- Speaker #0
Conseil de sportif et de sportive, ce podcast a vocation à vous être utile, vous accompagner dans la pratique du sport et répondre aux questions que vous vous posez ou que vous ne vous posez pas encore sur la forme, la santé, le bien-être et le sport. Je suis Céciliane,
- Speaker #1
journaliste et coach sportif et je serai toujours entourée d'experts et d'expertes pour aborder tous ces sujets.
- Speaker #0
Si certains et certaines aiment, adorent, adultent leur sport, d'autres ne peuvent plus s'en séparer. L'Institut National de la Santé et de la Recherche Madicale estime qu'environ 4% des sportifs font face à la bigorexie. Pour comprendre ce phénomène, je suis avec Mathias Wattin, préparateur mental, psychologue du sport et spécialiste en addiction. Alors je suis dans le cabinet de Mathias Wattin. Bonjour Mathias.
- Speaker #1
Salut.
- Speaker #0
Comment tu vas ?
- Speaker #1
Très bien et toi ?
- Speaker #0
Super, moi je suis contente de parler du sujet qu'on a choisi d'aborder aujourd'hui qui est la bigorexie. Et on commence tout de suite. Quand on dit bigorexie, on parle de quoi ?
- Speaker #1
On parle de beaucoup de choses, justement. Et peut-être que pour commencer, quelque chose qui pourrait être intéressant, c'est une définition qui me semble assez pertinente, qui permet de comprendre un peu plus ce que ça peut être. Et en fait, la bigorexie, oui, c'est un besoin incontrôlable. compulsif de pratiquer régulièrement de manière intensive une ou plusieurs activités physiques.
- Speaker #0
Ok. Mais pas que. Ah, pas que.
- Speaker #1
Eh oui, parce qu'on pourrait dire ça, ça peut être tout le monde. C'est cette pratique physique et ce malgré des effets négatifs. Et qu'il soit sur le court, le moyen ou le long terme, et que ces effets négatifs aient un impact sur notre santé physique. psychologique ou sociale.
- Speaker #0
Ok. La bigorexie, est-ce qu'on peut dire que c'est une maladie mentale ou un trouble du comportement ? Comment on la définit ? Moi, je préfère... On la range dans quoi ? Dans quelle case ?
- Speaker #1
Je préfère et j'aime parler plutôt d'addiction. l'addiction de manière globale, parce que comme je le viens d'écrire dans la définition, de manière compulsive, on n'arrive pas à s'en détacher de manière aussi facile. Il y a quelque chose qui nous y attache, comme il peut y avoir peut-être dans l'addiction à la cigarette, à l'alcool ou toute autre autre drogue. Voilà, il y a un attachement complexe dont on n'en connaît pas forcément toujours les causes.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui se passe dans notre cerveau pour qu'on crée ce lien fort avec le sport, qu'on devienne addict au sport, que ça devienne en effet quelque chose qu'on ne peut plus contrôler, qui nous dépasse ?
- Speaker #1
Alors c'est ce qui se passe dans l'organisme en fait, suite à la pratique sportive, en termes de sécrétion de dopamine, sérotonine, tout ce qui va être aussi endorphine, la dopamine avec l'hormone du plaisir directement, de manière simplifiée. ou le système de la récompense qui va être lui lié à la sérotonine et la notion d'endorphine qui va elle avoir un impact sur la gestion du stress. Donc qu'on le veuille ou non, peu importe notre pratique sportive, la mise en mouvement du corps, ça crée des choses très positives et quand c'est positif, souvent on en redemande.
- Speaker #0
C'est un petit peu comme le sucre quoi.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Alors pourquoi ça survient ? Quelles peuvent être les causes d'une pratique comme ça un peu trop intensive ?
- Speaker #1
Ça peut être vraiment multifactoriel. Ça c'est très important, ça serait génial, très simple, trop simple, qu'on puisse dire voilà c'est ça qui va pas et c'est toujours la même chose. Non, ça peut être lié à notre histoire de vie, à la façon dont on vit aussi les choses au quotidien. C'est vrai que par rapport à la bigorexie, mais c'est aussi le cas pour les autres addictions, il y a souvent un transfert d'une autre addiction vers la bigorexie. C'est-à-dire, je fumais, j'ai décidé d'arrêter de fumer, c'est super, et je le compense d'une certaine manière par une pratique de sport intensive, quitte à ce qu'il y ait des effets négatifs. Voilà, ça peut être ça, ça peut être aussi lié à des blessures psychiques, à des traumatismes, et une façon un peu, soit... d'oublier, de s'anesthésier, de fuir, peu importe. C'est quelle solution on trouve en instant T pour essayer de s'apaiser ?
- Speaker #0
L'addiction, c'est mauvais pour la santé. Est-ce que c'est néfaste ?
- Speaker #1
Est-ce que c'est néfaste ? J'ai envie de dire que oui, à partir du moment où on parle d'addiction, c'est qu'on prend en considération qu'il y a un côté néfaste. Donc oui. Après, ce n'est pas parce qu'on fait du sport qu'on est addict et que c'est néfaste. C'est plutôt une question de conséquences, de répercussions. S'il y a à un moment donné soit autant d'aspects négatifs que positifs, dans une pratique qui est de base comme le sport, peut avoir essentiellement des aspects positifs. Là oui, il y a des questions à se poser.
- Speaker #0
J'ai l'impression que la barrière entre un sportif ou une sportive qui s'entraîne tous les jours parce qu'elle a un objectif à atteindre et quelqu'un qu'on pourrait appeler bigorexique, cette barrière elle est fine. Comment, à quel moment on sait que là on a basculé en fait ?
- Speaker #1
Alors c'est ce que j'appelle la fonction de... la pratique sportive, c'est-à-dire quel sens ça a pour nous d'être dans cette pratique qui est souvent dans un extrême. Et bien, tout simplement, un des moyens de savoir, c'est pas le seul, mais ce qui fait qu'est-ce qu'on a basculé dans de la bigorexie, c'est qu'est-ce qui se passe quand on arrête la pratique sportive ? Et oui !
- Speaker #0
Comme toute addiction, il y a un petit manque.
- Speaker #1
quand il y a le sevrage comment on réagit psychologiquement, physiquement face à ce sevrage et c'est là qu'on voit parce que j'imagine telle ou telle personne qui se met à faire un sport on fait le sport par envie, par plaisir pour se dépenser, oui mais si à un moment donné on n'est pas que dans ça et que l'absence de sport crée un manque une souffrance, une difficulté c'est autre chose
- Speaker #0
Est-ce que les sportifs et les sportives de haut niveau sont bigorexiques, ils s'entraînent quand même énormément, des fois ils n'ont peut-être même pas envie d'y aller, mais c'est nécessaire pour leur entraînement ? Comment on les défend ? T'en penses quoi de ce genre de profil ?
- Speaker #1
C'est justement une frontière très fine en fait, avec la spécificité des sportifs de haut niveau, parce qu'eux, ils sont très souvent dans l'obligation d'être dans ce... Schéma où la pratique sportive, elle est intensive, elle est régulière, etc. Et on pourrait dire que c'est les mêmes caractéristiques d'une personne qui peut être bigorexique, justement. Donc, c'est plus complexe chez les sportifs de haut niveau. Mais de manière globale, si on devait identifier, c'est qu'une personne bigorexique, elle, elle va organiser tout son quotidien par rapport à cette pratique sportive. A la différence d'un sportif de haut niveau, c'est que c'est déjà le cas dès le début.
- Speaker #0
Donc voilà pourquoi c'est plus compliqué.
- Speaker #1
On peut, mais on va dire que c'est plus compliqué. C'est tout ce qui se joue à ce moment-là, comment on organise notre quotidien et à quel point on est capable de tout mettre de côté, soit professionnel, soit social, pour arriver à trouver cette satisfaction. d'être dans la pratique sportive.
- Speaker #0
Pour toutes ces personnes, est-ce qu'il existe un traitement ? Est-ce que c'est vraiment un traitement ?
- Speaker #1
Non, il n'y a pas vraiment de traitement.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux recréer, toi, en tant que psychologue du sport, un lien davantage sain, si je puis dire, entre la personne et sa pratique du sport ?
- Speaker #1
C'est comme un peu la prise en charge de n'importe quelle addiction. C'est essayer de comprendre qu'est-ce qui fait qu'on arrive à être dans cette consommation ou dans cette pratique-là, conduite-là. Qu'est-ce qui nous y a amené ? C'est comprendre le pourquoi, l'origine en fait. C'est le point de départ. Je rebondis là sur ce que tu viens de dire. En fin de compte, dans la bigorexie, c'est une pratique sportive qui est non plus sur le plaisir, Mickey, sur le besoin. J'ai besoin d'eux. J'ai besoin d'eux parce que sinon, justement, je vais pouvoir être anxieux, avoir un comportement ou un ressenti de culpabilité. On peut se sentir irritable. On peut se dévaloriser aussi. Et c'est là où, si on voit ce qui se passe, peut-être contrairement, et là, je fais le pont à ce qu'on disait avant sur les sportifs de haut niveau. Ou le fait de ne pas s'entraîner, ce n'est pas forcément ce qui se passe. Au contraire, c'est parfois un soulagement de dire « Ah, je vais pouvoir souffler » . Un peu de récup. Voilà, exactement.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a des sports qui sont davantage addictifs que d'autres ?
- Speaker #1
Je pense que tout ce qui va être lié à... La gymnastique, où il y a un rapport au corps aussi très particulier, qui est aussi présent dans la bigorexie. L'image du corps, la façon dont le corps peut être perçu, la façon dont on va pouvoir répondre à des standards. Parce que la gymnastique, il y a des standards aussi, de manière...
- Speaker #0
Des injonctions inconscientes qui se baladent dans...
- Speaker #1
Exactement. D'ailleurs, parfois, elles sont aussi conscientes, parce qu'elles sont bien dites de manière très claire. et ça peut aussi détruire... pas mal de personnes, surtout chez les gymnastes qui sont souvent très très jeunes. Donc oui, la gymnastique ou des sports ou la pratique, elle est beaucoup plus poussée, telle que le cross-training.
- Speaker #0
À quel moment on doit s'alerter et se dire, déjà pourquoi le cross-training ça s'était fait là, et à quel moment on doit se dire, on va calmer un petit peu le jeu ?
- Speaker #1
C'est sur... la façon plutôt dont on va gérer, percevoir et se positionner sur tous les effets indésirables que peut procurer une pratique sportive intense, trop intense. C'est-à-dire que à un moment donné, si je reprends le cross-training où on a des douleurs, on a des tensions musculairement, mais qu'on se dit, c'est pas grave, je continue. il faut que je continue, j'ai besoin de continuer, non mais je ne peux pas m'arrêter, non mais ce n'est pas possible, oui mais si j'arrête...
- Speaker #0
Je suis capable, je suis capable.
- Speaker #1
Par exemple, oui mais si j'arrête, tout ce que j'ai fait, ça ne va servir à rien. Ça veut dire qu'on commence à occulter des signes clairs où à un moment donné, on n'écoute plus son corps, on n'écoute plus les besoins du corps. Et ça, ça peut avoir aussi de grosses répercussions. Si on va dans des extrêmes, certains sont dans la négligence de certains besoins vitaux. par exemple ils vont aller jusqu'à modifier leur rythme de sommeil en dormant moins, par exemple, ou même leur alimentation, ce qui peut avoir un impact sur les troubles des conduites alimentaires, par exemple.
- Speaker #0
Oui, on perturbe complètement le rythme biologique, alors qu'en plus dans ces pratiques-là de musculation ou de renforcement musculaire au poids de corps, etc., le corps a besoin de récupérer parce qu'il travaille pendant la récupération. Le corps s'adapte. Alors, en tant que coach, moi, je mets une petite vigilance et je rappelle que la récupération fait partie de l'entraînement. Et que le corps a besoin de moments de repos, que ce soit changer d'activité ou alors tout simplement se poser une fois dans la semaine. Et ne pas oublier les fondamentaux, comme tu disais, le sommeil, la gestion de son stress aussi. On a l'impression parfois que le sport nous aide à la gestion du stress, mais peut-être qu'il y a une deuxième pratique qui peut aider sans abîmer ou en tout cas user le corps autant que le sport. Et l'hydratation, tout ça, toute cette hygiène de vie va contribuer. Parce que si on va à l'entraînement tous les jours et qu'on n'adapte pas finalement son alimentation, A une pratique intensive, au bout d'un moment, le corps va dire stop.
- Speaker #1
Il dira toujours le stop. C'est toujours le corps sur le long terme qui va décider. La tête aura beau dire je continue, je continue, si on se déchire sur plusieurs centimètres, ça va être compliqué d'aller faire les 15 bornes. Donc, comment éviter que ça engendre des conséquences beaucoup plus graves ? J'en ai cité quelques-unes tout à l'heure, mais on pourrait aller beaucoup plus loin. il peut y avoir Des troubles hormonaux, des troubles cardiaques, des troubles digestifs. Et là, on bascule dans autre chose, parce que sur des aspects qu'on ne contrôle plus.
- Speaker #0
Donc, quand la santé est en jeu, clairement, il faut aller consulter. C'est ce que tu conseillerais, toi ?
- Speaker #1
Alors, d'aller voir, en effet, les professionnels qui peuvent commencer à mettre des points de vigilance. Déjà, le médecin traitant, si on se pose la question. puis après soit psychothérapeute, psychologue, médecin du sport, psychiatre, s'il le faut, pour avoir cette vigilance et se dire, à un moment donné, on bascule peut-être dans quelque chose où on n'a plus la sensation de contrôle. Je nomme cette sensation de contrôle parce que, justement, dans la bigorexie, elle est très présente. On maîtrise tout, on contrôle tout. C'est une sensation. C'est une sensation parce que, très souvent, c'est cette activité qui est mise en place Pour se rassurer, c'est un peu une fuite en avant. Mais c'est qu'on a conscience, ou du moins, c'est qu'inconsciemment, il y a un mal-être, une souffrance. Et on essaie de gérer comme on peut par rapport à ce qu'on est amené à ressentir.
- Speaker #0
Alors c'est un sujet qu'on pourrait parler pendant très longtemps, parce qu'en effet c'est complexe, les limites, les frontières sont fines. Je pense que tu as déjà éclairé pas mal sur le sujet. donc je te remercie est-ce que tu as une dernière chose à dire ?
- Speaker #1
oui, il y a par rapport à cette notion de bigorexie et peut-être de santé mentale chez les sportifs il y a depuis 2006 il me semble, justement par rapport au ministère des sports et de la santé, ils ont instauré justement des bilans psychologiques obligatoires pour tous les sportifs de haut niveau une fois par an, un peu en continu pour essayer de voir si ... malgré les pratiques intensives, y arriver à faire la distinction, comme on le disait tout à l'heure, entre est-ce que c'est parce que c'est induit et que c'est le fonctionnement qui est comme ça, ou est-ce qu'il y a aussi une souffrance derrière et un besoin très très important des sportifs et pas basculer. Et de manière beaucoup plus globale, la bigorexie, elle a été reconnue par l'OMS en 2011.
- Speaker #0
Oui, donc c'est extrêmement récent.
- Speaker #1
Voilà.
- Speaker #0
Donc la sensibilisation va continuer et c'est plutôt positif que le... sportif soit vu de la tête au pied.
- Speaker #1
Exactement, prendre en compte la globalité de l'être.
- Speaker #0
Merci Mathias.
- Speaker #1
De rien.
- Speaker #0
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