des endroits privés. En fait, au début, les gens ne nous ont pas vus. Je suis même allé photographier un moment, un contre-maître. J'ai une image d'ailleurs dans l'expo. C'est un contre-maître de cette entreprise qui est en train de travailler. Et je crois qu'il a cru que j'étais un touriste. J'ai vu qu'il me faisait faire des photos. Je suis allé carrément dans le champ avec lui.

  • Speaker #1

    Tu es passé pour des...

  • Speaker #0

    pour un touriste j'ai rien dit je suis arrivé j'ai pris ma photo il trouvait ça rigolo il a rien dit je pense que j'ai une tête de touriste qui a pas compris en plus je bosse au Laïka donc c'est des petits appareils assez compliqués c'est vrai qu'ils savent pas que t'es photographe moi j'ai pas été mentir non plus c'est sûr mais donc là on a pas évidemment continué dans le village parce qu'on veut pas surtout pas que les gens aient des problèmes et après ce que j'ai fait c'est que les images qui ont été sélectionnées que j'ai publiées, diffusées, etc. J'ai bien fait en sorte que déjà les noms, on a changé les noms, on ne donne pas quel est le bâtet, donc c'est quasiment impossible de retrouver qui est la personne photographiée. Si quelqu'un le veut absolument, il peut, mais il faut vraiment, c'est vraiment très compliqué. Des bâtets, il y en a des centaines. L'histoire, c'est une histoire typique de plein plein de gens. Donc voilà, il faut essayer de protéger un maximum et quand même sortir cette information qui est quand même très très importante à raconter.

  • Speaker #1

    et d'ailleurs justement avec ton en étant photographe tarif basse tu es vraiment en contact de la population, comment ils t'accueillent généralement ? Est-ce qu'il y a des gens qui ne veulent pas être pris en photo ? Comment ça se passe un peu ?

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, de plus en plus. Il y a des gens qui ont peur, ça c'est aussi à cause des réseaux sociaux, je pense. De plus en plus de gens qui ne veulent pas être pris en photo. Ça dépend énormément des cultures et des endroits. Un des endroits, paradoxalement, le plus dur, c'est de bosser, c'est en France. Ah ouais, vraiment ? Hyper dur, c'est hyper galère de bosser en France. Tu fais des photos dans la rue, en banlieue par exemple, tu vas te faire sauter dessus, tu fais machin, etc. Il y a plein d'endroits dans le monde où c'est facile, en Afghanistan, c'est facile de faire des photos.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est fou.

  • Speaker #0

    Donc ça dépend vraiment des endroits. Il y a des gens qui ont envie de partager leur histoire, il y a des gens qui ont très peur, il y a des gens... En Afrique, des fois c'est très facile, des fois c'est très très dur. C'est plus dur maintenant, en plus, quand on est un blanc, parce que je pense qu'il y a de plus en plus cette idée du blanc, surtout dans les ex-colonies françaises. Bon, ça peut vraiment se comprendre. Il y a cette idée que le blanc... continuent à exploiter l'africain, je comprends complètement cette idée. Mais sur l'histoire de la Centrafrique par exemple, c'était marrant au début, c'était assez facile de bosser d'un côté, puis après c'était facile aussi de bosser de l'autre. Puis un jour ils se sont aperçus qu'on publiait tout ça, là c'est devenu beaucoup plus dur. mais voilà je sais pas en asie par exemple c'est assez facile de bosser j'aime beaucoup bosser en asie puisque les gens sont très ouverts à l'image et comment tu as vécu toi justement ce changement des réseaux sociaux de la rapidité de l'information par

  • Speaker #1

    rapport à ton métier ?

  • Speaker #0

    bah c'est pas je suis pas sûr que ce soit une si bonne chose quoi parce que c'est devenu la source d'information numéro un pour plein de gens, alors que la source d'information numéro un, ça doit être fait par des professionnels, des médias reconnus avec une expertise, avec des moyens, avec une ligne éditoriale. Et donc maintenant, tout le monde se considère en capacité de relayer une information, mais sans la vérifier, sans la mesurer,

  • Speaker #1

    sans l'analyser. puis t'as le problème de l'IA, on va en parler après mais...

  • Speaker #0

    le problème de lire de l'intelligence artificielle justement alors il ya en plus il ya ça qui va arriver enfin qui arrive on a des clés les vraies photos des vêtements complètement bon avant on pouvait déjà trafiqué les images sous photoshop donc l'idée de la véracité d'une image elle est c'était déjà c'était déjà une vraie question mais non ce qui est ce qui est très ce qui est très dur aussi pour nous c'est que nous pour plein de gens on est on est associé à n'importe quel on pourrait être un associé à un influenceur on est associé à n'importe quelle personne qui se retrouve sur les réseaux sociaux on est la même chose un média ça devenait un média les réseaux sociaux c'est la même chose pour plein de gens alors que non c'est pas du tout la même chose mais je perds en métier perd un peu en valeur peu peur de perdre en crédibilité on peut nous prendre pour des et jusqu'à il n'y a pas longtemps il y avait ce fin il ya toujours ça mais c'est pas mal de pouvoir dire attention moi je travaille pour une graphique ou le monde ou qui peut peut-être nous aider à nous créditer. un peu plus mais le mais pour plein de gens le bout du monde ne mange rien ils sont pas ils voient juste gère maintenant tout le monde a un smartphone il voit juste sur leur smartphone la média c'est la même chose que quelque chose sur facebook sur un tic toc donc ça devient plus dur je pense de convaincre les gens de l'importance de ce qu'on se fait de mon fait et du professionnel avec lequel on on le fait. Et en même temps, nous, on a eu besoin aussi, on a utilisé aussi ces réseaux sociaux pour parler de notre travail, pour pouvoir, surtout quand on est indépendant, clipuser les photographes, on a besoin aussi de continuer. Alors, moins maintenant, parce que ça a perdu vachement ces temps-ci, mais depuis qu'il y a le nouvel algorithme, mais pendant... quelques années instagram c'était très important pour moi il fallait vraiment que je le mets bien sûr c'était une manière aussi de continuer à travailler d'avoir du boulot et de montrer que je continue à produire et c'est donc c'est aussi c'est tout ça c'est compliqué peut-être qu'on aurait dû nous refuser dès le début de jamais touché aux réseaux sociaux je sais pas pour justement qu'il ya une

  • Speaker #1

    frontière plus clair et justement par rapport à l'intelligence artificielle ou il ya un vrai changement par rapport à ça j'ai vu que je crois qu'il y avait ils ont réussi à faker le fait une photo qui a été gagné un prix mais qui était fait par une il ya tant pense quoi tout ça il y en a eu plusieurs qui m'ont fait

  • Speaker #0

    Ce qui est bien, c'est que ceux qui l'ont fait, ils ont avoué très vite l'avoir fait parce qu'ils avaient envie de faire un coup et de montrer l'attention. Donc ça, c'est plutôt pas mal. Mais ça veut dire qu'il y en a sûrement plein qui se sont passés à travers les gouttes. Donc oui, ça, c'est très inquiétant. C'est très inquiétant, mais il va y avoir aussi vite des outils qui vont sûrement, j'espère, pouvoir identifier et dire attention, là, non, ce n'est pas possible. Il y a des appareils maintenant qui commencent à sortir des trucs sur lesquels il y a une espèce de tag dans le fichier où on peut savoir que ça va sûrement aussi pouvoir se bricoler. Je ne sais pas. je pense que le pire est à venir. Pour l'instant, je pense qu'on est encore relativement épargné ou protégé, on va dire, mais il faut rester super vigilant pour la suite. Après, il y a un autre truc, une histoire de vraie hauteur, c'est que l'IA, elle s'appuie sur quelles images pour pouvoir créer des trucs. Elle s'appuie sur les images de tout le monde. Les professions. de change et donc nous on se fait aussi piller en quelque sorte nos créations donc ça c'est un autre problème donc non en tout cas ça pose plein de questions et pas d'inquiétude plein d'inquiétude lia génératif dans l'image à l'avenir et l'information avoir

  • Speaker #1

    et et pour finir du coup on en a un peu parlé tout à l'heure mais juste pour une personne du coup qui veut être photographe dans le jeu visuel peu importe vidéo photo Qu'est-ce que tu lui conseilles ? J'avais vu sur une de tes interviews, je crois que tu parlais de bouffer de l'image, d'aller dans des expos, de regarder le plus de photos possible. Je ne sais pas, est-ce que tu as un tips pour se transformer à la photo ?

  • Speaker #0

    Il faut se cultiver énormément. C'est vraiment quelque chose qui se cultive, je pense, l'image, comme toute... comme toute compétence. Et donc, il faut en voir beaucoup. La chance qu'on a, si on s'adresse à un Français, un Occidental, c'est qu'ici, à Paris, c'est sûrement un des meilleurs endroits au monde pour voir des expos photos. On a des super musées, on a des vrais beaux lieux d'exposition. on a de très beaux festivals Donc il faut voir beaucoup d'images, s'ouvrir l'esprit, sortir des sentiers battus, voir des travaux d'auteurs. C'est vraiment important. C'est une des premières choses que je dis dans les formations que j'anime avec Well Dungeon. Depuis l'année dernière, on a monté une formation spécifiquement pour les photographes documentaires qui est étalée sur plusieurs mois. On accompagne des jeunes photographes, ou moins jeunes d'ailleurs, sur un projet particulier. c'est vraiment la partie des choses chose est plus importante, je pense que c'est se cultiver l'œil. Et ça, se cultiver l'œil, il faut se noyer, s'abreuver, être ivre d'images, photos, mais aussi cinéma. Moi, je vais énormément au cinéma, je suis un fan de cinéma. Ou pas spécialement au cinéma, même sur son ordinateur. Donc ça, c'est vraiment important. C'est développer sa sensibilité aussi, parce que finalement, c'est surtout ça, je pense. Avec le recul, c'est pas beaucoup de technique, c'est de la sensibilité. C'est de la sensibilité.

  • Speaker #1

    Et comment tu la développes justement ?

  • Speaker #0

    Et bah par le biais de plein d'autres arts. Moi je suis sûr que ça m'a fait vachement de bien. J'ai fait beaucoup de musique quand j'étais gamin, un peu poussé par mes parents. J'ai fait pas mal de sport, je suis persuadé que tout ça, ça aide. Et je pense qu'il y a un truc aussi que moi j'ai trouvé un peu tout seul, c'est d'accepter une certaine sensibilité. Ma génération, je pense que c'était plus délicat d'accepter une sorte de sensibilité, peut-être un petit peu plus exceptionnelle. alors qu'au début de ma carrière je me demande si j'étais pas complexé d'une sorte de sensibilité mais ça c'est chose qui évolue aussi c'est sûr parce que chez les nouvelles générations il ya un peu plus carrément d'acceptance de ça moi je venais aussi d'un milieu enfin de famille de mec quatre garçons quatre frères donc c'est un truc de je pense que d'accepter aussi un peu sa civilité de comprendre que c'est une force et une puissance et qu'il faut l'utiliser et de le développer et que c'est un super outil Je pense que c'est un des points principaux, c'est un point super important dans la construction de tout, pas spécialement d'un photographe, de toute façon dans tout, artistes ou journalistes, tous ceux, et même dans un métier peut-être plus classique, je pense que c'est une force énorme la sensibilité. Donc ça, ça fait partie des choses à mon avis importantes, et puis bouffer de l'image, et puis ne pas avoir peur de continuer, parce que c'est long c'est des métiers où c'est très très long de percer c'est très très ça peut être facilement décourageant mais c'est la passion qui fait avancer et que donc il faut il faut il faut continuer un peu comme des mules quoi ouais où c'est poussé poussé et puis à des choses construites il ya des choses qui est pire à des moments qui ce qui vont s'ouvrir après ça se referme voilà ça fait comme 20 à 25 ans c'est une période où ça marche un peu moins bien donc on n'est jamais à l'abri mais c'est pas grave justement il faut un gros C'était une manière aussi de se renouveler, de développer son regard, etc. Oui, carrément. Donc, c'est aussi ça qui est passionnant. Ce n'est pas très sécurisant, mais c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Ok, génial. Du coup, pour rappeler, tu as une exposition. Rappelle jusqu'à quand ?

  • Speaker #0

    Exposition jusqu'au 28 juin à la Galerie Fête et Cause, donc rue Quincampoix, à deux minutes à pied de Beaubourg. Et c'est une petite galerie très chouette, très engagée, qui depuis 1997 je crois expose des travaux sur de la photographie sociale, sur des thématiques assez engagées comme les droits de l'homme. Et là, cette exposition, c'est sur les apatrides, donc des communautés apatrides que j'ai photographiées dans six pays à travers le monde.

  • Speaker #1

    Ok, génial. En tout cas, merci beaucoup William, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci de l'invitation.

  • Speaker #1

    Et on sent que tu es photographe parce que ça va être intéressant pour les gens qui n'ont pas d'image et qui écoutent justement sur les plateformes de streaming. Et justement, je rappelle qu'on est disponible sur toutes les plateformes de streaming, Spotify, etc. et que juste avec je trouve comment tu parles des choses on va en fait tu m'a fait voyager et visuellement on s'imagine on a je trouve que j'ai on est j'ai énormément voyagé là avec ce que tu as dit et visuellement s'imaginer plein de choses c'était franchement c'était passionnant merci beaucoup merci

  • Speaker #0

    je suis ravi que ça t'ait fait voyager ouais je crois que c'est sûrement ça qu'on aime aussi comme les photographes c'est de faire voyager l'autre ouais voilà ouais ouais Faire passer des choses, quoi. Faire passer des ressentis, des émotions, des idées,

  • Speaker #1

    des trucs. Carrément. Carrément, merci beaucoup, à bientôt, salut William Merci de nous avoir écouté, retrouvez Le Deep Dive tous les jeudis sur notre chaîne YouTube Et sur les plateformes d'écoute Spotify, Deezer Apple Podcasts et Amazon Music Pensez à vous abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes D'ici là, prenez soin de vous et à la prochaine

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Explication du concept

    15:18

  • 1er badge: Exposition Ă  Bruxelles, Festival des LibertĂ©s 2024

    15:48

  • 2e badge: Centrafrique 2014, photos prises au cĹ“ur du conflit

    21:24

  • Mode Deep Dive : l’immersion

    25:30

  • 1er badge: Syrie 2012, mission la plus dure psychologiquement de sa carrière

    25:40

  • 2ᵉ badge : Personnes qui l’ont marquĂ©e durant ses missions.

    49:05

  • Les abysses : 1er badge : A-t-il dĂ©jĂ  regrettĂ© d’être parti en mission ?

    55:23

  • Les abysses : 2° badge : Censure pendant l'une de ses missions

    01:01:05

  • Conclusion

    01:12:58

Description

Bienvenue dans ce deuxième épisode du Deep Dive, où l’on plonge avec William Daniels, photographe documentaire qui parcourt les zones de conflit pour donner une voix à ceux que l’on n’entend pas.

Des Philippines à la Syrie, de la Centrafrique au Liban, il a passé plus de 20 ans à documenter l’humanité dans ses zones les plus fragiles : Apatrides, conflits, identités effacées …

Parce que parfois, une image vaut mille mots, William partage ici les coulisses de ses missions, les visages qu’il n’oubliera jamais, les souvenirs qu’il porte encore.


Un récit puissant, entre mémoire, engagement et humanité.


Merci Wiliam 📸


🔗 Retrouvez William sur :

  • Insta : @williamodaniels

  • Facebook : William Daniels

  • Site de William Daniels : https://williamdaniels.net

  • Retrouve l’exposition "Apatride" de William Daniels, Ă  dĂ©couvrir du 30 avril au 28 juin 2025, du mercredi au samedi de 13h30 Ă  18h30, Ă  la galerie FAIT & CAUSE – 58 rue Quincampoix, 75004 Paris.


📩 Nos réseaux & contact :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux Ă  ce moment-lĂ . On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, dans un nouvel épisode du Deep Dive, on plonge avec William Daniels, photographe documentaire de terrain engagé, double lauréat du World Press Photo. Récompensé par le Visador Humanitaire, les bourses Tim et Tarrington et Getty Images, de la Centrafrique au Kirghizstan, des hôpitaux confrontés au paludisme, au camp de réfugiés apatrides, il choisit de regarder et de photographier là où d'autres détournent les yeux. Ensemble, on va descendre dans les profondeurs d'un métier où chaque image est prise entre vérité, risque et respect de l'humain. Bienvenue dans le Deep Dive William, je suis ravi de t'accueillir.

  • Speaker #0

    Merci, je suis ravi d'ĂŞtre lĂ , merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Du coup, tu rajouterais des choses par rapport à ton intro ? Je vais bien résumer un peu. Non,

  • Speaker #0

    c'est pas mal. C'est pas mal. Ouais, ça raconte un peu ce que j'ai fait sur une quinzaine d'années.

  • Speaker #1

    On dit photographe documentaire, d'ailleurs ?

  • Speaker #0

    Bon, ça, c'est un peu des détails. Moi, je me définis souvent comme photographe documentaire. On pourrait dire photojournaliste. Mais souvent, en France, le mot photojournaliste est un peu... Un peu galvaudé, je trouve. Il sous-entend qu'on travaille pour la presse. Et aujourd'hui, c'est des métiers qui ont énormément changé à cause de l'évolution de la presse. Les problèmes financiers, on ne se finance pas que par la presse. Donc, je préfère dire documentaire parce que du coup, c'est un spectre un petit peu plus large. Mais ça marche. C'est le réel, en tout cas. Je raconte le réel.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu fais ça depuis 20 ans ?

  • Speaker #0

    Un peu près.

  • Speaker #1

    Tu peux me raconter un petit peu, nous raconter comment tu es arrivé à ça ? Parce que je crois que tu as fait des études scientifiques. pour commencer ?

  • Speaker #0

    Oui. Ce ne sont pas des grandes études. J'ai fait un DUT de génie thermique et énergie parce que je venais d'un bac scientifique et que je ne savais pas trop quoi faire et que j'avais un profil plutôt mateux mais je n'avais pas du tout envie de faire d'études. Je n'avais pas envie de voyager énormément. Donc, je m'étais rabattu sur ce format d'un DUT en me disant que ce n'est que deux années. Au moins, ça me donne un vrai diplôme. Si jamais je me réveille pendant ces deux ans-là à vouloir faire des études un peu plus poussées, je pourrais peut-être les rattraper, sinon au moins si je tiens ces deux ans, j'ai quand même un diplôme. J'ai eu ce diplôme en étant très malheureux pendant ces deux ans. Tu faisais déjà de la photo ? C'est venu un peu à ce moment-là, justement par une espèce de frustration de faire des choses trop techniques et qui ne me semblaient pas assez humaines et qui me semblaient loin de ce qui me faisait un peu rêver, c'est-à-dire des expériences, des aventures, des choses un peu plus originales. Et je me suis mis, c'était en banlieue parisienne, et je me suis mis à faire pas mal de photos à ce moment-là, la nuit, le soir, je me souviens j'allais photographier la défense des fois, des choses comme ça. Et je pense que c'est arrivé pour combler ce manque un peu. Et puis après ces études, je suis parti. Enfin, j'ai fini ces études en Guadeloupe. J'ai fait le stage en Guadeloupe et je m'étais arrangé pour ne pas avoir à rentrer. Et pourquoi la Guadeloupe ? Parce que c'est un endroit très bien placé si on veut voyager. Parce qu'une fois que j'ai fini ce stage, j'ai bossé quelques mois dans un magasin photo. Presque par hasard, j'ai trouvé ce boulot dans un magasin photo. Donc c'était... Il y avait peut-être un petit message. Tu penses que c'est ça qui a... Non, mais en tout cas, ça tombait très bien. J'ai bossé 4 mois, le temps de gagner un peu de sous. Au bout de ces 4 mois, je suis parti faire un voyage de 5 mois en bateau stop. J'ai descendu toutes les Caraïbes en bateau stop. C'est ce que j'avais vu. Comment ça s'est passé,

  • Speaker #1

    le bateau stop ?

  • Speaker #0

    À cette époque-là, je pense que c'est toujours le cas. C'était assez facile parce que c'est très touristique, comme toute l'Arche des Caraïbes. C'est très très touristique, il y a beaucoup de locations de super voiliers et après ces voiliers souvent il faut les ramener quelque part donc il y a beaucoup de skippers qui convoient ces voiliers pour les ramener à l'endroit où ils vont être loués à nouveau et qui sont tout seuls et qui a priori ne sont pas contre prendre quelqu'un qui va du coup leur permettre de se reposer un peu plus parce qu'il peut tenir la barre etc. Donc il faut traîner un peu dans les marinas et dans le bar à l'apéro et puis montrer qu'on est sympa, qu'on a envie de voyager, qu'il y a ce petit sac à dos et puis on trouve... on trouvait en tout cas relativement facilement quelqu'un qui allait à la prochaine île ou moi en l'occurrence j'ai fait jusqu'à de Guadeloupe en Martinique après de Martinique jusqu'à Grenade.

  • Speaker #1

    T'avais quel âge ?

  • Speaker #0

    J'avais tout juste 21 ans parce que je suis parti quelques jours après mon anniversaire de mes 21 ans.

  • Speaker #1

    Ouais t'étais assez jeune quand même pour voyager.

  • Speaker #0

    Ouais bah j'avais vraiment très envie, j'avais vraiment un vrai besoin de ça et ce voyage après alors après arriver au Vénézuéla Ça a changé un peu de style. J'ai traversé le Venezuela, toute la Colombie et l'Équateur. Et puis, ça s'est transformé en une espèce de voyage un peu initiatique. Et puis, sur ce voyage, on a évidemment fait énormément de photos. Et puis, avec une envie claire de vivre quelque chose d'assez lié aux rencontres, lié aux expériences un peu originales ou exceptionnelles, qui avaient du sens. Donc, le diplôme de ce DUT, il n'est jamais sorti du tiroir. Je ne le mettais même plus sur mon CV. Je l'ai jamais utilisé.

  • Speaker #1

    Et du coup, tu as refait un an d'études en photo, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Après ça, je me suis dit, j'ai une autre grande passion qui est le snowboard. Donc après, j'ai passé deux années à faire des petits boulots de saison, surtout pour pouvoir passer l'hiver à la montagne et faire beaucoup de snowboard. Dans ces petits boulots, j'ai notamment fait photographes filmer. Ce sont les photographes, ça ne se fait plus trop maintenant à l'ère du numérique, mais les photographes qu'on voyait sur les plages. Je ne sais pas si votre génération a connu ça. Il y en a encore un peu dans les stations de ski qui peuvent vous affiler.

  • Speaker #1

    Il y en a beaucoup qui arrivent et qui prennent des risques.

  • Speaker #0

    Il y en avait énormément avant parce que ça marchait un peu. Je faisais ça.

  • Speaker #1

    Les plages,

  • Speaker #0

    je ne l'ai jamais vu. Je pense que ça ne se fait plus. Nous, on le faisait beaucoup sur les plages. Ça marchait un peu. Je l'ai fait un peu à la grande mode. Ce n'était pas une grande passion ce métier. Mais ça permettait de passer les saisons dans des endroits sympas et surtout, comme je le disais, à la montagne, de faire beaucoup de snowboard. Mais ça je l'ai fait que deux ans et après j'ai eu l'occasion de partir aux Philippines donner des cours de photo dans une association qui s'occupe de petites filles qui ont des histoires assez lourdes, qui ont été abandonnées, parfois même violées très jeunes. Et c'est une association qui a été montée par une française qui s'appelle Laurence Lisier qui a eu cette superbe idée de monter un atelier photo pour ses filles et j'ai eu l'honneur, le privilège si je puis dire, de monter la première session de cet atelier photo. Et c'était une expérience très très forte. Pendant que je faisais cet atelier avec ces filles, moi je les photographiais aussi beaucoup parce que du coup je vivais dans une même maison avec elles.

  • Speaker #1

    Et des enfants des rues du coup ?

  • Speaker #0

    Alors ouais, des enfants des rues souvent, des fois pas spécialement de la rue mais qui ont des histoires vraiment très lourdes. Certaines se retrouvaient à convoyer de la drogue pour leur oncle alors qu'elles avaient à peine 10 ans. Beaucoup étaient violées, c'était une histoire très très lourde. Il y en a une qui avait 11 ans qui était maman. Et donc j'ai passé quelques mois avec ces enfants et la connexion que j'ai eu avec ces filles a été une expérience forte. Et en plus, moi, je faisais beaucoup d'images pendant ce moment-là. Et donc du coup, j'ai commencé à découvrir un peu le rapport entre les images et les histoires humaines. Alors qu'avant, j'étais plus dans un truc un peu classique de photos de voyage. Je vais faire des belles photos qui iront dans les magazines de voyage, etc. Et là, j'ai commencé un peu plus à... Mais dire mais en fait c'est peut-être ça qui me plaît vraiment. Avec une petite ligne,

  • Speaker #1

    c'est ça qui t'a donné envie ?

  • Speaker #0

    Oui, de raconter des histoires sociales, de raconter des histoires humaines, de raconter des histoires qui ont du sens, plus que de faire de la belle photo de voyage.

  • Speaker #1

    Et du coup c'est incroyable d'avoir allié en fait tes trois passions, j'ai l'impression, genre le contact humain, la photo et les voyages.

  • Speaker #0

    Oui, c'était un peu ça, ouais, ouais, ouais. Et puis, ouais, c'est ça. Et puis raconter des choses qui ont du sens, voilà. J'avais envie de ça aussi, j'avais très envie de ça.

  • Speaker #1

    Et du coup les Philippines, raconte-moi un petit peu par rapport à ces jeunes filles, elles avaient jamais j'imagine fait de photos, c'était quoi un peu leur...

  • Speaker #0

    Alors elles connaissaient pas beaucoup la photo, puis alors c'était en 2000, en 2000 je crois, non pardon un peu plus, oui 99 si je me trompe pas, et il n'y avait pas les téléphones portables ou très peu, en tout cas c'était pas l'objet qu'on a aujourd'hui pour faire des photos, donc faire une photo c'était quelque chose, il fallait un appareil etc. et en plus c'était encore en argentique. Parce que votre génération n'a peut-être pas trop connu toi.

  • Speaker #1

    Alors moi j'ai connu, j'ai eu la chance d'avoir fait un club photo au collège et donc j'ai pu développer. J'ai adoré l'argentique, c'était super sympa en noir et blanc. Et après du coup maintenant c'est sûr que je pense que la nouvelle génération connaissent l'argentique.

  • Speaker #0

    Non ils ne connaissent pas trop.

  • Speaker #1

    Mais c'était sympa effectivement avec la petite lumière rouge dans le labo etc. Quand on a beaucoup fait, tu as commencé à faire ?

  • Speaker #0

    J'ai commencé comme ça, bien sûr. Et puis avec cette fille, j'ai monté ce petit labo aux Philippines, ce qui a été une vraie galère parce qu'il faisait 30 degrés, donc je ne marquais pas très bien les produits. Mais du coup, dans la fabrication de l'image, il y a quelque chose pour ces enfants qui ont un problème avec l'image, et beaucoup avec l'image d'elles-mêmes, parce qu'elles ont été souvent humiliées, maltraitées, etc. Et c'était ça l'intelligence de cet atelier, c'était de travailler sur l'image. Elles se sont beaucoup photographiées entre elles, donc il y a un jeu aussi de comment je m'affirme devant un appareil. Il y a aussi pour faire de la photo, notamment dans un esprit un peu d'un reporter, on va vers les autres. Donc c'est une manière aussi, ça peut être un prétexte pour aller communiquer avec les autres. Des fois, je les ai emmenés au village d'à côté, j'ai dit on va au marché, vous êtes obligés de faire des photos de quelqu'un à moins d'un mètre. Ah non, non,

  • Speaker #1

    je ne la contente pas.

  • Speaker #0

    Mais du coup, ça les force à aller vers le autre et ça faisait un jeu, etc. Et donc ça a été vraiment, moi j'ai l'impression que ça leur a apporté pas mal de choses. Moi, ça m'a apporté beaucoup de choses. c'est chouette Et puis il y a aussi dans la fabrication de l'image justement à cette époque là en argentique où la photo c'est pas juste on appuie on voit le résultat, il y a tout un processus. On développe le film et après on fait le tirage. Et tout ce processus il rentre aussi dans un exercice sur comment on construit l'image, comment on se pré-approprie l'image.

  • Speaker #1

    Ça devait être tellement plus gratifiant avant tu vois que maintenant tu prends une photo avec un iPhone tu vois tout de suite le résultat, la partie de...

  • Speaker #0

    Ça avait plus de valeur. Une image, c'était très compliqué à faire. Maintenant, on en fait 200 et on choisit la meilleure. Donc ça, c'était vraiment une superbe expérience. C'était vraiment très chouette.

  • Speaker #1

    Tu es retourné d'ailleurs aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Alors, j'ai retourné un an après. Après cette expérience, je me suis dit, maintenant, je crois que je sais ce que je veux faire. Peut-être qu'il serait temps que je me lance. Mais je ne connaissais rien à ce métier. Je venais d'une famille qui est très ouverte d'esprit, très chouette, mais plutôt mateuse, scientifique. Et donc, je me disais, je veux me lancer comme... reporter mais sans trop savoir comment faire ils ont soutenu ou Pas financièrement mais ils m'ont soutenu dans l'idée dans le principe mon père il était il savait pas trop il voulait pas être méchant mais il était pas réticent quoi il a pas interdit il était pas réticent il y a une époque je lui reprochais un peu de j'aurais bien aimé qu'il soit un petit peu plus encourageant mais je peux pas lui en vouloir il vient d'un milieu où on n'a pas fait de ce genre de métier Je pense qu'il s'inquiétait plus qu'autre chose pour moi. Très vite, il a changé d'avis quand il a vu que ça a commencé. Mais je m'étais dit, je rentre en France, il faut que je gagne de l'argent. Donc j'ai bossé comme barman tout un été et je retourne vite fait aux Philippines. Et là, cette fois, je vais me lancer, je vais faire mon premier reportage personnel sur le thème de l'enfance, particulièrement sur les enfants des rues à Manille. Et puis finalement, cette saison d'été n'a pas marché. J'ai eu un petit accident de bagnole, pas très grave, mais heureusement, parce qu'en fait, je me suis un peu calmé en me disant, Bon, peut-être qu'il faudrait que je m'organise un peu mieux, déjà, je n'y connais rien. Et là, je me suis aperçu que je pouvais faire une école, une petite école privée financée par l'État. Donc, j'ai eu beaucoup de chance, j'ai eu plein de soutien. Voilà, donc j'ai pu faire cette école qui, une petite année, c'était neuf mois, tout en étant un petit payé par mois. C'était à l'époque l'équivalent de ce qu'est le Pôle emploi aujourd'hui. Et du coup, j'ai pu aussi, pendant cette période-là, chercher une bourse pour retourner aux Philippines. Et donc, je suis retourné, mais cette fois, beaucoup mieux préparé, un an plus tard.

  • Speaker #1

    Ce principe de bourse, ça se passait comment du coup ?

  • Speaker #0

    Alors, je ne sais pas si ça existe encore, c'était de la bourse qui s'appelait DefiJeune, c'était une bourse régionale qui était donnée à un jeune de moins de 25 ans ou moins de 30 ans pour essayer de monter un projet soit professionnel, soit humanitaire.

  • Speaker #1

    Génial, ouais.

  • Speaker #0

    Et c'était vraiment pas grand-chose, je crois que c'était 1500 euros, mais bon, moi, ça m'avait payé le billet d'avion. Ok. Et voilà, et après sur place je m'étais arrangé avec des ONG qui m'hébergeaient, la vie coûtait pas très cher aux Philippines donc sur place ça coûtait presque rien.

  • Speaker #1

    Et donc t'es retourné aux Philippines ?

  • Speaker #0

    Je suis retourné aux Philippines et j'ai fait ce... Enfin je suis même plus que aux Philippines, je suis parti carrément trois mois, j'en ai profité pour aller aussi en Indonésie faire un autre reportage que j'ai complètement raté. Et celui sur les Philippines qui était vraiment le principal, le plus important, celui-là j'ai passé trois semaines donc à suivre des petites bandes de gamins. à travailler avec des ONG, aller même jusqu'en prison pour enfants à Manille, et à faire une sorte de portrait de cette jeunesse des rues aux Philippines. Et puis ce travail qui a été mon premier travail un peu personnel, m'a permis d'aller toucher un peu des rédactions. Il a été primé et après j'ai pu commencer à bosser pour des journaux en France, notamment il y a eu un peu de Libé, un peu du Monde, un peu de L'Express. grâce à ce reportage.

  • Speaker #1

    Ok.

  • Speaker #0

    Même si ça a mis du temps parce que ce reportage je l'ai fait en noir et blanc donc tout le monde trouvait ça super mais on donne pas de commande en noir et blanc donc il fallait que je passe à la couleur alors que je voulais faire que du noir et blanc à cette époque-là et je me suis mis à la couleur pour pouvoir avoir du boulot et j'ai bien fait parce que depuis j'adore la couleur et je suis devenu vraiment un photographe de la couleur, je suis un passionné de couleur.

  • Speaker #1

    Et tu disais toi que de ce que j'ai lu c'est que t'essayais de... de faire en sorte d'avoir les mêmes émotions qu'en noir et blanc, mais sur la couleur, qui est un passage pas facile justement entre les deux.

  • Speaker #0

    C'est pas si c'est les mêmes émotions, mais en fait la force du noir et blanc, c'est de transposer le réel dans quelque chose de différent, quelque chose de plus universel, quelque chose de plus global, qui raconte à la fois le sujet qui a été traité, mais en même temps peut-être des valeurs plus générales. Et avec la couleur, c'est plus dur parce qu'on est justement plus connecté au réel. Mais ce que j'aime essayer de faire, c'est justement de me servir de la couleur pour avoir cette même bascule qu'apporte le noir et blanc. C'est-à-dire sortir un peu du côté hyper journalistique et précis du sujet sur lequel on travaille pour aller vers quelque chose grâce à de la poésie, grâce à des associations de couleurs, grâce à la lumière, vers quelque chose qui prend une valeur plus universelle, plus en recul. C'est-à-dire, à titre d'exemple, un reportage sur la Centrafrique, un endroit où j'ai beaucoup travaillé, où l'image, finalement, elle peut venir illustrer plein d'autres choses, parce qu'elle fait écho à la fragilité humaine, au courage, à plein d'autres choses comme ça qu'on peut retrouver ailleurs et qui touchent tout le monde, qui ne touchent pas que les personnages des reportages que je... que je photographie quoi. Ok. Je ne sais pas si c'est très clair.

  • Speaker #1

    Ouais, si tu dis ça, ouais.

  • Speaker #0

    Les photographes, ça n'a pas très bien parlé d'habitude. Si,

  • Speaker #1

    si, non, c'était très imagé mais très clair. Avant d'entrer dans le vif du sujet, le Deep Dive est un podcast bienveillant où l'on va à la rencontre d'invités au parcours inspirant. Chaque semaine, je vous emmène avec moi pour explorer la partie immergée de l'iceberg. Le concept est simple, un invité, trois niveaux de discussion. À chaque niveau, l'invité choisit un ou deux badges parmi quatre animaux polaires directement sur la tablette. On commence en surpasse avec la partie émerger de l'iceberg, des questions plus légères pour apprendre à mieux connaître l'invité. Ensuite, on passe en mode deep dive. Direction la partie immergée de l'iceberg et dans les abysses pour des échanges de plus en plus nips. On vous laisse découvrir, c'est parti, l'exploration commence ici. Du coup, il y a 4 badges. Donc partie au-dessus de l'iceberg, je te laisse choisir un des badges et on va parler de ce qu'il y a en dessous.

  • Speaker #0

    Alors ils sont tous au-dessus de l'iceberg. Tu peux cliquer. Donc lĂ ,

  • Speaker #1

    on a un de tes posts Insta.

  • Speaker #0

    du coup tu peux dire ce que c'est pour ceux qui ne voient pas l'image alors c'est un post que j'ai fait il y a quelques mois à l'occasion d'une chouette exposition que j'ai eu à Bruxelles au festival des libertés qui est un super festival fait par une superbe équipe qui est un festival d'une dizaine de jours pendant lequel il y a déjà de la musique, des concerts mais aussi plein de conférences des projections de documentaires sur les droits humains ... Et à chaque fois, ils font ça une fois par an, il y a à chaque fois une grande expo photo et j'ai eu la grande chance que ce soit un travail que j'ai réalisé pendant quelques années sur des communautés apatrides, un peu partout dans le monde, qui a été exposé. Ce travail maintenant est exposé à Paris jusqu'à fin juin dans une petite galerie qui s'appelle la galerie Fête Ecosse près de Beaubourg. Et c'était une super expérience cette expo. En Belgique, c'est une superbe équipe. En Belgique, ils ont un truc génial, c'est que le gouvernement donne de l'argent pour les communautés religieuses. Mais comme il y a une grosse communauté laïque, il y a aussi une somme d'argent qui va pour les laïcs de la Belgique. Et pour pouvoir gérer cet argent, il y a une association qui a été montée qui s'appelle Bruxelles Laïque, qui récolte cet argent et qui finance en partie ce festival. sur les droits humains et voilà donc c'est le moyen d'aborder plein de thématiques assez importantes et de la culture etc et avec des fonds dans un lieu magique qui est le théâtre national wallonie bruxelles que je crois le plus grand théâtre belge c'était

  • Speaker #1

    vraiment ok super d'ailleurs par rapport aux expos que tu as pu faire c'était quoi les thèmes principaux et j'ai vu que tu as pas mal exposé j'avais dit donc pendant l'intro je crois que c'est paris New York, Dubrovnik, t'as fait pas mal de... Beaucoup d'expos, c'était quoi les thèmes principaux que tu as préféré ?

  • Speaker #0

    J'expose les projets sur lesquels je bosse, donc moi je travaille beaucoup sur l'humain, c'est souvent dans des situations de conflits, je ne me définis pas comme un photographe de guerre, parce que c'est une expression très galvaudée qui ne veut pas dire grand chose, mais c'est souvent lié à des conflits, c'est souvent lié à des droits de l'homme. C'est beaucoup sur des situations, des identités post-coloniales par exemple. J'ai beaucoup travaillé en Centrafrique, j'ai beaucoup travaillé au Kyrgyzstan, qui est un jeune pays qui vient de l'éclatement de l'URSS. J'ai beaucoup travaillé à Mayotte ces dernières années, qui est le dernier département français. Donc voilà, c'est toutes les thématiques où pourquoi les gens se tapent dessus, pourquoi les gens souffrent. Beaucoup, etc. Ça m'intéresse un peu parce que j'ai l'impression que ça a du sens de raconter, de fouiller là-dedans. Soit de trouver des explications, soit juste trouver un regard pour le raconter. Ça m'intéresse. Par rapport à cette expo, c'est important d'expliquer ce que c'est. C'est sur des communautés apatrides. un peu partout dans le monde et c'est un travail que j'ai fait grâce à une bourse de la National Geographic Society.

  • Speaker #1

    Donc juste pour bien expliquer le concept, donc apatride, tu peux expliquer un petit peu, tu es parier à un pays, comment tu deviens apatride, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Alors apatride c'est quand on n'a aucun état, en tout cas un état reconnu, qui reconnaît notre identité et donc qui nous offre une sorte de protection ou en tout cas une identité. Il y en a beaucoup dans le monde, il y en aurait une dizaine de millions. Ça peut être surprenant, mais il y en a beaucoup. Les plus célèbres sont les Rohingyas. C'est un peuple originaire du Bengale qui vivait énormément ces dernières décennies, ces dernières générations, même depuis un moment, déjà peut-être plus d'un siècle, en Birmanie. Sauf qu'en Birmanie, en 1982... On a considéré qu'ils ne faisaient pas partie, on leur a enlevé complètement la nationalité birmane. Il faut rajouter que par dessus ça, ils sont aussi musulmans dans un pays où il y a très peu de musulmans. Et donc ceux-là, ils sont plus d'un million à être complètement apatrides. Aucun pays ne peut les reconnaître. Ils n'ont pas de pays, pas de passeport.

  • Speaker #1

    Je ne pensais pas qu'il y en avait autant, c'est fou.

  • Speaker #0

    Après il y en a plein d'autres, il y en a une petite partie d'haïtiens en République Dominicaine. Il y en a beaucoup qu'on a considéré à risque d'apatrider. C'est-à-dire que techniquement, ils devraient être reconnus par un pays. Par exemple au Népal, il y en a énormément. Techniquement, ils devraient, mais les barrières administratives, la discrimination qui vient des castes, normalement qui n'existent plus, mais qui sont quand même encore beaucoup dans les rapports humains, font que tout ça fait qu'ils n'arrivent pas à avoir une reconnaissance officielle de leur état. Donc ils vivent comme des apatrides. Donc tout ce travail était dans six pays, travailler là-dessus, et indirectement c'est une réflexion sur qu'est-ce que c'est que la citoyenneté, à une époque où le... Les idées identitaires et le populisme explosent un peu partout, dopés par les réseaux sociaux malveillants. Et voilà, donc ça me semblait intéressant de travailler sur tout ça. Comment finalement dans une société on accepte certains mais pas d'autres, pourquoi, comment on partage les ressources, comment... Moi je trouve que c'est assez intéressant de passer un peu. Et c'est ce travail-là qui est exposé encore à Paris pendant quelques semaines. Ok,

  • Speaker #1

    génial. Top, je te laisse choisir du coup un deuxième badge ?

  • Speaker #0

    Alors, on va faire le petit phoque, tiens. Ah lĂ  lĂ , waouh, ouais.

  • Speaker #1

    Donc lĂ , photo...

  • Speaker #0

    C'est une photo très dure, c'est en Centrafrique. Centrafrique, c'est sûrement l'un des sujets les plus violents que j'ai traités avec la Syrie. Entre 2013 et 2016, j'ai travaillé quasiment presque que là-dessus, c'était vraiment mon gros projet. J'ai fait dix séjours, des séjours à chaque fois assez intenses parce que c'était un moment, vraiment une guerre, d'une violence incroyable. Et ce jour-là, je crois que c'est en 2015 ou 2014, 2014 peut-être, je ne sais pas si on voit sur le poste, 2014, ouais. C'est en 2014, on est au pire moment de la guerre, au pire moment de la guerre. Une violence incroyable, ça fait plusieurs mois qu'on est dans un vrai nettoyage ethnique. L'expression nettoyage ethnique est un terme très particulier qui a une valeur. Ce n'est pas moi qui l'utilise, c'est les Nations Unies qui l'ont utilisé. Entre des milices plutôt chrétiennes soutenues par la population plutôt chrétienne contre des milices musulmanes et surtout contre la population civile musulmane dans un pays, c'est difficile à résumer en quelques lignes, où il y a eu un coup d'État mené par des milices musulmanes quelques mois plus tôt qui ont fait beaucoup de... Beaucoup d'exactions, qui ont eu plein de gens, etc. Donc il y a eu un espèce de retour de vengeance par une population chrétienne qui est beaucoup plus grande, 85% à peu près, je crois, de la population est chrétienne. Mais sans que la communauté natationale ne le voie venir, notamment la France, qui s'est fait un petit peu... qui, je pense, a fait une grosse erreur là-dessus, et a laissé faire un petit moment, n'a pas eu le temps de mesurer cette... Et bref, on est dans un état de violence infinie, et on est... Cette image-là, alors, c'est un homme qui est venu voler. quelque chose apparemment dans un bâtiment. Le bâtiment est juste à côté de l'endroit où je loge. C'est un bâtiment administratif qui dépend d'un ministère. Et on entend des cris affreux et on voit qu'il y a un homme qui est en train de se faire lyncher. Donc on est plusieurs journalistes occidentaux à ce moment-là. On a cours en disant mais attendez, qu'est-ce qui se passe ? On essaie de les calmer. Ils me disent mais ce voyou là, c'est une sorte d'homme qui vit dans le quartier, un peu qui vivote dans la rue, etc. serait venu essayer de voler quelque chose dans la nuit dans ce bâtiment et dans ce pays qui est voilà où une sorte de justice sociale qui se fait comme ça un peu dans la rue donc ce mec est en train de se faire tabasser par ces gens dont certains sont des employés sont des employés d'état quoi des fonctionnaires et c'est voilà et on est là et finalement notre présence heureusement on va les calmer et ils vont appeler la police. La police va l'amener, mais alors ce qui est fou, et donc là c'est une photo que j'ai fait, au moment où la police arrive en gros, je me suis dit qu'il fallait montrer ça parce que ça racontait vraiment cette violence ordinaire qui habite tout le monde. Mais alors la petite histoire derrière, c'est que donc on amène...

  • Speaker #1

    Elle est très belle cette photo, elle est très dure.

  • Speaker #0

    Elle est très dure, ouais. Donc cet homme est amené au commissariat, mais c'est nous qui nous... En fait la police a très mal pris ça qu'on soit intervenu, et ont commencé à nous dire... Ils ont commencé à nous accuser. Mais vous, vous faites quoi ? Vous êtes qui ? Pourquoi vous permettez ça ? Etc. Heureusement, en sortant nos cartes de presse et en se plaignant, on a pu... Ça s'est arrangé, mais... Ça racontait beaucoup cette époque où les services d'État n'existent pas. pas ou peu sont assez inefficaces et où toute la population est dans une telle détresse qu'il y a une colère générale et que la violence elle est partout, elle éclate pour un rien quoi.

  • Speaker #1

    Ouais c'est sûr.

  • Speaker #0

    Si on n'avait pas été là, peut-être que ce mec se fait couper en morceaux quoi, vraiment.

  • Speaker #1

    Ok, super intéressant. Je te laisse cliquer sur le deep dive mode, on va rentrer en mode deep dive. Donc tu laisses cliquer tout en bas.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Du coup, on passe en mode deep dive, donc lĂ , tout l'iceberg, pareil, 4 badges, je te laisse en choisir un.

  • Speaker #0

    Et bah, alors c'est deux dauphins, allez tiens on va changer, on va prendre un non-mammifère. Quelle a été ta mission la plus dure psychologiquement de ta carrière ? Bah, il y en a deux qui me viennent tout de suite à l'esprit, on va dire oui, non, c'est sûr, non, il y en a même une, il n'y a aucun doute, c'est la Syrie en 2012. parce qu'on était plusieurs journalistes. On avait réussi à rentrer dans... C'est le début de la guerre en Syrie. On était rentrés dans une ville assiégée, la ville d'Oms. Et le lendemain matin de notre arrivée, on s'est fait bombarder. Et on était six journalistes. Il y en a deux qui sont morts sur le coup, deux qui ont été gravement blessés et deux qui n'ont rien eu. Moi, j'ai une chance énorme de faire partie des deux qui n'ont rien eu. Mais la suite a été assez compliquée parce qu'on a passé neuf jours à devoir se cacher et puis réussir à rejoindre le Liban avec ma collègue Edith Bouvier, une amie qui avait une blessure assez grave à la jambe et si on la transportait trop, elle pouvait mourir très vite parce que son os pouvait toucher l'artère fémorale. Et bref...

  • Speaker #1

    Et elle qui s'est fait un garrot, j'ai vu avec...

  • Speaker #0

    Non, alors moi je ne l'ai pas fait de garrot, non, moi j'ai juste...

  • Speaker #1

    J'avais un câble éternel, je crois que j'ai lu ça...

  • Speaker #0

    Alors ça, ce n'est pas elle, ça c'est Paul Conroy, l'autre blessé, lui s'est fait un garrot effectivement avec un câble éternel avant de rejoindre la petite clinique où ils ont pu être soignés, qui a été bombardée un peu après la clinique. Mais voilà, il y a eu ces neuf jours où on aurait dû y passer pas mal de fois, où moi j'aurais dû y passer pas mal de fois. Et ouais, ça a été assez dur.

  • Speaker #1

    J'ai vu que tu as été sauvé par un mur, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Ouais, un petit bout de mur, un peu comme là. Je pense que j'ai été sauvé par ce mur grâce à une discussion de la veille où je parlais justement avec Paul. C'est-à-dire que l'appartement dans lequel on était, il y avait une... porte vraiment dans un bois pas solide du tout qui est pile dans l'axe de la porte de l'immeuble et je me disais si jamais à un moment quelqu'un tire par cette porte la porte de l'immeuble juste derrière cette porte en bois ne protège de rien du tout donc peut-être que c'est dangereux et je pense que cette discussion m'est restée dans l'esprit dans un petit coin et qu'au moment où on s'est fait bombarder il y a eu une suite de 4 roquettes et en fait la manière avec les roquettes elles servent à à essayer de... C'est-à-dire qu'il y a une première roquette, ils adaptent, c'est un petit peu derrière, une roquette qui va plus loin, et puis du coup, ils se rapprochent. Et donc, c'est suite de plusieurs roquettes, les Syriens avec qui on est, qui sont des activistes, journalistes, pro-démocratie, comprennent que ça se rapproche, et que ça va sûrement taper sur l'immeuble. Et au moment où on nous dit ça, parce qu'au début, il nous dit, il faut sortir vite fait, Quand il y a la deuxième ou troisième, il nous dit non non, attention, il ne faut plus sortir, parce que là il comprend que finalement ça va sûrement taper, et là c'est déjà trop tard, et je pense qu'à ce moment-là, moi je comprends, attention, je repense à cette porte, et du coup je fais un tout petit saut de cabri pour aller sur le bord de la porte, et je suis protégé par ce bout de mur. Les deux qui ont déjà passé cette porte en faisant le tour sont morts, c'est Rémi Euchlick et Marie Colvin, dont Rémi qui était un jeune photographe hyper talentueux français. Il y a un primatenant qui porte son nom au festival Visable pour l'image. Il avait 27 je crois quand il est décédé et Marie Colvin c'était elle une une reporter de guerre hyper connue, vétéran, il y a un film sur elle. Elle avait je pense un bon 55 ans quelque chose comme ça je veux pas dire de bêtises mais voilà donc eux sont morts sur le coup. Edith Bouvier et Paul Conroy qui étaient Comme moi, à l'intérieur de l'appartement, mais juste dans l'axe de la porte, eux ont été blessés assez gravement, parce que la porte a volé en éclats. Et moi, j'étais derrière ce petit bout de mur, et Ravier Espinoza, un journaliste espagnol, lui était de l'autre côté, sur l'autre petit bout de mur, de l'autre côté de la porte. et j'irai à eux même pas une égratignure

  • Speaker #1

    Et tu penses qu'ils vous visaient du coup ?

  • Speaker #0

    Ah oui, on le sait très bien.

  • Speaker #1

    J'avais vu qu'il y avait un drone qui checkait.

  • Speaker #0

    Des drones, il y en a tout le temps. On l'entendait, on l'entendait. Même des fois, on arrive à le voir. Un moment, il passe un peu, il y a un petit reflet, etc. On arrive à le voir. Mais le drone, on l'entend tout le temps. Même là, au Liban, où j'ai beaucoup travaillé à l'automne, on l'entend en permanence, le drone. D'ailleurs, c'est très sénant parce qu'il y a cette espèce de bruit de moustique et vous savez qu'il est là, qu'il observe, etc.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment, toi, personnellement, du coup, pour encaisser ça ? Comment on vit ? Moi, tu me racontes ça, dans ma tête, c'est un film. Je n'arrive pas à me dire que c'est réel en tant qu'occidentaux.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas quoi répondre à cette question, parce qu'en fait, moi, je me considère plutôt sensible, plutôt émotif. Je ne suis pas du tout un gros, dur, gros... Mais ça passe peut-être parce que c'est un choix de vie. Alors pas de me faire bombarder, évidemment, non. Mais que je sais qu'on a... Par connaissance de cause ? Oui, c'est ça. On part un petit peu en connaissance de cause. C'est pas pareil que je pense à un drame qui nous arrive. Enfin, je pense que j'ai été beaucoup plus bouleversé comme tout le monde par, par exemple, la mort de mon père il y a quelques années. Alors pas de... peut-être pas plus bouleversé c'est différent mais finalement quand on met ça à côté voilà ça rentre dans les mêmes dans les mêmes proportions fait ouais en terme de tristesse sache d'accord

  • Speaker #1

    mais mais pas en termes de traumatisme, tu vois, parce que du coup, t'as des PTSD du coup.

  • Speaker #0

    Oui, oui, alors moi, j'ai toujours été déjà très sensible à ces notions de PTSD. Ma génération fait partie, je pense, celle qui a commencé à un peu mieux reconnaître le PTSD. Je pense que la génération des reporters, vraiment, qui ont fait beaucoup de conflits avant, il y a un peu une sorte de déni presque du PTSD. Pas un déni, pas général, mais je sais beaucoup, il y a un truc, il y avait ce truc assez masculiniste. Ma génération est beaucoup moins masculiniste et puis il y a eu une vraie reconnaissance. Et puis la génération qui arrive en dessous, elle est encore plus ouverte et chouette parce qu'il y a ... Il y a encore d'autres évolutions. Mais moi, j'ai toujours été très ouvert à PTSD. Donc, quand il y a eu cette expérience, le premier truc que j'ai fait, c'est que j'ai été tout de suite voir un psy. D'ailleurs, c'est le gouvernement français qui nous a rapatriés, qui me l'a conseillé, qui est vraiment spécialiste du PTSD, un psy militaire, vraiment spécialiste du PTSD. Et moi, j'ai été très, très, très proactif là-dessus.

  • Speaker #1

    Il y a juste des stress post-traumatiques, pour ceux qui ne connaissent pas.

  • Speaker #0

    Oui, PTSD, c'est le stress post-traumatique, le syndrome de post-traumatique. Et qui m'a vu trois fois, pendant ces trois fois d'une séance d'au moins une heure, une heure et demie, j'ai raconté tous les petits détails, tous les petits trucs, parce qu'il voulait voir s'il y avait quelque chose. En fait, souvent, le PTSD, ça associait vraiment un petit détail à un truc particulier, une vision, une sensation. Et moi, paradoxalement, même si cette histoire est énorme, il semble qu'il n'y ait pas ce petit truc de PDC. Ça ne veut pas dire que je n'ai pas souffert, que j'ai pleuré en lui racontant certaines scènes, etc. Mais ce n'est pas pour autant qu'il y a vraiment un pitié.

  • Speaker #1

    Il t'a fait de l'EMDR ou pas ?

  • Speaker #0

    Alors c'est marrant, j'ai essayé de l'EMDR. J'ai essayé de l'EMDR, ça n'a pas super bien marché. C'était il y a quelques années, mais je crois que je vais réessayer. Parce que j'ai quand même gardé un truc de cette expérience affreuse en Syrie. C'est que j'ai gardé une hypersensibilité au son violent, comme une porte qui claque. Et il semble que c'est quelque chose qui peut s'améliorer avec l'EMDR. Donc peut-être que je vais réessayer. Mais ce qui est marrant, quelques années après, j'ai eu une grosse expo à Mérignac, à Bordeaux, et on a organisé une conférence avec une grande spécialiste du PTSD, parce qu'il y a un institut de recherche là-bas, à Bordeaux, là-dessus, où on a parlé de ça, et elle tout de suite m'a dit « Non, non, mais toi, t'as pas un PTSD. Un PTSD, c'est quelque chose qui t'habite chaque minute de ta vie, qui bouleverse tous tes rapports humains, tes rapports sociaux, etc. » On le voit dans le film, il y a un film, American Sniper je crois, non ? Je ne sais plus si ce n'est pas ce film-là. Non,

  • Speaker #1

    BTS.

  • Speaker #0

    Oui, oui, je ne sais plus si c'est American Sniper avec cet acteur qui est un tireur d'élite de l'armée américaine, qui bosse en Irak et qui revient et puis qui devient complètement fou avec sa famille, vraiment violent. Ça c'est vraiment typique BTS. Donc moi il semble que je n'en ai pas. En tout cas ça n'a pas été... bouleverser ma vie sociale.

  • Speaker #1

    Et mĂŞme si tu n'en as pas, comment tu fais pour repartir ?

  • Speaker #0

    Ça peut sembler bizarre mais en fait la première chose que j'ai envie de faire c'était de repartir. J'ai quasiment plus refait des zones aussi compliquées que cette époque-là en Syrie. Après j'ai travaillé en Centrafrique, c'était différent, c'est pas des bombes qui tombent du ciel déjà, parce que les bombes qui tombent du ciel, ça je veux plus. Donc c'était très différent, à ce moment-là en Centrafrique c'était extrêmement violent, mais c'est affreux à dire, mais on était relativement protégé en étant blanc à cette époque. Ça a complètement changé maintenant je pense, mais on était relativement protégé, pour plein de raisons. Et puis surtout, ce n'était pas des bombes qui tombent du ciel, ce n'est vraiment pas pareil. Des gens qui tirent ou des gens qui se battent avec des machettes. Une bombe, c'est affreux, ça tape n'importe où et ça tue partout autour. Et quelques années après, je me suis retrouvé à Mossoul, en Irak, pour la chute de l'État islamique, où là, c'était une situation un peu similaire avec des bombes, etc. Je n'ai pas du tout aimé et je n'ai plus trop refait depuis. Donc je pense que ça, je ne le referai plus. Après, il y a une chose qui est importante, c'est que ces expériences-là, déjà, il n'y en a pas tant que ça, moi, dans ma carrière. J'ai travaillé sur beaucoup de conflits, mais vraiment être à l'endroit où ça tape, où ça pète, où on peut vraiment se prendre une bombe, etc. Je ne l'ai pas fait énormément, ça. Donc, je ne suis pas quelqu'un qui fait beaucoup de lignes de front. Donc, souvent, on appelle ça, les anglo-saxons appellent ça vraiment des combats de photographeurs. On est vraiment de ceux qui vont faire du combat. Déjà, moi, je ne fais pas beaucoup, ça. Je l'ai fait un tout petit peu, quoi.

  • Speaker #1

    Et les potes tu l'as fait, d'ailleurs tu as un gilet pare-balles, comment ça se passe ?

  • Speaker #0

    Ça dépend des situations, alors à cette époque-là j'avais quasiment jamais bossé, j'ai fait toute la chute de Tripoli sans gilet pare-balles La Syrie c'était impossible d'avoir un gilet pare-balles, parce que pour rentrer dans cette ville assiégée on est rentré par un tunnel de 4 km de long qui est un tunnel d'évacuation d'eau, qui faisait 1m60 de haut, donc on était le strict minimum, donc on n'avait pas de gilet pare-balles C'est comment pour le matos du coup,

  • Speaker #1

    vous portiez tout pour l'eau ?

  • Speaker #0

    Matos, on n'a rien. On a un petit sac à dos. Une brosse à dents, un matos photo, un ordi, un caleçon et deux t-shirts. Je vous exagère, mais c'est quasiment ça. C'est un tunnel d'évacuation d'eau, mais il n'y avait pas d'eau, il y a juste un peu de boue. Un tunnel par lequel on a failli ressortir, on a essayé de ressortir le lendemain, enfin non, trois jours après.

  • Speaker #1

    Et du coup, si je reviens par exemple au PTSD, mĂŞme si on n'en a pas, tu fais comment ?

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Quand tu dis qu'il y a potentiellement un risque, tu vois, parce qu'en fait, même si t'as pas que des zones de conflit très graves, etc. T'as des risques, en fait, quand tu voyages, j'imagine, un peu partout, quoi. Surtout quand t'es en contact avec des populations très pauvres, etc. Donc comment tu pars dans l'optique de dire que potentiellement, il peut t'arriver quelque chose ? Comment on se prépare à ça ?

  • Speaker #0

    Ah oui, évidemment, il faut. Mais il faut du coup tout faire pour qu'il se passe rien, quoi. Ça veut dire bien préparer, bien... comme bien bien se renseigner, travailler avec les bonnes personnes. Généralement, quand on travaille dans des coins comme ça, on travaille avec ce qu'on appelle un fixeur.

  • Speaker #1

    Je vais t'en parler. Justement, je ne connaissais pas cette expression. J'ai vu ça sur de tas d'interviews. Et donc, c'est quoi exactement un fixeur ?

  • Speaker #0

    Je pense que très souvent, c'est un journaliste local qui va nous servir un peu de... Alors, à la fois d'interprète, mais qui sert à préparer les rendez-vous, qui sert et qui va devenir... Avec qui on va avoir un travail très... très proche, quoi. Et ça, la qualité de cette personne... Tu fais beaucoup de choses. Par exemple, au Liban, j'en ai un super qui s'appelle Charbel, qui est devenu un vrai copain, qui a été mon élève il y a quelques années dans le cadre d'un stage avec la National Geographic Society en Côte d'Ivoire. Pourtant, lui, il est libanais. Mais lui par exemple il est excellent et je sais que quand il pense que c'est trop dangereux, je sais comprendre, si lui il dit que c'est trop dangereux, je lui fais confiance.

  • Speaker #1

    Comme un alpiniste avec son charpas j'imagine.

  • Speaker #0

    Ouais voilĂ , il y a ce genre de choses.

  • Speaker #1

    Mais il faut avoir une confiance sur son fixeur, j'imagine ça doit être...

  • Speaker #0

    Bah ouais, c'est pour ça qu'il faut bien trouver les bons. Généralement on se les échange entre journalistes, donc on sait un peu qui est plutôt bon, qui semble carré. Mais tout ça, il faut les payer bien ces gens-là parce que ils risquent leur vie. Donc c'est du budget. Donc ça veut aussi dire que la sécurité, ça coûte cher en fait. Et ça, c'est un vrai souci parce qu'aujourd'hui, il y a très peu d'argent, de moins en moins d'argent dans la presse et dans le reportage en général. Et ça devient un vrai problème. Beaucoup de jeunes partent sans pouvoir justement se payer un bon fixeur qui va faire bien attention à eux.

  • Speaker #1

    Alors tu disais qu'il y a quelques dizaines d'années ou quelques années, justement, le process, ce que j'avais lu sur quand tu partais par exemple avec National Geography ou autre, c'était beaucoup plus long, il y avait beaucoup plus de budget, alors que maintenant il y a vraiment une rupture de budget, tu trouves, pour les médias ?

  • Speaker #0

    Oui, ça s'est énormément cassé la gueule, ça c'est sûr, parce qu'on le voit partout dans tous les médias, il y a de moins en moins d'argent. Alors le printemps de la suédoise graphique, c'était quelque chose de très particulier, parce que c'est quelque chose qui a toujours, sauf depuis quelques années, qui a toujours eu construit... qui s'est construit avec cette idée de faire les reportages avec les meilleurs budgets sur des longues périodes et c'était magique de bosser pour eux, vraiment génial. Mon premier reportage pour eux en Sibérie, je suis allé, j'ai fait deux séjours d'un mois. pour publier neuf photos à la fin. Donc, c'est un truc de fou.

  • Speaker #1

    C'est incroyable.

  • Speaker #0

    Et au milieu de ces deux séjours d'un mois, on va à Washington, on fait un premier editing, c'est-à-dire un premier choix d'image, on discute et on repart sur le terrain avec toutes les critiques des équipes. Donc ça, c'était des budgets énormes. Malheureusement, ça s'est cassé la gueule.

  • Speaker #1

    Puis du coup, j'imagine que tu as plus de... C'est plus lent, donc toi, avec ton oeil de photo, tu as plus de temps pour avoir un travail qualitatif. J'imagine que tout va tellement vite maintenant que...

  • Speaker #0

    Ouais.

  • Speaker #1

    On va pas parler de bâcler le travail, mais t'as pas le même travail,

  • Speaker #0

    quoi. Non, non, c'est sûr, c'est sûr. On fait des reportages en quelques jours. Donc ça demande... Ouais, il y a moins de recul. Ouais, ouais, c'est sûr.

  • Speaker #1

    Et du coup, sans parler, tu vois, de PTSD, on parlait de peur, etc. Mais juste cette notion de... Comment tu fais pour pas trop éponger ? sur une situation non dangereuse mais qui est dure sur les photographies que tu prends, comment tu fais toi pour garder de la distance entre quand tu prends en photo un sujet ?

  • Speaker #0

    Des fois on ne peut pas trop la garder la distance.

  • Speaker #1

    Tu vis avec.

  • Speaker #0

    Mais des fois il y a le fait d'être derrière l'appareil, ça crée cette espèce de distance. Alors il faut faire attention parce que ça peut être aussi un leurre. C'est bon, je suis protégé. Et puis, finalement, ce qu'on voit, par exemple, en Centrafrique, il y a un moment où je me suis retrouvé à photographier des miliciens dans un petit village où on nous avait dit, attention, c'est chaud là-bas, il se passait des trucs bizarres. Et je suis là, je les photographie, etc. Et puis, à un moment, je vois que par terre, il y a une tête. Et le mec, il m'a posé comme ça avec la crèche, je continue à faire les photos. Et je me dis, il faut les faire ces images, il faut les faire parce que c'est un témoignage qui peut servir vraiment, vraiment. Et d'ailleurs maintenant ces images ont servi dans un procès à la CPI récemment. Mais je fais ces images, et là je suis caché en photo, donc je pense que je continue comme ça en force, en disant il faut le faire, il faut le faire, c'est dégueulasse, c'est dégueulasse. Et là je pense que j'ai sûrement l'impression, en étant derrière l'appareil, que je suis relativement protégé. En fait, là, c'est un peu un leurre parce que l'image, tu la vois quand même. Et après, elle a été publiée, elle a été exposée, cette photo. Et après, maintenant, je ne veux plus la voir. C'est-à-dire qu'elle est sur mon ordinateur. Le fichier, il y a un tag rouge dessus parce que je sais que je ne veux pas l'ouvrir. Je ne veux pas revoir toute cette série où on voit le mec qui pose avec la tête, qui est malin comme ça et tout. Bref. Mais encore une fois, d'un point de vue témoignage et document, il faut le faire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est sûr. Elle existe. Oui, bien sûr.

  • Speaker #0

    Alors, elle existe parce que le mec, il fait les malins devant moi. aussi bien, mais quand même, il le prend. Et il faut absolument que ce soit enregistré. Mais pour revenir à ce que tu disais, du coup la plupart du temps quand même il y a un peu ce côté on est derrière l'appareil donc du coup on a une certaine distance et en étant derrière l'appareil on peut aussi à des moments se dire, et c'est assez égoïste mais c'est important quand même c'est pas vraiment mon histoire moi je suis là pour leur raconter.

  • Speaker #1

    Donc tu prends vraiment de la distance avec ce que tu photographies.

  • Speaker #0

    Et c'est pour ça que je pense aussi en tout cas moi j'ai toujours eu besoin de faire comme ça je reste jamais trop longtemps dans un pays je reviens ici pour me rappeler que ma vie moi elle est... Avec ma famille, avec une stabilité relative, enfin en tout cas plus de stabilité, un confort aussi. Et après, je suis très content de retourner vite fait. Mais essayer de se rappeler qu'attention, c'est pas... Parce que je pense que ça arrive un peu chez des jeunes aujourd'hui, qui se mettent à fond comme ça dans leur sujet, qui partent vraiment habiter sur place. Ça peut être super d'habiter sur place, parce qu'on développe une expertise, etc. Mais qui du coup, je pense, sont trop... Ça devient trop leur propre histoire et ça, ça peut... déglinguer plus, ça peut être très profond. Moi, je pense, en tout cas, c'est comme ça que je me protège, que c'est important de me rappeler que ce n'est pas vraiment mon histoire. Je suis juste un témoin de ça, ponctuel.

  • Speaker #1

    Justement, par rapport aux jeunes et moins jeunes qui veulent se former Ă  la photo, qu'est-ce que tu leur recommanderais en termes de...

  • Speaker #0

    Ben, peut-être vraiment passionné parce que sans passion, j'ai bien s'accroché parce que c'était dur quand moi j'ai commencé il y a 20 ans, je pense que c'est bien plus dur aujourd'hui. Principalement parce que voilà, il n'y a plus trop d'argent dans les médias, parce qu'il y a aussi une concurrence plus raide, parce que moi j'étais encore à une époque où c'était un peu, la grande majorité des photographes c'était quand même des occidentaux. Ça a vachement évolué, ce qui est plutôt une bonne chose. mais ça veut dire aussi plus de concurrence.

  • Speaker #1

    Avec les locaux sur place ?

  • Speaker #0

    Il y a des très bons photographes partout dans le monde. Il y avait sûrement des très bons photographes partout dans le monde avant, mais peut-être que c'était plus difficile pour eux de réussir à se connecter pour des médias. Il y a aussi que comme les médias ont moins d'argent, travailler avec un photographe local coûte moins cher, parce qu'on n'est pas obligé de lui payer un hôtel et un asian. Peut-être même qu'il n'a pas besoin de traducteur ou de fixeur, parce qu'il connaît bien le pays. Oui, c'est vrai. Et puis surtout, les journaux ont beaucoup moins d'argent. Il y a beaucoup moins de journaux qui sont en recherche d'un vrai regard particulier parce que la plupart des médias maintenant sont abonnés à l'AFP ou AP, etc. Ces gros mastodontes qui fournissent de l'information du monde entier tous les jours, etc. De très bonne qualité, mais qui va être moins personnalisée, moins plus générale sur la manière de traiter un conflit. Donc des médias qui vont vraiment vouloir continuer à travailler avec un photographe qui va développer un regard particulier, un angle particulier. Il y en a très peu dans ceux qui ont encore de l'argent.

  • Speaker #1

    Tu as bossé avec quels médias du coup ? Avec beaucoup de médias mais...

  • Speaker #0

    Alors ceux avec qui j'ai bossé vraiment assez régulièrement pendant une période de ma vie, ça a été Time un petit peu, qui était vraiment un super hebdomadaire américain. Qui est toujours un super hebdomadaire américain mais qui a beaucoup moins d'argent, en tout cas qui ne produit quasiment plus, qui n'envoie plus des photos à l'autre bout du monde. Mais je bossais un peu pour eux. La Centrafrique j'ai commencé pour eux d'ailleurs. Et puis surtout National Geographic pendant une dizaine d'années, là où j'ai réalisé pas mal de reportages pour eux. C'était super parce que quasiment à chaque fois des chouettes budgets avec des super photoéditeurs. Le photoéditeur c'est celui, c'est un peu la personne salariée de la rédaction avec qui on va bosser de manière très proche, avec qui on va regarder les photos ensemble, on va choisir les photos ensemble, etc. Il connait le projet depuis le début.

  • Speaker #1

    Et tu disais d'ailleurs que National Geographic, ça s'est adouci en termes de charte éditoriale depuis que ça a été arraché par Disney, c'est ça ?

  • Speaker #0

    Alors ça a été arraché par Disney il y a quelques années. Et bon, malheureusement, Disney...

  • Speaker #1

    De ligne éditoriale.

  • Speaker #0

    Confond peut-être, à mon sens, divertissement et journalisme. Et c'est affreux parce que cette marque qu'est National Geographic, et notamment le magazine qui a été... qui s'est développé pendant plus de 130 ans, je crois que ça fait quasiment 140 ans que ça existe, qui a mis des décennies à construire cette espèce d'excellence photographique sur le long terme, avec les meilleurs photographes du monde, etc. Oui, donc ça a beaucoup changé, et maintenant ils veulent des sujets légers, sympas, surtout pas droits de l'homme, surtout pas des histoires sociales, comme moi je fais. Donc j'ai trop le profil pour eux. Ceci dit, j'ai beaucoup bossé. J'ai bossé pour eux récemment parce qu'ils ont fait un gros sujet au moment des JO sur la scène à Paris. J'ai fait la couverture qui est sortie dans plusieurs pays dans le monde sur là-dessus. Mais bon, ça, c'est vraiment un travail de commande. Ce n'est pas ce que je fais moi-même.

  • Speaker #1

    C'est la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Oui,

  • Speaker #0

    la tour Eiffel que tu vois sur la scène. Il y a eu d'autres versions en fonction des pays qui ont été utilisées.

  • Speaker #1

    Et tu dis, effectivement, c'est les Américains qui voulaient absolument placer la tour Eiffel, qui avaient fait plein d'autres photos sur quel t'étais plus fier

  • Speaker #0

    Ce qui est marrant, c'est qu'au début... Elle est très belle,

  • Speaker #1

    avec la tournée.

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, ouais. C'est marrant, je l'ai faite vraiment tout à la fin. J'ai bossé des jours et des jours là-dessus. Parce qu'en plus, c'était l'année dernière, au printemps et dernière. Et je ne sais pas si vous vous souvenez, il y avait un temps pourri. Il flottait tout le temps. Il faisait 10 degrés. Je suis allé, j'ai loué un bateau. On a été sur la Seine. Il y avait des enfants, tout ça. je faisais des photos qui étaient chouettes mais ils étaient tous avec des écharpes pour une publication en juillet ça marchait pas trop Et donc j'ai vachement galéré et cette photo de la tour Eiffel je l'ai fait tout à la fin et en fait ce qui est marrant c'est qu'il me disait mais tu fais comme tu veux, ce qu'on veut c'est que ce soit Paris et tout. Et en fait comme tu veux dans le langage américain ça va un peu dire en fait ce serait bien qu'il y ait la tour Eiffel parce que pour plein d'étrangers et ça il faut aussi le comprendre, c'est une vingtaine d'années donc on a peut-être pas trop ce recul. L'emblème de Paris c'est quand même la Tour Eiffel. Moi je me disais, mais par exemple Orte, c'est un super beau bâtiment, sur la Seine le matin c'est très beau.

  • Speaker #1

    Ça parlera moins.

  • Speaker #0

    Plus lourd et je trouvais ça beaucoup plus beau. Bon. Il voulait la Tour Eiffel. Il voulait la Tour Eiffel. Ouais j'imagine. Mais bon, il faut les comprendre aussi. Ouais c'est sûr.

  • Speaker #1

    Je te laisse choisir un deuxième badge sur cette partie-là.

  • Speaker #0

    Alors j'avais fait la méduse, je vais faire le... Tiens le rorqual. C'est un Roarquel ça non ? Ouais.

  • Speaker #1

    Salut William ! Alors je voulais te demander, est-ce qu'il y a des personnes qui t'ont marqué pendant tes missions, des personnes que tu as pu rencontrer ?

  • Speaker #0

    Bah oui, évidemment, il y en a plein, tout le temps. Je pense que je vais parler de là d'un reportage tout récent, parce que lui m'a bouleversé. Récemment, j'ai pas mal bossé au Liban, pendant toutes les périodes de guerre avec Israël, entre Hezbollah et Israël, et j'ai notamment fait une enquête. pour match, pour Paris Match, avec mon fixeur Charbel et un jeune journaliste qui s'appelle Arthur Saradin qui est brillant. Et on a fait une espèce d'anatomie d'une frappe, c'est-à-dire une frappe en particulier de l'armée israélienne qui était censée tuer un leader du Hezbollah qui n'a pas été du tout touché. On l'a vu un mois et demi après, il a apparu dans un meeting. Mais par contre, il y a eu 17 victimes civiles. Et sur ces 17 victimes civiles, aucune n'était vraiment liée au Sbola. Donc on a oublié de faire un peu une enquête sur les tirs aveugles comme ça qui... qui décime énormément de civils. Et on a passé une dizaine de jours à vraiment retracer toutes les histoires de toutes les familles impactées dans les immeubles à côté, etc. Et donc il y a cette famille en particulier qui nous a beaucoup touchés parce que l'histoire est assez folle. Donc ce sont des réfugiés syriens qui ont quitté la Syrie à cause de la guerre en Syrie. Donc c'est vraiment une autre guerre. Ils se sont retrouvés dans un des immeubles ici parce qu'on pouvait les héberger là. voilà et Quand le missile est arrivé, il a tapé vraiment à l'endroit où il logeait. Donc ils sont tous morts sauf un, c'est Wahid. Et Wahid en arabe ça veut dire le seul, l'unique, comme si son nom annonçait cette histoire. Il était coiffeur, un jeune coiffeur d'une vingtaine d'années. Il était, quand il est sorti de son travail, il a été prié comme le font la plupart des musulmans à la mosquée. Il n'est pas du tout un intégriste islamiste ou quoi que ce soit, mais la plupart des musulmans vont prier. Et quand il a appris ça, quand il est sorti de la mosquée et ils sont tous morts, sa petite soeur qu'il adorait, il nous a montré plein de photos, sa petite soeur, elle n'était même pas identifiable tellement son corps a été enregistré. Il a dû aller récupérer de l'ADN sur des cheveux pour qu'on puisse bien prouver que c'était elle, parce que sinon elle partait, elle n'avait même pas le droit à une sépulture. Il a vu son frère complètement décimé, sa mère... en morceaux, son père décédé, et maintenant il est tout seul, il vit tout seul. Et on l'a rencontré, je l'ai photographié à Beyrouth, où il était chez un cousin éloigné qui l'hébergait, dans un état de choc incroyable. Et il essayait de quitter le pays, d'aller à Londres, je crois que les UN, le HR, essayaient de l'aider à pouvoir avoir des papiers, parce que paradoxalement, l'une des seules choses qu'il a retrouvées dans les décombres, c'est son passeport. pour essayer du coup d'aller à Londres, où là il a de la famille un peu éloignée, mais qui pourrait l'héberger et essayer de recommencer une nouvelle vie. J'ai appris récemment qu'il est toujours à Beyrouth. Mais voilà, ce jeune qui a 20 ans, qui n'a rien à voir avec cette guerre, se retrouve du jour au lendemain dans une famille vraiment aimante. On a vu plein de photos, ils sont tous très proches, avec sa petite sœur, ils passaient leur temps à se faire des selfies, à se faire des câlins, etc. Une famille aimante, ouverte d'esprit, je pense, pas du tout... Pas du tout lié à cette guerre et qui a fui une première guerre en Syrie il y a quelques années. Et voilà, ce mec il se retrouve tout seul. C'est une histoire affreuse. Et on oublie dans tous ces bombardements massifs, parce que là les chiffres qui passent, ce qu'on voit à Gaza, on en est à plus de 50 000 morts, ça devient presque abstrait tous ces chiffres. Et donc avec ce reportage on voulait vraiment mettre le... Mais revenir sur des gens, en particulier sur des histoires bien précises, pour rappeler qu'il y a des humains derrière tous ces chiffres. Ça n'a pas changé grand-chose au déroulement de ce qui se passe là. Mais en tout cas, on a fait cette enquête et j'en suis assez fier. Ce n'est pas souvent que je suis fier d'un boulot. Et celui-là, j'étais vraiment fier qu'on l'ait fait et qu'on l'ait publié.

  • Speaker #1

    Et tu as ces coordonnées ? Tu restes en contact un peu avec...

  • Speaker #0

    Pas directement, parce que lui il ne parle pas du tout anglais, mais par Charbel, mon fixeur Huawei, il prend des nouvelles régulièrement. Et ces temps-ci, j'essaie de trouver un peu de financement pour essayer de continuer à travailler sur tous ces personnages qu'on a suivis, et voir sur le long terme comment ils se reconstruisent derrière. J'aimerais bien essayer de travailler là-dessus. Donc je garde un peu le contact.

  • Speaker #1

    Et notamment, je pense aux jeunes filles philippines, est-ce que tu as du découvert ?

  • Speaker #0

    Non, il y a trop longtemps, c'était des enfants. Et Laurence qui avait monté cette association, pendant très longtemps on est resté en contact, j'étais resté aussi en contact avec sa famille je me souviens. Là on ne s'est plus parlé depuis assez longtemps. Ça remonte à plus de 20 ans ça. Ouais ouais. Mais il y en a, il y a plein de reportages où on reste en contact avec des gens, ouais ouais très souvent. Après je fais beaucoup de reportages en plein de pays différents donc...

  • Speaker #1

    Ouais, c'est sûr.

  • Speaker #0

    Donc il n'y a pas tout le temps...

  • Speaker #1

    T'as des enfants d'ailleurs ? Non. Ok. Et t'en aurais voulu ou...

  • Speaker #0

    c'est une grande question j'aime beaucoup les enfants j'adore la présence des enfants j'ai une famille nombreuse après je sais pas si je serais bien m'en occuper je suis pas sûr de bien m'occuper moi-même je sais pas si j'arriverais bien à gérer sa responsabilité donc je sais pas je suis pas si vieux que ça justement si t'en aurais voulu je te parle au passé on verra ce qu'il se passe sur les prochaines années Je sais pas si c'est bien culpable ce que je veux faire mais mon ex compagne était aussi photographe et reporter et elle voyageait beaucoup, elle avait deux petites filles que j'ai participé à élever beaucoup. Bon, ça marchait, elles sont sorties donc je pense que c'est faisable.

  • Speaker #1

    Génial, on va descendre dans le dernier mode, le troisième niveau.

  • Speaker #0

    Le super dive.

  • Speaker #1

    Le super dive. Donc lĂ , quatre badges, je te laisse choisir un des badges.

  • Speaker #0

    Bah tiens les deux, on parlait d'enfants, il y a un… Est-ce que tu as déjà regretté de partir en mission ? Bah oui, évidemment, sur l'histoire de la série, oui. Ouais, j'imagine c'est sûr. Le série, quand je sens qu'on va y passer, qu'il n'y a pas d'issue et qu'on est là… Parce qu'il y a quelques jours, on est enfermé dans un immeuble. On est enfermé dans un petit appartement où on se cache et on sait que l'armée de Bachar el-Assad sait qu'on est là et qu'ils vont nous tirer dessus. Et ça tient parce que les rebelles qui nous ont... À cette époque-là, c'est l'armée syrienne libre. Donc voilà ce tout début de la guerre. Ce n'est pas du tout des islamistes, c'est des gens qui veulent de la démocratie, etc. Après, ça a pris une autre proportion, une autre direction. Et on sait que ceux-là qui veulent nous protéger nous mettent dans un appartement où il y a plusieurs étages au-dessus et même les immeubles autour sont très collés quasiment pour justement qu'on soit protégé. Mais il y a des missiles qui vont atterrir sur notre toit, qui nous cherchent. Et là où je sais qu'il y a eu des vrais moments de doute et d'inquiétude et de me dire « merde, on va y passer » . Et dans ces moments, surtout aussi au tout début... D'ailleurs, il y a un moment pire que ça, en fait. C'est au tout début, juste après l'explosion. Je crois que je suis tout seul parce que l'autre photographe, l'autre journaliste, pardon, qui a été indemne, on l'a revu que le soir. Il a disparu. C'est bizarre, on n'a pas compris ce qui s'était passé. Et donc, pendant plusieurs heures, je crois que je suis le seul indemne, en fait, de tout le groupe. Donc, je suis avec deux morts, deux blessés graves et moi tout seul indemne. Alors, plein de Syriens qui nous aident. Attention, on n'est pas que nous tous seuls. Mais quand même, je crois que de notre groupe, je suis le seul à l'aimé. Je me dis mais comment je vais faire ? Je suis dans une période de doute énorme, d'inquiétude. Je me souviens même qu'au moment où je pleure un peu assis comme un con dans cette clinique, c'est un Syrien qui vient me voir et qui me dit « non mais qu'est-ce que tu fais ? » Et j'ai presque eu honte de pleurer. Je me suis dit « putain, mais je pleure sur mon sort alors qu'ils sont 100 fois pire en fait. » Alors que nous, on a décidé de venir là en plus. Mais il y a un moment là où j'ai un espèce de rejet de mes appareils, de ce truc, et je me dis que c'est à cause de ça, c'est à cause de ces putains de photos qu'on en est là, ça fait chier, ça n'a aucun sens, etc. Ça n'a pas duré hyper longtemps, ça a duré jusqu'au lendemain, je crois. C'est un Syrien qui m'a dit « il faut que tu viennes faire des photos à la clinique, là, il y a un bébé qui vient d'arriver, il est tout entaillé là, il a reçu un éclat d'obus, il faut montrer ça » . Et j'y vais presque parce que je n'ose pas lui dire non. Et en fait là-bas je reprends le truc, je me dis mais oui il faut photographier ça. Et heureusement ça m'a remis un peu dans un mode de mission, de travail et de retrouver un peu de sens à notre présence ici. Et j'ai fait ces photos, et d'ailleurs il y a une photo de ce gosse qui a été publiée après dans Time quand on a réussi à sortir, deux semaines après. Mais si le mec n'était pas venu me chercher, je ne sais pas si j'aurais ressorti mes appareils aussi facilement. Je ne voulais pas, je ne voulais même pas les toucher, il y avait un espèce de rejet. C'est là que je suis pas très pro parce que l'autre journaliste, lui, il était déjà en train d'écrire, en train de trouver internet pour essayer d'envoyer ses papiers et tout. Il était beaucoup plus pro que moi.

  • Speaker #1

    Mais ça doit être tellement dur de ne pas éponger, tu vois, même ces images, tu vois, de bébés entaillés, etc. Tu fais comment ? Tu arrives à faire un genre un reset, tu vois ?

  • Speaker #0

    Non, tu fais pas un reset, mais tu te mets dans le mode proactif de... de travail quoi.

  • Speaker #1

    T'es dans l'action tout le temps en fait ? C'est pas qu'ils te permettent de...

  • Speaker #0

    Bon bah ça tac, il faut que j'en fasse une photo, il faut que j'en fasse une photo bien, que je l'envoie, etc.

  • Speaker #1

    Et quand t'es pas dans l'action justement ? T'arrives Ă ...

  • Speaker #0

    Bah quand on est pas dans l'action, on boit un coup, ou on rigole un peu avec les copains, ou... Mais souvent c'est des reportages qui se font où on est précisément tout le temps dans l'action quoi. On est à fond, à fond, à fond, à fond, et... Finalement c'est quand tu montes dans l'avion et que tu reviens, ou que t'arrives à Paris que... descend un peu ça va pas tout de suite d'ailleurs

  • Speaker #1

    Et tu as des trucs à toi ? Est-ce que tu fais un peu des trucs de méditation, de sophrologie, de sport ?

  • Speaker #0

    Méditation un tout petit peu pour des fois faire redescendre un peu les émotions. J'ai appris un peu des exercices de respiration. Je m'en sers de temps en temps. Après, je fais pas mal de sport. Pas autant que j'aimerais d'ailleurs. Donc le snow, tu parles. Le snowboard, j'essaie d'aller assez régulièrement en hiver évidemment, en été un peu de kitesurf, même si j'ai pas pu en faire récemment. Mais tout ça, ça me fait vachement de bien. J'ai passé 5 jours à la montagne à faire beaucoup de snowboard, j'ai des très bonnes conditions il y a 2 semaines. Voilà, ça me fait beaucoup de bien. Après ça peut m'arriver en reportage de même faire un peu de sport, même si c'est pas tout le temps simple. Mais des fois quand on est dans un bon hôtel, dans une capitale, il y a une salle de sport. Tu vas courir une demi-heure, ça fait du bien. Voilà, mais ouais, méditation, c'est pas mal aussi, ça marche bien.

  • Speaker #1

    Et tu penses, si t'avais des enfants, t'aurais fait toutes ces missions, justement, ou pas ? Ou tu crois que tu te serais dit...

  • Speaker #0

    Ce serait sûrement devenu un prétexte conscient, ou conscient pour dire, bah non, je vais pas assez loin. Est-ce que ce serait vraiment pour eux, ou est-ce que ce serait parce que ça me donne l'occasion ? de me limiter, je ne sais pas. Mais oui, ça aurait sûrement changé les choses. Je ne sais pas. Mon ex-compagne, j'ai déjà parlé. Je ne pense pas que ça l'ait limitée de quoi que ce soit. Elle est beaucoup plus têt brûlée que moi.

  • Speaker #1

    Ok, je te laisse choisir un dernier badge.

  • Speaker #0

    Alors, on a fait celui-lĂ  et celui-lĂ . Tiens, le petit et la baleine.

  • Speaker #1

    Je te laisse lire la question.

  • Speaker #0

    Tu as déjà été censuré ou empêché de raconter une histoire durant une de tes missions ? Bah oui, ça arrive tout le temps. Parce qu'évidemment, il y a des gens qui n'ont pas envie qu'on raconte ces histoires-là.

  • Speaker #1

    Ouais, j'imagine.

  • Speaker #0

    Peut-être encore plus aujourd'hui, avec les réseaux sociaux, les gens ont très très peur de l'impact d'une information qui sort. Et quand j'ai travaillé sur ces communautés apatrides, donc l'Expo qu'il y a en ce moment à Paris, il y a un des pays où j'ai beaucoup bossé, c'est en République dominicaine. Il y a une histoire assez forte là-bas. Il y a énormément de migrants haïtiens, dont certains sont là depuis vraiment plusieurs générations, qui avaient la nationalité dominicaine, mais il y a un tel racisme contre eux que la Cour suprême a enlevé la citoyenneté à 133 000 Dominicains d'origine haïtienne, ça c'était il y a une dizaine d'années, en 2013. Et ça a fait un tollé international énorme. Du coup, ils ont redonné la nationalité à une partie, mais il y en a toujours la moitié qui se sont trouvés complètement apatrides. C'est-à-dire que les autorités dominicaines ont dit « mais non, vous n'êtes pas dominicain, vous êtes haïtien » , sauf qu'ils sont là depuis plusieurs générations, donc ils avaient la nationalité dominicaine.

  • Speaker #1

    Donc on retire la nationalité, on leur retire la nationalité,

  • Speaker #0

    et eux leur disent « vous êtes haïtien » , sauf qu'ils disent « mais nous, on ne les connaît même pas, ça fait des générations qu'ils ne sont pas de notre pays » . Donc ils se retrouvent ni reconnus par Haïti, ni reconnus par la République Dominicaine.

  • Speaker #1

    Et ils font comment du coup ?

  • Speaker #0

    Ils peuvent voyager. Les brigadiers sont considérés comme des clandestins et ils peuvent être rattrapés et expulsés en Haïti. Mais Haïti dit, mais nous on ne les connaît pas. Et puis ils n'ont pas de vie à Haïti, leur vie est en République Dominicaine. Et donc j'ai travaillé un peu sur ce sujet-là. Et on a été beaucoup dans les bâtés. Les bâtés ce sont les villages de gens qui travaillent dans la canastrique. parce que... La raison pour laquelle il y a tant d'haïtiens, c'est parce que l'Haïti est très très pauvre et la République Dominicaine est beaucoup plus développée. Donc il y a toujours eu beaucoup d'haïtiens qui allaient travailler en République Dominicaine. Il y a toute une époque où la République Dominicaine faisait venir des haïtiens pour travailler dans les champs de canne à sucre. La grande économie principale de la République Dominicaine, il y a le tourisme, mais c'est aussi la canne à sucre. C'est-à-dire que le pays entier est recouvert de champs de canne à sucre. Et tous les gens qui travaillent dans les champs, c'est des travailleurs très très durs, très mal payés, ce ne sont que des Haïtiens, ou des descendants d'Haïtiens. Et donc on a été beaucoup dans ces champs, qui sont des champs privés, qui appartiennent à de très grandes compagnies, notamment une qui s'appelle Central Romana, et... Donc ces gens sont logés dans ce qui s'appelle des bâtés et ces villages sont... C'est frappant. On a l'impression d'être au 19e siècle dans le sud des Etats-Unis. Vraiment, c'est une autre époque. C'est des villages déglingués, des états affreux, où il n'y a souvent même pas d'accès à l'eau, parfois pas d'électricité, il n'y a pas de latrine, elles sont une toilette, ou alors embouchées. C'est vraiment des conditions de misère. Et tous ces gens sont logés par les entreprises qui emploient... qui les emploie pour travailler dans les champs de canne et sucre. Donc évidemment, on a été travailler dans ces villages. Je suis allé dans plusieurs de ces bâtés. Et il y a un jour, un bâté où on avait déjà bossé, photographié pas mal de gens et tout, et on me dit, il ne faut pas que vous restiez là. Et qu'est-ce qui se passe ? Et bien, il y a un homme de l'entreprise, Central Romana, qui est venu nous menacer, qui m'a dit que si on continue à vous parler, on allait avoir des problèmes. Donc là, on est super inquiets parce qu'on dit, qu'est-ce qu'on fait ? Si on continue notre reportage, on peut les mettre dans la merde. mais en même temps il faut aussi raconter ce qui se passe donc il faut essayer de trouver le... la bonne manière de continuer à avancer. Et on a été dans un autre bâté, puis après il y a un mec élu de la compagnie qui a voulu nous dire, vous n'avez pas le droit, c'est privé, il ne faut pas rester là, etc. L'année suivante, mon fixeur, qui était lui un Dominicain d'origine haïtienne, qui lui avait la nationalité dominicaine assez facilement, lui il a fait des études et tout, il avait tout ce qu'il fallait comme papier, etc. Il a été menacé de mort, sa famille a été menacée de mort.

  • Speaker #1

    Ah ouais, ok.

  • Speaker #0

    Et l'entreprise, cette entreprise-là, la centrale Romana, elle est depuis fichée par les Etats-Unis comme ne respectant pas certaines règles. Donc du coup, le sucre qui vient de cette entreprise n'a pas le droit d'aller aux Etats-Unis, par exemple. Donc c'est quand même très très grave ce qui se passe. Donc là, c'est typique, un reportage où il faut raconter ce qui se passe, mais on se retrouve menacé ou on veut nous faire taire. Moi encore, j'ai de la chance, je suis français, donc je ne pense pas que les mecs vont s'attaquer à moi. C'est pour ça qu'ils ont menacé le fixeur.

  • Speaker #1

    Et tu fais comment pour jauger justement entre ce que tu peux faire, pas faire ?

  • Speaker #0

    Alors après, ce qu'on a fait, c'est quand on nous a dit que ça pouvait, on a pu mettre les pieds. Parce que c'est vrai que c'est des endroits privés. En fait, au début, les gens ne nous ont pas vus. Je suis même allé photographier un moment, un contre-maître. J'ai une image d'ailleurs dans l'expo. C'est un contre-maître de cette entreprise qui est en train de travailler. Et je crois qu'il a cru que j'étais un touriste. J'ai vu qu'il me faisait faire des photos. Je suis allé carrément dans le champ avec lui.

  • Speaker #1

    Tu es passé pour des...

  • Speaker #0

    pour un touriste j'ai rien dit je suis arrivé j'ai pris ma photo il trouvait ça rigolo il a rien dit je pense que j'ai une tête de touriste qui a pas compris en plus je bosse au Laïka donc c'est des petits appareils assez compliqués c'est vrai qu'ils savent pas que t'es photographe moi j'ai pas été mentir non plus c'est sûr mais donc là on a pas évidemment continué dans le village parce qu'on veut pas surtout pas que les gens aient des problèmes et après ce que j'ai fait c'est que les images qui ont été sélectionnées que j'ai publiées, diffusées, etc. J'ai bien fait en sorte que déjà les noms, on a changé les noms, on ne donne pas quel est le bâtet, donc c'est quasiment impossible de retrouver qui est la personne photographiée. Si quelqu'un le veut absolument, il peut, mais il faut vraiment, c'est vraiment très compliqué. Des bâtets, il y en a des centaines. L'histoire, c'est une histoire typique de plein plein de gens. Donc voilà, il faut essayer de protéger un maximum et quand même sortir cette information qui est quand même très très importante à raconter.

  • Speaker #1

    et d'ailleurs justement avec ton en étant photographe tarif basse tu es vraiment en contact de la population, comment ils t'accueillent généralement ? Est-ce qu'il y a des gens qui ne veulent pas être pris en photo ? Comment ça se passe un peu ?

  • Speaker #0

    Ouais, ouais, de plus en plus. Il y a des gens qui ont peur, ça c'est aussi à cause des réseaux sociaux, je pense. De plus en plus de gens qui ne veulent pas être pris en photo. Ça dépend énormément des cultures et des endroits. Un des endroits, paradoxalement, le plus dur, c'est de bosser, c'est en France. Ah ouais, vraiment ? Hyper dur, c'est hyper galère de bosser en France. Tu fais des photos dans la rue, en banlieue par exemple, tu vas te faire sauter dessus, tu fais machin, etc. Il y a plein d'endroits dans le monde où c'est facile, en Afghanistan, c'est facile de faire des photos.

  • Speaker #1

    Ah ouais, c'est fou.

  • Speaker #0

    Donc ça dépend vraiment des endroits. Il y a des gens qui ont envie de partager leur histoire, il y a des gens qui ont très peur, il y a des gens... En Afrique, des fois c'est très facile, des fois c'est très très dur. C'est plus dur maintenant, en plus, quand on est un blanc, parce que je pense qu'il y a de plus en plus cette idée du blanc, surtout dans les ex-colonies françaises. Bon, ça peut vraiment se comprendre. Il y a cette idée que le blanc... continuent à exploiter l'africain, je comprends complètement cette idée. Mais sur l'histoire de la Centrafrique par exemple, c'était marrant au début, c'était assez facile de bosser d'un côté, puis après c'était facile aussi de bosser de l'autre. Puis un jour ils se sont aperçus qu'on publiait tout ça, là c'est devenu beaucoup plus dur. mais voilà je sais pas en asie par exemple c'est assez facile de bosser j'aime beaucoup bosser en asie puisque les gens sont très ouverts à l'image et comment tu as vécu toi justement ce changement des réseaux sociaux de la rapidité de l'information par

  • Speaker #1

    rapport à ton métier ?

  • Speaker #0

    bah c'est pas je suis pas sûr que ce soit une si bonne chose quoi parce que c'est devenu la source d'information numéro un pour plein de gens, alors que la source d'information numéro un, ça doit être fait par des professionnels, des médias reconnus avec une expertise, avec des moyens, avec une ligne éditoriale. Et donc maintenant, tout le monde se considère en capacité de relayer une information, mais sans la vérifier, sans la mesurer,

  • Speaker #1

    sans l'analyser. puis t'as le problème de l'IA, on va en parler après mais...

  • Speaker #0

    le problème de lire de l'intelligence artificielle justement alors il ya en plus il ya ça qui va arriver enfin qui arrive on a des clés les vraies photos des vêtements complètement bon avant on pouvait déjà trafiqué les images sous photoshop donc l'idée de la véracité d'une image elle est c'était déjà c'était déjà une vraie question mais non ce qui est ce qui est très ce qui est très dur aussi pour nous c'est que nous pour plein de gens on est on est associé à n'importe quel on pourrait être un associé à un influenceur on est associé à n'importe quelle personne qui se retrouve sur les réseaux sociaux on est la même chose un média ça devenait un média les réseaux sociaux c'est la même chose pour plein de gens alors que non c'est pas du tout la même chose mais je perds en métier perd un peu en valeur peu peur de perdre en crédibilité on peut nous prendre pour des et jusqu'à il n'y a pas longtemps il y avait ce fin il ya toujours ça mais c'est pas mal de pouvoir dire attention moi je travaille pour une graphique ou le monde ou qui peut peut-être nous aider à nous créditer. un peu plus mais le mais pour plein de gens le bout du monde ne mange rien ils sont pas ils voient juste gère maintenant tout le monde a un smartphone il voit juste sur leur smartphone la média c'est la même chose que quelque chose sur facebook sur un tic toc donc ça devient plus dur je pense de convaincre les gens de l'importance de ce qu'on se fait de mon fait et du professionnel avec lequel on on le fait. Et en même temps, nous, on a eu besoin aussi, on a utilisé aussi ces réseaux sociaux pour parler de notre travail, pour pouvoir, surtout quand on est indépendant, clipuser les photographes, on a besoin aussi de continuer. Alors, moins maintenant, parce que ça a perdu vachement ces temps-ci, mais depuis qu'il y a le nouvel algorithme, mais pendant... quelques années instagram c'était très important pour moi il fallait vraiment que je le mets bien sûr c'était une manière aussi de continuer à travailler d'avoir du boulot et de montrer que je continue à produire et c'est donc c'est aussi c'est tout ça c'est compliqué peut-être qu'on aurait dû nous refuser dès le début de jamais touché aux réseaux sociaux je sais pas pour justement qu'il ya une

  • Speaker #1

    frontière plus clair et justement par rapport à l'intelligence artificielle ou il ya un vrai changement par rapport à ça j'ai vu que je crois qu'il y avait ils ont réussi à faker le fait une photo qui a été gagné un prix mais qui était fait par une il ya tant pense quoi tout ça il y en a eu plusieurs qui m'ont fait

  • Speaker #0

    Ce qui est bien, c'est que ceux qui l'ont fait, ils ont avoué très vite l'avoir fait parce qu'ils avaient envie de faire un coup et de montrer l'attention. Donc ça, c'est plutôt pas mal. Mais ça veut dire qu'il y en a sûrement plein qui se sont passés à travers les gouttes. Donc oui, ça, c'est très inquiétant. C'est très inquiétant, mais il va y avoir aussi vite des outils qui vont sûrement, j'espère, pouvoir identifier et dire attention, là, non, ce n'est pas possible. Il y a des appareils maintenant qui commencent à sortir des trucs sur lesquels il y a une espèce de tag dans le fichier où on peut savoir que ça va sûrement aussi pouvoir se bricoler. Je ne sais pas. je pense que le pire est à venir. Pour l'instant, je pense qu'on est encore relativement épargné ou protégé, on va dire, mais il faut rester super vigilant pour la suite. Après, il y a un autre truc, une histoire de vraie hauteur, c'est que l'IA, elle s'appuie sur quelles images pour pouvoir créer des trucs. Elle s'appuie sur les images de tout le monde. Les professions. de change et donc nous on se fait aussi piller en quelque sorte nos créations donc ça c'est un autre problème donc non en tout cas ça pose plein de questions et pas d'inquiétude plein d'inquiétude lia génératif dans l'image à l'avenir et l'information avoir

  • Speaker #1

    et et pour finir du coup on en a un peu parlé tout à l'heure mais juste pour une personne du coup qui veut être photographe dans le jeu visuel peu importe vidéo photo Qu'est-ce que tu lui conseilles ? J'avais vu sur une de tes interviews, je crois que tu parlais de bouffer de l'image, d'aller dans des expos, de regarder le plus de photos possible. Je ne sais pas, est-ce que tu as un tips pour se transformer à la photo ?

  • Speaker #0

    Il faut se cultiver énormément. C'est vraiment quelque chose qui se cultive, je pense, l'image, comme toute... comme toute compétence. Et donc, il faut en voir beaucoup. La chance qu'on a, si on s'adresse à un Français, un Occidental, c'est qu'ici, à Paris, c'est sûrement un des meilleurs endroits au monde pour voir des expos photos. On a des super musées, on a des vrais beaux lieux d'exposition. on a de très beaux festivals Donc il faut voir beaucoup d'images, s'ouvrir l'esprit, sortir des sentiers battus, voir des travaux d'auteurs. C'est vraiment important. C'est une des premières choses que je dis dans les formations que j'anime avec Well Dungeon. Depuis l'année dernière, on a monté une formation spécifiquement pour les photographes documentaires qui est étalée sur plusieurs mois. On accompagne des jeunes photographes, ou moins jeunes d'ailleurs, sur un projet particulier. c'est vraiment la partie des choses chose est plus importante, je pense que c'est se cultiver l'œil. Et ça, se cultiver l'œil, il faut se noyer, s'abreuver, être ivre d'images, photos, mais aussi cinéma. Moi, je vais énormément au cinéma, je suis un fan de cinéma. Ou pas spécialement au cinéma, même sur son ordinateur. Donc ça, c'est vraiment important. C'est développer sa sensibilité aussi, parce que finalement, c'est surtout ça, je pense. Avec le recul, c'est pas beaucoup de technique, c'est de la sensibilité. C'est de la sensibilité.

  • Speaker #1

    Et comment tu la développes justement ?

  • Speaker #0

    Et bah par le biais de plein d'autres arts. Moi je suis sûr que ça m'a fait vachement de bien. J'ai fait beaucoup de musique quand j'étais gamin, un peu poussé par mes parents. J'ai fait pas mal de sport, je suis persuadé que tout ça, ça aide. Et je pense qu'il y a un truc aussi que moi j'ai trouvé un peu tout seul, c'est d'accepter une certaine sensibilité. Ma génération, je pense que c'était plus délicat d'accepter une sorte de sensibilité, peut-être un petit peu plus exceptionnelle. alors qu'au début de ma carrière je me demande si j'étais pas complexé d'une sorte de sensibilité mais ça c'est chose qui évolue aussi c'est sûr parce que chez les nouvelles générations il ya un peu plus carrément d'acceptance de ça moi je venais aussi d'un milieu enfin de famille de mec quatre garçons quatre frères donc c'est un truc de je pense que d'accepter aussi un peu sa civilité de comprendre que c'est une force et une puissance et qu'il faut l'utiliser et de le développer et que c'est un super outil Je pense que c'est un des points principaux, c'est un point super important dans la construction de tout, pas spécialement d'un photographe, de toute façon dans tout, artistes ou journalistes, tous ceux, et même dans un métier peut-être plus classique, je pense que c'est une force énorme la sensibilité. Donc ça, ça fait partie des choses à mon avis importantes, et puis bouffer de l'image, et puis ne pas avoir peur de continuer, parce que c'est long c'est des métiers où c'est très très long de percer c'est très très ça peut être facilement décourageant mais c'est la passion qui fait avancer et que donc il faut il faut il faut continuer un peu comme des mules quoi ouais où c'est poussé poussé et puis à des choses construites il ya des choses qui est pire à des moments qui ce qui vont s'ouvrir après ça se referme voilà ça fait comme 20 à 25 ans c'est une période où ça marche un peu moins bien donc on n'est jamais à l'abri mais c'est pas grave justement il faut un gros C'était une manière aussi de se renouveler, de développer son regard, etc. Oui, carrément. Donc, c'est aussi ça qui est passionnant. Ce n'est pas très sécurisant, mais c'est passionnant.

  • Speaker #1

    Ok, génial. Du coup, pour rappeler, tu as une exposition. Rappelle jusqu'à quand ?

  • Speaker #0

    Exposition jusqu'au 28 juin à la Galerie Fête et Cause, donc rue Quincampoix, à deux minutes à pied de Beaubourg. Et c'est une petite galerie très chouette, très engagée, qui depuis 1997 je crois expose des travaux sur de la photographie sociale, sur des thématiques assez engagées comme les droits de l'homme. Et là, cette exposition, c'est sur les apatrides, donc des communautés apatrides que j'ai photographiées dans six pays à travers le monde.

  • Speaker #1

    Ok, génial. En tout cas, merci beaucoup William, c'était passionnant.

  • Speaker #0

    Merci de l'invitation.

  • Speaker #1

    Et on sent que tu es photographe parce que ça va être intéressant pour les gens qui n'ont pas d'image et qui écoutent justement sur les plateformes de streaming. Et justement, je rappelle qu'on est disponible sur toutes les plateformes de streaming, Spotify, etc. et que juste avec je trouve comment tu parles des choses on va en fait tu m'a fait voyager et visuellement on s'imagine on a je trouve que j'ai on est j'ai énormément voyagé là avec ce que tu as dit et visuellement s'imaginer plein de choses c'était franchement c'était passionnant merci beaucoup merci

  • Speaker #0

    je suis ravi que ça t'ait fait voyager ouais je crois que c'est sûrement ça qu'on aime aussi comme les photographes c'est de faire voyager l'autre ouais voilà ouais ouais Faire passer des choses, quoi. Faire passer des ressentis, des émotions, des idées,

  • Speaker #1

    des trucs. Carrément. Carrément, merci beaucoup, à bientôt, salut William Merci de nous avoir écouté, retrouvez Le Deep Dive tous les jeudis sur notre chaîne YouTube Et sur les plateformes d'écoute Spotify, Deezer Apple Podcasts et Amazon Music Pensez à vous abonner pour ne rien manquer des prochains épisodes D'ici là, prenez soin de vous et à la prochaine

Chapters

  • Introduction

    00:00

  • Explication du concept

    15:18

  • 1er badge: Exposition Ă  Bruxelles, Festival des LibertĂ©s 2024

    15:48

  • 2e badge: Centrafrique 2014, photos prises au cĹ“ur du conflit

    21:24

  • Mode Deep Dive : l’immersion

    25:30

  • 1er badge: Syrie 2012, mission la plus dure psychologiquement de sa carrière

    25:40

  • 2ᵉ badge : Personnes qui l’ont marquĂ©e durant ses missions.

    49:05

  • Les abysses : 1er badge : A-t-il dĂ©jĂ  regrettĂ© d’être parti en mission ?

    55:23

  • Les abysses : 2° badge : Censure pendant l'une de ses missions

    01:01:05

  • Conclusion

    01:12:58

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