- Speaker #0
Rencontre,
- Speaker #1
rupture,
- Speaker #0
joie, échec, transformation, bonheur. Tout commence par un déclic. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode. Vous écoutez le déclic d'Eva André. Salut Eva.
- Speaker #1
Salut.
- Speaker #0
Comment ça va ?
- Speaker #1
Ça va super et toi ?
- Speaker #0
Super, je suis ravie de te rencontrer. Alors à distance parce que tu nous parles je crois depuis Nice aujourd'hui.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. Je viens depuis Aspremont, c'est au-dessus de Nice, pour être très précise.
- Speaker #0
Donc Nice, c'est là où tu as grandi et où tu t'entraînes aujourd'hui. Pour te présenter, j'ai envie de parler de toi comme une femme qui a toujours été sportive. Pourtant, tu as commencé l'apnée seulement en 2017, il me semble, à l'âge de 20 ans. Et à ce moment-là, tu t'apprêtes à entrer dans une grande école de commerce en ville, loin du Sud, après deux années assez intenses, je crois, de classes préparatoires. Et puis très vite, il te manque quelque chose. Tu choisis donc de retourner près de chez toi pour suivre tes études, tout en restant près de ton terrain de jeu. la mer et tu peux ainsi continuer à pratiquer et à plonger. Aujourd'hui, tu as 27 ans et tu es athlète professionnelle, membre de l'équipe de France d'apnée profonde. Alors en octobre 2024, lors des championnats du monde, tu atteins les 90 mètres. Tu es la meilleure française dans ta discipline à ce moment-là et encore aujourd'hui, il me semble. Alors pour commencer, je vais revenir sur ce que je disais un peu plus tôt par rapport à ta pratique sportive. Tu as donc toujours fait beaucoup de sports et notamment des sports en extérieur où tu as toujours été au contact de la nature et particulièrement de l'eau. Est-ce que tu sais pourquoi tu es attiré ? par ces sports en particulier ?
- Speaker #1
Alors non, je ne sais pas vraiment. C'est quelque chose qui a toujours été assez instinctif. Je me suis toujours sentie très bien dans l'eau. C'est un élément que j'aime beaucoup, qui m'apaise beaucoup parce que j'ai tendance à être assez stressée, assez anxieuse. Et quand je rentre dans l'eau, je ralentis. Et depuis toujours, depuis petite, j'ai fait de la natation sportive, de la natation synchronisée. L'été, chez moi, il y a toujours une rivière. Une piscine dans laquelle on peut se jeter et c'est vrai que ça a toujours été un élan chez moi. L'envie de me baigner, de me mettre à l'eau, depuis toujours.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux revenir sur les autres sports ? Il y a eu l'eau, mais il y a la randonnée aussi, je crois, c'est ça ? Comment tu as découvert le sport, toi ?
- Speaker #1
J'habite dans une région où la randonnée est très accessible. J'ai aussi un attrait pour les animaux qui est très fort. Donc depuis toute petite, je voulais faire de l'équitation. Donc c'est des sports qui mettent très rapidement au contact de la nature. Donc voilà, c'est fait très naturellement et j'ai toujours comme ça baigné dans des sports de nature, dans des sports d'extérieur, au contact des animaux, de l'eau, de la forêt. Donc c'est quelque chose qui a toujours été très important pour moi et je retrouve un peu tout ça dans l'apnée.
- Speaker #0
Et alors justement l'apnée, comment est-ce que tu as découvert ce sport ?
- Speaker #1
Alors, c'est un garçon. Les gens aiment beaucoup cette histoire, mais oui. Alors, je faisais de la plongée bouteille. C'est ma mère qui m'a initiée à la plongée en bouteille. Je voulais passer mon niveau 2. Et j'ai atterri dans un club un peu par hasard qui faisait aussi de l'apnée. Et j'ai complètement flashé sur le moniteur d'apnée à l'époque, qui était très, très beau mec, et qui m'a proposé d'essayer l'apnée. Ce à quoi j'ai répondu, bah oui. Évidemment. Voilà. Sauf que moi, je n'y connaissais rien. Je ne savais pas du tout à quoi m'attendre. et j'ai trouvé ça fabuleux. La première descente que j'ai faite, ça a été une révélation. Je trouvais ça assez incroyable d'être au milieu de ce bleu, de flotter dans un environnement qui n'est pas le nôtre et paradoxalement de ne pas du tout me sentir étouffée ou ne pas du tout ressentir cette envie de respirer que j'aurais instinctivement associée à la pnée. Et donc ça a été à la fois une surprise et des sensations très agréables et à partir de là, c'était fini. Et j'ai attrapé le virus et j'y étais tous les jours.
- Speaker #0
Avant de parler davantage d'apnée, je me dis, on va peut-être revenir sur ce que je crois qu'il existe, différents types d'apnée. Tu parlais de bouteilles, tout ça. Est-ce que tu peux nous expliquer pour ceux et celles de ceux qui ne connaissent pas du tout ce sport, finalement ?
- Speaker #1
Alors, pour ce qui est de l'apnée, l'apnée, c'est plonger sans respirer. Et donc, effectivement, il y a plusieurs disciplines. La base de l'apnée telle qu'on la pratique aujourd'hui, c'est-à-dire qu'on est en pleine mer et il y a un câble lesté. Le long duquel on va descendre. Alors on peut descendre en se tractant avec les bras, on peut descendre avec une monopalme, comme moi je le fais, j'adore, on peut descendre avec des bipalmes, ou on peut descendre à la brasse. Donc voilà, il y a plusieurs disciplines comme ça, c'est ce qui s'appelle de manière générale le poids constant. On ne descend pas avec un plomb et on ne remonte pas avec un ballon d'air, comme dans le grand bleu. Et voilà, il y a d'autres disciplines qui sont un petit peu moins pratiquées aujourd'hui, qui sont plus de l'ordre du loisir, on les voit moins en compétition. Ça va être l'apnée à poids variable, où on va descendre avec un plomb, donc on va descendre beaucoup plus vite, on va économiser ses forces, donc ce sera beaucoup plus facile de descendre plus profond. Et puis l'apnée en eau limite, ce qui est la discipline du Grand Bleu, qui a fait connaître l'apnée, où on descend avec une grosse machine listée et on remonte avec un ballon d'air, ce qui permet de faire des apnées très profondes, qui donne lieu à des performances stratosphériques aussi, puisqu'on n'a pas d'efforts à faire. Mais donc du coup, c'est aussi un petit peu plus risqué, puisqu'on est dépendant de la technique. Il y a beaucoup de disciplines. Il y a l'apnée en piscine après. Mais moi, vraiment, mon truc, c'est l'apnée en mer.
- Speaker #0
Tu parlais de certaines disciplines, justement, dont la tienne, qui se pratiquaient en compétition. Est-ce que justement, quand tu as commencé l'apnée, c'était dans un but de compétition ?
- Speaker #1
Pas du tout, pas du tout. Je ne savais même pas qu'il y avait des compétitions d'apnée. En fait, la première fois que j'ai fait de l'apnée, je pensais que c'était... J'associais ça aux gens qui veulent explorer sous l'eau. En fait, j'ai rapproché ça de la plongée bouteille. Mais très vite, quand je me suis mise à l'eau et que j'ai commencé, j'avais un ordinateur de plongée déjà à l'époque qui me donnait mes profondeurs. Très vite, je suis quand même rentrée dans une logique chiffrée. La première fois, j'ai fait 15 mètres. Alors la fois d'après, j'avais envie d'en faire 16, puis 17, puis 18. Donc je ne suis pas de suite rentrée dans la compétition avec les autres, mais très vite, je suis rentrée dans la compétition chiffrée avec mes propres records personnels.
- Speaker #0
Et donc tu avais conscience que tu étais en train de performer ?
- Speaker #1
Je me suis rendue compte très vite que j'étais assez douée et que j'avais des facilités. Mais c'est peut-être au cours de la deuxième année où je me suis rendue compte que je commençais à atteindre des profondeurs assez impressionnantes pour mon niveau et pour l'ancienneté que j'avais dans le sport, on va dire. Et c'est vraiment en 2021 où je me suis rendue compte que j'avais fait les minimas pour rentrer en équipe de France. Un petit peu par hasard, je poursuivais moi-même cette quête de profondeur pour... pour battre mes propres records personnels. Et je me suis rendue compte que je pouvais prétendre à un niveau national puis international en 2021.
- Speaker #0
Donc je me dis qu'avant tout ça, tu n'imaginais souvent pas que tu pouvais être en fait une sportive de haut niveau. Comment t'imaginais du coup ton avenir plus jeune ?
- Speaker #1
Mais c'est vrai que ça a été une surprise. Ça a été une vraie surprise. Tu m'avais dit quand j'étais petite, oui Eva, toi tu seras sportive de haut niveau, je n'y aurais pas cru. En fait, mon rêve de gosse, c'était d'être vétérinaire. j'étais pas assez bonne à SVT, j'aurais jamais eu les concours pour rentrer à maison à l'fort donc très vite j'ai dû renoncer à ce rêve là j'ai fait une école de commerce et quand je suis rentrée en école de commerce là effectivement j'ai un peu déchanté parce que il n'y avait rien qui me faisait envie en fait derrière ces études le conseil ça m'attirait pas vraiment le marketing non plus, quand j'ai quitté l'école de commerce justement que je venais d'intégrer en 2000 c'était en 2017 je crois j'ai eu une phase un peu sombre où je ne savais plus du tout où j'allais aller et où je n'avais aucune perspective professionnelle. J'aurais pu faire à peu près ce que je voulais, j'étais quand même bonne, j'avais mes diplômes, mais j'étais perdue. Je n'imaginais pas vraiment d'avenir professionnel, c'était un petit peu triste à ce moment-là. Et donc, quand l'apnée est arrivée dans ma vie et que j'ai eu mon diplôme d'école de commerce, je me suis dit, bon, qu'est-ce que je fais ? Est-ce que je cherche un travail un peu conventionnel ou est-ce que je bifurque vers de la recherche de sponsors, un projet entrepreneurial ? Voilà, on va voir ce que ça donne. Ça m'a redonné un élan et ça m'a donné goût ensuite à l'entrepreneuriat sportif. Ça a été une double révélation.
- Speaker #0
Aujourd'hui, c'est quoi ton quotidien ? Comment tu t'entraînes ? Est-ce que c'est pareil tout au long de l'année ?
- Speaker #1
Non, c'est ça que j'aime bien, c'est que ça varie énormément d'un mois à l'autre. On va dire que tout ce qui va être la saison estivale qui, chez nous à Nice, on a de la chance, c'est très long, du mois d'avril jusqu'au mois de septembre, je plonge beaucoup. Je suis à l'eau 3-4 fois par semaine. Donc je prépare les championnats du monde qui en général ont lieu vers août, septembre et octobre. Et puis en hiver, ça va être de l'entraînement, on appelle ça de l'entraînement à sec, c'est-à-dire que je vais faire de la musculation, du vélo en apnée, c'est pas du vélo sous l'eau, les gens pensent que c'est du vélo sous l'eau, mais non, en fait je simule des conditions dans lesquelles mon corps va manquer d'oxygène, il va être en excès de CO2 justement pour habituer mon corps à fonctionner comme il le ferait sur une plongée profonde. Je vais faire de la course à pied, je vais faire de la montagne, je vais préparer mon corps de différentes manières pour qu'arrivé en avril-mai, je sois capable de retourner et de plonger profond avec des acquis et une musculature solide et adaptée.
- Speaker #0
Tu parles beaucoup du travail sur ton corps, mais est-ce que tu ne penses pas que dans l'apnée, c'est un peu un sport où on a des prédispositions physiques, où tu penses que vraiment tout le monde peut les travailler, ces aptitudes que tu as toi ?
- Speaker #1
Alors moi, je pense que tout le monde peut faire de l'apnée. Les grandes profondeurs ne sont pas accessibles à tout le monde parce qu'il faut des prédispositions physiques. Notamment, une principale, ça va être la rigidité de la cage thoracique. Parce que quand on plonge à 90 mètres de profondeur, il y a 10 barres de pression. Donc on ressent 10 fois la pression ressentie au niveau de la mer. Pour ça, il faut effectivement des prédispositions particulières qui peuvent être un petit peu travaillées. On peut s'étirer, on peut adapter son corps en y allant très progressivement. Mais je sais qu'il y a des gens qui sont particulièrement sensibles à cette pression. Et ça va être un frein dans leur progression. Ensuite, il va y avoir cette aisance sous l'eau. Et notamment l'aisance qui va consister à pouvoir faire passer ses oreilles, compenser la pression de ses oreilles. Il y a des apnéistes chez qui c'est très naturel. Moi, par exemple, vu que j'ai fait beaucoup de plongée bouteille, c'est des mécanismes chez moi qui étaient assez naturels. Donc, je n'ai pas eu trop de problèmes pour descendre jusqu'à 60 mètres. C'était assez instinctif. Et puis, il y a des gens qui, à 2-3 mètres, leurs oreilles bloquent. Donc ça je pense qu'effectivement il y a des petits désavantages physiques d'un individu à l'autre, mais ça se travaille et je pense que c'est un sport qui est beaucoup plus accessible qu'il n'en a l'air. Et pour ce qui est de retenir sa respiration, on en est tous capables. Avec un petit peu de préparation, un petit peu de calme ventilatoire, vous êtes tout à fait capables de faire des apnées de 1 minute, 32 minutes sans problème en une séance. Donc pour ça en tout cas il ne faut pas que ce soit un frein pour ceux qui ont envie d'essayer.
- Speaker #0
Je sais pas pourquoi, mais j'imagine quand tu parles des oreilles, même le fait de pas pouvoir respirer, un peu une sensation de douleur. Est-ce que toi, tu ressens de la douleur pendant l'effort ?
- Speaker #1
Non, jamais. En tout cas, pendant une plongée profonde, jamais. Alors, quand je m'entraîne à sec, effectivement, je vais chercher de l'inconfort. Quand je suis sur mon vélo d'appartement, je cherche de l'inconfort. Sous l'eau, une fois que je plonge profond, non, je ressens jamais de douleur. Et je pense que c'est pour ça que j'ai persévéré, parce que je suis un peu douillette. C'est pas trop mon truc, moi, de souffrir dans le sport. Tout ce qui est trail, marathon, ce serait impossible pour moi. En apnée, alors oui, il y a un petit peu d'inconfort, mais c'est très léger. Et c'est le fait qu'on soit sous l'eau, très détendu et préparé qui fait qu'on n'a pas du tout cette sensation d'étouffement qui pourrait faire peur à certaines personnes.
- Speaker #0
Est-ce que toi, justement, tu considères que c'est un sport dangereux, l'apnée ?
- Speaker #1
Alors, dangereux, c'est pas du tricot, c'est sûr. Mais on est très peu soumis à l'aléa, en fait. Par exemple, je pense que la haute montagne, c'est quelque chose qui fait moins peur, mais qui est beaucoup plus dangereux, parce qu'on est complètement tributaire de l'aléa. De la météo, d'une avalanche. En apnée, il y a très peu d'aléas. Donc, tous les risques qui sont présents, on a trouvé une solution pour les pallier. Par exemple, une syncope. Entre 20 et 30 mètres, on sait qu'on a des apnées de sécurité avec nous qui vont nous remonter. Une syncope en dessous des 30 mètres, on sait qu'on est attaché et qu'un contrepoids va nous remonter. Un œdème pulmonaire, on sait qu'on a une bouteille d'oxygène sur le bateau qui va permettre à l'apnée de mieux récupérer une fois qu'il est remonté. Donc tous ces risques-là, on les connaît et on a une solution technique et un protocole de sécurité pour chaque situation. Donc non, ce n'est pas un sport particulièrement dangereux. Moi, par exemple, j'ai fait du cheval pendant longtemps. J'ai eu beaucoup plus peur à cheval qu'en apnée.
- Speaker #0
En fait, il y a peut-être une différence aussi où à partir du moment où tu sais que tu fais un sport qui comporte des risques, tu prêtes plus attention aux risques. Alors que des fois, je ne sais pas si tu parlais de trail, tu pars courir tout seul dans la montagne, il y a des risques aussi, mais tu les appréhendes peut-être moins finalement.
- Speaker #1
C'est ça aussi. Oui, c'est ça. Ils sont un petit peu... On se dit, je vais courir, il ne peut rien m'arriver. Mais en fait, le mec qui va courir tout seul en montagne et qui se fait une cheville, ça comporte des risques aussi. Alors effectivement, c'est moins impressionnant, on va dire. La course en montagne, en termes de risques, les gens se disent « mon Dieu, mais ça fait peur » . C'est moins impressionnant que l'apnée, mais moi je pense qu'il y a tout autant de risques qu'en apnée.
- Speaker #0
Je voudrais revenir un peu sur les compétitions. Je me demande comment est-ce que tu décides de tes plongeons ? Est-ce que tu sais déjà en avance à quelle profondeur tu vas descendre ? Comment ça s'organise en fait ?
- Speaker #1
Alors ça va dépendre de l'entraînement en fait. Quand j'arrive sur place, par exemple quand je suis arrivée à Kalamata en Grèce, pour les championnats du monde CIMAS qui ont eu lieu en octobre. J'ai commencé doucement, j'ai fait 70 mètres pour m'acclimater sur place, parce que je sais que c'est une profondeur accessible. Et puis progressivement, j'ai grimpé, puis je suis arrivée jusqu'à 86 mètres, le dernier entraînement avant ma compétition. Donc on y va progressivement, on annonce, je vais voir l'organisateur, je dis voilà aujourd'hui je vais plonger à 86, donc il met le câble à 86, je ne peux pas aller plus bas. Et en fonction de comment se passe cet entraînement général, en fonction de mon état d'esprit, en fonction de ma dernière plongée, est-ce que j'étais détendue, est-ce que j'étais bien, est-ce que j'avais encore des réserves d'oxygène, est-ce que mes oreilles sont bien passées, en fonction de l'évaluation de tous ces paramètres techniques, je vais décider d'annoncer, ça va dépendre de l'état d'esprit aussi, c'est-à-dire est-ce que j'ai envie d'annoncer plus et de me challenger. Là pour moi le 90 c'était vraiment un challenge. Ou est-ce que je décide de faire quelque chose d'un peu plus conservateur pour arriver sur le câble un peu plus sereine et sécuriser une dixième place, une cinquième place ?
- Speaker #0
Tu parlais du challenge. Finalement, c'est quoi qui t'intéresse le plus ? C'est le challenge envers toi-même ou envers les autres qui font la compétition ?
- Speaker #1
Je pense qu'à partir du moment où on fait de la compétition, on a envie de se mesurer aux autres, forcément. Pour l'instant, on va dire que ce qui va me motiver, ça va être davantage me dépasser mes propres limites plutôt que de me comparer aux autres c'est à dire que moi quand on me dit est-ce que ton objectif un jour c'est d'être championne du monde je dis bah pas tellement moi mon objectif ça va être une profondeur qui va me faire rêver par exemple moi mon objectif mon prochain objectif c'est d'aller à 100 mètres et c'est plus ça qui me fait rêver qu'une place sur un podium parce qu'une place sur un podium ça dépend des autres ça dépend du niveau général et ça dépend pas que de moi donc je trouve que c'est un petit peu courir après une cible mouvante et ça peut être très compliqué à gérer mentalement Merci. Mon objectif, c'est d'aller me dépasser moi. Et puis si j'arrive à dépasser les autres, tant mieux. C'est chouette, mais ce n'est pas mon principal objectif.
- Speaker #0
Tu parlais de la gestion mentale. Justement, j'ai l'impression que dans l'apnée, le mental, c'est quand même très important. C'est une grande partie de ce sport. Comment tu l'entraînes ? Comment tu gères ton mental dans le sport ?
- Speaker #1
Alors effectivement, le mental, c'est presque 80% de la performance en apnée. et Quand on pense mental, les sportifs ont tendance à associer la force mentale à la capacité à supporter la douleur. Par exemple, je pense que les trailers, ils ont une force mentale dans le sens où ils sont capables de courir, courir, courir, d'avoir mal et de continuer malgré tout. En apnée, c'est tout l'inverse. C'est-à-dire que le mental, ça va être cette capacité à être bien et à être dans le plaisir malgré l'adversité. Et c'est ça qui fait qu'on arrive à plonger profond. C'est complètement l'opposé. des sports d'endurance et des sports où il faut un peu se rentrer dedans. J'ai plusieurs façons de le travailler. La première chose qui pour moi est essentielle, c'est de... d'essayer de prendre du plaisir à chaque fois que je suis sous l'eau. À chaque fois que je vais en mer, à chaque fois que je fais une plongée, j'essaye de me focaliser sur mon plaisir, sur les sensations positives. Et ça, au fur et à mesure de ma progression, sur le long terme, ça va créer des ponts dans mon cerveau entre apnée, mer, plaisir. Donc ça, c'est la première composante. Et la deuxième composante, elle va être un peu plus générale, je pense à tous les sports, ça va être la gestion du stress avant les compétitions. Et ça, ça se travaille avec un préparateur mental. C'est-à-dire quelles sont mes sources de motivation, quelles sont mes peurs, quelles sont mes ressources. Et tout ça, c'est un travail de fond que je fais avec mon préparateur mental à côté.
- Speaker #0
Je me dis que ça doit tellement t'aider au niveau perso aussi, parce que j'ai l'impression que ça t'encourage vraiment à te développer personnellement. Il y a une partie hyper introspection qui doit te servir au quotidien.
- Speaker #1
Ah complètement, moi je pense que là depuis que je fais ça, en trois ans, j'ai l'impression d'avoir pris dix ans de maturité. Parce que voilà, ça forge le caractère, ça permet de s'affirmer en tant qu'athlète, ça permet du coup de s'affirmer en tant que personne aussi, de prendre confiance en soi, parce que moi quand je suis sur un cap d'acné et que je remonte d'une plongée hyper profonde et hyper engagée, je me dis, mais si je suis capable de ça, je suis capable de tout après dans la vie, il n'y a plus rien qui peut me faire peur après ça. Bon, effectivement... Tout n'est pas transposable à la vie de tous les jours. Mais voilà, il y a quelque chose comme ça qui, des fois, on peut se dire « mais en fait, je suis invincible, je peux faire ça, je suis capable de tout » . Et effectivement, ça me sert énormément dans ma vie de tous les jours.
- Speaker #0
On va déjà arriver à la fin de cet épisode. C'est peut-être qu'est-ce qui s'appelle le déclic. J'aimerais que tu me donnes, toi, ta définition du déclic. Et si tu en as un que tu as vécu important, ton plus grand déclic peut-être, est-ce que tu pourrais nous le partager ?
- Speaker #1
Moi je pense que le déclic ça a été ma première plongée quand je suis... descendue, c'était même pas dans un club, c'était une bouée accrochée au large d'une plage et que je me suis retrouvée comme ça à 15 mètres entourée de petites castagnoles, c'est des tout petits poissons, c'est un peu comme des étourneaux en fait ça fait des nuages de castagnoles et je me suis retrouvée là, à un endroit où j'étais pas censée être et que j'ai senti un petit peu cette pression très légère qui s'exerçait sur ma cage thoracique et là je me suis dit mais c'est enfin le sport, la discipline qui va étancher ma soif d'eau je sais pas si... j'avais tellement tout le temps ce besoin d'être à l'eau, ce besoin d'être en contact avec l'élément ce besoin d'être en contact avec la nature et quand j'ai fait cette première plongée je me suis dit enfin un sport, quelque chose qui me qui me satisfait pleinement en fait j'ai aussi réalisé que j'habitais dans une région fabuleuse parce que cette plongée là et cette découverte là m'a donné de l'appétit pour après ... aller m'entraîner en montagne, aller marcher, aller courir, pour justement être davantage performante en plongée. Donc ça a été les dominos en fait, qui m'ont poussée à profiter pleinement de ma région, de la nature, de tout ce qu'elle avait à m'offrir, à m'apporter. Et ça m'a fait un bien fou de m'extraire un peu. Des études qui avaient été difficiles, de ce monde un peu virtuel dans lequel on est beaucoup aujourd'hui, surtout avec le monde du travail où tout passe par les ordinateurs et de me reconnecter en fait à la nature, à moi-même. Et ça a fait un tournant à 180 degrés dans ma vie.
- Speaker #0
T'as trouvé ta place finalement.
- Speaker #1
Ouais, j'ai trouvé ma place. J'ai trouvé ma place grâce à l'apnée et ça m'a ouvert la voie à tellement d'autres sports et un appétit particulier pour les sports d'extérieur. Un appétit particulier pour l'aventure aussi. Et je suis hyper reconnaissante de la vie pour ça.
- Speaker #0
Très chouette. On enregistre cet épisode en début d'année 2025. Alors, qu'est-ce qu'on peut te souhaiter justement pour cette année qui débute ?
- Speaker #1
Plein de plaisir en plongée. C'est super important et c'est le mot que j'ai envie de faire passer. C'est aimer ce que vous faites, essayer de prendre du plaisir quoi que vous fassiez. Et c'est ça qui fera que vous serez bon dans ce que vous faites, vraiment.
- Speaker #0
Super. Merci beaucoup Eva, et puis très bonne année à toi, alors plein de bonnes choses, et puis à très bientôt. Merci beaucoup, à bientôt.