Speaker #0Bienvenue dans les classiques de l'antispécisme dans le désordre. Aujourd'hui, je vais vous présenter le dernier livre de Kauthar Archi, ainsi l'Animal et nous. Kauthar Archi est sociologue, plutôt connu pour ses travaux anticoloniaux comme son livre Je ne parle qu'une seule langue et ce n'est pas la mienne et ses recherches font une approche intersectionnelle qui intègre l'antispécisme. C'est un livre facile à lire dans le sens où il est très bien écrit, mais aussi très difficile à lire dans le sens où il contient énormément de descriptions très graphiques des maltraitances faites aux animaux et aux humains. Comme le dit l'autrice elle-même, On sait très bien qu'il y a des liens entre l'exploitation animale et l'exploitation humaine, mais ce n'est pas tout dire ça, il faut le redire souvent, et il faut encore expliquer pourquoi l'une se base sur l'autre. Parce que c'est le fond du propos. Pour maltraiter et exploiter les humains, il a fallu savoir le faire, et on a appris à le faire sur les animaux. Pour animaliser les humains, il a d'abord fallu animaliser les animaux. Et ça va pas de soi que les animaux soient animalisés, et pour expliquer ça, il faut d'abord expliquer ce qu'implique l'animalisation. L'animalisation, c'est une mise en altérité. C'est déclarer que celui qui est un animal est un autre. C'est un animal, et nous ne le sommes pas, nous sommes humains. Mais les concepts d'animalité et d'altérité ne se recoupent pas complètement. L'animalisation consiste aussi à rendre celui qu'on animalise inférieur par nature, de telle manière qu'il peut et doit non seulement être dominé, mais aussi être possédé. Enfin, l'animalisation consiste à désindividualiser. Ce n'est pas un individu qui se trouve être une chèvre, comme nous on se trouverait être un humain. C'est juste une chèvre, c'est juste un chien, c'est juste une vache, c'est juste un animal. Les animaux sont dans le même sac, et parler d'eux implique toujours un juste, dit ou non dit. Cette rhétorique du c'est juste un est connue. Une citation très célèbre déclare Au switch recommence à chaque fois que quelqu'un voit passer un camion qui va à l'abattoir et pense ce ne sont que des animaux Dans le milieu antispéciste, la comparaison est délicate, évidemment. Comparer les massacres humains du passé avec les traitements actuels des animaux est mal pris pour une raison évidente, c'est que cette comparaison avec l'animalité a été la base argumentative qui a précédé tous les massacres humains. Ça ne veut pas dire qu'on ne doit jamais parler de l'utilisation de l'animalisation dans le processus de déshumanisation, mais ça veut quand même dire qu'on ne peut pas jeter ces comparaisons à la légère dans le simple but de faire réagir. Et on peut certainement pas se permettre de chercher à dédramatiser la question, comme si c'était juste une coïncidence que les fâchés, ceux du monde entier, aient le tout temps et toujours décidé qu'ils étaient eux les humains, et que les autres étaient les animaux, et que les animaux devaient mourir. On se retrouve en fait avec le même problème qu'avec la race. Un problème qui me fait souvent penser, est-ce que vous le faites exprès, ou est-ce que vous êtes vraiment incapable de voir que la société est effectivement une construction culturelle La gauche mainstream nous saoule la longueur de journée avec ses gnagnagna, les races humaines n'existent pas, gnagnagna, oui ils gnagnagna, enfin c'est tout comme. Et les antispécistes blancs sont nombreux à nous saouler avec leur gna gna gna biologiquement les sous des animaux. Je peux pas le dire plus simplement que ça, on parle du concept social, pas du concept biologique. Oui, parfois, certains mots ont plusieurs sens. Races biologiques et races sociales. Sexe biologique et sexe social. Animal au sens biologique et animal au sens social. Personne n'a jamais dit que ce ne sont que des animaux pour signifier que les individus désignés étaient différents des plantes, des bactéries et des levures. Personne ne pense que les plantes sont supérieures aux animaux. Mais quasi tout le monde pense que les humains ont quelque chose de différent qui surpasse leur simple biologie animale. pour faire deux des personnes avec un grand P. Le renvoi au biologique ne grandit personne. Ni les animaux, ni les humains. Et ceux qui l'utilisent à toutes les sauces ressemblent au mieux à ces mangeurs de viande qui nous sortent. Tu sais que les carottes sont vivantes aussi Au pire. Au fond, je ne suis pas vraiment perturbée que les racistes et les transphobes disent n'importe quoi. C'est un peu leur taf de dire de la merde. Mais en tant qu'antispéciste, quand je m'adresse à d'autres antispécistes, j'aimerais qu'on soit raisonnablement dans le même camp. Et quand on parle d'animaux et d'animalité, je sais rarement quoi dire d'autre que Vous savez très bien ce que je veux dire par là, est-ce que c'est possible de parler sérieusement maintenant Le livre contient donc un historique de l'animalisation et de son utilisation, depuis les premières chasses jusqu'au massacre des Algériens. L'autrice s'est arrêtée là, parce qu'il faut bien s'arrêter quelque part quand tu fais de l'histoire, mais le processus d'animalisation a été beaucoup utilisé dans le génocide actuellement commis sur les Palestiniens. C'est beaucoup de descriptions de violences et de l'ordre dans lequel les choses sont arrivées, et je retranscrirai très mal le propos en les recopiant. L'auteur détaille toutes les techniques de maltraitance qui ont été appliquées sur les animaux avant de l'être sur les humains. Elle explicite cette idée sur laquelle on ne s'arrête jamais. La maltraitance ou l'exploitation ne sont pas innées ou naturelles. Elles ont besoin de techniques qui doivent être perfectionnées. Par exemple, on ne penserait pas à gazer les humains si on n'avait pas préalablement appris à gazer les animaux. On ne saurait pas stériliser de force les humains si on n'avait pas déjà appris à le faire sur les animaux. On n'aurait pas pratiqué la vivisection sur les humains si on ne l'avait pas fait depuis longtemps sur les animaux. J'ai regardé il y a quelques jours le film Weekend, et si vous ne voulez pas être spoilé, fermez vos oreilles pendant environ 15 secondes. Il y a une scène qui fait particulièrement écho à ce livre. La scène où un technicien vient leur présenter une toute nouvelle invention, la cage. Et ça m'a frappée. Effectivement, la cage n'est pas un objet naturel, elle apparu spontanément avec les premiers êtres vivants, comme les cailloux ou les arbres. Enfermer les animaux, ça ne va pas de soi. Il a bien fallu inventer. Et on l'a inventé. On l'a inventé. Puis on a inventé la prison. L'idéologie qui consiste à animaliser est depuis son commencement une idéologie mortifère. Elle sert à classer, à diviser, et elle sert surtout à s'approprier. Il y a tellement d'exemples de la manière dont les groupes humains ont pu être animalisés, et ça n'a jamais été que pour s'autoriser leur exploitation ou leur massacre. L'autrice elle-même raconte avoir été victime du processus. Elle parle d'un souvenir de son enfance où un camarade à elle, un enfant de 5 ans, s'est fait mordre par un chien policier. Devant la colère des habitants de son quartier, la police a réagi par la violence en leur disant C'est vous les chiens Elle note l'absence de comparatif. Ils n'ont pas dit Vous êtes comme des chiens Non, ils ont dit C'est vous les chiens Plus tard, elle raconte que le chien de la police a été euthanasié, le chien de la police a été tué par la police, et elle ressent des sentiments contradictoires à ce sujet, d'autant plus qu'elle est encore très jeune. Ce qu'elle perçoit étant enfant, c'est bien que le chien tout comme elle est victime de la police. Ça fait entrevoir quelque chose. Ça fait entrevoir quelque chose. C'est que même quand les humains sont placés sous les animaux dans le processus d'animalisation, les animaux n'en deviennent jamais les humains. Ils n'en sortent jamais grandis. Ils n'ont jamais les droits liés à l'humanité. L'animal est par convention tout en bas, mais on peut de temps en temps aller plus bas. Et lui ne montera jamais plus haut, tant qu'on n'aura pas fait péter l'échelle du classement.