- Speaker #0
Rencontre, rupture, joie, échec, transformation, bonheur, tout commence par un déclic. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue sur ce nouvel épisode, vous écoutez le déclic de Yoann Diniz. Bonjour Yann.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Comment tu vas ?
- Speaker #1
Très bien, merci.
- Speaker #0
Pour commencer cet épisode, j'ai envie de te présenter à nos auditeurs et nos auditrices, pour ceux qui ne te connaissent pas encore. Tu es recordman du monde du 50 km en marche athlétique en 3h32m33s. Sur cette distance, tu as également été champion du monde en 2017 et triple champion d'Europe en 2006, 2010 et 2014. Tu as également détenu pendant une semaine le record du monde du 20 km marche et ça c'était en 2015. Alors aujourd'hui tu es retraitée de ta carrière de sportif et de haut niveau et ce depuis 2021. La marche c'est un sport que tu as découvert plus jeune dans ta région. Tu es originaire d'Epernay si je ne me trompe pas. C'est un maître nageur qui t'a inspiré. Alors ça peut paraître un peu étrange mais tu nous expliqueras. Une personne que tu connaissais et que tu voyais s'entraîner pour le Paris-Colmar. Le sport ça t'a tout de suite parlé, la marche, parce que tu as dit que c'était un sport engagé. Alors ça veut dire quoi pour toi être engagé ?
- Speaker #1
Un sport engagé, en tout cas, oui, la marche, quand on décide d'en faire, c'est quelque chose qui va demander beaucoup, tant sur le plan de l'entraînement, on va dire vraiment pur, donc faire des kilomètres, en fait, voilà, tout simplement, et puis beaucoup de technique, et puis après, psychologiquement aussi, où c'est un sport où il n'y a pas de très grosse communauté quand on commence. On peut commencer en club, mais tout de suite... Avec son niveau, on va vite niveler, on va dire, les groupes. À un moment, on va se retrouver un peu seul. Donc après, aller rechercher, on va dire, des personnes avec qui s'entraîner, etc. Soit ça se fait à l'étranger, dans d'autres groupes, etc. Donc moi, je partais pas tout le temps, en tout cas, en stage à l'étranger, etc. Donc c'est plutôt, voilà, quelque chose, un effort où on est plutôt... solitaire en fait et face à l'effort tous les jours donc c'est dans cela où je dis qu'il fallait être plutôt engagé dans sa démarche en tout cas.
- Speaker #0
Est-ce que dans l'idée d'engagement il n'y a pas aussi quelque chose par rapport au sens ? J'imagine que toi tu as fait tout ça, il y avait du sens derrière ou pas tout de suite ?
- Speaker #1
Du sens, déjà parce que j'aimais bien ça, donc sinon je ne l'aurais pas fait et puis je n'aurais pas fait autant de kilomètres. Mais après, oui, il y a une démarche forcément plutôt peut-être très philosophique, en fait, parce qu'on est à la recherche de sensations, de perceptions. On peut l'avoir dans chaque forme de pratique. Mais là, comme on est sur de la marche, on est sur quelque chose à la base qui est plutôt doux, qui est dans la nature, dans le grand air. On prend le temps, on reste longtemps, en fait, souvent sur la route. Donc on prend le temps de s'écouter, d'écouter son corps, d'écouter également l'environnement extérieur avec le vent déjà. Et puis le vent qui va souffler dans les feuilles quand on est dans les forêts, au milieu des arbres, etc. Il vient sur ses vêtements, tous les frottements, etc. Donc il y a une grosse part de méditation également.
- Speaker #0
Quel était ta vie avant la marche athlétique ? Quel rapport tu avais avec le sport ? Est-ce que tu as toujours pratiqué avant du sport ?
- Speaker #1
Non, non, pas du tout. alors moi, moi. rapport avec la marche athlétique, il est arrivé très tard. En tout cas, dans la pratique, j'ai fait des études avant de... J'ai un bac plus 5 en oenologie. Voilà, donc j'ai fait plutôt des études avant d'avoir un grand parcours, on va dire, d'athlète de haut niveau. D'ailleurs, c'est pour ça que j'ai commencé très tard. J'ai commencé, je devais avoir 23, 24 ans. Comment c'est venu ? C'est venu parce que, comme tu le disais, j'ai découvert la marche athlétique quand j'étais petit par un de mes maîtres nageurs qui faisait de la marche athlétique et qui avait gagné une épreuve qui était très mythique à l'époque, qui était le Paris-Colmar. Et donc, ça passait par chez moi, par Épernay. Et donc, on l'encouragait, cette personne, on l'encouragait. On était gamins, on avait 6, 7, 8, 9 ans. et donc forcément de voir toutes ces personnes marquées J'ai rallié, pour moi c'était un grand exploit. Après, dans l'année, par chez moi, ils refaisaient pas mal d'épreuves sur des longues distances, souvent plus de 24 heures, avec cette personne et puis d'autres. Donc il y avait beaucoup d'épreuves par chez moi qui me permettaient de ne pas... Si j'aimais bien en tout cas l'effort, mais je n'aimais pas le sport en lui-même, mais en tout cas j'aimais bien le voir et j'aimais bien les encourager. Moi, je faisais du skate, je faisais du handball, je faisais un peu d'athlète. Je courais avec mes potes en club et je courais plutôt très bien. Je gagnais beaucoup quand je courais des crosses, etc. à tous les niveaux. Mais je n'étais pas encore, on va dire, piqué par le virus de la marche athlétique.
- Speaker #0
Mais tu avais quand même ce goût de la compétition qui était présent avant, du coup, par l'athlétisme.
- Speaker #1
Ouais. J'avais le goût de m'amuser. Je faisais beaucoup de skate. C'est différent. Dans la performance, on est un peu différent. Parce que là, on cherche plutôt à rentrer un trix ou une figure. C'est complètement différent par rapport au milieu de la compétition. Mais en tout cas, j'aimais encore bien, même quand je faisais beaucoup de skate, j'aimais toujours bien aller courir 2-3 fois par semaine.
- Speaker #0
Pour avoir lu et entendu pas mal de tes interviews, tu dis souvent que ta carrière a été faite de haut et de bas. Est-ce que ce n'est pas un peu le cas de tous les sportifs de haut niveau ? Ou alors, toi, en quoi c'est différent ?
- Speaker #1
Il y a plusieurs choses. Déjà, je pense que oui, ma carrière a été très longue dans le sport de haut niveau. J'ai vraiment commencé le haut niveau en 2004, jusqu'en 2021. Donc, ça fait 17 années. A haut niveau, donc déjà c'est long. Et donc forcément, sur cette longueur, on ne peut pas être linéaire sur 17 ans. Sinon, je ne sais pas comment on fait. Donc forcément, il y a des hauts et des bas. On apprend, on apprend à se connaître. On apprend aussi de ses victoires. On apprend aussi beaucoup de ses erreurs pour pouvoir après se remettre en question et continuer à progresser. Donc je pense qu'une carrière, en fait, elle n'est jamais linéaire. en fait euh c'est On le voit bien là dans les athlètes qu'on peut suivre, mais même dans tous les sports. Souvent, il va y avoir une petite baisse pour repartir peut-être encore plus fort après, ou des fois pas. Tout dépend comment on s'entoure, comment on est entouré, les objectifs qu'on va se mettre, etc. Donc, c'est jamais linéaire en tout cas, il faut le savoir.
- Speaker #0
Et après, je me dis que c'est un parallèle qu'on peut faire avec plein d'autres domaines dans la vie, professionnellement. Ça peut être pareil aussi, rien n'est jamais vraiment linéaire. Oui,
- Speaker #1
professionnellement, moi après pour faire le parallèle avec le travail, ça m'a permis justement peut-être d'être à haut niveau pendant 17 ans et aussi des fois de répondre à des contraintes, des remises en question, de faire des planifications, recommencer des choses peut-être à zéro pour repartir meilleur, etc. Ça m'a beaucoup servi en tout cas. cas également dans le milieu de l'entreprise.
- Speaker #0
Je vais revenir sur la fin de ta carrière sportive. Ça s'est fait sur un abandon et toi, j'ai l'impression que tu as un rapport super OK avec ça. Pour toi, ça signifie quoi ? Ce n'est pas vraiment abandonner, c'est être à l'écoute de son corps finalement ? Oui,
- Speaker #1
en 2021, c'était vraiment l'année de trop. Tout était particulier. Puisque ces Jeux Olympiques à Tokyo avaient été reportés d'un an. On savait que là-bas, on aurait des conditions très difficiles, avec une forte chaleur, un fort taux d'humidité, etc. Donc il fallait s'y préparer. Moi, j'avais décidé de commencer la préparation à l'issue de la fin de la Coupe du Monde en 2019, que j'avais remporté sur 50 km. On va dire que j'avais encore cette grosse pancarte de favoris. J'ai commencé vraiment à me préparer en 2019, fin 2019, très sérieusement. Au mois de mars-avril, il est arrivé le Covid. On a été un peu entre avril et mai, on a pu continuer encore à s'entraîner parce qu'on ne savait pas si les jeux ou pas allaient être portés. Donc moi j'ai suivi la préparation, mais vraiment qui était très particulière pour se préparer à la chaleur et l'humidité. Après, on apprend que les jeux sont reportés à un an. Là, ça allait encore. Et puis le fait après de repartir sur le même type de préparation où je me préparais en fait dans un laboratoire, mais c'était ça. J'étais dans une chambre qui pesait 15 mètres carrés où on reproduisait la chaleur et l'humidité. J'étais sur un tapis roulant tout seul. On me prélevait du sang pour voir comment je réagissais, si je m'adaptais à la chaleur, à l'humidité, etc. Enfin vraiment, c'était des conditions où j'étais un rat de laboratoire. J'étais loin de faire ce que j'aimais en fait et ça, ça me bloque toujours. Donc je l'ai fait parce que ça m'a été imposé et je l'ai bien fait. On va dire ça, je me suis très bien préparé. Arrivé après au Japon, j'étais épuisé mentalement. En fait, j'en pouvais plus. En fait, j'avais aucune ressource mentale ce jour-là. Alors on peut dire j'étais aux Jeux Olympiques, etc. Mais quand ça suit plus, ça suit plus. Et en plus, quand t'as plus l'envie en fait. Après, tu t'en aperçois peut-être toujours un peu trop tard, mais cette préparation avait été vraiment tronquée par le fait que c'était arrivé peut-être un an trop tard.
- Speaker #0
Oui, et le mental, dans un sport comme la marche athlétique, c'est hyper important. C'est comme dans tous les sports d'endurance. Oui,
- Speaker #1
c'est comme tous les sports d'endurance. Et puis après, si tu n'es pas à 150% de tes capacités mentales, en tout cas sur un 50 km, ça va être compliqué après derrière de pouvoir y répondre. et donc d'ailleurs Le jour de ma course, on le voit, je ne pars pas vite. Après, je remonte, je suis devant, je me remets derrière, je retourne devant. Je ne sais pas trop ce que je fais, je ne sais pas trop ce que je fais là. Et puis, dès que ça m'agace un peu, que tout me… Voilà, où je n'ai plus vraiment des bonnes réponses, etc. Je ne cherche même pas à me faire mal parce que j'étais déjà allé largement au-delà de la douleur en 2016 à Rio. aux Jeux Olympiques et j'avais vraiment pas envie de terminer ma carrière dans l'état que j'avais pu finir à Rio.
- Speaker #0
Justement, est-ce que t'as l'impression d'avoir vraiment été déjà au bout de tes limites physiques ?
- Speaker #1
Bah oui, oui, oui, j'étais au bout de mes limites physiques à Rio, on me l'a dit, j'ai été rapatrié, j'ai perdu un morceau de rein, enfin voilà, j'ai vraiment été très très loin. dans l'effort. Et après, on m'avait dit maintenant, c'est hors de question que tu retournes dans un tel niveau où tu as pu mettre ce curseur dans l'effort qui a été très, très, très, très, très, très loin où j'ai fait peur à pas mal de monde. Donc après, c'était hors de question qu'on me laisse faire à nouveau ce type de course. Et voilà, en fait, quand je suis arrivé à Tokyo et quand j'ai senti, mais je n'ai même pas senti en fait... cette fatigue, mais je sentais que je décrochais complètement mentalement. Et après, quand tu décroches mentalement et que tu as des conditions extérieures qui font que ce n'est pas évident non plus de répondre à l'agression externe du climat, etc., j'étais plus prêt. Et donc, moi, j'ai préféré mettre le clignotant et dire au revoir et dire, bon, ben voilà, c'était la compète de trop, quoi.
- Speaker #0
Et à ce moment où tu arrêtes, est-ce que tu arrêtes complètement le sport pendant un moment ?
- Speaker #1
Ouais, j'ai arrêté le sport pendant un moment.
- Speaker #0
Parce que je me dis, où est-ce que tu as mis cette énergie ?
- Speaker #1
Je l'ai mise dans le travail. Donc j'ai mis toute mon énergie dedans. Parce qu'au début, je n'avais pas vraiment confiance en moi au niveau du travail, etc. Est-ce que j'allais être capable de répondre aux commandes qu'on allait me demander ? Donc ça, voilà aussi. Puis c'est un univers qui est complètement différent. Donc j'ai mis toute mon énergie dedans. Et puis après, une fois qu'on va dire que les bases étaient bien posées et solides, J'ai repris le sport pas avant, fin 2022, début 2023. J'ai mis une bonne année où je me suis blessé, je me suis cassé le scaphoïde. Ensuite, je me suis fait une triple fracture de la malléole. Mon corps ne voulait pas. En fait, mon corps et mon cerveau n'étaient pas prêts à refaire de l'effort. Maintenant, ça y est, j'ai réussi à bien tout recombiner.
- Speaker #0
Justement, aujourd'hui, quelle est ta pratique sportive ? Qu'est-ce que tu fais comme sport ?
- Speaker #1
Maintenant, je fais un peu de sport. tout, mais je cours pas mal. Je cours, je fais pas mal de musculation, du vélo, de la natation, pour rester en forme. Des fois, je repense beaucoup à la marche. Des fois, je me dis que... Que oui, mais non. Oui, mais non, en fait. Non, c'est derrière moi.
- Speaker #0
Et tu parlais de tes passions au début. L'onologie, quelle place ça a aujourd'hui dans tout ça ?
- Speaker #1
Ça reste une grande passion. Je côtoie encore pas mal de monde. Je fais souvent des courses où on allie dégustation et effort. Donc voilà, j'étais encore au semi-marathon de la vente des vins des Hospices de Beaune. Je fais plein de choses souvent liées entre le lien entre le vin et la course à pied.
- Speaker #0
C'est marrant que tu arrives à trouver ce lien-là parce que justement, on va avoir tendance à se dire que tout ce qui est vin, ce n'est pas forcément « compatible » avec l'hygiène de vie sportive.
- Speaker #1
Après, il y a des courses des fois qui sont très populaires où ce n'est pas la performance qui est plutôt recherchée ou elle est peut-être recherchée par une petite dizaine d'athlètes. mais après derrière les gens ils viennent là surtout c'est pour euh courir ensemble, se déguiser, être dans des chemins qui sont plutôt sympas, au milieu des vignes, et ainsi de suite, et vivre un moment de convivialité tous ensemble.
- Speaker #0
On arrive à la fin de cet épisode. Avant, j'avais envie de te poser une question. Ce podcast s'appelle Le Déclic. Qu'est-ce que c'est pour toi un déclic ? Et quel aurait été, tu penses, ton plus gros déclic dans ta vie, que ce soit de sportif ou pas forcément ?
- Speaker #1
Un déclic, c'est quelque chose pour moi qui vient un peu comme ça. C'est une lumière qui vient s'allumer dans le cerveau qui fait tiens, tiens, j'ai une idée en fait. Pourquoi je ne ferais pas ça ? Pour moi, c'est lié certainement à... J'ai décidé à un moment de prendre des risques dans ma vie afin de tenter en tout cas l'aventure de façon professionnelle dans la marche athlétique parce que j'avais un emploi qui était plutôt très stable. Donc, j'ai décidé de me mettre en danger par rapport à ça, à gagner beaucoup moins d'argent, à se mettre en danger. Je n'avais pas de partenaire, etc. Parce que la marche athlétique, au départ, ce n'est pas quelque chose qui te fait vraiment vivre. Mais j'ai pris le risque. Et puis après, je ne regrette pas parce qu'après, j'ai vécu 17 années vraiment de bonheur. Même s'il y a eu des hauts et des bas, mais j'ai fait des rencontres. dans les quatre coins du globe. J'ai participé à des compétitions magnifiques, j'ai vécu des émotions qui seront très dures à revivre après derrière. J'ai fait vivre ça également à mes proches, à mes enfants. Donc oui, je pense que ça a été un beau déclic de se mettre en danger en 2003, après les championnats du monde à Paris, d'athlétisme, quand je me suis dit, tiens, moi aussi je pourrais peut-être être aussi dans le stade et pas dans les tribunes.
- Speaker #0
Merci pour ce partage. Est-ce que tu peux nous dire est-ce qu'on peut te suivre ? Est-ce que tu es actif sur les réseaux sociaux par exemple si on veut te contacter ?
- Speaker #1
Je suis actif, moyennement actif. Mais oui, j'ai une page Instagram comme tout le monde. Maintenant, est-ce que c'est pour les plus jeunes ? Non, pas vraiment. Une page Facebook pour les plus vieux. Et voilà, mais je ne suis pas trop actif sur les réseaux.
- Speaker #0
Ok, ça marche. On sait quand même où te retrouver si jamais. Merci beaucoup Yoann et puis à bientôt.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le partager et à en parler autour de vous. Qui sait, il n'est peut-être pas si loin ce déclic !