Speaker #1Je ne savais même pas comment j'étais. C'était assez fort en émotions. Moi, j'ai réussi à rester dans le tempo. Moi, c'est inoubliable. C'est dur. Tu prends une énergie folle. Le trail, c'est comme ça, on partage. C'est fort, on l'a fait. J'ai fait mon aventure. Je m'appelle Cyril, j'ai 39 ans et j'avais 38 ans quand j'ai fait le Tour des Gérants, donc c'était l'année dernière. Alors je suis né à Foix, dans la Riege, pas loin de Toulouse. J'ai commencé le sport tout petit, j'étais passionné par le sport. J'ai commencé par du sport collectif, donc pendant une quinzaine d'années j'ai fait du foot. Jusqu'au jour où, lors d'un match, je me suis blessé au genou. et du coup j'ai arrêté les sports collectifs. J'ai commencé à ce moment-là à me mettre au sport plutôt outdoor donc j'ai fait pas mal de VTT à ce moment-là, pas mal de randonnées donc je me suis mis à la randonnée en montagne. À ce moment-là j'ai quelqu'un avec qui je travaille qui me dit « T'es, ça pourrait être pas mal de faire une course à deux, c'est une course trail, on est en 2005. » Et là je me dis « Bah pourquoi pas, après tout moi j'ai jamais couru... » dans la nature, dans un environnement en extérieur, pourquoi pas. Donc je commence mon premier trail en 2005, on le fait à deux, et ma distance que je fais à ce moment-là c'est 23 kilomètres. Et là, à ce moment-là, je me dis, c'est trop cool de pouvoir combiner la course à pied avec la découverte d'un environnement naturel. Et là je me dis, tu vas te lancer sur une course qui est plus importante, donc toujours dans les Pyrénées vers chez moi. Et il y a une course mythique là-bas qui s'appelle la course du Montcalm et qui fait 42 km. Je n'ai jamais couru avant, pas de course à pied, pas de running. Et là je me dis, Cyril tu vas te faire un marathon de montagne 42 km avec 3000 ou 3500 de dénivelé. Donc l'histoire du trail elle commence là. Et donc la même année en 2005, je me fais mon premier marathon de montagne chez moi dans la Riège. Et là, menait à ce moment-là une passion de me dire, allez. Sans forcément faire des courses, mais se dire, le week-end, je vais commencer à aller courir un peu en montagne, parce que c'est chouette, parce que tu te dépenses, parce que c'est un sport d'endurance. Et du coup, sur des sentiers de randonnée dans les Pyrénées, régulièrement, j'allais faire des balades, et au lieu de mettre 4 heures, je mettais 2 heures. Au lieu de faire la rando en 9 heures, je la faisais en moitié moins, et donc je voyais beaucoup plus de choses dans mes sorties. Et de là, je pense que c'est effectivement une addiction qui a commencé à naître, de me dire... tu vas toujours faire un petit peu plus et tu vas pouvoir te dépasser aussi autrement. Pendant quelques années, j'ai pu faire deux fois le Grand Raid des Pyrénées, j'ai fait aussi deux fois l'UTMB, j'ai eu la chance d'être tiré au sort et de pouvoir participer deux fois, 2012 et 2014. Je me suis pris au plaisir et au format de cette course-là, qui est l'Ultra-Tri, et moi, dans la façon dont je pratique et je vis mes courses, qui sont basés sur l'endurance, sur le dépassement, ce format-là il me convient à moi. C'est pas qu'il est mieux qu'un 40 ou qu'un 20, mais c'est que moi il me parle et je peux m'exprimer et trouver des sensations qui me vont, qui sont en adéquation avec moi, ce que je recherche dans cette pratique. Et le format pour moi c'est 170. Donc j'ai aussi pu faire l'Echappébel, qui est une course qui fait 143 km, qui est magnifique. J'ai pu faire également en ultra l'Ultra Trail de Monterosa. 2017 qui est en Suisse, qui est extraordinaire. Et puis un jour je me dis, ben ok, tu es sur le format 170, tu repousses tes limites, tu es allé chercher des choses, des sensations, des dépassements que tu n'avais jamais eus. Donc tu prends conscience aussi de la maîtrise de ton corps, des passements physiques et des passements psychologiques aussi. Et c'est quoi après ? Parce que toutes les courses sont magnifiques, extraordinaires, mais est-ce que tu peux repousser plus loin ces limites-là ? Et là, j'ai rencontré une personne, une fille qui est exceptionnelle, qui s'appelle Emeline. Je me la rencontrais en formation, au boulot. Donc je lui explique un peu, je cherche une course, il y a une course qui me plairait mais qui fait 330, mais de toute façon il n'y a rien entre les deux, donc je pense que je ne vais pas la faire, je ne suis pas prêt. Elle me dit à ce moment-là, mais qu'est-ce qui t'empêche de la faire ? Et là dans ma tête je me dis, mais c'est vrai, qu'est-ce qui m'empêche de la faire cette course ? C'est un petit peu comme un défi qu'elle me lançait en me disant, pourquoi pas après tout, pourquoi ? Pourquoi tu te mets des freins ? Et à ce moment-là je me dis pourquoi pas. Et donc je décide de m'inscrire, donc début 2018. et début 2018 je me dis de toute façon Cyril ne te mets pas le stress. Les tirages au sort c'est comme tous les ultras, tu as quasiment aucune chance d'être tiré la première année parce que de toute façon il y a peu de place pour beaucoup de demandes sachant que pour le tord des géants on est à peu près 800 bien inscrit et sur les 800 tu as la moitié des dossards qui sont réservés entre guillemets aux locaux, c'est-à-dire aux italiens. Donc finalement la chance d'être tiré au sort parmi les restants est assez faible surtout la première année. Je pars sur ce principe là. Donc je m'inscris en me disant de toute façon, début 2018, tu feras ta course en 2019. Et là, il y en a qui te diront c'est la chance, il y en a qui diront c'est le destin. Je suis tiré au sort dès la première année, la première fois. Et là je me dis mince, enfin mince ou chouette, mais mince, parce que moi je m'étais dit tu t'inscris début 2018 pour faire ta course en 2019 et là en fait tu t'inscris en 2018 et tu l'as fait en 2018. Donc du coup, hyper content parce qu'il faut prendre la chance quand ça se présente. Parce que, aussi bien, tes 3-4 ans à la suite n'étaient jamais tirés au sort, autant là, la première année que je suis inscrit, c'est le destin. Je me dis, allez, c'est un signe, je l'ai pris comme ça, c'est pour toi, tu y vas. Donc un concours de circonstances qui n'était pas prévu à la base, sur une course qui était pour moi inatteignable et à laquelle je ne pouvais même pas prétendre l'inscription. Alors la question pour les ultras, je trouve que c'est très compliqué de se dire est-ce qu'on est prêt, est-ce qu'on n'est pas prêt. Parce que finalement, quand tu t'inscris à une course de 330 km, elle est où la limite de je suis prêt, je ne suis pas prêt, c'est quoi le plan d'entraînement, est-ce que ça existe en fait. Pour autant, si tu ne te prépares pas, tu ne prendras pas du plaisir et le but de la préparation, c'est quand même pour moi de se dire que plus physiquement tu es affûté et plus tu vas repousser ta souffrance loin. c'est à dire que si tu t'entraînes pas peut-être au bout du 10ème kilomètre déjà tu vas commencer à souffrir, le but c'est de se dire tu sais que tu vas souffrir, de toute façon c'est déjà écrit tu le sais, c'est pour ça que tu y vas peut-être mais si tu peux commencer à souffrir physiquement qu'à partir du 150ème kilomètre ou plus tôt ou plus tard, c'est quand même mieux qu'au bout du 20ème kilomètre, donc préparation physique il en faut alors comment ça s'est passé pour moi ceux qui ont des plans d'entraînement de façon générale, en trail, ultra trail Et puis, on va dire la majorité des gens, je pense, et puis tu as ceux qui n'en ont pas, comme moi. Donc moi, je n'avais pas de plan d'entraînement, parce que ma façon de pratiquer le trail, si tu veux, c'est la liberté pour moi, le trail. La liberté de choisir quand je cours, où je cours, avec qui je cours. Je cours la nuit, je cours le jour, je cours en entraînement, je cours en montagne, je cours dans un parc. C'est la liberté. Pour moi, dans ma façon de vivre, c'est ce sport. Me mettre en plan d'entraînement, c'est un petit peu me mettre dans une cage. où je vais devoir faire des choses qui ne sont pas que pour mon plaisir, mais juste pour m'entraîner. Et ça, pour l'instant, je n'y suis pas prêt. J'ai envie de pratiquer comme je veux et me préparer à ma façon. Et ma façon, pour l'instant, elle marche pour moi, parce que j'arrive à finir mes courses et c'est mon but. Pour autant, ça ne veut pas dire que je ne m'entraîne pas. Donc, je travaille chez Decathlon. Aujourd'hui, au quotidien, on est baigné dans un environnement où tout le monde fait du sport. Déjà c'est peut-être plus facile parce que quand on fait du sport, on est aussi entraîné par l'effet collectif des autres qui vont aussi s'entraîner, courir ou faire du vélo ou faire un autre sport. Donc au quotidien c'est plus facile. Je me suis toujours dit, pour mon plaisir, je courrais maximum deux fois par semaine. Ça paraît bizarre parce que quand tu parles avec beaucoup de personnes sur des longues distances, c'est presque, il y a sept jours dans la semaine, je vais courir au moins cinq jours. Pour moi, j'habite Lille, je rappelle, j'ai pas de plaisir à courir 5 fois par semaine parce que l'environnement pour moi ne s'y prête pas. Donc moi, c'était 2 fois par semaine en moyenne, des sorties qui allaient de 10 à 20 kilomètres. Et comment je m'organisais ? Parce qu'il y a le boulot au milieu, donc même si l'entreprise est sympa, tout le monde est sportif et c'est chouette, il y a quand même une vie avant le travail et après le travail. Moi j'ai 2 enfants, donc c'était de se dire que avant le travail c'est compliqué parce qu'il y a les enfants. Après le travail, il y a aussi les enfants, le week-end aussi. Donc ma stratégie, c'était beaucoup de courir entre midi et deux, ou de faire mon sport entre midi et deux. Il faut trouver un équilibre aussi, parce que s'inscrire à une course, c'est... Quelque part c'est très égoïste, mais l'entraînement il ne doit pas aussi, selon moi, impacter la vie familiale ou la vie professionnelle. Donc il faut trouver un équilibre pour que ton boulot soit épanoui et que tu puisses avancer et ne pas être en retard. T'occuper ta famille parce qu'ils ont besoin de toi et puis c'est important de partager des bons moments.
Speaker #0Donc il ne faut pas que l'entraînement vienne impacter le reste. Donc voilà sur la course à pied. J'ai fait aussi pas mal de biking. Le biking c'est horrible, c'est du vélo en salle. Moi qui adore l'environnement, quand tu es entre 4 murs, il fait sombre, et puis tu as la musique à fond et tu es tous en danseuse, c'est bien physiquement parce que je trouve que tu travailles beaucoup, ça t'aide beaucoup pour les montées. Et quand tu es dans le nord, les conditions sont un peu moins favorables, on va dire, de soleil et tout que dans le sud, donc j'aurais pu faire du vélo en extérieur, j'en ai fait un petit peu. en faisant des petites sorties. Mais le vélo est vachement intéressant dans une préparation au niveau des membres postérieurs, je trouve. Et puis j'ai fait un petit peu de natation. Donc c'était plutôt au feeling. Il y a des jours, quand je partais courir par exemple, je me disais, tu vas peut-être faire 5, tu vas peut-être faire 10, et puis tu faisais 20. Il y a des jours où je voulais faire 20, et puis au bout de 7 kilomètres, je m'arrêtais parce que j'en avais marre. Voilà, donc j'ai fait un petit peu ça. Donc pas mal de fractionnés dans mes sorties de préparation. des montées et des sentes dans des endroits différents, 10 fois, 20 fois une même montée. Et puis il y a un truc que j'ai fait que je trouvais intéressant, c'était de cumuler sur une même journée, je l'ai fait quelques fois, plusieurs sorties de course à pied par jour. C'est un effort qui se cumule et qui est intéressant dans la récupération, en tout cas pas dans la récupération mais dans le cumul de fatigue. J'ai fait ça sur ou alors biking le matin, très tôt, et ensuite j'ai cumulé une deuxième séance de course à pied à midi. Ça c'était pour la préparation physique, ensuite il y a aussi toute la préparation du matériel pour la course qu'il faut avoir en amont et pas avoir des nouveaux éléments, des nouvelles chaussures, des nouveaux t-shirts, un nouveau sac le jour de la course. Autant tu ne sais pas ce qui peut t'arriver pendant une course qui dure plusieurs jours, autant ce sur quoi tu peux avoir action c'est bien la connaissance de ton matériel, l'avoir testé et enduré, d'autant que tu as un matériel obligatoire. pendant la course, qui t'est imposé, qui est assez conséquent, qui est similaire à tous les ultras de 170 km, comme l'UTMB, la Diagonale des Fous. Par contre, il y a quelque chose qui est en plus, qui se rajoute, c'est des crampons. Voilà, donc ça c'est un peu atypique sur cette course-là, parce que tu peux être amené pendant la course à passer des nevées, où tu as de la neige, de la glace, donc dans le matériel obligatoire, dans ton sac, tu dois avoir des crampons. Quand je dis des crampons, c'est des crampons en fer, des crampons d'alpi, quoi. que tu peux clipper sous tes chaussures de trail. Et ça, l'air de rien déjà. Tu te dis bon ok, c'est un truc en plus dans mon sac. Par contre, des crampons, ça ne pèse pas 20 grammes en fait. Donc ça veut dire dans ton sac, déjà tu as tout le matériel obligatoire plus des crampons. Il faut préparer un petit peu son sac avant, tester, voir si on a 100% du matériel et puis ça te fera du poids à porter pendant toute ta course. Nous sommes donc le 9 septembre 2018. La ville de Courmayeur est évidemment en effervescence. Et nous retrouvons Cyril. au départ du Tour des Géants. On est jour J, donc il fait super beau, soleil bleu, tu ne peux pas voir plus bleu, pas de nuages, rien, c'est parfait. T'es quand même à Courmayeur, donc même s'il fait très bon, et si t'es sur la fin de l'été, t'es quand même en montagne, donc t'as une petite fraîcheur. Pour autant, des conditions exceptionnelles. au départ et qui se renonçait toujours exceptionnelle sur l'entièreté de la course. Donc déjà, psychologiquement, tu pars en te disant que la météo, c'est un souci de moins. Après, la météo, elle évolue beaucoup pendant la course. De toute façon, on peut se qu'on te dit ce qui se passe. Pour autant, jour J, déjà, ça te donne plein d'énergie, donc t'es super excité parce que c'est le jour J et puis ça y est, enfin, on y est. Il ne faut plus attendre. Il y a aussi une grande peur. À ce moment-là, j'ai une grande peur. Parce que c'est très contradictoire. Hyper excité, hyper content. Je suis seul, je n'ai pas d'assistance. Donc j'y suis allé seul. Je sais que je ne vais rencontrer personne pendant ma course. Je rejoins le départ assez tôt parce que je ne sais pas où exactement aller le départ. Parce que j'arrive peut-être une heure ou deux avant. Je vois l'arche de départ qui est toute jaune. Avec écrit en gros « Thor des géants » , avec 330 km à écrire. 24 000 mètres dénivelés. Et là tu te dis, c'est le départ, c'est bon. Tu es là, tu sais que ce que tu veux faire c'est finir. Tu veux aller au bout avant de faire en chrono une performance déjà. Essayer d'aller à la ligne d'arrivée c'est énorme. Et puis très peur parce que tu te poses toujours la question que l'on se pose quelle que soit la distance, c'est est-ce que je suis prêt ? Est-ce que je vais finir ? Comment ça va se passer ? Est-ce que je vais souffrir ? A quel moment ? S'ouvrir tu le sais, mais à quel moment ? Est-ce que je vais réussir à me gérer ? Est-ce que je vais réussir à me dépêcher ? Il y a tout ça qui vient dans ta tête à ce moment-là. Et petit à petit, quand tu es sur la ligne de départ, tu revérifies une quarantième fois, est-ce que j'ai tout pris de mon sac, etc. De toute façon, en même temps, ce que tu n'as pas pris, tu ne l'as pas pris. Parce que tu n'as plus la possibilité, quand tu es seul, d'aller chercher un sac. Ton sac d'assistance, tu l'as déjà donné. Et puis, tu as tous les coureurs qui viennent petit à petit. donc on est à peu près à 800 au départ. On est au milieu de la route, donc c'est une route normale avec deux voies. Tu as l'arche au milieu et 800 c'est beaucoup. Si tu mets 800 personnes devant toi, c'est monstrueux. Pour autant, sur la ligne, on est tous compactés comme des petites sardines, tout droit. On se frotte, on se touche de tous les côtés. On est tous serrés et donc du coup, tu as l'impression qu'on n'est pas très nombreux. Et puis, tu commences à regarder les autres, tu vois de tout. C'est ça qui est extraordinaire. Il y en a qui ont le sourire, qui rigolent entre eux parce qu'ils sont venus à plusieurs, entre copains. Il y en a qui sont venus en famille, parce que tu vois sur le dossard qu'ils ont le même nom, parce que tu as ton nom et ton prénom. Tu te dis, ah ben eux ils sont ensemble. Tu vois toutes les nationalités, tu as le drapeau également sur ton dossard. Donc tu te rends compte que finalement, oui il y a beaucoup d'Italiens, parce qu'il y a beaucoup de Français aussi parce qu'on est à côté, mais tu as des gens de tout le monde entier qui sont là. Donc la richesse aussi de la course. Tu en as qui sont... Tu ne vois pas la terreur, c'est exagéré, mais il y en a qui sont un peu inquiets, il y en a qui s'isolent avec leur musique, tu vois un petit peu tout. Donc tu as tous les états d'esprit, et je trouve que cette course est exceptionnelle aussi pour ça. C'est la façon dont on perçoit la course. La veille, lors du brief, n'est pas présenté le Tour des Géants comme une course où c'est une performance que de la faire, mais c'est plutôt tu viens vivre une aventure. C'est ça le teasing, c'est ça les témoignages qu'on nous donne en vidéo sur grand écran dans une salle. salle des fêtes, salle des sports, on est tous ici et on nous donne des images avec des témoignages de personnes qui te disent mais rappelez-vous que vous venez pour vivre une aventure, que vous venez pour le plaisir, que courir, entre guillemets, c'est la vie, que la vie elle est courte, il faut profiter, il y a beaucoup de choses à partager et vous venez pour ça. Et à un moment donné, tu as le speaker qui dit, levez-vous tous, vous donnez la main. Et on fait des espèces de rondes, bras dessus, bras dessous, en disant, pour se donner plein d'énergie, plein de bonheur. Et c'est ça que je retiens aussi de l'organisation, c'est que tu ne viens pas pour une performance, mais tu viens pour vivre quelque chose. Et il y a tout ça qui revient au départ, quand je suis là, de me dire, ouais, tu es là pour ton plaisir. Et après tout, si tu es là au départ, personne ne t'a obligé à venir. Ce n'est pas une contrainte, c'est toi qui t'es inscrit. Tu viens pour ton plaisir. Donc tu n'as pas le droit de te dire que tu as peur, etc. parce que t'as choisi et puis tu vas vivre un truc exceptionnel Et je pense que l'état d'esprit dans lequel tu es au départ de la course va aussi vachement impacter toute ta course. Donc voilà, on est au départ, on y est, et puis tu sais quand tu pars. Donc j'ai plus l'heure exacte, mais on est assez tôt le matin, la course part le matin. On est 800 au départ, condition exceptionnelle, donc il n'y a plus qu'à maintenant partir. Donc le départ de la course, première anecdote, c'est marrant, je pars et ça s'étire rapidement, on est à 800 km donc au bout de quelques dizaines de kilomètres, tu as vite fait de t'étaler et tu vois beaucoup de coureurs pendant la course et finalement pas beaucoup parce que de 300 km, il y a beaucoup d'écarts entre les coureurs. Et je vois un gars C'est un américain parce qu'il a son pays sur son dossard. Très atypique. Il a sa chemise à carreaux, on dirait. Ça me fait marrer. Et ses petits carreaux, chemise rouge, t'as l'impression qu'elle a un coton, qu'elle fait 3 kilos et qu'elle va mourir. Donc je le prends en photo pour dire qu'en fait, sur une course, tu vois des gens différents et puis ils sont habillés aussi très différemment. Je l'ai vu au début et puis je l'ai vu sur les derniers kilomètres. Donc la course, elle commence. Elle commence à s'étaler. Et puis tu commences à faire des cols, je crois qu'il y a une vingtaine de cols. Au fur et à mesure de l'avance des cols, je me suis pris le début, tu vas te prendre à chaque col, parce que tu as l'altitude et il y a le nom du col. Donc à chaque fois que je faisais un col, je me prenais un selfie à ce moment-là pour dire, pour moi, allez, je passe une étape, allez, on part faire le prochain col. C'est le premier col. 2h45 pour monter. Il y avait un peu de monde. C'est juste une tuerie le paysage. Donc il n'y en a pas trop derrière moi mais c'est pas grave. C'est la porte tranquille. C'est bon ça. Donc les premiers kilomètres, pas facile, parce que ton corps doit commencer à se préparer au poids que tu as mis dans ton sac, sur les premières montées de suite. Tu ne sais plus trop si tu dois suivre les personnes qui sont devant, qui mettent un rythme. Tu es dans une colole, il y a 800 au départ, les premières dizaines de kilomètres. Est-ce que je suis ? Est-ce que je fais mon propre rythme ? Mais tu n'as pas envie d'être dans les derniers, dès le début, ni dans les premiers parce que ça va aller trop vite. Donc pas facile de se juger, je suis, je ne suis pas, je fais mon rythme. Puis rapidement, tu te dis de toute façon que la course est tellement longue. Parce que si tu ne fais pas ton rythme à toi, de toute façon, tu es mort. Donc, j'ai fait mon rythme. Donc, tu enchaînes l'école. Tu es dans un environnement extraordinaire. Tu es dans la vallée d'Aoste. C'est des grandes vallées. Tu vois toute la chaîne des Alpes italiennes, avec des couleurs qui sont magnifiques, parce que quand il fait beau, tu as la couleur du soleil qui vient refléter tous les verts et les différentes couleurs jaunes que donne le soleil sur les pierres. Peut-être en prendre les yeux. Tu n'es pas parti que déjà tu t'es dit, waouh, l'environnement extraordinaire. Au fil des kilomètres, ça ne fait que se confirmer parce que tu passes que rarement dans des villages. Donc c'est un environnement qui est préservé. Les kilomètres s'enchaînent et puis ensuite tu arrives rapidement aux nuits. Tu connais l'effort, donc première nuit, deuxième nuit, ça se passe à peu près bien. Tu sais gérer l'effort, c'est-à-dire que tu ne dors pas les deux premières nuits. Par contre, passer ces deux nuits, ça devient compliqué parce que... À un moment donné, physiquement, ton corps, il faut qu'il dorme. Tu as besoin de te reposer, physiquement puis mentalement. Donc, rapidement se pose la question de la gestion des nuits. Parce qu'il y a des barrières horaires dans la course, et qu'à un moment donné, tu ne peux pas t'arrêter, style je dors 7-8 heures et puis je vois. Enfin, moi, mon duo en tout cas, si tu veux. Je découvre à ce moment-là dans la course, que quand je veux m'arrêter pour dormir, donc à un point de ravitaillement, que finalement, les gens de l'organisation... Ne te laisse pas dormir le temps que tu veux dormir. Je m'explique. Toi, t'as rien à marier taillement, par exemple, t'es claqué, tu te dis, bon, je vais me poser 2-3 heures. Il y a un lit de camp, super, l'organisation est top, je vais me poser 2-3 heures, je sais pas, c'est 3h du matin, je vais dormir jusqu'à 6h, je dis yoga, ce qui se fait dans la plupart des courses. Il prend ton dosard, tu lui dis, bah écoute, moi je vais dormir 1h, tu me réveilles dans 1h. Là, le mec, il te regarde, le bénévole, qui sont super, il te dit non tu dors pas jusqu'à 6h, tu dors jusqu'à 3h30 Non, non, mais tu n'as pas compris, moi je veux dormir 3 heures. Et lui, il t'explique par A plus B, de toute façon, tu ne pourras pas dormir ce que tu veux dans le ravitaillement, parce que finalement, il y a des gens derrière toi, et que si toi tu dors 3 heures, lui, il n'a pas 800 lits. Donc toi, c'est 30 minutes, et après, tu laisses la place, parce que celui qui arrive complètement fatigué, et a les yeux au niveau du nez tellement il n'en peut plus, lui, il veut ta place. Donc déjà, l'organisation, on va dire qu'elle va t'imposer un temps limite de repos. en tout cas sur un lit de camp, chauffé avec une petite couverture et ça je le découvre pendant la course bon, 6h45 putain j'ai pas pu dormir quoi les types ils font trop de bordel dans le dortoir ils éteignent pas la lumière, ils parlent ils en ont rien à foutre, ils font bip et leur menthe j'ai essayé de me poser une heure et demie mais si je me suis endormi 5 minutes c'est pas mal Bon, écoute, profitez de cette vue. J'avais pris l'habitude, entre guillemets, je ne fais pas partie des semaines, de me dire qu'en journée, je faisais des espèces de micro-siestes. Je m'étais calé 20 minutes. Je ne sais pas pourquoi 20 minutes. Ça aurait pu être 25 ou 30, 20 minutes. Et dans la journée, quand il faisait soleil, il faisait bon, je m'arrêtais au bord d'un chemin et je dormais 20 minutes. Trois fois par jour, 20 minutes. Je ne sais pas comment je peux l'expliquer, mais physiquement, je pense qu'en fait, si tu prends le recul en ton quotidien et que tu ne dors que 3 fois 20 minutes par jour, pendant plusieurs jours, je pense que tu deviens complètement fou. Combiner un effort physique, ce n'est pas possible. Ton cerveau a cette capacité à s'adapter, ce qui est incroyable. Pour autant, c'est bizarre. Ce n'est pas normal. Donc du coup, après la course, ça a été un petit peu plus compliqué pour retrouver un sommeil. Je crois que j'ai mis à peu près 6 mois. parce que j'avais des insomnies, parce que j'étais complètement décalé, et mon corps a besoin de se recaler, il a fallu des semaines et des mois. Donc voilà, les kilomètres s'enchaînent. Je me souviens à un moment donné, au cours de la course, on doit être à peu près, je crois, au 150ème kilomètre, quelque chose comme ça, on est fin de journée, on arrive dans un village. On parle beaucoup avec les coureurs pendant la course, parce que le temps est long, et parce que des fois tu fais 10 kilomètres, tu t'en rends pas compte quand tu parles, alors que si t'es tout seul, c'est vachement plus long. Donc je parlais beaucoup avec plein de coureurs hyper sympas, hyper intéressants. Tous ils te racontent qu'ils ont déjà fait du timbé le mois d'avant. Tu dis « mais attends, moi j'ai pas fait du timbé le mois d'avant » . Des super plans d'entraînement etc. Tu te dis « bon moi c'est différent » . Et ce gars-là me dit, écoute, moi ça fait le sixième fois que je fais le tour des géants. Et le gars, il me dit, ouais, mais là, de toute façon, là, moi j'ai l'habitude du tour des géants, c'est le sixième. Et puis vu le timing qu'on est, moi je peux te dire que la prochaine barrière, de toute façon, on sera hors délai. Et de toute façon, on ne pourra pas aller plus loin, parce que la barrière horaire, par expérience, je peux te dire qu'à chaque fois que j'arrive là, je me fais éliminer parce que je suis perdant le timing. Et d'ailleurs, vu que j'ai le temps, parce que je sais de toute façon que je passerai pas à la prochaine barrière, donc moi je suis en même temps que lui à ce moment-là, il s'arrête dans le village, parce qu'on marchait juste 3 minutes avant le ravitaillement, il me dit « je vais aller m'acheter une glace » . Le gars il s'arrête, il y avait des glaces à l'italienne, il s'arrête, il se fait une glace, tu sais les trucs à l'italienne qui remontent là, je sais pas ce qu'il a appris qu'en parfum, et là je me dis « attends, qu'est-ce qu'il fait ? » Il se fait une glace, on est sur une course, et lui il est en train de me dire que de toute façon je vais être éliminé. Et là, je sais pas... Je me suis dit dans ma tête, lui fait ce qu'il veut, il va être éliminé. Et ça m'a mis un boost pour me dire, moi je ne veux pas être comme lui, je ne veux pas revenir une autre fois me dire que je suis éliminé la même année. Donc je me bouge encore plus et j'arrive à passer la barrière horaire de ce ravitaillement et les suivants. Des fois, il y a quelqu'un qui te dit quelque chose à un moment de la course et ça va te remettre en question. Alors soit ça t'achève, tu baisses les bras, soit comme moi, ça fait l'inverse et ça te dit, « Attends, je vais te montrer que tu t'es trompé. » et que moi je vais essayer de faire différemment et tu me mets un défi, allez moi je vais aller essayer de me dépasser pour faire que je ne m'arrête pas. J'ai pris l'habitude par le passé de partager mes courses. Sous forme de récits sur les précédents ultra, je faisais ça depuis quelques années. Je fais ma course, je reçois des SMS pendant mes précédentes courses, des petits messages d'encouragement. Et puis à la fin, je prenais le temps de faire un récit détaillé de comment j'avais vécu ma course. Je faisais ça jusqu'au Tour des Géants, essayer d'apprécier, refaire un récit, etc. Et puis pour le Tour des Géants, je me suis dit, et je le partage parce que ça m'a donné beaucoup d'énergie pendant la course, je me suis dit je vais faire différemment Et là, je vais essayer de partager mon aventure en temps réel aux autres et pas après course. Donc j'ai pris tout au long de la course le réflexe de prendre beaucoup de photos, beaucoup de vidéos et de les partager régulièrement à des groupes WhatsApp. Et c'était partagé, j'en avais fait un spécial d'or des géants avec mes proches. Et pourquoi c'est extraordinaire ? Parce que les images, les vidéos se partagent du début de la course jusqu'à la fin de la course. il a été dans les deux sens. C'est-à-dire que j'envoyais des messages et j'avais régulièrement des messages d'encouragement, des photos, ils me renvoyaient des photos, ils étaient tous ensemble, « Allez, allez, courage ! » etc. J'avais même des vidéos, j'avais même des messages de ma famille qui n'ont pas l'habitude de m'envoyer des SMS. J'avais des personnes que des fois, je ne parle qu'une fois par an parce qu'on se perd de vue, etc. Là, ils m'envoyaient régulièrement des messages. Donc, beaucoup d'énergie positive, des gens qui t'encouragent. Et finalement... Ta course, tu l'as fait, bien sûr, avec les autres concurrents, avec les bénévoles, mais tu l'as fait seule quand même, tu es seule, dans ta course. Et là, j'avais l'impression qu'on était 10, 20 en même temps. Et ça, ça te donne une énergie, un partage, et tu n'as pas envie de baisser les bras, parce que tu as beaucoup de moments où tu as envie de baisser les bras. Tu n'as pas envie de baisser les bras parce que tu sais qu'ils sont derrière toi, qu'ils te poussent, qu'ils te donnent de l'énergie, qu'ils pensent à toi. Et ça, ça donne tellement d'envie de continuer, de dépasser une souffrance, parce que c'est moteur. Donc moi, ça a marché. Au point que j'avais des messages de jour comme de nuit. Alors tu te dis à un moment donné, à 3h du matin, tout le monde dort, t'es seul. Et en fait, j'avais des certaines personnes qui m'envoyaient encore des SMS d'encouragement parce qu'ils avaient pris le réflexe de me suivre toute la semaine. Et à 3h du matin, j'avais « Allez Cyril, on est avec toi » . C'est extraordinaire le partage que j'ai pu avoir avec toutes ces personnes qui m'ont encouragé et que je remercie encore. parce qu'ils ont contribué au fait que moi j'ai fait ma course et j'ai pu aller loin. Un moment clé pour moi dans la course, on doit être à la troisième nuit je crois à peu près. Et là je commence à être dans le dur. Là je passe un cap dans la difficulté physique et psychologique. Où on est en pleine nuit, je passe un col. où j'ai la fatigue qui me tombe vraiment dessus de façon extraordinairement difficile. C'est le moment où ceux qui font du travail aux ultras devraient reconnaître ce moment. C'est le moment où on commence à fermer les yeux. C'est comme si on dormait, on s'assoupissait. C'est de la marche à ce moment-là, on n'est plus sur sa pied. Bâton autorisé, donc tu t'appuies sur les bâtons. Tu marches comme un robot. Tu fermes un peu les yeux quelques secondes, tu continues à avancer. C'est un état de... Tu t'endors un petit peu, mais pas vraiment, tu t'assoupis. Et pour autant, ton corps continue à avancer. Donc je suis dans ce moment-là, je passe un col, il fait froid, je commence à me dire « Mais qu'est-ce que tu fais là ? » Je suis sur une distance que je n'ai jamais faite, puisque j'ai dépassé les 170 km que je connaissais, donc je savais que 170... Je l'ai dans la machine, comme je dis. Par contre, après, on ne sait pas. C'est dans l'inconnu, dans la gestion inconnue de physiquement et psychologiquement. Je passe le col. Tu vois, t'es tout seul, y'a du vent, il fait froid, tu sens plus tes mains tellement il fait froid, t'as beau avoir tes gants et tout ça, tu boules tes doigts, mais y'a rien quoi, y'a pas de sang au bout de tes doigts. Puis là, tu vois des mots, t'es près d'une paroi, c'est bien réalisé, tu peux pas te perdre, y'a pas de soucis. Tu vois une ligne de vie sur un mur, tu te dis attends, y'a une ligne de vie, donc c'est une corde. Donc t'es à moitié endormi, et puis tu vois une ligne de vie, plusieurs moments dans la course, et tu te dis « Ah ! » S'il y a une ligne de vie, c'est quelque part, il doit y avoir un danger. Donc là tu prends conscience, sans prendre vraiment conscience, que potentiellement, si tu fais pas gaffe, tu peux te tuer. Parce que t'es quand même en montagne, il y a des vides, c'est une ligne de vie. Donc pas facile parce que tu te dis, mais est-ce que ça vaut le coup que je sois là ? Après tout, je suis fatigué, peut-être que je fais un mauvais pas, je tombe. Donc pas facile à gérer. C'est le moment où c'est la troisième nuit, je commence à avoir des hallucinations. Et j'ai eu ça pendant 10-20 kilomètres. C'est assez perturbant parce que tu te dis, tu sais que c'est pas vrai, mais pourtant ça a l'air tellement vrai que ton cerveau, il a pas dormi, tu hallucines, donc tu gères la fatigue, tu gères le manque de sommeil, tu gères l'environnement difficile. Et je me souviens, je suis dans une vallée qui descend, et j'en peux plus, j'en ai marre. On est vers le 200, et je m'arrête dans une espèce de petite grange, il y a un banc, il y a personne, ni coureur de vent ni derrière. Ce n'est pas mon moment clé parce que je m'assois, j'en ai marre, je souffre et je me mets à pleurer tout seul. De souffrance et de j'en ai marre, je suis fatigué, ça sert à quoi ? Ça y est, je pense que je suis à ma limite. Je pleure, je suis dans mon village et puis là j'ai Eric, un de mes potes, qui m'envoie un message. Il me dit non mais Cyril, ça va et tout, je vois que tu t'es arrêté. Je sais où tu es, j'étais dans un petit village parce que lui le voyait avec la balise GPS, il me dit non t'inquiète pas, t'as bientôt un ravitaillement, il descend, allez je suis avec toi, c'est 3h du matin. Il m'envoie un MSS et là je me dis putain il est avec moi, tu retrouves une force à te dire allez je repars. Et le ravitaillement il doit être 10 km plus loin. J'ai beau repartir, tu vois les 10 km qui vont arriver, qui me permettent d'arriver au 200ème kilomètre, tous les 10 km j'ai tellement mal au pied que je me dis de toute façon là... Je ne peux pas m'arrêter au milieu parce que de toute façon, il n'y a pas de route, il n'y a pas de voiture qui peut me récupérer, il n'y a pas d'assistance. Je vais au 200ème kilomètre, je m'arrête. Donc j'arrive au ravitaillement, on est en pleine nuit, 200ème kilomètre. Et là, je me dis, Cyril, c'est la fin, je vais commencer à boiter tellement j'avais mal au pied. De toute façon, ce n'était plus possible, un orteil sur un autre. Je me dis, bon, avant de dire que j'arrête, je vais aller dormir un peu parce que je n'en pouvais plus. j'avais dit à ma chérie avant la course si à un moment donné je serais dans la course je le sentais je vais t'appeler et je vais te dire que je vais arrêter parce que j'en ai marre et je vais te dire que je veux arrêter ce que j'attends de toi à ce moment là c'est que tu me dises bah non tu vas continuer donc j'appelle ma chérie je lui dis bah écoute voilà là je vais arrêter parce que j'en peux plus quelque part je pense que quand je l'appelle j'attends qu'elle me dise bah vas-y bouge toi et là elle me dit bon bah écoute ok t'as fait ce que t'as pu c'est bien je suis fier de toi et puis comme ça capte pas bien parce qu'on est en Italie juste après ça ça coupe Et là, je sais pas pourquoi... Le truc m'a gonflé. Il ne peut pas me dire d'arrêter, parce qu'en plus je lui avais dit de ne pas m'arrêter. Ça m'a énervé. Je ne sais pas si c'était de l'ego ou de la fierté personnelle. Je me dis, non mais attends, puisque c'est ça, je vais continuer exprès. Je me relance dans la course, puisque c'est comme ça. Je me relance dans la course et je me dis à ce moment-là, tu ne baisses pas les bras, ce n'est pas possible. Tu ne dois pas baisser les bras. Si tu dois arrêter, tu n'arrêteras que parce que c'est la course qui t'arrête. c'est-à-dire une barrière horaire. Et bizarrement, je reprends plein de messages de proches, « Allez Cyril, on est avec toi » , etc. Ça me redonne encore du bon mon cœur. Je pars un petit peu en pleurs en me disant « C'est quand même horrible » . Mais pour autant, je repars avec une énergie positive en me disant « Ok, il y a plein de choses à voir encore. Tu vas continuer, tu vas voir des belles choses et tu vas serrer les dents. » La souffrance, quand tu commences à l'avoir sur ce genre de choses, en fait, tu n'as pas d'autre choix que soit tu t'arrêtes parce que tu ne l'acceptes pas, soit tu l'acceptes et elle doit faire partie de ta course. Donc il faut apprendre. jusqu'à la fin de la course, à vivre avec et à l'oublier parce qu'elle fait partie de toi. Donc il faut qu'une souffrance, elle fasse partie de toi et que tu l'oublies. Et il y a une nuit, donc je crois que c'était peut-être la quatrième, dans la nuit je vois des petites lumières qui clignotent au loin. Et là je me dis mais c'est quoi ces petites lumières ? Ça va être à frontal, une branche, etc. Je continue un petit peu, je continue à avoir des lumières, au fond c'est bizarre ce truc. Et je me rends compte à ce moment-là, quand je sors d'une forêt, qu'en fait les lumières que je voyais, c'est en fait des orages, dans une vallée qui est à des dizaines de kilomètres, il doit y avoir des orages parce qu'il y a des éclairs. Et à chaque éclair qu'il y a, on devine le sommet de la chaîne qui est juste en face des montagnes et qui fait apparaître le sommet de par l'éclair. Donc tu le vois une ou deux secondes, puis ça s'éteint. Puis tu le vois une ou deux secondes et ça s'éteint. Et c'est juste magnifique de te dire qu'à un moment donné, on est dans la course, tu vois des choses aussi extraordinaires, qui sont liées aux conditions météo, qui ne te touchent pas directement. Et t'as mieux, je me suis dit à ce moment-là, je ne suis pas dans la mauvaise vallée, c'est cool. Pour autant, tu vois des trucs qui se passent, qui sont magiques au loin. 60e km donc on est on va dire sur la fin de la course au moins ce moment là quoi qu'il arrive dans ta tête tu as basculé dans il n'est pas question que je finisse pas pour autant Souffrance, donc tu te reposes quand même la question. Il n'est pas question de ne pas finir. Et de l'autre côté, il reste encore 30 kilomètres. 30 kilomètres annoncés. Il y en a peut-être encore pour des dizaines d'heures, avec la fatigue que j'ai. C'est la souffrance, là, depuis des heures. Je n'en peux plus, quoi. S'accrocher à la grosse montée qui tue, je pense que ça va aller. Et la descente finale, je crois qu'elle fait 15 ou 17 kilomètres. J'en ai pour des heures. Je vais me boiter comme un canard, ça va très bien. Je sais que vous êtes là, donc ça me donne du courage. Je vais aller faire le boulot, mais franchement, il n'y a pas trop de plaisir. C'est un peu galère, j'espère que je vais tenir bon. Je suis à un point de souffrance où je suis vraiment allé chercher loin, parce que tu vas chercher très loin. Et là, j'ai ma chérie qui me dit « Ah, écoute, je voulais te faire la surprise, parce que j'étais vraiment au fond. » Elle me dit « Ah, surprise, je serai à l'arrivée. » C'était la surprise, elle a fait le déplacement pour être à l'arrivée, je ne le savais pas. Pour le coup, ça me donnait beaucoup d'énergie de savoir que tu as quelqu'un qui t'attend à l'arrivée, ce n'est pas pareil que quand tu es arrivé, il n'y a personne. Et là, j'arrive au ravitaillement, me disant, ça y est, tu ne sais pas où tu es, c'est la nuit, tu es dans la montagne, il reste un col, ça y est, tu y es pour toi. Et la femme me dit en italien, elle me dit, bon ben voilà, il reste 310, donc sur le papier il reste 20 kilomètres, elle me dit, il reste 30 kilomètres. Et je repose la question en anglais, elle me dit pareil. je comprends pas je me dis c'est pas possible il écrit 330 km partout, on est au 310ème, il reste 20 km. Tu parles avec les autres concurrents, les autres concurrents pareil, ils te disent qu'ils ne comprennent pas. Enfin si, ils ont compris, en fait il y avait 10 km de plus. Donc cette année-là, en 2018, la course annoncée partout à 330, elle faisait 340. Et au lieu de faire 24 000 mètres, elle a fait 30 000 mètres de 10 niveaux. Donc là tu te décomposes et tu te dis que ce n'est pas possible. Et puis c'est horrible, parce que ces 10 km, tu ne les as pas dans la machine, mais il va falloir les mettre pour finir. Après, petite anecdote, parce que maintenant j'en parle mais ça me fait rire mais pas trop en fait. C'était les pâtes. Donc effectivement, rien à dire sur la quantité et la qualité des ravitaillements, c'était top, t'as de tout. Mais par contre, il y a les pâtes, le repas du sportif. Des pâtes le matin, des pâtes au midi, des pâtes à goûter, des pâtes le soir, des pâtes au réveil, on n'arrête pas les pâtes. On pourrait mettre un petit welsh, tu vois, un peu grassouillé, ça ferait du bien pour les lipides et tout ça. Ils n'ont pas compris les Italiens. Et puis t'as des ravitaillements, des fois, qui sont au milieu de nulle part, un petit temps, tu sais, les petites tentes de montagne, et tu t'arrêtes, tu te dis, je vais avoir comme d'habitude, et là, je me souviens, par exemple, un ravitaillement, t'as du cassoulet. La petite surprise d'un ravitaillement, où tu t'attends à avoir comme tous les ravitaillements, et puis là t'as du cassoulet, ou 50 km pour loin, il y a un truc un peu différent qui fait que tu retrouves des saveurs, parce que pendant des dizaines d'heures, manger les mêmes barres, manger les mêmes gels. Pas au bout d'un moment, mon petit takeur. Et puis, je pense que j'arrive dans la dernière nuit au dernier col. Quand c'est le dernier col, c'est le dernier col. Tu sais que celui-là, il est bon. Et j'arrive pile poil. J'arrive au lever du soleil. Et là, extraordinaire, dernier lever du soleil sur le dernier col, où tu es au plus haut. Donc, tu vois toute la chaîne, c'est magnifique. Et tu vois en contrebas, dans des pierriers, tous les autres concurrents qui sont assez espacés. Au milieu des pierres, tu as l'impression que c'est volcanique, presque. Et tu les vois dans des lacets qui montent dans l'ombre. Et toi, tu es déjà au soleil parce que tu prends les premiers rayons du soleil que toi tu as et eux en bas qui n'ont plus. Extraordinaire, tu te retournes, tu vois les couleurs rosées. du soleil qui commence à se lever sur la partie enneigée du côté des Alpes et du Mont Blanc, parce que du coup tu vois le Mont Blanc, si t'es rebasculé, tu vois le Mont Blanc. Et là, il te reste 20 km. 20 km, c'est que de la descente, ça remonte plus, tu sais que t'as que de la descente. Là, c'est marrant parce que c'est les 20 km peut-être qui seront les plus faciles. Je pense que psychologiquement, la souffrance, elle est derrière toi, tu sais que tu vas finir, normalement tu peux finir, il n'y a rien qui peut t'empêcher de finir, et physiquement, je sais pas comment ça se passe dans le corps, dans le cerveau toute la douleur que tu pouvais avoir sur tous tes muscles qui en peuvent plus tes articulations et tout, ta fatigue psychique psychologique, manque de sommeil tout disparaît et là t'es tellement content je pense de te dire que ça y est tu peux finir, donc plus aucune limite c'est ce que j'appelle un peu moi la sublimation c'est à dire que ton corps il répond à tout ce que tu veux faire tu poses le pied où tu veux, t'as plus de douleur tu vas à fond et là je retrouve mon américain du début avec sa chemise à carreau à ce moment là donc 150 heures plus tard Il avait toujours sa chemise derrière, je crois. Et là, il est un peu dingue, ce type. Parce qu'il courait pas forcément sur le sentier, sur les 20 kilomètres. Il courait comme dingue. Il courait dans les descentes, hors sentier. Il sautait, il se pétait les chevilles. Il sautait au-dessus des cailloux, etc. Là, tu te dis, je me sens bien, il n'est pas question que lui, il arrive avant moi. C'est complètement con. Et tu te dis, allez, on va se tirer la bourre. Et là, on commence les deux à se tirer la bourre pendant 10 kilomètres. 15 km, on se tire la bombe et on courait comme des débilos. Et jusqu'au bout de la course. Ou même dans la rue, en arrivant à Courmayer, on était toujours, sans exagérer, on devait être entre 15 et 17 km sur... Mais c'était du sprint à la fin. C'était du sprint. Qui passera devant l'autre ? Un coup c'est lui, un coup c'est moi. On a doublé je ne sais pas combien de concurrents sur la dernière partie qui était avant nous parce qu'ils étaient plutôt en mode on essaie de finir. et nous tous les deux. A ce moment-là, on est dans le mode, on se tire la bourre, alors que les mecs qui ont doublé, ils n'en pouvaient plus, ils boitaient, ils étaient tout ordu, et nous, rien, comme si on venait de partie. Ça, c'est le côté magique de la fin de course, où finalement, toute ton énergie, la pression qui retombe, etc., et tu profites de ton arrivée. Et puis je suis arrivé, il y avait ma chère qui m'attendait. Donc ça, c'était un bon moment. Allez, bonjour ! C'est moi ou quoi ? C'est moi ! C'est lui ! Allez, c'est la fin là ! Allez, allez, allez, chérie ! Allez ! Allez ! Regarde, les gens, ils t'applaudissent, chérie ! Il t'arrive. Je ne sais pas comment qualifier les mots, parce qu'ils me manquent. Forcément, c'est de la joie, c'est du bonheur. Parce que tu finis un truc que toi-même, tu ne sais même pas si tu pouvais le finir. Que sur le papier... De toute façon, ce n'est pas possible parce qu'il te faut beaucoup d'entraînement, parce que c'est réservé à l'élite, parce qu'il faut des conditions physiques extraordinaires. Et en fait, tu te rends compte que peut-être que la limite, la seule limite que tu as, c'est celle que tu te fixes dans la course. Et qu'il y a bien sûr du physique, il y a des conditions de la préparation, mais il y a aussi sur cette course-là, pour moi, je ne sais pas les trois quarts, mais pas loin. de psychologique, de je me bats contre moi-même, j'ai la force de dépasser mes limites, je veux aller au bout. Beaucoup de bonheur. Et voilà, je crois que j'ai versé quelques larmes, parce que tellement j'étais heureux, et quelque part, à un moment donné, la souffrance s'arrête, et puis tu arrives à... C'est l'accomplissement. C'est l'accomplissement d'un rêve, parce que moi, c'était un de mes rêves de se dire que je m'inscris au départ, juste pour la faire, pour essayer, et de te dire que de essayer, tu peux finir. Tu vas au bout de mois d'entraînement ou de mois de doute, ça te libère. C'était assez fort en émotions et puis je pense que ça m'a marqué pour longtemps. J'ai fait mon aventure. Voilà, après 142 heures, 24 minutes et 49 secondes, Cyril franchit donc la ligne d'arrivée de cette édition 2018 du Tord des Géants. Cette année-là, sur plus de 800 participants, seuls 534 athlètes, qu'on peut aussi appeler, vous en conviendrez, extraterrestres, seront finisheurs. Bravo Cyril. La clé peut-être, c'est de garder beaucoup d'humilité. Pour moi, c'est aussi se faire confiance. On peut faire beaucoup plus que ce qu'on se dit qu'on peut faire. Ça se joue à part en chose. Merci d'avoir suivi ce podcast, si cette aventure vous a plu n'hésitez pas à la partager et je vous dis à très vite pour de nouvelles histoires de sportifs.