- Speaker #0
Bonjour, je suis Frédéric Paul, guide conférencier et créateur des visites Le Visible est Invisible à Aix et en Provence et j'adore vous montrer ces détails devant lesquels on passe sans les regarder. Grâce à ce métier, je rencontre des gens exceptionnels et j'ai voulu les mettre en avant grâce à ce podcast Les gens d'Aix, le podcast qui fait parler les Aixois. aujourd'hui. C'est l'épisode 1 de la troisième saison et je reçois un invité exceptionnel puisqu'il s'agit de la quatrième génération de centeniers, Emmanuel Fouque. La maison Fouque est connue au-delà des frontières d'Aix-en-Provence. Elle fait réunionner la ville et avec Emmanuel, on va en discuter. Alors que vous soyez tranquillement assis, en train de conduire ou bien en train de courir, vous allez écouter cet épisode, je l'espère. Bonjour Emmanuel, merci de me recevoir dans ton atelier ici à Aix-en-Provence, Courgambetta.
- Speaker #1
Merci Frédéric, c'est un plaisir.
- Speaker #0
Donc on est ici dans la maison Fouque qui a fêté ses 90 ans en 2024, donc une maison qui a une grande histoire puisqu'il y a quatre générations de centeniers. Tu représentes la quatrième génération ?
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Et est-ce que tu peux m'expliquer un petit peu comment est née cette maison, comment on en est arrivé là ?
- Speaker #1
Alors c'est une très belle histoire, il faudrait d'ailleurs le rédiger tout ça, faire un petit livre, parce que l'histoire elle est très très belle, elle démarre donc en 1934 avec mon arrière-grand-père. Donc lui à cette époque-là, il est conducteur de tram et artiste peintre. Alors artiste peintre, deux fois primé au Beaux-Arts. Mais ce n'est jamais qu'un complément, ce n'est pas son activité pleine. Il vend quelques tableaux, mais ce n'est pas non plus quelque chose qui lui permet d'en vivre. Et il a deux enfants, donc il a Paul qui à cet âge-là, Paul est de 21, donc il a 13 ans. Et ils ont des difficultés pour arriver à vivre. Paul, le petit frère, et le grand frère qui est Jean-Baptiste, qui a le même nom que mon arrière-grand-père, qui lui est alité suite à une maladie qui est la tuberculose, donc il ne peut pas travailler à l'extérieur, donc il se retrouve... À la maison, ils sont trois, plus la tante Marie-Rose, qui est la sœur de mon arrière-grand-père qui a élevé Paul, qui a perdu sa mère à trois ans. Donc ils sont à quatre dans cette maison. Et étant artistes-peintres, et Jean-Baptiste, fils, ne pouvant pas travailler... Ils disent qu'est-ce qu'on peut faire pour un peu plus arranger la finance de la famille.
- Speaker #0
Arrondir les fins de mois.
- Speaker #1
Arrondir les fins de mois. Et donc d'une position financière qui est délicate, ils se lancent dans le centon. Mais à cette époque-là, qu'est-ce que ça veut dire se lancer dans le centon ? Il y a des moules qui circulent. Mais il n'y a plus personne qui crée de moules. On ne sait plus qui fait quoi. Il y a des moules qui sont prêtés. Et les gens qui prêtent les moules sont à Marseille. Donc c'est loin. Aix, Marseille, à l'époque, c'est pas desservi comme maintenant. Et ils disent, on va les fabriquer. Alors comment on fait un moule ? Déjà c'était la première chose, ils ne savaient pas faire des moules. Donc curieusement, grand-père a gardé un de ses premiers moules. C'était des moules qui n'avaient pas de clé, qui n'avaient pas de gorge d'évacuation de l'argile, c'était des moules plats, et ils ont fait leur premier moule et leur première création.
- Speaker #0
Ils ont appris sur le tas.
- Speaker #1
Ils ont appris sur le tas. Et la chance, c'est qu'ils ont peint les santons avec la peinture à l'huile de mon arrière-grand-père. Et ça a été le début d'une grande aventure, ne serait-ce que le choix de cette peinture qui s'est faite sans qu'ils le veuillent. Ils ont pris ce qu'ils avaient sous la main. Et cette peinture à l'huile, sur des santons qui n'étaient pas cuits... Puisque les santons n'étaient pas cuits à l'époque, elle a apporté une protection, d'une part, puisqu'on pouvait les toucher sans que la peinture parte. Ça a empêché l'humidité de pénétrer dans la glaise, qui était que de la glaise sèche. Mais ça a aussi apporté une protection, ça a aussi donné des couleurs qui étaient les couleurs de la peinture à l'huile, qui étaient beaucoup plus soutenues, et qui de suite a donné la couleur des centaures de la maison Fouque. Ça a de suite marqué l'identité de la maison.
- Speaker #0
C'est ça qui fait l'identité de la maison Fouque, Nico ?
- Speaker #1
Je pense que la couleur à la maison Fouque est un élément fondamental. Le choix des couleurs, et par la suite ça a été encore plus révélé, puisqu'il est arrivé des... De la peinture en tube, les fragonards, toutes ces peintures à l'huile. Mon grand-père a travaillé des années avec la maison Fragonard. On a eu des couleurs qui étaient très diverses. Et on a pu faire un festival de couleurs sur nos santons, avec des couleurs sous un thème soutenu, mais mat, pas de santons brillants, mais avec des couleurs très fortes, très chaleureuses. Le santon fou, c'est un santon qui est joyeux, chaleureux, qui a des couleurs qui... Elles font plaisir à voir. On sent que le santon se sent bien. Et ça, ça a été donné par le pur des hasards. Alors, Amps 34, ils ont une petite collection. Ils prennent une place de marché pour deux jours.
- Speaker #0
Le marché de la Sainte-Barbe, le marché de Noël en Provence.
- Speaker #1
La Sainte-Barbe, le marché de Noël en Provence. Et là, ils ont un succès, mais immédiat. Vraiment, il y a un engouement incroyable autour de ces petites figurines, si bien qu'il décide de développer encore plus la collection, mais ce n'est jamais qu'un travail de second temps, c'est-à-dire on fait son travail et le soir on fait des cent ans. Ce n'est pas une activité à plein temps.
- Speaker #0
En plus, c'était une activité très saisonnière.
- Speaker #1
Alors les ventes, comme aujourd'hui encore, on est encore très saisonniers. Mais la fabrication étant très longue, la création demandant énormément de réflexion, de temps, de choses comme ça, c'est un travail à l'année aujourd'hui. Mais à l'époque, c'était un travail le soir, qu'on vendait une fois à Sainte-Barbe. Et ils sont restés dans cette démarche-là jusqu'à l'après-guerre. Ce n'est qu'à l'après-guerre que mon grand-père s'est mis à être santonnier de métier. Et à cette époque-là, il n'y avait pas les deux qui ont relancé le santon, vraiment, en 1934, c'est Fouque et Carbonelle à Marseille, en 1935.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y avait des connexions entre les deux ?
- Speaker #1
Il y avait beaucoup de bienveillance. Les deux personnes s'appréciaient énormément. Chacun avait des styles totalement différents. Carbonelle est resté très longtemps sur du santon peint à la gouache. Peut-être encore aujourd'hui, je ne sais pas. Mais nous, on avait de suite peint à l'huile. On a gardé cette forme de décoration jusque dans les années 2000. Aujourd'hui, on est passé pour des questions de solvants ou de produits qui se sont déclarés être toxiques. On est passé à des peintures acryliques que l'on achète en Suisse. suisse et qui sont d'excellente qualité, qui donnent les mêmes couleurs chaleureuses que l'on retrouvait sur la peinture à l'oeil.
- Speaker #0
Toi, comment tu es arrivé au santon ? Est-ce que c'était une voie toute tracée ? Tu es né en sachant que tu allais être santonnier ?
- Speaker #1
Sur le point familial, oui. C'est-à-dire que très petit, dès l'âge de 6 ans, je fabriquais mes propres jouets avec mon grand-père. Je me fabriquais des petites voitures que je tirais avec une ficelle. Je faisais en sorte d'avoir des roues qui étaient à peu près rondes. Autant vous dire que les voitures, elles roulaient carrées. Mais on jouait. Je jouais dans l'atelier comme mes enfants l'ont fait d'ailleurs. C'était de façon naturelle. On ne s'est pas posé la question. Mais oui, il y avait cette envie que derrière, il y ait un successeur. De ne pas avoir fait tout ça pour rien. La chose a fait qu'à partir de 14 ans, j'ai commencé à faire des pièces en suivant les moules de mon grand-père. Je ne créais pas. Je suivais les moules de mon grand-père et j'assemblais les personnages, puisque nous, on a beaucoup de personnages assemblés. Ça, c'est ce que mon grand-père, c'est-à-dire celui qui n'a pas créé la maison, puisque c'était mon arrière-grand-père, mais celui qui a développé la maison sur le plan artistique, c'est vraiment Paul Fouque, mon grand-père. Il a donné un mouvement, vous l'avez sur ce personnage-là, qui lui est fait en 15 moules. Il a donné de suite un mouvement et c'est vrai que les santons de la Maison Fouque sont des personnages qui ont un mouvement. Il y a une complexité pour la réalisation de ces mouvements. On ne peut pas sortir la pièce d'un moule, il faut donc plusieurs moules qu'on va assembler à la barbotine pour donner ce mouvement. Donc on a cette diversité. Dans la pièce, qui est une pièce difficile, mais qui la rend effectivement très réelle.
- Speaker #0
La barbotine, c'est un mélange de terre et d'eau qui permet de coller des pièces ensemble.
- Speaker #1
La barbotine, c'est juste de l'argile qui a été diluée avec un petit peu d'eau. Ça fait comme une crème fraîche et on va coller les pièces. Pour vous répondre, est-ce que c'était défini d'avance ? Il y avait un souhait familial, ce qui fait qu'on m'engageait, on ne me poussait pas. On faisait en sorte que je me sente bien. En fait, comme les santons doivent se sentir bien dans une crèche, on faisait en sorte que moi je me sente bien dans la mienne de crèche, c'est-à-dire mon atelier. On faisait tout pour que je m'y sente bien. Et je m'y suis senti très bien. À 14 ans, j'ai fait des pièces un peu plus courtes. compliqué. A 18 ans, j'assemblais déjà des coudes mistrales qui étaient des pièces très compliquées. Et je ne voulais pas faire d'études. Je voulais vraiment rester dans l'atelier. J'y étais très bien. En plus, la ville d'Aix est une ville que j'affectionne, même que c'est une ville que je trouve excessivement belle. J'ai une passion pour cette ville. J'aime cette ville. J'aime les gens qui y vivent. Je m'y sens très bien.
- Speaker #0
Je te comprends.
- Speaker #1
Il fait bon vivre à Aix. Et donc je ne voulais pas faire d'études, je dis à mon grand-père, ben voilà, moi je veux rester assis là avec toi et continuer. Et là je me rappelle très très bien sa phrase, on était en 1990, j'avais passé le bac, et il me dit, ne fais surtout pas ça, dans dix ans ce métier n'existe plus. Et il est vrai que dans les années 90, on était un petit peu à l'opposé de tout ce qui était folklorique, tradition, culture régionale, identité. racines, tout ça c'était devenu un petit peu has-been et on était plutôt tourné sur les nouvelles vagues modernes de musique et autres qui un peu ramenaient tout ça à quelque chose de vieillot. Donc là, partant de là, moi je pars, je fais des études de maths sup, maths sp, école d'ingé et j'exerce en tant qu'ingénieur, ce qui m'a apporté énormément de choses. vraiment je le regrette pas puisque j'ai insisté pour que mes enfants fassent, puisqu'ils prennent le même pas ils ont baigné dans l'atelier tout petit d'ailleurs mon fils qui est derrière c'est pas un hasard, il est pas venu pour l'émission on était vraiment il est là tous les week-ends ou même quand il a des vacances mais il fait un deuxième métier moi j'ai gardé cette idée de toujours un deuxième métier ne serait-ce que pour aller voir le monde du travail en dehors de l'artisanat Parce que là, ce qu'on vit ici, c'est vraiment quelque chose de très spécial, de très humain, excessivement humain, avec tout ce que ça comporte. Mais c'est d'une chaleureusité incroyable. On ne travaille pas avec des salariés, on travaille avec des gens qui font partie de votre vie. Vous leur mettez dans les mains votre savoir-faire, votre travail, ce qu'ils vous donnent, ils ne vous ramènent pas un travail. Ils ont donné une partie d'eux-mêmes quand ils réalisent. Une peintre, quand elle peint un centon, il y a sa personnalité dans chaque figurine. Elle n'a pas ramené un centon dont on va regarder s'il a été bien fait. Bien sûr qu'on regarde ça, mais il y a plus que ça. Dans le travail d'une peintre, il y a son style, qui doit être celui qui correspond à la maison Fouque. Mais il y a une vraie personnalité de la peintre.
- Speaker #0
Là, justement, tu me permets de poser cette question. Le dernier invité que j'ai eu, c'était Jean-Éric Elie, la famille Elie, la famille de photographes, qui lui aussi est la quatrième génération. Ça vous fait un point commun. Et on discutait de cette patte Elie, la touche Elie qui existe et qui a suivi de génération en génération. Là, tu me dis, on reconnaît la patte de la peintre. Est-ce que dans le santon, dans la forme du santon, on reconnaît la patte Fouque ? Est-ce qu'il y a une patte Fouque qui s'est transmise ? Ou est-ce que c'est... chacun a sa propre...
- Speaker #1
C'est, pour moi, fondamental. C'est ce qui fait que ce métier a du sens, c'est ce qui fait que ce métier a une âme. Pour moi, il y a un style fou. Grand-père a été meilleur ouvrier de France, donc c'est quand même quelqu'un qui a eu la médaille d'or en tant que santonier. Il a donné un style, il a donné une couleur, il a donné un mouvement. Nous, les générations qui suivent, on ne peut pas faire moins bien que ça. Donc il nous impose d'être à ce niveau-là. Et ensuite... pour créer des pièces, il faut qu'on garde ce niveau d'excellence, voire même le perfectionner. Et c'est vrai que sur les quatre générations, il y a eu une montée de la qualité, de la finesse du trait, du mouvement, de tout ça. Grand-père a donné beaucoup, maman a donné tout ce qui est autour du tissu provençal, autour du motif. Alors pas trop, on ne fabrique pas des petits clowns. On fabrique des personnages. Le centon, c'est quelque chose qui s'inscrit dans le temps. Ça a démarré en 1800, ça a fini avant l'ère industrielle. On ne va pas voir apparaître de trains électriques, de voitures, d'avions, de ce que j'ignore, de téléphériques, de choses comme ça, non. Donc tout ce qui se fait après, c'est une prolongation, mais ce n'est pas le centon.
- Speaker #0
La crèche, elle est datée.
- Speaker #1
Elle est datée. Pour que ce style soit proche de la maison Fouque, il faut être attaché à la maison depuis le plus jeune âge. C'est pour ça que mes enfants baignent dans ce métier, ils viennent à l'atelier, ils travaillent, ils retouchent. C'est en retouchant les pièces qu'en fait on apprend. Il n'y a pas d'école. Et c'est comme ça que le prochain qui va créer, ça sera soit Clément, soit Émy, ils baignent, ils créent déjà pour eux, ils jouent avec les moules, ils font des pièces comme ça. Et sans le savoir, ils s'imprègnent de ce style. Pour que le jour où ils deviennent les créateurs de la maison, moi je le suis devenu, j'avais 32 ans. Avant ça, je n'ai jamais créé de pièces pour la maison. C'était mon grand-père ou ma mère. Mais quand je l'ai fait, je l'ai fait de façon naturelle, dans le style de la maison. On ne fait pas appel à des créateurs qui viennent à la tâche pour créer le modèle de l'année. Sinon, vous avez un jour un modèle, deux ans après un autre, et votre collection, elle est complètement disparate.
- Speaker #0
Du coup, tu parles de ta mère Mireille. Qu'est-ce qu'elle a apporté à la maison, puisque tu parlais de ce que ton grand-père a apporté, et ta mère ?
- Speaker #1
Alors ? On était dans une phase où effectivement, mon grand-père a été modeleur, et ma grand-mère, elle a été à côté de lui, Paulette. C'est à deux qu'ils ont monté cette maison. C'est quelque chose qui se bâtit en famille. On ne peut pas faire ça.
- Speaker #0
C'est une histoire de famille.
- Speaker #1
C'est une histoire de famille, mais c'est homme, femme, enfant, petits-enfants. Il y a toute une équipe. Ma grand-mère, elle a porté déjà sa pierre sur tout ce qui était décoration. Et c'est vrai que naturellement, à la maison, les femmes se sont tournées vers la décoration. Maman a fait quelques modèles. Elle a eu la médaille de Vermeil à l'exposition des meilleurs ouvriers de France. En s'entendant habillée, d'accord ? Et ensuite, très vite, elle s'est tournée sur la décoration. Sur la décoration, c'est elle qui a développé toute cette partie motifs, les indiennes de Nîmes qui sont les motifs des tissus provençaux. Elle a essayé de les reporter sur les santons pour que justement, on soit proche de la réalité et de la culture provençale. Donc ça, c'est un élément très important. La couleur, elle est fondamentale. Mon épouse, aujourd'hui, elle s'occupe essentiellement des couleurs. C'est elle qui va s'occuper, Catherine, va s'occuper essentiellement, je ne dirais pas qu'elle est... coloriste, parce qu'elle s'occupe aussi de développer les nouvelles créations, avec une de nos meilleures employées, qui a suivi avec mon grand-père, qui a travaillé énormément avec mon grand-père, qui est Véronique Nafra, dont sa fille Caroline travaille également avec nous. Donc vous voyez, il y a des histoires de famille aussi en parallèle. Ce ne sont pas des salariés pour moi, ce ne sont pas des employés, ce sont des gens qui font partie de notre vie, et qui font partie de cette maison. Ils font partie des enfants de la maison Fouque.
- Speaker #0
C'est une grande famille.
- Speaker #1
C'est une grande famille. Donc ce sont les filles essentiellement qui définissent la couleur des nouveautés et des personnages. Ma fille apparemment, elle s'intéresse énormément au modelage. Peut-être que les choses vont être changées et que ma fille deviendra le futur modeleur, tout comme Clément, et peut-être qu'ils seront deux modeleurs. C'est fort possible.
- Speaker #0
Et du coup... Tu parlais tout à l'heure de nouvelles créations. Comment vient l'inspiration pour créer un nouveau modèle ? Ça prend combien de temps ?
- Speaker #1
Quand mon grand-père est parti en 2004, ça a été très rapide. Je ne m'y attendais absolument pas. Il allait très bien et trois mois après, il n'était plus là. Du jour au lendemain, il a fallu créer la pièce de l'année. Au début, ça a été un vrai choc. Beaucoup d'angoisse, j'y arriverai pas. Même si ça faisait déjà quelques années, parce qu'il était vieillissant et qu'il n'y arrivait plus, il était là. La présence du maître, ça, ça, vous voyez, c'est... Et puis il a toujours son avis, il a toujours l'avis du maître, même s'il ne réalise pas, c'est lui qui a la culture, c'est lui qui... Voilà, ma mère aussi était là, il y avait cette énergie. Moi je me suis arrivé là, les premières années, ça a été très douloureux de me dire mais qu'est-ce que je vais créer, quoi, je me sentais... Et puis ça s'est fait naturellement en discutant avec les gens, c'est-à-dire les clients. Et puis les employés qui étaient autour de moi, qui comme je vous dis sont très proches, m'ont dit mais ça ça serait pas mal, ça serait bien, ça serait une création intéressante, et puis vous n'avez pas fait ça, ça serait bien. J'ai noté, j'ai noté, j'ai noté, si bien qu'aujourd'hui alors que ça fait déjà plus de 20 ans, j'ai une centaine de modèles. que j'ai répertorié dans un petit bloc-notes. Et donc chaque année, c'est plus l'angoisse de qu'est-ce qu'on va faire, c'est on va choisir laquelle. Donc aujourd'hui, c'est quelque chose qui fait énormément de bien, parce que des idées, et ça, grand-père m'avait dit, oh mais tu verras, des idées, tu n'arriveras pas à tout faire dans une vie. Je n'avais pas mesuré ce qu'il voulait dire, aujourd'hui je le comprends, parce que d'un même sujet, on peut l'exprimer de telle façon différente. Vous prenez un tailleur de pierre, vous pouvez le faire assis, à genoux, debout, en taillant une pierre, en taillant une sculpture qui est déjà en forme, ou une simple pierre de taille pour faire un bâtiment. Vous avez tellement de versions de faire un santon que c'est infini. Donc tous les ans, la nouveauté c'est très collégial. On propose des idées par rapport à, je vous dis, ce... ce petit bloc-notes où j'ai une centaine de pièces dedans et puis chacun donne son avis. Cette année ça serait bien de faire ça parce qu'il y a deux ans on avait fait ça ça permettrait de faire un personnage qui va bien avec celui-là et voilà comment les idées se concrétisent chaque année
- Speaker #0
Et du coup on peut savoir quelles sont les créations de cette année ?
- Speaker #1
Alors cette année ça a été le contrebassiste en deux coloris Puisque quand on n'est pas d'accord sur une couleur, on en fait deux, on en propose deux, et on verra lequel sera le plus apprécié.
- Speaker #0
Avec la veste rouge ou la veste grise.
- Speaker #1
Voilà. Alors, soit la veste rouge avec des motifs sur la veste, vous voyez, beaucoup de motifs, et un pantalon uni, soit un pantalon à rayures avec une veste unie. Le contrebassiste, pourquoi ? Parce qu'en fait, on a regardé dans nos musiciens, les gens nous demandent énormément de musiciens, parce que chacun veut s'approprier la crèche à son image, donc il veut retrouver, s'il est musicien, le personnage qui joue de son instrument. Et donc on avait déjà le guitariste, on avait le joueur de bandonéon qui rappelle un peu l'accordéon. On avait le galoubet tambourin qui est un instrument de musique le plus traditionnel en Provence. Et puis il y a deux ans j'avais fait le violoniste. Le violoniste, il fallait l'accompagner. Pourquoi je fais le violoniste ? Parce que je rencontre un joueur de violon qui m'a marqué. et d'une vie incroyable. Ce violoniste avait eu une vie incroyable avec des rencontres et des concerts. Vraiment incroyable ce qu'il me racontait. Et dans une simplicité, mais vous auriez vu la dextérité avec laquelle il jouait de cet instrument, ça m'avait marqué. Et en l'écoutant, à la fin du concert, je lui ai dit... J'étais tellement marqué, je vais créer le violoniste. Comment peut être née une création ? Simplement une émotion, un échange.
- Speaker #0
Une rencontre.
- Speaker #1
Et à côté, il y avait le contrebassiste qui m'a dit, et moi ? je peux pas tout faire dans la même année mais dans deux ans je vous ferai le contrebassiste et ben voilà la promesse est tenue donc ça c'était pour le petit personnage coup de coeur et ensuite la tante Rose et les petits porcelets donc ça c'est une scène paysanne et tante Rose en fait Le vrai nom, c'était Tante Marie-Rose, et donc c'est la tante de mon grand-père. Mon grand-père a été orphelin à l'âge de 3 ans, donc son père a appelé sa sœur pour pouvoir s'occuper du petit Paul qui n'avait que 3 ans.
- Speaker #0
Dont tu nous parlais au début.
- Speaker #1
Dont je vous parlais au début, dans cette histoire de famille. Et Tante Marie-Rose, c'est cette dame que grand-père avait représentée en 13 cm. et que l'on retrouve dans la crèche qu'on expose à l'année où on présente son titre de meilleur ouvrier de France. Sur la crèche qui est présentée, qui fait à peu près 400 mètres de large sur 2,5 mètres de profondeur, vous avez une partie, c'est son titre de meilleur ouvrier de France, une partie juste à côté qui est la grande transhumance avec des santons faits à la feuille d'argile, c'est un travail remarquable, il y a 1000 heures de travail sur son titre. et 600 heures de travail sur la transhumance. Au milieu de ça, il y a tout un décor en perspective derrière, qui va de 20 cm jusqu'à du puce. C'est la perspective où on va mettre les santons grands devant et de plus en plus, on va mettre des santons de plus petite taille vers l'arrière en montant pour donner cet effet de perspective. Il avait réalisé donc sa tente. en 13 cm avec des petits porcelets tout autour et c'était une pièce unique mais il n'avait pas fait la pièce qui était proposée à tout le monde avec un démoulage en une seule pièce et les gens me demandaient très fréquemment et mais où est-ce que je retrouve la petite mamie dans la collection alors cette année on a dit on va on va arrêter de dire on ne l'a pas, on va la réaliser ça a été très complexe Arriver à la sortir en démoulant en une seule partie pour que le santon reste abordable. Le santon est un art populaire et nous on essaye de réaliser les pièces les plus jolies possible mais tout en conservant ce côté art populaire qui doit être accessible. Si on veut faire de la pièce unique, il y a des santonniers qui font ça, Liliane Guillaumard qui est quelqu'un d'exceptionnel, ce qu'elle fait est remarquable, deux fois titrée meilleure ouvrier de France, deux médailles d'or. Mais c'est des pièces qui sont faites à la feuille, qui sont très détaillées, mais chaque pièce n'est pas à la portée de tout le monde. Je ne veux pas dire de bêtises, mais je pense qu'on est aux alentours de 1000 euros sur une pièce de 20 cm. Mais c'est un travail remarquable. C'est autre chose.
- Speaker #0
Et là, du coup, on a aussi deux couleurs.
- Speaker #1
Alors là aussi, deux couleurs, puisqu'on n'arrive pas à se mettre... Tous d'accord sur la couleur et donc on propose et c'est le client qui va choisir la finesse,
- Speaker #0
celle qui restera. Et l'habillage en fait, la peinture c'est ce qui rend le santon vivant.
- Speaker #1
Le santon prend vie avec la couleur. Et dans les petites tailles, c'est très vrai parce que c'est vraiment la couleur qui donne vie au santon. Dans une grande taille comme un 50 cm que je présente ici, là moi je déconseille fortement de le... de le décorer. Parce que là, il y a vraiment un travail de modelage, d'assemblage, de sculpture. Ça met plus en avant le côté sculpture et travail du modelage en le gardant brut.
- Speaker #0
D'ailleurs, est-ce que tu peux nous décrire les étapes de la fabrication d'un santon ? On commence par quoi et ça se termine comment ? Oui,
- Speaker #1
tout à fait. Alors, on commence par de l'argile. On prend de l'argile. Aujourd'hui, c'est de l'argile que l'on achète. Mais jusqu'en 1985, j'ai eu la chance d'assister à la dernière coulée qui a été faite en 1985. On est allé prélever de l'argile au pied de la Sainte-Victoire. Tout simplement parce qu'à l'époque ça s'est fait comme ça, depuis 1934 jusqu'à 1985, ils ont prélevé de l'argile simplement en bas de la Sainte-Victoire, ils l'ont broyée, délayée, tamisée et ensuite mise en décantation dans les bassins qui étaient justement devant. Tout ça c'était des bassins de décantation, il fallait 5 ans pour fabriquer l'argile. C'est-à-dire qu'on la faisait délayée, c'était que 5 ans après qu'on pouvait l'exploiter. En 85, on n'a plus accès pour prélever l'argile, donc on cherche où l'acheter. Donc on va l'acheter soit à des potiers, soit à des fabricants de tuiles. Mais la qualité de l'argile, elle est très difficile. Il y a des pointes de chaux, je me rappelle très bien, de grands-pères qui faisaient des pièces comme ça. Et puis des fois, vous aviez un morceau qui avait éclaté, parce qu'il y avait un petit bout de calcaire qui était resté dans l'argile, parce que c'était plus de l'argile qu'ils fabriquaient eux-mêmes. Donc là, nous aujourd'hui, on prend de l'argile de carité, soit de la terre de Limoges, soit c'est de l'argile que j'achète à Aubagne, mais qui est importée, je pense, d'Espagne. Je ne dis pas de bêtises, c'est de l'argile qui... les carrières sont là-bas. Mais j'ai aussi une argile de Limoges qui est... les deux sont de la faïence rouge. C'est-à-dire qu'après cuisson, les deux seront rouges. Et donc cette argile de Limoges, moi je l'aime bien, d'autres la prennent rouge, ils appellent ça la lisse. C'est une argile qui est très fine. et qui colle énormément. Donc il est vraiment très agréable pour tout ce qui est assemblage. Moi je crée d'abord dans cette argile là, il me faut une vingtaine d'heures pour créer un santon de 9 cm. Une fois que ce santon est créé, alors là soit c'est une pièce simple, et donc je vais l'enterrer dans une demi-coque d'argile, et je vais couler du plâtre liquide dessus, ça va faire la première phase du moule. Ensuite, je retournerai, je mettrai un séparateur, alors savon ou huile, sur le plâtre et je recoulerai le dos, c'est-à-dire la deuxième face. Et on aura un moule en deux parties. Alors là, j'en ai un tout petit, mais vous voyez, un moule en deux parties avec des clés. Donc des clés ici qui sont les clés pour axer la pièce dans les deux mouvements, comme ça. Et ensuite, une gorge pour évacuer le surplus d'argile. Une fois que ça c'est fait, on a le moule-mer, c'est-à-dire le premier moule. Ce moule-mer, quand on va le créer, il va détruire la pièce qui est à l'intérieur. Donc on va ouvrir le moule, la pièce sera détruite, mais on gardera un moule qui a l'empreinte de la pièce que l'on a créée. Et à partir de ce moule-mer, on va recréer, on va refaire de l'argile dedans, on va remouler un deuxième moule, et ça, ce sera le moule de travail. Ce sera le moule fils. C'est avec les moules fils que l'on fabriquera les pièces en faisant de l'estampage. C'est-à-dire qu'on prendra le moule de l'argile qui est relativement souple, comme ceci. Alors là c'est une toute petite pièce.
- Speaker #0
C'est la taille puce ?
- Speaker #1
Ça c'est la taille puce. Voilà, on mettra de l'argile. On pressera comme ceci. Ça c'est une petite pièce, sinon grand-père lui il avait des morceaux de bois et il montait sur les moules. Un bon mouleur c'était au poids qu'on savait si c'était un bon mouleur. Je plaisante. Mais effectivement on montait sur les moules. on dansait un peu comme ça, on secouait pour que le moule descende bien, mais on n'avait pas, alors aujourd'hui, c'est des petites presses à main, en fait, c'est des colonnes de perceuse qu'on a transformées en presses, et donc on vient comprimer le moule par estampage, on prend l'empreinte et quand on ouvre la pièce a pris l'empreinte du moule ça c'est la phase de moulage c'est la phase je dirais la plus simple après la création et ensuite vient la phase de débarbage donc c'est à dire qu'on va détourer la pièce donc là c'est ce que Clément et Alexandre, donc mon fils et mon cousin Clément qui est avec nous partiellement puisqu'il a son métier cafendriers en parallèle. Et ce n'est pas un choix innocent. C'est qu'il fait ce métier dans 15 ans. tout en étant en parallèle avec nous dans l'atelier, il apprend le métier, mais la logique c'est que dans 15 ans, il soit armé, et qu'il fasse ce métier à plein temps, et que la relève est assurée comme ça. Et Alexandre nous a rejoint il y a depuis 11 ans, donc Alexandre connaît la fabrication de toutes les pièces. Il sait aujourd'hui assembler toutes les pièces qui sont dans la maison. Donc là actuellement ils sont en train de débarber les pièces, donc c'est très long, avec un petit outil on vient faire tout le tour de la pièce et le lisser au pinceau pour que la pièce ne voie pas le plan de joint. Après ça, on va passer au four, on va monter à 1000 degrés et on va redescendre à 25 degrés. Il faut 24 heures pour monter, 24 heures pour descendre.
- Speaker #0
D'accord. On reste à 1000 degrés pendant un certain temps ou c'est juste une montée et on redescend ? Non, on arrête à 1000 degrés.
- Speaker #1
Je mets une petite demi-heure à 1000 degrés, juste pour que l'ensemble des pièces, on soit sûr qu'elles atteignent ces 1000 degrés. Et ensuite vient la décoration.
- Speaker #0
Et ensuite vient la décoration.
- Speaker #1
Voilà. Donc ça aussi, ça sort ça. On a fini le moulage. c'est une partie qui... qui demande de la précision, mais qui ne demande pas forcément de la créativité. Un bon mouleur, c'est quelqu'un qui va être capable de bien détourer, donc d'être précis, d'aller dans le sens du détail, mais il n'y a pas de créativité. Par contre, dans la peinture, chaque peintre est créatif. Chaque partie de la peinture est une création sur le visage. Vous faites des yeux, vous avez incliné légèrement le sourcil, vous avez transformé un personnage avec une expression joyeuse à une expression sévère. Donc ça, c'est des détails qui sont très importants. Vous relevez un peu trop de rouge sur les pommettes, c'est un clown, plus un santon. Donc il faut que ça soit dosé finement. Et c'est très difficile de faire quelque chose de fin. Là où ça paraît simple, c'est parfois très compliqué.
- Speaker #0
C'est petit, en fait.
- Speaker #1
C'est très petit. Un visage de 9 cm ne fait jamais que 1 cm, à peu près.
- Speaker #0
Je change de sujet, j'étais en train de me dire, tu es basé à Aix-en-Provence, est-ce que tu as l'impression quelque part, parce que vous êtes entreprise du patrimoine vivant, est-ce que tu as l'impression d'être un ambassadeur d'Aix-en-Provence quelque part, en faisant rayonner la ville ?
- Speaker #1
Je pense que le centon est né en Provence, essentiellement à Marseille. Mais aujourd'hui il y a une identité du centon, c'est-à-dire le centon de Provence. donc rien que par le nom On est ambassadeur. de la région, de Provence. Ensuite, grand-père a créé cette foire d'Aix-en-Provence avec une charte qualité qui nous engage, nous, santoniers aixois, à nous faire, à définir qui est le créateur sur chaque pièce. On doit savoir sur Aix, vous passez, vous demandez qui a créé telle pièce, chaque santonier est en mesure de vous répondre. Parce que soit c'est lui, soit c'est sa descendance. S'il a fait partie de la maison, il sait quelle descendance a créé tel pièce on ne fait pas appel à des figuristes pas sur le pâcher les santonis et que soit donc ça c'est un engagement il ya une charte qualité vous avez une qualité je pense que la ville d'aix mérite cette qualité ne peut pas faire n'importe quoi et donc cette foire à aix elle a elle a cette identité Cette identité de qualité, on fait du beau et je pense que c'est à l'image de la ville. Me sentir ambassadeur de Provence, oui. Après, il y a eu une commercialisation nationale. C'est vrai qu'on va retrouver du santon aussi bien à Paris qu'à Lyon. Mais on est resté entreprise artisanale, donc on a une dimension qui ne nous permet pas d'être partout, dans les grandes surfaces, dans les choses comme ça. Donc on sélectionne ce que l'on peut faire avec le nombre que l'on est pour fabriquer. Aujourd'hui, on n'arrive pas à être suffisamment partout, mais est-ce que c'est vraiment ce que l'on souhaite à la maison Fouque ? Certainement pas. Nous, on veut garder cet art de vivre de façon artisanale. On veut garder ce savoir-faire, on veut que ce savoir-faire nous appartienne et appartienne à mes enfants, donc ils se doivent d'apprendre le métier. On n'a pas envie d'être des gestionnaires du centon. Donc je me sens ambassadeur dès lors qu'un client a toutes ses valeurs en venant à la maison Fouque. Et on a une clientèle très attachée à la maison et qui se reconnaît dans ses valeurs artisanales. On ne vend pas de l'image artisanale. On vend un produit qui a une âme, qui est fait avec des gens qui le font avec amour et qui aiment ce métier.
- Speaker #0
D'ailleurs, est-ce qu'on peut moderniser le santon ? Ou est-ce qu'il faut rester dans les traditions ? Comment on jongle avec ça ?
- Speaker #1
Alors ça, c'est une très bonne question. J'avais eu un entretien avec Régis Bertrand. Vous ne connaissiez peut-être pas, mais c'est un personnage qui a créé trois livres autour des traditions provençales et notamment l'histoire du santon. Donc je pense que se rapprocher des travaux de Régis Bertrand sur tout ce qui est tradition et tout l'art du santon, puisque lui en a écrit deux livres là-dessus, c'est très très intéressant. Et sa vision à lui, c'est que tout ce qui est vieux métier est un santon. Mais dans l'évolution, il considère qu'un vieux métier, qui aujourd'hui n'est pas encore un vieux métier, deviendra un vieux métier dans le futur. On prend un exemple tout bête, le plombier. Le plombier, il n'y avait pas de plombier, comme je vous ai cité, la crèche, c'est pour moi 1800, 1860, 1870, c'est-à-dire avant l'ère industrielle. À cette époque-là, il n'y avait pas de plombier. Et pourtant, quand on pense vieux métier, si je vous dis je mets un plombier dans la crèche, vous n'allez pas être surpris. Pour Régis Bertrand, pour lui, c'est une évidence que le plombier est devenu un métier de crèche. Parce que ça fait partie, dans son esprit, des vieux métiers. Le plombier qui arrive avec des tuyaux en cuivre, des choses comme ça. Si vous le faites avec des tuyaux en plastique modernes, c'est encore trop tôt. Peut-être que dans 200 ans, le tuyau en plastique aura été remplacé par quelque chose de plus moderne et il considérera que ça, c'est du centon. Ça, c'est des visions où chacun y va un peu de sa façon. Moi, j'appelle centon la période... 1800-1860. Tout ce qui se fait après, je considère que c'est de la figurine. Et Lagnel, qui a été le premier santonier, était un figuriste. Un personnage qui refaisait des portraits, des personnages de grande taille. C'était quelqu'un qui avait la maîtrise du modelage. Et donc, il faisait des personnages très contemporains pour son époque. Ça pouvait être des statues de Napoléon ou de personnages très contemporains.
- Speaker #0
Quand on a des centaures qui représentent Fernandelle, Marcel Pagnol, Rémus, c'est pas des centaures. C'est des figurines.
- Speaker #1
Il est vrai que ces personnages-là se sont très bien assimilés avec le monde de la crèche. Si on prend les personnages de Pagnol, alors à ce moment-là, on met le tramway, à ce moment-là, on met le chemin de fer, à ce moment-là, on mêle. Le téléphérique, c'est plus une crèche.
- Speaker #0
Et à quand le guide touristique ?
- Speaker #1
Pourquoi pas ? Peut-être qu'il y avait des guides touristiques en 1800, certainement d'ailleurs. C'est le début des rentrées.
- Speaker #0
Tu dis que Aix, c'est une ville qui te plaît, dans laquelle tu es ancré. Est-ce qu'elle apporte une inspiration dans les santons que tu fais ? Ou est-ce que les santons sont... vraiment séparés de ce territoire.
- Speaker #1
Pour moi, le centon, qu'est-ce qu'on célèbre à travers de la crèche ? Qu'est-ce qui représente la crèche ? C'est quelque chose d'étonnant parce que souvent, on a oublié le pourquoi on a fait la crèche. On a fait la crèche parce qu'à la Révolution, on a... interdit l'accès à la messe de minuit. Pas l'accès à l'église proprement dite, c'est surtout l'interdiction de venir se regrouper, se célébrer, se remémorer la naissance du Christ le 24 au soir, la messe de minuit. Et c'est ces personnages-là que les anciens, les premiers santonniers, on n'appelait pas ça des santonniers puisque c'était des gens qui avaient des métiers, et qui se sont mis à faire ces petites figurines dans de la mie de pain, dans du bois, dans de la pâte à papier, rien à voir avec l'argile, c'est l'agnel qui fera des santons en argile. Mais ce n'est pas l'agnel qui a inventé le santon, c'est le peuple. C'est un acte contre-révolutionnaire, c'est un mot très fort, parce que ce n'était pas pour dire on ne fait pas la révolution, c'est autre chose, ce n'était pas politique. C'est qu'eux, ils ont senti ce besoin de se recueillir le 24 au soir devant la sainte nativité. En se rappelant les gens qui venaient avec eux à la messe de minuit. Ils ont créé ces personnages et ça a donné naissance à ce village provençal. de 1800-1830, qui vient à la messe de minuit. Ces personnages-là, ils vont à la messe de minuit. Alors on a un petit peu transformé la messe de minuit en l'étable, la naissance du Christ, ce que l'on faisait. Jésus est né en Provence. En fait, c'est la messe de minuit que l'on célébrait. Et c'est ça la crèche. C'est pour ça que ces personnages-là, ils ont ce style d'habit. C'est pour ça qu'ils ne sont pas habillés en l'an 1. Ils se sont habillés Provence 1800-1840. La pastorale qui arrivera en 1844 rappellera cette nuit merveilleuse où tout le village vient à la rencontre de cet enfant qui amène la joie.
- Speaker #0
En fait, la crèche, ça apporte la joie.
- Speaker #1
Ça, j'en suis convaincu.
- Speaker #0
Un de mes personnages préférés, moi, c'est mon préféré, c'est le Ravie.
- Speaker #1
C'est un personnage qui est émerveillé. C'est un personnage qui est accueillant. qui est joyeux, il a les bras en l'air en signe de bienvenue. C'est vraiment un personnage qui symbolise ce que l'on a dans la crèche, des gens joyeux.
- Speaker #0
Et d'ailleurs, est-ce que tu as, dans toutes tes créations, un santon favori ?
- Speaker #1
On me pose souvent cette question.
- Speaker #0
C'est difficile, c'est comme demander à une mère quel est son enfant favori.
- Speaker #1
C'est un peu ça. En fait, chaque année, c'est le santon que je crée qui devient mon favori. et En près, parmi tous ces cent ans qui ont été créés, j'en ai à peu près 200, je ne vais pas compter. Dans mon cent ans préféré, j'aime beaucoup le tailleur de pierre. C'est lui qui est assis sur la pierre et qui taille. C'est un mouvement qui est très complexe et qui me rappelle un peu la complexité de ce que mon grand-père avait réalisé autour du coup de Mistral. Le coup de Mistral, pour moi, reste le chef-d'œuvre de mon grand-père. Je considère que c'est la pièce en mouvement la plus aboutie, la plus belle. Et en plus, qui représente un berger, donc c'est lourd de symboles. Donc c'est vraiment pour moi la plus belle pièce. Pour les miennes, je dirais le tailleur de pierre.
- Speaker #0
Tu disais tout à l'heure que celui que tu crées et devient ton favori, en quelque sorte, tu pourrais dire que ton préféré, c'est le prochain.
- Speaker #1
C'est bien dit.
- Speaker #0
C'est ce que Ferrari disait quand on lui demandait quelle était sa voiture préférée, il disait la prochaine.
- Speaker #1
Oui, parce qu'eux, il y avait une exigence de performance. Nous, c'est une émotion avant une performance. La performance, on a la technique du modelage, on a la technique d'apporter des couleurs. Ce n'est pas la performance dans ce sens-là, c'est quelle émotion elle va nous apporter, quelle pièce va nous apporter une émotion. Et il est vrai qu'au moment de la création, on donne vie. Et je pense que c'est ce moment-là où on donne la vie à un personnage qui fait que ça devient le petit dernier, le petit chouchou. Comme dans une famille, le petit dernier, c'est le petit dernier. C'est comme ça.
- Speaker #0
La dernière question, c'est la question rituelle que je pose à tous mes invités. Quel est ton lieu préféré à Aix-en-Provence ? Si tu en as un, quel est ton lieu préféré ?
- Speaker #1
Alors mon lieu préféré, c'est la Fontaine Moussue.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
C'est un endroit où j'allais avec mon grand-père, on passait très souvent devant, et lui il me rappelait qu'à l'époque elle n'était pas moussue. Et donc j'ai le souvenir de ce moment avec lui, petit, où effectivement c'est de la nostalgie. C'est de la nostalgie. Est-ce qu'on peut revenir en arrière ? Ben non, il y a tellement de mousse autour, il y a tellement de choses, que comment se remémorer ? Alors lui, il l'avait modelée en argile, avant qu'elle soit moussue. Donc on voit bien... tous les canons, tous les déversoirs, tout ça. Et il n'y a pas si longtemps, je crois que c'est il y a deux ou trois ans, eh bien moi j'ai refait cette fontaine en y rajoutant la mousse. Et c'est juste un souvenir nostalgique de ce moment avec mon grand-père.
- Speaker #0
Une belle manière de lui rendre hommage.
- Speaker #1
J'essaye de le faire tous les jours.
- Speaker #0
Et de boucler la boucle.
- Speaker #1
Et la boucle sera bouclée quand j'aurai passé... ce savoir dans les mains de mes enfants. En tout cas, l'actualité de la Maison Fouque, ça va être le marché de Noël AX qui va démarrer. Oui, c'est le 91ème. Et ça, grand-père disait, c'est mon moment de fête. Je pars en vacances. C'est des vacances où on ne compte pas les heures, mais il y a une telle effervescence, il y a une telle rencontre, et puis on a la chance de... d'être avec des gens qui viennent pour se faire plaisir. Donc on n'a que des gens qui arrivent en étant heureux, joyeux, qui amènent une joie à chaque rencontre. On ne traite que du positif à ce niveau-là.
- Speaker #0
Et tu as les dates ?
- Speaker #1
Du 15 au 5 janvier. Du 15 novembre au 5 janvier.
- Speaker #0
D'accord, on viendra chercher des santons sur le marché de Noël. Merci beaucoup Emmanuel de nous avoir reçu.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Et à bientôt.
- Speaker #1
Avec grand plaisir.
- Speaker #0
Et c'est ainsi que se termine cet épisode des gens d'Aix. Et je remercie vraiment Emmanuel parce qu'il nous reçoit dans cette période qui est un tourbillon pour lui lors des préparations des fêtes de Noël. Et grâce à lui, grâce à cette maison Fouque, les Aixois vont pouvoir enrichir leur crèche de nouveaux santons lors de cette foire qui va bientôt démarrer. Alors j'espère que vous avez aimé cet épisode. et si c'est le cas, je vous engage à en parler autour de vous, à liker, à commenter. commenter sur toutes les plateformes que vous aimez. Et puis, vous le savez, c'est un podcast qui est bénévole. C'est grâce à vous qu'il continuera. Je vous dis à bientôt. On va retrouver un nouvel invité. Et un invité qui, j'en suis sûr, va faire parler les Aixois.