Speaker #0Bienvenue dans les petites histoires de Michel, un podcast dans lequel je raconte mon exploration de la cuisine japonaise. Cet art ultime de bien manger que j'ai à cœur de transmettre aujourd'hui est la synthèse entre mes pratiques d'artiste, de jardinière et de cuisinière. Il s'adresse aux amoureux du Japon, aux gourmets de tous bords et aux cuisiniers soucieux de préparer une cuisine saine, savoureuse et créative, qui nourrit aussi bien le corps que l'esprit. Vous y trouverez des récits de voyages et des témoignages d'expériences qui ont fait sens dans mon parcours. J'y délivre également, au-delà des recettes, les principes qui sous-tendent la cuisine japonaise. Nous ferons des visites dans le jardin, source d'émerveillement et d'abondance, et nous prêterons l'oreille à des personnes qui ont contribué à enrichir mon parcours dans l'oasis nippone que je me suis créée. Belle écoute à vous !
Speaker #1Le Japon est riche de sources volcaniques chaudes. Les onsen sont les bas où l'on se plonge dans ces eaux chargées en minéraux qui leur confèrent des vertus thérapeutiques. On y plonge aussi des œufs pour les cuire. Après un certain temps de cuisson dans l'eau chaude des onsen, le résultat obtenu n'est ni un œuf dur, ni un œuf mollet, ni un œuf coque, rien ! de ce que l'on connaît. Le blanc coagulé devient laiteux, légèrement translucide, soyeux et gélatineux et le jaune prend une texture épaisse, fondante, douce et onctueuse, moelleuse et crémeuse à souhait. Un vrai bonbon. Bref, une expérience gustative unique. L'idée saugrenue de tester ce mode de cuisson à domicile a germé pile au moment même où des clients m'appelaient pour réserver une formule 24h zen dans le pavillon Lotus, mon hébergement d'inspiration japonaise. Cette formule 24h zen comprend un dîner, un petit déjeuner japonais, un bento à midi et un thé avec des douceurs avant le départ. À l'arrivée du chèque d'art de ses futurs clients, je comprends en voyant l'adresse que la commande provient d'un domaine viticole où deux frères sont connus pour vinifier en biodynamie. J'avais aussi eu l'information que l'un de ces deux frères avait épousé une japonaise. Pourvu que ce ne soit pas lui celui qui a réservé, en même temps je ne me faisais guère d'illusions. Et puis je trouvais tout de même assez étrange que cette idée des œufs onsen ait germé juste au même moment. Commence alors un tas d'expérimentations pour arriver à faire cuire mes œufs dans une Ausha température précise et constante pendant une durée assez longue pour que les protéines coagulent lentement. J'ai notamment utilisé un bain-marie à double fond qui servait à réchauffer les gamelles des ouvriers, une bouteille thermo spéciale pour repas chauds avec une grande ouverture et aussi une grande jarre pour pétrir la pâte du kouglof en me disant qu'une grande quantité d'eau garderait la température plus longtemps, surtout si, en plus, je la couvrais d'une couette épaisse. J'ai même songé à acquérir un thermomix L'appareil de cuisson qui vous pilote dans les étapes de préparation d'un repas qui commençait à avoir du succès dans les cuisines de ménagères pressées ou inexpérimentées. Je me disais qu'il devait bien y avoir une fonction mijotée avec possibilité de régler la température de cuisson avec précision. Pendant mes expériences, je goûtais un ou deux œufs par jour, voire plus. J'ai fini par obtenir un résultat à peu près satisfaisant, mais exigeant en termes de surveillance. Ce qui complique singulièrement la confection d'un repas où d'autres préparations méritent la même attention. Quand les hôtes attendus arrivent, Madame est bien japonaise. Je m'adresse à Monsieur qui a passé commande. « Ça, vous ne me l'avez pas dit ! » Il me regarde avec un sourire en coin et rajoute « Et vous ne savez pas tout, Madame est chef de cuisine. » En riant, je lui réponds « me v'la bien » en passant ma main sur mon front. Le dîner avec ses hôtes a été fort sympathique et la texture de mes œufs onsen a été validée. Petite récompense personnelle après tous les efforts fournis pour m'en approcher au mieux. À leur départ, ses hôtes m'ont confié qu'ils savaient où ils mettaient les pieds. Un de leurs clients Un restaurateur japonais que j'avais invité à dîner chez moi pour avoir un feedback sur ma cuisine japonaise leur avait assuré « Vous pouvez y aller, c'est bien ce qu'elle fait » . Cet épisode des œufs onsen se situait tout au début de mon projet d'offrir une parenthèse zen dans mon pavillon d'inspiration japonaise. Je m'étais lancée dans ce délire au moment de mon tour. tout premier voyage au Japon sans me poser de questions. Mais petit à petit, un sentiment d'illégitimité s'installait. Une Alsacienne qui fait de la cuisine japonaise, est-ce vraiment crédible ? C'est pourquoi j'avais sollicité l'avis de ces restaurateurs sur ma cuisine, invitation à laquelle ils ont répondu. Nous nous amusions de nos positions réciproques. Akira-san et Momoko-san, passionnés de cuisine française, et moi, tournaient résolument vers la cuisine japonaise. Ils m'ont confortée dans mon orientation en m'affirmant qu'ils retrouvaient chez moi le goût du Japon. Akira-san m'a même offert plein de produits japonais envoyés par sa mère, dont il n'avait que faire dans son univers tourné vers la gastronomie française. Grâce à cette validation par des Japonais, j'ai pu lâcher ce syndrome de l'imposteur qui commençait à poindre. J'ai pu déployer mes ailes et poursuivre mes explorations de la cuisine nippone en toute confiance. D'autres clients de ma table qui avaient voyagé au Japon ont eux aussi confirmé qu'ils retrouvaient chez moi ce goût spécifique de l'archipel. dont ils avaient la nostalgie. Plus tard, dans ma quête de l'œuf parfait, j'ai découvert qu'il existait un ustensile mis au point par un ingénieur qui a détourné un appareil de laboratoire en le débarrassant de toutes les fonctions scientifiques inutiles pour le rendre abordable dans un usage culinaire. L'investissement dans cette machine a fait monter le coût de l'œuf onsen au prix du caviar. Mais quand on aime, on ne compte pas. Pour justifier de cet investissement, j'ai commencé à proposer l'œuf onsen dans le menu de mes brunchs du dimanche, en plus de le servir sur un nid de pâtes lors des repas japonais. Le thermoplongeur est aujourd'hui un appareil courant dans une cuisine professionnelle ou il sert pour des cuissons à basse température pour obtenir un poisson nacré ou un blanc de poulet juteux pour conclure cet épisode voici une dernière anecdote autour de l'oeuf parfait pendant un repas japonais au comptoir alors que j'étais tourné vers mon piano de cuisine j'entends oeuf parfait derrière moi je me retourne d'un seul bloc vers la personne qui a prononcé ces mots magiques et lui dit « Vous, vous êtes cuisinier ! » En effet, il n'y avait que les cuisiniers professionnels qui utilisaient cette expression à ce moment-là. Gros éclat de rire de la part de tous les convives installés au comptoir. Et on me répond « On est tous des cuisiniers ! » Ils étaient invités par la patronne d'un grand restaurant strasbourgeois qui voulait faire une surprise à son staff en dînant à une table insolite et c'est tombé sur moi. Heureusement que j'ignorais cela à leur arrivée, ça m'a évité une grosse montée d'adrénaline. Du coup, j'ai compris pourquoi la commanditaire m'avait posé autant de questions au moment de sa réservation. Elle avait besoin d'être rassurée sur la pertinence de son choix pour offrir ce moment privilégié à son équipe. Et j'ai compris aussi pourquoi je la voyais se détendre au fil du déroulement de la soirée. Je peux dire aujourd'hui que l'œuf onsen a marqué un cap dans mon évolution sur la voie de la cuisine japonaise. Si vous le pouvez, avec ou sans thermoplongeur, essayez donc la recette. Une heure à 62,5 degrés. Vous m'en direz des nouvelles. Un nouvel épisode des petites histoires de Michel vous attend tous les mardis. Pensez à vous abonner à ma newsletter pour continuer de voyager au Japon avec moi.