Speaker #0Les aventures de Moustache Malauré, une histoire originale, écrite et mise en voix par Mademoiselle M. Tom 1. L'esprit de famille. Es-tu prêt à écouter une merveilleuse histoire ? Pour en profiter au maximum, je te donne quelques astuces. Chapitre 2 Le Prénom Le jour de mon arrivée, les malheureux se réunirent autour de la table pour réfléchir à la question. De mon côté, je m'attendais à porter un prénom raffiné, poétique, fin et subtil, à l'image d'une beau spécimen que j'étais. Sans prétention aucune, la nature m'avait plutôt gâtée. J'avais le poil magnifiquement soyeux, une belle robe tigrée, blanche et rousse, des yeux bleus en forme de noisette très joliment dessinés. Ce n'était pas mes seules qualités, j'avais une démarche naturellement chaloupée. Je me déplaçais avec grâce, un brin désinvolte, conscient de l'effet hypnotique que je produisais sur ceux qui avaient la chance de croiser mon chemin. Un tel magnétisme était plutôt rare chez les individus de mon espèce. Depuis ma naissance, je n'avais remarqué aucun félin plus distingué dans mon entourage. J'étais jeune, soit, mais j'avais déjà quelques certitudes, et celles-ci en faisaient partie. J'avais incontestablement quelque chose de singulier. Je méritais donc un prénom à la hauteur de mon standing. Tigrou, par exemple, n'aurait jamais fait l'affaire. Beaucoup trop ordinaire. Il était fade, un peu comme une... purée de chou-fleur. Non, je valais beaucoup mieux que ça. Heureusement, tout le monde autour de la table semblait de cet avis en juger par la façon dont il se concentrait pour me trouver un prénom original. De mon côté, je les écoutais l'air de rien, tout en m'amusant à faire rebondir un bouchon en liège dans tous les angles de la cuisine. Je ne voulais pas les déconcentrer. Alors j'essayais de rester le plus discret possible. Quand j'entendis la voix d'Annie lancer sa première idée, le bouchon partit d'un coup sec et vint se coincer directement derrière le réfrigérateur. « Pourquoi pas Ron ? » proposa-t-elle innocemment, comme elle connaissait la passion de ses enfants pour la célèbre saga anglaise. « Ça ne va pas, non ? » pensai-je, en levant subtilement le museau. « C'est complètement nul, ce prénom ! » Ronald, c'était le prénom du meilleur... copain d'Harry Potter. Vous savez, le petit rouquin, un peu balourd, aussi adroit qu'un prêtre normand, avec sa baguette toute cabossée. De mémoire, il avait même de l'acné dans l'épisode 3. J'espérais qu'il passerait vite à autre chose, et je flanquais quelques coups de patte pour tenter de déloger mon jouet. « Encore faudrait-il qu'il ait des pouvoirs magiques, » répondit Samuel avec une imparable logique. « Si seulement, » regrettais-je en moi-même, tandis que je continuais de tapait frénétiquement sur le bouchon pour le faire bouger. Ah, ce maudit cylindre ne m'aurait pas résisté très longtemps. Mais il était toujours bloqué derrière le pied du réfrigérateur. Je m'échinais tant bien que mal à vouloir le ramener vers moi, sans succès. Franck m'observait, perplexe. Au bout d'un moment peiné, il se leva pour me prêter main-forte. Un simple crochet de l'index. Il décoinça le bouchon et l'instant d'après, ce dernier atterrit directement entre mes pattes. Merci, muolège. « Apparemment, ce n'est pas le cas, » nota-t-il simplement en se redressant, l'air désabusé. « Ça arrivait tout seul, » précisai-je, un peu vexé par sa remarque. J'hésitai avant de relancer mon jouet vers l'avant, redoutant un nouvel incident. Finalement, je pris le parti de le laisser de côté et décidai de lustrer mon poil. L'assemblée passa rapidement l'idée suivante. « Pourquoi pas carotte ? » demanda Caroline de sa petite voix aiguë. « À nouveau ? » Je levai le museau, stupéfait. Elle voulait probablement faire mouche, la pauvre, avec son idée saugrenue. « C'était raté. Tu n'as rien trouvé de plus ridicule, jeune fille ? » demandai-je d'un mirelement incrédule. « Un nom de légume ? Tu es sérieuse ? » Elle me regarda, le visage rayonnant de fierté. Je la défiais ouvertement en retour. « Alors oui, bon, Caroline était vraiment un croquet, comme on dit, avec ses faussettes au coin des lèvres et sa frimousse de poupée corolle. » cependant à ce moment-là j'étais convaincue que deux fils s'étaient touchés par mégarde dans son cerveau et il était hors de question que je mette une patte dehors avec un prénom pareil je ne me jeûnai pas pour le lui faire savoir émettant un veulement de protestation qui « Sans équivoque. » « T'es complètement folle, ma pauvre ! » s'écria Samuel. « Tu veux qu'il devienne la risée du quartier ? » J'étais ravie de constater que Samuel était de mon côté. « Ton idée, c'est carrément de la maltraitance ! » Interpellé, je marquais un temps d'arrêt. « Ah bon ? Tant que ça ? C'est vrai que c'était osé, mais de là à parler de maltraitance ! » Il n'y allait pas avec le dos de la cuillère. « Quand la SPA viendra sonner à la porte, tu feras moins la maligne ! » N'importe quoi, objecte à tel. Tu ne veux pas que ce soit mon prénom qui soit choisi ? C'est tout ! T'es jaloux parce que j'ai de meilleures idées que toi. Il allait rétorquer quand leur mère s'interposa. Ma chérie, opposa Annie pour tenter de calmer les deux mulets qui s'affrontaient. Ce que ton frère essaye de te dire, c'est que ce n'est peut-être pas le prénom le plus judicieux pour un adorable chaton comme lui. Je Ausha la tête, l'air entendu, et me fis la remarque que cette femme avait indubitablement un goût certain caroline eut beau taper du pied sa proposition fut abandonnée je pensais l'avoir échappée belle j'allais vite déchanter le ton montait chaque enfant voulait être mon maître officiel et leurs idées ne faisaient jamais l'unanimité la discussion s'envenimait les esprits s'échauffaient quand brusquement frank se leva et tapa des deux mains sur la table d'un geste éloquent il coupa court aux effusions de voix Et un étrange silence s'abattit alors dans la pièce. Je dressai le museau, oreilles aux aguets. « Tout d'abord, fit-il d'une voix grave, ce chat est à tout le monde, et chacun d'entre nous devra s'en occuper. Le ton qu'il employa n'admettait aucune objection. Donc, poursuivit-il, inutile de lui attribuer un maître. Nous serons tous responsables de lui. Parfait ! Cet homme comprenait bien combien j'aimais ma liberté. » et je l'en félicitai intérieurement j'étais convaincue que nous allions bien nous entendre lui et moi et puis pour le prénom enchaîna-t-il on ne va pas s'enquiquiner un chat c'est quoi deux oreilles des moustaches et une queue on va l'appeler moustache et puis c'est tout Pardon, je manquais de m'étrangler. Sous l'effet du choc, mes poils se lissèrent tout à coup. C'était une véritable douche froide. il y eut quelques instants de silence pendant lesquels mon regard alternait nerveusement de l'un à l'autre quelqu'un allait forcément s'opposer il ne pouvait en être autrement j'étais incrédule pas un n'émettait d'objection excédé j'eus l'idée de pousser un feuillement rageur pour les faire réagir mais ce qui sortit de ma gorge ressembla à tout sauf à ça on aurait dit un grincement strident comme l'aurait fait un tiroir métallique grippé par la roue c'était quoi ce bruit bizarre demanda caroline les sourcils fronçaient j'avais à peine deux mois ma voix n'avait pas encore mué je me sentis soudain profondément ridicule n'avait même pas entendu songeuse je la voyais balader sa mère en l'air comme si elle était ailleurs moustache moustache répétait-elle à voix basse elle essayait d'apprécier la musicalité du prénom tout à fait inexistante selon moi oui c'est plutôt joli déclara-t-elle soudain en souriant quoi et pourquoi pas oreille ou poils tant qu'on y est les enfants les suppliajent d'un regard implorant s'il vous plaît dites quelque chose ok entendis-je éperluer caroline concédée de mauvaise grâce va pour moustache comment ça va pour moustache mais non va pas pour moustache du tout Mon regard se tourna vers Samuel. « Je t'en prie, mon grand, sois raisonnable. » À présent, il était mon dernier espoir. Quand je le vis hocher la tête en signe d'approbation, je sus que ma vie entière venait de basculer. « De toute façon, jugea-t-il pour de préciser, ce n'est pas le plus important. » Je reçus l'argument comme un ultime coup de poignard. « Ben voyons, pas le plus important, mon prénom ? Très bien. » « À partir d'aujourd'hui, je t'appellerai Narine. Et toi, Caroline ? » « Auriculaire. Voilà. Qu'est-ce que vous en dites ? » Annie émit un soupir de soulagement. « Parfait. Maintenant que le dossier est clos, les enfants, vous pouvez retourner jouer dans vos chambres. On vous appellera pour le dîner d'ici un quart d'heure. » Avant d'ajouter, et n'oubliez pas de vous laver les mains avant de redescendre. Mais ils s'étaient déjà engouffrés dans les escaliers en courant. J'étais tombée dans une famille de dingues. Quelle humiliation ! mon prénom avait été choisi par hasard son importance balayée d'un revers de main je me mis à réfléchir à toute vitesse galvanisé par une colère nouvelle qui me tordait douloureusement les nerfs j'eus soudain de grands projets en tête j'allais déclencher une révolution mener mes confrères au soulèvement général demain nous serions tous en ordre de bataille prêts à nous battre pour réclamer plus de considération pour notre espèce et le respect qui lui était dû en un mot je mais personne ne semblait plus se préoccuper de moi annie s'affairit dans la cuisine pendant que frank cherchait les couverts pour dresser la table j'entendais la vaisselle s'entrechoquer dans les placards La porte du réfrigérateur s'ouvrait et se fermait. On aurait dit qu'ils m'avaient tous oublié. En signe d'indignation, je leur tournais le dos. Au bout d'un moment, Annie s'approcha de moi. Elle tenait quelque chose dans sa main. « Tiens, mon joli cœur, voilà pour toi. » Je restais sur mes gardes, méfiant. Pensait-elle vraiment pouvoir se faire pardonner aussi facilement ? « Non, madame, quelques mots doux n'y suffiront pas. Il faudra du temps avant que ma blessure ne cicatrise beaucoup de temps. » intérieurement je doutais même qu'elle y parvienne un jour soudain je sentis un fumet subtil me chatouiller les narines une alléchante pâtée arrivait droit dans ma gamelle tandis que je me frottais les babines à l'idée que tout compte fait le prénom moustache n'était pas si mal me traversait l'esprit l'instant d'après je rendais les armes la révolution attendrait et puis si ça leur faisait plaisir concédai-je avec la magnanimité du gourmand excellent choix annie la félicitai je en tournant rapidement les yeux vers elle. Fondant, savoureux à souhait, et ce parfum, quelle merveille ! Je vis qu'elle me souriait en retour. Finalement, ils avaient peut-être du cœur dans cette famille, me dis-je en reportant à nouveau mon attention vers la pâté. En tout cas, ce délicieux émincé de saumon méritait que je creuse quelque peu la question. Merci.