- Speaker #0
Bienvenue dans les podcasts d'Aunege en collaboration avec IAE France. Pour ce premier volet de la série Grands Auteurs, Sonia et Eddy vont vous parler de James Surowiecki et la sagesse des foules.
- Speaker #1
Vous êtes-vous déjà demandé comment l'intelligence collective d'un groupe pouvait parfois surpasser même l'esprit le plus brillant ?
- Speaker #2
C'est une question fascinante, n'est-ce pas ? Et particulièrement pertinente pour vous en tant que chercheurs en sciences de gestion.
- Speaker #1
Exactement. On plonge aujourd'hui dans le concept de la sagesse des foules, popularisé par James Surowiecki.
- Speaker #2
Un concept qui a de profondes implications pour le management et le comportement organisationnel.
- Speaker #1
Notre exploration s'appuiera principalement sur le livre de Surowiecki, The Wisdom of Crowds, ou comme on dit en allemand, die Weisheit der Menge.
- Speaker #2
On va aussi se pencher sur son article, "It's the Workforce, Stupid" et son essai "Better and Better : The Myth of Inevitable Progress".
- Speaker #1
On puisera aussi quelques idées de résumé de la Sabiduría de las multitudes en espagnol et d'articles sur les progrès technologiques en Chine et en Allemagne.
- Speaker #2
L'objectif ? Décrypter comment l'intelligence collective influence la pensée managériale, la prise de décision, la mondialisation et même la capacité des marchés à anticiper les événements.
- Speaker #1
Allons-y ! Commençons par la puissance de la foule en matière d'estimation et de prédiction. Connaissez-vous l'expérience de Francis Galton lors d'une foire au bétail en 1906 ?
Celle où une foule diverse, bouchers, fermiers, badauds, a estimé le poids d'un bœuf ? Exactement. Ceux-ci l'ont estimé à 1197 livres. Le poidsétait de 1198 livre. Incroyable, non ? Étonnant, vraiment. Et aucun d'entre eux n'était expert en poids de bovin. C'est la moyenne de leurs estimations qui s'est avérée si précise. Et ça nous amène à la question : comment exploiter cette sagesse collective dans les organisations ? Comment agréger les estimations individuelles pour obtenir des prévisions plus fiables ? Un exemple intéressant : "Qui veut gagner des millions" ? Le public, des gens ordinaires, répond correctement à 91% des questions, contre 65% pour les experts. C'est fou ! Comme l'expérience du bocal de bonbons, l'estimation collective est souvent plus précise que la plupart des estimations individuelles. Pour une foule sage, Surowiecki identifie quatre conditions clés.
- Speaker #2
Premièrement, la diversité d'opinion. Chacun doit avoir des informations uniques et penser par lui-même.
- Speaker #1
D'accord, la diversité. Et ensuite ?
- Speaker #2
Deuxièmement, l'indépendance. Les opinions ne doivent pas être influencées par les autres.
- Speaker #1
Intéressant. Donc, diversité et indépendance, c'est tout là ?
- Speaker #2
Non, il y a aussi la décentralisation. Chacun s'appuie sur ses connaissances locales et son expertise.
- Speaker #1
Je vois. Donc chaque personne apporte quelque chose de différent à table.
- Speaker #2
Exactement. Et enfin, l'agrégation. Un mécanisme pour transformer les jugements individuels en une décision collective.
- Speaker #1
Par un vote, une moyenne ou même le marché. C'est fascinant, n'est-ce pas ?
- Speaker #2
Absolument. Et maintenant, appliquons cela à un comportement organisationnel et à la prise de décision.
- Speaker #1
Parfait. Un exemple concret.
- Speaker #2
La catastrophe de la navette Challenger en 1986. Le marché a immédiatement pointé du doigt Morton Thiokol, responsable des propulseurs.
- Speaker #1
Ah oui, j'avais lu ça. L'action de Morton Thiokol a chuté avant même les conclusions officielles.
- Speaker #2
Exactement. Un jugement collectif d'investisseurs, pour la plupart non-experts, mais agissant indépendamment. Incroyable ! Le marché a senti quelque chose que les experts n'avaient pas encore vu.
- Speaker #1
C'est ça ! Par contre, dans des petites équipes, les voix dominantes peuvent étouffer la sagesse collective. D'où l'importance d'un avocat du diable.
- Speaker #2
Oui, pour encourager la pensée critique et les opinions divergentes.
- Speaker #1
Exactement. Pensez aussi aux différents modèles d'organisation. Une hiérarchie verticale peut entraver la circulation de l'information.
- Speaker #2
Alors qu'avec des unités de travail plus autonomes, il y aurait plus d'espace pour la diversité des idées.
- Speaker #1
C'est ça ! Valoriser les contributions de tous les niveaux, repenser les systèmes de récompense.
- Speaker #2
Pour encourager la performance collective plutôt qu'individuelle.
- Speaker #1
Exactement. L'intelligence collective ne se limite pas à l'estimation. Elle s'applique aussi à la coordination et la coopération.
- Speaker #2
Ah oui ? Parlez-moi de ça.
- Speaker #1
Prenons le péage urbain de Londres. Une forme d'intelligence collective a fluidifié la circulation.
- Speaker #2
En incitant les automobilistes à modifier leur comportement.
- Speaker #1
Exactement. Ou la collaboration de plusieurs laboratoires pour identifier le virus du SRAS. Une coopération décentralisée, sans autorité centrale.
- Speaker #2
Exactement. Chacun a pris ses propres décisions, partageant rapidement ses découvertes.
- Speaker #1
Efficace. Abordons maintenant un sujet qui déconstruit une idée reçue. Le mythe des licenciements.
- Speaker #2
Vous parlez du mythe selon lequel les licenciements massifs font grimper le cours des actions.
- Speaker #1
Oui, on entend parler d'une règle des 7%.
- Speaker #2
Eh bien, les études montrent que les marchés réagissent généralement négativement au licenciement.
- Speaker #1
Vraiment. C'est contre-intuitif.
- Speaker #2
Oui, Wayne Cascio a montré que les réductions d'effectifs des années 1980 n'ont pas amélioré les performances des entreprises.
- Speaker #1
Alors, pourquoi certains dirigeants persistent à licencier ?
- Speaker #2
Surowiecki parle de l'heuristique de la vivacité. On se focalise sur les exemples de réussite, souvent médiatisés, et on ignore les échecs.
- Speaker #1
On se laisse aveugler par les cas spectaculaires.
- Speaker #2
Exactement. Il y a aussi l'excès de confiance des dirigeants et la pression pour des résultats à court terme.
- Speaker #1
Le marché, lui, semble comprendre les impacts négatifs à long terme de licencier.
- Speaker #2
Oui, il perçoit la perte des capitales humains, le frein à l'innovation, les opportunités manquées.
- Speaker #1
Intéressant. Parlons maintenant de la mondialisation. On dit souvent que le libre-échange avec des pays comme la Chine profite aux riches au détriment des travailleurs.
- Speaker #2
Ooui,c'est un débat complexe, mais Surowiecki, s'appuyant sur les travaux de Broda et Romalis, souligne un effet inattendu.
- Speaker #1
Ah bon, lequel ?
- Speaker #2
Le libre-échange avec les pays moins développés a un impact plus important sur le pouvoir d'achat des consommateurs à revenus moyens et faibles.
- Speaker #1
Ah oui, parce qu'ils dépensent plus en biens manufacturés dont les prix baissent grâce au commerce international.
- Speaker #2
Exactement. Entre 1989 et 2005, l'inflation pour les Américains les plus pauvres a été bien plus faible que pour les plus riches.
- Speaker #1
En partie grâce aux importations chinoises. C'est fascinant.
- Speaker #2
Oui, mais il ne faut pas négliger les pertes d'emplois et la stagnation des salaires dans les pays développés.
- Speaker #1
Bien sûr. D'ailleurs, l'Allemagne s'en sort plutôt bien dans la mondialisation, non ?
- Speaker #2
Absolument. En misant sur la qualité, l'innovation et en répondant à la demande des pays émergents.
- Speaker #1
Comme avec la moissonneuse-batteuse Lexion.
- Speaker #2
Exactement. Les entreprises allemandes construisent l'usine du monde en fournissant des machines essentielles à la Chine.
- Speaker #1
Et la Chine exporte de plus en plus de produits de haute technologie.
- Speaker #2
Oui, mais une grande partie de la valeur ajoutée est créée ailleurs. L'exemple de l'iPod d'Apple est parlant.
- Speaker #1
Assemblé en Chine, mais avec des composants et une conception venant d'autres pays.
- Speaker #2
Exactement. N'oublions pas que l'intelligence collective n'est pas infaillible. Elle a ses limites. Des biais peuvent apparaître.
- Speaker #1
Comme les bulles spéculatives ou les comportements irrationnels pendant les crises.
- Speaker #2
C'est pourquoi il est crucial de respecter les quatre conditions. Diversité, indépendance, décentralisation et agrégation.
- Speaker #1
Absolument. Alors, que retenir de tout ça ?
- Speaker #2
On a vu la puissance de l'agrégation des jugements individuels.
- Speaker #1
Et comment créer les conditions pour une foule sage.
- Speaker #2
Et comment appliquer ces principes au management, de la prise de décision à la mondialisation.
- Speaker #1
Une dernière réflexion pour nos chers chercheurs en sciences de gestion.
- Speaker #2
Comment concevoir des organisations qui exploitent la sagesse de leur foule interne et externe ?
- Speaker #1
Leurs employés, leurs clients, le marché.
- Speaker #2
Pour prendre des décisions éclairées, innovées et naviguées dans l'économie mondialisée ?
- Speaker #1
Une question à méditer tôt. On vous encourage à explorer les travaux de Surowiecki et les recherches sur l'intelligence collective.
- Speaker #2
Et à réfléchir à comment appliquer ces principes dans vos recherches et votre pratique professionnelle.
- Speaker #1
Sur ce, on vous laisse avec ces questions stimulantes. A la prochaine pour une nouvelle plongée. Au revoir. Au revoir.