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Chronique de malade ! #07 • Alors, bien reposé•e ? cover
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Les Invisibles

Chronique de malade ! #07 • Alors, bien reposé•e ?

Chronique de malade ! #07 • Alors, bien reposé•e ?

18min |08/09/2025|

207

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18min |08/09/2025|

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Description

« Alors, bien reposé·e ? » 😌

Une question banale en apparence, mais qui sonne comme une gifle quand on vit avec une maladie chronique, des symptômes Invisibles, et que le repos ne guérit rien.


Dans cette nouvelle Chronique de malade !, je t’emmène dans les coulisses du « triathlon », que sont les problèmes de santé, et auquel je n’ai jamais choisi de participer : anticiper, avancer, endurer… sans jamais atteindre la ligne d’arrivée ni avoir de « supporters » 🙌🏻 à mes côtés.


Derrière les photos de vacances parfaites ou les arrêts maladie, je partage la réalité de ces valises trop lourdes 🧳 que l’on porte au quotidien sans que cela ne se voie - mais aussi ces petites parenthèses de beauté qui, parfois, aident à tenir le coup.


Une chronique entre humour, vulnérabilité et résistance, pour questionner ce que veut vraiment dire « être reposé·e » quand le repos ne guérit pas.


Si ces mots résonnent pour toi, ou pour quelqu’un que tu connais 👉🏻 partage cet épisode, pour qu’aucun·e malade ne se sente jamais seul·e.


Un immense MERCI à Gaëlle pour son don généreux, qui permet à cet épisode de voir le jour 🫶🏻


𝘛𝘦𝘹𝘵𝘦 𝘦𝘵 𝘷𝘰𝘪𝘹 : Tamara Pellegrini

𝘊𝘰𝘮𝘱𝘰𝘴𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘮𝘶𝘴𝘪𝘤𝘢𝘭𝘦 : Michael Pellegrini


𝗧𝘂 𝘃𝗲𝘂𝘅 𝘀𝗼𝘂𝘁𝗲𝗻𝗶𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗽𝗼𝗱𝗰𝗮𝘀𝘁 ? Abonne-toi à cette chaîne, mets-lui 5 étoiles et partage cette ressource ! Tous les épisodes de notre podcast Les Invisibles sont aussi disponibles sur Youtube : https://www.youtube.com/@les_invisibles_podcast 🎧


👉 𝗦𝘂𝗶𝘀-𝗻𝗼𝘂𝘀 𝘀𝘂𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗿𝗲́𝘀𝗲𝗮𝘂𝘅 𝘀𝗼𝗰𝗶𝗮𝘂𝘅

Instagram : https://www.instagram.com/les_invisibles_podcast/

LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/association-lesinvisibles/

👉 𝗘𝘁 𝗱𝗲́𝗰𝗼𝘂𝘃𝗿𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗮𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝘀𝘂𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝘀𝗶𝘁𝗲 :

https://www.lesinvisibles.ch


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une amie m'a dit un jour, Tamara, cette maladie a de la chance de t'avoir. Un compliment inattendu que j'ai choisi d'honorer. Plongée avec moi dans la chronique de malades, où les voix invisibles trouvent enfin leur écho. Bonne écoute ! Alors, bien reposé ? Autrement dit... Est-ce que tu es assez reposée pour redevenir normale et arrêter de nous emmerder avec tes symptômes ? Cette petite question, tellement banale, devient un réflexe. On se la lance comme on se dit « salut, ça va ? » quand on croise quelqu'un qu'on connaît dans la rue, à la poste ou aux courses. Mais quand on vit avec une maladie chronique, elle peut faire l'effet d'une claque. Parce qu'elle nous renvoie à ce qu'on voudrait tous et toutes croire. que le repos pourrait suffire à nous réparer. Comme le dit Fernand, mon co-directeur chéri, il ne suffit pas de se reposer pour ne plus être malade. Ça te semble peut-être être un basique, mais moi ça m'a scotché de l'entendre. Parce que ça dit probablement là, un des plus grands fossés entre les personnes encore en santé et celles qui espèrent un jour la retrouver. C'est la rentrée, du moins pour des personnes qui cochent des cases telles que « je travaille » ou « je suis parent » . Parce qu'en réalité, beaucoup de malades sont simplement en observation de ce monde parallèle. Peut-être que tu t'es offert quelques jours ou quelques semaines de parenthèses cet été, et peut-être que tu les as attendues comme une bouffée d'air dans le chaos quotidien que tu endures, mais aussi comme une épreuve. Parce qu'avant même de partir, plus que pour des vacances, C'est un marathon, que dis-je, un triathlon, une discipline constituée de différentes épreuves que tu te prépares. Un triathlon un peu particulier, puisqu'il ne comporte aucune ligne d'arrivée et aucun supporter pour t'ouvrir grand les bras ou te féliciter. Et pour être honnête, tu ne sais pas courir à petite foulée, tu te noies à chaque brassée, et les vélos, eux, t'ont plus souvent mis au sol que transporté. Avec ce background qui ressemble plus à un marcheur ou une marcheuse du dimanche qu'à une star olympique, tu te places sur la ligne de départ. Et plutôt que de te visualiser traversant la ligne d'arrivée, comme ton coach te l'a conseillé, tout commence à se bousculer dans ta tête. Vais-je pouvoir me déplacer ? Si oui, combien de jours faudra-t-il pour récupérer du trajet ? Aurais-je accès à mes soins, à mon alimentation adaptée ? À ce dont mon corps a besoin ? Spoiler alert. Non. Alors je prépare, je commande, je remplis mes valises des semaines en avance, comme si je partais pour une mission humanitaire. Sauf que pour un triathlon, où il y a plusieurs disciplines à enchaîner et à assurer, il faut voyager léger. Et comme tout sportif d'élite, je pense au ravitaillement. Mais ici, pas de gel énergétique ou de barres protéinées. Il y a les médicaments, les compléments alimentaires, les moyens auxiliaires, les ordonnances pour les douanes. Je calcule la place, fais et défais mon sac. Je fais des choix après des semaines de dilemme. Est-ce que je rajoute du poids à la valise, ce qui va être terriblement douloureux à porter, en y plaçant mes coussins à mémoire de forme et mon tapis de chambre-fleur ? Où est-ce que j'allège ma valise, quitte à avoir des monstres douleurs à la nuque sur place ? Je révise mes checklists comme une pro qui révise son plan de course. Il y a aussi l'entraînement invisible. Celui qu'on ne voit pas sur les applications qui tracent nos victoires. Décaler mes rendez-vous médicaux. Caser ma physio avant de partir. Boucler tout l'administratif. Et quand ça concerne une personne malade, c'est plus un mi-temps qu'une formalité. Et pendant la course, il y a l'épreuve reine. Gérer ma fille H24 sans espace de repos, si ce n'est sa sieste du jour. Rassurez-moi, à 10 ans, ça fait encore sa sieste un enfant, non ? Et dans une vraie course. Heureusement, il y a parfois un relais. Cette main tendue qui te libère du poids. Ces jambes qui prennent la suite quand les tiennes ne suivent plus. Mais dans la course imposée par les symptômes, il n'y a personne au bord du chemin pour tendre ses bras. Pas de coéquipier, ni de coéquipière à qui passer le témoin. Et toujours l'angoisse de l'imprévu. Ce caillou dans la chaussure qui peut tout faire dérailler. Un pneu crevé sur l'autoroute sous 35 degrés. Ou des travaux sous la fenêtre du Airbnb. Et me voilà en crash pour une semaine entière. Là où l'athlète a l'option d'abandonner la course, moi je dois continuer. Coute que coûte. Ce triathlon-là, je ne m'y suis jamais inscrite. Et je ne suis jamais allée récupérer mon dossard. Si au moins j'avais un public qui m'encourage et m'applaudit, ou je sais pas quoi, une petite place sur un bout du podium, ou une petite médaille, même en chocolat, ça passerait mieux. Mais sans en avoir le choix, j'avance. Avec la certitude étrange qu'au bout, il n'y a pas de ligne d'arrivée. Mais oui, j'ai eu droit à mes quelques jours d'été. Une semaine dans les Cévennes, perchée dans un gîte entourée de rivières et de pans. Loin de l'agitation et avec une piscine à débordement qui donne sur la forêt. Dit comme ça, ça vend du rêve. Sur Instagram, ça donnait même l'impression d'un séjour de magazine. La vérité, c'est que cette parenthèse-là, c'est la première fois en cinq ans que j'ai osé l'adapter vraiment à mes besoins. Pour en arriver là, il a fallu d'abord identifier tout ce qui ne me convenait pas. Pas trop loin en voiture, un endroit où je peux rester une semaine sans bouger si je me retrouve alité, une cuisine pour gérer mes intolérances alimentaires, un accès à l'eau fraîche pour soulager l'inflammation chronique, et juste assez de monde pour ne pas me sentir isolée, mais pas trop pour éviter la surstimulation. En termes très concrets. 3-4 personnes sur des kilomètres à la ronde. J'ai trouvé ma pépite. Et je ne la lâcherai pas. Ne t'excite pas, j'ai pas encore de code promo pour ce J de coup de cœur. Alors oui, j'ai eu la chance de partir cet été dans les Cévennes. Et sentir que je m'adaptais vraiment à mes besoins. Que je ne jouais pas à la touriste en mode performance. C'était doux. C'était calme. C'était serein. Mais même là-bas, au milieu des collines et du champ des cigales, les symptômes ne sont pas restés à la maison. Ils sont rentrés dans mes valises déjà bien trop lourdes et engoncées. Comme nous partageait une bénévole de l'association, « Ma tête est plus légère, mon corps non. » Et c'est là toute l'ironie. Mon esprit s'est apaisé. Mais mon cerveau, lui, a continué d'emprunter la même autoroute, celle du symptôme permanent. Toi-même, tu sais, cette autoroute du retour des vacances dans laquelle, une fois engagé, il est impossible d'échapper et qui te fait très vite oublier la piscine à débordement. Peut-être, et je réalise aujourd'hui, que le vrai cadeau des vacances, des congés ou de ces parenthèses, ce n'est ni la récupération, ni la réparation. Mais la connexion à de nouveaux sons, des yeux qui balayent un puissant paysage, un vent nouveau sur la peau, des relents comestibles qui prennent le temps d'infuser dans nos ventres et qui se digèrent avec plus de sérénité que dans un quotidien. Et ces images plein la tête, ces sensations plein le corps, je peux dorénavant y replonger dans des visualisations. Les jours où, cloués à mon canapé, il ne me reste que les souvenirs pour m'évader. Parce que voilà, une fois rentré, la réalité frappe. Pour moi, ça a été 10 sur 10 de symptômes neurologiques dès le retour. La route trop longue, les embouteillages, l'air d'autoroute blindé comme dans la queue d'un festival, la météo qui passe de 32 à 17 degrés, une fièvre à 41 pour ma fille avec des spasmes à la clé, 10 déclencheurs en simultané en bref. Une vraie partie de paintball pour laquelle je n'ai même pas eu la chance de finir en œuvre d'art colorée. Lorsqu'en bas de l'immeuble, à peine de retour chez moi, le corps en train de morfler, les bagages encore dans les mains, je tente de me frayer un passage dans l'ascenseur. Je croise ma voisine sourire aux lèvres. Alors, bien reposé ? J'ai vu tes photos sur Insta, ça avait l'air ouf ! Agacée, j'ai envie de lâcher. Avec celle que j'ai sous les yeux, tu réalises toutes ces valises que je suis en train de porter ? Mais j'ai ravalé mon cri. Parce que j'aime bien ma voisine. Et ses œufs. surtout quand il m'en manque pour les préparations de muffins pour ma fille. Alors quand on me demande « bien reposé ? » , je souris, je ravale la vérité. Parce que si je répondais vraiment, je gâcherais la cour de récré, je plomberais la conversation avec la voisine et je perdrais mes bons plans chez l'épicier. Alors je bricole des réponses bancales, des demi-vérités qui font sourire. Oui, je suis passée de l'épuisement chronique à l'épuisement premium. La vérité, c'est que 5 heures de route m'ont cramé pour 10 jours, que mon corps n'a rien stocké, ou si peu. Alors j'ai beau bricoler des punchlines pour faire rire, le décalage reste. Parce que cette question, c'est une blessure qui se réouvre à chaque fois. Parce que chez nous aussi, une part persiste à croire que le repos nous guérira, et puis on se cogne à la chronicité, à l'impuissance. À l'évidence que... Non, non, rien n'a changé. Tout, tout a continué. Derrière cette question, derrière ce... Alors, bien reposé ? J'entends souvent... Est-ce que tu es redevenu normal ? Tu vas enfin pouvoir retravailler ? Tu vas arrêter de nous casser les pieds. La réponse à ces questions est toujours non. Et cette confrontation permanente au non, émotionnellement, ça m'alourdit. J'ai bien conscience que chez les personnes valides, la fatigue est un état transitoire et non pathologique. Tu te reposes, tu récupères. C'est la promesse implicite du système. Tu travailles dur, tu mérites tes vacances. Et hop, reboot ! La fatigue chronique, elle, elle casse le contrat. Elle ne respecte pas la règle. Et c'est ça qui dérange. Parce que dans le fond, cette question « reposer » cache une peur plus grande. La peur d'affronter la vulnérabilité radicale. La peur d'admettre que parfois, le repos ne suffit pas. Que parfois, on ne récupère pas. Et que ça, ça peut arriver à tout le monde. Alors les valides s'accrochent à l'équation magique comme à une bouée. Repos égale solution. Parce que sinon, il faudrait accepter l'impensable, sa propre finitude. Et j'ai beaucoup de compassion pour la douleur que cette pensée peut générer. Car même si je sais aujourd'hui combien je suis mortelle, projeter la fin de mon existence continue de me faire peur. Et puis il y a le système qui vient cimenter tout ça. Tu travailles, tu vaux, tu produis, tu existes, tu ralentis, tu deviens un poids, tu t'arrêtes, t'es hors-jeu. Je l'ai aussi constaté dans le récit d'une proche amie de Wimmer au foyer. Du jour au lendemain, autour d'un café ou d'un apéro, plus personne ne lui demandait « Et toi alors, tu racontes quoi ? » comme si sa vie n'avait plus d'intérêt social. Alors que, soyons honnêtes, à moins que ton taf te passionne, et je te le souhaite. Il y a bien plus croustillant à partager que ton boulot autour d'un mojito. Notre valeur s'est confondue avec notre productivité. Comme me l'a partagée une invisible, cette question, alors bien reposée, en filigrane sait. Alors t'as réussi tes vacances ou même ça t'es pas cap ? La maladie nous force à ralentir. À sortir de cette logique capitaliste où chaque minute doit être rentabilisée. Alors que tu ne te prenais pas militant ou militante, ton corps, malgré lui, le devient. Ton corps dit stop, là où le système dit « Encore, encore, encore ! » parce que de toi, il n'a pas assez joué. Mais pour revenir à l'essentiel d'aujourd'hui, que répondre à ce fameux « bien reposer » ? Peut-être qu'on peut répondre « reposer non » , « ressourcer un peu » ou encore « mon esprit a pris des vacances, mon corps, lui, n'a pas reçu la nouvelle » ou bien « j'ai des images plein la tête pour tenir mes après-midi sur le canapé » ou on peut renvoyer la question « merci à mon coach de mari de me les suggérer » . Qu'est-ce que ça viendrait rassurer chez toi ? de me savoir reposer. Ou encore, reposer par rapport à qui ? À toi après un marathon ? Ou moi après une douche ? Ou enfin, et si je te dis non, tu fais quoi de l'info ? Non, je ne suis pas reposée, mais je suis vivante, présente, et c'est déjà immense. Les vacances ne m'ont pas rendue normale, elles m'ont rendue plus vraie. Elles m'ont rappelé que je peux exister autrement qu'en produisant, qu'en courant, qu'en jouant le rôle de la bonne malade, ou qu'en cochant les cases. Elles m'ont offert des images. Des sons, des odeurs qui tiennent lieu de refuge et de résistance. Et si elles n'ont pas réparé mon corps, elles m'ont donné cette paix étrange. Celle de savoir que je peux encore savourer de la beauté dans l'intolérable et l'impermanent. Et que même au cœur de l'épuisement, il y a toujours quelques nuages sur lesquels laisser mes yeux naviguer. Alors non, je ne suis pas reposée, mais je suis là. Et parfois, ça suffit à faire battre le monde un peu autrement. Toute l'équipe de l'association Les Invisibles se joint à moi pour déposer un immense merci à Gaëlle pour sa générosité. C'est grâce à son don que cette nouvelle chronique de malades a pu voir le jour et arriver jusqu'à vous. J'aimerais aussi honorer les mots que Gaëlle m'a adressés. Tu ne nies pas la douleur, mais tu ne la laisses pas nous définir. Même lorsque l'on est à terre, tu nous rappelles que l'on reste vivant. et que l'on peut choisir de continuer à vivre. Ces mots m'inspirent profondément. Ils m'émeuvent aussi. Ils portent l'essence de ce que nous faisons ici. Écouter, partager, visibiliser et continuer à exister malgré tout. Si vous aussi vous souhaitez soutenir notre travail et permettre à ces chroniques de toucher toujours plus de personnes, chaque don fait une différence. Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. Découvrez tous les engagements de l'association Les Invisibles sur le site internet lesinvisibles.ch. Ensemble, continuons à visibiliser l'invisible.

Description

« Alors, bien reposé·e ? » 😌

Une question banale en apparence, mais qui sonne comme une gifle quand on vit avec une maladie chronique, des symptômes Invisibles, et que le repos ne guérit rien.


Dans cette nouvelle Chronique de malade !, je t’emmène dans les coulisses du « triathlon », que sont les problèmes de santé, et auquel je n’ai jamais choisi de participer : anticiper, avancer, endurer… sans jamais atteindre la ligne d’arrivée ni avoir de « supporters » 🙌🏻 à mes côtés.


Derrière les photos de vacances parfaites ou les arrêts maladie, je partage la réalité de ces valises trop lourdes 🧳 que l’on porte au quotidien sans que cela ne se voie - mais aussi ces petites parenthèses de beauté qui, parfois, aident à tenir le coup.


Une chronique entre humour, vulnérabilité et résistance, pour questionner ce que veut vraiment dire « être reposé·e » quand le repos ne guérit pas.


Si ces mots résonnent pour toi, ou pour quelqu’un que tu connais 👉🏻 partage cet épisode, pour qu’aucun·e malade ne se sente jamais seul·e.


Un immense MERCI à Gaëlle pour son don généreux, qui permet à cet épisode de voir le jour 🫶🏻


𝘛𝘦𝘹𝘵𝘦 𝘦𝘵 𝘷𝘰𝘪𝘹 : Tamara Pellegrini

𝘊𝘰𝘮𝘱𝘰𝘴𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘮𝘶𝘴𝘪𝘤𝘢𝘭𝘦 : Michael Pellegrini


𝗧𝘂 𝘃𝗲𝘂𝘅 𝘀𝗼𝘂𝘁𝗲𝗻𝗶𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗽𝗼𝗱𝗰𝗮𝘀𝘁 ? Abonne-toi à cette chaîne, mets-lui 5 étoiles et partage cette ressource ! Tous les épisodes de notre podcast Les Invisibles sont aussi disponibles sur Youtube : https://www.youtube.com/@les_invisibles_podcast 🎧


👉 𝗦𝘂𝗶𝘀-𝗻𝗼𝘂𝘀 𝘀𝘂𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗿𝗲́𝘀𝗲𝗮𝘂𝘅 𝘀𝗼𝗰𝗶𝗮𝘂𝘅

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👉 𝗘𝘁 𝗱𝗲́𝗰𝗼𝘂𝘃𝗿𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗮𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝘀𝘂𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝘀𝗶𝘁𝗲 :

https://www.lesinvisibles.ch


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une amie m'a dit un jour, Tamara, cette maladie a de la chance de t'avoir. Un compliment inattendu que j'ai choisi d'honorer. Plongée avec moi dans la chronique de malades, où les voix invisibles trouvent enfin leur écho. Bonne écoute ! Alors, bien reposé ? Autrement dit... Est-ce que tu es assez reposée pour redevenir normale et arrêter de nous emmerder avec tes symptômes ? Cette petite question, tellement banale, devient un réflexe. On se la lance comme on se dit « salut, ça va ? » quand on croise quelqu'un qu'on connaît dans la rue, à la poste ou aux courses. Mais quand on vit avec une maladie chronique, elle peut faire l'effet d'une claque. Parce qu'elle nous renvoie à ce qu'on voudrait tous et toutes croire. que le repos pourrait suffire à nous réparer. Comme le dit Fernand, mon co-directeur chéri, il ne suffit pas de se reposer pour ne plus être malade. Ça te semble peut-être être un basique, mais moi ça m'a scotché de l'entendre. Parce que ça dit probablement là, un des plus grands fossés entre les personnes encore en santé et celles qui espèrent un jour la retrouver. C'est la rentrée, du moins pour des personnes qui cochent des cases telles que « je travaille » ou « je suis parent » . Parce qu'en réalité, beaucoup de malades sont simplement en observation de ce monde parallèle. Peut-être que tu t'es offert quelques jours ou quelques semaines de parenthèses cet été, et peut-être que tu les as attendues comme une bouffée d'air dans le chaos quotidien que tu endures, mais aussi comme une épreuve. Parce qu'avant même de partir, plus que pour des vacances, C'est un marathon, que dis-je, un triathlon, une discipline constituée de différentes épreuves que tu te prépares. Un triathlon un peu particulier, puisqu'il ne comporte aucune ligne d'arrivée et aucun supporter pour t'ouvrir grand les bras ou te féliciter. Et pour être honnête, tu ne sais pas courir à petite foulée, tu te noies à chaque brassée, et les vélos, eux, t'ont plus souvent mis au sol que transporté. Avec ce background qui ressemble plus à un marcheur ou une marcheuse du dimanche qu'à une star olympique, tu te places sur la ligne de départ. Et plutôt que de te visualiser traversant la ligne d'arrivée, comme ton coach te l'a conseillé, tout commence à se bousculer dans ta tête. Vais-je pouvoir me déplacer ? Si oui, combien de jours faudra-t-il pour récupérer du trajet ? Aurais-je accès à mes soins, à mon alimentation adaptée ? À ce dont mon corps a besoin ? Spoiler alert. Non. Alors je prépare, je commande, je remplis mes valises des semaines en avance, comme si je partais pour une mission humanitaire. Sauf que pour un triathlon, où il y a plusieurs disciplines à enchaîner et à assurer, il faut voyager léger. Et comme tout sportif d'élite, je pense au ravitaillement. Mais ici, pas de gel énergétique ou de barres protéinées. Il y a les médicaments, les compléments alimentaires, les moyens auxiliaires, les ordonnances pour les douanes. Je calcule la place, fais et défais mon sac. Je fais des choix après des semaines de dilemme. Est-ce que je rajoute du poids à la valise, ce qui va être terriblement douloureux à porter, en y plaçant mes coussins à mémoire de forme et mon tapis de chambre-fleur ? Où est-ce que j'allège ma valise, quitte à avoir des monstres douleurs à la nuque sur place ? Je révise mes checklists comme une pro qui révise son plan de course. Il y a aussi l'entraînement invisible. Celui qu'on ne voit pas sur les applications qui tracent nos victoires. Décaler mes rendez-vous médicaux. Caser ma physio avant de partir. Boucler tout l'administratif. Et quand ça concerne une personne malade, c'est plus un mi-temps qu'une formalité. Et pendant la course, il y a l'épreuve reine. Gérer ma fille H24 sans espace de repos, si ce n'est sa sieste du jour. Rassurez-moi, à 10 ans, ça fait encore sa sieste un enfant, non ? Et dans une vraie course. Heureusement, il y a parfois un relais. Cette main tendue qui te libère du poids. Ces jambes qui prennent la suite quand les tiennes ne suivent plus. Mais dans la course imposée par les symptômes, il n'y a personne au bord du chemin pour tendre ses bras. Pas de coéquipier, ni de coéquipière à qui passer le témoin. Et toujours l'angoisse de l'imprévu. Ce caillou dans la chaussure qui peut tout faire dérailler. Un pneu crevé sur l'autoroute sous 35 degrés. Ou des travaux sous la fenêtre du Airbnb. Et me voilà en crash pour une semaine entière. Là où l'athlète a l'option d'abandonner la course, moi je dois continuer. Coute que coûte. Ce triathlon-là, je ne m'y suis jamais inscrite. Et je ne suis jamais allée récupérer mon dossard. Si au moins j'avais un public qui m'encourage et m'applaudit, ou je sais pas quoi, une petite place sur un bout du podium, ou une petite médaille, même en chocolat, ça passerait mieux. Mais sans en avoir le choix, j'avance. Avec la certitude étrange qu'au bout, il n'y a pas de ligne d'arrivée. Mais oui, j'ai eu droit à mes quelques jours d'été. Une semaine dans les Cévennes, perchée dans un gîte entourée de rivières et de pans. Loin de l'agitation et avec une piscine à débordement qui donne sur la forêt. Dit comme ça, ça vend du rêve. Sur Instagram, ça donnait même l'impression d'un séjour de magazine. La vérité, c'est que cette parenthèse-là, c'est la première fois en cinq ans que j'ai osé l'adapter vraiment à mes besoins. Pour en arriver là, il a fallu d'abord identifier tout ce qui ne me convenait pas. Pas trop loin en voiture, un endroit où je peux rester une semaine sans bouger si je me retrouve alité, une cuisine pour gérer mes intolérances alimentaires, un accès à l'eau fraîche pour soulager l'inflammation chronique, et juste assez de monde pour ne pas me sentir isolée, mais pas trop pour éviter la surstimulation. En termes très concrets. 3-4 personnes sur des kilomètres à la ronde. J'ai trouvé ma pépite. Et je ne la lâcherai pas. Ne t'excite pas, j'ai pas encore de code promo pour ce J de coup de cœur. Alors oui, j'ai eu la chance de partir cet été dans les Cévennes. Et sentir que je m'adaptais vraiment à mes besoins. Que je ne jouais pas à la touriste en mode performance. C'était doux. C'était calme. C'était serein. Mais même là-bas, au milieu des collines et du champ des cigales, les symptômes ne sont pas restés à la maison. Ils sont rentrés dans mes valises déjà bien trop lourdes et engoncées. Comme nous partageait une bénévole de l'association, « Ma tête est plus légère, mon corps non. » Et c'est là toute l'ironie. Mon esprit s'est apaisé. Mais mon cerveau, lui, a continué d'emprunter la même autoroute, celle du symptôme permanent. Toi-même, tu sais, cette autoroute du retour des vacances dans laquelle, une fois engagé, il est impossible d'échapper et qui te fait très vite oublier la piscine à débordement. Peut-être, et je réalise aujourd'hui, que le vrai cadeau des vacances, des congés ou de ces parenthèses, ce n'est ni la récupération, ni la réparation. Mais la connexion à de nouveaux sons, des yeux qui balayent un puissant paysage, un vent nouveau sur la peau, des relents comestibles qui prennent le temps d'infuser dans nos ventres et qui se digèrent avec plus de sérénité que dans un quotidien. Et ces images plein la tête, ces sensations plein le corps, je peux dorénavant y replonger dans des visualisations. Les jours où, cloués à mon canapé, il ne me reste que les souvenirs pour m'évader. Parce que voilà, une fois rentré, la réalité frappe. Pour moi, ça a été 10 sur 10 de symptômes neurologiques dès le retour. La route trop longue, les embouteillages, l'air d'autoroute blindé comme dans la queue d'un festival, la météo qui passe de 32 à 17 degrés, une fièvre à 41 pour ma fille avec des spasmes à la clé, 10 déclencheurs en simultané en bref. Une vraie partie de paintball pour laquelle je n'ai même pas eu la chance de finir en œuvre d'art colorée. Lorsqu'en bas de l'immeuble, à peine de retour chez moi, le corps en train de morfler, les bagages encore dans les mains, je tente de me frayer un passage dans l'ascenseur. Je croise ma voisine sourire aux lèvres. Alors, bien reposé ? J'ai vu tes photos sur Insta, ça avait l'air ouf ! Agacée, j'ai envie de lâcher. Avec celle que j'ai sous les yeux, tu réalises toutes ces valises que je suis en train de porter ? Mais j'ai ravalé mon cri. Parce que j'aime bien ma voisine. Et ses œufs. surtout quand il m'en manque pour les préparations de muffins pour ma fille. Alors quand on me demande « bien reposé ? » , je souris, je ravale la vérité. Parce que si je répondais vraiment, je gâcherais la cour de récré, je plomberais la conversation avec la voisine et je perdrais mes bons plans chez l'épicier. Alors je bricole des réponses bancales, des demi-vérités qui font sourire. Oui, je suis passée de l'épuisement chronique à l'épuisement premium. La vérité, c'est que 5 heures de route m'ont cramé pour 10 jours, que mon corps n'a rien stocké, ou si peu. Alors j'ai beau bricoler des punchlines pour faire rire, le décalage reste. Parce que cette question, c'est une blessure qui se réouvre à chaque fois. Parce que chez nous aussi, une part persiste à croire que le repos nous guérira, et puis on se cogne à la chronicité, à l'impuissance. À l'évidence que... Non, non, rien n'a changé. Tout, tout a continué. Derrière cette question, derrière ce... Alors, bien reposé ? J'entends souvent... Est-ce que tu es redevenu normal ? Tu vas enfin pouvoir retravailler ? Tu vas arrêter de nous casser les pieds. La réponse à ces questions est toujours non. Et cette confrontation permanente au non, émotionnellement, ça m'alourdit. J'ai bien conscience que chez les personnes valides, la fatigue est un état transitoire et non pathologique. Tu te reposes, tu récupères. C'est la promesse implicite du système. Tu travailles dur, tu mérites tes vacances. Et hop, reboot ! La fatigue chronique, elle, elle casse le contrat. Elle ne respecte pas la règle. Et c'est ça qui dérange. Parce que dans le fond, cette question « reposer » cache une peur plus grande. La peur d'affronter la vulnérabilité radicale. La peur d'admettre que parfois, le repos ne suffit pas. Que parfois, on ne récupère pas. Et que ça, ça peut arriver à tout le monde. Alors les valides s'accrochent à l'équation magique comme à une bouée. Repos égale solution. Parce que sinon, il faudrait accepter l'impensable, sa propre finitude. Et j'ai beaucoup de compassion pour la douleur que cette pensée peut générer. Car même si je sais aujourd'hui combien je suis mortelle, projeter la fin de mon existence continue de me faire peur. Et puis il y a le système qui vient cimenter tout ça. Tu travailles, tu vaux, tu produis, tu existes, tu ralentis, tu deviens un poids, tu t'arrêtes, t'es hors-jeu. Je l'ai aussi constaté dans le récit d'une proche amie de Wimmer au foyer. Du jour au lendemain, autour d'un café ou d'un apéro, plus personne ne lui demandait « Et toi alors, tu racontes quoi ? » comme si sa vie n'avait plus d'intérêt social. Alors que, soyons honnêtes, à moins que ton taf te passionne, et je te le souhaite. Il y a bien plus croustillant à partager que ton boulot autour d'un mojito. Notre valeur s'est confondue avec notre productivité. Comme me l'a partagée une invisible, cette question, alors bien reposée, en filigrane sait. Alors t'as réussi tes vacances ou même ça t'es pas cap ? La maladie nous force à ralentir. À sortir de cette logique capitaliste où chaque minute doit être rentabilisée. Alors que tu ne te prenais pas militant ou militante, ton corps, malgré lui, le devient. Ton corps dit stop, là où le système dit « Encore, encore, encore ! » parce que de toi, il n'a pas assez joué. Mais pour revenir à l'essentiel d'aujourd'hui, que répondre à ce fameux « bien reposer » ? Peut-être qu'on peut répondre « reposer non » , « ressourcer un peu » ou encore « mon esprit a pris des vacances, mon corps, lui, n'a pas reçu la nouvelle » ou bien « j'ai des images plein la tête pour tenir mes après-midi sur le canapé » ou on peut renvoyer la question « merci à mon coach de mari de me les suggérer » . Qu'est-ce que ça viendrait rassurer chez toi ? de me savoir reposer. Ou encore, reposer par rapport à qui ? À toi après un marathon ? Ou moi après une douche ? Ou enfin, et si je te dis non, tu fais quoi de l'info ? Non, je ne suis pas reposée, mais je suis vivante, présente, et c'est déjà immense. Les vacances ne m'ont pas rendue normale, elles m'ont rendue plus vraie. Elles m'ont rappelé que je peux exister autrement qu'en produisant, qu'en courant, qu'en jouant le rôle de la bonne malade, ou qu'en cochant les cases. Elles m'ont offert des images. Des sons, des odeurs qui tiennent lieu de refuge et de résistance. Et si elles n'ont pas réparé mon corps, elles m'ont donné cette paix étrange. Celle de savoir que je peux encore savourer de la beauté dans l'intolérable et l'impermanent. Et que même au cœur de l'épuisement, il y a toujours quelques nuages sur lesquels laisser mes yeux naviguer. Alors non, je ne suis pas reposée, mais je suis là. Et parfois, ça suffit à faire battre le monde un peu autrement. Toute l'équipe de l'association Les Invisibles se joint à moi pour déposer un immense merci à Gaëlle pour sa générosité. C'est grâce à son don que cette nouvelle chronique de malades a pu voir le jour et arriver jusqu'à vous. J'aimerais aussi honorer les mots que Gaëlle m'a adressés. Tu ne nies pas la douleur, mais tu ne la laisses pas nous définir. Même lorsque l'on est à terre, tu nous rappelles que l'on reste vivant. et que l'on peut choisir de continuer à vivre. Ces mots m'inspirent profondément. Ils m'émeuvent aussi. Ils portent l'essence de ce que nous faisons ici. Écouter, partager, visibiliser et continuer à exister malgré tout. Si vous aussi vous souhaitez soutenir notre travail et permettre à ces chroniques de toucher toujours plus de personnes, chaque don fait une différence. Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. Découvrez tous les engagements de l'association Les Invisibles sur le site internet lesinvisibles.ch. Ensemble, continuons à visibiliser l'invisible.

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Description

« Alors, bien reposé·e ? » 😌

Une question banale en apparence, mais qui sonne comme une gifle quand on vit avec une maladie chronique, des symptômes Invisibles, et que le repos ne guérit rien.


Dans cette nouvelle Chronique de malade !, je t’emmène dans les coulisses du « triathlon », que sont les problèmes de santé, et auquel je n’ai jamais choisi de participer : anticiper, avancer, endurer… sans jamais atteindre la ligne d’arrivée ni avoir de « supporters » 🙌🏻 à mes côtés.


Derrière les photos de vacances parfaites ou les arrêts maladie, je partage la réalité de ces valises trop lourdes 🧳 que l’on porte au quotidien sans que cela ne se voie - mais aussi ces petites parenthèses de beauté qui, parfois, aident à tenir le coup.


Une chronique entre humour, vulnérabilité et résistance, pour questionner ce que veut vraiment dire « être reposé·e » quand le repos ne guérit pas.


Si ces mots résonnent pour toi, ou pour quelqu’un que tu connais 👉🏻 partage cet épisode, pour qu’aucun·e malade ne se sente jamais seul·e.


Un immense MERCI à Gaëlle pour son don généreux, qui permet à cet épisode de voir le jour 🫶🏻


𝘛𝘦𝘹𝘵𝘦 𝘦𝘵 𝘷𝘰𝘪𝘹 : Tamara Pellegrini

𝘊𝘰𝘮𝘱𝘰𝘴𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘮𝘶𝘴𝘪𝘤𝘢𝘭𝘦 : Michael Pellegrini


𝗧𝘂 𝘃𝗲𝘂𝘅 𝘀𝗼𝘂𝘁𝗲𝗻𝗶𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗽𝗼𝗱𝗰𝗮𝘀𝘁 ? Abonne-toi à cette chaîne, mets-lui 5 étoiles et partage cette ressource ! Tous les épisodes de notre podcast Les Invisibles sont aussi disponibles sur Youtube : https://www.youtube.com/@les_invisibles_podcast 🎧


👉 𝗦𝘂𝗶𝘀-𝗻𝗼𝘂𝘀 𝘀𝘂𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗿𝗲́𝘀𝗲𝗮𝘂𝘅 𝘀𝗼𝗰𝗶𝗮𝘂𝘅

Instagram : https://www.instagram.com/les_invisibles_podcast/

LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/association-lesinvisibles/

👉 𝗘𝘁 𝗱𝗲́𝗰𝗼𝘂𝘃𝗿𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗮𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝘀𝘂𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝘀𝗶𝘁𝗲 :

https://www.lesinvisibles.ch


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Une amie m'a dit un jour, Tamara, cette maladie a de la chance de t'avoir. Un compliment inattendu que j'ai choisi d'honorer. Plongée avec moi dans la chronique de malades, où les voix invisibles trouvent enfin leur écho. Bonne écoute ! Alors, bien reposé ? Autrement dit... Est-ce que tu es assez reposée pour redevenir normale et arrêter de nous emmerder avec tes symptômes ? Cette petite question, tellement banale, devient un réflexe. On se la lance comme on se dit « salut, ça va ? » quand on croise quelqu'un qu'on connaît dans la rue, à la poste ou aux courses. Mais quand on vit avec une maladie chronique, elle peut faire l'effet d'une claque. Parce qu'elle nous renvoie à ce qu'on voudrait tous et toutes croire. que le repos pourrait suffire à nous réparer. Comme le dit Fernand, mon co-directeur chéri, il ne suffit pas de se reposer pour ne plus être malade. Ça te semble peut-être être un basique, mais moi ça m'a scotché de l'entendre. Parce que ça dit probablement là, un des plus grands fossés entre les personnes encore en santé et celles qui espèrent un jour la retrouver. C'est la rentrée, du moins pour des personnes qui cochent des cases telles que « je travaille » ou « je suis parent » . Parce qu'en réalité, beaucoup de malades sont simplement en observation de ce monde parallèle. Peut-être que tu t'es offert quelques jours ou quelques semaines de parenthèses cet été, et peut-être que tu les as attendues comme une bouffée d'air dans le chaos quotidien que tu endures, mais aussi comme une épreuve. Parce qu'avant même de partir, plus que pour des vacances, C'est un marathon, que dis-je, un triathlon, une discipline constituée de différentes épreuves que tu te prépares. Un triathlon un peu particulier, puisqu'il ne comporte aucune ligne d'arrivée et aucun supporter pour t'ouvrir grand les bras ou te féliciter. Et pour être honnête, tu ne sais pas courir à petite foulée, tu te noies à chaque brassée, et les vélos, eux, t'ont plus souvent mis au sol que transporté. Avec ce background qui ressemble plus à un marcheur ou une marcheuse du dimanche qu'à une star olympique, tu te places sur la ligne de départ. Et plutôt que de te visualiser traversant la ligne d'arrivée, comme ton coach te l'a conseillé, tout commence à se bousculer dans ta tête. Vais-je pouvoir me déplacer ? Si oui, combien de jours faudra-t-il pour récupérer du trajet ? Aurais-je accès à mes soins, à mon alimentation adaptée ? À ce dont mon corps a besoin ? Spoiler alert. Non. Alors je prépare, je commande, je remplis mes valises des semaines en avance, comme si je partais pour une mission humanitaire. Sauf que pour un triathlon, où il y a plusieurs disciplines à enchaîner et à assurer, il faut voyager léger. Et comme tout sportif d'élite, je pense au ravitaillement. Mais ici, pas de gel énergétique ou de barres protéinées. Il y a les médicaments, les compléments alimentaires, les moyens auxiliaires, les ordonnances pour les douanes. Je calcule la place, fais et défais mon sac. Je fais des choix après des semaines de dilemme. Est-ce que je rajoute du poids à la valise, ce qui va être terriblement douloureux à porter, en y plaçant mes coussins à mémoire de forme et mon tapis de chambre-fleur ? Où est-ce que j'allège ma valise, quitte à avoir des monstres douleurs à la nuque sur place ? Je révise mes checklists comme une pro qui révise son plan de course. Il y a aussi l'entraînement invisible. Celui qu'on ne voit pas sur les applications qui tracent nos victoires. Décaler mes rendez-vous médicaux. Caser ma physio avant de partir. Boucler tout l'administratif. Et quand ça concerne une personne malade, c'est plus un mi-temps qu'une formalité. Et pendant la course, il y a l'épreuve reine. Gérer ma fille H24 sans espace de repos, si ce n'est sa sieste du jour. Rassurez-moi, à 10 ans, ça fait encore sa sieste un enfant, non ? Et dans une vraie course. Heureusement, il y a parfois un relais. Cette main tendue qui te libère du poids. Ces jambes qui prennent la suite quand les tiennes ne suivent plus. Mais dans la course imposée par les symptômes, il n'y a personne au bord du chemin pour tendre ses bras. Pas de coéquipier, ni de coéquipière à qui passer le témoin. Et toujours l'angoisse de l'imprévu. Ce caillou dans la chaussure qui peut tout faire dérailler. Un pneu crevé sur l'autoroute sous 35 degrés. Ou des travaux sous la fenêtre du Airbnb. Et me voilà en crash pour une semaine entière. Là où l'athlète a l'option d'abandonner la course, moi je dois continuer. Coute que coûte. Ce triathlon-là, je ne m'y suis jamais inscrite. Et je ne suis jamais allée récupérer mon dossard. Si au moins j'avais un public qui m'encourage et m'applaudit, ou je sais pas quoi, une petite place sur un bout du podium, ou une petite médaille, même en chocolat, ça passerait mieux. Mais sans en avoir le choix, j'avance. Avec la certitude étrange qu'au bout, il n'y a pas de ligne d'arrivée. Mais oui, j'ai eu droit à mes quelques jours d'été. Une semaine dans les Cévennes, perchée dans un gîte entourée de rivières et de pans. Loin de l'agitation et avec une piscine à débordement qui donne sur la forêt. Dit comme ça, ça vend du rêve. Sur Instagram, ça donnait même l'impression d'un séjour de magazine. La vérité, c'est que cette parenthèse-là, c'est la première fois en cinq ans que j'ai osé l'adapter vraiment à mes besoins. Pour en arriver là, il a fallu d'abord identifier tout ce qui ne me convenait pas. Pas trop loin en voiture, un endroit où je peux rester une semaine sans bouger si je me retrouve alité, une cuisine pour gérer mes intolérances alimentaires, un accès à l'eau fraîche pour soulager l'inflammation chronique, et juste assez de monde pour ne pas me sentir isolée, mais pas trop pour éviter la surstimulation. En termes très concrets. 3-4 personnes sur des kilomètres à la ronde. J'ai trouvé ma pépite. Et je ne la lâcherai pas. Ne t'excite pas, j'ai pas encore de code promo pour ce J de coup de cœur. Alors oui, j'ai eu la chance de partir cet été dans les Cévennes. Et sentir que je m'adaptais vraiment à mes besoins. Que je ne jouais pas à la touriste en mode performance. C'était doux. C'était calme. C'était serein. Mais même là-bas, au milieu des collines et du champ des cigales, les symptômes ne sont pas restés à la maison. Ils sont rentrés dans mes valises déjà bien trop lourdes et engoncées. Comme nous partageait une bénévole de l'association, « Ma tête est plus légère, mon corps non. » Et c'est là toute l'ironie. Mon esprit s'est apaisé. Mais mon cerveau, lui, a continué d'emprunter la même autoroute, celle du symptôme permanent. Toi-même, tu sais, cette autoroute du retour des vacances dans laquelle, une fois engagé, il est impossible d'échapper et qui te fait très vite oublier la piscine à débordement. Peut-être, et je réalise aujourd'hui, que le vrai cadeau des vacances, des congés ou de ces parenthèses, ce n'est ni la récupération, ni la réparation. Mais la connexion à de nouveaux sons, des yeux qui balayent un puissant paysage, un vent nouveau sur la peau, des relents comestibles qui prennent le temps d'infuser dans nos ventres et qui se digèrent avec plus de sérénité que dans un quotidien. Et ces images plein la tête, ces sensations plein le corps, je peux dorénavant y replonger dans des visualisations. Les jours où, cloués à mon canapé, il ne me reste que les souvenirs pour m'évader. Parce que voilà, une fois rentré, la réalité frappe. Pour moi, ça a été 10 sur 10 de symptômes neurologiques dès le retour. La route trop longue, les embouteillages, l'air d'autoroute blindé comme dans la queue d'un festival, la météo qui passe de 32 à 17 degrés, une fièvre à 41 pour ma fille avec des spasmes à la clé, 10 déclencheurs en simultané en bref. Une vraie partie de paintball pour laquelle je n'ai même pas eu la chance de finir en œuvre d'art colorée. Lorsqu'en bas de l'immeuble, à peine de retour chez moi, le corps en train de morfler, les bagages encore dans les mains, je tente de me frayer un passage dans l'ascenseur. Je croise ma voisine sourire aux lèvres. Alors, bien reposé ? J'ai vu tes photos sur Insta, ça avait l'air ouf ! Agacée, j'ai envie de lâcher. Avec celle que j'ai sous les yeux, tu réalises toutes ces valises que je suis en train de porter ? Mais j'ai ravalé mon cri. Parce que j'aime bien ma voisine. Et ses œufs. surtout quand il m'en manque pour les préparations de muffins pour ma fille. Alors quand on me demande « bien reposé ? » , je souris, je ravale la vérité. Parce que si je répondais vraiment, je gâcherais la cour de récré, je plomberais la conversation avec la voisine et je perdrais mes bons plans chez l'épicier. Alors je bricole des réponses bancales, des demi-vérités qui font sourire. Oui, je suis passée de l'épuisement chronique à l'épuisement premium. La vérité, c'est que 5 heures de route m'ont cramé pour 10 jours, que mon corps n'a rien stocké, ou si peu. Alors j'ai beau bricoler des punchlines pour faire rire, le décalage reste. Parce que cette question, c'est une blessure qui se réouvre à chaque fois. Parce que chez nous aussi, une part persiste à croire que le repos nous guérira, et puis on se cogne à la chronicité, à l'impuissance. À l'évidence que... Non, non, rien n'a changé. Tout, tout a continué. Derrière cette question, derrière ce... Alors, bien reposé ? J'entends souvent... Est-ce que tu es redevenu normal ? Tu vas enfin pouvoir retravailler ? Tu vas arrêter de nous casser les pieds. La réponse à ces questions est toujours non. Et cette confrontation permanente au non, émotionnellement, ça m'alourdit. J'ai bien conscience que chez les personnes valides, la fatigue est un état transitoire et non pathologique. Tu te reposes, tu récupères. C'est la promesse implicite du système. Tu travailles dur, tu mérites tes vacances. Et hop, reboot ! La fatigue chronique, elle, elle casse le contrat. Elle ne respecte pas la règle. Et c'est ça qui dérange. Parce que dans le fond, cette question « reposer » cache une peur plus grande. La peur d'affronter la vulnérabilité radicale. La peur d'admettre que parfois, le repos ne suffit pas. Que parfois, on ne récupère pas. Et que ça, ça peut arriver à tout le monde. Alors les valides s'accrochent à l'équation magique comme à une bouée. Repos égale solution. Parce que sinon, il faudrait accepter l'impensable, sa propre finitude. Et j'ai beaucoup de compassion pour la douleur que cette pensée peut générer. Car même si je sais aujourd'hui combien je suis mortelle, projeter la fin de mon existence continue de me faire peur. Et puis il y a le système qui vient cimenter tout ça. Tu travailles, tu vaux, tu produis, tu existes, tu ralentis, tu deviens un poids, tu t'arrêtes, t'es hors-jeu. Je l'ai aussi constaté dans le récit d'une proche amie de Wimmer au foyer. Du jour au lendemain, autour d'un café ou d'un apéro, plus personne ne lui demandait « Et toi alors, tu racontes quoi ? » comme si sa vie n'avait plus d'intérêt social. Alors que, soyons honnêtes, à moins que ton taf te passionne, et je te le souhaite. Il y a bien plus croustillant à partager que ton boulot autour d'un mojito. Notre valeur s'est confondue avec notre productivité. Comme me l'a partagée une invisible, cette question, alors bien reposée, en filigrane sait. Alors t'as réussi tes vacances ou même ça t'es pas cap ? La maladie nous force à ralentir. À sortir de cette logique capitaliste où chaque minute doit être rentabilisée. Alors que tu ne te prenais pas militant ou militante, ton corps, malgré lui, le devient. Ton corps dit stop, là où le système dit « Encore, encore, encore ! » parce que de toi, il n'a pas assez joué. Mais pour revenir à l'essentiel d'aujourd'hui, que répondre à ce fameux « bien reposer » ? Peut-être qu'on peut répondre « reposer non » , « ressourcer un peu » ou encore « mon esprit a pris des vacances, mon corps, lui, n'a pas reçu la nouvelle » ou bien « j'ai des images plein la tête pour tenir mes après-midi sur le canapé » ou on peut renvoyer la question « merci à mon coach de mari de me les suggérer » . Qu'est-ce que ça viendrait rassurer chez toi ? de me savoir reposer. Ou encore, reposer par rapport à qui ? À toi après un marathon ? Ou moi après une douche ? Ou enfin, et si je te dis non, tu fais quoi de l'info ? Non, je ne suis pas reposée, mais je suis vivante, présente, et c'est déjà immense. Les vacances ne m'ont pas rendue normale, elles m'ont rendue plus vraie. Elles m'ont rappelé que je peux exister autrement qu'en produisant, qu'en courant, qu'en jouant le rôle de la bonne malade, ou qu'en cochant les cases. Elles m'ont offert des images. Des sons, des odeurs qui tiennent lieu de refuge et de résistance. Et si elles n'ont pas réparé mon corps, elles m'ont donné cette paix étrange. Celle de savoir que je peux encore savourer de la beauté dans l'intolérable et l'impermanent. Et que même au cœur de l'épuisement, il y a toujours quelques nuages sur lesquels laisser mes yeux naviguer. Alors non, je ne suis pas reposée, mais je suis là. Et parfois, ça suffit à faire battre le monde un peu autrement. Toute l'équipe de l'association Les Invisibles se joint à moi pour déposer un immense merci à Gaëlle pour sa générosité. C'est grâce à son don que cette nouvelle chronique de malades a pu voir le jour et arriver jusqu'à vous. J'aimerais aussi honorer les mots que Gaëlle m'a adressés. Tu ne nies pas la douleur, mais tu ne la laisses pas nous définir. Même lorsque l'on est à terre, tu nous rappelles que l'on reste vivant. et que l'on peut choisir de continuer à vivre. Ces mots m'inspirent profondément. Ils m'émeuvent aussi. Ils portent l'essence de ce que nous faisons ici. Écouter, partager, visibiliser et continuer à exister malgré tout. Si vous aussi vous souhaitez soutenir notre travail et permettre à ces chroniques de toucher toujours plus de personnes, chaque don fait une différence. Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. Découvrez tous les engagements de l'association Les Invisibles sur le site internet lesinvisibles.ch. Ensemble, continuons à visibiliser l'invisible.

Description

« Alors, bien reposé·e ? » 😌

Une question banale en apparence, mais qui sonne comme une gifle quand on vit avec une maladie chronique, des symptômes Invisibles, et que le repos ne guérit rien.


Dans cette nouvelle Chronique de malade !, je t’emmène dans les coulisses du « triathlon », que sont les problèmes de santé, et auquel je n’ai jamais choisi de participer : anticiper, avancer, endurer… sans jamais atteindre la ligne d’arrivée ni avoir de « supporters » 🙌🏻 à mes côtés.


Derrière les photos de vacances parfaites ou les arrêts maladie, je partage la réalité de ces valises trop lourdes 🧳 que l’on porte au quotidien sans que cela ne se voie - mais aussi ces petites parenthèses de beauté qui, parfois, aident à tenir le coup.


Une chronique entre humour, vulnérabilité et résistance, pour questionner ce que veut vraiment dire « être reposé·e » quand le repos ne guérit pas.


Si ces mots résonnent pour toi, ou pour quelqu’un que tu connais 👉🏻 partage cet épisode, pour qu’aucun·e malade ne se sente jamais seul·e.


Un immense MERCI à Gaëlle pour son don généreux, qui permet à cet épisode de voir le jour 🫶🏻


𝘛𝘦𝘹𝘵𝘦 𝘦𝘵 𝘷𝘰𝘪𝘹 : Tamara Pellegrini

𝘊𝘰𝘮𝘱𝘰𝘴𝘪𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘮𝘶𝘴𝘪𝘤𝘢𝘭𝘦 : Michael Pellegrini


𝗧𝘂 𝘃𝗲𝘂𝘅 𝘀𝗼𝘂𝘁𝗲𝗻𝗶𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗽𝗼𝗱𝗰𝗮𝘀𝘁 ? Abonne-toi à cette chaîne, mets-lui 5 étoiles et partage cette ressource ! Tous les épisodes de notre podcast Les Invisibles sont aussi disponibles sur Youtube : https://www.youtube.com/@les_invisibles_podcast 🎧


👉 𝗦𝘂𝗶𝘀-𝗻𝗼𝘂𝘀 𝘀𝘂𝗿 𝗹𝗲𝘀 𝗿𝗲́𝘀𝗲𝗮𝘂𝘅 𝘀𝗼𝗰𝗶𝗮𝘂𝘅

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LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/association-lesinvisibles/

👉 𝗘𝘁 𝗱𝗲́𝗰𝗼𝘂𝘃𝗿𝗲 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝗮𝗰𝘁𝗶𝗼𝗻 𝘀𝘂𝗿 𝗻𝗼𝘁𝗿𝗲 𝘀𝗶𝘁𝗲 :

https://www.lesinvisibles.ch


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Une amie m'a dit un jour, Tamara, cette maladie a de la chance de t'avoir. Un compliment inattendu que j'ai choisi d'honorer. Plongée avec moi dans la chronique de malades, où les voix invisibles trouvent enfin leur écho. Bonne écoute ! Alors, bien reposé ? Autrement dit... Est-ce que tu es assez reposée pour redevenir normale et arrêter de nous emmerder avec tes symptômes ? Cette petite question, tellement banale, devient un réflexe. On se la lance comme on se dit « salut, ça va ? » quand on croise quelqu'un qu'on connaît dans la rue, à la poste ou aux courses. Mais quand on vit avec une maladie chronique, elle peut faire l'effet d'une claque. Parce qu'elle nous renvoie à ce qu'on voudrait tous et toutes croire. que le repos pourrait suffire à nous réparer. Comme le dit Fernand, mon co-directeur chéri, il ne suffit pas de se reposer pour ne plus être malade. Ça te semble peut-être être un basique, mais moi ça m'a scotché de l'entendre. Parce que ça dit probablement là, un des plus grands fossés entre les personnes encore en santé et celles qui espèrent un jour la retrouver. C'est la rentrée, du moins pour des personnes qui cochent des cases telles que « je travaille » ou « je suis parent » . Parce qu'en réalité, beaucoup de malades sont simplement en observation de ce monde parallèle. Peut-être que tu t'es offert quelques jours ou quelques semaines de parenthèses cet été, et peut-être que tu les as attendues comme une bouffée d'air dans le chaos quotidien que tu endures, mais aussi comme une épreuve. Parce qu'avant même de partir, plus que pour des vacances, C'est un marathon, que dis-je, un triathlon, une discipline constituée de différentes épreuves que tu te prépares. Un triathlon un peu particulier, puisqu'il ne comporte aucune ligne d'arrivée et aucun supporter pour t'ouvrir grand les bras ou te féliciter. Et pour être honnête, tu ne sais pas courir à petite foulée, tu te noies à chaque brassée, et les vélos, eux, t'ont plus souvent mis au sol que transporté. Avec ce background qui ressemble plus à un marcheur ou une marcheuse du dimanche qu'à une star olympique, tu te places sur la ligne de départ. Et plutôt que de te visualiser traversant la ligne d'arrivée, comme ton coach te l'a conseillé, tout commence à se bousculer dans ta tête. Vais-je pouvoir me déplacer ? Si oui, combien de jours faudra-t-il pour récupérer du trajet ? Aurais-je accès à mes soins, à mon alimentation adaptée ? À ce dont mon corps a besoin ? Spoiler alert. Non. Alors je prépare, je commande, je remplis mes valises des semaines en avance, comme si je partais pour une mission humanitaire. Sauf que pour un triathlon, où il y a plusieurs disciplines à enchaîner et à assurer, il faut voyager léger. Et comme tout sportif d'élite, je pense au ravitaillement. Mais ici, pas de gel énergétique ou de barres protéinées. Il y a les médicaments, les compléments alimentaires, les moyens auxiliaires, les ordonnances pour les douanes. Je calcule la place, fais et défais mon sac. Je fais des choix après des semaines de dilemme. Est-ce que je rajoute du poids à la valise, ce qui va être terriblement douloureux à porter, en y plaçant mes coussins à mémoire de forme et mon tapis de chambre-fleur ? Où est-ce que j'allège ma valise, quitte à avoir des monstres douleurs à la nuque sur place ? Je révise mes checklists comme une pro qui révise son plan de course. Il y a aussi l'entraînement invisible. Celui qu'on ne voit pas sur les applications qui tracent nos victoires. Décaler mes rendez-vous médicaux. Caser ma physio avant de partir. Boucler tout l'administratif. Et quand ça concerne une personne malade, c'est plus un mi-temps qu'une formalité. Et pendant la course, il y a l'épreuve reine. Gérer ma fille H24 sans espace de repos, si ce n'est sa sieste du jour. Rassurez-moi, à 10 ans, ça fait encore sa sieste un enfant, non ? Et dans une vraie course. Heureusement, il y a parfois un relais. Cette main tendue qui te libère du poids. Ces jambes qui prennent la suite quand les tiennes ne suivent plus. Mais dans la course imposée par les symptômes, il n'y a personne au bord du chemin pour tendre ses bras. Pas de coéquipier, ni de coéquipière à qui passer le témoin. Et toujours l'angoisse de l'imprévu. Ce caillou dans la chaussure qui peut tout faire dérailler. Un pneu crevé sur l'autoroute sous 35 degrés. Ou des travaux sous la fenêtre du Airbnb. Et me voilà en crash pour une semaine entière. Là où l'athlète a l'option d'abandonner la course, moi je dois continuer. Coute que coûte. Ce triathlon-là, je ne m'y suis jamais inscrite. Et je ne suis jamais allée récupérer mon dossard. Si au moins j'avais un public qui m'encourage et m'applaudit, ou je sais pas quoi, une petite place sur un bout du podium, ou une petite médaille, même en chocolat, ça passerait mieux. Mais sans en avoir le choix, j'avance. Avec la certitude étrange qu'au bout, il n'y a pas de ligne d'arrivée. Mais oui, j'ai eu droit à mes quelques jours d'été. Une semaine dans les Cévennes, perchée dans un gîte entourée de rivières et de pans. Loin de l'agitation et avec une piscine à débordement qui donne sur la forêt. Dit comme ça, ça vend du rêve. Sur Instagram, ça donnait même l'impression d'un séjour de magazine. La vérité, c'est que cette parenthèse-là, c'est la première fois en cinq ans que j'ai osé l'adapter vraiment à mes besoins. Pour en arriver là, il a fallu d'abord identifier tout ce qui ne me convenait pas. Pas trop loin en voiture, un endroit où je peux rester une semaine sans bouger si je me retrouve alité, une cuisine pour gérer mes intolérances alimentaires, un accès à l'eau fraîche pour soulager l'inflammation chronique, et juste assez de monde pour ne pas me sentir isolée, mais pas trop pour éviter la surstimulation. En termes très concrets. 3-4 personnes sur des kilomètres à la ronde. J'ai trouvé ma pépite. Et je ne la lâcherai pas. Ne t'excite pas, j'ai pas encore de code promo pour ce J de coup de cœur. Alors oui, j'ai eu la chance de partir cet été dans les Cévennes. Et sentir que je m'adaptais vraiment à mes besoins. Que je ne jouais pas à la touriste en mode performance. C'était doux. C'était calme. C'était serein. Mais même là-bas, au milieu des collines et du champ des cigales, les symptômes ne sont pas restés à la maison. Ils sont rentrés dans mes valises déjà bien trop lourdes et engoncées. Comme nous partageait une bénévole de l'association, « Ma tête est plus légère, mon corps non. » Et c'est là toute l'ironie. Mon esprit s'est apaisé. Mais mon cerveau, lui, a continué d'emprunter la même autoroute, celle du symptôme permanent. Toi-même, tu sais, cette autoroute du retour des vacances dans laquelle, une fois engagé, il est impossible d'échapper et qui te fait très vite oublier la piscine à débordement. Peut-être, et je réalise aujourd'hui, que le vrai cadeau des vacances, des congés ou de ces parenthèses, ce n'est ni la récupération, ni la réparation. Mais la connexion à de nouveaux sons, des yeux qui balayent un puissant paysage, un vent nouveau sur la peau, des relents comestibles qui prennent le temps d'infuser dans nos ventres et qui se digèrent avec plus de sérénité que dans un quotidien. Et ces images plein la tête, ces sensations plein le corps, je peux dorénavant y replonger dans des visualisations. Les jours où, cloués à mon canapé, il ne me reste que les souvenirs pour m'évader. Parce que voilà, une fois rentré, la réalité frappe. Pour moi, ça a été 10 sur 10 de symptômes neurologiques dès le retour. La route trop longue, les embouteillages, l'air d'autoroute blindé comme dans la queue d'un festival, la météo qui passe de 32 à 17 degrés, une fièvre à 41 pour ma fille avec des spasmes à la clé, 10 déclencheurs en simultané en bref. Une vraie partie de paintball pour laquelle je n'ai même pas eu la chance de finir en œuvre d'art colorée. Lorsqu'en bas de l'immeuble, à peine de retour chez moi, le corps en train de morfler, les bagages encore dans les mains, je tente de me frayer un passage dans l'ascenseur. Je croise ma voisine sourire aux lèvres. Alors, bien reposé ? J'ai vu tes photos sur Insta, ça avait l'air ouf ! Agacée, j'ai envie de lâcher. Avec celle que j'ai sous les yeux, tu réalises toutes ces valises que je suis en train de porter ? Mais j'ai ravalé mon cri. Parce que j'aime bien ma voisine. Et ses œufs. surtout quand il m'en manque pour les préparations de muffins pour ma fille. Alors quand on me demande « bien reposé ? » , je souris, je ravale la vérité. Parce que si je répondais vraiment, je gâcherais la cour de récré, je plomberais la conversation avec la voisine et je perdrais mes bons plans chez l'épicier. Alors je bricole des réponses bancales, des demi-vérités qui font sourire. Oui, je suis passée de l'épuisement chronique à l'épuisement premium. La vérité, c'est que 5 heures de route m'ont cramé pour 10 jours, que mon corps n'a rien stocké, ou si peu. Alors j'ai beau bricoler des punchlines pour faire rire, le décalage reste. Parce que cette question, c'est une blessure qui se réouvre à chaque fois. Parce que chez nous aussi, une part persiste à croire que le repos nous guérira, et puis on se cogne à la chronicité, à l'impuissance. À l'évidence que... Non, non, rien n'a changé. Tout, tout a continué. Derrière cette question, derrière ce... Alors, bien reposé ? J'entends souvent... Est-ce que tu es redevenu normal ? Tu vas enfin pouvoir retravailler ? Tu vas arrêter de nous casser les pieds. La réponse à ces questions est toujours non. Et cette confrontation permanente au non, émotionnellement, ça m'alourdit. J'ai bien conscience que chez les personnes valides, la fatigue est un état transitoire et non pathologique. Tu te reposes, tu récupères. C'est la promesse implicite du système. Tu travailles dur, tu mérites tes vacances. Et hop, reboot ! La fatigue chronique, elle, elle casse le contrat. Elle ne respecte pas la règle. Et c'est ça qui dérange. Parce que dans le fond, cette question « reposer » cache une peur plus grande. La peur d'affronter la vulnérabilité radicale. La peur d'admettre que parfois, le repos ne suffit pas. Que parfois, on ne récupère pas. Et que ça, ça peut arriver à tout le monde. Alors les valides s'accrochent à l'équation magique comme à une bouée. Repos égale solution. Parce que sinon, il faudrait accepter l'impensable, sa propre finitude. Et j'ai beaucoup de compassion pour la douleur que cette pensée peut générer. Car même si je sais aujourd'hui combien je suis mortelle, projeter la fin de mon existence continue de me faire peur. Et puis il y a le système qui vient cimenter tout ça. Tu travailles, tu vaux, tu produis, tu existes, tu ralentis, tu deviens un poids, tu t'arrêtes, t'es hors-jeu. Je l'ai aussi constaté dans le récit d'une proche amie de Wimmer au foyer. Du jour au lendemain, autour d'un café ou d'un apéro, plus personne ne lui demandait « Et toi alors, tu racontes quoi ? » comme si sa vie n'avait plus d'intérêt social. Alors que, soyons honnêtes, à moins que ton taf te passionne, et je te le souhaite. Il y a bien plus croustillant à partager que ton boulot autour d'un mojito. Notre valeur s'est confondue avec notre productivité. Comme me l'a partagée une invisible, cette question, alors bien reposée, en filigrane sait. Alors t'as réussi tes vacances ou même ça t'es pas cap ? La maladie nous force à ralentir. À sortir de cette logique capitaliste où chaque minute doit être rentabilisée. Alors que tu ne te prenais pas militant ou militante, ton corps, malgré lui, le devient. Ton corps dit stop, là où le système dit « Encore, encore, encore ! » parce que de toi, il n'a pas assez joué. Mais pour revenir à l'essentiel d'aujourd'hui, que répondre à ce fameux « bien reposer » ? Peut-être qu'on peut répondre « reposer non » , « ressourcer un peu » ou encore « mon esprit a pris des vacances, mon corps, lui, n'a pas reçu la nouvelle » ou bien « j'ai des images plein la tête pour tenir mes après-midi sur le canapé » ou on peut renvoyer la question « merci à mon coach de mari de me les suggérer » . Qu'est-ce que ça viendrait rassurer chez toi ? de me savoir reposer. Ou encore, reposer par rapport à qui ? À toi après un marathon ? Ou moi après une douche ? Ou enfin, et si je te dis non, tu fais quoi de l'info ? Non, je ne suis pas reposée, mais je suis vivante, présente, et c'est déjà immense. Les vacances ne m'ont pas rendue normale, elles m'ont rendue plus vraie. Elles m'ont rappelé que je peux exister autrement qu'en produisant, qu'en courant, qu'en jouant le rôle de la bonne malade, ou qu'en cochant les cases. Elles m'ont offert des images. Des sons, des odeurs qui tiennent lieu de refuge et de résistance. Et si elles n'ont pas réparé mon corps, elles m'ont donné cette paix étrange. Celle de savoir que je peux encore savourer de la beauté dans l'intolérable et l'impermanent. Et que même au cœur de l'épuisement, il y a toujours quelques nuages sur lesquels laisser mes yeux naviguer. Alors non, je ne suis pas reposée, mais je suis là. Et parfois, ça suffit à faire battre le monde un peu autrement. Toute l'équipe de l'association Les Invisibles se joint à moi pour déposer un immense merci à Gaëlle pour sa générosité. C'est grâce à son don que cette nouvelle chronique de malades a pu voir le jour et arriver jusqu'à vous. J'aimerais aussi honorer les mots que Gaëlle m'a adressés. Tu ne nies pas la douleur, mais tu ne la laisses pas nous définir. Même lorsque l'on est à terre, tu nous rappelles que l'on reste vivant. et que l'on peut choisir de continuer à vivre. Ces mots m'inspirent profondément. Ils m'émeuvent aussi. Ils portent l'essence de ce que nous faisons ici. Écouter, partager, visibiliser et continuer à exister malgré tout. Si vous aussi vous souhaitez soutenir notre travail et permettre à ces chroniques de toucher toujours plus de personnes, chaque don fait une différence. Merci de soutenir ce podcast en vous abonnant pour ne manquer aucun épisode et en lui donnant 5 étoiles sur vos plateformes d'écoute préférées. 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