- Speaker #0
Rencontre,
- Speaker #1
rupture,
- Speaker #0
joie, échec, transformation, bonheur. Tout commence par un déclic. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode, vous écoutez le déclic de Camille Test.
- Speaker #1
Salut Camille. Salut Manon, ça va ?
- Speaker #0
Ça va et toi ?
- Speaker #1
Ça va, bien merci.
- Speaker #0
Je suis trop contente de te rencontrer et de t'avoir sur ce podcast. Ce que je disais, ça fait bizarre de t'entendre dans mes oreilles parce que j'ai beaucoup écouté tes podcasts avant.
- Speaker #1
Ok, j'ai la même voix, ça va ? Oui,
- Speaker #0
ça va. Donc, je suis ravie. Pour te présenter rapidement à nos auditeurs et nos auditrices, Camille, tu as été journaliste en presse écrite et en radio. Une activité intense qui t'a mené, il y a quelques années, à un début de burn-out. Tu nous en reparleras dans cet épisode. À ce moment-là, tu as alors pris conscience de ton corps et de ce que tu ressentais avec ce corps et tu as choisi de changer de camp. et après avoir cessé d'écouter ce corps, tu as décidé d'avancer à ses côtés. Tout ça, ça t'a amené à des changements aussi bien perso que professionnels. Pour faire bref, car j'imagine que le cheminement est bien plus complexe que ça, tu es devenue professeure de yoga. À côté de cela, tu es aussi aujourd'hui podcasteuse et l'auteur du livre Politiser le bien-être. Le bien-être, le sport, ce sont donc des sujets qui te sont familiers et dont tu vas nous parler tout au long de cet épisode aujourd'hui. Avant, la première question que j'ai choisi de te poser, c'est la suivante. C'est quoi pour toi le sport ?
- Speaker #1
Wow, on part direct sur les questions philosophiques. C'est rigolo que tu dises ça parce que la première chose à laquelle j'ai pensé, c'est mon enfance. Moi, je viens de parents très sportifs. J'ai grandi à la montagne dans les Alpes et donc mes parents font de la rando, du trail, des trucs sur 4 jours. Ils ont toujours été très intenses. Et donc pour moi, le sport, quand j'étais petite, c'était vraiment une torture. Et donc quand tu m'as dit pour toi... C'est quoi le sport ? J'ai une sorte d'enfant intérieur qui a un peu émergé pour dire « Ah, c'est un enfer, ça, les cours d'EPS où on a l'impression d'être nul, enfin voilà, tout ça. » Donc je crois qu'à la base, c'est un peu un ennemi. Et puis, c'est devenu un ami ces dernières années parce que je me suis rendue compte qu'on pouvait un peu transformer la culture du sport. Moi, c'est vraiment ce que j'essaye de faire pour en faire un espace d'émancipation, de liberté et même en un sens, un outil. Moi, je travaille beaucoup avec des femmes notamment et un outil... féministes au service de l'empouvoirment, l'empuissancement, on appelle ça comme on veut.
- Speaker #0
Tu parlais donc du sport, ce que c'était pour toi à l'enfance, à l'adolescence, et ce qu'il est pour toi depuis quelques années. Mais avant, j'ai envie de savoir, ce moment où tu étais journaliste, ce moment où tu étais proche du burn-out, quel rapport tu avais avec le sport ? Est-ce que tu pratiquais ou tu avais vraiment mis ça de côté pendant plusieurs années ?
- Speaker #1
En fait, je pense que d'abord dans mes études, qui étaient des études plutôt en sciences sociales, j'ai fait un master, sciences po. donc Donc une culture très intellectuelle où ce qui est valorisé, c'est d'abord et avant toute chose la tête. Puis effectivement, dans mon métier de journaliste, là encore, ce qui est valorisé, c'est réfléchir, penser, créer avec sa tête. Mais finalement, le corps est relativement absent, voire même c'est valorisé. Dans le monde du journalisme, c'est très, très clair d'avoir une certaine forme de mépris pour ses considérations physiques. Le sommeil, par exemple, en fait, être épuisé et toujours un peu... Oui, c'est ça, au bord du burnout, c'est finalement quelque chose d'un peu valorisé. parce que c'est vous quelqu'un qui travaille bien, qui... qui fait passer le journalisme avant sa santé. Et pareil, dans le monde des médias, dans le monde du journalisme, en tout cas dans mon expérience, il y a beaucoup aussi ce truc un peu de l'ordre de « il faut être un vrai bonhomme » , et même les femmes. Et donc, ça veut dire, on picole, on mange de la viande rouge, il y a vraiment quelque chose de l'ordre de « nos scores, ils passent en second plan » . Et ça, ça se ressent forcément au bout d'un moment. Moi, je trouve que je l'ai ressenti vraiment très tôt, parce que déjà à 27 ans, je me suis dit « mais oh là là, en fait, je ne tiendrai jamais dans ce milieu-là » . Merci. En fait, mon corps s'est rappelé à moi, au bout d'un moment, en me disant « il va falloir que tu penses à moi maintenant » .
- Speaker #0
Et justement, pourquoi à ce moment-là, tu tournes vers le sport ? Est-ce que c'est la première chose que tu as faite ?
- Speaker #1
De me tourner vers le sport ? Oui. Je dirais que je me suis rendue compte que j'étais en train de me faire du mal. Et très vite, en fait, c'est très très cliché ce que je vais te raconter, mais quelqu'un m'a dit « vas-y, essaye le yoga » . au début j'ai levé les yeux au ciel en me disant mais qu'est-ce que... de quoi on parle, et puis il faut essayer quand même. Je pense que si on définit le yoga comme un sport, il y a plein de puristes qui vont vouloir, mais disons que la dimension physique du yoga peut se rapprocher quand même de certaines pratiques dansées, par exemple. Il peut y avoir... Ça peut se ressembler à du fitness, enfin voilà. Et donc oui, en fait, c'est en raccrochant d'abord avec la partie physique du yoga que je me suis sentie beaucoup mieux en poursuivant ça. Mais je pense aussi que c'est parce que c'était pas vu comme un sport. et que je pense que c'est aussi un espace dans lequel on est moins sur les performances. Le yoga, la culture dans le yoga, ce n'est pas du tout les performances. Au contraire, c'est comment est-ce que tu vas réussir à ressentir telle et telle posture, à la faire à ta manière, avec ton corps à toi. Et donc, on n'est pas du tout dans je dois faire exactement la même chose que le voisin ou la voisine sur le tapis à côté de moi.
- Speaker #0
Aujourd'hui, est-ce que tu pratiques d'autres sports ?
- Speaker #1
Oui, je fais beaucoup de courses à pied. Il se trouve que j'habite en zone rurale, donc j'ai une forêt juste à côté de chez moi. Je ne faisais pas du tout de courses à pied, je m'y suis mise. Notamment pendant l'écriture de mon bouquin, parce que j'avais besoin de me défouler et encore une fois de sortir de ma tête. Au début, j'étais vraiment extrêmement nulle. Ce qui était cool, parce que j'ai pu documenter mes progressions de courses à pied en étant totalement débutante. Et ça, c'est chouette. Comme je suis très active sur les réseaux sociaux, j'en ai beaucoup parlé. Et donc, il y a plein de personnes que ça a touché aussi. Je pense que les gens qui sont forts en course à pied depuis toujours, il faut comprendre que les nuls en course à pied, on est un peu traumatisés de l'EPS. Et on a vraiment ce rejet souvent de la course à pied, parce que c'est l'activité physique la plus violente pour les gens qui ne sont pas forcément à l'aise avec ça. Et donc, à l'âge adulte, se réapproprier cette pratique et prendre plaisir aussi à n'être pas très doué au départ, parce qu'on est débutant tout simplement. Dans cette pratique, c'est vraiment chouette. Maintenant, j'en fais tout le temps. Ça me fait un besoin fou. J'adore.
- Speaker #0
Tu prêches une convaincue. Il y a un épisode de ton podcast, Encore Heureux, qui s'appelle « Le sport peut-il changer notre vie ? » Qu'est-ce que tu répondrais à cette question ? Est-ce que tu dirais aujourd'hui que le sport a changé ta vie ?
- Speaker #1
L'activité physique, qui n'est pas forcément juste le sport, mais qui plus généralement est l'activité physique. Je pense que dans le sport, il y a cette notion de performance, de compétition parfois, que pour le coup, On a peut-être un peu trop de ça dans notre société. On est une société de la compétition, de la guerre de tous contre tous. Donc je pense que la partie compétition et performance, on s'en passerait bien. Mais par contre, tout ce qui peut nous servir à ressentir des choses chouettes dans nos corps, et c'est ça, le sport, ça vient aussi nous faire sécréter des hormones qui nous font du bien, mais aussi se réjouir d'une marge de progression, découvrir de nouvelles façons, de nouvelles postures dans certaines activités physiques. de nouvelles capacités aussi. C'est ça que je trouve formidable avec l'activité physique, c'est qu'on arrive à faire des choses avec nos corps qu'on ne savait pas faire deux mois avant. Et ça, oui, je pense que ça a changé ma vie parce que non seulement le plaisir brut que ça provoque, il est génial et je trouve qu'on est dans une société où on n'a pas assez de plaisir et que plus on a de plaisir, plus c'est chouette. De vrai plaisir, je ne parle pas de satisfaction immédiate du genre recevoir une notification sur ses réseaux sociaux, mais... D'autre part, et notamment quand on est une femme ou une personne minorisée, c'est-à-dire sujette à des dominations dans la société, je trouve que l'activité physique, ça peut être vraiment un outil au service de sa puissance, ça peut vraiment être un outil au service de se sentir non seulement plus fort et plus forte, mais aussi plus apte à poser des limites et à exiger des droits, à exiger du respect. C'est quelque chose que je dis pas mal dans mon livre, parce que j'ai interrogé beaucoup de personnes, et notamment des femmes, en leur disant « qu'est-ce qui a changé l'activité physique pour vous ? » Je pense notamment à une femme qui dit, moi, je travaille dans une entreprise où parfois je suis en réunion devant, je ne sais pas, 15 hommes blancs et une femme noire, et qui, comme ça, me faisait peur. Et en fait, le fait d'avoir développé ces capacités physiques me conduit à avoir beaucoup moins peur et à oser beaucoup plus prendre la parole. Et ça, je trouve ça dingue.
- Speaker #0
Tu parlais de ton livre qui s'appelle Politiser le bien-être et je reviens aussi à ce que tu disais avant la performance, pour toi la performance et forcément contraire au bien-être ?
- Speaker #1
Alors, pas du tout. Je pense simplement que dans la vie, tout est une question de mesure et qu'on est dans une société de la performance. Tu dois performer du matin au soir. Même ta routine du matin, il faut qu'elle soit performante. Ton petit-déj doit être performant. Ta manière d'aller au travail doit être performante. Tes relations sexuelles avec tes partenaires doivent être performantes. Ta manière d'élever tes enfants doit être performante. Et donc, du coup, j'ai l'impression que... Il y a de moins en moins d'espace où on peut se foutre un peu la paix et lâcher justement cette idée de performance. Alors que peut-être qu'à d'autres époques, la pratique sportive pouvait apporter cette notion de performance dans un endroit où on n'était pas saturé de performance. Là, au contraire, je trouve que des pratiques qui nous lâchent un peu la grappe sur ces sujets, c'est quand même intéressant, ça nous rééquilibre un petit peu en un sens.
- Speaker #0
Et tu as l'impression de l'avoir trouvé, toi, la solution justement pour te détacher de cette performance qui n'est pas forcément que sportive d'ailleurs ?
- Speaker #1
Je trouve qu'à force de dire aux gens, c'est vraiment mon motto, c'est foutez-vous la paix, foutez-vous la paix, je finis quand même par appliquer un peu mes propres conseils. Donc je dirais oui par certains aspects. La culture de cette sur-efficacité, de cette sur-performance, elle est tout le temps, partout, tout le temps, tout le temps, tout le temps autour de nous. Et donc ça demande une vigilance aussi permanente. Moi j'invite vraiment les gens à se dire, ok, aujourd'hui, dans ma journée que je viens de passer, où est-ce que je me suis mis une injonction de performance alors que franchement... que je sois compétent à fond, à 100% ou à 15% ou à 20% dans ma tâche. En vrai, tout le monde s'en fiche un peu.
- Speaker #0
S'écouter, c'est comme ce que tu disais tout à l'heure, écouter les signaux de son corps. Je voulais aussi revenir sur ça. Comment tu as appris, toi, à t'écouter et à interpréter les signaux de ton corps ? Et quels sont les signaux que tu ignorais avant ? Tu as parlé du sommeil tout à l'heure.
- Speaker #1
Clairement, le sommeil. Récemment, il y a quelques mois, j'ai vu... J'avais un peu des pertes de mémoire, c'était un moment de saturation cognitive très fort où je travaillais beaucoup trop pour le coup. Alors pas avec une injonction de performante, mais juste on m'a proposé plein de trucs intéressants et je les ai faits. Et là j'ai vu que je commençais à perdre la mémoire, à perdre mes mots et tout, je me suis dit oula, t'as besoin de repos. Je pense la question du souffle aussi. Moi j'ai tendance à bloquer très fort ma respiration dans à peu près toutes les situations un peu stressantes. Je vois que ça fait trois jours que je respire hyper mal, là je me dis, il y a un petit souci. C'est con, mais c'est des signes comme ça.
- Speaker #0
Et c'est ce qui aide à prendre conscience de son corps aussi. Et on ne s'en rend pas forcément compte, tu parlais du souffle. Je pense aussi, je le dis alors que je suis très mal placée, mais le débit de parole, ça peut aussi vouloir dire beaucoup. Quand tu parles très vite, c'est que tu es stress-pied, peut-être trop aussi. c'est des choses comme ça
- Speaker #1
Oui, et je pense que c'est intéressant aussi de se dire que nos corps sont incroyables. Ils sont capables de changer le débit de parole. Oui, parfois tu es stressé, tu as une grosse journée, tu as des trucs à faire. Là, ton corps va se mettre en mode super actif. En fait, c'est ton système nerveux qui va s'activer. Mais du coup, est-ce qu'il n'y a pas d'autres moments où on a besoin qu'ils prennent un peu le pendant de ça et d'être plus dans une phase de ralentissement, de repos ? Et on est dans une société qui ne valorise pas tant ce ralentissement et ce repos. Et par ailleurs, non seulement qu'ils ne le valorisent pas tant, mais qu'il y a aussi, pour certaines personnes, ce repos n'est pas possible. Vous êtes une mère célibataire et vous faites un métier précaire, vous avez deux heures de transport le matin, deux heures le soir. Quand est-ce que vous pouvez vous reposer ? En réalité, vous ne pouvez pas. Donc pour moi, il y a aussi un enjeu de justice sociale, vraiment, à trouver le repos et à créer une société qui permet le repos pour tout le monde, et pas seulement pour certaines personnes.
- Speaker #0
On parlait de conscience en son corps. C'est aussi très attaché à la notion de sport, c'est accepter son corps. Est-ce que toi, du coup, qui as conscience de ton corps, tu dirais que t'acceptes ton corps et que t'es ok avec ton corps aujourd'hui ? Pareil, parce qu'il y a aussi toutes ces idées de performance, tout ça, qu'il faut mettre de côté, t'apprends à le faire. T'en es où, toi ?
- Speaker #1
C'est vrai qu'en tant que femme, je trouve qu'on a une injonction supplémentaire, c'est que non seulement on doit être performante en sport, mais en plus on doit avoir un corps très très normé. Et ça, je trouve que ça évolue un peu, mais pas tant que ça. Moi, j'évolue dans des milieux. de gens qui se lâchent et qui, encore une fois, qui se foutent la paix sur leur corps. Il n'y a personne autour de moi, y compris mes parents, mes proches, mes amis, qui font des remarques, par exemple, sur les formes de corps, qui se plaignent d'avoir grossi, maigri, vieilli, etc. Je crois que tout le monde a un peu compris que tout ça, c'était des injonctions qui étaient délétères pour tout le monde. Et donc, du coup, oui, je me sens très, très en paix avec mon corps. Mais c'est aussi parce que je suis entourée de gens qui sont en paix avec leur corps. Et ça, vraiment, je trouve ça important de le dire parce que, encore une fois, il peut y avoir cette injonction à être en paix avec son corps. Mais si, en fait, vous êtes, je ne sais pas, vous travaillez dans une entreprise où, par exemple, vous êtes une femme et toutes les femmes sont extrêmement jeunes, extrêmement minces, passent leur temps à parler de nutrition, de régime, et que, par ailleurs, quand vous allez dans la rue, vous passez devant des publicités de femmes très minces, enfin voilà. Je pense qu'on a tous et toutes un rôle à jouer pour... changer nos façons de parler de ces sujets, voire d'arrêter de parler de nos corps. Ce n'est pas si intéressant en réalité.
- Speaker #0
Qu'est-ce que tu penses du... Je ne sais pas si c'est vraiment un mantra, je ne sais pas trop comment l'appeler, mais de la phrase « devenir la meilleure version de soi-même » .
- Speaker #1
Pour moi, cette quête de la meilleure version de moi-même, avec en creux l'idée que si on est la meilleure version de nous-mêmes, on est plus heureux que si on ne l'est pas, c'est une arnaque. J'ai l'impression que moins on jouera ce jeu-là, plus on sera la version qu'on est comme ça, et puis c'est bien. et plus on dégagera du temps pour vraiment s'atteler à transformer la société pour la rendre plus épanouissante pour tout le monde.
- Speaker #0
En fait, la question, c'est peut-être plutôt se poser la question pourquoi je veux devenir la meilleure version de moi-même ? Est-ce que c'est perso ? Est-ce que c'est par rapport aux autres ? C'est peut-être ça aussi la vraie question.
- Speaker #1
C'est une très bonne question et je pense que quand on la pose souvent, les gens vont vous répondre parce que c'est mieux. Pourquoi c'est mieux ? C'est un peu comme si c'était le sens de la vie. Il faut comprendre que c'est le sens de la vie maintenant, en 2024, dans une culture donnée, en Occident, en France, par exemple. Mais vous faites un voyage dans le temps, vous allez en 1730 au Japon, est-ce que les gens sont en train d'essayer de devenir la meilleure version d'eux-mêmes ? Je n'ai pas la réponse, mais ce que je veux dire, c'est qu'encore une fois, nos ambitions et ce qui guide nos vies, il faut forcément les remettre dans un contexte et se demander, est-ce que c'est une bonne idée ? Est-ce que ça me fait vraiment du bien ou est-ce que je ne suis pas en train de m'imposer une espèce d'injonction qui en réalité est un peu délétère pour tout le monde ?
- Speaker #0
C'est quoi pour toi du coup finalement le bien-être ? C'est ton sujet, mais du coup avec tout ça, comment on le définit le bien-être ?
- Speaker #1
Le bien-être tel qu'il est défini, c'est un équilibre global, c'est-à-dire qu'il y a à la fois physique, émotionnel, même spirituel, relationnel. Je pense qu'on a une espèce de croyance sur le bien-être qui est que le bien-être, il est... le fruit non seulement de choix mais de pratiques individuelles. Et on laisse de côté le fait que le bien-être, c'est aussi quelque chose qui se nourrit à travers le groupe. On n'est pas des êtres... indépendants les uns des autres, on est des organismes en quelque sorte, nous les humains, enfin on est aussi en interdépendance constante avec le reste du vivant, les animaux, les plantes, etc. Si moi par exemple je passe mon temps à essayer de m'auto-optimiser au maximum et à penser mon bien-être de façon individuelle au maximum mais que je ne pense pas le bien-être des autres autour de moi, ça ne va jamais marcher en fait. Et donc pour moi, il y a quelque chose vraiment de l'ordre de si vous voulez vraiment travailler sur votre bien-être, travaillez aussi sur celui des autres.
- Speaker #0
Concrètement ? Est-ce que tu as réussi, avec ton travail pour le livre, à identifier ce qu'étaient les composantes du bien-être ?
- Speaker #1
En fait, j'ai envie juste les gens à se décentrer un petit peu de ce qu'on veut nous faire croire comme étant les recettes du bien-être, les dix trucs pour aller mieux. Je pense vraiment qu'on se fourvoie en laissant de côté une sorte de compréhension sociale et politique du monde autour de nous. On est des individus fondamentalement sociaux et on vit fondamentalement dans un écosystème sur lequel il faut travailler autant qu'on travaille sur nous-mêmes. Je ne sais pas si tu vois ce que je veux dire.
- Speaker #0
Mais du coup, je me demande, est-ce que toi, t'es passée par cette période où t'as justement la nutrition, les compléments alimentaires, peut-être la méditation, tout ça, c'était ta définition du bien-être aussi ? Ou c'est ton expérience qui t'a amenée à faire ces travaux-là ? Je sais pas si ma question est claire.
- Speaker #1
Oui, c'est très très clair. Oui, je pense que j'ai eu une phase où j'ai cru que je pouvais m'auto-optimiser, très clairement. Je pense que j'ai eu une phase où j'ai cru qu'il suffirait, que j'ai la parfaite morning routine. Que je fasse du journaling, comme on dit parfois, de la méditation, bien manger, faire assez de sport pour m'auto-optimiser. Mais en fait, ça ne veut rien dire, encore une fois. Mais preuve en est que les gens qui font ça à un point parfois, je ne sais pas, presque un peu obsessionnel, on le voit beaucoup avec certains influenceurs, influenceuses sur les réseaux sociaux. Souvent, en vrai, c'est pour nous vendre des trucs à la fin. Je ne pense pas que ça rende les gens particulièrement heureux. Mais par contre, pour moi, il y a quelque chose de l'ordre d'une espèce de... Perte de temps et d'énergie à réfléchir à ce point-là, à des sujets qui nous dépassent un petit peu. Je peux te donner un exemple plus concret. En ce moment, il y a une passion au cortisol, le cortisol, l'hormone du stress. Alors on va essayer d'optimiser notre cortisol en faisant du sport, en changeant notre alimentation, en dormant différemment. Il y a tout un tas de choses, souvent ça va nous coûter cher parce qu'il va falloir acheter tel produit pour régler notre cortisol. Bref, en fait, dans une société très fatigante... avec des injonctions à la performance, on en parlait tout à l'heure, continue, votre taux de cortisol, bonne chance pour le réguler, il ne va jamais se réguler. Parce qu'on est dans une société stressante, donc travaillons sur pourquoi cette société est stressante.
- Speaker #0
Et qu'est-ce que tu penses alors du fameux lâcher prise ?
- Speaker #1
C'est comme tout. Finalement, lâcher prise, c'est un peu comme quand je te disais tout à l'heure, j'aime bien dire aux gens, foutez-vous la paix. Mais si lâcher prise, c'est l'injonction à... Ne pas se préoccuper de quoi que ce soit. Si ce que ça veut dire, c'est, je sais pas, la planète brûle autour de vous, changement climatique, lâchez prise, c'est pas grave, respirez, ne vous préoccupez pas du monde autour de vous, pour moi, c'est une expression qui est délétère et qui est nocive, donc ça dépend vraiment. Moi, je pense, lâchez un peu vous et concentrez-vous un peu sur ce qui est un peu plus grand que vous, tu vois ? S'il y avait un peu une sorte de guideline pour aller mieux, j'ai l'impression que ce serait ça.
- Speaker #0
Est-ce que tu penses qu'aujourd'hui tu as trouvé ton équilibre dans tout ça ?
- Speaker #1
En fait, j'ai l'impression qu'encore une fois, tu vois, trouver son équilibre, c'est presque une injonction. C'est-à-dire que oui, je trouve que je fais des choses qui m'intéressent dans la vie, je fais un métier qui m'intéresse, je travaille avec des gens intéressants, j'ai le temps de faire du sport, j'ai le temps de faire plein de choses. J'habite en zone rurale, donc j'ai accès aussi à de l'air relativement pur. Donc en un sens, oui, tout ça, ça contribue à mon équilibre. Moi, si mon équilibre, je l'ai trouvé toute seule, à quoi bon, en fait ? C'est pour ça que ça m'intéresse aussi de réfléchir. Moi, ça ne m'amuse pas d'avoir trouvé mon équilibre dans un monde où j'ouvre l'actu et je vois que le Proche-Orient est en train de cramer, que la planète est en train de cramer. Ce n'est pas mon équilibre, il dépend de ça aussi. Donc non, je n'ai pas trouvé mon équilibre, parce que quand je regarde l'actu, ça me déséquilibre. Alors les gens, les conseillers en développement personnel, vous disant, alors coupez les médias, coupez l'actu. Mais moi, c'est pas ma... Je pense que mon éthique, elle est plutôt dans l'autre sens. Elle est plutôt de dire, OK, bon, allez, organisons-nous pour faire en sorte que les horreurs qu'on voit à la télévision cessent.
- Speaker #0
Oui, c'est ce que j'allais dire. Finalement, peut-être utiliser tous ces outils qui t'aident à te sentir bien pour faire quelque chose de quelqu'un d'aligné, d'équilibré, même si c'est des mots qui peuvent être compris à plusieurs sens. Et du coup, être en capacité d'agir aussi pour changer les choses.
- Speaker #1
Oui, bien sûr, je suis d'accord avec toi. Je pense qu'effectivement, et ça, c'est un sujet qui m'occupe beaucoup quand on veut faire changer les choses. Parfois on est tellement happé par cette envie de faire changer les choses qu'on peut aussi se brûler. C'est quand on parle de burn-out professionnel, on peut aussi parler de burn-out militant. Oui, bien sûr. Donc évidemment, il y a un équilibre à trouver. Effectivement, dans tout ce que je te raconte depuis tout à l'heure, je ne veux pas que ce soit entendu comme prendre soin de soi ne sert à rien. je veux plutôt que ce soit entendu comme Dans une certaine mesure, prendre soin de soi sert, mais cette obsession qu'on a de l'optimisation du soin de soi, à mon sens, est totalement contre-productif et nous détourne des causes réelles de nos problèmes, qui sont des causes très souvent sociales, dans la façon dont la société est structurée, etc.
- Speaker #0
on arrive déjà à la fin de cet épisode merci beaucoup pour ton partage et ton regard un peu différent sur le bien-être le sport tout ça c'est pas de cas qu'il s'appelle le déclic si toi tu devais nous citer un déclic que t'as eu Qu'est-ce que ce serait ?
- Speaker #1
Je pense que la première fois que j'ai fait du yoga, j'ai renoué avec ce qu'on fait avec nos corps quand on est enfant, c'est-à-dire un peu tout et n'importe quoi, c'est-à-dire jouer, faire des trucs rigolos avec nos bras, avec nos jambes, essayer des postures qui n'ont pas de sens, juste pour le plaisir d'expérimenter des choses avec le corps. C'est une sorte de jeu. J'ai renoué avec une façon de jouer avec mon corps. Et ça, c'est un plaisir immense. et je trouve qu'en tant qu'adulte, on nous donne pas trop ça. Et notamment quand on est des femmes, c'est peut-être un peu différent. Quand on est des hommes, on est peut-être plus socialisés, plus facilement à aller faire, je sais pas, par exemple, des sports qui impliquent du jeu.
- Speaker #0
Plus le loisir, on va dire.
- Speaker #1
Oui, voilà, le loisir. Nous, c'est vrai que les femmes, le corps, il sert surtout beaucoup à... à faire du sport pour maigrir, à être belle, on parle souvent dans le féminisme de corps-objet, à être un bel objet de décoration pour le regard masculin. Et donc renouer avec ce jeu dans le corps, pour moi ça a été un vrai déclic et que je pense que je ne perdrai jamais parce que c'est devenu vraiment l'une des choses qui guide ma vie et mes pratiques au quotidien.
- Speaker #0
Et justement je me dis le fait de repartir de pratiquer avec des yeux d'enfant ça t'enlève un peu toutes ces injonctions tous les problèmes dont on parlait aussi tout ce stress Et ça te... Enfin, t'as un regard plus... Peut-être pur ou je sais pas, ou...
- Speaker #1
Bah oui, oui, effectivement, je trouve que aller dans la pratique physique pour le plaisir du jeu et de l'expérimentation et de la créativité, justement avec aucune injonction d'autre que d'explorer ce qui nous fait marrer, quoi, en gros, je trouve que c'est une excellente raison d'être sur Terre. Je pense que parmi les choses, tu vois, sur mon lit de mort, peut-être de vieilles personnes si j'ai de la chance. C'est vraiment l'une des choses que je retiendrais, c'est que tu t'es bien marrée.
- Speaker #0
C'est un beau message pour finir cet épisode. Est-ce que tu peux nous dire où est-ce qu'on peut te suivre ?
- Speaker #1
Oui, sur Instagram, at camille-du-batteste, T-E-S-T-E. Et mon podcast s'appelle Encore Heureux Podcast, qui peut s'écouter sur toutes les plateformes de podcasts. Et si vous voulez bien faire des retraits de yoga avec moi, circe.life.
- Speaker #0
Super, merci beaucoup Camille. Merci.
- Speaker #1
A bientôt. A bientôt.
- Speaker #0
Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager et à en parler autour de vous.
- Speaker #1
Qui sait,
- Speaker #0
il n'est peut-être pas si loin ce déclic.