- Chloé
Hello, bienvenue sur cet épisode capsule des meneuses. En 12 minutes découvre les enjeux de l'inclusion dans la tech. Mon invitée Magalie Milberg t'explique le rôle clé des sciences sociales sur ce sujet et quelles actions mener pour ton entreprise. Bonne écoute et si l'épisode te plaît pense à le partager.
- Magali
En fait dans la tech on a tendance à se donner l'impression des fois que comme on fait un travail technique et qu'on on fait du logiciel, on fait du web, du coup, on peut s'affranchir complètement des questions de sciences sociales, on peut s'affranchir complètement des questions humaines parce qu'on est dans du technique. Sauf qu'en fait, nos logiciels, nos sites web et tout ça, ils vont être utilisés par qui ? Par des personnes humaines qui sont touchées par des questions sociales. Donc en fait, même notre produit, il est obligatoirement influencé par les sciences sociales. Pour moi, ça n'a aucun sens de séparer tech et humain, ou technique et science sociale, comme s'il y avait science dure, science molle, je ne sais pas, parce que ça ne marche pas comme ça. N'importe quel site web qui est utilisé par des humains, si on ne pense pas à certains principes de science sociale, les utilisateurs et les utilisatrices peut-être n'arriveront même pas à utiliser le site web. L'accessibilité web, par exemple, sur l'accessibilité... Pour les personnes handicapées au site web, c'est de la science sociale aussi, parce que c'est aussi comprendre ce qu'est le handicap, qu'est-ce que ça amène, quelles sont les utilités possibles et tout ça. Et en plus, la tech, c'est pas juste, on fait des petits trucs dans notre coin et les gens qui ont envie d'utiliser, utilisent. On est de plus en plus au cœur de la vie de tous les gens et de moments très importants de la vie de tous les gens. La tech fait aussi des choses pour la médecine, fait des choses... pour tout ce qui est administratif. Enfin, tout est informatisé maintenant, donc on est au cœur de tout ça. Et donc, du coup, on est au cœur de la vie des gens. Quand tu vois qu'avec la mode de l'intelligence artificielle, on n'arrête pas de faire des conneries déjà. C'est-à-dire que, par exemple, il y a déjà plusieurs pays qui ont instauré une IA pour vérifier que les gens qui avaient certaines aides sociales ne fraudaient pas. et on s'est rendu compte que l'IA faisait absolument n'importe quoi. Ou alors, tu as plusieurs pays qui ont aussi utilisé les IA pour guider les gens sur leur parcours professionnel, les gens qui sont sans emploi. Et à chaque fois, on se rend compte que c'est n'importe quoi. Genre, ils n'ont même pas réussi, je crois que c'était en Autriche, ils ont dû arrêter parce que quand une femme disait qu'elle voulait travailler dans l'informatique, l'IA lui répondait que ce n'était pas un métier pour les femmes. Je veux dire, quand on est à ce stade-là, il y a un côté, peut-être, on peut réfléchir à ce qu'on fait. au niveau logiciel et au niveau tech, en pensant au fait qu'il y a forcément des sciences humaines qui rentrent dedans, en fait. Et puis, il y a tout le fait aussi que les travailleurs et les travailleuses de la tech sont des humains et des humaines, et que donc, du coup, de toute façon, on n'est pas des robots, on ne peut pas se décorréler des sciences sociales et de l'humain. Donc, ouais, et cette prise de conscience, elle est super importante, parce que si on ne l'apprend pas, moi, je pense qu'on va dans le mur. Enfin, je veux dire, désolée, c'est melodramatique, c'est le moment. mais c'est vraiment ça notre vie est complètement réglée sur la tech si on reste sur cette idée que la tech c'est neutre et qu'il n'y a pas de sciences sociales à avoir qu'on continue à avoir des travailleurs et des travailleuses de la tech qui ne s'intéressent pas aux sciences sociales qui ne s'intéressent pas aux humains et à ce que leurs utilisateurs et leurs utilisatrices sont on va faire de plus en plus de mal aux gens pour qui on fait les produits en fait
- Chloé
Cette notion de neutralité, en fait, ce n'est pas viable sur la suite. Et c'est pour ça que c'est important de pouvoir aborder ces sujets et que les gens s'y intéressent vraiment. Après, encore un peu de boulot sur cette partie-là. Et pour toi, dans les prochaines années, comment est-ce que tu vois l'évolution de l'inclusion dans la tech et quels sont, selon toi, les changements les plus... importants à apporter ?
- Magali
Alors, moi je suis une fausse optimiste, donc je ne vais pas te dire comment je vois vraiment l'évolution parce qu'on va se mettre à pleurer. Par contre, je peux te dire comment j'aimerais que l'évolution se passe. Moi j'aimerais qu'on avance. C'est-à-dire qu'il y a plein de constats qu'on a posés et qu'on a posés depuis un moment maintenant et c'est important de les faire. Mais maintenant c'est important d'aller plus loin. J'en ai marre. de parler de l'inclusion des femmes de la tech et de dire on n'est que 20% on était au début de l'histoire de la tech c'est des choses importantes à dire et je les ai dites, j'ai même une conférence qui en parle Maintenant, ok, c'est bon, tout ça, on l'a dit, ça se trouve un peu partout, il y a eu des articles, des conférences, des podcasts, tout ça, c'est super important de le dire, mais maintenant, il faudrait qu'on aille plus loin. Et il faudrait aussi qu'on commence à parler des autres groupes marginalisés, parce qu'on en parle souvent en astérisque, on dit l'inclusion des femmes de la tech et des personnes LGBTQIA+, et des personnes racisées, et des personnes handicapées, et des... Ouais, mais non, en fait... Tout se joue ensemble de toute façon parce que les femmes elles sont aussi parfois handicapées, elles sont aussi parfois racisées, elles sont aussi parfois LGBTQIA+, enfin bref. Donc c'est pas juste on inclut un groupe marginalisé, si on les a inclus tous on fait de l'inclusion au global. Et donc ça c'est important et il faut qu'on commence à parler de ces sujets aussi. Et ça je vois que c'est plus difficile, c'est-à-dire que quand j'ai fait une conférence sur les femmes de la tech, Alors, c'était une conférence un peu en sous-marin parce que c'était un peu en mode, il faut qu'on arrête de parler des modèles de la tech. Donc, c'était un peu, j'ai un peu arnaqué les gens avec cette conf, mais pour me, les thèmes étaient les femmes de la tech. Elle est passée partout. À chaque fois que je l'ai, pratiquement que je l'ai postulé, c'est passé l'année dernière. Quand j'essaie d'amener d'autres thèmes différents, ça passe moins bien. J'ai une conférence sur l'éthique dans la tech. Elle est très peu passée. Elle est passée qu'à deux conférences en trois ans de conférences maintenant. Ah ouais ? Alors que je suis toujours sur le même type de conférences, donc toujours avec de l'humour, des références. J'essaie vraiment de montrer tout ça. Et pourtant, elle est bien reçue. À chaque fois que je l'ai faite, elle était super bien reçue. Mais ça intéresse moins parce que ce qui intéresse, quand on parle social tech, c'est les femmes dans la tech parce que c'est le sujet dont on a déjà parlé. Donc, ça rassure tout le monde. Et puis, on peut faire genre, on est un peu militant. Parce qu'on l'amène. Alors, à part certaines conventions qui sont déjà plus orientées éthiques, qui ont fait un travail là-dessus, la plupart des grosses conventions tech tournent sur les mêmes sujets sociaux tout le temps, en fait. Les reconvertis, qui étaient mon premier sujet, les femmes dans la tech, des fois, il y a un peu d'accessibilité et en gros, on s'arrête là. Alors qu'en fait, maintenant, c'est des sujets qui sont importants, mais il faut avancer, en fait. On ne peut pas juste faire des constats. Il faut vraiment mettre des choses en place et il faut vraiment avancer et commencer à déconstruire les choses.
- Chloé
Je comprends la frustration et je le vois aussi. En fait, je pense que malheureusement, comme ces sujets ne touchent pas forcément beaucoup de monde, il faut encore faire des choses pour nous qui nous semblent basiques, simples, comme dirait Aurel San, et que pourquoi on aimerait aller plus loin sur certains sujets militants. Tu vois, parfois, je suis confrontée dans des discussions, on ne me comprend pas, et en fait, j'en ai eu il n'y a pas longtemps, et mon copain m'a dit, lui, il est engagé sur ce chemin-là aussi, il m'a dit, mais en fait, ces personnes que tu avais en face sont, genre, niveau zéro sur la lutte antiraciste, c'était le sujet, et toi, tu es beaucoup plus avancée, tu es donc en fait, un tel gap qu'il faut parler vraiment les basiques mais du coup en fait on a l'impression d'avoir tellement fait qu'aujourd'hui on est là, vas-y est-ce qu'on peut avancer, est-ce qu'on peut vraiment faire avancer les choses et c'est ça qui est dur parce que tout le monde n'est pas au même pied pas d'égalité mais au même stade sur ces réflexions là donc c'est assez compliqué et frustrant... et je trouve ça assez marrant du coup enfin marrant, c'est pas vraiment le mot mais que ta conf sur les femmes ça passe direct parce qu'on sait que c'est the topic mais que quand on va sur des sujets un peu plus autres ce soit un peu plus difficile donc espérons que ça bouge mais merci pour tes retours et dans la même veine et là de manière un peu moins merci générale pour une entreprise qui veut se lancer sur ces sujets de diversité, d'inclusion ? Quelles sont les questions qu'elles ont à se poser ? Une entreprise qui part de zéro et les premières actions à mettre en place qui peuvent être intéressantes ?
- Magali
Je pense que la première, pour le coup, sur une entreprise qui part de zéro, qui part vraiment de zéro, tout d'un coup, ils se rendent compte que c'est le temps de rattraper un peu le train en marche, je crois. Enfin je dis ça et en fait la plupart des entreprises partent de zéro aujourd'hui donc c'est pas si retardataire que ça mais moi ce que je dis toujours c'est que je pense que la première phase c'est d'analyser, auditer l'existant. voir ce qui est déjà fait ou pas, parce que des fois il y a déjà des choses qui sont faites mais qui ne sont pas classées dans du DEI, mais des fois il y a déjà des choses. Observer un peu les pratiques, voir un peu où ça pêche. Moi je pense qu'avoir un regard extérieur c'est pas mal. Avoir quelqu'un qui peut faire une partie de l'audit avec eux, qui peut les guider sur certaines choses, c'est pas mal. Parce que la vérité c'est que s'il n'y a rien de fait à la base, c'est que ces gens-là ne sont pas des spécialistes du sujet. puisque ce n'est pas des pratiques qu'ils ont. Et donc, du coup, un risque quand on commence à essayer de mettre en place de l'inclusion, c'est de prendre les choses complètement à l'envers et de faire des choses, des fois, qui sont complètement contre-productives. Et du coup, ou des trucs contre-productifs ou juste qui n'ont pas d'impact, en fait, et on a l'impression d'avoir réinventé l'eau chaude en mode Ah, on va mettre les femmes de l'entreprise dans notre newsletter pour montrer... la parole des femmes et tout ça. Et genre, ouais, mais enfin, si vous ne faites pas le travail en profondeur à côté, il n'y aura pas plus de femmes qui vont venir juste parce que vous avez des femmes dans votre newsletter. Et en plus, vous allez mettre mal à l'aise les femmes de l'entreprise parce qu'elles vont avoir l'impression d'être tokenisées pour être des modèles d'un truc qu'elles ne veulent pas forcément porter. Donc, toutes ces questions-là, ce n'est pas évident quand on ne connaît pas et il y a des fausses bonnes idées tout le temps. Donc, je pense... Se faire accompagner pour s'éduquer un peu sur ces questions et commencer à apprendre le truc par le bon bout, c'est pas mal. Et je pense qu'il ne vaut mieux pas aller trop vite dans tous les sens, qu'il faut y aller tranquillement. Enfin, tranquillement, c'est un peu urgent comme travail, mais il faut y aller en tout cas en faisant des bonnes fondations. Et par contre, il faut être intransigeant sur ce qu'on met en place. C'est-à-dire que ce n'est pas... Ah bah... L'entreprise ne tolère absolument aucun harcèlement sexuel, même d'ambiance et tout ça. On l'a écrit maintenant dans notre code de conduite ou dans notre règlement intérieur et tout ça. Et puis, il y a quelqu'un qui se plaint et on lui dit Ah non, mais ça va, c'est Roger, on sait qu'il est comme ça. C'est vraiment se rendre compte de ce que ça peut aussi entraîner les changements qu'on amène. Et ne pas oublier de rassurer les personnes qui sont déjà employées aussi. Parce que malgré tout, le changement, ça fait peur. Et des fois, les personnes perdent leurs repères. Donc, c'est important aussi de ne pas faire les choses juste pour ne pas faire peur à Roger qui est comme ça. Mais désolée s'il y a des Roger qui écoutent. Sinon, on est pris complètement au hasard.
- Chloé
Tous les Roger de France et de Nice.
- Magali
Mais en tout cas, faire attention à ce que... À quand même... entendre les craintes des personnes parce que il y a des craintes qui sont légitimes et il y a des craintes où des fois juste dire à la personne non mais t'inquiète pas, tout le monde aura quand même sa place c'est pas parce qu'on ouvre l'inclusion que tout d'un coup on change complètement les règles et tout ça
- Chloé
Merci pour ton écoute, si l'épisode t'a plu tu as une version plus longue et complète de dispo, je te mets le lien dans la description Laisse-moi 5 étoiles sur Apple ou Spotify Et si tu as du temps, partage le podcast à ton entourage. La bise si tu veux bien. Et toujours plein de loutre dans ta vie. Ciao !