Speaker #0Bienvenue dans les petites histoires de Michelle, un podcast dans lequel je raconte mon exploration de la cuisine japonaise. Cet art ultime de bien manger que j'ai à cœur de transmettre aujourd'hui est la synthèse entre mes pratiques d'artiste, de jardinière et de cuisinière. Il s'adresse aux amoureux du Japon, aux gourmets de tous bords et aux cuisiniers soucieux de préparer une cuisine saine, savoureuse et créative, qui nourrit aussi bien le corps que l'esprit. Vous y trouverez des récits de voyages et des témoignages d'expériences qui ont fait sens dans mon parcours. J'y délivre également, au-delà des recettes, les principes qui sous-tendent la cuisine japonaise. Nous ferons des visites dans le jardin, source d'émerveillement et d'abondance, et nous prêterons l'oreille à des personnes qui ont contribué à enrichir mon parcours dans l'oasis nippone que je me suis créée. Belle écoute à vous ! Je viens de rentrer de voyage. Le premier geste, c'est d'allumer un feu dans l'âtre et tout de suite après, je mets en route l'indispensable dachi. Ma belle-fille Rosène a profité de mon séjour avec sa famille à Noël pour me questionner sur le dachi. Arthur, mon petit-fils, lui a dit que sa soupe miso n'est pas comme celle de Mamette. Du coup, elle est motivée. pour ce maître Ausha et je lui dédicace cette émission. Elle avait besoin de voir, de ses yeux voir, les différentes étapes qu'elle a filmées du reste pour être sûre de bien faire. Moi aussi, j'aime la transmission de personne à personne. J'aurais tant aimé qu'une grand-mère japonaise me transmette son savoir, ses manières, ses trucs. J'en parle de cette grand-mère japonaise rêvée dans un ancien épisode GD Talk. En fait, tout mon podcast Cuisiner le Japon, beau et bon comble cette lactune, cette absence de transmission de grand-mère à petite-fille, et j'aimais le vœu qu'il touche les oreilles de personnes qui, comme moi, sont à la quête de ce lien. Le Dachi, cela faisait longtemps que je voulais lui consacrer une émission car c'est vraiment le pilier, la pierre angulaire de la cuisine japonaise, le secret du goût du Japon. C'est la base de la soupe miso, consommée plusieurs fois par jour au Japon, dès le petit déjeuner. On le retrouve dans les plats mijotés, dans les soupes, dans les sauces, dans les bouillons clairs de la cuisine kaiseki. Sa saveur subtile agit comme un exhausteur de goût, sans masquer les arômes des aliments, mais au contraire, elle les magnifie. C'est lui qui apporte l'umami dont on parle tant aujourd'hui. L'umami, c'est, traduit littéralement, le goût savoureux, et non pas le cinquième goût, comme le disent certains dans une vision scientifique. Les cinq goûts que l'on devrait retrouver dans un repas équilibré d'après la médecine ancestrale chinoise sur laquelle je m'appuie sont le salé, l'acide, l'amer, le doux et le piquant. Ceux qui parlent de l'umami comme étant le cinquième goût ont tout bonnement mis de côté le piquant. Or le piquant est une saveur importante. pour notre équilibre, celle qui nourrit le système poumon-intestin. Le dashi, c'est juste une infusion qui véhicule les acides aminés extraits de trois ingrédients phares, l'algue kombu, le champignon shiitake et le katsuobushi. C'est la synergie de ces trois acides aminés, le glutamique, l'inosinique et le guanylique qui exhauste tous les autres goûts, qui stimule nos papilles gustatives et nous fait saliver. C'est apparemment simple, mais il faut prendre en compte le fait que ce sont des produits hautement élaborés qui en constituent la base. Passons en revue ces trois ingrédients. D'abord, l'algue kombu. Les meilleures algues kombu sont récoltées dans les eaux froides et peu profondes autour de l'île de Hokkaido. La plus nordique du Japon, là où la mer gèle en hiver. Ces longues feuilles piègent les nutriments des océans. Une fois cueillie, cette algue est séchée sur les cailloux de la plage. L'humidité nocturne va fissurer des vésicules qui piègent des gaz nauséabonds. Quand cela commence à sentir bon, c'est le signe que l'algue prend de la saveur. C'est un long processus qu'il n'est pas possible d'accélérer. Seule l'action douce de la rosée nocturne est capable de transformer le kombu, qui sera encore maturé plusieurs années, en entrepôt avant d'être commercialisé. J'ai longtemps pensé que nos algues bretonnes pouvaient faire l'affaire. D'ailleurs, lors de mes premières explorations de la cuisine japonaise, Je ne connaissais que celle-ci, présente dans les magasins bio. Elle me servait de base pour faire un bouillon bien minéralisé pour mes soupes de miso quotidiennes. J'ai fait un saut quantique avec la découverte des kombus japonaises. Elles sont plus épaisses, plus riches en tous points et permettent de faire des préparations impossibles à réaliser avec les algues du cru. Le deuxième ingrédient, le katsuobushi, également connu sous le nom de bonite séchée, et l'ingrédient le plus emblématique de la cuisine japonaise. Ce produit artisanal est fabriqué à partir de filets de bonite, un poisson similaire au thon, mais beaucoup plus petit. Les filets sont salés, séchés au soleil, fumés et fermentés. grâce à l'utilisation de micro-organismes formant une moisissure spéciale qui casse les protéines du poisson, éliminant ainsi son odeur forte et sa graisse superficielle. Ces étapes, répétées plusieurs fois pendant plusieurs mois, débouchent sur la production d'un bloc dur, un des aliments le plus dur au monde. d'une richesse inégalée en umami son intensité aromatique confère aux plats japonais leur profondeur et leur complexité pour utiliser le katsuobushi dont la chair vitrifiée a pris des allures de pierre précieuse il faut le débiter en copeaux sur un rabot spécial qu'on ne trouve plus guère d'ailleurs dans les maisons japonaises d'aujourd'hui la plupart des ménagères L'achète déjà râpée sous forme de fin pétale. En France, on le trouve sous cette forme dans les épiceries asiatiques. L'importation du Katsuobushi japonais étant interdite à cause du procédé de fumage jugé incompatible avec nos normes européennes, je l'importe moi-même en bourrant ma valise de Katsuobushi au retour de mes voyages dans l'archipel. Comme j'ai mon propre rabot, je râpe juste la quantité nécessaire au moment de l'utiliser. Un atelier de fabrication de Katsuo Bushi s'est implanté en France depuis quelques années. Ce projet a posé ses valises sur les plages de Concarneau en Bretagne car son port présente des caractéristiques similaires au port de Makurasaki sur l'île de Kyushu. Au sud du Japon, malgré des difficultés en matière de réglementation, Makurasaki France Katsuo Bushi a su adapter ses méthodes de production afin qu'elles soient le plus fidèles possible aux méthodes de production japonaises ancestrales de la Bonite Seychée tout en respectant les réglementations européennes. Ce produit que j'ai testé avec curiosité est accueilli favorablement par des chefs français qui ont introduit le dashi dans leur cuisine. Mais en ce qui me concerne, je préfère de loin la bonite japonaise pour son aspect visuel poudré, sa chair vitrifiée plus rose, sans zone claire et poreuse. Sur le plan gustatif, je lui trouve plus de profondeur et de richesse aromatique et surtout, c'est au contact de cette dernière que j'ai façonné mon goût. Venons-en au troisième ingrédient, le champignon shiitake qui trouve le terreau idéal dans les forêts humides de l'archipel. On le trouve frais chez nous, cultivé sur un substrat, parfois sous l'appellation l'antin du chêne. C'est sous sa forme séchée qu'on l'utilise pour confectionner le dachi. Pour comprendre son rôle dans le dachi, il faut remonter d'environ 1500 ans à l'arrivée du bouddhisme au Japon. L'enseignement du bouddhisme condamne la destruction de toute vie. Convertis à la pensée bouddhique, les empereurs interdisent à la cour et aux nobles toute consommation de viande. Progressivement, ces restrictions sont étendues aux samouraïs et au peuple. La loi est sévèrement appliquée. Dès lors, on se met à la requête d'une autre source d'omami, ce goût savoureux jusque-là attaché à la consommation de la viande. Les moines des monastères zen se sont tournés vers la nature environnante en utilisant les champignons pour remplacer la bonite. C'est ainsi qu'est né le dashi. Le shiitake, combiné à l'algue kombu, magnifie l'umami du dashi. Et maintenant, passons à la confection de cette merveille qu'est le dashi. Il n'y a pas qu'une seule recette. Chaque chef a la sienne. Les grands chefs qui souhaitent obtenir un bouillon clair et limpide n'utilisent que l'algue et le katsuobushi pour le confectionner. Les moines zen, quant à eux, se contentent de l'algue et des shiitake pour relever leur mets végétariens. Pour ma part, j'ai associé les trois ingrédients et c'est ce dashi que mon petit-fils Arthur connaît. Généralement, je prépare 2 à 3 litres de dashi à la fois parce que j'en utilise tous les jours dans de nombreuses préparations. Ma soupe miso bi quotidienne, dans les soupes de légumes, pour mijoter des légumes ou de la viande, pour réaliser une sauce béchamel sans lait, pour diluer la sauce soja, pour réaliser le vinaigre de Tosa, le dashi est devenu un réflexe. Il fait partie de mon quotidien. Il se conserve au réfrigérateur 3 à 4 jours et quand je vois que mon bocal se vide, je mets en route une nouvelle infusion. Je dépose 4 à 5 shiitakes séchés et un ou deux morceaux de 10 cm de kombu selon sa largeur dans une casserole avec 2 litres d'eau froide et je laisse tremper pendant toute une nuit. Le goût est plus intense. Les nutriments se libèrent lentement en douceur. La nuit, c'est yin. Et surtout, les champignons, eux, nécessitent un temps de trempage assez long. La qualité de l'eau est importante. J'ai pris l'habitude d'utiliser de l'eau filtrée pour mes préparations comme le dashi ou le thé. Le lendemain, je chauffe le tout lentement à feu doux. jusqu'à ce que l'eau atteigne environ 80-90 degrés juste avant l'ébullition. L'idéal évidemment est de rester près de sa casserole pour éviter l'ébullition qui peut donner un goût amer à votre bouillon. J'écume la mousse qui surnage qui elle aussi altérerait le goût. Je retire le kombu et les shiitake avant que l'eau ne commence à bouillir. Je coupe le feu. Et j'ajoute une grosse poignée de flocons de Katsuobushi. que je laisse infuser pendant 2 à 3 minutes jusqu'à ce qu'il tombe au fond de la casserole sans intervenir. A ce stade, je filtre le bouillon à travers une passoire fine couverte d'un linge propre pour retirer le katsuobushi que je presse légèrement pour extraire le maximum de saveur, mais pas trop non plus, pour préserver la pureté du liquide. Ce bouillon aux saveurs délicates et subtiles s'appelle Ichiban Dashi. Les ingrédients peuvent ensuite être réutilisés pour produire avec la même quantité d'eau un second dashi nommé Niban Dashi, moins élégant, mais qui convient tout à fait pour les soupes et la préparation des légumes bouillis, puis réduit en purée pour les enfants par exemple. L'appétence pour le dashi dès l'enfance façonne le goût pour les saveurs naturelles, ce qui est la préoccupation d'une maman qui souhaite bien nourrir son enfant. Et comme rien ne se perd, nos précieux ingrédients feront l'objet d'autres préparations savoureuses dont je vous parlerai dans les prochaines émissions. Un nouvel épisode des Petites Histoires de Michelle vous attend tous les mardis. Pensez à vous abonner à ma newsletter pour continuer de voyager au Japon avec moi.