Speaker #1qui aident à prendre la mesure des choses, à éclairer le présent et l'avenir dans l'espace et dans le temps. que vous m'avez demandé de clore ces journées de blois sur le thème de la rébellion. Est-ce qu'on peut clore la rébellion ? Non. Est-ce qu'on peut clore le récit de la rébellion ? Non plus. Donc c'est vraiment un exercice très libre auquel je vais me prêter devant vous et je demande votre indulgence pour tout ce que je vais pouvoir vous dire. Quand Francis Chevrier, notre directeur et Jean Noël, Jean Nenet, notre président, m'ont demandé de faire cette séance de clôture. J'ai été très intimidée. Et je me suis posé la question de ma légitimité. En quoi est-ce que je pouvais clore légitimement des journées de réflexion sur la rébellion ? Est-ce que je suis rebelle ? Qui peut se qualifier de rebelle ? On est rebelle à certains moments de sa vie. finalement quand on choisit on n'est pas tout le temps on accepte aussi beaucoup de choses on coule sa vie dans des chemins ordinaires et quand je pense aux rebelles pour lesquels j'ai de l'admiration je ne sais pas Olympe de Gouges Georges Sand bien sûr Flora Tristan ou bien les deux Simone Veil la philosophe, la politique et puis Daniel Cohn-Bendit et puis Daniel Cordier qui pour moi est une figure de rebelle à la fois politique et personnel. Quand on pense à toutes ces grandes figures, on est évidemment très modeste. Mais est-ce qu'il s'agissait bien de cela ? Non, il s'agissait de parler des rebelles avec la distance que l'histoire établit toujours évidemment avec son objet, peut-être même la distance nécessaire à cela. Donc finalement, j'ai modestement et simplement accepté de faire cette conférence de clôture. Et ça me permet, une seconde, quelques minutes, disons, de faire une petite digression sur le rapport entre l'historien et son objet, entre le sujet et l'objet. C'est quelque chose qui a beaucoup changé dans le temps. Par exemple, il y a eu des périodes où la distance devait être maximale. Je pense à l'époque du positivisme, Charles Seigneau-Bosse par exemple, ou à la période dont moi je suis issu, l'histoire économique et sociale par exemple. A ces époques-là, on avait l'idée qu'au fond, l'histoire est un plat qui se mange froid, et qu'il faut donc une distance de temps pour aborder un certain nombre de sujets. Et d'autre part, une distance aussi de passion, pas trop avoir de passion. anecdote à ce propos elle est bien connue mais peut-être tout le monde il y a beaucoup de jeunes ici qui ne la connaissent pas Cheigneau-Bosse, grand maître de la Sorbonne début fin 19e, début 20e aussi un étudiant qui me consulte pour un sujet de recherche demande un monsieur on s'appelait monsieur dans ce temps, tout le monde Qu'est-ce que vous venez, et timidement l'étudiant, de lui dire je ne sais trop quoi ? Alors Seigneur Bose lui répond, eh bien ne faites pas cela, ne faites pas cela. Prenez un sujet où vous soyez loin, plus indifférent. L'histoire économique sociale c'est autre chose, elle met une distance qui est celle, j'allais dire, des chiffres. La grande idée de cette couronne pensée c'était l'histoire est scientifique. Et si elle est scientifique, elle passe par des chiffres, elle passe par des séries, elle passe par des archives, longuement consultées, longuement élaborées, et puis le chiffre dira en quelque sorte la vérité des choses. C'est évidemment tout à fait illusoire, mais il y avait aussi cette histoire de distance avec l'objet. Et les temps changent, les temps changent beaucoup, beaucoup, beaucoup. Bien sûr, l'école des annales, on n'en parle pas, il faudrait en parler. mais plus pour notre sujet tout ce qui s'est passé autour de ce qu'on appelle maintenant la nouvelle histoire, c'est-à-dire l'histoire des années 70, déjà vieux, déjà vieux tout ça, qui renouvelle ses alliances disciplinaires, ses objets, avec un espèce de foisonnement des objets, vertige du foisonnement, comme a dit un jour Alain Corbin, qui réintègre les émotions, qui réintégrifie une source... un peu mise à l'écart à un certain moment, la littérature. La littérature, véritablement, considérée non pas comme une mauvaise source, une source surpitiéuse, mais une source au contraire, à réintégrer dans l'ensemble de l'histoire. Et par conséquent, l'histoire change, elle devient même parfois plus émotive, plus passionnée, avec les avantages et les inconvénients que ça peut avoir. Quand j'étais... À Jussieu, à l'époque du maoïsme, il y avait certains historiens qui nous disaient que nous devions, avant tout, obéir aux sommations du présent. C'est-à-dire, l'historien, il est là pour répondre aux sommations du présent, c'est-à-dire à son temps. Et l'histoire n'est là, au fond, que pour cela. Que l'histoire soit un pont entre le passé et le présent, il y a longtemps que Marc Bloch l'avait dit. Mais Marbloch lui-même maintenait cette distance nécessaire. Voilà, alors tout ça évolue beaucoup, mais pour revenir au sujet des rébellions, c'est un sujet frémissant, c'est un sujet actuel, car les rébellions sont partout dans notre monde. Elles sont là dans le domaine de la guerre, elles sont là dans le domaine géopolitique, elles sont là dans notre actualité. Nous nous sommes tous, nous prétendons tous plus ou moins des rebelles. Marcel Gaucher l'a rappelé dans une conférence inaugurale que je tiens à saluer ici comme une importante réflexion sur le sujet. Donc c'est un sujet prévissant et je l'ai senti ce matin, j'ai reçu, demande des organisateurs bien sûr, une dénégation de lycéens, de lycéens antillais. Ces lycéens qui viennent de première et de terminale du lycée Schellcher en Martinique ont fait le voyage de Blois et ils l'ont fait à cause du sujet des rebelles. Non pas qu'avant ils ne s'intéressaient pas au rendez-vous de l'histoire, ils se tiennent très au courant, ils ont des professeurs qui suivent ça pas à pas. Mais là, ils ont eu envie de franchir le pas, c'est le cas de le dire, parce qu'ils se sentaient... concernés par cela. Et notamment, ils m'ont beaucoup parlé ce matin du marronnage. Le marronnage, c'est cette attitude de fuite des esclaves qui ne peuvent pas organiser de rébellion collective parce que c'est trop réprimé, ce n'est pas possible, mais qui fuient, qui partent, qui courent partout. Et c'est une forme de rébellion. Et effectivement, en y réfléchissant, c'est une forme de rébellion. tout à fait importante, tout à fait intéressante et qui peut-être au fond un peu parfois un paradigme de nos rébellions d'aujourd'hui quand nous fuyons, en nous recusant telle ou telle chose qui ne nous convient pas. Voilà quelques réflexions à propos de ce sujet. Mais peut-être faut-il se demander, pendant quatre jours vous vous êtes demandé cela, mais qu'est-ce que posons le sac ? Antoine de Bec nous y invite un petit peu avec les promenades des âmes. Et à nouveau, on va se reposer la question. Rebelle, au sens étymologique du terme, rebelle homme, c'est celui qui reprend la guerre. qui n'accepte pas la paix, qui considère comme injuste et qui reprend la guerre. Sophie Vaniche nous a rappelé tout ça dans un récent article du Monde. Donc la rébellion, elle est dans les mots. Au fond, ça a pris ensuite toutes sortes d'extensions. Ça a englobé des significations diverses et variées, religieuses, pensez aux camisards, aux dissidents. un sens politique bien entendu, ça c'est un peu toujours, artistique aussi. Les artistes, les artistes robotiques sont par définition des rebelles, des bohémiens, des gens qui refusent jusqu'à l'installation bourgeoise dans un ménage bourgeois et qui ne veulent plus du tout des codes de la société. Donc le terme s'est démultiplié, il est devenu au fond un peu l'homme révolté. Je pense évidemment à l'homme révolté de Camus, encore que le rebelle et le révolté, ce n'est pas tout à fait non plus la même chose. L'homme, je ne fais pas de critique de sexisme à Camus, rassurez-vous, pas du tout. Mais d'une certaine manière, l'attitude de l'homme révolté est plus masculine que féminine. J'y reviendrai. Dans la construction de la virilité, il y a l'idée du non, de l'homme debout qui refuse. La féminité est beaucoup plus construite en principe. en principe, avec l'acquiescement et avec le oui. Donc la rébellion est une notion, un mot, qui s'est chargé beaucoup de signification au cours du temps, au point que ça peut quelquefois devenir un petit peu un mot valide. Vous savez, ces mots qui se gonflent, la valise finit par être très lourde et impostable. parce qu'on y met évidemment beaucoup de significations diverses, d'où la difficulté d'ailleurs de tirer des conclusions historiques du point de vue de la rébellion. Mais ceci dit, je distinguerai, puisqu'il faut bien distinguer, c'est toujours un petit peu ça, plusieurs sens, plusieurs sens du mot rebelle et de rébellion. Il y a d'abord un premier sens qui est presque, j'allais dire organique, par exemple un malade qui est rebelle aux remèdes. C'est très important. Des corps qui résistent à toutes sortes de remèdes et qui sont presque inguérissables. On ne sait pas comment les guérir. C'est un petit peu ce que dit Racine dans Phèdre. Rebelle à tous nos soins, sourde à tous nos discours, voulez-vous sans pitié laisser finir vos jours ? Magnifique vers de Racine. mais Évidemment, le rebelle, à ce sens-là, n'a rien à révolter. Au contraire, d'une certaine manière, c'est un corps un peu passif, ou alors qui a une espèce de sourde résistance. Par exemple, j'ai une de mes anciennes étudiantes qui travaille actuellement sur les aliénés rebelles. Les aliénés rebelles, c'est-à-dire qu'on a beau faire des traitements, on n'arrive pas. au fond, à trouver ce qui va les sortir de leur problème d'aliénation. Ça c'est un premier sens. Alors maintenant, je distingue un deuxième sens qui est beaucoup plus personnel, un sens tout à fait individuel. Nous avons tous probablement été à un moment de notre vie des rebelles. Et un rebelle n'est pas forcément quelqu'un qui refuse tout. Borin Sirouni qui a bien étudié ces questions-là nous le dit, être rebelle ne signifie pas s'opposer à tout, mais se déterminer par rapport à soi-même. Je trouve ça très beau. Ce n'est pas quelqu'un qui s'oppose à tout, mais qui se détermine par rapport à soi-même. Là on retrouve le sens tout à fait... actuelle, individuelle, de la rébellion. Mais ça c'est évidemment quelque chose que nous pouvons et que nous avons probablement un peu tous partagé. Et alors de ce point de vue-là, les biographies que nous pouvons lire ou les témoignages qu'on voit beaucoup aujourd'hui, nous intéresseront d'autant plus que les obstacles pour choisir, se réaliser soi-même, ont été plus forts, je pense. Par exemple, aux récentes biographies de Catherine Millier ou de Pascal Brutner, qui sont des gens, je cite cela parce qu'ils viennent de paraître en quelque sorte, qui ont rencontré des obstacles particuliers et par conséquent se réaliser comme rebelles individuels a été particulièrement difficile pour eux. Et ces biographies-là, évidemment, ces témoignages nous intéressent particulièrement. Il y a un troisième niveau de la rébellion qui serait... La rébellion commune, alors qu'est-ce que j'entends par là ? Qu'est-ce qu'on entend par là ? La rébellion commune, ce sont des formes diffuses de résistance dans la société, un peu partout, qui ne s'affirment pas vraiment, mais qui se reproduisent, qui se ressemblent, et qui finissent par constituer comme... forme de résistance d'un groupe de personnes ou même d'une strata sociale ou bien d'une époque même à des choses qu'ils ont du mal à accepter. Je pense particulièrement, comme témoignage, au très beau livre de Jean-Paul Kaufmann qui s'appelle « Remonter la Marne » ou « En remontant la Marne » , je ne sais plus, voilà encore une histoire de voyage qui serait chère à Antoine de Becq. Et... Il nous dit qu'il a rencontré au cours de cette remontée de la Marne, ce qu'il appelle des conjurateurs. Non pas des conjurés, non pas des conjurés. Ce sont des conjurateurs, des gens qui ne sont pas d'ailleurs des nostalgiques, qui ne se plaignent pas, qui font avec, avec la société qui leur est donnée, mais en la bricolant, en bricolant leur vie, leur espace, leur temps. et qui trouvent que ça ne va pas très bien, qui attendent que ça aille mieux, mais ça ne les empêche pas eux-mêmes de, rebelles au fond, de chercher leur bonheur ici et maintenant, en étant citoyens comme il le faut, à la mesure où ils l'estiment nécessaire. Ça c'est aussi un problème. Et tout ce que dit Jean-Paul Kaufmann, très intéressant, les conjurateurs là, pourrait, je pense, s'appliquer à beaucoup de choses. En histoire, on rencontre souvent ce type d'attitude. Je sais que dans mon travail d'historienne, par exemple, je l'ai rencontré au début de l'industrialisation. Au début de l'industrialisation, en France notamment, il y avait une résistance populaire à l'industrialisation. Pourquoi ? Parce qu'aller travailler en usine, Alors qu'on avait souvent fait un complément de ressources par exemple par le tissage. Il y avait beaucoup de paysans tissants plus exactement. Mais ils le faisaient dans leur maison à leurs heures, à leur gré. C'était un complément, ce n'était pas l'essentiel. L'essentiel c'était leur vie paysanne. Et puis progressivement, avec la mécanisation, Ça s'est transformé, le binôme s'est complètement transformé, et les paysans qui se rendent sont devenus des typhons paysans, un petit peu paysans, et puis finalement ouvraient complètement, et ça ne leur plaisait pas du tout. Et Roland Trempey a montré dans son magnifique livre sur les mineurs de Carmeau, comment les mineurs de Carmeau avaient d'abord été des paysans mineurs, qui travaillaient aux mines en complément de leurs ressources, puis des mineurs unis dans, et puis finalement des mineurs complets. Parce que l'indemnisation, ça suppose temps complet, organisation complète. Alors là, il y a des rébellions. Leur destin, en général, c'est souvent l'échec, car les modes de vie se transforment beaucoup. Mais, à chaque fois, il y a probablement une influence de ces modes de résistance sur la manière dont les choses s'organisent. Par exemple, Roland Trampé montre bien que les compagnies ont dû exercer une certaine séduction sur les mineurs, Donc leur consentir des avantages sociaux. que nous jugeons insuffisamment faibles, minables même, mais malgré tout l'idée d'un certain droit social qui s'est constitué chez les mineurs probablement plutôt que chez les autres, en raison sans doute des difficultés qu'il y avait eues à constituer cette catégorie de travailleurs. Donc là aussi, une espèce de rébellion commune. diffusent dans le corps social et c'est un facteur historique extrêmement intéressant. Alors enfin, quatrièmement, il y a la rébellion collective. ouverte, celle qui s'exprime dans l'espace public, vraiment, qui se revendique comme telle, et c'est évidemment celle, cette forme-là, qui a été la plus étudiée par les victoriens. Ça va de soi, parce qu'elle constitue un espèce d'événement de fait social qu'on peut cirmer, qu'on peut étudier. Dans les quatre journées que nous venons d'avoir, nous en avons vu beaucoup de ces formes. Depuis Jean-Nicolas, les émeutes frumentaires d'ancien régime, combien importantes, jusqu'aux résistants, en passant par les camisards, les dictidans, je ne vais pas les énumérer, les mondiens, etc. etc. Donc là, vraiment c'est le grand objet historique ceci dit, il ne faudrait pas oublier les autres elles sont très très intéressantes mais c'est quand même l'objet historique majeur alors ces révoltes collectives elles ne s'affirment pas nécessairement dans l'espace public par les défilés, la manifestation, les révoltes. Non, ils peuvent s'exprimer de différentes façons. Je pense à tout ce que Robert d'Arton et Hélène Delaveau ont dit à travers les chansons. Les chansons de la fin de l'Ancien Régime qui étaient très contestataires et qui étaient d'une certaine manière de rébellion. Il peut y avoir une rébellion par les mots, par les discours. par la chanson, par la presse, nous s'exprimons dans l'espace public. Et puis bien entendu, il y a les rébellions plus violentes, plus musclées en quelque sorte, qui sont souvent celles qui retiennent l'attention, mais ne négligeons pas les autres. Ne négligeons pas ce tissu de rébellion au privilège de quelques-unes qui apparaissent plus vigoureusement. Alors, la rébellion... Je voudrais vous en donner quelques exemples à travers ce que j'ai pu étudier. La rébellion n'est pas nécessairement, peut-être faut-il le rappeler, de droite ou de gauche. D'abord, les catégories droite-gauche sont relativement récentes, et la rébellion est évidemment beaucoup plus ancienne. Une des thèses de Marcel Gaucher, qu'on ne peut pas partager, pour moi elle est un point d'interrogation, c'est que pour lui La rébellion a été plutôt de droite vers la gauche. Pour lui, il y a une évolution au cours du XIX et du XXe siècle qui irait ainsi de droite vers la gauche, parce que je pense qu'il part de la révolution française, la révolution française devenue pouvoir, n'aimait pas beaucoup les rébellions, ça c'est certain. Tout pouvoir a tendance à ne pas... Ce qui est intéressant d'ailleurs, c'est un pouvoir révolutionnaire, la rébellion a triomphé. Il est devenu révolutionnaire, mais qui marginalise un petit peu les rébellions qui le limitent. Donc, il faut se souvenir de ça. Et puis, il faut penser aussi que les rébellions, dans leur contenu, évoluent beaucoup dans le temps. Alors, comme le temps passe vite, justement, je voudrais simplement évoquer, à titre d'analyse, trois types de rébellions dans des catégories, si vous voulez, que j'ai pu, pour ma part, étudiée en historienne, et qui à la limite justifie un peu ma place ici, si j'en ai fait besoin. J'aurais à dire un mot des ouvriers, notamment des ouvriers en grève, des prisonniers, qu'est-ce que c'est qu'une rébellion de prison, et puis les femmes, qu'est-ce que c'est que la rébellion pour les femmes. Tout ça naturellement, très brièvement. Les ouvriers, les ouvriers. Pour les ouvriers... qui a été mon premier sujet d'étude, la grève est la forme de rébellion majeure. Au point, par exemple, les ouvriers du Gard, les mineurs, on revient vers les mineurs, les mineurs du Gard appellent la grève, vers la fin du 19e siècle, la rebelle.
Speaker #0C'est magnifique. La rebelle, c'est la grève. D'ailleurs, je n'ai jamais trouvé ce sens dans les dictionnaires. Ce n'est pas un sens que les dictionnaires ont retenu. Et quand les mineurs des Cévennes, ça concerne surtout les Cévennes, ils ont une tradition par là de rébellion, quand ils déclarent la grève, ils vont mettre des petits écrits à la main, bien entendu, sur les portes en disant « c'est la rebelle » . C'est la rebelle. Et c'est la rebelle, ça veut dire demain on ne travaille pas. Demain on ne travaille pas, ils ne disent pas la grève, c'est la rebelle. Oui, alors la grève a été la grande forme de rébellion ouvrière et ça se comprend très bien. Pour les ouvriers, leur force de travail, c'est leur objet, c'est leur corps. et le refus de leur force de travail, c'est la manière dont ils peuvent véritablement dire non, dire non au patron, dire non à la compagnie, dire non à la société, dire là, ça suffit. Vous attendez de nous notre travail, notre force du travail, et bien nous vous la refusons. Des grèves, on a beaucoup parlé, on a eu notamment une table ronde à ce sujet, je ne vais donc pas trop développer là-dessus. Il faut bien voir qu'il y a plusieurs types de grèves, en gros, il y a des grèves défensives et des grèves offensives. Les grèves défensives, on le voit bien, ce sont celles qui sont peut-être les plus rebelles. Parce que c'est la révolte contre une baisse de salaire, une augmentation des cadences, un mauvais contre-maître, un mauvais directeur, un allongement de la durée de travail. Là, vraiment, on se rebelle. On ne veut pas de cela. Et généralement, dans ce cas-là, les cessations de travail, c'est le ras-le-bol. C'est très rapide. Les grèves dépensives sont... souvent les plus courtes, les plus violentes, parce qu'on est en colère. On est en colère. Et elles n'ont pas le plus de chances de résultat. Elles sont souvent des grèves qui échouent, parce que les ouvriers sont entraînés dans un processus qui souvent les dépasse. Donc il y a un autre type de grève qui est la grève offensive. La grève offensive, au contraire, est quelque chose de beaucoup plus réfléchi, plus calculée pour... faire entendre des revendications, augmenter les salaires, réduire la journée de travail, etc. Surtout les salaires, c'est généralement ça qui est le plus important. Et il y a toute une histoire de tout ça, je ne vais pas m'étendre là-dessus, mais ce qui m'a beaucoup frappé en étudiant ces grèves de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, je dirais des grèves pré-syndicales. C'est ça qui m'intéressait d'ailleurs, c'est qu'elles émanaient, de la base en quelque sorte comme on dira plus tard, vraiment du groupe ouvrier lui-même. Ces ouvriers avaient un sens très fort de ce qu'on pourrait appeler la conjoncture, la bonne conjoncture, c'est-à-dire déclencher la grève à un moment favorable. Ils n'avaient pas tellement pour cela besoin de statistiques, d'appréciation quantitative, ils le voyaient... Par exemple, à la manière dont on leur faisait accélérer les cadences parce que les commandes sont pressées. Et comme le stock de blé, dans la métallurgie, dans le charbon, quand on voit les stocks qui pondent, on dit là, ils ont besoin de nous. Et là, on va déclencher une grève offensive, et souvent, ce sont des grèves qui réussissent. On a besoin d'eux, ça réussit. Et autrement dit, ces ouvriers rebelles sont aussi... des gens qui ont de plus en plus, on le voit très bien dans les actions, le sens de l'économie, du bon moment pour déclencher un conflit. Et c'est l'occasion de dire que si la classe ouvrière est susceptible, capable, on l'a rappelé, de violences et de manifestations violentes, elle n'est pas en un moment violent. Je ne le pense pas. Je pense que la classe ouvrière... Dans une industrie qui est très raisonnable, très rationnelle, je veux dire, l'industrie c'est rationnel, ça demande de l'organisation, du temps. Dieu sait, si c'est rationalisateur l'industrie, la classe ouvrière fait avec. Et finalement, elle-même, elle finit par être partie prenante de ce processus et d'une certaine manière, elle aime l'ordre. Elle finit par aimer l'ordre. C'est pourquoi elle a souvent accepté, voire était partie prenante de régimes qui étaient souvent des régimes d'ordre. Si on pense à l'Union soviétique, le rôle des ouvriers... L'Union soviétique, ce n'est pas de faire des rébellions, c'est vraiment de travailler, de produire, etc. Et je pense que c'est important de réfléchir aussi en ces termes-là et de voir comment une catégorie sociale peut changer d'attitude et ce qui n'empêche pas dans nos pays, bien entendu, la classe ouvrière de se rebeller quand ses intérêts ou quand elles sont une agitie. Une dernière chose que je voudrais dire à propos de grève et classe ouvrière, la grève pour les ouvriers c'est un moyen de repression, je viens de le dire, c'est aussi un mode d'expression, la grève c'est un mode d'expression, surtout dans cette période pré-syndicale où il n'y a pas de discours vraiment construit, alors on voit les cractes, on voit les mots employés, ça c'est absolument passionnant de voir comment ça se passe, et c'est un découloir par la grève, les ouvriers qui sont les oubliés de la société, deviennent comme les héros d'un jour peut-être, ou d'une semaine, ou d'un mois. Mais ils attirent l'attention, on parle d'eux, ils sont les acteurs de l'histoire, et ils en ont le sens. Et ils construisent souvent leur identité à travers cela. Donc c'est important. Et la troisième forme pour les ouvriers qui aient la grève, c'est le projet. On en a parlé dans une table ronde hier, je ne veux pas y revenir, mais l'idée de la grève générale, c'est-à-dire, d'un processus de révolution qui viendrait pacifiquement, simplement parce que les ouvriers s'arrêteraient de travailler et qu'à partir du moment où tous les ouvriers s'arrêtent de travailler, la société ne peut plus marcher. On retrouve dans cette idée extraordinaire, l'idée, la conscience de la force ouvrière, de ce que peut être le travail ouvrier, en même temps aussi que l'illusion que ce sentiment peut être aisément partagé par tous, car la grève générale suppose un consensus développé dans l'ensemble de la classe ouvrière. Or c'est tout l'enjeu, c'est toute la difficulté, et nous savons bien que ça a été une très belle illusion, mais une illusion lyrique, effectivement. Il y a beaucoup de choses à dire sur ce rapport entre classe ouvrière et rébellion, et la grève comme forme de rébellion, etc. Je voudrais vous dire un petit mot aussi, des prisons, des révoltes carcérales. Le cas des révoltes carcérales est intéressant parce que la prison c'est le vase clos. C'est le vase clos réel, on peut dire de toutes choses qu'elles sont des prisons. Nous avons parfois le sentiment d'être emprisonnés. enfin Entre la métaphore et la réalité, il y a quand même un fossé. Les révoltes carcérales sont rares. Elles sont rares parce qu'elles sont terriblement difficiles. Comment est-ce que des gens constamment surveillés, contrôlés, enfermés, peuvent-ils véritablement se révolter ? C'est très dur, donc il y en a très peu. Mais il y a des formes de rébellion un peu... comme je l'évoquais tout à l'heure, c'est-à-dire tous ces menus réseaux par lesquels les prisonniers communiquent entre eux. Se passent les nouvelles, parce que là je vous parle des prisons du XIXe. Les prisons du XXe siècle sont ce qu'elles sont, abominables, mais elles ont tout de même incorporé un certain nombre de libertés. Aujourd'hui, les élus ne sont plus contraints au silence, Dieu merci. Ils peuvent lire les journaux, ils peuvent regarder la télévision. Il n'y a pas longtemps que tout ça existe comme droit dans les prisons. Au XIXe siècle, évidemment, rien de tout ça, vous imaginez bien. Ils étaient surveillés tout le temps et s'ils parlaient entre eux, ils avaient des punitions. véritablement, il y avait une... crainte de la communication horizontale entre les détenus, on se disait s'ils communiquent entre eux, alors un jour ils vont se révolter. Il faut donc les surveiller, il faut les en empêcher. Mais eux, ils avaient une ingéniosité absolument incroyable. Il y avait ce qu'on appelait les bides. Alors les bifton, c'est des petits papiers, des tout petits papiers, sur lesquels on écrit quelques mots, et puis quand on va au travail, parce qu'il y avait des manufactures, on se passe un petit billet comme ça. Et puis il y avait les tuyaux, on parlait dans les tuyaux, comme ça. Et mille moyens, ce qui est intéressant, c'est que ça montre aussi qu'une communauté enfermée... conservent envers et contre tout des marges de liberté quand même, et des moyens de communication quand même. Et ça, ça a été vrai aussi, nous le savons, c'est dramatique d'évoquer ce mot, mais même dans les camps de déportés. Tout le travail des déportés c'était de maintenir entre eux une communication minimale pour arriver, peut-être si on peut un jour se révolter. Donc c'est très important ces formes de communication des prisons. Alors les prisonniers se sont aussi révoltés plus massivement. Par exemple au milieu des révolutions, en 1848 il y a eu des révoltes dans les prisons, c'est un sujet très intéressant mais on n'a pas le temps. Et puis il y a eu les grandes révoltes carcérales aux Etats-Unis et en France dans les années 1970-1972. Les plus certains d'entre vous se souviennent probablement de cela mais évidemment les plus jeunes pas du tout. Ça a été des révoltes très importantes en France. Aux Etats-Unis, ça a été la révolte de la prison d'Atlanta, qui s'est d'ailleurs mal terminée, avec une très forte répression et beaucoup de morts. En France, ça s'est mieux passé, mais ça a été aussi très violent. Mais la révolte française est intéressante pour nous, dans la mesure où elle a été un moment privilégié de communication entre les détenus et les intellectuels, grâce à Michel Foucault. Michel Foucault et ses amis, je pense à Pierre Vidal-Mackay. par exemple, et quelques autres, je ne peux pas tous les citer, Domonac, enfin beaucoup d'autres, ont constitué un groupe d'information sur les prisons qui se tenait à la disposition des détenus pour essayer de faire passer la parole de la prison vers l'extérieur. Tout un travail considérable de ce point de vue. Ils ont publié une série de numéros d'une revue, une petite revue, c'était une revue presque renouvelée, qui s'appelait Intolérable. Intolérable, pour nous c'est intéressant ce qui est intolérable, tout à fait. Et Michel Foucault, je ne dirais pas qu'il a écrit Surveiller et punir à cause de ça, pas du tout. Il avait ce projet. déjà depuis longtemps, mais il dit lui-même, dans la préface à ce livre magnifique « Peu surveiller et punir l'essence de la prison » , que ce qu'il a vécu à travers ces révoltes carcérales lui a donné définitivement le devoir d'écrire ce livre sur les prisons, et nous savons combien ce livre est important pour nous du point de vue historique et réflexion. Le temps passant très vite, je vais vous dire... Plus qu'un mot de rébellion qui me tienne évidemment particulièrement à cœur, la rébellion des femmes. Je disais au début que pour les femmes, la rébellion est beaucoup moins évidente que pour les hommes en général. Encore une fois, l'homme révolté, c'est l'homme qui dit non. Et il y a un modèle d'identification pour les jeunes gens, pour les jeunes garçons, dans cette stature de celui qui dit non. Et qui peut un jour les amener à être de véritables, en effet, passer de la rébellion à la révolte véritable. Chez les femmes, au moins pendant longtemps, Dieu merci ça a changé, l'éducation des femmes est une éducation au oui. Les femmes acceptent, doivent accepter du moins. Elles doivent dire oui, être soumises, être douces. L'idéal de la femme n'est pas la femme debout qui dit non, c'est la femme gentille. La femme gentille, souriante, qui accepte, qui fait avec, qui ne se révolte pas trop. Une femme rebelle, il y a eu un très beau roman de Marcel Thiner dans la Zéné 20 qui s'appelle s'appelle la rebelle, ça illustrait d'ailleurs les révoltes de ces années-là, mais c'est presque une dévergondée, c'est quelqu'un quand même qui n'est pas dans le droit chemin de la féminité. Mais ceci dit, les femmes se sont toujours débrouillées quand même, mais alors elles se sont beaucoup débrouillées par, j'allais dire, les ré... les rébellions communes dont j'ai parlé, c'est-à-dire ces rébellions quotidiennes, silencieuses, j'en prends et j'en laisse. Vous me dites ça, je ferai ça. Vous voulez que j'épouse un tel ? Non, ce ne sera pas celui-là. Ce n'est pas facile. À une certaine époque, ce n'était pas si simple de ne pas épouser qui on ne voulait pas. Et cette espèce de rébellion latente des femmes, qui va parfois jusqu'à une espèce de force d'obstruction. Françoise Héritier a étudié ça pour l'Afrique. Et elle montre que dans les sociétés africaines, qui sont des sociétés très patriarcales, nous les idéalisons quelquefois. parce que nous... Nous aimons bien l'Afrique, mais c'est quand même des sociétés construites sur une hiérarchie et une valance différentielle des sexes très forte. Eh bien, les femmes développent une force comme ça d'obstruction. D'où le fait que l'on dit souvent que les femmes sont rusées. Elles sont rusées, oh là là ! Elles sont là dans l'ombre et l'eau qui dort, il faut se méfier beaucoup. On ne fait pas ce qu'on veut avec elles, elles sont là absolument tapis dans l'ombre. Nous avons tous connu dans nos familles une grande tante, une aïeule, surtout les tantes célibataires. Moi dans ma famille, j'ai l'exemple de tante célibataire qui avait... Peut-être refusé un mariage, je ne sais pas, je ne connais pas bien leur histoire, mais qui étaient des femmes très très indépendantes, on disait d'elles que c'était des originales. Je crois que dans toutes les familles, on a eu un petit peu des modèles de femmes comme ça. Bien entendu, progressivement, les femmes aussi se sont rebellées dans l'espace public et ceci étant cette rébellion. Ça a été d'abord dans des révoltes communes, par exemple les révoltes fondamentales, dont Jean-Nicolas a parlé dans la première conférence. Les femmes sont là, dans le village, dans la rue, elles sont même au premier point pour se révolter contre la hausse du prix du pain. Mais à la limite, personne ne s'en étonne, parce qu'étant là, Elles tiennent leur rôle de mère et de ménagère. Elles défendent le pain, elles défendent l'accès à la nourriture. Et Michelet a célébré les femmes des 5 et 6 octobre 1789, qui s'en allaient à Versailles chercher le roi, la reine, le petit mitron, pour véritablement taxer le prix du pain. Et Michelet dit que ces femmes... étaient des révolutionnaires, mais des bonnes révolutionnaires. Parce que Michelet, il n'aime pas du tout les femmes qui font la politique. Pas du tout, pas du tout. Il déteste ça, il pense que les femmes doivent rester des femmes. Et par conséquent, se révolter dans leur rôle de femme. Donc, il aime beaucoup, beaucoup les femmes des 5 et 6 octobre 1789. Et puis, progressivement, là vous voyez, les femmes se révoltent pour d'autres. Mais se révolter pour soi. Voilà, c'est ça qui est difficile, publiquement. C'est ça qui est difficile pour des femmes de dire « Nous sommes des femmes et nous voulons nos droits. » Et de dire publiquement, ça c'est très tardif, c'est extrêmement tardif, c'est l'histoire du féminisme. C'est l'histoire du féminisme qui commence à se développer un petit peu avec la Révolution française, enfin un peu, au Lame de Gouges. d'ailleurs Vous lui auriez dit qu'elle était féministe, elle vous aurait réuni, parce que ce mot n'existe pas, évidemment. Et puis tout au cours des 19 et du 20e siècle, on voit des féminismes toujours intermittents. Le féminisme n'est jamais quelque chose de continu, qui se, généralement, émerge dans des périodes de crise, de crise du pouvoir notamment, et à ce moment-là, on voit des femmes qui disent « et nous ? » . Ne nous oubliez pas, et nous, et nous. Et je pense, en 1848, où il y avait le suffrage universel magnifique, mais masculin, et il y avait des femmes qui disaient, et nous, et qui voulaient obtenir le droit de vote. Ce qu'elles n'ont obtenu qu'en 1944-45. Il a fallu, évidemment, beaucoup de temps. Donc, le féminisme et la forme d'expression, les féministes, je devrais dire, parce qu'ils sont divers. Ils se divisaient souvent, il n'y a pas toujours un accord entre les femmes sur la manière de faire, mais on les a quand même incorporées dans la cité ô combien, et ils sont devenus progressivement, surtout au XXe siècle, je pense au Mélè. Je pense au mouvement de libération des femmes des années 70, qui a été très important, très important pour les femmes, mais je pense très important pour l'ensemble de la société. Parce que cette révolte, cette rébellion véritablement pour obtenir les droits du corps à la liberté de la contraception, il y avait la loi Neuwirth, il ne faut pas exagérer, en 1967, mais l'obtenir dans les faits, avoir accès à tout ça. Le droit à l'avortement, c'était des choses révolutionnaires tout de même pour l'époque. Ça déboussolait beaucoup les gens et le fait de l'avoir obtenu, ça a fait... entrer le corps des femmes dans une autre atmosphère, une autre ambiance. C'est un petit peu comme l'abeas corpus des femmes. Mon corps est à moi. C'est le fameux slogan aussi, un enfant si je veux, quand je veux, comme je veux. Et nous savons que tous ces problèmes-là sont des problèmes ô combien actuels encore, pas seulement pour les femmes mais pour... beaucoup plus de gens dans la société. Donc là, il émerge à travers les féministes des revendications concernant les femmes, mais concernant aussi beaucoup d'autres personnes, et aussi une nouvelle forme de vision dans la société. Donc, rébellions des femmes qui ne sont pas seulement des rébellions pour elles-mêmes, mais des rébellions de plus longue portée. Je n'ai pas le temps, le temps a passé très vite et il faut achever maintenant. Avant de faire ces révoltes collectives, très souvent la révolte des femmes, plus que pour les hommes, la rébellion des femmes, devrais-je dire, est passée par des individualités. Puisque justement, elles n'avaient pas les possibilités de construire des associations, organisations, syndicats, parties, c'était l'espace public qui n'était pas du tout un espace ouvert aux femmes. Alors... Du coup, les individualités rebelles revêtent peut-être plus d'importance dans leur histoire et dans l'histoire commune que pour les hommes eux-mêmes. D'où l'intérêt d'étudier un petit peu, de faire émerger ces personnalités qui ont été des rebelles, qui n'ont pas accepté la condition qui leur était faite et qui ont effrayé le chemin. Bien sûr, Roland de Gouges, Flora Tristan, Georges Samson, très connus, il y en a beaucoup d'autres. J'ai eu l'occasion, mais je dirais juste un mot là-dessus, de travailler sur une ouvrière de l'ISER, qui s'appelait Lucie Beau, et qui était une femme ouvrière dans le textile, complètement, personne ne connaissait, qu'on a d'ailleurs oublié beaucoup depuis, et elle s'est un jour révoltée, elle s'est révoltée, elle avait épousé un garde-champion. Elle ne disait rien, elle avait trois enfants, elle était dans sa famille. Son mari est mort, le garde champêtre est mort. Elle s'est trouvée probablement affrontée à des problèmes difficiles. Elle s'est tout de suite révoltée. Elle a été déléguée dans un congrès syndical, d'ailleurs on ne lui donne pas la parole. Elle a mené des grèves importantes en 1905-1906, mais c'était très dur. C'était le prix de la rébellion. était la solitude, probablement une très forte critique de la famille, parce qu'elle avait deux filles, et des filles à élever quand on les veuve, est-ce qu'on peut se permettre de diriger une grève ? Probablement pas. La grève échoue, elle est renvoyée, et elle est très mélancolique, et elle fait une tentative de suicide. Elle ne meurt pas, mais ça ne l'a probablement pas arrangée car elle est morte très jeune, quelques années plus tard. Mais autre forme de rébellion de cette femme, elle a écrit son témoignage. Certes, pas longuement, 15 pages de texte, ce n'est pas grand chose, mais pour une ouvrière, tout de même, sans doute d'ailleurs... A-t-elle collaboré avec quelqu'un qu'elle admirait beaucoup ? On ne sait pas très bien, on ne connaît pas bien. Mais ce texte nous reste. Il est un très rare témoignage exceptionnel d'une ouvrière inconnue retombée dans l'oubli, d'ailleurs, et qu'il faut essayer de la faire sortir de l'oubli. C'est redonner voix. et les visions à cette rébellion d'une femme perdue, d'une femme obligée. Voilà, c'est un peu sur elle que je voudrais terminer, en disant, eh bien, vive Blois, vive Blois qui nous a permis pendant quatre jours de réfléchir à ces difficiles problèmes de la rébellion, sans doute nous allons partir avec des idées plus claires. Peut-être plus confus, je ne sais pas, après tout c'est possible, mais en ayant le sentiment que nous avons ici à Blois, un lieu où nous pouvons nous retrouver, utiliser les instruments de l'histoire. L'histoire est un instrument, c'est un instrument critique, un instrument de liberté, mais à condition qu'elle soit critique et qu'elle soit vraiment libre. Blois nous permet tout ça, il nous permet de ne pas être d'accord, il nous permet de ne pas être unanime, il nous permet aussi d'avoir des moments de joyeux consensus comme ce soir et je vous remercie.