- Speaker #0
Imagine, tu viens d'avoir ton bac et dans ta famille, la tradition veut qu'on te laisse un an pour explorer le monde en partant habiter à l'étranger à deux conditions. Aucune visite, aucune possibilité de revenir durant cette période. C'est ce café Marie-Claire qui rêvait d'aventures lointaines avant d'atterrir au Danma. Dans un premier temps un peu déçu, elle découvre avec surprise cette culture dans laquelle les femmes prennent toute leur place. Au Danemark, les femmes draguent et mènent la danse dans tous les domaines de la vie. Cette expérience unique va probablement colorer son parcours qu'elle mène d'une main de maître jusqu'à intégrer Apple au grand retour de Steve Jobs à la fin des années 90. Cet épisode retrace le parcours et les ambitions d'une femme libre pour qui désobéir a permis d'être toujours plus alignée et performante. À mettre dans les oreilles de celles et ceux qui veulent tout sans se perdre. Place ! à ce nouvel épisode des Alignés. Bonjour Marie-Claire.
- Speaker #1
Bonjour Charline.
- Speaker #0
Comment vas-tu ?
- Speaker #1
Super bien.
- Speaker #0
Je suis ravie de t'avoir. Alors, en fait, pas chez moi, pas à Annecy, mais dans tes bureaux,
- Speaker #1
en face à face. Mais oui, je suis super contente de te recevoir.
- Speaker #0
Ça fait un petit moment qu'on a prévu cet échange. Les auditrices vont vite comprendre pourquoi j'avais envie de t'avoir à mon micro. Mais avant de faire un teasing de dingue, moi, je pose une question à toutes mes invitées qui semble simple, mais qui en réalité est assez complexe. La première question pour toi, Marie-Claire, c'est Marie-Claire Pascal.
- Speaker #1
Qui es-tu ? La question Jacques Chancel pour les gens de ma génération. Hop, je me suis marquée. Alors, je suis une femme libre, aventurière, mère, drôle, puis il y en a sûrement encore plein, mais c'est ce qui me vient là spontanément.
- Speaker #0
Mère. Drôle. Ouais, ok. Aventurière. Génial. Bon, déjà, on a envie d'en savoir plus sur toi. Et en fait, ce podcast, il a pour vocation d'inspirer d'autres personnes à se mettre en mouvement de la manière dont elles le choisissent ou peut-être aussi de choisir de ne pas se mettre en mouvement. Bref, globalement, de faire ce dont elles ont envie pour s'aligner, pour réussir à faire transpirer le parcours des unes des autres. J'ai choisi de tirer le fil des grands moments d'alignement. Quand je te parle de ça, en général, il y a un tout premier moment d'alignement. qui te vient à l'esprit probablement ou un moment de ta vie. Quel a été pour toi le tout premier moment où tu as eu envie d'aligner ta tête, ton cœur et ton corps ?
- Speaker #1
Alors moi, c'est après mon bac. Je suis jeune, j'ai 16 ans et je veux découvrir le monde. Je pense à ce moment-là que pour vivre autre chose, il faut aller à l'autre bout de la planète. Et dans ma famille, il y a une... petite tradition, les parents autorisent à partir du moment où on a le bac en poche à aller passer un an à l'étranger. Un de mes frères aînés a fait ça et ça se passe dans le cadre d'une association que tu connais peut-être qui s'appelle American Field Service AFS Vivre sans frontières, qui a été créée par des brancardiers à la fin de la deuxième ou première guerre mondiale, j'ai un doute. Dans un esprit, plus les jeunes se connaîtront, plus les jeunes des différents pays se connaîtront, moins il y aura la guerre. Noble objectif.
- Speaker #0
Un Erasmus encore plus international.
- Speaker #1
Encore plus international et avec... Il n'y a pas de notion d'avancer dans ton parcours d'études. Tu as ton bac en poche ou tu ne l'as pas. Ce n'est pas si grave que ça. Et tu vas passer un an à l'étranger dans une famille dont tu vas faire partie pendant un an. Tu vas aller au lycée parce que c'est là que tu rencontres les jeunes de ton âge. Et tu n'auras pas de visite de ta famille pendant un an. Tu n'auras pas de visite de tes amis. pendant un an et toi non plus, pendant un an, tu ne vas pas retourner dans ton pays d'origine. C'est vraiment l'immersion complète. Moi, je voulais aller au Japon. Je ne sais pas pourquoi. Si, je sais pourquoi, parce que c'est très loin et très différent. Je m'étais imaginée que c'était comme ça, que j'allais voir comment on vit ailleurs. Pour plein de raisons, notamment budgétaires, mes parents m'ont dit « hop, hop, hop, si tu pouvais rester en Europe,
- Speaker #0
tu vas te calmer » .
- Speaker #1
C'était un peu ça l'idée. Et du coup, j'ai listé quasiment tous les pays européens. Mine de rien, j'ai glissé deux, trois pays d'Amérique du Sud. J'ai demandé le Canada aussi. Je me suis dit sur un malentendu. Bref, je me suis retrouvée au Danemark, qui n'est quand même pas très, très éloignée. J'étais très déçue dans un premier temps, je ne te cache pas. Le Danemark, on y est en une nuit de train. On y est quoi. Tu vois, c'était vraiment pas loin. C'est 1000 kilomètres. Enfin, tu vois, c'est depuis Paris. C'est pas... Bref, en bonne française, je ne savais pas quelle langue on y parlait. Je n'étais pas très, très sûre de l'emplacement géographique. Enfin, je ne savais rien du Danemark. Et je me suis retrouvée à passer un an dans une des rares familles danoises à ne pas parler anglais. C'est très rare. Mais oui,
- Speaker #0
c'est vrai qu'ils parlent en général. Parfaitement anglais.
- Speaker #1
Mais oui. D'abord, ils l'apprennent très tôt. Et puis, historiquement, il y a eu des famines en Scandinavie qui ont fait qu'il y a eu beaucoup d'émigration vers les États-Unis. Donc, ils ont tous plus ou moins de la famille là-bas. Et ils sont très bons en anglais. Super. Mais bon, il y en a quand même encore quelques-uns qui ne parlent pas anglais.
- Speaker #0
Je fais le bon numéro. Et voilà,
- Speaker #1
moi, je suis tombée dans cette famille-là. Ça a été une année très marquante. J'ai eu 17 ans là-bas. J'ai passé un an au lycée local. à découvrir que finalement, il n'est pas nécessaire de partir très loin pour vivre autre chose. Ça a été très, très, très riche et très marquant pour la suite de mon parcours.
- Speaker #0
Et justement, on a envie de se mettre dans les chaussures de cette jeune de 17 ans qui arrive au Danemark. Nous, on a de la chance, on est un peu plus vieux, on sait où le placer sur la carte. Quelles sont les grandes idées ? Tu dis, je suis repartie avec plein de choses. Si tu dois retenir quelques petites choses que tu as ramenées de là-bas et qui ne t'ont jamais quitté depuis ?
- Speaker #1
Tu vois, il y a une chose qui représente très peu, mais qui m'a marquée très, très profondément. Tu vas tout de suite comprendre pourquoi. Donc là-bas, quand tu arrives au lycée, il y a deux jours de pré-rentrée et ils font monter sur scène, tu sais, dans la scène du gymnase, ils font monter sur scène tout ce qui est nouveau. Les nouveaux profs, les nouveaux élèves, tout ce qui est nouveau. Et bon, moi, je n'avais jamais vu ça avant. Et cinq minutes avant que ça me tombe dessus, ils ont bien fait attention de ne pas me le dire pour ne pas que je me sauve. il a fait que je monte sur scène et à ce stade tout ce que j'étais capable de dire en danois c'était bonjour je m'appelle Marie-Claire, je viens de France c'est à peu près ça au bout de 15 jours au Danemark c'est à peu près ça et puis toute nouvelle je ne le disais pas très fort non plus je suis bien sûre de moi Le proviseur du lycée vient me voir en me disant « Dans cinq minutes, c'est à toi, tu montes sur scène et puis tu te présentes. » Et moi, paniquée, je suis paniquée. D'abord, en France, on ne faisait pas cet exercice du tout, du tout. Et puis, je ne sais plus parler. Le peu que je savais, tout d'un coup, je ne le savais plus. Bref, je cours dans tous les sens à la recherche de la prof de français du lycée. Il paraît qu'il y en a une. C'est le moment qu'elle met, bon sang ! et donc tremblante, j'écris sur un papier en phonétique bonjour et puis me voilà sur scène enfin me voilà plutôt poussée sur scène tu vois, donc un peu au bord, tu vois, pas vraiment au milieu un peu, il n'y avait pas de notion de s'approprier l'espace scénique à cette époque là,
- Speaker #0
ça ne te parlait pas
- Speaker #1
Pas du tout. Et donc, je suis là avec le micro, comme nous aujourd'hui. Et je dis bonjour, je m'appelle Marie-Claire. Donc, il n'y avait pas un bruit, pas un bruit dans le gymnase. Et à la deuxième phrase, il commence à se marier, à se pousser du coude. Comme ça, je me dis, je suis ridicule. Tu es moi tout de suite. Bref, je bâcle la fin et je descends de scène. Enfin, plutôt, je m'enfuis. Et là, il y a un gars qui m'arrête et qui, en anglais, merci, me dit. Ah, c'était vachement cool, c'était vachement sympa ce que tu as dit. On n'a rien compris, mais c'était vachement sympa. Et du coup, je suis devenue la curiosité du lycée. Et je suis devenue populaire. Ce n'était pas comme ça en France, je n'étais pas populaire. J'étais une lycéenne lambda, mais je n'avais rien de spécial. Et là, tout d'un coup, j'avais ce truc de la nana qui avait dit un truc, on ne savait pas trop quoi. Quand même, elle avait osé y aller. Il y avait une Américaine dans le même programme d'échange dans le lycée. Elle avait refusé de monter sur scène. Je l'ai su après. Eh bien, tant pis. C'était moi qui étais populaire.
- Speaker #0
C'était toi, la cool. Et surtout, tu vois, ça me fait penser justement que c'est un exercice que les Américains, en général, maîtrisent parfaitement. Le fait de se présenter, le fait de prendre la parole, de prendre l'espace scénique, comme tu dis, c'est vraiment leur truc. Et finalement, tu avais volé la vedette à l'Américaine.
- Speaker #1
Trop fière.
- Speaker #0
Et donc, qu'est-ce que ça a changé cette année-là ? Du coup, tu as passé une année...
- Speaker #1
Alors, j'ai passé une année, d'abord, très décontractée au niveau scolaire, parce qu'ayant mon bac en poche, alors pas très brillamment, mais je l'avais quand même en poche, donc j'allais en cours très, très détendu. Je ne me souviens pas de grand-chose des cours, sauf que j'ai appris l'espagnol. C'est bien ! J'ai appris l'espagnol au Danemark, c'est un peu particulier, mais OK, j'ai fait un an d'espagnol. En revanche, je me suis dit, OK, bon, tu as ton bac, cocotte, c'est bien, mais ici... ils font beaucoup de sport, beaucoup de travaux manuels. En France, ce n'est pas trop notre point fort. Peut-être un peu plus maintenant, quoique quand je pense à ce qu'ont fait mes fils, ce n'est toujours pas le gros point fort. Donc je me suis dit, ok, super, je vais faire plein de sport. Et là, j'ai déchanté. Je voulais faire du tennis, par exemple. Je me voyais très bien, mais je n'avais jamais tapé dans une balle de tennis. Je ne savais rien du tennis. Je me suis pointée. Ils m'ont vu jouer. Ils ont dit non, tu vas plutôt rester sur le bord. Et ça a fait comme ça dans quasiment tous les sports au lycée. Ils voulaient bien m'intégrer, sauf qu'ils ont vite compris qu'en France, le sport, ce n'était pas notre truc. Et au lycée, il fallait aller décrocher des résultats. pour le lycée. Enfin bon bref, j'étais pas au niveau. Ok,
- Speaker #0
c'était bien pour aller sur scène. Mais voilà, il fallait quand même un certain niveau.
- Speaker #1
Et ma famille a été assez déconfite de mon peu de résultats à rejoindre une équipe. Donc ils ont pris les choses en main et ils m'ont inscrite, sans trop me demander mon avis, à un cours de volet, deux soirs par semaine, parce qu'il était hors de question qu'une jeune française qui jouait à être danoise pendant un an n'aille pas faire du sport le soir, soyons. Donc, je me suis retrouvée à rejoindre une équipe de volets. Alors, je n'étais pas bien bonne. J'étais vraiment en dessous des autres, honnêtement. Mais je ne sais pas comment ma famille s'est démerdée. Ils m'ont fait rentrer et j'ai progressé.
- Speaker #0
Écoute, incroyable cette histoire de Danemark. Par contre, j'imagine que tu es repartie avec le fait d'avoir été populaire pendant un an.
- Speaker #1
Avec une nouvelle langue à prise. Parce que quand tu es comme ça, obligée. de te débrouiller. C'est assez frustrant. Au début, tu te trimballes avec tes dictionnaires sous le bras, tu es tout le temps en train de feuilleter. C'est frustrant parce que ton vocabulaire est simple. Donc, c'est difficile d'élaborer des idées un peu soutenues, d'avoir un point de vue un peu engageant. Bon, ça prend quelques mois à arriver là. J'ai quand même connu une japonaises, il y avait une voisine japonaise à côté, à quelques pas de chez la famille. Donc ça, ça a été sympa, on est devenus copines. Et puis, je suis rentrée avec une ouverture complète sur un mode de vie danois que j'ai appris ensuite à élargir au monde scandinave, dans un mode de relation différent de ce que je connaissais, c'est-à-dire beaucoup plus sur un pied d'égalité. Félicité, filles-garçons, ça, c'était évident. D'entrée de jeu, je n'ai pas compris tout de suite, je n'ai pas su mettre des mots tout de suite, mais j'ai senti que la relation filles-garçons était différente de ce que j'avais connu. Les filles étaient clairement encouragées à s'exprimer pleinement, à jouer à même niveau que les garçons, et on faisait attention à ce qui n'est pas trop des cas. Il y avait vraiment ce souci-là, je pense évident pour eux déjà. mais très remarquable pour nous. Une façon de communiquer, une communication interpersonnelle beaucoup plus directe. C'est assez cash, en fait. Et puis, un truc que je n'avais pas anticipé. Là-bas, c'est les filles qui draguent. Ce n'est pas les garçons. Et ce n'est pas les hommes. C'est les femmes. Clairement.
- Speaker #0
C'est elles qui draguent.
- Speaker #1
C'est elles qui y vont. Et donc, ça a beaucoup amusé mes copines. Parce que moi, je disais, ah bah non, quand même, moi j'attends. J'attends qu'ils viennent, j'attends qu'ils fassent le premier pas, j'attends...
- Speaker #0
Une bonne française, tu vois.
- Speaker #1
Et elle, elle me dit, mais non, mais ça va pas, non, c'est à toi de dire, mais moi, mais attends, comment on fait, qu'est-ce qu'on dit ? Donc, elles m'ont montré. Et en effet, elles y vont, quoi. C'est elles qui choisissent, c'est elles... Et je les comprends parce qu'eux, il leur faut quand même quelques pintes de bière pour se donner le courage d'aborder ces femmes. qui sont très empuissancés, comme on dit aujourd'hui. Il faut du courage pour y aller. Donc, tu vois un mec un peu plein de bière commencer à t'aborder. Bon, ce n'est pas pareil. Ce n'est pas très engageant.
- Speaker #0
Ce n'est pas pareil. Mais surtout, je me dis, attends, tu as 17 ans, tu te prends de plein fouet le fait que c'est possible d'être une femme autrement. Et ça, du coup, on va voir la suite de ton parcours. On va voir comment ça a dû infuser dans tous tes choix. Mais je me dis, waouh ! tu pars à 17 ans de France où tu avais envie d'être exploratrice et finalement, tu explores un monde dans lequel la femme, elle peut tout faire.
- Speaker #1
Sachant que je viens d'une famille où je suis numéro 5 d'une fratrie avec 4 grands frères. Donc, chez moi, c'est l'énergie masculine. Et ça a toujours été. Et je ne m'en suis même pas rendue compte parce que c'est comme ça. Tu vois, c'est mon environnement. Il est comme ça. Et je me dis, wow, quand même, on peut être femme autrement que ce que j'ai pu voir dans ma famille. ma mère est quelqu'un de très affirmé mais bon elle et moi on est les deux seules femmes et il faut s'imposer et là-bas au Danemark il n'y a pas tellement à s'imposer c'est un peu évident qu'une femme va prendre sa place je ne dis pas que c'est facile mais c'est un peu attendu le système est prêt à se dire que la
- Speaker #0
femme va avoir sa place dans différentes circonstances où nous on se dirait c'est peut-être au gars de l'idée mais la conversation est tellement actuelle ... Et je me dis, toi, à ce moment-là, ça devait être... Déjà, je vois qu'il y a eu une énorme évolution, en tout cas, moi, depuis que je travaille. Toi, depuis ce temps-là, je ne peux même pas imaginer le... la différence de culture que tu as pu observer à ce moment-là.
- Speaker #1
Et pourtant, ce n'est pas loin. Non, c'est vraiment à deux pas. Ça a fait cet effet-là. Oui, c'est sûr que ça m'a marquée très, très profondément.
- Speaker #0
Et du coup, on imagine que tu rentres quand même de cette exploration au Danemark très, très lointaine, au bout d'un an. Et qu'est-ce qu'on fait du coup quand on a découvert tout ça ?
- Speaker #1
On est largué. Moi, j'étais complètement à côté de mes pompes. J'avoue, j'étais accueillie par ma famille et tout ça, tout bien. J'avais prévu de faire des études de lettres et langues à Lyon. Je suis partie dans un début de Dug, anglais-allemand classique. C'est les langues que j'avais faites au lycée. Allemand, ça ne m'avait jamais bien passionnée. Puis en apprenant le danois, je me suis dépêchée d'apprendre tout ce que je savais en allemand. Et puis un jour à la fac, j'entends parler danois. Je me dis mais... Qu'est-ce que c'est ? Donc, j'arrête la personne qui parle danois. Oui, c'est ça. C'est ça, trop contente. Et le gars me dit, tiens, toi aussi, tu parles danois. Je raconte. Et ce gars était en train de recruter des étudiants pour un Dug danois ou suédois ou norvégien qui se faisait à Paris, à Rouen, à Strasbourg ou à Caen. Merveilleux, me dis-je. Je vais enfin échapper à l'allemand.
- Speaker #0
Bah oui,
- Speaker #1
et je te la fais courte, je suis partie à l'assaut des parents pour qu'ils me laissent partir à Paris, parce que je me suis dit quand même si c'est pas le bon truc, je rebondirais plus facilement à Paris qu'ailleurs, et pour qu'ils me laissent aller poursuivre mon Dug et la suite de mes études à Paris en ce qui deviendra un cursus de langue, littérature et civilisation scandinave. Et les parents m'ont laissé partir, tu vois, la dernière de la famille, la seule fille, je me dis quand même, ils ont été cool quoi. Et puis je me dis aussi quand même, j'ai été bonne à les convaincre. mais tu sais quand tu veux vraiment quelque chose quand tu sens que c'est ça,
- Speaker #0
ça va quoi tu trouves les mots et donc c'est comme ça que je suis arrivée à Paris il y a longtemps il y a longtemps et puis surtout ce qui est drôle c'est que quand on repense au début de notre conversation comme finalement tu t'avais envie d'aller au Japon, t'avais envie d'aller très loin et puis finalement tu te retrouves au Danemark, tu l'as découvert n'est pas si loin mais par contre avec une culture très différente et finalement en fait c'est un sillon que t'as commencé à creuser un peu par hasard et que là tu ... Tu embrasses pleinement.
- Speaker #1
Complètement. Alors, c'est vraiment des études passion que je fais jusqu'en maîtrise. Je ne sais pas vraiment à quoi ça va me servir. Interprète, traductrice, ça me plairait bien. Mais je vais me rendre compte rapidement que c'est des langues qui sont le Danemark. Tu vois, aujourd'hui, c'est 6 millions d'habitants. Voilà, ça limite un peu les perspectives. Suède, Norvège, c'est un peu moins de monde. Ce n'est pas très porteur. Ça va être compliqué d'en vivre. Prof de français, langue étrangère, là-bas. Je l'ai fait un peu aussi. Ouais, mais ça ne m'a pas plu du tout. Donc, je ne sais pas très bien où ça m'amène, ce truc-là. Mais en tout cas, ça me plaît. Et ça, c'est un raisonnement que je garderais pour mes enfants. J'ai beaucoup encouragé à aller dans la direction de ce dans quoi ils se sentent à l'aise, plutôt que du raisonnement qui voudrait qu'avec tel parcours, tu aies un avenir professionnel assuré. Je suis moins à l'aise avec ce raisonnement-là. Donc, moi, je fais ça. Puis, à un moment donné, j'ai épuisé tout ce que je peux faire dans le milieu franco-scandinave à Paris. Il faut élargir, quoi. Et voilà, pour moi, ça sera les métiers du marketing et de la com dans lesquels j'irai. Donc, même si, à un moment donné, je ne pratique plus les langues, la civilisation scandinave dans mon quotidien professionnel, ça reste très près de mon cœur. Et tu vois, je lis encore et je parle encore danois. Je manque de pratiques, donc je parle doucement, le temps que tout me revienne en tête, mais j'ai encore un grand plaisir à pratiquer cette langue. Dès que je peux, je regarde les séries. On a des très bonnes séries scandinaves, des séries policières notamment scandinaves. Dès que je peux, je les regarde en VO, ça me fait plaisir. Je retrouve tous les détails de la culture danoise, suédoise, norvégienne. Enfin voilà, c'est un bonheur.
- Speaker #0
Et je pense que les personnes qui t'écoutent, Déjà, en tout cas, moi, ce que je me dis, c'est quelle chance d'avoir cette... Alors, tu as dit que c'était une espèce de rituel dans ta famille que de partir comme ça un an. Et je trouve que ça donne quand même une impulsion dans la vie de ne pas tout de suite plonger dans une obligation par rapport à un cursus qui serait du coup très raisonné. Et ça donne une ouverture, un espèce de temps de respiration. Et tu vois, déjà, ça, je trouve que c'est un super enseignement pour les personnes qui nous écoutent, qui sont peut-être super jeunes. qui aura envie de se donner ce temps-là. Je trouve que c'est chouette et je mettrai en commentaire le nom de cette famille d'assaut. Oui,
- Speaker #1
avec grand plaisir. Mais tu vois, j'aurais aimé que mes enfants fassent pareil. Pour moi, c'était une évidence. Et quand je leur ai proposé...
- Speaker #0
Ils m'ont dit, bouf, j'accepte, c'est leur choix. Mais à ce moment-là, pour moi, ça a été une déception de me dire, ah merde, ils n'ont pas envie de faire ça. Ils n'ont pas cette appétence-là. Alors, ils ont la curiosité des autres cultures, des autres pays, tout ça. Mais aller passer un an à l'étranger, ça ne leur a pas parlé.
- Speaker #1
Ce n'était pas leur truc. Mais écoute, comme quoi. Non, mais c'est vrai que moi, ce que j'observe, c'est que pour toi, ça a vraiment changé quelque chose dans toute la première partie. de ton parcours, de ta carrière. Et là, tu nous dis que tu as épuisé toutes les voies. En fait, sur ce sujet-là, tu as commencé à nous parler un peu de marketing, tout ça. Et donc, si je te parle de la suite de ton parcours, perso ou pro, quel est le grand moment, la suite, que tu auras envie de marquer ?
- Speaker #0
Alors, un des bénéfices de cette première expérience Scandinave, c'est que je n'ai aucun problème à aller au-devant des gens ou au-devant des entreprises avec lesquelles j'ai envie de bosser. C'est pas... J'ai appris qu'il vaut mieux que ce soit toi qui initie plutôt que de rester dans ton coin et espérer que ça vienne. Donc ça, c'est assez facile pour moi. Et heureusement, parce que quand j'arrive vraiment sur le marché du travail, c'est la première guerre du golf début des années 90. Et à ce moment-là, je rêve de travailler en agence de com. Et manque de bol, les agences de com ferment, licencient, à tel point qu'il y a même une... de reclassements spécifiques au métier de la communication. Je pointe dans la commune d'à côté, ici les Moulineaux, payés par les agences pour reclasser tous ceux qui licencient et les aider à se repositionner. Donc moi j'arrive junior, je n'ai pas fait l'école de commerce, c'est pas bien, je crois, grosse déception. Je pensais que dans le monde des agences de com on était ouvert à la disruption, aux profils différents. Oui, mais avec École de Commerce.
- Speaker #1
Ça aurait été mieux quand même. Un petit tampon.
- Speaker #0
Oui, un gros tampon.
- Speaker #1
Bien au milieu du front.
- Speaker #0
Donc, ça ne marche pas pour moi. J'y arriverai plus tard, mais par des biais différents. J'arrive dans un moment où ce métier, globalement, est en crise. Et donc, il va falloir s'adapter. Et ma façon de m'adapter, c'est de me dire, OK, très bien, je n'ai pas le CDI rêvé. Finalement, on s'en fout. Ce qui importe, c'est les missions que je vais pouvoir décrocher. Et donc, je vais faire ça pendant plusieurs années, aller décrocher un CDD, un remplacement de congé mater, une mission sur un horaire. Enfin, peu importe, pourvu qu'il y ait de la consistance, que je puisse contribuer à quelque chose et que ça m'apprenne en retour. Pendant plusieurs années, ça va être ça. Voilà, ça dure quelques années. Et à un moment donné, je travaille dans une compagnie d'assurance. Je suis dire comme adjointe. Ça ronronne un peu. compagnie d'assurance, j'ai mené les projets un peu intéressants de mon point de vue, un peu novateurs, et puis on arrive dans un quotidien qui ronronne. Je vois bien que le direcom est bien installé dans le fauteuil, il ne va pas bouger demain matin. Et moi, je commence à me dire qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire ? Et une de mes agences me dit, mais dis donc, est-ce que tu sais que chez Apple, ils recrutent ?
- Speaker #1
Non, on ne savait pas.
- Speaker #0
Et moi, tu vois, tu vois. compagnie d'assurance tranquille, bien installée, qui gagne bien sa vie, qui fait de la belle marge, qui a des beaux produits, tout ça. Et puis Apple. Apple, à ce moment-là, on est deux ans après le retour de Steve Jobs à la tête d'Apple. Donc, dans les agences, on est en train de se débarrasser du parc de Mac pour le remplacer par un parc de PC parce que la boîte pourrait bien faire faillite. Tu vois, c'est cette période-là où, pour les plus jeunes qui écoutent, ça peut sembler bizarre.
- Speaker #1
C'est ce que j'allais dire, c'est bien de remettre dans le contexte. parce que quand on n'a pas tout le recul sur Steve Jobs qui est vu comme un dieu vivant aujourd'hui, parce que tu sais, quand on est mort, on est plus facilement dieu vivant. Enfin, dieu mort, du coup. Mais effectivement, c'était bien de remettre dans le contexte parce qu'il y a quand même eu ce moment-là où on ne savait pas ce qu'allait devenir Apple.
- Speaker #0
Non, et on pensait vraiment qu'il a été appelé en sauveur. Alors, il est revenu en 97 et moi, je suis arrivée en 99. Et donc, cette agence me met en relation avec un patron du marketing, je ne sais pas quoi. Ça va très, très vite. À une terrasse à Saint-Germain-des-Prés, on se rencontre, on se met très vite d'accord. Je trouve que quand même, ça va très, très vite. Ceci dit, il s'agit de piloter un projet sensible sur lequel ils sont en retard. Donc, il faut que ça aille vite. Très bien. Me voilà embauchée. Bim. CDD.
- Speaker #1
Oui, mais bon.
- Speaker #0
Moi, je m'en fous.
- Speaker #1
Ça, tu n'avais pas peur ?
- Speaker #0
Parce que je n'étais pas 100% sûre du truc, mais je me suis dit... il faut le tenter quoi. Au pire c'est quoi ? C'est Apple sur un CV qui se casse la gueule, bon bah t'y peux rien c'est pas de ton fait au mieux ça marche et ça fait une super expérience ne serait-ce que ce projet en CDD c'était un projet lié au retour de Steve Jobs en Europe depuis son retour à la tête d'Apple donc ça fallait le coup de se démener un peu la seule chose que m'a pas dit ce gars quand il m'a embauché et J'ai absolument pas pensé à poser la question. C'est que je me suis retrouvée à travailler dans une équipe qui ne faisait même pas qu'elle était en désaccord, ils étaient en guerre de tranchées, c'était horrible. Et je remplaçais une nana qui était partie en grand désaccord avec la boîte et qui avait de rage, balancée dix ans d'archives. de ce sur quoi je devais travailler. Donc j'étais à poil, au milieu de gens qui s'étripaient, et avec mon petit CDD qui ne pesait pas très lourd.
- Speaker #1
Ça ne ronronnait plus trop là ?
- Speaker #0
Du tout ! Au passage, j'étais un peu passée pour une dingue auprès de mon compagnon qui à ce moment-là me dit « mais tu es... » Je te rappelle, là on avait un projet d'enfant... Mais oui, on l'a toujours. Je ne vois absolument pas pourquoi.
- Speaker #1
Je suis toujours à fond avec toi, mon chat, bien sûr.
- Speaker #0
Tu vois, la mutuelle, le machin, le CDI, le truc, plan, plan, on n'en a plus, mais voilà. Je suis arrivée en avril 99 chez Apple pour un retour de Steve Jobs pour son keynote d'introduction à Apple Expo. dans l'espoir de faire en sorte qu'Apple Expo soit à un niveau tel qu'il accepte de venir. Déjà, on ne l'a su que 15 jours avant qu'il acceptait de venir. Et que cet événement français déjà bien installé devienne l'événement européen, dorénavant faisant partie de la stratégie des quatre grands événements d'Apple dans le monde, au Japon, aux US, en Europe, qui serait donc cet événement français. Et donc, on ne va pas se le cacher, il fallait faire en sorte que Steve Jobs ait envie de revenir. Donc, qualité, tu vois, je... point très haut, très haut, très haut. Ça tombe bien ici, on a une hauteur sous plafond. J'ai travaillé comme une dingue au milieu d'équipes qui avaient, d'équipes françaises et européennes, qui avaient l'habitude de réussir un salon français, mais qui n'étaient pas du tout prêtes à le monter au niveau américain. C'est pas qu'ils ne voulaient pas, mais ils n'avaient pas... Steve Jobs était à la tête d'Apple depuis deux ans, mais il ne s'était pas encore bien intéressé au marketing et à la com, et ce n'était pas très clair pour les équipes. Quel était son niveau d'exigence ? On le devinait, mais on n'était pas sûr. Et avec Steve Jobs, il fallait deviner vite, si tu veux. Oui,
- Speaker #1
très à l'américaine,
- Speaker #0
voilà. Oui, et puis pas patient. Et puis, il fallait que ça avance vite. Et toutes ces équipes autour, on sentait bien qu'ils étaient sous pression pour que ça avance vite et bien. Et avec des standards Cali vraiment très, très élevés. Et pour moi, ça a été un apprentissage très marquant. Tu sais, dans ces boîtes, J'avais un reporting aux États-Unis, donc un gars dans le proche entourage de Steve Jobs, en charge des événements internationaux. Et puis j'avais un reporting qu'on va qualifier de diplomatique, avec un Européen qui se trouvait être un Français dans les mêmes locaux que là où j'avais mon quotidien. Et donc mon reporting américain, très vite, très efficace. Tu fais quoi ? Ça donne quel résultat ? Ok, corrige-ci, corrige-ça. Enfin le truc classique, boom, boom, boom, chaque semaine. Et moi, ça me va bien de fonctionner comme ça. J'ai bien compris qu'ils vont me presser le citron. C'est un CDI, c'est pas super bien payé, mais je vois quand même que si ça marche, ça peut faire un truc sympa. Oui,
- Speaker #1
derrière, c'est le CDD qui peut se transformer.
- Speaker #0
Oui, et puis je m'entends bien avec les Américains. Moi, je suis assez comme ça, tu vois. Allez, on n'est pas là pour se raconter nos vies, on avance. Et s'il y a un problème, on le résout. Et si je n'y arrive pas toute seule, je demande de l'aide et ils vont m'aider à trouver de l'aide, bref.
- Speaker #1
Ça me rappelle ce que tu as dit tout à l'heure sur les Danois qui sont un peu straight to the point.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Donc, toi, tu as l'habitude de fonctionner comme ça. Oui,
- Speaker #0
et puis j'aime bien. Ça secoue un peu, c'est fatigant, mais au moins, tu vois dans quelle direction tu avances. Il n'y a pas d'agenda caché. Mon reporting diplomatique français, c'est complètement autre chose. X, mine,
- Speaker #1
l'élite de la France,
- Speaker #0
soyons clairs. Donc déjà, il ne m'adresse pas la parole. Pendant des mois, il ne m'adresse pas la parole. Il sait sur quoi je travaille. Il sait que c'est moi la cheville oubrière. Mais il me fait mettre un échelon hiérarchique intermédiaire. Je n'ai jamais compris pourquoi. En plus, le mec ne parle pas anglais. Je ne l'ai pas compris. Bref, il se fait rapporter mes avancées. Jamais il ne me les demande. Jamais il ne me répond. Le truc pyramidal. De travailler avec les proches de Steve Jobs, je comprends très vite où va la boîte. comment elle veut y aller, comment ils veulent que ça fonctionne. Et je vois que localement, le siège européen est au même endroit que le siège français, je vois qu'au plan européen, au plan français, ils n'ont pas compris. Ils n'ont pas encore senti le truc, et c'est peut-être normal, ils sont peut-être moins en prise directe, j'en sais rien, mais je vois que ça résiste. Ces entités-là avaient un pouvoir local plus important, jusqu'à ce que Steve Jobs arrive et dise « plus de pouvoir local, un rouleau compresseur mondial » . qui même me suivent. Tu veux sauter du train, saute du train, pas de problème. Mais c'est comme ça qu'on va y aller dorénavant. Et c'est mal vécu. Ça arrive, c'est mal vécu. Donc, il y a des gens qui partent, il y a des gens qui restent.
- Speaker #1
Et ton patron X, il reste ?
- Speaker #0
Mon patron diplomatique pense qu'il va garder sa zone de pouvoir. Et il n'a rien compris. Il n'a rien compris et on va même se friter très, très fort. Cette première opération, retour de Steve Jobs, est réussie. Super, j'ai appris plein de trucs. Et puis... Mon reporting américain m'informe qu'il va quitter Apple. Tu sais, c'est très fatigant de travailler en prise directe avec Steve Jobs. Oui, je peux imaginer, bien bien imaginer. J'ai besoin de me reprendre. Je vais créer ma boîte. Je sors du truc. Mince, dommage. Et quand il m'annonce ça, je lui dis, tiens, au fait, moi, j'aimerais bien rester. Puis ça serait bien qu'on en parle assez vite parce que le temps passe. Puis j'arrive vraiment au bout de mon contrat. Et là, il va me poser la question qu'on m'a posée une seule fois dans mon parcours. de salariés, une seule. Ah oui, bien sûr, qu'est-ce que tu voudrais ? Qu'est-ce que tu veux ? Qu'est-ce que tu veux faire ? Et quel job tu veux ? Et donc, je lui dis, voilà, moi, je veux le marketing France, marketing et com France. Et il me dit, ah bon, mais tu ne veux pas Europe ? Je lui dis, non, non, France, parce qu'on a toujours notre projet d'enfant, nous. Et Europe, ça veut dire, tu es dans l'avion plusieurs fois dans la semaine, je ne le sens pas bien. Ah bon, c'est sous-entendu. que la France que tu veux, banco, je te donne la France. Easy. Le truc de dingue, tu vois, à la limite, tu te dis, merde, j'aurais dû lui demander plus. Ça fait bon. Bon, je l'ai. Et pour lui, c'est fait. Tu vois, il donne les instructions qui vont bien, sauf que le patron diplomatique va tout arrêter en disant, non, non, Noël a la petite CDD hors de question qu'elle arrive à ce niveau de poste. Et ça va être la guerre. Ça va être d'autant plus la guerre que quelques semaines plus tard, j'apprends que je suis enceinte. Donc, je viens d'avoir ma promotion. avec l'augmentation de salaire qui va bien, en même temps, je vais être tellement loin que ça paraît énorme, mais c'est juste un ajustement normal. Et je me dis, ok, je fais quoi ? Tu vois, c'est dingue quand même. J'aimerais que ça n'existe plus, ce genre de truc, où tu es heureuse au plan perso d'être enceinte. Tu as le compagnon qui est super. Et puis au niveau du boulot, tu te dis, qu'est-ce que je fais ? J'attends trois mois, je leur dis tout de suite, oui, mais je risque de me retrouver au placard.
- Speaker #1
mais tu sais quoi j'adore cette histoire parce que dans les gens, les personnes qui écoutent le nombre qui se sont retrouvés dont je fais partie avec ce moment là en plus c'est drôle parce que souvent c'est dans ce moment là où tu as un panel de possibles devant toi qui est absolument incroyable des opportunités de dingue et effectivement tu dois te poser ces questions moi
- Speaker #0
j'ai trouvé ça très douloureux mais en même temps les hormones de grossesse je suppose ... Moi, j'étais sur mon nuage là-haut. J'étais complètement... J'ai pas eu les trucs, les nausées, tout ça, tout ça. J'étais à fond, à 1000%. J'avais peur de rien, ni de personne. Mon reporting américain devait partir, mais n'était pas encore tout à fait parti. Je décroche mon téléphone, je l'appelle, je lui dis, dis donc, il faudrait quand même que je te dise à où il y a quoi. Bon, je suis enceinte. Et là, il y a un blanc. Alors, j'avais prévu 15 arguments et tout ça, contre-arguments et tout ça. Il me dit, et alors ? Et puis, je lui réponds, ben, rien. il me dit mais tu vas plus pouvoir faire le boulot que t'es censé faire, j'ai dit si si si en fait j'en sais rien, moi je sais pas comment je vais réagir à la grossesse mais évidemment que je vais pas lui faire peur donc j'ai dit si si si bien sûr il me répond bah y'a pas de sujet,
- Speaker #1
je lui dis bah non je voulais juste que tu sois le premier à savoir j'avais plus trop quoi lui dire toi t'avais ta liste d'arguments mais le tu sais l'arbre de décision là de c'est pas un problème bah t'avais pas créé cette décision là j'avais pas ça,
- Speaker #0
bon donc ça a été assez rapide bon bah alors bonne continuation, bon bah alors salut salut dans la foulée je vais voir le reporting diplomatique et je lui dis je voudrais que tu sois le premier à savoir, donc là tu parles un français de l'élite de l'élection donc foufoufouf je m'incline je voudrais que tu sois le premier à savoir voilà je suis enceinte et le gars me regarde il se lève, il tape du plat de la main sur son bureau mais hyper fort il me dit mais tu m'as trahi pfff
- Speaker #1
Je ne me souviens pas que je couchais avec toi, mais d'accord, pas de souci.
- Speaker #0
Dans ma tête, je me dis, mais je n'ai quand même pas couché avec les Allemands.
- Speaker #1
Non, mais incroyable.
- Speaker #0
C'est incroyable. Le mec ne m'a jamais défendu, on est bien d'accord. Il ne m'apprécie pas, je ne l'apprécie pas. On le sait tous les deux.
- Speaker #1
Mais le tu m'as trahi, il a absolument mal.
- Speaker #0
Tu m'as trahi de qui, de quoi ? Enfin, non seulement tu ne m'as pas dépendu, mais tu as essayé de me dégommer dans le nouveau poste. Donc, bref. Moi, ça me fait rire tellement je trouve la scène ridicule. Je ris, ça l'énerve encore plus. Oui,
- Speaker #1
parce qu'en plus... En fait, tu avais un miroir d'un gars qui te dit... Ouais, ok, so what ? Et tu avais celui-là qui s'énervait d'un coup, ou tu avais eu l'autre, en fait, où tu disais, en fait, c'est possible que ça se passe bien. Et c'est pour ça que je pense, dans ta tête, il y a ce sujet de, mais attends, il se moque de moi, là ?
- Speaker #0
Exactement. Et en plus, tu sais, moi, j'ai toujours mon truc danois derrière, où la grossesse n'est pas un sujet, ils ont les congés paternités depuis très longtemps. Enfin, tu vois, ça devrait être un non-sujet. Mais lui, il en fait un sujet à lui.
- Speaker #1
De trahison, quoi. Oh là là !
- Speaker #0
Bref. Donc, je le rigole. Il me sort le truc, mais je ne vais pas dire son nom, parce que vraiment, il ne le mérite pas. Mais il est encore en activité, cet homme-là. Et il me dit, écoute, toi, j'aurais même pas à te virer. Je vais tellement te pourrir la vie que tu vas démissionner. Je suis enceinte, hein. On est d'accord. Oui,
- Speaker #1
bien sûr.
- Speaker #0
Donc déjà, le gars, il s'imagine dans une zone de pouvoir. intouchable, incroyable. On est en 2000, on est début 2000, c'est pas non plus le Moyen-Âge dont je suis en train de parler. Et moi, je suis là sur mon nuage d'hormones, et je lui dis, ah ouais, eh ben on va voir. À mon avis, t'as tellement rien compris de l'orientation que prennent les Américains que tu vas partir bien avant moi.
- Speaker #1
Tu lui dis ça ?
- Speaker #0
Je lui dis ça.
- Speaker #1
Incroyable.
- Speaker #0
Et je sors assez vite de son bureau parce que là, il... L'énervement était palpable. Je sors assez vite de son bureau en me disant « Oh putain, je suis peut-être allée un peu loin. » Le mec va vraiment me pourrir la vie. Il va essayer de me pourrir la vie vraiment. Tu vois, par exemple, dans mon nouveau poste, j'étais à son comité de direction. Pas de bol. Chaque fois que je voulais prendre la parole, il m'interrompait. Chaque fois que je réussissais quand même à garder la parole, il essayait de me ridiculiser. C'est la guerre des nerfs. Il me fait la guerre des nerfs. Mais moi, je suis sur mon nuage d'hormones. Tout va bien. Et j'ai compris où vont les Américains. Et je vois qu'il est en train de s'engager dans une impasse. Et il embarque son équipe dans une impasse. Bon, il ne m'écoute pas. Ok, très bien. J'essaye de faire passer le message à ses équipes. Il y en a qui comprennent, il y en a qui ne comprennent pas. Bon, bref, il sera remercié six mois plus tard. Je ne suis pas invitée à son pot de départ. J'y vais quand même. On a le droit de se faire des petits plaisirs dans la vie.
- Speaker #1
Et j'ai un petit peu peur. J'allais dire, tu ne pouvais pas trinquer parce que tu étais enceinte, mais tu l'as peut-être quand même fait.
- Speaker #0
J'ai trinqué aujourd'hui. Tu l'as aidé. Évidemment. Et dans ces cas-là, ces hommes-là, ce qu'ils font, c'est qu'ils te disent que le moment est arrivé de prendre du temps pour leur famille, de se ressourcer. Ils ont beaucoup travaillé. Il est temps de... Bon, bref. Évidemment, c'est complètement pipo. Et ensuite, ils vont rebondir du mieux qu'ils peuvent, etc. Mais voilà, ça a été l'autre moment très, très marquant.
- Speaker #1
et je te remercie de partager ce moment là parce que je trouve que la maternité et en tout cas avant la maternité le moment où tu dois annoncer dans une carrière qui se veut ambitieuse que tu es enceinte il y a quand même toujours même si tu parles des années 2000 en 2020 c'est toujours la même chose et tu te retrouves quand même dans certaines boîtes confrontées à ce type d'attitude et c'est toujours le cas malheureusement je trouve que ce qui est génial dans ton histoire c'est ce ... ce double miroir auquel tu as eu droit. Puis aussi tout ce dont tu nous as raconté avant sur ta posture, le Danemark, tout ce que ça t'avait apporté sur ta posture de femme. Et je pense que dans les années 2000, malheureusement, il y en a pas mal qui ont dû se prendre des murs comme ça. Et que tout ce que tu nous as raconté avant construit le fait que tu as pu lui dire « Tu vas voir, c'est toi qui vas partir avant moi. » Et je trouve ça, même pour les personnes qui nous écoutent aujourd'hui, je pense que s'il y a des personnes qui sont dans cette... Pas là, le fait de se dire, mais en fait, de toute manière, il retournera sa veste à terme. Ça ne dit rien de vous, ça ne dit rien de votre qualité, ça ne dit rien de vos compétences. Ça se dit juste que ça ne devrait pas exister. Il faut changer le système pour que les choses évoluent.
- Speaker #0
Oui, j'espère qu'aujourd'hui, en 2024, ça semblera très, très vieux à des jeunes femmes dans cette situation. Je rêve de ça. Apple m'a permis d'exprimer quelque chose que j'ai construit au fil des années. qui est de ne pas se laisser enfermer. dans quelque chose qui ne te correspond pas. Tu vois, dans le job d'après, je m'occupais entre autres de la pub et à un moment donné, j'ai désobéi à Steve. Il y avait des règles bien arrêtées et moi j'ai fait autre chose parce que j'étais convaincue que pour atteindre l'objectif, il ne fallait pas suivre la feuille de route des Américains parce qu'en Europe ça fonctionne différemment, parce que j'avais tout plein d'arguments. J'ai mis neuf mois à les convaincre. J'y suis allée une première fois, je me suis pris une baffe sur le thème. Non, mais on te rappelle les règles, tu les connais pourtant. Enfin, ne nous oblige pas. Allez, c'est bon, on passe au sujet suivant. Et une deuxième fois et une troisième fois. Bref, neuf mois jusqu'à ce qu'il m'accorde un test, tu vois, sur un petit bout de truc qui a marché et puis qui finalement est devenu une norme européenne. Il y avait ça chez Apple. Tu étais autorisé à proposer des choses différentes. à condition de bien savoir argumenter et de bien expliquer en quoi ça allait servir. Peut-être mieux que le plan américain. Et ça, j'ai bien aimé. Je crois que c'est ça qui m'a le plus plu. Du coup, dire merde à quelqu'un, ce n'est pas si grave.
- Speaker #1
Si c'était argumenté, si ça allait dans le sens du business.
- Speaker #0
Et il fallait bien argumenter. Et ils n'ont pas eu tort de me faire revenir. Je dis neuf mois parce que c'était sur base trimestrielle. Et à chaque fois, je suis revenue avec des arguments un petit peu plus affûtés. Et à chaque fois, on a pris le risque, j'ai pris le risque de faire bosser des gens sur des projets dont il valait mieux qu'ils n'arrivent pas aux oreilles des Américains. Mais il y a eu de la prise de risque, j'ai risqué mon poste, j'ai risqué aussi de faire des références et des agences. Mais pour moi, ne pas faire ça, ça aurait été une faute professionnelle. Parce que je comprends très bien qu'on ait une stratégie mondiale, mais quand on a une stratégie mondiale, forcément, on n'est pas très affiné. sur ce qui se passe dans les différentes zones géographiques. Et si tu n'amènes pas ta touche d'expert de ta zone géographique, finalement, à quoi tu sers ? Autant mettre un assistant, un exécutant,
- Speaker #1
quelqu'un qui va dérouler le plan. Alors, déjà, j'ai envie de te dire que je suis très impressionnée de ton aplomb, en fait, et de la manière dont tu expliques les choses, parce que je trouve que c'est extrêmement... Le mot inspirant, je trouve qu'il est un peu bateau pour ça, mais en fait, ça me donne envie de faire comme toi. Tu as dosé faire ce qui me semble juste, pas par égo. Parce que je n'entends pas de l'égo, tu vois, derrière ce que tu dis. C'est plutôt de dire, en fait, moi, pour faire mon job correctement, je pense qu'il faut aller dans cette voie. Et tout à l'heure, tu as utilisé le mot désobéir. Et je sais que c'est un mot qui te plaît.
- Speaker #0
Oui, ça me tient beaucoup à cœur.
- Speaker #1
Et du coup, je me pose la question, après cet épisode, de travailler pour Steve Jobs, de désobéir à Steve Jobs. C'est quoi les étapes ? Parce qu'en fait... Je me pose aussi la question de l'alignement sur le long terme. Qu'est-ce qui s'est passé pour toi après cette désobéissance, d'après ce que je comprends, de tout ce que tu peux faire, tes conférences, etc., a fonctionné ? Comment tu vis après cet épisode Steve Jobs et cette désobéissance ?
- Speaker #0
Après sept années d'Apple, je suis épuisée. Et puis, là, on a beaucoup parlé du pro, mais on n'a pas parlé du perso. Et le perso, pour tout te dire, dans le couple, ça ne fonctionne pas super bien. Mais... Ça m'arrange de ne pas trop le voir. Tu vois, je suis bien occupée dans le boulot. Ça me rend service. Ça me permet de ne pas trop regarder le détail de ce qui ne va pas dans le perso. Donc, j'ai deux enfants dorénavant qui sont petits. Il y a le père des enfants qui est malade et qui ne peut plus travailler comme il travaillait. Ça bouscule pas mal de choses. Dorénavant, c'est lui qui est en première ligne sur l'organisation de la famille. Moi qui travaille, tu vois, les rôles sont un peu inversés. Dans les dîners, c'est super. Ça marche très bien. Tout le monde fait « Ah, waouh, super » . En vrai, ça ne marche pas. Ma conclusion, c'est que ça ne marche pas.
- Speaker #1
Backstage et de la bling sur la scène.
- Speaker #0
C'est-à-dire qu'à un moment donné, je me dis, bon, il faut que je quitte Apple, parce que d'une part, mes perspectives ne sont plus aussi fleurissantes qu'elles l'ont été. Le siège européen va partir de Paris vers Londres pour suivre. Il faudrait une grosse hausse de rémunération. qu'on ne donne pas à mon niveau. Je laisse partir les premiers, je les vois revenir très vite. Les premiers Européens qui partent à Londres, je les vois revenir très vite. Je dis, OK, dans ce genre de boîte, ça se réorganise très, très vite. Donc, quand tu as des bons résultats, il faut bien faire gaffe à avoir des bons résultats jusqu'à la fin de la fin. Ils sont toujours prêts à faire une économie. Ta place peut servir à quelqu'un d'autre. Et puis, directrice marketing comme tout le monde peut le faire. C'est connu. C'est bien connu. C'est connu. Et donc, je fais ça, je dis, dans la prochaine réorg, ma place peut servir à quelqu'un, moi, je voudrais sauter du train. Et comme les résultats sont bons, on fait semblant de négocier, mais le package, il est déjà pré-négocié, il existe, on sait, mais quand même, on fait semblant de négocier. Et donc, je quitte comme ça et je pars en me disant, tu vois, on se serait parlé à ce moment-là, je t'aurais dit... Dans six mois, je vais repartir chez, ouais, peut-être pas McDo parce que c'est pas trop dans mes valeurs, Coca, pas sûr, mais je vais bien trouver une boîte américaine dans laquelle faire à peu près la même chose. Et non, en fait, non, je vais aller passer les entretiens, mais non, et je pense qu'il voit quelque chose que moi, je ne vois pas encore à l'époque. Je pense qu'il voit que j'ai plus envie, en fait, de ce truc-là. Mais moi, je le sais pas encore. Et là, il va y avoir plusieurs années où je m'occupe de ma famille, pour le coup. J'essaye de sauver le couple. Bon, ça marchera pas. Moi, je l'aurais tenté. Tu l'as tenté. Je suis beaucoup plus présente auprès des enfants. Tu vois, quand j'ai arrêté Apple, mon fils aîné, il disait « Oh, maman, elle aime beaucoup, beaucoup, beaucoup son travail. » Quand on demandait « Qu'est-ce qu'elle aime, ta maman ? » Il disait « C'est mon travail. »
- Speaker #1
C'était ton travail.
- Speaker #0
C'était pas...
- Speaker #1
Il avait quel âge à ce moment-là ?
- Speaker #0
Moi, trois ans.
- Speaker #1
Ah ouais, je vois bien cet âge. Tu vois ? Ouais, c'est vraiment la vérité. Ou tu tords. Voilà,
- Speaker #0
comme ça, comme une baffe. je comprends très bien pourquoi et je suis contente de lui transmettre qu'on peut aimer son travail mais dans son esprit c'est peut-être même un peu avant lui tu vois dans ma culpabilité de maman c'est comme ça que je l'entends oui alors après donc on pourrait faire un long épisode sur la culpabilité maternelle on va laisser ça de côté aujourd'hui je peux dire que c'est très équilibré ils sont tous les deux très en soutien de ce que je fais, il n'y a pas de cicatrices profondes Mais en tout cas, c'est exprimé comme ça à l'époque. Et moi, ça me donne une claque. Je me dis attention, attention de ne pas aller trop loin quand même. Et donc, ça me prendra trois ans à savoir ce que je veux faire après. Ce n'est pas la prochaine boîte américaine. C'est quoi ? Bref, ça sera de me lancer en entrepreneur. Alors que je n'ai jamais pensé que c'était pour moi. Tu vois, dans ma fratrie, un de mes frères, c'est le businessman de la fratrie. Et bien, bêtement, j'ai fait un raccourci dans ma tête. Businessman égale garçon. Donc, pas pour moi. Personne ne me l'a jamais dit. Personne ne m'a jamais interdit quoi que ce soit. Mais moi, j'ai fait ce raccourci. Et donc, je vais me lancer en entrepreneur avec une offre de démarrage et puis une autre, puis une autre. Enfin, la vie de l'entreprise, ça fait 13 ans maintenant. Ça fait 13 ans maintenant. Et donc, avec des années géniales, des années pas bonnes du tout, des années moyennes, je traverse un peu tout. J'essaye de... pérenniser un business, j'ai du mal. Je vais dans l'entrepreneuriat avec enthousiasme. sans vraiment savoir comment il faut s'y prendre.
- Speaker #1
Alors j'ai envie de rebondir sur plusieurs choses, parce que tu vois, déjà cette question de post gros moment fort, dans lequel ça se passe bien, ou en tout cas, il y a du succès. Moi je trouve que c'est... J'écoutais un podcast ce matin d'une danseuse qui disait, une fois qu'on est devenu étoile, alors après c'est difficile encore plus que quand on ne l'a pas été, parce qu'il faut prouver qu'on a toujours cette valeur. Et je trouve que c'est hyper intéressant de creuser ce sujet-là. Et j'aime bien que tu me dises que tu as passé trois ans à essayer de savoir si, oui ou non, tu allais retourner dans ces grosses boîtes ou pas.
- Speaker #0
C'est long, trois ans.
- Speaker #1
Ouais, c'est long. Et en même temps, en fait, je me dis, on est tellement dans l'immédiateté. Tu vois, même sur le sujet de l'alignement, ça fait quand même un petit moment que je me penche sur le sujet. Il y a souvent une espèce d'eau d'autant long. Parce que ce que tu connaissais, c'était les grosses boîtes américaines. Donc, j'imagine que tu as dû passer un certain nombre d'entretiens dans des boîtes américaines que ça ne l'a pas fait. Et puis, peut-être des déceptions, peut-être des faux espoirs. Et puis finalement, tu te retrouves entrepreneur depuis 13 ans. Et ce que j'ai envie de souligner aussi, la manière dont tu l'expliques, je ne sais pas si c'est la maturité d'avoir été par tant d'étapes, mais je trouve que c'est super intéressant de dire, en fait, je ne sais pas tout à fait bien, je n'ai pas un plan. Parfois, ça fonctionne, parfois, ça ne fonctionne pas. Et du coup, j'ai envie de te demander, toi qui as fait quand même 13 ans d'entrepreneuriat, si tu as des conseils à donner. Non. Tu n'as pas de conseils ?
- Speaker #0
Non, enfin oui et non. Je ne sais pas.
- Speaker #1
Des enseignements, des partages ?
- Speaker #0
Alors déjà, je dirais juste, je vais répondre à ta question, mais juste une précision avant. J'ai eu mes petits succès, mais je ne considère pas, je n'ai pas eu le grand succès. Tu vois, je vois bien que j'ai eu des petits succès. Je vois bien que j'ai eu plein de ratages. Je vois aussi que d'autres ont fait beaucoup plus. Moi, je suis très zen avec ça. À un moment donné, j'ai eu l'opportunité d'aller bosser pour Apple dans la Silicon Valley. J'y suis pas allée parce que le père des enfants n'était pas prêt à y aller. Et ça a compté quand on s'est tout balancé à la figure. J'imagine. Je lui ai balancé fort, celui-là. Parce que pour lui, vivre aux États-Unis, c'était pas possible. Il ne se voyait pas faire son boulot, alors que moi, je voyais très bien là-bas. Enfin bon, bref, on ne l'a pas fait. Pour moi, ça, ça a été douloureux. Il y a des choix sur lesquels tu te brides tout seul. Ah, ça, c'est pas pour moi. Non, c'est pas fait pour moi. Ça, j'ose pas y aller. Non, ça, c'est trop. Jamais je vais être à la hauteur. Et puis, des fois, tu es bridé par ton compagnon, ta famille ou quoi au caisse. Et puis, c'est comme ça, c'est ton chemin. Arrivé dans l'entrepreneuriat, j'ai mis plusieurs années à me débarrasser de ce que j'avais l'habitude de penser pour toute une équipe quand j'étais salariée. Ça a été très, très long pour moi de penser le plan d'action pour moi toute seule au début. Et je raisonnais comme une grosse boîte. Je me présentais comme une grosse boîte. Évidemment, je me suis pris plein de claques parce qu'au début, c'était que moi la grosse boîte. Mais je me pensais.
- Speaker #1
Mais oui, tu parlais de « on » .
- Speaker #0
Oui, je parlais de nous. J'ai tout de suite monté une SARL parce que je vendais des prestations à des services achats. Et tu ne te présentes pas auto-entrepreneur à un service achat. Non. Mais bon, la SRL, ça a un coût de structure, mais en même temps, ça m'a poussée. Je n'ai jamais eu de difficulté à penser les offres. J'ai toujours plein d'idées là-dessus. Par contre, faire en sorte que ce soit réaliste à hauteur de ce que moi, je pouvais produire, ça, c'était plus compliqué. L'autre truc auquel je me suis heurtée, c'est, ah ben oui, mais pour ce type de prestation, il faut que je décroche des gros clients, des grands comptes. Et quand tu es toute seule... décrocher un grand compte, c'est super. Quand tu le décroches, là, tu te regardes dans la glace. Ouais, c'est moi qui l'ai fait. Génial. Mais tu peux mettre un an à ne pas le décrocher, finalement, le grand compte qui, pourtant, était sûr qu'il allait signer avec toi. C'était sûr. Tout à fait. Et finalement, à la fin de l'année, pour une bonne raison, entre guillemets, comme les grands comptes savent bien en avoir, et je le sais, je l'ai fait moi aussi, finalement, tu changes ton fusil d'épaule parce que tu as un contrat en cours avec un prestat qui... Il peut le faire, le truc. Là, bon, peut-être un peu moins bien, mais allez, roule, on fait rentrer dans le contrat et ça va. Donc, tu vois, j'ai fait face à ça. Donc, à un moment donné, je me suis dit, OK, si je veux arrêter d'enchaîner les années géniales suivies d'années pourries, il faut que je m'adresse à une cible de clientèle plutôt PME. Et là, grosse barrière mentale. Mais moi, je n'ai pas l'habitude des PME. Je ne vais pas savoir leur parler au PME et qu'est-ce que je peux bien leur proposer qui les intéresse. Donc, le temps de trouver quelque chose qui les intéresse, d'aller les rencontrer, de se rendre compte que non, ça va, on arrive à se parler. Tu vois, beaucoup d'ajustements en avançant. Je pense que ça m'aurait beaucoup aidé au démarrage d'avoir un mentor. Je n'y ai même pas pensé. Même en salarié, dans mes dernières expériences, ça m'aurait aidé. Mais personne ne me l'a proposé. Peut-être que si je l'avais demandé, on me l'aurait donné, mais je n'y ai pas pensé. Tu vois, aujourd'hui, quand j'accompagne des dirigeants, je me dis « Ah, quand même, ça les aide, quoi. » Ça les aide à prendre confiance, ça les aide à tester des trucs, à aligner leur posture, à penser leurs actions différemment. Enfin bon, bref. Je pense que ça m'aurait beaucoup aidé d'avoir quelqu'un d'un peu plus expérimenté que moi et qui me montre... C'est pas une histoire d'âge, c'est vraiment une histoire de l'avoir fait et qui me met un peu en face de ce qu'il faut affiner avant d'y aller.
- Speaker #1
Et ça, je trouve que c'est super intéressant parce que ça permet de s'extraire de plein d'idées reçues qu'on peut avoir à cause des réseaux sur les réussites un peu faciles, de start-upeurs qui réussissent en deux-deux à lever des fonds. Et puis, en fait, c'est la première fois, ils ont 21 ans et voilà. Non, ça n'existe pas. Ça, c'est comme l'hélicorne, ça n'existe pas. donc effectivement ça fait du bien de t'entendre parler de ça et puis je trouve que la solution du mentor c'est une solution pragmatique dans laquelle avoir des gens qui sont plus avancés que soi en général effectivement on apprend beaucoup en fait j'ai envie de te poser une question toi tu dis que t'as pas eu des grands succès ok je veux bien l'entendre parce qu'en fait finalement c'est ton point de vue mais moi de mon point de vue dans ma petite lucarne je trouve que ce que t'as fait c'est énorme ne serait-ce que désobéir à Steve Jobs, faire tout ce que t'as fait atteindre le niveau de responsabilité que t'as eu, pour moi c'est déjà énorme et puis là ensuite tu finis par une tartine de 13 ans d'entrepreneuriat je pense que quiconque a fait un an d'entrepreneuriat c'est ce dont je suis en train de parler donc j'ai envie de savoir maintenant après tes 13 ans d'entrepreneuriat qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?
- Speaker #0
De continuer dans cette direction. Tu vois, cette année, je me suis lancée dans une nouvelle activité d'entreprise, avec une nouvelle société, cette fois-ci avec des associés, chose que je ne voulais surtout pas, qui me faisait peur, etc. Donc il y a une nouvelle activité. Je suis en train de finir d'écrire le livre qui découle de la conférence, dans laquelle je raconte plus en détail ce qu'on vient d'évoquer ensemble et plus encore. Tu vois, j'ai cette idée dont je ne sais pas encore très très bien quelle forme elle va prendre, mais qui mûrit un peu plus chaque jour. Quand j'étais petite, j'ai grandi dans une maison à Lyon, une grande maison où il y avait d'un côté mes parents, ma fratrie, et puis dans la même maison, mais avec son entrée indépendante, il y avait mes grands-parents paternels, mon grand-père. père mutilé de la première guerre mondiale avec sa jambe de bois qui s'occupait du jardin. Ma grand-mère qui s'occupait des œuvres catholiques du quartier. Tu vois le truc ? C'était mon environnement et c'était normal pour moi. Je me souviens très bien de la première fois où j'ai rendu visite à une première copine et puis une deuxième copine chez qui n'avaient pas les grands-parents. J'ai trouvé ça très bizarre. Je me suis dit « Merde, tiens, c'est... » Ils ne vivent pas comme moi, ces gens. Limite, je les plaignais.
- Speaker #1
Tu trouvais ça comment ?
- Speaker #0
Il manquait quelque chose. Il manquait une dimension. Mais chez moi, mes grands-parents, on les voyait... Ils venaient, par exemple, prendre le café le dimanche. On ne prenait pas nos repas ensemble. Mais néanmoins, c'était dans le même lieu. Je me suis rendue compte que ça m'avait fortement marquée. Et ça a été... Comme beaucoup, quand je suis arrivée à Paris, j'ai trouvé que c'était dur. Dur parce que je n'avais pas forcément le budget nécessaire. Dur parce que tu te retrouves seule. Seule dans la grande ville, c'est quand même une sacrée expérience de la solitude. Le temps de te faire des amis, le temps... J'ai trouvé qu'il y avait un manque de lien et de liant très fort. Tu vois, mon fils aîné fait ses études à l'autre bout de l'île de France, à Sergy. Donc c'est trop loin pour qu'il continue à habiter chez nous. Il habite en coloc. depuis 4 ans maintenant. Sur les deux dernières années, c'est le seul étudiant de sa coloc. Les autres colocs sont des personnes qui débutent leur activité professionnelle et qui continuent à vivre comme ça. Alors, certainement parce que ça leur plaît, certainement parce que ça leur limite les frais, et puis ils partent quand ils sont en couple, en fait. Mais je vois bien qu'il y a ce mouvement-là qui est plus présent. Moi aussi, je l'ai fait, un coloc, quand j'étais étudiante, mais ce n'était pas... pas tout à fait dans le même esprit. Et puis, je vois les personnes plus âgées, les jeunes vieux comme moi, dont les enfants sont partis, qui sont encore dans une dynamique de projet, puis un plaisir à échanger, un plaisir à rencontrer, voire en difficultés financières, parce que les difficultés à se lancer dans la vie peuvent être aussi les difficultés de fin de carrière, voire de début de retraite. Ça coûte cher. J'allais dire,
- Speaker #1
et même en ville. Surtout pour les femmes qui... se rendre compte à la fin de leur carrière qu'elles touchent 40% de moins que les hommes en termes de retraite.
- Speaker #0
Si en plus, elles sont séparées et que la pension ne suit pas. Enfin, bon bref.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Bref, il y en a beaucoup dans ce cas-là. Donc, on est comme ça à deux extrémités de vie qui se vivent mal. Moi, ça me dit injustice. Je trouve ça insupportable. Je trouve que notre société est beaucoup trop dure de ce point de vue-là à rendre difficile les débuts. de la vie active et à pénaliser trop tôt. ceux qui seraient pourtant prêts à continuer à bosser quand ils sont déjà étiquetés seniors. Tout à fait. Et donc, moi, j'ai envie d'agir là-dessus, autour de l'idée d'un co-living intergénérationnel. Comme je l'ai connu dans mon enfance, tu vois, j'ai envie de recréer ce type de lien, de liant entre les générations pour recréer ce qui n'est plus dans nos modes de vie. plusieurs générations sous un même toit, puisque ça n'est plus dans nos habitudes culturelles, recréons-le autrement. Quelle forme ça va prendre exactement, je ne sais pas encore, mais c'est dans cette direction-là que j'ai envie d'aller.
- Speaker #1
Ça me paraît tout à fait intéressant. Et puis ensuite, tu es complètement différent de tous les autres business et de tout ce que tu as déjà fait. Effectivement, c'est intéressant aussi parce que pourquoi creuser un tout petit peu le sujet des seniors, le sujet de la santé des personnes seniors, justement. C'est vrai que là, il va y avoir un boom du nombre de seniors en France. Et donc, effectivement, si tu penses purement business, purement lien, enfin, tu vois, un business au service de la société, effectivement, c'est vraiment un sujet à creuser.
- Speaker #0
Il y a vraiment quelque chose pour moi, parce que ça me rappelle aussi ce que j'ai vu au Danemark. J'ai vu des... Là, dans les... C'est ancien, mais j'ai vu dans les années 80 des maisons de retraite qui ne ressemblaient absolument pas à des maisons de retraite, qui étaient des petits habitats individuels regroupés un peu en villages autour d'une salle commune, avec des services qui viennent chez les gens dans ce nouvel habitat-là. Et tu vois, moi, si je me projette dans 20 ans, je me vois plus vivre comme ça. Mais oui. qu'en maison de retraite comme ma mère aujourd'hui, qui s'y plaît, tant mieux, super. Mais je me projette plus dans ce type d'habitat-là avec autour mes potes. Tout à fait.
- Speaker #1
Effectivement, ça donne plus envie. Merci pour ça. Et j'ai deux dernières questions pour toi. Une question que les alignés adorent, c'est quels sont les ressources, alors ça peut être des podcasts, médias, enfin ce que tu veux, pour aller sur ton chemin.
- Speaker #0
Alors, il y a un podcast, tu vas me dire rien à voir, mais il y a un podcast de Radio France que je trouve génial qui s'appelle Face à l'Histoire. Ça te dit quelque chose ? Non,
- Speaker #1
ça ne me dit rien.
- Speaker #0
Face à l'Histoire, c'est un garçon qui s'appelle, enfin un homme, qui s'appelle Philippe Collin, qui écrit superbement ses épisodes et qui te raconte, par exemple, là, il y a toute une série qui s'appelle Les Résistantes, les femmes. pendant la Deuxième Guerre mondiale qui ont résisté tout comme les hommes mais dont on se souvient moins. Il y a une dizaine d'épisodes, je crois, qui va dans le quotidien. Il y a de l'interview, il y a des documents historiques, il fait revivre ça de façon super. Je trouve que ça donne une... Je te donne l'exemple des Résistantes, mais il y a tout plein d'autres sujets littéraires, historiques, bref. Je trouve ça passionnant. Et puis, figure-toi que la semaine dernière, à l'occasion d'une visite chez Citizen Entrepreneur à Paris. J'ai rencontré un gars qui vient d'écrire un bouquin et qui en témoignait. Il s'appelle Nicolas Dubep et il a écrit « 53 minutes, survivre et renaître » . C'est une histoire incroyable. Ce gars, c'est un entrepreneur à succès. Je ne sais pas quel âge il a. Disons qu'il doit avoir la quarantaine maintenant. En tout cas, c'est comme ça que je l'ai lu. Le genre de gars qui te crée plusieurs startups. qui passe son temps à lever des fonds, qui raisonne performance, rentabilité, et puis qui, un jour, a un accident de vie incroyable. Son cœur s'arrête pendant 53 minutes. 53 minutes. Donc, a priori, tu te dis, le gars, il n'en ressort pas. Ou s'il en ressort, on ne sait pas ce qu'il lui reste de ses facultés. Eh bien, ce gars, je ne suis pas sûr qu'il ait complètement récupéré 100% de ses facultés, mais en tout cas, ce soir-là, il est devant nous, là, debout, témoigne de son parcours, sans notes, sans rien. Pour moi, il a tout récupéré. Et son bouquin, je vous le recommande vraiment, 53 minutes, Survivre et renaître, c'est édition Isran. Les deux tiers du livre, c'est son histoire, ce qui lui est arrivé, comment il s'en est sorti. Et le dernier tiers est très touchant, ça fait vraiment écho pour moi. Le dernier tiers vient parler de quelque chose dont il aurait été incapable de parler, je pense, dans sa première partie de vie. Ça parle de manager avec le cœur. Il parle d'une économie du cœur. Donc, on est d'accord, on est bien loin du start-upper, d'élever de fonds et de la performance. Tout à fait. Il vient... apporter, c'est dorénavant sa mission, d'aller parler de ça dans les entreprises, d'une nouvelle dimension à ajouter au management et à la valeur des entreprises. Donc voilà, j'ai très envie. de vous donner envie d'aller à JT.
- Speaker #1
Complètement,
- Speaker #0
c'est bon.
- Speaker #1
Et de le rencontrer. J'ai envie de me dire tu fais bien de parler de ça à ce micro parce qu'on a aussi l'envie, j'ai l'envie d'interviewer des personnes qui managent autrement et qui favorisent la mixité mais aussi qui transforment les organisations avec plus d'humains pour que les humains dans les organisations soient plus alignés. Donc ça fait complètement sens avec ce podcast. Merci Marie-Claire. Et puis, dernière question parce que je sais qu'il y a des personnes qui vont écouter ce podcast, qui vont avoir envie de te suivre, d'aller écouter ta conférence, d'en savoir plus sur toi. Comment on te suit ?
- Speaker #0
Sur LinkedIn, c'est encore le plus simple. Je poste régulièrement, toutes mes coordonnées directes sont sur LinkedIn, donc on peut me contacter en message, en téléphone, comme on a envie.
- Speaker #1
je te remercie beaucoup pour ce moment c'était génial, on a parlé de licornes on a parlé de Danemark on a parlé de plein de choses géniales de Steve Jobs aussi donc c'était vraiment plein de choses plein d'enseignements pour moi alors merci beaucoup d'avoir accepté mon invitation avec plaisir, à bientôt