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Le déclic de Justine Mettraux (navigatrice professionnelle) cover
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ADN D'ATHLÈTE, l'esprit sport

Le déclic de Justine Mettraux (navigatrice professionnelle)

Le déclic de Justine Mettraux (navigatrice professionnelle)

20min |04/09/2024|

1980

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Le déclic de Justine Mettraux (navigatrice professionnelle)

Le déclic de Justine Mettraux (navigatrice professionnelle)

20min |04/09/2024|

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Description

"L’accident peut arriver à n’importe qui, n’importe quand". En cette rentrée, je vous propose de prendre un peu l’air… Ou plutôt, un bon bol d’air marin. Dans ce nouvel épisode du déclic, je vous emmène à la rencontre de la navigatrice Justine Mettraux. Vous l’avez peut-être déjà entendu dans un épisode de l’Aventure, dans lequel elle nous racontait sa traversée de l’Atlantique lors de la Transat Jacques Vabre. Alors qu’elle s’apprête à participer au Vendée Globe cet hiver, Justine nous raconte son histoire et ses débuts avec la voile. Elle nous parle aussi de sa vision du sport ou encore, de son rapport à la solitude comme à la compétition… 


📲💻 Retrouvez Justine Mettraux sur Instagram et Facebook !


💡⚡✨ Le déclic est une série du podcast Conseil Sport de DECATHLON. Un échange avec des invité·es où l’on parle voyages, rencontres, ruptures, joies, échec… En bref, de transformations. Des parcours de vie inspirants qui ont tous commencé par un déclic. Ce format vous est proposé par Manon, journaliste et sportive passionnée.


🎧🗣 Cet épisode vous a plu ? Parlez-en et partagez-le autour de vous ! Qui sait… Vous tomberez peut-être, vous aussi, sur un déclic.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre, rupture, joie, échec, transformation, bonheur. Tout commence par un déclic. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode. Vous écoutez le déclic de Justine Métro. Bonjour Justine.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie que tu m'accueilles ici à Lorient. Alors pour te présenter, Justine, tu es née en Suisse et c'est là-bas que tu as fait tes premières sorties voile sur le lac Léman avec ta famille. À ce moment-là, tu ne sais pas encore, mais c'est le début d'une grande aventure pour toi avec la voile. En grandissant, tu continues d'apprendre à naviguer et tu découvres la course en mer au large. Tu fais tes premières courses nautiques à l'âge de 16 ans, notamment le Tour de France à la voile. Aujourd'hui, tu es navigatrice, skipeuse et tu es entre autres été la première femme à monter sur la deuxième marge du classement général en série de la Mini Transat en 2013. Et c'était ton premier podium sur une grande course. Puis après, tout s'est un peu enchaîné. Tu termines sixième de la Volvo Ocean Race avec un équipage 100% féminin. Tu as également participé à plusieurs solitaires du Figaro et tu finiras sur l'une d'entre elles en septième position. Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi la Transat Jacques Vabre que tu feras plusieurs fois et tu nous en parles aussi dans des épisodes de l'aventure sur ce podcast. Il y a également The Ocean Race et puis la Route du Rhum en 2002, entre autres. En plus de tout ça, Justine, tu es aussi une sportive engagée. Tout d'abord pour la défense de l'environnement, mais aussi pour l'équité entre les hommes et les femmes, notamment dans ton sport. Et quand je dis engagé, c'est que tu n'hésites pas à prendre la parole sur ces sujets. Bref, tu as tant de choses à nous dire et à nous raconter à propos de tout ça. Et pour commencer, j'ai envie de te demander, qu'est-ce qui t'apporte le plus finalement ? C'est la mer, l'océan ou le sport ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est vraiment un tout. C'est vrai que dans la course au large, on a la chance de pouvoir faire de la compétition, mais vraiment dans un cadre assez exceptionnel, vraiment au contact de la nature. Et pour moi, c'est aussi vraiment un côté important dans notre sport. La course au large, ça demande plein de compétences différentes. On a toujours l'impression de pouvoir progresser. Il y a plein de courses différentes, il y a plein de bateaux différents. On peut naviguer tout seul, à deux, à vingt. Donc voilà, c'est hyper varié. C'est ce qui fait aussi que ça me plaît, parce qu'on a l'impression de toujours pouvoir continuer à progresser, qu'il y a toujours plein de choses à apprendre.

  • Speaker #0

    Et du coup, est-ce que ça fait que tu considères la voile vraiment comme un sport ou plus encore, est-ce que c'est carrément un mode de vie ou je ne sais pas comment tu apportes ça ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être un mode de vie. Après, c'est vrai que moi, je le vois vraiment comme un sport. Après, c'est un sport qui n'est pas lié uniquement à la performance physique comme ça peut être le cas dans d'autres sports. Il y a le côté de la stratégie, de pouvoir prendre les meilleures options météo. Il y a tout le côté gestion de soi sur la durée quand on est pendant longtemps en mer, le côté mental qui est aussi important. C'est vraiment assez complet comme sport et bien sûr qu'il y a aussi un côté... physiques parce que nos bateaux demandent quand même beaucoup d'énergie pour être manœuvrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu arrives à dire ce qui fait que tu te sens aussi bien en mer ou sur ton bateau ?

  • Speaker #1

    On a la chance de se retrouver parfois un peu au milieu de nulle part, à des heures un peu improbables et ça nous permet de vivre des choses assez exceptionnelles, de voir des super beaux levées, coucher de soleil, d'essayer d'aller, d'avoir vraiment une connexion avec l'élément parce qu'on se retrouve parfois un peu isolé justement en pleine mer et c'est chouette de pouvoir vivre ça.

  • Speaker #0

    Et c'est en même temps une dimension particulière parce que, donc tu disais c'est quand même un sport, toi tu en fais en plus au niveau compétition, quand on fait de la compétition, si je pense par exemple à l'athlétisme, on peut quasiment tout anticiper, ce qui va se passer le jour J sur son corps, tout ça. Toi tu peux pas, parce qu'il y a aussi des éléments en fait, c'est la nature, comment tu l'appréhendes ça ?

  • Speaker #1

    Ça fait vraiment partie du jeu, on sait qu'il y a des aspects qu'on peut contrôler, et puis il y a des aspects qu'on contrôle pas, on contrôle pas la météo et l'évolution du temps, mais par contre on va contrôler la manière dont on va réagir par rapport à... La météo, on ne contrôle pas la course que font les autres, on ne contrôle pas certains aléas qui pourraient nous arriver, certaines casses mécaniques ou des collisions qu'on pourrait avoir avec des choses qu'on ne peut pas voir dans l'eau. Donc voilà, il y a quand même une part un peu d'imprévu qu'il faut accepter, ça fait partie du jeu.

  • Speaker #0

    Et du coup, c'est quoi la plus grosse partie de préparation ? C'est plus sur le bateau, c'est physique, c'est mental ?

  • Speaker #1

    Il y a un peu de tout. Alors c'est vrai qu'il y a une grosse partie de préparation technique sur nos bateaux. Donc moi je prépare le prochain Vendée Globe en IMOCA. C'est des bateaux qui sont vraiment assez complexes, qui ont beaucoup d'électronique, qui ont de l'hydraulique. Il y a plein de pièces mécaniques. Typiquement, on est à la fin du mois de mars, on sort d'une longue période de chantier d'hiver. Le bateau, pendant trois mois, il est aux mains de l'équipe technique. Donc il y a 6-8 personnes pendant cette période-là qui travaillent à 100% sur le bateau pour tout contrôler, faire toute la maintenance, faire les évolutions aussi qu'il faut pour essayer de rendre le bateau encore un peu plus performant. Toutes ces heures-là, elles sont vraiment nécessaires juste pour que le bateau puisse faire les courses et terminer en bon état. Donc ça, c'est quand même une partie hyper importante. Et puis après, plus de mon côté, il y a une partie préparation physique, préparation mentale. Avant les courses, on fait des entraînements aussi contre d'autres bateaux ou avec d'autres bateaux pour pouvoir se mettre en situation, pour pouvoir progresser, trouver les meilleurs réglages sur le bateau. Ça, c'est aussi une partie importante du travail qui est fait en amont des courses.

  • Speaker #0

    Et toi, de toute façon, tu baignes dedans depuis que tu es toute petite, mais j'ai l'impression que c'est quand même un sport peut-être que je me trompe, mais dont il est difficile Est-ce que c'est une fausse idée ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est une fausse idée parce qu'il y a plein d'exemples de navigateurs ou navigatrices professionnels qui ont commencé assez tard, au final à peu près à une vingtaine d'années, qui ont vu parfois des arrivées de course à certains endroits et qui se sont dit « Ah mais en fait ça a l'air top, je vais me mettre à apprendre à naviguer, suivre les formations aux différentes écoles de voile qui existent. » On pense notamment aux glénans qui sont très présents sur les côtes françaises. Voilà qui commence par ça, par la formation juste de l'apprentissage de la navigation, de pouvoir mener un bateau en mer avant de passer à l'étape de la course. Après c'est vrai qu'il y a aussi pas mal de marins qui ont grandi dans des familles où il y avait un bateau, qui ont voyagé avec leurs parents, qui ont fait des croisières avec leurs parents et ça, ça leur a mis un pied dans le sport avant de poursuivre de leur côté en dériveur et puis de continuer de progresser après.

  • Speaker #0

    Ce qui vient de l'enfance, c'est plus la culture du sport que la pratique. Enfin la pratique s'apprend, la culture tu l'as un peu plus naturellement peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais, oui, je pense qu'il y a une... une culture peut-être un peu de la voile et bien sûr plus sur les côtes ou plus proche des lacs comme moi j'ai grandi au bord du lac Léman mais c'est peut-être culture de la voile c'est le fait de passer du temps sur l'eau, de passer du temps dehors d'avoir vraiment ce contact avec la nature en tout cas pour moi ça a été quelque chose d'important dans mon enfance et qui m'a donné aussi envie après de continuer à naviguer pour moi

  • Speaker #0

    Je te demandais quelle a été ta plus grosse galère en mer est-ce que tu saurais me répondre ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a eu quelques-unes. C'est vrai que quand on regarde les carrières de marins et guéris, tout le monde a eu un peu ces moments durs. Moi, j'en ai deux qui me viennent à l'esprit. Il y a eu en 2021 sur la Transat Jacques Vabre, on dématte avec mon coéquipier Simon Fischer. Heureusement, on dématte vraiment pas loin des côtes espagnoles. Donc, ça prend du temps de libérer le gréement, d'essayer de récupérer ce qu'on peut. C'est une grosse déception parce que quand le maïtombe, ce n'est pas quelque chose qu'on peut réparer. On sait que la course, elle est finie. C'est un aléa, mais ce n'est pas quelque chose qu'on va pouvoir solutionner. Donc bien sûr, il y a les déceptions de la course qui s'arrête, et puis gérer la situation et ramener le bateau au port. Donc voilà, ça c'était une situation pas très chouette, et c'était la première fois que je le vivais. Et puis il y a une autre situation, ça c'était sur une Transat en équipage, on était cinq à bord. Transat retour en course, et à peu près au milieu de l'Atlantique, on tape un off-knee, donc là c'était probablement malheureusement un 7AC. Quand on tape dans l'eau, il y a un choc très violent avec le bateau. Alors bien sûr, on se dit qu'on blesse l'animal et ça fait vraiment mal au cœur. Et puis on a aussi nous des blessés à bord, donc quelqu'un qui a une blessure assez importante à la tête. Et ça c'est très... voilà, il y a une grosse montée de stress parce que juste on est au milieu d'un peu nulle part et on espère vraiment que l'état du marin qui est blessé ne va pas s'aggraver.

  • Speaker #0

    Et toi justement, à quoi est-ce que tu te raccroches dans ces moments difficiles ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'aujourd'hui avec l'expérience que j'ai, ça fait maintenant une douzaine d'années que je fais de la course au large, Je pense qu'on apprend vraiment à... bien gérer ses émotions et on se concentre sur juste les choses à faire. On ne se laisse pas trop... L'émotion, elle n'a pas vraiment le temps de se développer. On est plus dans la gestion de la situation.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu dirais que tu n'as jamais peur en mer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on n'arrive jamais à des stades de peur ou de panique. Mais bien sûr, il y a plein de moments de stress. On navigue quand même assez souvent dans des conditions qui peuvent être dures, qui peuvent être exigeantes, où on sait qu'il faut faire les manœuvres justes. Il ne faut pas faire d'erreurs parce que sinon, on va casser du matériel. Après, c'est vrai qu'on... Il y a quand même très peu d'accidents ou de pertes humaines si on veut en mer ou en course au large. Aujourd'hui, on a quand même des bonnes prévisions météo qui nous permettent d'éviter les plus grosses tempêtes ou les situations qui pourraient être dangereuses. On a des bateaux quand même qui sont bien structurés, qui sont solides. Donc voilà, peut-être qu'on pourra casser du matériel, démâter, mais on aura généralement toujours une coque qui est en état sur laquelle on sera à l'abri. Donc c'est vrai que ça, c'est un côté aussi rassurant.

  • Speaker #0

    C'est un peu philosophique comme question, mais dans la vie, tes plus grandes peurs, elles ne sont pas liées à ton sport ?

  • Speaker #1

    Ouais, je dirais qu'elles ne sont pas liées à mon sport. On le dit, bien sûr qu'on s'expose un peu quand on va en mer ou quand on fait des sports à risque. Mais voilà, l'accident, on le voit bien, il peut arriver à n'importe qui, n'importe quand. Donc, je n'ai pas l'impression de prendre plus de risques que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #0

    D'accord. On a souvent tendance à croire aussi que la voile, c'est un sport pour les personnes qui sont solitaires. Est-ce que tu dirais que toi t'es solitaire ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors je dirais qu'en tout cas la solitude c'est pas quelque chose qui me dérange ou ça me dérange pas de passer du temps toute seule ou j'ai aussi voyagé seule et voilà je sais que c'est quelque chose qui me pèse pas. Après la voile c'est assez varié pour permettre à tout le monde d'y trouver son compte parce que voilà moi j'aime bien naviguer toute seule parfois, j'aime bien naviguer à deux et j'aime aussi beaucoup l'équipage. C'est vrai qu'il y a tout plein de supports différents, là on parle plus de course au large mais on peut faire des courses qui durent une demi-heure à des des courses qui durent 80 jours, on peut naviguer tout seul à 2 à 20. Ouais, il y a vraiment le... la possibilité pour chacun de trouver ce qui lui, lui correspond. Donc voilà, moi, je sais que je suis attirée par la course au large, un peu dans toutes les configurations d'équipage, parce que j'aime bien pouvoir varier. Dans ma famille, on est un peu tous marins et il y en a certains qui naviguent vraiment sur des bateaux de haute technologie à la journée sur des courses hyper intenses. Voilà, chacun peut trouver son compte.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus, toi, de base, la voile, c'est quand même une histoire de famille. Donc on est loin de ce côté solitaire, finalement. J'imagine que tes débuts, t'as pas du tout navigué seule.

  • Speaker #1

    Ouais c'est vrai, tous mes débuts ils se sont faits en famille ou après sur des petits bateaux en équipage de 4 ou 5 personnes. C'est vrai que j'ai plus cette expérience-là aussi. Ma base de parcours, elle est vraiment liée à l'équipage.

  • Speaker #0

    Est-ce que la solitude, c'est quelque chose qui se prépare aussi ? Quand tu sais que tu vas partir selon mer, est-ce que tu te prépares d'une manière particulière ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on peut s'y préparer, surtout. C'est vrai que le risque, quand on est en solitaire, c'est que quand les choses, elles ne se passent pas bien, on pourrait tomber typiquement dans des cercles un peu négatifs de pensée. Se dire, ah ben mince, je suis nulle ou je n'ai pas fait ça. Qu'est-ce que telle ou telle ou les personnes qui m'ont accompagnée sur le projet vont penser. C'est vrai qu'il y a un peu une pression parce qu'on porte un peu tout le projet seul une fois qu'on est parti en mer. Mais voilà, donc on peut se préparer typiquement pour essayer d'éviter ce mode de pensée, se reconcentrer sur les choses qu'on a à faire, même quand on a des situations difficiles. C'est-à-dire que les choses qui se sont passées, elles se sont passées. Et puis maintenant, c'est qu'est-ce que je fais de cette situation-là ? Bien sûr, il y a de la préparation mentale qui est importante à faire parce qu'on est tout seul. Et puis du coup, les ressources, on va devoir les trouver tout seul. on n'aura pas un collègue ou un ami qui va pouvoir nous... dire le petit mot qui nous fera repartir sur le bon pied donc voilà les ressources elles sont à trouver elles sont à retrouver en soi ouais

  • Speaker #0

    Et donc ça c'est pour la partie préparation mentale, il y a la préparation physique est-ce que tu pratiques aussi d'autres sports toi hormis la voile ?

  • Speaker #1

    Moi je fais du renforcement généralement deux fois par semaine avec une coach donc plus en musculation parce que nos bateaux ils sont durs et exigeants physiquement donc pour être sûre que je puisse tout faire correctement et puis après pour tout ce qui est plutôt côté cardio j'aime bien tous les sports un peu extérieurs donc que... Je vais faire du vélo, j'aime bien ce qui est sport nautique, donc en ce moment je fais pas mal de wingfoil, un peu de course à pied, de la natation aussi. J'aime bien pouvoir varier un peu, il y a un côté un peu scolaire si on veut en salle et puis à côté, plus essayer de varier un peu les plaisirs et de passer aussi du temps dehors en faisant d'autres sports.

  • Speaker #0

    Est-ce que quand on est en mer pendant 90 jours par exemple, il y a une routine physique à avoir ? Je ne sais pas, est-ce que tu fais des exercices physiques justement ou des étirements, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Non, généralement, je n'en fais pas. Et c'est vrai que les bateaux, pour les manœuvrer tout seuls, ils demandent vraiment énormément d'énergie. Donc, par exemple, typiquement, des fois, un changement de voile, tu vas devoir tourner les manivelles, donc grinder pour faire tourner, pour monter ou rouler les voiles, etc. Pendant une manœuvre, elle dure vite à peu près 45 minutes. Donc, c'est vraiment de l'effort un peu endurant, assez intensité. Donc, généralement, le côté physique, tu l'as déjà suffisamment. Après, par contre, ça peut arriver que du coup, il y a des courbatures ou des choses comme ça. Donc à ce moment-là, on pourrait essayer de plus s'étirer, se détendre. Après, c'est vrai que dans nos bateaux, ce n'est pas forcément facile. Aujourd'hui, on est sur des bateaux qui vont très vite, qui secouent pas mal. Donc des fois, ce n'est pas facile d'avoir des moments un peu plus tranquilles où on pourrait un peu lâcher l'attention.

  • Speaker #0

    J'en parlais au début dans mon intro. Il y a aussi une partie engagement autour de ton sport, notamment sur la partie environnementale. est-ce que c'est quelque chose qui est qui est innée chez toi, tu as toujours été sensible à ça ou c'est ton sport qui t'a sensibilisé à ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Non, je pense que j'y ai été toujours assez sensible depuis mon enfance ou je pense depuis que j'ai à peu près une dizaine d'années. Après, dans ma vie quotidienne, j'essaye de faire attention à ma manière de consommer, à ma manière de me déplacer. Si c'est possible d'avoir une solution meilleure, en tout cas d'essayer d'y tendre. Je me déplace beaucoup en train. J'essaie vraiment d'éviter l'avion le temps que possible. C'est un aspect auquel j'essaie de faire attention dans ma vie. Et puis c'est vrai qu'en course au large, on navigue quand même encore sur des bateaux en carbone, où on a des pièces à changer régulièrement, des voiles qui sont aussi faites à base de carbone. Donc toute la course au large et tout le milieu de la voile essayent de tendre à plus de durabilité, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as une certaine culpabilité parfois de dire, parce que le sport, mais quels que soient les sports, on sait que c'est quand même, ça a un impact, c'est forcément comme tout ce qu'on fait. Est-ce que des fois tu culpabilises un peu de ton impact lié à son sport ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vrai qu'on se dit, j'ai un bateau qui fait 20 mètres de carbone pour aller faire un tour du monde en solitaire. Bien sûr, en tout cas, je pense que c'est important d'être conscient des enjeux, de mesurer aussi ce qu'on consomme quand on construit un bateau. Alors nous, on a racheté un bateau d'occasion, donc ça n'a pas été le cas. Mais on sait que la course au large, c'est encore un sport qui a un gros coût écologique. On n'a pas besoin juste d'une paire de baskets pour aller faire notre sport. donc ouais en tout cas c'est sûr que c'est important d'en avoir confiance et puis de participer à aux changements dans la voile. Ça se fait aussi beaucoup par les règles. C'est les classes qui peuvent imposer de limiter, par exemple, l'impact CO2 d'une construction de bateau, de limiter le nombre de voiles qu'on a à bord, de limiter certains changements, de tendre sur des pièces qui sont monotypes, donc qui sont les mêmes pour tout le monde. Et ça, ça permet aussi vraiment de réduire le coût écologique de la production de ces pièces. Donc voilà, en tout cas, il y a plein de démarches qui sont faites dans ce sens-là. Et c'est important de les soutenir. Et c'est le cas de la plupart des marins aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et c'est des sujets d'ailleurs que tu abordes dans le podcast Koucho qui est dispo sur Youtube aussi. Donc il y a plein de... Enfin je sais qu'il y a une table ronde où vous parlez de tous ces sujets là. Ouais. On parlait d'engagement, tu as aussi pris plusieurs fois la parole sur toutes les questions qui sont équité homme-femme, notamment dans ton sport. Est-ce que ça, pareil, c'est quelque chose auquel tu étais sensible ou c'est le fait d'y être confronté au quotidien où tu t'es dit il faut s'engager, il faut faire bouger les choses ?

  • Speaker #1

    Oui je pense que j'y ai été sensible et je pense que toute femme y est confrontée dans sa vie ou en tout cas se rend compte qu'il y a des inégalités et bien sûr c'est le cas dans la voile mais c'est le cas encore partout notamment à la fin du tour du monde qu'on fait en équipage en 2014-2015 avec un équipage 100% féminin on se dit à la fin de ce tour du monde en fait pour nous c'est compliqué de trouver aujourd'hui des débouchés et de savoir ce qu'on va faire à la fin de ce tour du monde alors que pour tous les marins qui étaient autour de nous ils partaient naviguer sur plein d'autres projets. mais qui était sur des circuits qui n'étaient pas vraiment accessibles aux femmes, des circuits de haut niveau où il y avait peu de participation féminine. Donc à la suite de ce tour du monde-là, on a monté le Magenta Project, qui est une association qui est destinée à promouvoir la voile de compétition chez les femmes, en tout cas à leur faciliter l'accès au haut niveau, au travers de formations, de systèmes de mentorat. C'est une association que je soutiens, aux actions de laquelle j'essaie vraiment de participer. Donc j'ai été mentor pendant plusieurs années, je le suis encore actuellement. Quand il y a des projets qui sont initiés par la classe IMOCA, typiquement souvent sur les courses, on va accueillir une jeune femme pendant la semaine de départ pour qu'elle puisse découvrir comment ça se passe dans une équipe la veille d'un départ de grande course. Et puis aussi dans l'équipe teamwork, sur l'équipe de mon projet, on a la mixité entre hommes-femmes dans les différents métiers autour de moi. Donc voilà, moi je suis skipper, mais on a une ingénieure dans le projet, on a une logisticienne, on a une boat captain, une accastilleuse. C'est aussi important d'ouvrir... nos métiers, en tout cas de donner la chance aux femmes aussi parce qu'en tant qu'eskipper, on est minoritaire, mais c'est aussi le cas dans la plupart des métiers qui nous entourent pour préparer nos projets.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a l'impression que d'être une femme dans un sport un peu plus masculin, enfin dans la tête des gens, ça fait qu'on est obligé de s'engager ?

  • Speaker #1

    On ne serait pas obligé, je pense que pas toutes le font, mais pour moi c'était important. Aujourd'hui, je fais partie des femmes qui sont là depuis un petit moment et qui ont un peu une expérience et une légitimité dans le milieu. Donc voilà, si je peux m'en servir pour que les navigatrices qui viennent maintenant, elles aient plus d'opportunités et que ce soit plus facile pour elles. Voilà, je me sens un peu responsable de le faire et je le fais volontiers si je peux contribuer à tout ça.

  • Speaker #0

    Tu constates quand même que les choses bougent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, les choses bougent. Et justement, depuis une dizaine d'années ou depuis, si on veut, un peu la fin de ce Tour du Monde, justement, qu'on avait fait en équipage féminin, aujourd'hui, il y a des quotas qui obligent la présence féminine sur la plupart des grandes courses et notamment sur le Tour du Monde en équipage, donc sur l'ancienne Volvo Euchenriss. La course majeure en équipage, aujourd'hui il doit toujours y avoir une femme à bord. Il y a des courses qui ont mis l'obligation des courses en double, où il y a une obligation de mixité, donc ça doit être obligatoirement un homme et une femme. Ça s'est fait aussi sur les circuits olympiques. Et puis il y a aussi pas mal de passerelles de formation qui ont fait des sélections spécifiquement féminines, donc des femmes qui ont pu décrocher des super beaux projets de course au large, très bien encadrées. Tout ça c'était des choses qui n'existaient pas il y a une dizaine d'années, donc bien sûr il y a du progrès. Après on voit que sur les courses on est encore à peu près souvent un dixième de participantes. parfois plus, parfois moins. Donc il y a encore du travail à faire pour continuer à faire évoluer les choses dans ce sens-là. Mais bien sûr, il y a du positif.

  • Speaker #0

    Ce podcast, il s'appelle Le Déclic. Qu'est-ce que c'est pour toi un déclic ?

  • Speaker #1

    Pour moi, je dirais que c'est un moment qui fait un peu basculer les choses. Un moment clé.

  • Speaker #0

    Alors toi, est-ce que tu en as un important auquel tu penses ?

  • Speaker #1

    C'était un camp de voile que j'ai fait quand j'avais à peu près 16 ans, dans le sud de la France, avec Jean-Paul Béchler, qui était un... skipper suisse qu'on avait marre de voir que des personnes un peu âgées être responsables de bateau en mer et qui s'est dit moi je vais former des jeunes pour prendre la relève. Donc voilà j'ai participé à un de ces camps, on était des jeunes entre 12 et 20 ans à bord de voilier sans adulte à bord. J'en garde vraiment un super souvenir et pour moi c'est vraiment ça qui m'a donné envie de naviguer aussi pour moi et pas seulement juste avec mes parents.

  • Speaker #0

    Et justement à ce moment-là, quand tu as ce déclic-là, tu te dis... Je ne sais pas si tu avais déjà des ambitions avant d'en faire ton métier, de tout ça. Est-ce que ça, ça a contribué justement à te dire, plus tard, je serai skippeuse sur des compétitions internationales ?

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'à cette époque-là, moi, je me suis dit, ça me donne envie juste de pouvoir être chef de bord, de pouvoir être capitaine de mon propre bateau, de pouvoir gérer du monde à mon bord et que ça se passe bien. Ça, c'était vraiment la première étape pour moi. C'est vrai que je ne me voyais pas devenir professionnelle. Moi, j'ai fini mon bac, après j'ai fait des études d'institutrice. Bien sûr, je naviguais toujours beaucoup en parallèle, mais c'est vrai qu'il y a peu d'exemples aussi de femmes qui sont professionnelles de la voile. Il n'y avait pas vraiment d'exemples aussi en Suisse. Donc, ce n'est pas un débouché que je voyais venir. Et au final, pour moi, ma carrière, elle s'est lancée plus petit à petit au fil des opportunités. Au début, on est amateur. Après, on commence à pouvoir gagner un peu sa vie en naviguant. Et puis après, j'ai pu lancer mon premier projet de mini-transat en course au large. Mais voilà, c'est vrai que ce n'était pas du tout anticipé et que je ne me projetais pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    Quelles sont les prochaines courses sur lesquelles on pourra te suivre Justine ?

  • Speaker #1

    Alors, 2024 pour nous, c'est une grosse année. On a deux transats là ce printemps. Donc, on va faire deux transats CIC qui partent de Lorient et qui arrivent à New York. Fin mai, on repart de New York pour aller en Vendée, au Sable d'Olonne. Et puis, il y a le Vendée Globe qui part le 10 novembre des Sables d'Olonne et qui est vraiment le gros morceau de cette année, qui a lieu tous les quatre ans. Nous, ça fait trois ans qu'on le prépare. Et puis, j'ai vraiment hâte d'y être.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut te suivre justement sur toutes tes aventures, peut-être sur les réseaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on peut me suivre sur mes réseaux sociaux, donc Justine Métraud, et puis aussi sur ceux de mes sponsors, donc Teamwork et le groupe Snaf.

  • Speaker #0

    Super. Merci beaucoup Justine et puis à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup à toi.

  • Speaker #0

    Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager et à en parler autour de vous.

  • Speaker #1

    Qui sait,

  • Speaker #0

    il n'est peut-être pas si loin ce déclic.

Description

"L’accident peut arriver à n’importe qui, n’importe quand". En cette rentrée, je vous propose de prendre un peu l’air… Ou plutôt, un bon bol d’air marin. Dans ce nouvel épisode du déclic, je vous emmène à la rencontre de la navigatrice Justine Mettraux. Vous l’avez peut-être déjà entendu dans un épisode de l’Aventure, dans lequel elle nous racontait sa traversée de l’Atlantique lors de la Transat Jacques Vabre. Alors qu’elle s’apprête à participer au Vendée Globe cet hiver, Justine nous raconte son histoire et ses débuts avec la voile. Elle nous parle aussi de sa vision du sport ou encore, de son rapport à la solitude comme à la compétition… 


📲💻 Retrouvez Justine Mettraux sur Instagram et Facebook !


💡⚡✨ Le déclic est une série du podcast Conseil Sport de DECATHLON. Un échange avec des invité·es où l’on parle voyages, rencontres, ruptures, joies, échec… En bref, de transformations. Des parcours de vie inspirants qui ont tous commencé par un déclic. Ce format vous est proposé par Manon, journaliste et sportive passionnée.


🎧🗣 Cet épisode vous a plu ? Parlez-en et partagez-le autour de vous ! Qui sait… Vous tomberez peut-être, vous aussi, sur un déclic.


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Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre, rupture, joie, échec, transformation, bonheur. Tout commence par un déclic. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode. Vous écoutez le déclic de Justine Métro. Bonjour Justine.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie que tu m'accueilles ici à Lorient. Alors pour te présenter, Justine, tu es née en Suisse et c'est là-bas que tu as fait tes premières sorties voile sur le lac Léman avec ta famille. À ce moment-là, tu ne sais pas encore, mais c'est le début d'une grande aventure pour toi avec la voile. En grandissant, tu continues d'apprendre à naviguer et tu découvres la course en mer au large. Tu fais tes premières courses nautiques à l'âge de 16 ans, notamment le Tour de France à la voile. Aujourd'hui, tu es navigatrice, skipeuse et tu es entre autres été la première femme à monter sur la deuxième marge du classement général en série de la Mini Transat en 2013. Et c'était ton premier podium sur une grande course. Puis après, tout s'est un peu enchaîné. Tu termines sixième de la Volvo Ocean Race avec un équipage 100% féminin. Tu as également participé à plusieurs solitaires du Figaro et tu finiras sur l'une d'entre elles en septième position. Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi la Transat Jacques Vabre que tu feras plusieurs fois et tu nous en parles aussi dans des épisodes de l'aventure sur ce podcast. Il y a également The Ocean Race et puis la Route du Rhum en 2002, entre autres. En plus de tout ça, Justine, tu es aussi une sportive engagée. Tout d'abord pour la défense de l'environnement, mais aussi pour l'équité entre les hommes et les femmes, notamment dans ton sport. Et quand je dis engagé, c'est que tu n'hésites pas à prendre la parole sur ces sujets. Bref, tu as tant de choses à nous dire et à nous raconter à propos de tout ça. Et pour commencer, j'ai envie de te demander, qu'est-ce qui t'apporte le plus finalement ? C'est la mer, l'océan ou le sport ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est vraiment un tout. C'est vrai que dans la course au large, on a la chance de pouvoir faire de la compétition, mais vraiment dans un cadre assez exceptionnel, vraiment au contact de la nature. Et pour moi, c'est aussi vraiment un côté important dans notre sport. La course au large, ça demande plein de compétences différentes. On a toujours l'impression de pouvoir progresser. Il y a plein de courses différentes, il y a plein de bateaux différents. On peut naviguer tout seul, à deux, à vingt. Donc voilà, c'est hyper varié. C'est ce qui fait aussi que ça me plaît, parce qu'on a l'impression de toujours pouvoir continuer à progresser, qu'il y a toujours plein de choses à apprendre.

  • Speaker #0

    Et du coup, est-ce que ça fait que tu considères la voile vraiment comme un sport ou plus encore, est-ce que c'est carrément un mode de vie ou je ne sais pas comment tu apportes ça ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être un mode de vie. Après, c'est vrai que moi, je le vois vraiment comme un sport. Après, c'est un sport qui n'est pas lié uniquement à la performance physique comme ça peut être le cas dans d'autres sports. Il y a le côté de la stratégie, de pouvoir prendre les meilleures options météo. Il y a tout le côté gestion de soi sur la durée quand on est pendant longtemps en mer, le côté mental qui est aussi important. C'est vraiment assez complet comme sport et bien sûr qu'il y a aussi un côté... physiques parce que nos bateaux demandent quand même beaucoup d'énergie pour être manœuvrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu arrives à dire ce qui fait que tu te sens aussi bien en mer ou sur ton bateau ?

  • Speaker #1

    On a la chance de se retrouver parfois un peu au milieu de nulle part, à des heures un peu improbables et ça nous permet de vivre des choses assez exceptionnelles, de voir des super beaux levées, coucher de soleil, d'essayer d'aller, d'avoir vraiment une connexion avec l'élément parce qu'on se retrouve parfois un peu isolé justement en pleine mer et c'est chouette de pouvoir vivre ça.

  • Speaker #0

    Et c'est en même temps une dimension particulière parce que, donc tu disais c'est quand même un sport, toi tu en fais en plus au niveau compétition, quand on fait de la compétition, si je pense par exemple à l'athlétisme, on peut quasiment tout anticiper, ce qui va se passer le jour J sur son corps, tout ça. Toi tu peux pas, parce qu'il y a aussi des éléments en fait, c'est la nature, comment tu l'appréhendes ça ?

  • Speaker #1

    Ça fait vraiment partie du jeu, on sait qu'il y a des aspects qu'on peut contrôler, et puis il y a des aspects qu'on contrôle pas, on contrôle pas la météo et l'évolution du temps, mais par contre on va contrôler la manière dont on va réagir par rapport à... La météo, on ne contrôle pas la course que font les autres, on ne contrôle pas certains aléas qui pourraient nous arriver, certaines casses mécaniques ou des collisions qu'on pourrait avoir avec des choses qu'on ne peut pas voir dans l'eau. Donc voilà, il y a quand même une part un peu d'imprévu qu'il faut accepter, ça fait partie du jeu.

  • Speaker #0

    Et du coup, c'est quoi la plus grosse partie de préparation ? C'est plus sur le bateau, c'est physique, c'est mental ?

  • Speaker #1

    Il y a un peu de tout. Alors c'est vrai qu'il y a une grosse partie de préparation technique sur nos bateaux. Donc moi je prépare le prochain Vendée Globe en IMOCA. C'est des bateaux qui sont vraiment assez complexes, qui ont beaucoup d'électronique, qui ont de l'hydraulique. Il y a plein de pièces mécaniques. Typiquement, on est à la fin du mois de mars, on sort d'une longue période de chantier d'hiver. Le bateau, pendant trois mois, il est aux mains de l'équipe technique. Donc il y a 6-8 personnes pendant cette période-là qui travaillent à 100% sur le bateau pour tout contrôler, faire toute la maintenance, faire les évolutions aussi qu'il faut pour essayer de rendre le bateau encore un peu plus performant. Toutes ces heures-là, elles sont vraiment nécessaires juste pour que le bateau puisse faire les courses et terminer en bon état. Donc ça, c'est quand même une partie hyper importante. Et puis après, plus de mon côté, il y a une partie préparation physique, préparation mentale. Avant les courses, on fait des entraînements aussi contre d'autres bateaux ou avec d'autres bateaux pour pouvoir se mettre en situation, pour pouvoir progresser, trouver les meilleurs réglages sur le bateau. Ça, c'est aussi une partie importante du travail qui est fait en amont des courses.

  • Speaker #0

    Et toi, de toute façon, tu baignes dedans depuis que tu es toute petite, mais j'ai l'impression que c'est quand même un sport peut-être que je me trompe, mais dont il est difficile Est-ce que c'est une fausse idée ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est une fausse idée parce qu'il y a plein d'exemples de navigateurs ou navigatrices professionnels qui ont commencé assez tard, au final à peu près à une vingtaine d'années, qui ont vu parfois des arrivées de course à certains endroits et qui se sont dit « Ah mais en fait ça a l'air top, je vais me mettre à apprendre à naviguer, suivre les formations aux différentes écoles de voile qui existent. » On pense notamment aux glénans qui sont très présents sur les côtes françaises. Voilà qui commence par ça, par la formation juste de l'apprentissage de la navigation, de pouvoir mener un bateau en mer avant de passer à l'étape de la course. Après c'est vrai qu'il y a aussi pas mal de marins qui ont grandi dans des familles où il y avait un bateau, qui ont voyagé avec leurs parents, qui ont fait des croisières avec leurs parents et ça, ça leur a mis un pied dans le sport avant de poursuivre de leur côté en dériveur et puis de continuer de progresser après.

  • Speaker #0

    Ce qui vient de l'enfance, c'est plus la culture du sport que la pratique. Enfin la pratique s'apprend, la culture tu l'as un peu plus naturellement peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais, oui, je pense qu'il y a une... une culture peut-être un peu de la voile et bien sûr plus sur les côtes ou plus proche des lacs comme moi j'ai grandi au bord du lac Léman mais c'est peut-être culture de la voile c'est le fait de passer du temps sur l'eau, de passer du temps dehors d'avoir vraiment ce contact avec la nature en tout cas pour moi ça a été quelque chose d'important dans mon enfance et qui m'a donné aussi envie après de continuer à naviguer pour moi

  • Speaker #0

    Je te demandais quelle a été ta plus grosse galère en mer est-ce que tu saurais me répondre ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a eu quelques-unes. C'est vrai que quand on regarde les carrières de marins et guéris, tout le monde a eu un peu ces moments durs. Moi, j'en ai deux qui me viennent à l'esprit. Il y a eu en 2021 sur la Transat Jacques Vabre, on dématte avec mon coéquipier Simon Fischer. Heureusement, on dématte vraiment pas loin des côtes espagnoles. Donc, ça prend du temps de libérer le gréement, d'essayer de récupérer ce qu'on peut. C'est une grosse déception parce que quand le maïtombe, ce n'est pas quelque chose qu'on peut réparer. On sait que la course, elle est finie. C'est un aléa, mais ce n'est pas quelque chose qu'on va pouvoir solutionner. Donc bien sûr, il y a les déceptions de la course qui s'arrête, et puis gérer la situation et ramener le bateau au port. Donc voilà, ça c'était une situation pas très chouette, et c'était la première fois que je le vivais. Et puis il y a une autre situation, ça c'était sur une Transat en équipage, on était cinq à bord. Transat retour en course, et à peu près au milieu de l'Atlantique, on tape un off-knee, donc là c'était probablement malheureusement un 7AC. Quand on tape dans l'eau, il y a un choc très violent avec le bateau. Alors bien sûr, on se dit qu'on blesse l'animal et ça fait vraiment mal au cœur. Et puis on a aussi nous des blessés à bord, donc quelqu'un qui a une blessure assez importante à la tête. Et ça c'est très... voilà, il y a une grosse montée de stress parce que juste on est au milieu d'un peu nulle part et on espère vraiment que l'état du marin qui est blessé ne va pas s'aggraver.

  • Speaker #0

    Et toi justement, à quoi est-ce que tu te raccroches dans ces moments difficiles ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'aujourd'hui avec l'expérience que j'ai, ça fait maintenant une douzaine d'années que je fais de la course au large, Je pense qu'on apprend vraiment à... bien gérer ses émotions et on se concentre sur juste les choses à faire. On ne se laisse pas trop... L'émotion, elle n'a pas vraiment le temps de se développer. On est plus dans la gestion de la situation.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu dirais que tu n'as jamais peur en mer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on n'arrive jamais à des stades de peur ou de panique. Mais bien sûr, il y a plein de moments de stress. On navigue quand même assez souvent dans des conditions qui peuvent être dures, qui peuvent être exigeantes, où on sait qu'il faut faire les manœuvres justes. Il ne faut pas faire d'erreurs parce que sinon, on va casser du matériel. Après, c'est vrai qu'on... Il y a quand même très peu d'accidents ou de pertes humaines si on veut en mer ou en course au large. Aujourd'hui, on a quand même des bonnes prévisions météo qui nous permettent d'éviter les plus grosses tempêtes ou les situations qui pourraient être dangereuses. On a des bateaux quand même qui sont bien structurés, qui sont solides. Donc voilà, peut-être qu'on pourra casser du matériel, démâter, mais on aura généralement toujours une coque qui est en état sur laquelle on sera à l'abri. Donc c'est vrai que ça, c'est un côté aussi rassurant.

  • Speaker #0

    C'est un peu philosophique comme question, mais dans la vie, tes plus grandes peurs, elles ne sont pas liées à ton sport ?

  • Speaker #1

    Ouais, je dirais qu'elles ne sont pas liées à mon sport. On le dit, bien sûr qu'on s'expose un peu quand on va en mer ou quand on fait des sports à risque. Mais voilà, l'accident, on le voit bien, il peut arriver à n'importe qui, n'importe quand. Donc, je n'ai pas l'impression de prendre plus de risques que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #0

    D'accord. On a souvent tendance à croire aussi que la voile, c'est un sport pour les personnes qui sont solitaires. Est-ce que tu dirais que toi t'es solitaire ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors je dirais qu'en tout cas la solitude c'est pas quelque chose qui me dérange ou ça me dérange pas de passer du temps toute seule ou j'ai aussi voyagé seule et voilà je sais que c'est quelque chose qui me pèse pas. Après la voile c'est assez varié pour permettre à tout le monde d'y trouver son compte parce que voilà moi j'aime bien naviguer toute seule parfois, j'aime bien naviguer à deux et j'aime aussi beaucoup l'équipage. C'est vrai qu'il y a tout plein de supports différents, là on parle plus de course au large mais on peut faire des courses qui durent une demi-heure à des des courses qui durent 80 jours, on peut naviguer tout seul à 2 à 20. Ouais, il y a vraiment le... la possibilité pour chacun de trouver ce qui lui, lui correspond. Donc voilà, moi, je sais que je suis attirée par la course au large, un peu dans toutes les configurations d'équipage, parce que j'aime bien pouvoir varier. Dans ma famille, on est un peu tous marins et il y en a certains qui naviguent vraiment sur des bateaux de haute technologie à la journée sur des courses hyper intenses. Voilà, chacun peut trouver son compte.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus, toi, de base, la voile, c'est quand même une histoire de famille. Donc on est loin de ce côté solitaire, finalement. J'imagine que tes débuts, t'as pas du tout navigué seule.

  • Speaker #1

    Ouais c'est vrai, tous mes débuts ils se sont faits en famille ou après sur des petits bateaux en équipage de 4 ou 5 personnes. C'est vrai que j'ai plus cette expérience-là aussi. Ma base de parcours, elle est vraiment liée à l'équipage.

  • Speaker #0

    Est-ce que la solitude, c'est quelque chose qui se prépare aussi ? Quand tu sais que tu vas partir selon mer, est-ce que tu te prépares d'une manière particulière ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on peut s'y préparer, surtout. C'est vrai que le risque, quand on est en solitaire, c'est que quand les choses, elles ne se passent pas bien, on pourrait tomber typiquement dans des cercles un peu négatifs de pensée. Se dire, ah ben mince, je suis nulle ou je n'ai pas fait ça. Qu'est-ce que telle ou telle ou les personnes qui m'ont accompagnée sur le projet vont penser. C'est vrai qu'il y a un peu une pression parce qu'on porte un peu tout le projet seul une fois qu'on est parti en mer. Mais voilà, donc on peut se préparer typiquement pour essayer d'éviter ce mode de pensée, se reconcentrer sur les choses qu'on a à faire, même quand on a des situations difficiles. C'est-à-dire que les choses qui se sont passées, elles se sont passées. Et puis maintenant, c'est qu'est-ce que je fais de cette situation-là ? Bien sûr, il y a de la préparation mentale qui est importante à faire parce qu'on est tout seul. Et puis du coup, les ressources, on va devoir les trouver tout seul. on n'aura pas un collègue ou un ami qui va pouvoir nous... dire le petit mot qui nous fera repartir sur le bon pied donc voilà les ressources elles sont à trouver elles sont à retrouver en soi ouais

  • Speaker #0

    Et donc ça c'est pour la partie préparation mentale, il y a la préparation physique est-ce que tu pratiques aussi d'autres sports toi hormis la voile ?

  • Speaker #1

    Moi je fais du renforcement généralement deux fois par semaine avec une coach donc plus en musculation parce que nos bateaux ils sont durs et exigeants physiquement donc pour être sûre que je puisse tout faire correctement et puis après pour tout ce qui est plutôt côté cardio j'aime bien tous les sports un peu extérieurs donc que... Je vais faire du vélo, j'aime bien ce qui est sport nautique, donc en ce moment je fais pas mal de wingfoil, un peu de course à pied, de la natation aussi. J'aime bien pouvoir varier un peu, il y a un côté un peu scolaire si on veut en salle et puis à côté, plus essayer de varier un peu les plaisirs et de passer aussi du temps dehors en faisant d'autres sports.

  • Speaker #0

    Est-ce que quand on est en mer pendant 90 jours par exemple, il y a une routine physique à avoir ? Je ne sais pas, est-ce que tu fais des exercices physiques justement ou des étirements, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Non, généralement, je n'en fais pas. Et c'est vrai que les bateaux, pour les manœuvrer tout seuls, ils demandent vraiment énormément d'énergie. Donc, par exemple, typiquement, des fois, un changement de voile, tu vas devoir tourner les manivelles, donc grinder pour faire tourner, pour monter ou rouler les voiles, etc. Pendant une manœuvre, elle dure vite à peu près 45 minutes. Donc, c'est vraiment de l'effort un peu endurant, assez intensité. Donc, généralement, le côté physique, tu l'as déjà suffisamment. Après, par contre, ça peut arriver que du coup, il y a des courbatures ou des choses comme ça. Donc à ce moment-là, on pourrait essayer de plus s'étirer, se détendre. Après, c'est vrai que dans nos bateaux, ce n'est pas forcément facile. Aujourd'hui, on est sur des bateaux qui vont très vite, qui secouent pas mal. Donc des fois, ce n'est pas facile d'avoir des moments un peu plus tranquilles où on pourrait un peu lâcher l'attention.

  • Speaker #0

    J'en parlais au début dans mon intro. Il y a aussi une partie engagement autour de ton sport, notamment sur la partie environnementale. est-ce que c'est quelque chose qui est qui est innée chez toi, tu as toujours été sensible à ça ou c'est ton sport qui t'a sensibilisé à ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Non, je pense que j'y ai été toujours assez sensible depuis mon enfance ou je pense depuis que j'ai à peu près une dizaine d'années. Après, dans ma vie quotidienne, j'essaye de faire attention à ma manière de consommer, à ma manière de me déplacer. Si c'est possible d'avoir une solution meilleure, en tout cas d'essayer d'y tendre. Je me déplace beaucoup en train. J'essaie vraiment d'éviter l'avion le temps que possible. C'est un aspect auquel j'essaie de faire attention dans ma vie. Et puis c'est vrai qu'en course au large, on navigue quand même encore sur des bateaux en carbone, où on a des pièces à changer régulièrement, des voiles qui sont aussi faites à base de carbone. Donc toute la course au large et tout le milieu de la voile essayent de tendre à plus de durabilité, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as une certaine culpabilité parfois de dire, parce que le sport, mais quels que soient les sports, on sait que c'est quand même, ça a un impact, c'est forcément comme tout ce qu'on fait. Est-ce que des fois tu culpabilises un peu de ton impact lié à son sport ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vrai qu'on se dit, j'ai un bateau qui fait 20 mètres de carbone pour aller faire un tour du monde en solitaire. Bien sûr, en tout cas, je pense que c'est important d'être conscient des enjeux, de mesurer aussi ce qu'on consomme quand on construit un bateau. Alors nous, on a racheté un bateau d'occasion, donc ça n'a pas été le cas. Mais on sait que la course au large, c'est encore un sport qui a un gros coût écologique. On n'a pas besoin juste d'une paire de baskets pour aller faire notre sport. donc ouais en tout cas c'est sûr que c'est important d'en avoir confiance et puis de participer à aux changements dans la voile. Ça se fait aussi beaucoup par les règles. C'est les classes qui peuvent imposer de limiter, par exemple, l'impact CO2 d'une construction de bateau, de limiter le nombre de voiles qu'on a à bord, de limiter certains changements, de tendre sur des pièces qui sont monotypes, donc qui sont les mêmes pour tout le monde. Et ça, ça permet aussi vraiment de réduire le coût écologique de la production de ces pièces. Donc voilà, en tout cas, il y a plein de démarches qui sont faites dans ce sens-là. Et c'est important de les soutenir. Et c'est le cas de la plupart des marins aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et c'est des sujets d'ailleurs que tu abordes dans le podcast Koucho qui est dispo sur Youtube aussi. Donc il y a plein de... Enfin je sais qu'il y a une table ronde où vous parlez de tous ces sujets là. Ouais. On parlait d'engagement, tu as aussi pris plusieurs fois la parole sur toutes les questions qui sont équité homme-femme, notamment dans ton sport. Est-ce que ça, pareil, c'est quelque chose auquel tu étais sensible ou c'est le fait d'y être confronté au quotidien où tu t'es dit il faut s'engager, il faut faire bouger les choses ?

  • Speaker #1

    Oui je pense que j'y ai été sensible et je pense que toute femme y est confrontée dans sa vie ou en tout cas se rend compte qu'il y a des inégalités et bien sûr c'est le cas dans la voile mais c'est le cas encore partout notamment à la fin du tour du monde qu'on fait en équipage en 2014-2015 avec un équipage 100% féminin on se dit à la fin de ce tour du monde en fait pour nous c'est compliqué de trouver aujourd'hui des débouchés et de savoir ce qu'on va faire à la fin de ce tour du monde alors que pour tous les marins qui étaient autour de nous ils partaient naviguer sur plein d'autres projets. mais qui était sur des circuits qui n'étaient pas vraiment accessibles aux femmes, des circuits de haut niveau où il y avait peu de participation féminine. Donc à la suite de ce tour du monde-là, on a monté le Magenta Project, qui est une association qui est destinée à promouvoir la voile de compétition chez les femmes, en tout cas à leur faciliter l'accès au haut niveau, au travers de formations, de systèmes de mentorat. C'est une association que je soutiens, aux actions de laquelle j'essaie vraiment de participer. Donc j'ai été mentor pendant plusieurs années, je le suis encore actuellement. Quand il y a des projets qui sont initiés par la classe IMOCA, typiquement souvent sur les courses, on va accueillir une jeune femme pendant la semaine de départ pour qu'elle puisse découvrir comment ça se passe dans une équipe la veille d'un départ de grande course. Et puis aussi dans l'équipe teamwork, sur l'équipe de mon projet, on a la mixité entre hommes-femmes dans les différents métiers autour de moi. Donc voilà, moi je suis skipper, mais on a une ingénieure dans le projet, on a une logisticienne, on a une boat captain, une accastilleuse. C'est aussi important d'ouvrir... nos métiers, en tout cas de donner la chance aux femmes aussi parce qu'en tant qu'eskipper, on est minoritaire, mais c'est aussi le cas dans la plupart des métiers qui nous entourent pour préparer nos projets.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a l'impression que d'être une femme dans un sport un peu plus masculin, enfin dans la tête des gens, ça fait qu'on est obligé de s'engager ?

  • Speaker #1

    On ne serait pas obligé, je pense que pas toutes le font, mais pour moi c'était important. Aujourd'hui, je fais partie des femmes qui sont là depuis un petit moment et qui ont un peu une expérience et une légitimité dans le milieu. Donc voilà, si je peux m'en servir pour que les navigatrices qui viennent maintenant, elles aient plus d'opportunités et que ce soit plus facile pour elles. Voilà, je me sens un peu responsable de le faire et je le fais volontiers si je peux contribuer à tout ça.

  • Speaker #0

    Tu constates quand même que les choses bougent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, les choses bougent. Et justement, depuis une dizaine d'années ou depuis, si on veut, un peu la fin de ce Tour du Monde, justement, qu'on avait fait en équipage féminin, aujourd'hui, il y a des quotas qui obligent la présence féminine sur la plupart des grandes courses et notamment sur le Tour du Monde en équipage, donc sur l'ancienne Volvo Euchenriss. La course majeure en équipage, aujourd'hui il doit toujours y avoir une femme à bord. Il y a des courses qui ont mis l'obligation des courses en double, où il y a une obligation de mixité, donc ça doit être obligatoirement un homme et une femme. Ça s'est fait aussi sur les circuits olympiques. Et puis il y a aussi pas mal de passerelles de formation qui ont fait des sélections spécifiquement féminines, donc des femmes qui ont pu décrocher des super beaux projets de course au large, très bien encadrées. Tout ça c'était des choses qui n'existaient pas il y a une dizaine d'années, donc bien sûr il y a du progrès. Après on voit que sur les courses on est encore à peu près souvent un dixième de participantes. parfois plus, parfois moins. Donc il y a encore du travail à faire pour continuer à faire évoluer les choses dans ce sens-là. Mais bien sûr, il y a du positif.

  • Speaker #0

    Ce podcast, il s'appelle Le Déclic. Qu'est-ce que c'est pour toi un déclic ?

  • Speaker #1

    Pour moi, je dirais que c'est un moment qui fait un peu basculer les choses. Un moment clé.

  • Speaker #0

    Alors toi, est-ce que tu en as un important auquel tu penses ?

  • Speaker #1

    C'était un camp de voile que j'ai fait quand j'avais à peu près 16 ans, dans le sud de la France, avec Jean-Paul Béchler, qui était un... skipper suisse qu'on avait marre de voir que des personnes un peu âgées être responsables de bateau en mer et qui s'est dit moi je vais former des jeunes pour prendre la relève. Donc voilà j'ai participé à un de ces camps, on était des jeunes entre 12 et 20 ans à bord de voilier sans adulte à bord. J'en garde vraiment un super souvenir et pour moi c'est vraiment ça qui m'a donné envie de naviguer aussi pour moi et pas seulement juste avec mes parents.

  • Speaker #0

    Et justement à ce moment-là, quand tu as ce déclic-là, tu te dis... Je ne sais pas si tu avais déjà des ambitions avant d'en faire ton métier, de tout ça. Est-ce que ça, ça a contribué justement à te dire, plus tard, je serai skippeuse sur des compétitions internationales ?

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'à cette époque-là, moi, je me suis dit, ça me donne envie juste de pouvoir être chef de bord, de pouvoir être capitaine de mon propre bateau, de pouvoir gérer du monde à mon bord et que ça se passe bien. Ça, c'était vraiment la première étape pour moi. C'est vrai que je ne me voyais pas devenir professionnelle. Moi, j'ai fini mon bac, après j'ai fait des études d'institutrice. Bien sûr, je naviguais toujours beaucoup en parallèle, mais c'est vrai qu'il y a peu d'exemples aussi de femmes qui sont professionnelles de la voile. Il n'y avait pas vraiment d'exemples aussi en Suisse. Donc, ce n'est pas un débouché que je voyais venir. Et au final, pour moi, ma carrière, elle s'est lancée plus petit à petit au fil des opportunités. Au début, on est amateur. Après, on commence à pouvoir gagner un peu sa vie en naviguant. Et puis après, j'ai pu lancer mon premier projet de mini-transat en course au large. Mais voilà, c'est vrai que ce n'était pas du tout anticipé et que je ne me projetais pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    Quelles sont les prochaines courses sur lesquelles on pourra te suivre Justine ?

  • Speaker #1

    Alors, 2024 pour nous, c'est une grosse année. On a deux transats là ce printemps. Donc, on va faire deux transats CIC qui partent de Lorient et qui arrivent à New York. Fin mai, on repart de New York pour aller en Vendée, au Sable d'Olonne. Et puis, il y a le Vendée Globe qui part le 10 novembre des Sables d'Olonne et qui est vraiment le gros morceau de cette année, qui a lieu tous les quatre ans. Nous, ça fait trois ans qu'on le prépare. Et puis, j'ai vraiment hâte d'y être.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut te suivre justement sur toutes tes aventures, peut-être sur les réseaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on peut me suivre sur mes réseaux sociaux, donc Justine Métraud, et puis aussi sur ceux de mes sponsors, donc Teamwork et le groupe Snaf.

  • Speaker #0

    Super. Merci beaucoup Justine et puis à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup à toi.

  • Speaker #0

    Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager et à en parler autour de vous.

  • Speaker #1

    Qui sait,

  • Speaker #0

    il n'est peut-être pas si loin ce déclic.

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"L’accident peut arriver à n’importe qui, n’importe quand". En cette rentrée, je vous propose de prendre un peu l’air… Ou plutôt, un bon bol d’air marin. Dans ce nouvel épisode du déclic, je vous emmène à la rencontre de la navigatrice Justine Mettraux. Vous l’avez peut-être déjà entendu dans un épisode de l’Aventure, dans lequel elle nous racontait sa traversée de l’Atlantique lors de la Transat Jacques Vabre. Alors qu’elle s’apprête à participer au Vendée Globe cet hiver, Justine nous raconte son histoire et ses débuts avec la voile. Elle nous parle aussi de sa vision du sport ou encore, de son rapport à la solitude comme à la compétition… 


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💡⚡✨ Le déclic est une série du podcast Conseil Sport de DECATHLON. Un échange avec des invité·es où l’on parle voyages, rencontres, ruptures, joies, échec… En bref, de transformations. Des parcours de vie inspirants qui ont tous commencé par un déclic. Ce format vous est proposé par Manon, journaliste et sportive passionnée.


🎧🗣 Cet épisode vous a plu ? Parlez-en et partagez-le autour de vous ! Qui sait… Vous tomberez peut-être, vous aussi, sur un déclic.


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Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre, rupture, joie, échec, transformation, bonheur. Tout commence par un déclic. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode. Vous écoutez le déclic de Justine Métro. Bonjour Justine.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie que tu m'accueilles ici à Lorient. Alors pour te présenter, Justine, tu es née en Suisse et c'est là-bas que tu as fait tes premières sorties voile sur le lac Léman avec ta famille. À ce moment-là, tu ne sais pas encore, mais c'est le début d'une grande aventure pour toi avec la voile. En grandissant, tu continues d'apprendre à naviguer et tu découvres la course en mer au large. Tu fais tes premières courses nautiques à l'âge de 16 ans, notamment le Tour de France à la voile. Aujourd'hui, tu es navigatrice, skipeuse et tu es entre autres été la première femme à monter sur la deuxième marge du classement général en série de la Mini Transat en 2013. Et c'était ton premier podium sur une grande course. Puis après, tout s'est un peu enchaîné. Tu termines sixième de la Volvo Ocean Race avec un équipage 100% féminin. Tu as également participé à plusieurs solitaires du Figaro et tu finiras sur l'une d'entre elles en septième position. Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi la Transat Jacques Vabre que tu feras plusieurs fois et tu nous en parles aussi dans des épisodes de l'aventure sur ce podcast. Il y a également The Ocean Race et puis la Route du Rhum en 2002, entre autres. En plus de tout ça, Justine, tu es aussi une sportive engagée. Tout d'abord pour la défense de l'environnement, mais aussi pour l'équité entre les hommes et les femmes, notamment dans ton sport. Et quand je dis engagé, c'est que tu n'hésites pas à prendre la parole sur ces sujets. Bref, tu as tant de choses à nous dire et à nous raconter à propos de tout ça. Et pour commencer, j'ai envie de te demander, qu'est-ce qui t'apporte le plus finalement ? C'est la mer, l'océan ou le sport ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est vraiment un tout. C'est vrai que dans la course au large, on a la chance de pouvoir faire de la compétition, mais vraiment dans un cadre assez exceptionnel, vraiment au contact de la nature. Et pour moi, c'est aussi vraiment un côté important dans notre sport. La course au large, ça demande plein de compétences différentes. On a toujours l'impression de pouvoir progresser. Il y a plein de courses différentes, il y a plein de bateaux différents. On peut naviguer tout seul, à deux, à vingt. Donc voilà, c'est hyper varié. C'est ce qui fait aussi que ça me plaît, parce qu'on a l'impression de toujours pouvoir continuer à progresser, qu'il y a toujours plein de choses à apprendre.

  • Speaker #0

    Et du coup, est-ce que ça fait que tu considères la voile vraiment comme un sport ou plus encore, est-ce que c'est carrément un mode de vie ou je ne sais pas comment tu apportes ça ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être un mode de vie. Après, c'est vrai que moi, je le vois vraiment comme un sport. Après, c'est un sport qui n'est pas lié uniquement à la performance physique comme ça peut être le cas dans d'autres sports. Il y a le côté de la stratégie, de pouvoir prendre les meilleures options météo. Il y a tout le côté gestion de soi sur la durée quand on est pendant longtemps en mer, le côté mental qui est aussi important. C'est vraiment assez complet comme sport et bien sûr qu'il y a aussi un côté... physiques parce que nos bateaux demandent quand même beaucoup d'énergie pour être manœuvrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu arrives à dire ce qui fait que tu te sens aussi bien en mer ou sur ton bateau ?

  • Speaker #1

    On a la chance de se retrouver parfois un peu au milieu de nulle part, à des heures un peu improbables et ça nous permet de vivre des choses assez exceptionnelles, de voir des super beaux levées, coucher de soleil, d'essayer d'aller, d'avoir vraiment une connexion avec l'élément parce qu'on se retrouve parfois un peu isolé justement en pleine mer et c'est chouette de pouvoir vivre ça.

  • Speaker #0

    Et c'est en même temps une dimension particulière parce que, donc tu disais c'est quand même un sport, toi tu en fais en plus au niveau compétition, quand on fait de la compétition, si je pense par exemple à l'athlétisme, on peut quasiment tout anticiper, ce qui va se passer le jour J sur son corps, tout ça. Toi tu peux pas, parce qu'il y a aussi des éléments en fait, c'est la nature, comment tu l'appréhendes ça ?

  • Speaker #1

    Ça fait vraiment partie du jeu, on sait qu'il y a des aspects qu'on peut contrôler, et puis il y a des aspects qu'on contrôle pas, on contrôle pas la météo et l'évolution du temps, mais par contre on va contrôler la manière dont on va réagir par rapport à... La météo, on ne contrôle pas la course que font les autres, on ne contrôle pas certains aléas qui pourraient nous arriver, certaines casses mécaniques ou des collisions qu'on pourrait avoir avec des choses qu'on ne peut pas voir dans l'eau. Donc voilà, il y a quand même une part un peu d'imprévu qu'il faut accepter, ça fait partie du jeu.

  • Speaker #0

    Et du coup, c'est quoi la plus grosse partie de préparation ? C'est plus sur le bateau, c'est physique, c'est mental ?

  • Speaker #1

    Il y a un peu de tout. Alors c'est vrai qu'il y a une grosse partie de préparation technique sur nos bateaux. Donc moi je prépare le prochain Vendée Globe en IMOCA. C'est des bateaux qui sont vraiment assez complexes, qui ont beaucoup d'électronique, qui ont de l'hydraulique. Il y a plein de pièces mécaniques. Typiquement, on est à la fin du mois de mars, on sort d'une longue période de chantier d'hiver. Le bateau, pendant trois mois, il est aux mains de l'équipe technique. Donc il y a 6-8 personnes pendant cette période-là qui travaillent à 100% sur le bateau pour tout contrôler, faire toute la maintenance, faire les évolutions aussi qu'il faut pour essayer de rendre le bateau encore un peu plus performant. Toutes ces heures-là, elles sont vraiment nécessaires juste pour que le bateau puisse faire les courses et terminer en bon état. Donc ça, c'est quand même une partie hyper importante. Et puis après, plus de mon côté, il y a une partie préparation physique, préparation mentale. Avant les courses, on fait des entraînements aussi contre d'autres bateaux ou avec d'autres bateaux pour pouvoir se mettre en situation, pour pouvoir progresser, trouver les meilleurs réglages sur le bateau. Ça, c'est aussi une partie importante du travail qui est fait en amont des courses.

  • Speaker #0

    Et toi, de toute façon, tu baignes dedans depuis que tu es toute petite, mais j'ai l'impression que c'est quand même un sport peut-être que je me trompe, mais dont il est difficile Est-ce que c'est une fausse idée ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est une fausse idée parce qu'il y a plein d'exemples de navigateurs ou navigatrices professionnels qui ont commencé assez tard, au final à peu près à une vingtaine d'années, qui ont vu parfois des arrivées de course à certains endroits et qui se sont dit « Ah mais en fait ça a l'air top, je vais me mettre à apprendre à naviguer, suivre les formations aux différentes écoles de voile qui existent. » On pense notamment aux glénans qui sont très présents sur les côtes françaises. Voilà qui commence par ça, par la formation juste de l'apprentissage de la navigation, de pouvoir mener un bateau en mer avant de passer à l'étape de la course. Après c'est vrai qu'il y a aussi pas mal de marins qui ont grandi dans des familles où il y avait un bateau, qui ont voyagé avec leurs parents, qui ont fait des croisières avec leurs parents et ça, ça leur a mis un pied dans le sport avant de poursuivre de leur côté en dériveur et puis de continuer de progresser après.

  • Speaker #0

    Ce qui vient de l'enfance, c'est plus la culture du sport que la pratique. Enfin la pratique s'apprend, la culture tu l'as un peu plus naturellement peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais, oui, je pense qu'il y a une... une culture peut-être un peu de la voile et bien sûr plus sur les côtes ou plus proche des lacs comme moi j'ai grandi au bord du lac Léman mais c'est peut-être culture de la voile c'est le fait de passer du temps sur l'eau, de passer du temps dehors d'avoir vraiment ce contact avec la nature en tout cas pour moi ça a été quelque chose d'important dans mon enfance et qui m'a donné aussi envie après de continuer à naviguer pour moi

  • Speaker #0

    Je te demandais quelle a été ta plus grosse galère en mer est-ce que tu saurais me répondre ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a eu quelques-unes. C'est vrai que quand on regarde les carrières de marins et guéris, tout le monde a eu un peu ces moments durs. Moi, j'en ai deux qui me viennent à l'esprit. Il y a eu en 2021 sur la Transat Jacques Vabre, on dématte avec mon coéquipier Simon Fischer. Heureusement, on dématte vraiment pas loin des côtes espagnoles. Donc, ça prend du temps de libérer le gréement, d'essayer de récupérer ce qu'on peut. C'est une grosse déception parce que quand le maïtombe, ce n'est pas quelque chose qu'on peut réparer. On sait que la course, elle est finie. C'est un aléa, mais ce n'est pas quelque chose qu'on va pouvoir solutionner. Donc bien sûr, il y a les déceptions de la course qui s'arrête, et puis gérer la situation et ramener le bateau au port. Donc voilà, ça c'était une situation pas très chouette, et c'était la première fois que je le vivais. Et puis il y a une autre situation, ça c'était sur une Transat en équipage, on était cinq à bord. Transat retour en course, et à peu près au milieu de l'Atlantique, on tape un off-knee, donc là c'était probablement malheureusement un 7AC. Quand on tape dans l'eau, il y a un choc très violent avec le bateau. Alors bien sûr, on se dit qu'on blesse l'animal et ça fait vraiment mal au cœur. Et puis on a aussi nous des blessés à bord, donc quelqu'un qui a une blessure assez importante à la tête. Et ça c'est très... voilà, il y a une grosse montée de stress parce que juste on est au milieu d'un peu nulle part et on espère vraiment que l'état du marin qui est blessé ne va pas s'aggraver.

  • Speaker #0

    Et toi justement, à quoi est-ce que tu te raccroches dans ces moments difficiles ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'aujourd'hui avec l'expérience que j'ai, ça fait maintenant une douzaine d'années que je fais de la course au large, Je pense qu'on apprend vraiment à... bien gérer ses émotions et on se concentre sur juste les choses à faire. On ne se laisse pas trop... L'émotion, elle n'a pas vraiment le temps de se développer. On est plus dans la gestion de la situation.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu dirais que tu n'as jamais peur en mer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on n'arrive jamais à des stades de peur ou de panique. Mais bien sûr, il y a plein de moments de stress. On navigue quand même assez souvent dans des conditions qui peuvent être dures, qui peuvent être exigeantes, où on sait qu'il faut faire les manœuvres justes. Il ne faut pas faire d'erreurs parce que sinon, on va casser du matériel. Après, c'est vrai qu'on... Il y a quand même très peu d'accidents ou de pertes humaines si on veut en mer ou en course au large. Aujourd'hui, on a quand même des bonnes prévisions météo qui nous permettent d'éviter les plus grosses tempêtes ou les situations qui pourraient être dangereuses. On a des bateaux quand même qui sont bien structurés, qui sont solides. Donc voilà, peut-être qu'on pourra casser du matériel, démâter, mais on aura généralement toujours une coque qui est en état sur laquelle on sera à l'abri. Donc c'est vrai que ça, c'est un côté aussi rassurant.

  • Speaker #0

    C'est un peu philosophique comme question, mais dans la vie, tes plus grandes peurs, elles ne sont pas liées à ton sport ?

  • Speaker #1

    Ouais, je dirais qu'elles ne sont pas liées à mon sport. On le dit, bien sûr qu'on s'expose un peu quand on va en mer ou quand on fait des sports à risque. Mais voilà, l'accident, on le voit bien, il peut arriver à n'importe qui, n'importe quand. Donc, je n'ai pas l'impression de prendre plus de risques que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #0

    D'accord. On a souvent tendance à croire aussi que la voile, c'est un sport pour les personnes qui sont solitaires. Est-ce que tu dirais que toi t'es solitaire ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors je dirais qu'en tout cas la solitude c'est pas quelque chose qui me dérange ou ça me dérange pas de passer du temps toute seule ou j'ai aussi voyagé seule et voilà je sais que c'est quelque chose qui me pèse pas. Après la voile c'est assez varié pour permettre à tout le monde d'y trouver son compte parce que voilà moi j'aime bien naviguer toute seule parfois, j'aime bien naviguer à deux et j'aime aussi beaucoup l'équipage. C'est vrai qu'il y a tout plein de supports différents, là on parle plus de course au large mais on peut faire des courses qui durent une demi-heure à des des courses qui durent 80 jours, on peut naviguer tout seul à 2 à 20. Ouais, il y a vraiment le... la possibilité pour chacun de trouver ce qui lui, lui correspond. Donc voilà, moi, je sais que je suis attirée par la course au large, un peu dans toutes les configurations d'équipage, parce que j'aime bien pouvoir varier. Dans ma famille, on est un peu tous marins et il y en a certains qui naviguent vraiment sur des bateaux de haute technologie à la journée sur des courses hyper intenses. Voilà, chacun peut trouver son compte.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus, toi, de base, la voile, c'est quand même une histoire de famille. Donc on est loin de ce côté solitaire, finalement. J'imagine que tes débuts, t'as pas du tout navigué seule.

  • Speaker #1

    Ouais c'est vrai, tous mes débuts ils se sont faits en famille ou après sur des petits bateaux en équipage de 4 ou 5 personnes. C'est vrai que j'ai plus cette expérience-là aussi. Ma base de parcours, elle est vraiment liée à l'équipage.

  • Speaker #0

    Est-ce que la solitude, c'est quelque chose qui se prépare aussi ? Quand tu sais que tu vas partir selon mer, est-ce que tu te prépares d'une manière particulière ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on peut s'y préparer, surtout. C'est vrai que le risque, quand on est en solitaire, c'est que quand les choses, elles ne se passent pas bien, on pourrait tomber typiquement dans des cercles un peu négatifs de pensée. Se dire, ah ben mince, je suis nulle ou je n'ai pas fait ça. Qu'est-ce que telle ou telle ou les personnes qui m'ont accompagnée sur le projet vont penser. C'est vrai qu'il y a un peu une pression parce qu'on porte un peu tout le projet seul une fois qu'on est parti en mer. Mais voilà, donc on peut se préparer typiquement pour essayer d'éviter ce mode de pensée, se reconcentrer sur les choses qu'on a à faire, même quand on a des situations difficiles. C'est-à-dire que les choses qui se sont passées, elles se sont passées. Et puis maintenant, c'est qu'est-ce que je fais de cette situation-là ? Bien sûr, il y a de la préparation mentale qui est importante à faire parce qu'on est tout seul. Et puis du coup, les ressources, on va devoir les trouver tout seul. on n'aura pas un collègue ou un ami qui va pouvoir nous... dire le petit mot qui nous fera repartir sur le bon pied donc voilà les ressources elles sont à trouver elles sont à retrouver en soi ouais

  • Speaker #0

    Et donc ça c'est pour la partie préparation mentale, il y a la préparation physique est-ce que tu pratiques aussi d'autres sports toi hormis la voile ?

  • Speaker #1

    Moi je fais du renforcement généralement deux fois par semaine avec une coach donc plus en musculation parce que nos bateaux ils sont durs et exigeants physiquement donc pour être sûre que je puisse tout faire correctement et puis après pour tout ce qui est plutôt côté cardio j'aime bien tous les sports un peu extérieurs donc que... Je vais faire du vélo, j'aime bien ce qui est sport nautique, donc en ce moment je fais pas mal de wingfoil, un peu de course à pied, de la natation aussi. J'aime bien pouvoir varier un peu, il y a un côté un peu scolaire si on veut en salle et puis à côté, plus essayer de varier un peu les plaisirs et de passer aussi du temps dehors en faisant d'autres sports.

  • Speaker #0

    Est-ce que quand on est en mer pendant 90 jours par exemple, il y a une routine physique à avoir ? Je ne sais pas, est-ce que tu fais des exercices physiques justement ou des étirements, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Non, généralement, je n'en fais pas. Et c'est vrai que les bateaux, pour les manœuvrer tout seuls, ils demandent vraiment énormément d'énergie. Donc, par exemple, typiquement, des fois, un changement de voile, tu vas devoir tourner les manivelles, donc grinder pour faire tourner, pour monter ou rouler les voiles, etc. Pendant une manœuvre, elle dure vite à peu près 45 minutes. Donc, c'est vraiment de l'effort un peu endurant, assez intensité. Donc, généralement, le côté physique, tu l'as déjà suffisamment. Après, par contre, ça peut arriver que du coup, il y a des courbatures ou des choses comme ça. Donc à ce moment-là, on pourrait essayer de plus s'étirer, se détendre. Après, c'est vrai que dans nos bateaux, ce n'est pas forcément facile. Aujourd'hui, on est sur des bateaux qui vont très vite, qui secouent pas mal. Donc des fois, ce n'est pas facile d'avoir des moments un peu plus tranquilles où on pourrait un peu lâcher l'attention.

  • Speaker #0

    J'en parlais au début dans mon intro. Il y a aussi une partie engagement autour de ton sport, notamment sur la partie environnementale. est-ce que c'est quelque chose qui est qui est innée chez toi, tu as toujours été sensible à ça ou c'est ton sport qui t'a sensibilisé à ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Non, je pense que j'y ai été toujours assez sensible depuis mon enfance ou je pense depuis que j'ai à peu près une dizaine d'années. Après, dans ma vie quotidienne, j'essaye de faire attention à ma manière de consommer, à ma manière de me déplacer. Si c'est possible d'avoir une solution meilleure, en tout cas d'essayer d'y tendre. Je me déplace beaucoup en train. J'essaie vraiment d'éviter l'avion le temps que possible. C'est un aspect auquel j'essaie de faire attention dans ma vie. Et puis c'est vrai qu'en course au large, on navigue quand même encore sur des bateaux en carbone, où on a des pièces à changer régulièrement, des voiles qui sont aussi faites à base de carbone. Donc toute la course au large et tout le milieu de la voile essayent de tendre à plus de durabilité, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as une certaine culpabilité parfois de dire, parce que le sport, mais quels que soient les sports, on sait que c'est quand même, ça a un impact, c'est forcément comme tout ce qu'on fait. Est-ce que des fois tu culpabilises un peu de ton impact lié à son sport ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vrai qu'on se dit, j'ai un bateau qui fait 20 mètres de carbone pour aller faire un tour du monde en solitaire. Bien sûr, en tout cas, je pense que c'est important d'être conscient des enjeux, de mesurer aussi ce qu'on consomme quand on construit un bateau. Alors nous, on a racheté un bateau d'occasion, donc ça n'a pas été le cas. Mais on sait que la course au large, c'est encore un sport qui a un gros coût écologique. On n'a pas besoin juste d'une paire de baskets pour aller faire notre sport. donc ouais en tout cas c'est sûr que c'est important d'en avoir confiance et puis de participer à aux changements dans la voile. Ça se fait aussi beaucoup par les règles. C'est les classes qui peuvent imposer de limiter, par exemple, l'impact CO2 d'une construction de bateau, de limiter le nombre de voiles qu'on a à bord, de limiter certains changements, de tendre sur des pièces qui sont monotypes, donc qui sont les mêmes pour tout le monde. Et ça, ça permet aussi vraiment de réduire le coût écologique de la production de ces pièces. Donc voilà, en tout cas, il y a plein de démarches qui sont faites dans ce sens-là. Et c'est important de les soutenir. Et c'est le cas de la plupart des marins aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et c'est des sujets d'ailleurs que tu abordes dans le podcast Koucho qui est dispo sur Youtube aussi. Donc il y a plein de... Enfin je sais qu'il y a une table ronde où vous parlez de tous ces sujets là. Ouais. On parlait d'engagement, tu as aussi pris plusieurs fois la parole sur toutes les questions qui sont équité homme-femme, notamment dans ton sport. Est-ce que ça, pareil, c'est quelque chose auquel tu étais sensible ou c'est le fait d'y être confronté au quotidien où tu t'es dit il faut s'engager, il faut faire bouger les choses ?

  • Speaker #1

    Oui je pense que j'y ai été sensible et je pense que toute femme y est confrontée dans sa vie ou en tout cas se rend compte qu'il y a des inégalités et bien sûr c'est le cas dans la voile mais c'est le cas encore partout notamment à la fin du tour du monde qu'on fait en équipage en 2014-2015 avec un équipage 100% féminin on se dit à la fin de ce tour du monde en fait pour nous c'est compliqué de trouver aujourd'hui des débouchés et de savoir ce qu'on va faire à la fin de ce tour du monde alors que pour tous les marins qui étaient autour de nous ils partaient naviguer sur plein d'autres projets. mais qui était sur des circuits qui n'étaient pas vraiment accessibles aux femmes, des circuits de haut niveau où il y avait peu de participation féminine. Donc à la suite de ce tour du monde-là, on a monté le Magenta Project, qui est une association qui est destinée à promouvoir la voile de compétition chez les femmes, en tout cas à leur faciliter l'accès au haut niveau, au travers de formations, de systèmes de mentorat. C'est une association que je soutiens, aux actions de laquelle j'essaie vraiment de participer. Donc j'ai été mentor pendant plusieurs années, je le suis encore actuellement. Quand il y a des projets qui sont initiés par la classe IMOCA, typiquement souvent sur les courses, on va accueillir une jeune femme pendant la semaine de départ pour qu'elle puisse découvrir comment ça se passe dans une équipe la veille d'un départ de grande course. Et puis aussi dans l'équipe teamwork, sur l'équipe de mon projet, on a la mixité entre hommes-femmes dans les différents métiers autour de moi. Donc voilà, moi je suis skipper, mais on a une ingénieure dans le projet, on a une logisticienne, on a une boat captain, une accastilleuse. C'est aussi important d'ouvrir... nos métiers, en tout cas de donner la chance aux femmes aussi parce qu'en tant qu'eskipper, on est minoritaire, mais c'est aussi le cas dans la plupart des métiers qui nous entourent pour préparer nos projets.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a l'impression que d'être une femme dans un sport un peu plus masculin, enfin dans la tête des gens, ça fait qu'on est obligé de s'engager ?

  • Speaker #1

    On ne serait pas obligé, je pense que pas toutes le font, mais pour moi c'était important. Aujourd'hui, je fais partie des femmes qui sont là depuis un petit moment et qui ont un peu une expérience et une légitimité dans le milieu. Donc voilà, si je peux m'en servir pour que les navigatrices qui viennent maintenant, elles aient plus d'opportunités et que ce soit plus facile pour elles. Voilà, je me sens un peu responsable de le faire et je le fais volontiers si je peux contribuer à tout ça.

  • Speaker #0

    Tu constates quand même que les choses bougent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, les choses bougent. Et justement, depuis une dizaine d'années ou depuis, si on veut, un peu la fin de ce Tour du Monde, justement, qu'on avait fait en équipage féminin, aujourd'hui, il y a des quotas qui obligent la présence féminine sur la plupart des grandes courses et notamment sur le Tour du Monde en équipage, donc sur l'ancienne Volvo Euchenriss. La course majeure en équipage, aujourd'hui il doit toujours y avoir une femme à bord. Il y a des courses qui ont mis l'obligation des courses en double, où il y a une obligation de mixité, donc ça doit être obligatoirement un homme et une femme. Ça s'est fait aussi sur les circuits olympiques. Et puis il y a aussi pas mal de passerelles de formation qui ont fait des sélections spécifiquement féminines, donc des femmes qui ont pu décrocher des super beaux projets de course au large, très bien encadrées. Tout ça c'était des choses qui n'existaient pas il y a une dizaine d'années, donc bien sûr il y a du progrès. Après on voit que sur les courses on est encore à peu près souvent un dixième de participantes. parfois plus, parfois moins. Donc il y a encore du travail à faire pour continuer à faire évoluer les choses dans ce sens-là. Mais bien sûr, il y a du positif.

  • Speaker #0

    Ce podcast, il s'appelle Le Déclic. Qu'est-ce que c'est pour toi un déclic ?

  • Speaker #1

    Pour moi, je dirais que c'est un moment qui fait un peu basculer les choses. Un moment clé.

  • Speaker #0

    Alors toi, est-ce que tu en as un important auquel tu penses ?

  • Speaker #1

    C'était un camp de voile que j'ai fait quand j'avais à peu près 16 ans, dans le sud de la France, avec Jean-Paul Béchler, qui était un... skipper suisse qu'on avait marre de voir que des personnes un peu âgées être responsables de bateau en mer et qui s'est dit moi je vais former des jeunes pour prendre la relève. Donc voilà j'ai participé à un de ces camps, on était des jeunes entre 12 et 20 ans à bord de voilier sans adulte à bord. J'en garde vraiment un super souvenir et pour moi c'est vraiment ça qui m'a donné envie de naviguer aussi pour moi et pas seulement juste avec mes parents.

  • Speaker #0

    Et justement à ce moment-là, quand tu as ce déclic-là, tu te dis... Je ne sais pas si tu avais déjà des ambitions avant d'en faire ton métier, de tout ça. Est-ce que ça, ça a contribué justement à te dire, plus tard, je serai skippeuse sur des compétitions internationales ?

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'à cette époque-là, moi, je me suis dit, ça me donne envie juste de pouvoir être chef de bord, de pouvoir être capitaine de mon propre bateau, de pouvoir gérer du monde à mon bord et que ça se passe bien. Ça, c'était vraiment la première étape pour moi. C'est vrai que je ne me voyais pas devenir professionnelle. Moi, j'ai fini mon bac, après j'ai fait des études d'institutrice. Bien sûr, je naviguais toujours beaucoup en parallèle, mais c'est vrai qu'il y a peu d'exemples aussi de femmes qui sont professionnelles de la voile. Il n'y avait pas vraiment d'exemples aussi en Suisse. Donc, ce n'est pas un débouché que je voyais venir. Et au final, pour moi, ma carrière, elle s'est lancée plus petit à petit au fil des opportunités. Au début, on est amateur. Après, on commence à pouvoir gagner un peu sa vie en naviguant. Et puis après, j'ai pu lancer mon premier projet de mini-transat en course au large. Mais voilà, c'est vrai que ce n'était pas du tout anticipé et que je ne me projetais pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    Quelles sont les prochaines courses sur lesquelles on pourra te suivre Justine ?

  • Speaker #1

    Alors, 2024 pour nous, c'est une grosse année. On a deux transats là ce printemps. Donc, on va faire deux transats CIC qui partent de Lorient et qui arrivent à New York. Fin mai, on repart de New York pour aller en Vendée, au Sable d'Olonne. Et puis, il y a le Vendée Globe qui part le 10 novembre des Sables d'Olonne et qui est vraiment le gros morceau de cette année, qui a lieu tous les quatre ans. Nous, ça fait trois ans qu'on le prépare. Et puis, j'ai vraiment hâte d'y être.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut te suivre justement sur toutes tes aventures, peut-être sur les réseaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on peut me suivre sur mes réseaux sociaux, donc Justine Métraud, et puis aussi sur ceux de mes sponsors, donc Teamwork et le groupe Snaf.

  • Speaker #0

    Super. Merci beaucoup Justine et puis à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup à toi.

  • Speaker #0

    Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager et à en parler autour de vous.

  • Speaker #1

    Qui sait,

  • Speaker #0

    il n'est peut-être pas si loin ce déclic.

Description

"L’accident peut arriver à n’importe qui, n’importe quand". En cette rentrée, je vous propose de prendre un peu l’air… Ou plutôt, un bon bol d’air marin. Dans ce nouvel épisode du déclic, je vous emmène à la rencontre de la navigatrice Justine Mettraux. Vous l’avez peut-être déjà entendu dans un épisode de l’Aventure, dans lequel elle nous racontait sa traversée de l’Atlantique lors de la Transat Jacques Vabre. Alors qu’elle s’apprête à participer au Vendée Globe cet hiver, Justine nous raconte son histoire et ses débuts avec la voile. Elle nous parle aussi de sa vision du sport ou encore, de son rapport à la solitude comme à la compétition… 


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Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre, rupture, joie, échec, transformation, bonheur. Tout commence par un déclic. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode. Vous écoutez le déclic de Justine Métro. Bonjour Justine.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Tu vas bien ?

  • Speaker #1

    Ça va très bien, merci.

  • Speaker #0

    Merci à toi, je suis ravie que tu m'accueilles ici à Lorient. Alors pour te présenter, Justine, tu es née en Suisse et c'est là-bas que tu as fait tes premières sorties voile sur le lac Léman avec ta famille. À ce moment-là, tu ne sais pas encore, mais c'est le début d'une grande aventure pour toi avec la voile. En grandissant, tu continues d'apprendre à naviguer et tu découvres la course en mer au large. Tu fais tes premières courses nautiques à l'âge de 16 ans, notamment le Tour de France à la voile. Aujourd'hui, tu es navigatrice, skipeuse et tu es entre autres été la première femme à monter sur la deuxième marge du classement général en série de la Mini Transat en 2013. Et c'était ton premier podium sur une grande course. Puis après, tout s'est un peu enchaîné. Tu termines sixième de la Volvo Ocean Race avec un équipage 100% féminin. Tu as également participé à plusieurs solitaires du Figaro et tu finiras sur l'une d'entre elles en septième position. Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi la Transat Jacques Vabre que tu feras plusieurs fois et tu nous en parles aussi dans des épisodes de l'aventure sur ce podcast. Il y a également The Ocean Race et puis la Route du Rhum en 2002, entre autres. En plus de tout ça, Justine, tu es aussi une sportive engagée. Tout d'abord pour la défense de l'environnement, mais aussi pour l'équité entre les hommes et les femmes, notamment dans ton sport. Et quand je dis engagé, c'est que tu n'hésites pas à prendre la parole sur ces sujets. Bref, tu as tant de choses à nous dire et à nous raconter à propos de tout ça. Et pour commencer, j'ai envie de te demander, qu'est-ce qui t'apporte le plus finalement ? C'est la mer, l'océan ou le sport ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est vraiment un tout. C'est vrai que dans la course au large, on a la chance de pouvoir faire de la compétition, mais vraiment dans un cadre assez exceptionnel, vraiment au contact de la nature. Et pour moi, c'est aussi vraiment un côté important dans notre sport. La course au large, ça demande plein de compétences différentes. On a toujours l'impression de pouvoir progresser. Il y a plein de courses différentes, il y a plein de bateaux différents. On peut naviguer tout seul, à deux, à vingt. Donc voilà, c'est hyper varié. C'est ce qui fait aussi que ça me plaît, parce qu'on a l'impression de toujours pouvoir continuer à progresser, qu'il y a toujours plein de choses à apprendre.

  • Speaker #0

    Et du coup, est-ce que ça fait que tu considères la voile vraiment comme un sport ou plus encore, est-ce que c'est carrément un mode de vie ou je ne sais pas comment tu apportes ça ?

  • Speaker #1

    Ça pourrait être un mode de vie. Après, c'est vrai que moi, je le vois vraiment comme un sport. Après, c'est un sport qui n'est pas lié uniquement à la performance physique comme ça peut être le cas dans d'autres sports. Il y a le côté de la stratégie, de pouvoir prendre les meilleures options météo. Il y a tout le côté gestion de soi sur la durée quand on est pendant longtemps en mer, le côté mental qui est aussi important. C'est vraiment assez complet comme sport et bien sûr qu'il y a aussi un côté... physiques parce que nos bateaux demandent quand même beaucoup d'énergie pour être manœuvrés.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu arrives à dire ce qui fait que tu te sens aussi bien en mer ou sur ton bateau ?

  • Speaker #1

    On a la chance de se retrouver parfois un peu au milieu de nulle part, à des heures un peu improbables et ça nous permet de vivre des choses assez exceptionnelles, de voir des super beaux levées, coucher de soleil, d'essayer d'aller, d'avoir vraiment une connexion avec l'élément parce qu'on se retrouve parfois un peu isolé justement en pleine mer et c'est chouette de pouvoir vivre ça.

  • Speaker #0

    Et c'est en même temps une dimension particulière parce que, donc tu disais c'est quand même un sport, toi tu en fais en plus au niveau compétition, quand on fait de la compétition, si je pense par exemple à l'athlétisme, on peut quasiment tout anticiper, ce qui va se passer le jour J sur son corps, tout ça. Toi tu peux pas, parce qu'il y a aussi des éléments en fait, c'est la nature, comment tu l'appréhendes ça ?

  • Speaker #1

    Ça fait vraiment partie du jeu, on sait qu'il y a des aspects qu'on peut contrôler, et puis il y a des aspects qu'on contrôle pas, on contrôle pas la météo et l'évolution du temps, mais par contre on va contrôler la manière dont on va réagir par rapport à... La météo, on ne contrôle pas la course que font les autres, on ne contrôle pas certains aléas qui pourraient nous arriver, certaines casses mécaniques ou des collisions qu'on pourrait avoir avec des choses qu'on ne peut pas voir dans l'eau. Donc voilà, il y a quand même une part un peu d'imprévu qu'il faut accepter, ça fait partie du jeu.

  • Speaker #0

    Et du coup, c'est quoi la plus grosse partie de préparation ? C'est plus sur le bateau, c'est physique, c'est mental ?

  • Speaker #1

    Il y a un peu de tout. Alors c'est vrai qu'il y a une grosse partie de préparation technique sur nos bateaux. Donc moi je prépare le prochain Vendée Globe en IMOCA. C'est des bateaux qui sont vraiment assez complexes, qui ont beaucoup d'électronique, qui ont de l'hydraulique. Il y a plein de pièces mécaniques. Typiquement, on est à la fin du mois de mars, on sort d'une longue période de chantier d'hiver. Le bateau, pendant trois mois, il est aux mains de l'équipe technique. Donc il y a 6-8 personnes pendant cette période-là qui travaillent à 100% sur le bateau pour tout contrôler, faire toute la maintenance, faire les évolutions aussi qu'il faut pour essayer de rendre le bateau encore un peu plus performant. Toutes ces heures-là, elles sont vraiment nécessaires juste pour que le bateau puisse faire les courses et terminer en bon état. Donc ça, c'est quand même une partie hyper importante. Et puis après, plus de mon côté, il y a une partie préparation physique, préparation mentale. Avant les courses, on fait des entraînements aussi contre d'autres bateaux ou avec d'autres bateaux pour pouvoir se mettre en situation, pour pouvoir progresser, trouver les meilleurs réglages sur le bateau. Ça, c'est aussi une partie importante du travail qui est fait en amont des courses.

  • Speaker #0

    Et toi, de toute façon, tu baignes dedans depuis que tu es toute petite, mais j'ai l'impression que c'est quand même un sport peut-être que je me trompe, mais dont il est difficile Est-ce que c'est une fausse idée ?

  • Speaker #1

    Oui, je pense que c'est une fausse idée parce qu'il y a plein d'exemples de navigateurs ou navigatrices professionnels qui ont commencé assez tard, au final à peu près à une vingtaine d'années, qui ont vu parfois des arrivées de course à certains endroits et qui se sont dit « Ah mais en fait ça a l'air top, je vais me mettre à apprendre à naviguer, suivre les formations aux différentes écoles de voile qui existent. » On pense notamment aux glénans qui sont très présents sur les côtes françaises. Voilà qui commence par ça, par la formation juste de l'apprentissage de la navigation, de pouvoir mener un bateau en mer avant de passer à l'étape de la course. Après c'est vrai qu'il y a aussi pas mal de marins qui ont grandi dans des familles où il y avait un bateau, qui ont voyagé avec leurs parents, qui ont fait des croisières avec leurs parents et ça, ça leur a mis un pied dans le sport avant de poursuivre de leur côté en dériveur et puis de continuer de progresser après.

  • Speaker #0

    Ce qui vient de l'enfance, c'est plus la culture du sport que la pratique. Enfin la pratique s'apprend, la culture tu l'as un peu plus naturellement peut-être ?

  • Speaker #1

    Ouais, oui, je pense qu'il y a une... une culture peut-être un peu de la voile et bien sûr plus sur les côtes ou plus proche des lacs comme moi j'ai grandi au bord du lac Léman mais c'est peut-être culture de la voile c'est le fait de passer du temps sur l'eau, de passer du temps dehors d'avoir vraiment ce contact avec la nature en tout cas pour moi ça a été quelque chose d'important dans mon enfance et qui m'a donné aussi envie après de continuer à naviguer pour moi

  • Speaker #0

    Je te demandais quelle a été ta plus grosse galère en mer est-ce que tu saurais me répondre ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'il y en a eu quelques-unes. C'est vrai que quand on regarde les carrières de marins et guéris, tout le monde a eu un peu ces moments durs. Moi, j'en ai deux qui me viennent à l'esprit. Il y a eu en 2021 sur la Transat Jacques Vabre, on dématte avec mon coéquipier Simon Fischer. Heureusement, on dématte vraiment pas loin des côtes espagnoles. Donc, ça prend du temps de libérer le gréement, d'essayer de récupérer ce qu'on peut. C'est une grosse déception parce que quand le maïtombe, ce n'est pas quelque chose qu'on peut réparer. On sait que la course, elle est finie. C'est un aléa, mais ce n'est pas quelque chose qu'on va pouvoir solutionner. Donc bien sûr, il y a les déceptions de la course qui s'arrête, et puis gérer la situation et ramener le bateau au port. Donc voilà, ça c'était une situation pas très chouette, et c'était la première fois que je le vivais. Et puis il y a une autre situation, ça c'était sur une Transat en équipage, on était cinq à bord. Transat retour en course, et à peu près au milieu de l'Atlantique, on tape un off-knee, donc là c'était probablement malheureusement un 7AC. Quand on tape dans l'eau, il y a un choc très violent avec le bateau. Alors bien sûr, on se dit qu'on blesse l'animal et ça fait vraiment mal au cœur. Et puis on a aussi nous des blessés à bord, donc quelqu'un qui a une blessure assez importante à la tête. Et ça c'est très... voilà, il y a une grosse montée de stress parce que juste on est au milieu d'un peu nulle part et on espère vraiment que l'état du marin qui est blessé ne va pas s'aggraver.

  • Speaker #0

    Et toi justement, à quoi est-ce que tu te raccroches dans ces moments difficiles ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'aujourd'hui avec l'expérience que j'ai, ça fait maintenant une douzaine d'années que je fais de la course au large, Je pense qu'on apprend vraiment à... bien gérer ses émotions et on se concentre sur juste les choses à faire. On ne se laisse pas trop... L'émotion, elle n'a pas vraiment le temps de se développer. On est plus dans la gestion de la situation.

  • Speaker #0

    Et du coup, tu dirais que tu n'as jamais peur en mer ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on n'arrive jamais à des stades de peur ou de panique. Mais bien sûr, il y a plein de moments de stress. On navigue quand même assez souvent dans des conditions qui peuvent être dures, qui peuvent être exigeantes, où on sait qu'il faut faire les manœuvres justes. Il ne faut pas faire d'erreurs parce que sinon, on va casser du matériel. Après, c'est vrai qu'on... Il y a quand même très peu d'accidents ou de pertes humaines si on veut en mer ou en course au large. Aujourd'hui, on a quand même des bonnes prévisions météo qui nous permettent d'éviter les plus grosses tempêtes ou les situations qui pourraient être dangereuses. On a des bateaux quand même qui sont bien structurés, qui sont solides. Donc voilà, peut-être qu'on pourra casser du matériel, démâter, mais on aura généralement toujours une coque qui est en état sur laquelle on sera à l'abri. Donc c'est vrai que ça, c'est un côté aussi rassurant.

  • Speaker #0

    C'est un peu philosophique comme question, mais dans la vie, tes plus grandes peurs, elles ne sont pas liées à ton sport ?

  • Speaker #1

    Ouais, je dirais qu'elles ne sont pas liées à mon sport. On le dit, bien sûr qu'on s'expose un peu quand on va en mer ou quand on fait des sports à risque. Mais voilà, l'accident, on le voit bien, il peut arriver à n'importe qui, n'importe quand. Donc, je n'ai pas l'impression de prendre plus de risques que quelqu'un d'autre.

  • Speaker #0

    D'accord. On a souvent tendance à croire aussi que la voile, c'est un sport pour les personnes qui sont solitaires. Est-ce que tu dirais que toi t'es solitaire ou pas ?

  • Speaker #1

    Alors je dirais qu'en tout cas la solitude c'est pas quelque chose qui me dérange ou ça me dérange pas de passer du temps toute seule ou j'ai aussi voyagé seule et voilà je sais que c'est quelque chose qui me pèse pas. Après la voile c'est assez varié pour permettre à tout le monde d'y trouver son compte parce que voilà moi j'aime bien naviguer toute seule parfois, j'aime bien naviguer à deux et j'aime aussi beaucoup l'équipage. C'est vrai qu'il y a tout plein de supports différents, là on parle plus de course au large mais on peut faire des courses qui durent une demi-heure à des des courses qui durent 80 jours, on peut naviguer tout seul à 2 à 20. Ouais, il y a vraiment le... la possibilité pour chacun de trouver ce qui lui, lui correspond. Donc voilà, moi, je sais que je suis attirée par la course au large, un peu dans toutes les configurations d'équipage, parce que j'aime bien pouvoir varier. Dans ma famille, on est un peu tous marins et il y en a certains qui naviguent vraiment sur des bateaux de haute technologie à la journée sur des courses hyper intenses. Voilà, chacun peut trouver son compte.

  • Speaker #0

    Oui, parce qu'en plus, toi, de base, la voile, c'est quand même une histoire de famille. Donc on est loin de ce côté solitaire, finalement. J'imagine que tes débuts, t'as pas du tout navigué seule.

  • Speaker #1

    Ouais c'est vrai, tous mes débuts ils se sont faits en famille ou après sur des petits bateaux en équipage de 4 ou 5 personnes. C'est vrai que j'ai plus cette expérience-là aussi. Ma base de parcours, elle est vraiment liée à l'équipage.

  • Speaker #0

    Est-ce que la solitude, c'est quelque chose qui se prépare aussi ? Quand tu sais que tu vas partir selon mer, est-ce que tu te prépares d'une manière particulière ?

  • Speaker #1

    Je pense qu'on peut s'y préparer, surtout. C'est vrai que le risque, quand on est en solitaire, c'est que quand les choses, elles ne se passent pas bien, on pourrait tomber typiquement dans des cercles un peu négatifs de pensée. Se dire, ah ben mince, je suis nulle ou je n'ai pas fait ça. Qu'est-ce que telle ou telle ou les personnes qui m'ont accompagnée sur le projet vont penser. C'est vrai qu'il y a un peu une pression parce qu'on porte un peu tout le projet seul une fois qu'on est parti en mer. Mais voilà, donc on peut se préparer typiquement pour essayer d'éviter ce mode de pensée, se reconcentrer sur les choses qu'on a à faire, même quand on a des situations difficiles. C'est-à-dire que les choses qui se sont passées, elles se sont passées. Et puis maintenant, c'est qu'est-ce que je fais de cette situation-là ? Bien sûr, il y a de la préparation mentale qui est importante à faire parce qu'on est tout seul. Et puis du coup, les ressources, on va devoir les trouver tout seul. on n'aura pas un collègue ou un ami qui va pouvoir nous... dire le petit mot qui nous fera repartir sur le bon pied donc voilà les ressources elles sont à trouver elles sont à retrouver en soi ouais

  • Speaker #0

    Et donc ça c'est pour la partie préparation mentale, il y a la préparation physique est-ce que tu pratiques aussi d'autres sports toi hormis la voile ?

  • Speaker #1

    Moi je fais du renforcement généralement deux fois par semaine avec une coach donc plus en musculation parce que nos bateaux ils sont durs et exigeants physiquement donc pour être sûre que je puisse tout faire correctement et puis après pour tout ce qui est plutôt côté cardio j'aime bien tous les sports un peu extérieurs donc que... Je vais faire du vélo, j'aime bien ce qui est sport nautique, donc en ce moment je fais pas mal de wingfoil, un peu de course à pied, de la natation aussi. J'aime bien pouvoir varier un peu, il y a un côté un peu scolaire si on veut en salle et puis à côté, plus essayer de varier un peu les plaisirs et de passer aussi du temps dehors en faisant d'autres sports.

  • Speaker #0

    Est-ce que quand on est en mer pendant 90 jours par exemple, il y a une routine physique à avoir ? Je ne sais pas, est-ce que tu fais des exercices physiques justement ou des étirements, ce genre de choses ?

  • Speaker #1

    Non, généralement, je n'en fais pas. Et c'est vrai que les bateaux, pour les manœuvrer tout seuls, ils demandent vraiment énormément d'énergie. Donc, par exemple, typiquement, des fois, un changement de voile, tu vas devoir tourner les manivelles, donc grinder pour faire tourner, pour monter ou rouler les voiles, etc. Pendant une manœuvre, elle dure vite à peu près 45 minutes. Donc, c'est vraiment de l'effort un peu endurant, assez intensité. Donc, généralement, le côté physique, tu l'as déjà suffisamment. Après, par contre, ça peut arriver que du coup, il y a des courbatures ou des choses comme ça. Donc à ce moment-là, on pourrait essayer de plus s'étirer, se détendre. Après, c'est vrai que dans nos bateaux, ce n'est pas forcément facile. Aujourd'hui, on est sur des bateaux qui vont très vite, qui secouent pas mal. Donc des fois, ce n'est pas facile d'avoir des moments un peu plus tranquilles où on pourrait un peu lâcher l'attention.

  • Speaker #0

    J'en parlais au début dans mon intro. Il y a aussi une partie engagement autour de ton sport, notamment sur la partie environnementale. est-ce que c'est quelque chose qui est qui est innée chez toi, tu as toujours été sensible à ça ou c'est ton sport qui t'a sensibilisé à ces sujets-là ?

  • Speaker #1

    Non, je pense que j'y ai été toujours assez sensible depuis mon enfance ou je pense depuis que j'ai à peu près une dizaine d'années. Après, dans ma vie quotidienne, j'essaye de faire attention à ma manière de consommer, à ma manière de me déplacer. Si c'est possible d'avoir une solution meilleure, en tout cas d'essayer d'y tendre. Je me déplace beaucoup en train. J'essaie vraiment d'éviter l'avion le temps que possible. C'est un aspect auquel j'essaie de faire attention dans ma vie. Et puis c'est vrai qu'en course au large, on navigue quand même encore sur des bateaux en carbone, où on a des pièces à changer régulièrement, des voiles qui sont aussi faites à base de carbone. Donc toute la course au large et tout le milieu de la voile essayent de tendre à plus de durabilité, mais il y a encore beaucoup de travail à faire.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as une certaine culpabilité parfois de dire, parce que le sport, mais quels que soient les sports, on sait que c'est quand même, ça a un impact, c'est forcément comme tout ce qu'on fait. Est-ce que des fois tu culpabilises un peu de ton impact lié à son sport ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. C'est vrai qu'on se dit, j'ai un bateau qui fait 20 mètres de carbone pour aller faire un tour du monde en solitaire. Bien sûr, en tout cas, je pense que c'est important d'être conscient des enjeux, de mesurer aussi ce qu'on consomme quand on construit un bateau. Alors nous, on a racheté un bateau d'occasion, donc ça n'a pas été le cas. Mais on sait que la course au large, c'est encore un sport qui a un gros coût écologique. On n'a pas besoin juste d'une paire de baskets pour aller faire notre sport. donc ouais en tout cas c'est sûr que c'est important d'en avoir confiance et puis de participer à aux changements dans la voile. Ça se fait aussi beaucoup par les règles. C'est les classes qui peuvent imposer de limiter, par exemple, l'impact CO2 d'une construction de bateau, de limiter le nombre de voiles qu'on a à bord, de limiter certains changements, de tendre sur des pièces qui sont monotypes, donc qui sont les mêmes pour tout le monde. Et ça, ça permet aussi vraiment de réduire le coût écologique de la production de ces pièces. Donc voilà, en tout cas, il y a plein de démarches qui sont faites dans ce sens-là. Et c'est important de les soutenir. Et c'est le cas de la plupart des marins aujourd'hui.

  • Speaker #0

    Et c'est des sujets d'ailleurs que tu abordes dans le podcast Koucho qui est dispo sur Youtube aussi. Donc il y a plein de... Enfin je sais qu'il y a une table ronde où vous parlez de tous ces sujets là. Ouais. On parlait d'engagement, tu as aussi pris plusieurs fois la parole sur toutes les questions qui sont équité homme-femme, notamment dans ton sport. Est-ce que ça, pareil, c'est quelque chose auquel tu étais sensible ou c'est le fait d'y être confronté au quotidien où tu t'es dit il faut s'engager, il faut faire bouger les choses ?

  • Speaker #1

    Oui je pense que j'y ai été sensible et je pense que toute femme y est confrontée dans sa vie ou en tout cas se rend compte qu'il y a des inégalités et bien sûr c'est le cas dans la voile mais c'est le cas encore partout notamment à la fin du tour du monde qu'on fait en équipage en 2014-2015 avec un équipage 100% féminin on se dit à la fin de ce tour du monde en fait pour nous c'est compliqué de trouver aujourd'hui des débouchés et de savoir ce qu'on va faire à la fin de ce tour du monde alors que pour tous les marins qui étaient autour de nous ils partaient naviguer sur plein d'autres projets. mais qui était sur des circuits qui n'étaient pas vraiment accessibles aux femmes, des circuits de haut niveau où il y avait peu de participation féminine. Donc à la suite de ce tour du monde-là, on a monté le Magenta Project, qui est une association qui est destinée à promouvoir la voile de compétition chez les femmes, en tout cas à leur faciliter l'accès au haut niveau, au travers de formations, de systèmes de mentorat. C'est une association que je soutiens, aux actions de laquelle j'essaie vraiment de participer. Donc j'ai été mentor pendant plusieurs années, je le suis encore actuellement. Quand il y a des projets qui sont initiés par la classe IMOCA, typiquement souvent sur les courses, on va accueillir une jeune femme pendant la semaine de départ pour qu'elle puisse découvrir comment ça se passe dans une équipe la veille d'un départ de grande course. Et puis aussi dans l'équipe teamwork, sur l'équipe de mon projet, on a la mixité entre hommes-femmes dans les différents métiers autour de moi. Donc voilà, moi je suis skipper, mais on a une ingénieure dans le projet, on a une logisticienne, on a une boat captain, une accastilleuse. C'est aussi important d'ouvrir... nos métiers, en tout cas de donner la chance aux femmes aussi parce qu'en tant qu'eskipper, on est minoritaire, mais c'est aussi le cas dans la plupart des métiers qui nous entourent pour préparer nos projets.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça a l'impression que d'être une femme dans un sport un peu plus masculin, enfin dans la tête des gens, ça fait qu'on est obligé de s'engager ?

  • Speaker #1

    On ne serait pas obligé, je pense que pas toutes le font, mais pour moi c'était important. Aujourd'hui, je fais partie des femmes qui sont là depuis un petit moment et qui ont un peu une expérience et une légitimité dans le milieu. Donc voilà, si je peux m'en servir pour que les navigatrices qui viennent maintenant, elles aient plus d'opportunités et que ce soit plus facile pour elles. Voilà, je me sens un peu responsable de le faire et je le fais volontiers si je peux contribuer à tout ça.

  • Speaker #0

    Tu constates quand même que les choses bougent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, les choses bougent. Et justement, depuis une dizaine d'années ou depuis, si on veut, un peu la fin de ce Tour du Monde, justement, qu'on avait fait en équipage féminin, aujourd'hui, il y a des quotas qui obligent la présence féminine sur la plupart des grandes courses et notamment sur le Tour du Monde en équipage, donc sur l'ancienne Volvo Euchenriss. La course majeure en équipage, aujourd'hui il doit toujours y avoir une femme à bord. Il y a des courses qui ont mis l'obligation des courses en double, où il y a une obligation de mixité, donc ça doit être obligatoirement un homme et une femme. Ça s'est fait aussi sur les circuits olympiques. Et puis il y a aussi pas mal de passerelles de formation qui ont fait des sélections spécifiquement féminines, donc des femmes qui ont pu décrocher des super beaux projets de course au large, très bien encadrées. Tout ça c'était des choses qui n'existaient pas il y a une dizaine d'années, donc bien sûr il y a du progrès. Après on voit que sur les courses on est encore à peu près souvent un dixième de participantes. parfois plus, parfois moins. Donc il y a encore du travail à faire pour continuer à faire évoluer les choses dans ce sens-là. Mais bien sûr, il y a du positif.

  • Speaker #0

    Ce podcast, il s'appelle Le Déclic. Qu'est-ce que c'est pour toi un déclic ?

  • Speaker #1

    Pour moi, je dirais que c'est un moment qui fait un peu basculer les choses. Un moment clé.

  • Speaker #0

    Alors toi, est-ce que tu en as un important auquel tu penses ?

  • Speaker #1

    C'était un camp de voile que j'ai fait quand j'avais à peu près 16 ans, dans le sud de la France, avec Jean-Paul Béchler, qui était un... skipper suisse qu'on avait marre de voir que des personnes un peu âgées être responsables de bateau en mer et qui s'est dit moi je vais former des jeunes pour prendre la relève. Donc voilà j'ai participé à un de ces camps, on était des jeunes entre 12 et 20 ans à bord de voilier sans adulte à bord. J'en garde vraiment un super souvenir et pour moi c'est vraiment ça qui m'a donné envie de naviguer aussi pour moi et pas seulement juste avec mes parents.

  • Speaker #0

    Et justement à ce moment-là, quand tu as ce déclic-là, tu te dis... Je ne sais pas si tu avais déjà des ambitions avant d'en faire ton métier, de tout ça. Est-ce que ça, ça a contribué justement à te dire, plus tard, je serai skippeuse sur des compétitions internationales ?

  • Speaker #1

    Non, c'est vrai qu'à cette époque-là, moi, je me suis dit, ça me donne envie juste de pouvoir être chef de bord, de pouvoir être capitaine de mon propre bateau, de pouvoir gérer du monde à mon bord et que ça se passe bien. Ça, c'était vraiment la première étape pour moi. C'est vrai que je ne me voyais pas devenir professionnelle. Moi, j'ai fini mon bac, après j'ai fait des études d'institutrice. Bien sûr, je naviguais toujours beaucoup en parallèle, mais c'est vrai qu'il y a peu d'exemples aussi de femmes qui sont professionnelles de la voile. Il n'y avait pas vraiment d'exemples aussi en Suisse. Donc, ce n'est pas un débouché que je voyais venir. Et au final, pour moi, ma carrière, elle s'est lancée plus petit à petit au fil des opportunités. Au début, on est amateur. Après, on commence à pouvoir gagner un peu sa vie en naviguant. Et puis après, j'ai pu lancer mon premier projet de mini-transat en course au large. Mais voilà, c'est vrai que ce n'était pas du tout anticipé et que je ne me projetais pas du tout là-dedans.

  • Speaker #0

    Quelles sont les prochaines courses sur lesquelles on pourra te suivre Justine ?

  • Speaker #1

    Alors, 2024 pour nous, c'est une grosse année. On a deux transats là ce printemps. Donc, on va faire deux transats CIC qui partent de Lorient et qui arrivent à New York. Fin mai, on repart de New York pour aller en Vendée, au Sable d'Olonne. Et puis, il y a le Vendée Globe qui part le 10 novembre des Sables d'Olonne et qui est vraiment le gros morceau de cette année, qui a lieu tous les quatre ans. Nous, ça fait trois ans qu'on le prépare. Et puis, j'ai vraiment hâte d'y être.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut te suivre justement sur toutes tes aventures, peut-être sur les réseaux ?

  • Speaker #1

    Oui, on peut me suivre sur mes réseaux sociaux, donc Justine Métraud, et puis aussi sur ceux de mes sponsors, donc Teamwork et le groupe Snaf.

  • Speaker #0

    Super. Merci beaucoup Justine et puis à très bientôt.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup à toi.

  • Speaker #0

    Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager et à en parler autour de vous.

  • Speaker #1

    Qui sait,

  • Speaker #0

    il n'est peut-être pas si loin ce déclic.

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