Speaker #1et de passion. Et je vais proposer, puisque vous m'avez fait l'honneur de me confier la conférence initiale, d'évoquer les grands traits de cette histoire de l'Europe dont on parlera sûrement longuement et mieux que moi à Blois. Je voudrais commencer assez banalement par trois considérations que je considère malgré tout comme essentiel. L'histoire, nous l'avons dit, est à la base de l'Europe. Mais je voudrais en profiter pour demander aux États, aux gouvernements, de considérer l'histoire à l'école, au collège, au lycée, au gymnase, dans tous les lieux d'éducation européens. comme une matière essentielle et que dans les programmes d'histoire, il y ait un programme d'histoire européenne. Bien sûr, non pas dans le détail, mais dans ses grandes lignes. Et d'ailleurs, il me semble que l'histoire évoquée, expliquée dans ses grandes lignes est mieux reçue et plus efficace qu'une histoire qui... tombe dans les détails. Ma seconde remarque, c'est que je ne crois pas cependant au déterminisme historique. Je suis persuadé que l'Europe unie est et doit être un choix libre. Enfin, je crois que c'est l'histoire. demandent et offrent certaines périodes d'accélération. De façon générale, l'histoire est lente. L'histoire progresse lentement et je voudrais que les Européens d'une part et ceux qui d'autre part la font aient conscience de cette lenteur de l'histoire et ne la redoua pas. Alors, l'Europe fondée sur l'histoire est faite d'une succession de strates qui laissent des héritages. Ces héritages constituent un socle, un socle qui successivement est consolidé, mais qui aussi est modifié par ces héritages. ce n'est pas pas une progression constante dans le même sens et l'étude, la réflexion sur les tournants de la construction historique de l'Europe sont parmi les sujets qui me semblent très importants. Il y a sûrement une strate préhistorique mais qui demande je crois à être précisé. Parce que les excellents préhistoriens qui existent en France et en Europe n'ont pas suffisamment pris, me semble-t-il, en ligne de compte cette préhistoire de l'Europe. Pourtant, je viens de lire avec un très grand intérêt, un très grand plaisir, l'ouvrage, ou plus exactement sa leçon d'adieu. au Collège de France, que vient de publier le grand historien Jean Guylaine, sous le titre « Les racines de la Méditerranée et de l'Europe » . Alors inversement, par la suite, d'une façon assez évidente, mais qu'il faut rappeler, il y a une strate gréco-romaine. L'histoire, en effet, commence avec la Grèce, et il est intéressant, me semble-t-il, De voir qu'au fond, au début de l'histoire de l'Europe, il y a un mythe. Le mythe, c'est celui, vous le savez, de cette nymphe que Zeus, le plus grand des dieux, enlève en Orient et emmène vers l'Occident et qui s'appelle Europe. Je crois que ce fondement... à défaut d'être religieux mais étant mythique, donne une profondeur très intéressante à l'histoire européenne. D'autre part, déjà à travers ce mythe, les Grecs ont soulevé à plusieurs reprises un des problèmes qui sera un des thèmes récurrents de l'histoire de l'Europe. Les rapports avec l'Orient, ce sont des rapports d'échange, ce sont des rapports de réception, ce sont aussi des rapports de conflit. C'est ce que l'on voit déjà avec Hippocrate et avec les historiens grecs qui ont parlé des guerres médiques, d'où l'on peut dire que sort. un des premiers grands événements de l'Europe, marathon. On oublie, je crois, que si la Grèce a proposé à l'Europe, ce qui est encore aujourd'hui une de ses bases les plus importantes, et d'ailleurs encore à creuser, qui est la démocratie, même si la démocratie athénienne qui ne donnait le vote ni aux femmes, ni aux étrangers, bien sûr, pas aux esclaves, était une démocratie incomplète, mais est-elle vraiment aujourd'hui encore une démocratie vraiment complète ? Ce que l'on oublie donc, me semble-t-il, en parlant de l'agression antique et de son lègue, à l'Europe, c'est l'esprit critique. Et ça, ça me paraît extrêmement important. C'est le fond du socratisme. Beaucoup plus, me semble-t-il, que ce que Platon et Aristote ont laissé à la tradition philosophique. C'est à chaque citoyen cette obligation d'examiner ce qu'il a sous les yeux, ce qu'il voit. ce dont il parle selon cette mécanique de l'esprit critique qui est à mes yeux une des grandes particularités de l'esprit européen. Avec Rome, les héritages sont peut-être plus faciles, plus évidents. Je ne parlerai pas de, je ne m'étendrai pas en tout cas sur la langue latine. Certes, il y a toute une partie de l'Europe qui utilise des langues romanes qui sortent du latin, et pendant longtemps, le latin a été enseigné dans presque toutes les écoles européennes. C'est en déclin et... Je ne pense pas que ce soit un très grand problème, mais il nous oblige à penser à l'un des grands et difficiles problèmes, je crois, de l'Europe, qui est le problème des langues. Des gens qui vivent ensemble, comme le font, et qui veulent mieux vivre encore. ensemble, comme les Européens, doivent avoir des moyens linguistiques de communication commode. Que faire ? J'ai une vague proposition, pas facile d'ailleurs, je pense, à mettre à exécution. Je crois qu'il faut se résigner à user de cette sorte d'anglais qui se répand. qui n'est pas une langue, qui n'est qu'un pidgin. Je crois que chaque Européen ne doit pas oublier, au contraire, sa langue nationale, car j'y reviendrai, l'Europe que je crois souhaitable, c'est l'Europe des nations. Et puis alors, c'est là que j'ai une proposition difficile à réaliser, mais je souhaiterais que dans chaque pays, on enseigne. aux jeunes une autre langue européenne, pour qu'il ait justement ce sens de la pluralité linguistique européenne. Rome, d'autre part, a allégué, je crois, un type d'architecture qui a donné ces architectures que l'on appelle classiques, néoclassiques, faites de colonnes, et qui, sous les formes, les plus extravagantes, si je peux dire, les plus novatrices de l'art contemporain demeurent. Il me semble que c'est important pour l'Europe qu'elle ait cette assise architecturale ancienne. Enfin, et là je dirais, c'est presque bon de le dire car tout le monde le sait, Ce que Rome a. apporté à l'Europe, c'est la nécessité primordiale du droit. La vie des hommes, l'activité des hommes, l'activité des États doit être régie par le droit. Et je ne pense pas qu'il y ait de continent l'appel au droit soit aussi fort qu'il est en Europe, ce qui lui confère, me semble-t-il, un état de justice. d'une très grande importance. La strate antique, gréco-romaine ou passée, c'est évidemment la strate de la christianisation qui se présente. C'est une strate qui, au départ, est peut-être considérée comme étrange, parce que le christianisme est né dans le Proche-Orient, et ce n'est pas là qu'il se diffuse. C'est en Europe qu'ils se diffusent. Et l'Europe doit avoir conscience. Il a été le terreau favorable à cette diffusion de l'Europe. Le christianisme s'est répandu vraiment dans toute l'Europe, lentement, par les deux voies de la guerre et de la mission. Et un livre récent, très intéressant, de Sylvain Guggenheim, nous montre à l'œuvre ces personnages, ces Européens extrêmement étonnants, originaux, qui ont été les chevaliers teutoniques, qui, en dehors de leurs objectifs de domination, ont été ceux qui ont converti l'Europe du Nord-Est au christianisme. Europe, vous le savez, est devenue... toute chrétienne finalement, puisque le morceau d'Europe qui était resté aux mains des musulmans dans l'Espagne du Sud, le petit royaume de Grenade, est rentré dans le sein du christianisme en 1492. Mais comme il arrive souvent, et comme c'est le cas dans l'histoire de l'Europe, Un progrès ne vient pas, je dirais, sans son contraire, sans son nombre, ne suscite pas un conflit. Le christianisme en Europe s'est séparé en deux. Il y a eu le christianisme romain et le christianisme grec. Et là, une des divisions importantes... de l'Europe s'est établie. Certes, c'est le christianisme romain, latin, qui semble avoir été le plus important, puisqu'il a fait naître une église qui a eu à sa tête, ce qui est rare dans ces temps anciens, une capitale et un dirigeant. qui est le pape. Mais c'est ici que je voudrais souligner un élément constant de l'histoire européenne, et je crois d'ailleurs de l'histoire en général, c'est que la formation d'ensemble, les unifications, se font autant par... L'éloignement de parties qui n'étaient pas au fond profondément ancrées dans l'unité à créer, et je soulignerai comment dans l'Europe, Un certain nombre de pertes, la perte de Byzance, la perte des colonies, ont en fait resserré l'unité européenne. Et s'unir pour un ensemble comme l'Europe, c'est souvent se détacher ou laisser se détacher une partie d'elle-même et non pas conserver un ensemble qui part dans divers sens. Je voudrais aussi souligner que la strate chrétienne a apporté à l'Europe quelque chose que je crois très important. C'est la phrase, la prédication de Jésus dans les évangiles faisant dire au Christ Merci. « Rendez à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César ce qui appartient à César. » Et ça, pour moi, c'est la base de la laïcité. Ni le judaïsme, ni l'islam, pour lesquels je l'ai le plus grand respect, je m'empresse de le dire, n'ont imité ce qui, je crois, est une difficulté historique, la théocratie. Fondée sur cette phrase, l'Europe a su éviter la théocratie et je pense que dès le christianisme médiéval, les laïcs, à travers même la religion, ont eu un rôle qui, ça pourra paraître provocateur, sont, me semble-t-il, à la base de la laïcité culture de l'Europe. Je voudrais aussi indiquer que, contrairement à ce que beaucoup croient, à côté de l'héritage antique gréco-romain, Il y a un écritage barbare qui enrichit l'Europe. Le mot barbare, évidemment, fait plutôt se détourner ceux qui le considèrent et qui en parlent. Le terme inventé justement par les Grecs pour désigner ceux qui n'étaient pas Grecs grec a été repris et a pris en quelque sorte le sens de sauvage. Mais, par exemple, récemment, le grand historien polonais Karol Modzelewski a montré dans un ouvrage traduit en français, Les lois des barbares, que les barbares sont à la source positive du droit et de la culture européenne. C'est-à-dire que l'ensemble européen ne sait pas pas seulement constitué quand le christianisme a converti ce qu'il appelait les païens, mais que déjà dans les héritages de l'Antiquité, il y avait un héritage barbare qui a positivement compté pour l'unification de l'Europe. Je ne m'étonnerai pas. sur ce Moyen-Âge dont on a bien voulu dire que je lui avais consacré beaucoup de mon temps et de mes réflexions. Mais je rappellerai que parmi les legs qu'il a donnés à l'Europe au premier plan se présentent l'éducation supérieure, les universités. Les universités apparaissent à la fin du XIIe siècle et... au cours du Moyen-Âge, se répandent dans toute l'Europe. De Bologne, de Paris, puis à Oxford, à Cambridge, à Salamanque, jusqu'à St. Andrews en Écosse, Cracovie en Pologne, Lund en... Uppsala, pardon, en Suède, ou Copenhague au Danemark. Les universités ont couvert toute l'Europe, et nous voyons aujourd'hui... que ce qui est un peu l'héritage actuel des universités européennes, je veux parler des bourses Erasmus, et une des institutions, je crois, les plus réussies de la nouvelle Europe unie. Je crois aussi que le Moyen-Âge a apporté un héritage dont on parle peu à l'Europe, Et... que je verrai rassemblés dans un ouvrage assez extraordinaire, La Légende Dorée, rassemblés par le Dominicain Génois à la fin du XIIIe siècle, parce qu'il a présenté l'Europe des Saints. Et aujourd'hui encore, dans l'Europe laïcisée, et que je souhaite laïque, je le redirai, Les saints sont parmi... les héros qui sont un des héritages importants de l'Europe. On est par exemple le saint qui paraît-il a donné son nom au plus grand nombre de lieux dans la topographie européenne de l'Est à l'Ouest, Saint-Martin. L'Europe a été aussi une Europe des saints. J'aime à dire que Le quatrième concile de l'attente de 1215, les conciles ont été des réunions européennes. Que ce concile qui a décidé un certain nombre de décrets importants, en particulier concernant le mariage, qui a pris aussi des décisions très fâcheuses, parce que je ne voudrais pas oublier et je ne voudrais pas qu'on cache aux jeunes européens que l'histoire européenne n'est pas faite que de gloire et de beauté. Et que l'histoire, si j'ose dire, des choses à se faire pardonner, même si je sais que ce mouvement déplait à certains hommes politiques actuels. Mais je pense que c'est important pour faire une Europe unie, valable, digne. Alors, quelle est la décision à laquelle je pense ? Ça a été la décision de se confesser au moins une fois l'an, ce que l'on appellera la confession pascale, parce que l'habitude s'est prise de le faire à Pâques. Alors on me dit, attends, quel rapport avec l'Europe ? Eh bien, on a pu suivre dans l'histoire des mentalités, dans l'histoire religieuse européenne, Le fait que… Cette obligation a développé chez les Européens la pratique de l'examen de conscience. Et ça, je crois que c'est aussi une originalité, une spécificité des Européens. Et je crois qu'au bout de cette décision du 4e Concile de l'Astran de 1215, il y a Freud, il y a la psychanalyse. C'est un long mouvement psychologique et culturel européen. Allô ? A la fin du Moyen-Âge se produit une de ces pertes, un de ces départs, qui me semble-t-il permettent à l'Europe de mieux s'unir. C'est la fin de l'Empire byzantin. Ce n'est pas que je m'en réjouisse, mais je constate que l'Empire byzantin mordait, si j'ose dire, assez largement sur l'Europe. Et que désormais, même s'il y aura pendant longtemps et encore aujourd'hui, une question que l'on peut dire de l'Europe orientale, la disparition de l'Empire byzantin enlève un très important obstacle à cette Union européenne. A la fin de ce Moyen-Âge, dont je pense qu'il a été une strate essentielle de la construction de l'Europe, se produit un de ces grands événements historiques qui font à la fois, selon moi, progresser et reculer dans un mouvement contradictoires certains des grands mouvements de l'histoire et en particulier celui qui nous retient aujourd'hui, c'est-à-dire celui de la formation d'une Europe unie. Il s'agit de ce que le grand historien français a appelé l'Europe-monde. C'est la belle formule du grand historien français Fernand Braudel mort en 1984. Cela signifie que les Européens vont s'étendre dans le monde entier sous diverses formes, celles du commerce, mais plus encore de la colonisation. Et si c'est un renforcement de l'image de la puissance de l'Europe, C'est aussi, je dirais, une sortie de son territoire fondamental et une sorte d'éparpillement de ses forces. En revanche, je serais plus positif avec l'apparition de la réforme protestante au XVIe siècle. D'abord parce que si elle introduit A l'évidence, une séparation à l'intérieur du christianisme, elle ne change pas la marque chrétienne sur l'Europe.
Speaker #0D'autre part, je suis frappé par le fait que dans l'Union d'Utrecht, en 1570, la région qu'on appelle aujourd'hui les Pays-Bas, les Provinces-Unies, en devenant réformée, protestante, ont constitué un incroyable espace de liberté. d'expression et de diffusion, car ça a été un lieu d'impression et de vente extraordinaire, d'une très grande liberté. Et je crois que ça a été là la naissance d'un point de liberté qui a renforcé, ce qui est malgré tout une des caractéristiques de l'Europe. Je ne m'étendrai pas, d'autres le feront, on le sait, pour indiquer que c'est en Europe que la connaissance de l'astronomie, que la connaissance du monde a été réalisée. C'est au milieu de combien de difficultés ? L'Europe de Copernic et l'Europe de Galilée. Je voudrais davantage insister sur le fait que le XVIIe siècle, qui est un siècle de guerre européenne, qui malgré tout se termine par deux traités qui simplifient la carte européenne, les traités de Westphalie en 1648 et d'Utrecht en 1713, c'est tout c'est l'Europe de ce que j'appellerais la pré-démocratie. Et il faut reconnaître que cette pré-démocratie s'est manifestée essentiellement en Angleterre. C'est la pétition des droits en 1628, ce sont les révolutions de 1649 et 1688, même si elles n'ont pas amené de grands changements politiques, mais c'est surtout le vote en 1679 de l'Habeas Corpus Acte, qui est la première grande expression et le premier grand instrument de cette liberté individuelle qui est une des caractéristiques de l'Europe. D'autre part, le XVIIe siècle, on voit un événement qui sert, a été abondamment commenté et fêté, mais qui n'en est pas moins très important. Les Turcs avaient pris Constantinople en 1453 et s'ils avaient, si j'ose dire entre guillemets, débarrassé l'Europe de l'Empire byzantin, c'était pour y substituer. une domination qui n'était pas plus généreuse. Or, en 1683, devant Vienne, une armée européenne, dirigée par le roi de Pologne, Jean III Sobieski, arrête définitivement les Turcs, qui resteront jusqu'à la fin du XIXe siècle. là où il s'était établi dans les balkans, mais qui n'iront pas plus loin. Je laisse de côté d'ailleurs le problème des rapports actuels de l'Europe avec la Turquie. C'est un gros problème. Je dis simplement, rapidement, que je pense qu'il ne peut pas être réglé maintenant, mais je n'écarte pas que plus tard. Assez longtemps, sans doute, le problème ne se pose plus positivement. Alors le XVIIIe siècle, tout le monde sait que c'est un beau siècle européen. C'est d'abord l'Europe de la révolution scientifique newtonienne. Voilà encore l'Angleterre à l'honneur. Mais c'est aussi celle de l'Europe des Lumières et de l'encyclopédie. Et je voudrais à ce propos dire que nous ne devons pas nous gargariser en pensant à l'importance de ce qu'a été l'encyclopédie, mais à bien être convaincus que l'extraordinaire effort de Voltaire, d'Alembert et tous leurs confrères demande aux Européens d'aujourd'hui à être poursuivis, à être prolongés. C'est un des devoirs de l'Europe, déjà au Moyen-Âge. Les encyclopédistes avaient été très remarquables. Je crois que c'est aussi une des manifestations culturelles propres à l'Europe. que la recherche d'un savoir à la fois universel et précis, dans sa technologie et dans sa pensée, dans les idées. C'est aussi bien sûr la période de la révolution industrielle, et je rappelle que la première machine à vapeur de James Webb est de 1769. N'oublions pas que si l'Europe n'est plus la première aujourd'hui dans ce progrès technologique et industriel, elle l'a été et que le passé ne doit pas être seulement un objet de satisfaction, mais doit être, je le répète, quelque chose qui vous pousse en avant. Ce n'est pas en Europe que se produit, j'y reviendrai en conclusion, le premier grand événement démocratique dans le monde, qui est la Constitution américaine de 1787. On sait, mais il ne faut pas exagérer, ça relève souvent plutôt du folklore, Lafayette, très bien, Benjamin Franklin, déjà, c'est mieux. Alors, Beaucoup d'entre vous attendent sans doute que je parle plus brièvement de ce moment essentiel pour l'Europe et pour l'humanité qu'est la Révolution française. Je ne reviendrai pas sur le fait que la Révolution française elle-même a été un modèle de démocratie et de terreur alternée. mais Je rappellerai malgré tout qu'elle a produit un texte qui demeure aujourd'hui pour toute l'humanité un texte essentiel qui est la déclaration des droits de l'homme de 1793. Je dirais aussi que la fameuse formule de la République française, liberté, égalité, Fraternité ne me semble pas une phrase du passé. Je pense qu'il faut lui redonner au contraire un avenir. Et qui peut le faire si ce n'est d'abord les Européens ? Je passe sur l'Europe de Napoléon, me contentant de remarquer que l'intérêt. me semble-t-il, dans notre point de vue, qui est celui de la constitution d'une Europe unie, sait que c'est une Europe ratée. Ça sera le même cas avec Hitler. L'Europe unie ne peut pas ��tre une Europe dominée par une nation et par un homme. C'est une évidence. Il n'est pas mauvais de le retirer. Le XIXe siècle nous montre l'Europe en train de trottonner autour de son unité. Le congrès de Vienne en 1815 offre une certaine image de l'Europe, mais c'est une Europe très réactionnaire. Alors, beaucoup, c'est ce que je souhaite personnellement, sachent que face à des Europes réactionnaires, on peut, on doit construire des Europes progressistes. parmi les départs, si j'ose dire, du monde européen, qui laisse l'Europe peut-être... seules avec elles-mêmes, mais qui, je crois, permettent mieux sa construction comme Europe unie. Il y a évidemment, on n'en parle pas assez souvent, la perte de l'Amérique du Sud. Sous l'égide de Bolivar, mort en 1830, l'Amérique du Sud devient des États indépendants. L'Europe romantique nous rappelle que l'Europe est à bord. Une Europe culturelle ? Je voudrais qu'on n'oublie pas l'Europe de 1848, l'Europe du printemps des peuples, avec ses manifestations qui n'ont pas réussi. Je ne suis pas sûr que d'autres printemps des peuples ne reviendront pas en Europe et n'aideront pas. à la formation de l'Europe unique que beaucoup d'entre nous souhaitons. Je ne voudrais pas qu'on oublie l'Europe de la Croix-Rouge. C'est en Europe, en 1863, que la première des grandes organisations humanitaires C'est-à-dire qui manifeste cet intérêt, cette volonté de dévouement de l'Europe pour les autres continents, les autres nations soumises à la misère et aux maladies. Et le fondateur, vous le savez, Henri Dunant, recevra en 1901 le prix qui est Si j'ose dire, le désir de se faire pardonner une mauvaise invention, c'est le prix Nobel, prix de la dynamique, mais transformé d'une façon plus positive. La fin du XIXe siècle voit deux traités et congrès importants. C'est d'abord le traité de Santos-Stefanon qui fait passer sous la domination de la Russie la plus grande partie des possessions balkaniques des Turcs. Certes, passer d'une domination à une autre, vous me direz, ce n'est pas un phénomène qu'on peut tellement louer, mais malgré tout. C'est là que la Roumanie, la Serbie, la Bosnie-Hézégovine, la Bulgarie passent dans ce qui est alors considéré comme un État européen. Et avec la révolution bolchevique, ces États s'émanciperont de la Russie et viendront grossir l'Europe. Même si c'est là qu'aujourd'hui subsistent, après la domination turque, après la domination russe, des problèmes parmi les plus délicats. La seconde réunion européenne de cette fin du 19e siècle, c'est le congrès de Berlin en 1878 qui réunit les... pays européens qui ont des colonies. Mais à la lumière de ce qui s'est passé après, il est clair que c'est le champ du signe de la colonisation et que le dernier grand événement après la seconde guerre mondiale qui permettra à l'Europe unie de se retrouver entre elles, pour enfin se construire, c'est la décolonisation. Entre temps, il y aura eu aussi deux épreuves terribles. La première guerre mondiale de 14-18, La seconde guerre mondiale, 1939-1945, dans cette seconde guerre mondiale, d'ailleurs, la France ne jouant qu'un rôle relativement secondaire. Je crois que je ne suis pas spécialiste de ces terribles événements. Je pense, en me souvenant de ce que j'entendais dans mon enfance, en 1924, de la guerre de 1914-1918, l'horreur des souvenirs de ces guerres a joué dans le désir des Européens de construire une Europe unie dont le premier élément sera de bannir la guerre. C'est, je crois, le grand succès de la phase où nous sommes encore de l'Europe. On parlera certainement au cours de ces journées historiques de Blois plus en détail de questions auxquelles je me suis beaucoup intéressé. Beaucoup ici sont plus savants que moi. C'est-à-dire les débuts de l'Europe unie à partir du traité de Rome de 1956. Je noterai cependant que là encore, Il faut voir que c'est... La fin de quelque chose qui a permis le renforcement de l'Union européenne et un des grands événements de la formation de l'Union européenne, c'est évidemment la chute du mur de Berlin en 1989. Je voudrais, dans les quelques minutes qui me restent, tirer ou proposer quelques conclusions Quelques propositions. Je voudrais d'abord que l'Europe que nous faisons, l'Europe que font les responsables politiques, ne soit pas une Europe trop pressée. Je pense que la façon généreuse avec laquelle certains nombreux peuples sont entrés récemment dans l'Europe devenue l'Europe des 27, que nous saluons aujourd'hui puisqu'il y a 27 historiens, je crains que cette rapidité déstabilise l'Europe. Et je rappelle que l'histoire solide... L'histoire qui tient, c'est une Europe qui procède lentement. Je crois que l'Europe doit renoncer à la loi de l'unanimité et je voudrais dire aujourd'hui un sentiment qui ne sera peut-être pas approuvé pour tous mais que je crois très important, c'est de dire que le référendum n'est pas une institution démocratique. Le référendum, qui a eu surtout les faveurs d'un Napoléon et d'autres par la suite, n'est pas la forme actuelle, la meilleure, de la démocratie. Nous vivons sous une démocratie de type parlementaire. Et ce qu'il faut, c'est que chaque homme, chaque femme ait une voix. désigne des représentants qui sont les parlementaires. Le référendum bafoue, me semble-t-il, ce processus qui est le vrai processus démocratique actuel. Peut-être que... la démocratie s'améliorera et que d'autres types plus à la fois unanimes et individuels de démocratie apparaîtront. Je rappelle que Le choix a pratiquement été fait et je crois que c'était le bon. L'Europe qui se construit, c'est l'Europe des nations. Et je renvoie ici au personnage qui, me semble-t-il, a été le plus important, le plus caroyant et, comme il est toujours vivant, je le salue affectueusement et respectueusement, c'est Jacques Delors. et c'est lui, je crois, qui a... défini et essayé de réaliser l'Europe unie qu'il nous faut. Cette Europe, ça doit être une Europe de la diversité. Une Europe de la diversité dans laquelle, bien sûr, les États abandonneront sur certains points une partie de leur souveraineté, mais où la diversité sera respectée. Et au risque de faire sourire, je donnerai un exemple qu'un domaine où la diversité européenne est grande et doit être, à mon sens, respectée, c'est le domaine alimentaire. Je ne souhaite pas une Europe du fast-food. Cette Europe, je crois qu'il faut la rendre donc plus sociale et plus démocratique. Il faut qu'elle soit non seulement économique, politique, comme elle a commencé à l'être, mais davantage culturelle et consciente de ses héritages culturels que j'ai essayé d'évoquer. Une Europe laïque, certes, et je vous ai dit combien, pour moi, Alors... Cette phrase qui est du Nouveau Testament, « Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César » , a fondé, dès le Moyen-Âge, une laïcité qui doit être, évidemment, respectueuse des diverses religions, leur permettre la liberté de culte, à condition, bien entendu, que ces religions, elles-mêmes, respectent la laïcité. Enfin, et je terminerai sur une note peut-être un peu sentimentale, l'Europe que je souhaitais, je crois que, pour qu'elle réussisse, il faut que ce soit une Europe du désir et de la passion. Alors au nom des Rendez-vous de l'Histoire et avec Aurore Guidez qui a ordonné tout l'ensemble de ces 27 leçons d'histoire européennes, nous vous exprimons nos plus vifs remerciements.