Speaker #1Cette course est une course de parapente, principalement de marche et vol, qui consiste à combiner deux activités, la marche ou la course, avec un parapente sur le dos, et le vol. La course à laquelle j'ai participé deux fois s'appelle la Red Bull X-Alps. C'est une course qui historiquement traverse les Alpes, qui partait de Salzbourg en Autriche et qui se termine à Monaco. Et puis sur les deux dernières éditions, c'était un aller-retour en gros Salzbourg-Mont-Blanc. Et donc l'idée, c'est d'avancer sur un parcours. On a une douzaine de jours pour réussir à le boucler. Donc le pilote avance soit en volant, soit en marchant. Et à côté de ça, il a une équipe d'assistance au sol en véhicule qui permet d'analyser la météo, de s'occuper des ravitaillements. Et puis surtout de s'occuper aussi du campement le soir parce qu'il y a quand même une pause pour dormir un petit peu. Avant, il n'y avait pas d'horaire obligatoire. Donc la course était en continu, c'est-à-dire que le pilote choisissait quand est-ce qu'il pouvait se poser. Et depuis quelques éditions, ils ont obligé un repos le soir. Et je pense que c'est une bonne idée parce que c'est une question qui se pose aussi dans tous autres sports d'endurance. Tout simplement pour être un petit peu plus vigilant en journée. Et puis ça reste quand même un sport à risque. Donc je pense qu'obliger une pause pour permettre au pilote de dormir, c'est une bonne chose. Cette course, elle est arrivée à un moment, on va dire, un petit peu décisif. C'était en 2019. J'ai eu une année un petit peu compliquée, personnellement et puis physiquement. Je me suis fait un ligament croisé, à savoir que c'est une blessure quand même assez importante, qui demande un arrêt du sport d'au moins cinq mois. Ça m'a permis aussi de réfléchir à comment je voulais le pratiquer. Et c'est vrai que jusqu'à présent, je faisais du parapente de distance, qui utilise principalement le vol, et on n'a pas la partie marche. Et j'ai toujours aimé à côté pratiquer nombreux sports, que ce soit le ski, le ski de fond, le trail, la course à pied. Et donc, c'est à partir de ce moment-là que je me suis mis de plus en plus à faire du marché-vol. Au début, juste pour le loisir, c'est-à-dire de monter en sommet de la montagne et puis descendre en volant. Et ensuite, j'ai pris goût. J'ai commencé à limiter un peu l'activité vol de distance et à faire de plus en plus de marché-vol, à essayer de combiner les deux. Et c'est là que cette course, du coup, je me suis assumée, je pense, comme objectif. En sortie de rééducation, en me disant, mais maintenant, tu vas vers quoi ? T'arrêtes le parapente de distance parce que je sentais que c'était quelque chose qui m'apportait plus autant, qu'il y avait énormément de temps de déplacement pour aller faire les compétitions, puis de temps d'attente sur une journée pour pouvoir réaliser juste un vol. Et j'avais un peu l'impression de perdre du temps quelque part et de ne pas pouvoir pratiquer le sport que j'aime. Et du coup, c'est à partir de là, 2019, que je me suis dit, allez, je me lance dans l'aventure du marché vol. Du coup, ça a changé pas mal de choses parce que j'ai laissé de côté la distance. Et puis, je me suis mis au sport intensément. Difficile d'avoir un objectif sur cette course parce que c'est quand même une course très relevée où il y a jusqu'à présent très peu de pilotes qui l'ont bouclée. Savoir que le parcours est long et aussi complètement dépendant de la météo. Mon objectif sur la première fois que j'y ai participé, ça aurait été forcément de boucler, je pense. Au fond de moi, j'avais vraiment envie de pouvoir terminer mon parcours. Mais l'objectif premier, c'était de finir la course en bonne santé. Je pense que ce n'est pas possible d'avoir d'objectif de placement sur cette course, mis à part si on l'a fait plusieurs fois et qu'on commence à avoir une idée de son niveau et ce qu'on est capable de produire. Mais c'est tellement dépendant de différentes choses. Il y a beaucoup d'aléas qui peuvent arriver en liant deux activités qui sont liées à l'environnement. Et donc non, j'avais vraiment le but, c'était de ne pas se faire mal. et puis de terminer le parcours si c'est possible. Terminer, c'est déjà une belle chose. En 2021, lors de ma première participation, j'ai dû abandonner après 8 ou 9 jours de course, tout simplement parce que j'ai eu un incident, pas un accident, mais lors du quatrième jour de course, j'ai fini dans les arbres. Les arbres sont aux amis en parapente, c'est toujours mieux que... que le sol et donc il faut savoir qu'on a un parachute de secours qui nous permet, si jamais la voile principale ne vole plus, d'arriver au sol sans trop se faire mal. Il faut savoir que dans ces courses, on vole dans des conditions extrêmes, avec des aérologies parfois compliquées. Et en parapente, on peut voler dans beaucoup de conditions, excepté le vent très fort. Alors on y arrive un petit peu, mais avec des turbulences qui demandent un pilotage assez extrême. Et puis on ne peut pas voler sous la pluie. Il faut savoir que le parapente, au bout d'un moment, quand il est mouillé, il finit par s'arrêter de voler et puis on tombe du ciel. Et c'est ce qui m'est arrivé. Et comme je me suis retrouvée dans cette situation juste au-dessus de lignes à haute tension, donc j'ai dû déclencher mon parachute de secours. Et par chance, vraiment, ça m'a poussée dans les arbres juste à côté des lignes électriques. Donc déjà, je n'ai pas fini foudroyée, ce qui est une bonne chose. Mais par contre, je n'étais pas vraiment en position stable dans les arbres. J'étais dans une espèce de réunion de branches avec le secours posé d'un côté, la voile de l'autre. Et puis, suite à ça, j'ai vraiment pris l'eau et puis l'orage, son et lumière en même temps. donc pas d'hélicoptère possible pour venir me chercher On a dû attendre que les secours viennent au sol et trouver une solution pour me descendre. Ce qui a duré bien une heure et demie. Là, 15 mètres au-dessus du sol, à savoir, est-ce que ça va bien se terminer ou pas. Heureusement, tout s'est bien terminé. Ils ont pu me descendre. Alors, j'ai perdu une partie du matériel. J'ai dû couper mes suspentes. Mais j'ai choisi le lendemain de me remettre en cours. Je n'avais aucun pépin physique. Je me suis juste coupé un doigt en coupant mes suspentes. Donc, un pansement et c'était réparé. J'ai pu continuer quatre jours, mais en l'air, c'était très compliqué mentalement. parce que j'avais accumulé une charge de stress et de peur juste énorme. Et je n'arrivais tout simplement plus à voler sereinement. Donc il y a eu quelques jours de mauvais temps qui ont fait que marcher a été quelque chose de possible pour moi parce que physiquement, ça allait bien. Mais après arriver au huitième jour, quand il a fallu se remettre en l'air dans des conditions qui étaient vraiment encore très limites. Mais comme on est en course, on finit par voler dans ces conditions-là. Et là, au huitième jour de course, je me sentais juste plus capable en fait. Du coup, il y a eu énormément de réflexions et de questionnements après ma première course, tout simplement parce que je n'avais plus du tout le même rapport à mon sport. Je fais ça depuis que je suis enfant, on va dire, 14 ans de parapente, même 15 ans. Mais on va dire que je n'ai jamais eu vraiment peur en l'air de voler ou l'impression de risquer ma vie. J'ai toujours eu l'impression d'avoir un contrôle, on va dire, sur le risque ou d'être capable du coup de gérer mon exposition. Et là, après cette course, j'avais l'impression que n'importe quel vol était exposé, que La mort m'attendait. L'échelle de prise de risque était complètement modifiée. Donc quand je suis rentrée de ma cour, j'ai fait énormément de vélo. J'adore le vélo de route et le gravel. J'avais vraiment besoin de faire un sport où je ne réfléchissais pas. Je me posais. Le problème, c'est que je suis aussi maîtresse de parapente. Je travaille là-dedans. Et puis c'était tout simplement dur d'avoir cette espèce de bataille avec mon sport qui représentait énormément pour moi. Et je me suis questionnée, est-ce que j'arrête là ? Ou alors est-ce que je persévère ? J'ai choisi, j'ai décidé de remettre le pied à l'étrier. Tout doucement. Ça m'a demandé pas mal de réflexion et de travail moi-même. Je suis allée voir un psychologue, un préparateur mental. J'ai vraiment essayé de comprendre aujourd'hui où j'en étais dans mon sport. Et donc je me suis lancée de nouveau dans des compétitions de distance pour revenir à quelque chose que je connaissais. J'avais encore un statut de sportive de haut niveau et j'étais en équipe de France qui me permettait de pouvoir encore continuer ça. Parce que pour moi, la prise de risque est différente lors du vol de distance. La pratique est réglementée. Sur des compétitions, on va être à 130 pilotes en l'air. On choisit les conditions dans lesquelles on vole. Quand ça devient trop fort et trop dangereux, il y a un comité de pilotes qui va décider que les conditions sont plus bonnes pour voler. On va se poser. À la différence des courses de marche et vol où vraiment il faut avancer. Le vol va coûter moins énergétiquement que la marche. On va toujours essayer de voler. Et du coup, c'est ce qui va nous amener à voler dans des conditions parfois très extrêmes. Donc j'ai repris tout doucement, j'ai repris confiance. Et puis cette course-là, elle a lieu tous les deux ans. Et arrivé entre les deux, je me suis dit, est-ce que je repose un dossier d'inscription ? Il y avait aussi d'autres paramètres à prendre en compte. J'étais en couple, il y avait un désir aussi de fonder une famille. et je sais aussi que le sport sport à risque et la maternité, c'est quelque chose d'assez compliqué. Et la question a vraiment été est-ce que tu vas le regretter ? Est-ce que tu vas regretter de l'avoir fait ou de ne pas l'avoir fait ? Et je me suis dit, allez, on n'a qu'une vie et j'ai juste envie de me dire, voilà, réessaye, ça marche, ça marche, ça marche pas, ça marche pas. Voilà comment je me suis lancée dans la deuxième aventure. La veille de la course, c'est un moment particulier, parce que c'est un moment qu'on a imaginé, enfin en tout cas que moi j'avais imaginé pendant un moment, et forcément il y a toujours la théorie et la réalité, et c'est une course avec énormément d'organisations. Donc il y a mon organisation personnelle, mais il y a l'organisation de toute l'équipe. On part pour 12 jours avec 6 personnes, 5 ou 6 personnes, 2 véhicules, de la nourriture, de l'électronique. Et la veille de la course, j'aurais bien aimé être dans mon bain et juste me relaxer, réfléchir au lendemain. Mais non, j'étais encore en train de gérer deux, trois paramètres, on va dire, même si l'équipe était vraiment présente. Et là, pour organiser au mieux les camions, ranger tout dans des caisses, savoir ce qui va dans quelle boîte, ce qu'on utilise à quel moment, où sont-elles affaires. J'étais quand même en train de gérer deux, trois trucs qu'on n'avait pas réussi à finaliser. Il faut savoir qu'avant la course, on est quand même une semaine sur place avec l'équipe. On a un prologue qui nous permet de... Se mettre un petit peu en chauffe, on va dire, et d'occuper la semaine. Mais sinon, on a énormément de préparation logistique. Donc la veille, j'étais un peu stressée. Et puis forcément, on aimerait bien dormir au maximum parce qu'on sait que le sommeil va être limité pendant toute la course. Et pour autant, je crois que je n'ai pas pu dormir énormément cette dernière course et je me sentais assez excitée. Du coup, j'essayais de me dire, mais tout est fait maintenant, juste profite. N'attends pas demain pour profiter. Profite aussi de ces derniers moments de préparation avec l'équipe avant d'être en mode course. Je me sens bien marrée quand même avec l'équipe, mais ça cachait quand même un petit stress en arrière. Forcément, je pense qu'il y avait un petit peu de peur quand même. Vraiment, ça a été mon objectif sur la deuxième préparation à cette course. C'est de me dire, j'ai envie d'être sur la ligne de départ et de me dire, en fait aujourd'hui j'ai tout fait pour être là, pour que ça se passe au mieux et j'ai pas grand chose à regretter. Et ça, je crois que c'est vraiment quelque chose que j'ai ressenti sur la ligne de départ. J'avais fait le maximum, je pense, de ce que je pouvais faire dans le laps de temps qui m'a été donné entre ces deux courses. pour être prête après ce qui m'était arrivé à la première édition. Physiquement, sûr, et mentalement, c'est ce que je pensais. Et au final, mentalement, je ne suis pas sûre que j'étais prête. Mais en tout cas, je me sentais comme ça. Première journée de course. Déjà on a un briefing le matin qui n'est pas sur le point de départ. Le point de départ c'est à Kitzbühel en Autriche, un endroit qui est connu pour le ski de descente. Et donc la météo n'est pas vraiment belle. Toutes les montagnes sont un peu prises dans les nuages et on ne sait pas vraiment si la journée de vol va être vraiment propice. On sait que ça va être volable, à savoir comment on ne sait pas. Puis il y a quelques orages annoncés en fin de journée. Après, la météo est ce qu'elle est, on va dire, et de toute façon, il faut composer avec. Donc j'essaye de ne pas trop me fier à ça. On a une première montée à faire, 800-900 mètres de dénivelé. Le but, c'est d'arriver au sommet le plus rapidement possible. Moi, je suis un bon diesel, un vrai tracteur. Je ne me sens pas très bien sur cette ligne de départ, parce que partir à fond, pour moi, c'est quelque chose d'assez compliqué. J'ai aussi une petite pathologie de mollet qui fait que les départs à froid me font vite cramper. Le stress est assez énorme, il y a la famille, il y a l'équipe et on sait qu'on va commencer par une heure dans le rouge. Donc voilà, 800 mètres avec quand même 7 kg sur le dos, le parapente. Et d'un côté on a juste envie, c'est qu'il donne ce putain de départ en fait, tout simplement, qu'il nous laisse partir, qu'on soit lancé dedans. C'est un mélange de stress et d'excitation qui est juste génial. Et d'un côté, je me souviens me dire mais te fais pas noyer par cette sensation-là, en plus je la connais parce que j'ai fait d'autres courses. Profitez-la quoi ! Vraiment je dirais que le vrai départ ou la sensation de c'est bon je suis Je suis dans la course, elle a été quand j'ai décollé. En fait, ce qui est dingue, c'est qu'on arrive au déco, il y a énormément de monde, on récupère un drapeau, le drapeau de sa nation, on doit le poser quelque part, et là, il y a juste des cris, un brouhaha pas possible, t'arrives, t'es trempée, il faisait chaud, tu dois te changer, enfiler une doudoune, alors que, en fait, t'as hyper chaud, c'est pour en prévention du vol, enfiler tes gants, manger pour combler le déficit de la montée, 5 minutes après, t'es en vol. Et en vol, C'est le silence total. Il n'y a plus personne, tu n'entends plus rien. Et je crois que c'est à ce moment-là que je me suis dit c'est bon, la course est lancée, c'est parti. Sur ma deuxième édition, ce qui a été vraiment compliqué, c'est que dès la première journée, dès le premier vol, je revis exactement mon incident de la première course. Je me retrouve sous l'eau assez rapidement. Je n'anticipe pas un grain de pluie où je pense qu'il va être plus léger qu'il a été réellement. Du coup, la voile se retrouve mouillée, arrête de voler plusieurs fois et finit par revoler. Je finis par poser. Je pose en pleurs, je croise mon copain et j'ai juste envie de lui dire « on va rentrer à la maison » . Vraiment, je remets tout en doute. Je remets en doute toute ma préparation, tout ce que j'ai fait jusque-là. Et je me sens juste incapable de continuer. Et lui a envie de me motiver, mais d'un autre côté, c'est aussi dur pour les proches, parce que ça reste une course très engagée, où on sait que les risques sont quand même assez énormes. Et puis là, je croise une concurrente, enfin une concurrente plutôt amie, mais qui passe par là, et je me dis, on peut continuer un chemin ensemble, et je sèche mes larmes et je repars sur la suite de l'aventure. Arrivée juste avant le pause, là, on se prend une douche, vraiment en arrivant sous le nuage, j'ai pas eu le temps de vraiment anticiper ça. Et sauf que je m'étais remplacée au nord du nuage justement pour éviter la partie qui me semblait la plus sombre Et du coup j'ai dû pour m'échapper en vallée autre traversée donc j'ai pris le haut, j'ai fait la vol, j'ai arrêté de voler Et là on va remonter, trouver un déco, essayer de céder toutes les deux pour aller faire la balise Comme je disais, je suis un moteur diesel et du coup je souffre beaucoup sur les démarrages, mais après, au bout de quelques jours de course, tout va mieux pour moi. Donc je prends déjà du plaisir dans l'effort, je suis avec Rémi, un ami, on partage un moment, on discute, et puis en plus il n'est pas parapentiste lui, et ça me fait plaisir aussi de discuter avec quelqu'un d'autre qui a vraiment un regard externe. Et puis en plus on trouve un décollage tout pourri au milieu d'une coupe de bois, avec pas le bon vent, vraiment quelque chose d'assez incertain. Et là en fait, je ne réfléchis pas. Je me coupe de moi-même, vraiment je me coupe de tout ce que je suis capable de ressentir et je me mets en mode robot. Et c'est ce que j'ai essayé de faire sur tout le reste de la course. Mais du coup ce qui fait que ça m'a permis quand même de faire des vols, mais qui a limité le plaisir. Quand tu te coupes des sensations, tu te coupes des mauvaises sensations, mais tu te coupes aussi des bonnes. Jusqu'à qu'au troisième ou quatrième jour, il y a un moment où je finis par aller me poser. C'est pas une question de pluie, c'est juste qu'on est dans des conditions assez engagées, qu'il n'y a pas de posé. en fait on est en Bavière, il n'y a que de la forêt de partout Et que je supporte plus cette incertitude de me dire, est-ce qu'il y a un moment, ça risque de mal se terminer, ça je le supporte plus mentalement. Et que je décide vraiment et que je dis à mon équipe, non mais clairement là, j'ai posé, ok c'est 15h, ça vole encore, mais aujourd'hui je vais marcher. Et du coup le choix est pris et assumé, je me dis de toute façon c'est comme ça, tu peux pas faire mieux, donc accepte. Et là déjà ça allait mieux, et du coup j'ai réussi à changer du mode robot, à me reconnecter un peu à mes sensations. Et j'ai pu profiter un petit peu on va dire, et profiter de l'équipe aussi, parce que ça reste, on a beau être seul sous le parapente, c'est une aventure l'équipe. On arrive au quatrième jour et on a cette fameuse règle des éliminations, donc les derniers de la course sont éliminés. Et puis ça a été une journée de dingue tout simplement parce que... On ne savait pas vraiment si on devait poser ce night pass pour rester en course ou si on était encore abrité.
Speaker #1Le mec a reçu 12 messages de tous les assistants. On a tous envoyé un WhatsApp, un SMS, l'application, c'est pour le Nightpass, pour le Nightpass, avec le téléphone en l'air comme ça. C'est vraiment marré avec l'équipe et on a passé juste d'excellents moments. Et j'ai quand même dû marcher, courir toute une partie de la nuit pour pouvoir sauver ma place dans la course. Et donc ça a dû faire une nuit de deux heures de sommeil. Il faut savoir que c'était une nuit de deux heures de sommeil avec des journées à 50, 60, jusqu'à 70 km à pied. De nombreuses heures de vol et des dénivelés qui vont de 1000 à 4000. Donc déjà deux heures de nuit dans une journée normale, c'est difficile à gérer. Mais là, c'était compliqué. Le cinquième jour de course, c'est une journée qui est bien volable, où les conditions annoncées ne sont pas si mal, mais un petit peu vantées encore. Et forcément, c'est les conditions annoncées qu'on se retrouve au déco, il y a quand même encore un peu plus de vent que prévu, et du coup, qui dit vent, dit turbulence. Donc je me mets en l'air, j'ai réussi à avancer sur le parcours en me disant qu'aujourd'hui, c'était une journée vraiment potentielle à faire un beau vol. Et en l'air, c'est encore la bataille interne, mais j'ai réussi plus ou moins à faire un vol, on va dire, correct. jusqu'à ce que je me fasse avoir par un vent assez fort dans un col. Et là, je pose. C'est la fin d'après-midi. On remarche jusqu'au Sylvestre à Passe. Je retrouve une partie de mon équipe ici. Et là, il y a du vent vraiment fort. Et la question, c'est est-ce que je redécolle ou pas ? Sachant que toutes les balises, donc on a des balises qui nous permettent d'indiquer le vent à différents endroits, annoncent des valeurs de vent inadaptées aux parapentes. Et donc ça veut dire ce qu'on appelle se jeter sous le vent. Donc c'est un peu violent, on s'expose à des grosses turbulences. Et mentalement je ne suis juste pas capable de le faire. Donc je décide d'arrêter là, de stopper la course, sachant qu'on avait encore un concurrent derrière nous, et qu'il y a cette fameuse règle qui élimine la dernière personne. Donc je me mets juste en stand-by le temps qui me dépasse, et qu'ensuite je sois éliminée en étant la dernière de la course. Ça s'arrête comme ça. Merci On est du coup à ce fameux col et on est sur un barrage et il y a mon copain qui est là et on discute et c'est dur pour moi. Vraiment j'essaye de me persuader, de me dire j'aurais fait mon maximum mais en fait je ne peux juste pas plus et plus tard j'aurai rien à regretter. Je dirais pas à mes petits-enfants, j'aurais pu être, mais en fait du coup vous êtes arrivés, et puis j'ai eu une autre vie, et non, j'aurais fait les deux aventures à fond, et en fait c'est juste mon histoire. J'ai donné le maximum de ce que je pouvais donner, mon mental m'a limitée, et comme je l'expliquais, c'est très difficile quand c'est le mental qui limite, je trouve, plus que le physique. Et puis c'est dur en fait de se dire, je me suis préparée, et non, en fait, non ça marche pas. et autant euh Je trouve que la blessure physique est plus ou moins facile à accepter. Il y a un moment où vous fracturez quelque chose, vous allez essayer de courir dessus, en fait ça ne va pas marcher. Il y a un moment où la douleur est insupportable. Quand c'est mental, quand il y a quelque chose que vous n'arrivez pas à gérer, à contrôler, alors moi je suis quelqu'un qui est assez adepte dans mon mode de fonctionnement du contrôle, ou de me dire que c'est possible, si tu as vraiment envie, tu peux mettre les choses en place, et là de ne pas réussir à contrôler moi-même, à me dire juste mais c'est bon quoi. Ça a été très dur à accepter. Et d'ailleurs, ce qui a été dur après la course, c'est de me dire, en fait, il y a un moment, t'as pas pu. Qu'est-ce qui t'empêchait ? Et quand les gens me disent, mais pourquoi t'as arrêté ? C'est beaucoup plus facile de dire, je me suis fracturé le pied. Bon, ben, il y a un moment... Ben non, je me suis fracturé le mental, et j'ai pas trouvé la solution, j'ai pas trouvé les bouts de scotch pour... Et après, ça reste des expériences de dingue. En fait, ça reste que du sport. Mais pour autant, ça apprend tellement de choses. dans tous les scénarios que j'avais envisagé, on va dire, je m'étais dit L'an soit dans l'aventure, ça passe, ça passe, ça casse, ça casse. Là on en est à ça casse, ça casse. Et je ne l'avais pas vu comme ça. En fait, quand je m'étais dit ça casse, ça casse, je me voyais donner le maximum de moi, aller sur ces 12 jours de course, peut-être pas boucler. Pour sûr, je pensais avoir le niveau nécessaire pour ne pas me retrouver dans les derniers et être éliminée. En vol, c'est un niveau que j'ai eu, à pied aussi. Par contre, mentalement, je n'étais pas là pour pouvoir l'exprimer. J'avais l'impression de ne pas avoir donné le meilleur de moi, d'avoir été bloquée. Et c'est ce qui a été hyper dur. D'ailleurs, on finit la course, je pète un plomb. Le retour à la maison a été très difficile. Tout simplement, je le vivais comme un échec, vraiment un deuxième échec. Et donc, on finit cette journée là au col. Puis après, on est rentrés voir l'arrivée parce qu'au septième jour, il y avait déjà le premier concurrent qui arrivait, qui gagne la course depuis déjà cinq ou six fois, je crois. Vraiment la star de la discipline, la Kriegel-Mohrer. J'allais le voir en haut posé et puis au radeau, c'était un arrivé sur un radeau posé au milieu d'un lac. C'était chouette aussi de participer à ça. Ça m'a fait du bien ce journée aussi de voir l'arrivée de la course, mais ça m'a rappelé aussi mon échec. Et la suite a été un peu difficile. J'ai versé quelques larmes, j'avais une peine inconsolable. Moi, je ne savais pas si c'était de la peine. peine ou si j'étais déçue. J'avais l'équipe, mais je me sentais tellement seule. Ouais, fallait porter tout ça, et j'avais du mal à me dire... Allez, c'est bon ! Allez, ça va passer ! C'est un projet de 4 ans, on parle quand même de 2 courses. C'est énormément d'investissement, personnel, temporel, et pour autant, je regrette rien de toute la préparation. C'était vraiment quelque chose de chouette. Et on parle souvent de la finalité ou du chemin dans ce genre de projet. Je pense que l'important, c'est le chemin. Et c'est vraiment aujourd'hui. Tout ce que je retiens, c'est l'expérience de ces courses et de leur préparation. Mais pour autant, difficile. Et je pense qu'en fait, c'est juste normal. Il faut accepter. Le plus dur, c'est d'accepter. Il faut accepter le toboggan qui descend. Et puis, il y a un moment où on remonte. Mais oui, là, j'en parle avec du recul. C'est quelque chose qui a été difficile. Il m'a fallu pas mal de temps pour remonter. En fait... Déjà, quand je... J'avais dit que c'était ma dernière course, qu'ensuite j'arrêtais, que je passais à autre chose. Parce que je sentais que je n'avais vraiment aussi besoin au fond de moi, et que ce n'était pas qu'une pression sociétale. On va dire, tu as 32 ans, tu es une femme, tu fais un sport à risque. La famille, la société t'expliquent que peut-être, c'est peut-être le moment de penser à autre chose. Non, ce n'était pas vraiment ça. C'était aussi quelque chose que je ressentais par moi-même, dans le sens où toute ma vie a été tournée autour du parapente, et qu'il y a plein d'autres choses qui m'intéressent aussi. et que pour autant, il y a plein d'autres choses où je ne me lançais pas dedans parce qu'il y avait un petit peu ce frein parapente et puis cette envie de continuer qui j'étais. C'est dur aussi, j'ai commencé à 14 ans, du coup le parapente me définit, le sport de haut niveau me définit, ou m'a défini du moins. Et la question c'est qui je suis, qu'est-ce que je fais maintenant ? Donc grosse question. Donc quand on prend un échec comme ça et qu'ensuite arrive la suite, on va dire, le questionnement et le soulèvement il est assez énorme. Et c'est ça qui a été difficile pour moi. Et là je suis encore, on parle de ça, c'était l'été dernier. Je suis encore en train de me reconstruire, de me redéfinir, de savoir où je vais. Et c'est des questions, je pense, c'est normal, on n'y répond pas en un mois ou deux mois. Mais pour autant, je ne vois plus ma course comme un échec. Et pendant longtemps, ça a été difficile même juste d'en parler, d'y repenser. Vraiment, j'avais besoin de jeter ça aux oubliettes et de passer à autre chose. Et aujourd'hui, c'est vraiment quelque chose que j'ai intégré. On va dire, je suis OK avec mon histoire, mais j'ai mis du temps. un peu à l'être. J'ai appris déjà que le corps humain est capable de choses juste extraordinaires, mais que ça reste la tête qui contrôle le corps. Et que tant que tu n'as pas compris ça, tu ne peux pas aller très très loin. Je le dis aussi via mon métier de kiné, où des fois on est dans une dissociation corps et esprit, je pense vraiment que l'être humain est juste... Une entité globale et qu'on a un peu trop tendance à séparer les deux. Et qu'à partir du moment où la tête veut, le corps peut. Il peut. C'est-à-dire qu'il a la capacité, après des fois on va être freiné par certaines choses, mais qu'avant tout, tout vient de la tête. Et donc je crois que c'est ça qui m'a appris ces expériences sur la X-Alp. Quand on regarde un sport, on le voit de l'extérieur, parce qu'on peut en voir de l'extérieur. Et puis il y a l'intérieur. Et le parapente, c'est un sport qui fait rêver, parce que c'est beau d'aller dans le ciel, mais qui fait peur aussi. Soit on voit la partie rêve, soit on voit la partie risque. Très souvent d'ailleurs les médias mettent en avant le risque. Et je trouve que c'est juste un sport génial qui permet le développement de soi. En fait, sur un vol en parapente, tu peux vivre une vie. Tellement l'intensité des émotions entre le haut et le bas peut être vraiment très fort. Entre un vol qui va être juste... Tu vas être le roi du monde parce que tu vas être... à l'altitude maximum, que toutes les possibilités vont s'offrir à toi, puis ensuite tu vas être par terre à essayer juste de survivre pour rester en l'air. Et du coup, le différentiel d'émotions que tu peux avoir entre le positif et le négatif est tellement intense et tellement dans un temps hyper court que tu ne le vivras dans aucun autre sport. Ça t'apprend énormément à te connaître, à savoir comment tu réagis à tes émotions et ensuite à savoir les gérer. En tout cas, c'est ce que j'ai appris dans ces années de parapente.