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Les Podcasts du Droit et du Chiffre Lefebvre Dalloz

« Le pacte Dutreil facilite la transmission familiale et évite la vente forcée des entreprises pour payer les droits de succession »

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13min |17/12/2025
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13min |17/12/2025
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Description

En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l'Economie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission-reprise. Cette mission avait pour objectif d’agir en faveur de la reprise d’entreprise, partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la commission Droit et Entreprise du Conseil national des barreaux a été associé à ces réflexions. L'occasion d'interroger Isabelle Grenier, Présidente de la commission Droit et entreprises au CNB.


Préparé et animé par : Isabelle GRENIER, avocate, présidente de la commission Droit et entreprises au Conseil national des barreaux et Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz

Réalisé par : Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Angeline Doudoux

    Lefebvre Dalloz décode avec le Conseil National des Barreaux, le pacte Dutreil. En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission reprise. Cette mission avait pour objectif d'agir en faveur de la reprise d'entreprises partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la Commission droit et entreprise du Conseil national des barreaux a été associée à ces réflexions. A la suite, un rapport a été publié en octobre dernier. C'est à l'occasion de cette publication que j'ai le plaisir d'interroger Isabelle Grenier, présidente de la commission Droits et Entreprises au CNB. Bonjour Isabelle.

  • Isabelle Grenier

    Bonjour.

  • Angeline Doudoux

    Alors Isabelle, en novembre dernier, la Cour des comptes a publié un rapport d'évaluation du pacte Dutreil, un rapport qui recommande notamment, je cite, d'atteindre un meilleur équilibre entre avantage fiscal consenti et efficacité économique du dispositif, sans occulter le fait que nos entreprises naviguent dans un environnement concurrentiel international. Alors, lorsqu'on promeut le pacte d'Utreil, on invoque notamment la nécessité de conserver nos entreprises françaises au regard justement de cette concurrence internationale. Or, dans le rapport de la Cour des comptes, on apprend que pour la période 2018-2024, les entreprises industrielles ne représentent que 13% des transmissions. Et à ce sujet, la Cour des comptes recommande donc de fixer un taux d'abattement moins élevé pour les entreprises qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Partagez-vous cette idée et faut-il recentrer le Dutreil sur les secteurs exposés à la concurrence internationale et stratégique pour la souveraineté économique ?

  • Isabelle Grenier

    Le recentrage évoqué du dispositif Dutreil sur les seules entreprises des secteurs exposés à la concurrence internationale et des secteurs stratégiques pour la souveraineté économique soulève un certain nombre de questions. D'abord sur le périmètre de ce recentrage. Par exemple, l'agriculture pourrait être citée. En effet, l'agriculture, ça peut être considéré à la fois comme un secteur stratégique, puisque lié à la souveraineté alimentaire, et comme un secteur exposé à la concurrence internationale, laquelle est parfois qualifiée de déloyale au regard des normes différenciées qui s'appliquent aux produits agricoles français et étrangers. On le voit avec le Mercosur, il y a des produits étrangers qui viennent. Et ça peut être aussi considéré comme des secteurs stratégiques. La question que ça soulève, c'est le principe d'égalité devant l'impôt qui pourrait être remis en cause si certaines entreprises bénéficiaient d'un abattement fort et d'autres non, sur la base de critères qui seraient flous, exposés à concurrence internationale, stratégiques. Il n'y a pas véritablement de définition derrière. En outre, cela pourrait générer des contentieux, une instabilité juridique, nuisible à la confiance des entrepreneurs. Il y a aussi un risque d'exclusion des PDME locales qui ne sont pas stratégiques au sens de la souveraineté, mais qui sont pourtant essentielles. à l'emploi local et à la vitalité des territoires. Il ne faut pas oublier que le pacte du trait, ce n'est pas seulement un outil de compétitivité, il vise aussi à faciliter la transmission familiale et à éviter la vente forcée d'entreprises pour payer les droits de succession. Restreindre ce dispositif au seul secteur exposé reviendrait à nier cette dimension sociale et patrimoniale qui était pourtant au cœur du texte à l'origine. Donc évidemment, à titre personnel, je ne partage pas cette idée.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors dans votre rapport publié il y a quelques semaines, vous proposez de moduler la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. La Cour des comptes toujours propose de réduire le taux d'abattement en cas de revente rapide des titres après la fin de l'engagement individuel ou à défaut d'allonger aussi la durée de l'engagement de conservation. Et le Conseil des prélèvements obligatoires plus récemment, préconise aussi un allongement de la durée d'engagement de deux ans pour bénéficier de l'exonération partielle. Ne pensez-vous pas qu'allonger la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions sans pour autant générer de recettes supplémentaires pour l'État ?

  • Isabelle Grenier

    Effectivement, l'allongement de la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions pour les héritiers ou les repreneurs qui pourraient être moins enclins à s'engager si la contrainte temporelle devient trop lourde. Un tel allongement risquerait de nuire surtout aux PME qui ont besoin de souplesse, qui doivent... parfois envisager des cessions de titres pour faire entrer des investisseurs. L'État n'en sortirait pas forcément gagnant, puisque s'il y a moins de transmission, il y a in fine moins de rentrées budgétaires. Par ailleurs, cela risquerait de fragiliser la compétitivité fiscale par rapport à nos voisins européens, sachant que la durée à l'heure actuelle de détention des titres est dans la moyenne des durées européennes.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors l'un des arguments rapportés à l'encontre du pacte Dutreil, c'est que la dépense fiscale de l'État serait majoritairement réservée aux grandes entreprises et pas vraiment au PME. D'ailleurs, le rapport de la Cour des comptes pointe que 65% de la dépense fiscale bénéficie à seulement 1% des donataires et héritiers. En outre, les grands groupes de plus de 5000 salariés représentent 19% de l'avantage fiscal alors qu'ils ne comptent que pour 1% des entreprises transmises sous pacte Dutreil. Comment expliquez-vous ces chiffres et qu'en pensez-vous ?

  • Isabelle Grenier

    Alors ces chiffres s'expliquent par le fait que le taux d'exonération de 75% est uniforme qu'il s'agisse d'une PME ou d'un groupe de plusieurs milliards. Or plus la valeur transmise va être élevée, plus l'avantage fiscal va être massif, d'où la concentration sur une minorité de bénéficiaires. Contrairement à certains dispositifs étrangers comme en Espagne et en Belgique, le pacte du train ne fixe pas de plafond d'exonération. Cela explique... pourquoi les transmissions de très grandes entreprises absorbent une part importante de la charge fiscale. Pour autant, quand on parle de sociétés stratégiques et de faire émerger des champions, notamment en matière d'intelligence artificielle, la question du plafonnement n'est forcément une bonne idée. Justement parce que ce sont des entreprises qui ont des fortes valorisations et qui pourraient donc, par le biais du plafonnement, ne pas pouvoir bénéficier de cette transmission familiale.

  • Angeline Doudoux

    Revenons aux PME qui étaient les cibles premières de la création du pacte Dutreil. On le sait, même si le dispositif s'est élargi depuis sa création, les conditions d'éligibilité restent très strictes. Est-ce que ces contraintes ne sont pas trop rigides pour s'adapter à la réalité économique des PME et quelles évolutions législatives seraient nécessaires selon vous ?

  • Isabelle Grenier

    Pour permettre au dispositif Dutreil de mieux cibler les PME familiales, la question de la durée de conservation des titres doit se poser. En effet, la réalité économique des PME, c'est qu'elles ont besoin de flexibilité. pour adapter leur capital, accueillir de nouveaux investisseurs, se restructurer, ce qui peut être compliqué avec un pacte du trait verrouillé. C'est la raison pour laquelle nous avions proposé dans notre rapport que la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans puisse faire l'objet d'une modulation sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte, lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. Bien évidemment, dans un objectif de ciblage, cette mesure... pourraient être destinées uniquement aux PME familiales. Le deuxième angle mort concernant les PME est celui de la complexité administrative. Ce régime de faveur est complexe sur le plan juridique et fiscal, ce qui pourrait nécessiter là encore un allégement administratif pour les entreprises de petite taille.

  • Angeline Doudoux

    Comment se situe la France justement par rapport à ses voisins européens en matière d'avantages fiscaux à la transmission d'entreprises ? Sommes-nous plus ou moins généreux que l'Allemagne par exemple que vous citez en exemple dans le rapport ?

  • Isabelle Grenier

    La plupart des pays européens ont des dispositifs d'exonération en cas de transmission familiale d'une entreprise. C'est le cas notamment de l'Espagne, de l'Italie, du Royaume-Uni, de la Belgique ou de l'Allemagne. S'agissant de l'Allemagne, la loi allemande prévoit deux possibilités d'exonération. Une première exonération qui est dite légale à hauteur de 80% et une seconde sur option à hauteur de 100% de l'assiette transmise. Comme en France, ce régime de faveur est accessible aux héritiers sous certaines conditions, et notamment une durée de conservation des titres, 5 ans en cas d'exonération à hauteur de 85% et 7 ans en cas d'exonération à hauteur de 100%. Il y a aussi des conditions de maintien de l'activité et de maintien des emplois. C'est toujours difficile de comparer des régimes, pour dire si on est plus ou moins généreux que l'Allemagne. Par exemple, le taux d'exonération est plus important en Allemagne. puisqu'on est à hauteur de 85 voire 100% de l'assiette transmise, donc il n'y a potentiellement pas de droit à payer. Mais les conditions, même si la durée de détention 5 et 7 ans se rapproche à celle de 6 ans qui est appliquée dans le pacte d'Utreil, il y a des conditions de maintien de l'emploi qui n'existent pas par exemple dans notre dispositif français.

  • Angeline Doudoux

    Alors justement, en parlant des autres pays européens, On pourrait aussi rebondir sur la notion de concurrence européenne que vous évoquez dans votre rapport. Est-ce que la France est en train de perdre des transmissions d'entreprises au profit d'autres pays fiscalement plus attractifs ou différents ?

  • Isabelle Grenier

    Pour l'instant, non, parce que nous avons ce dispositif Dutreil qui se situe dans la moyenne, comme on l'a vu, des pays européens. Mais par contre, il ne faut pas oublier que, là encore, les grands groupes ont la possibilité finalement de se délocaliser. Et d'ailleurs, il y a eu un gros mouvement de délocalisation et d'estimation des Pays-Bas, des holdings, de certaines holdings de grands groupes, ce qui bien évidemment a un impact sur les recettes fiscales françaises, d'où la nécessité de préserver un dispositif tel que le pacte du Treil.

  • Angeline Doudoux

    Alors votre rapport insiste aussi sur la nécessité de stabiliser le pacte Dutreil, et donc stabiliser, je cite le rapport, est-ce que ça signifie que les évolutions législatives qui ont été apportées au pacte Dutreil depuis sa création ont créé de l'instabilité, et pourquoi ?

  • Isabelle Grenier

    En effet, depuis sa création en 2003, le pacte Dutreil a connu des évolutions législatives plutôt favorables, visant à étendre et à assouplir le dispositif. Par exemple, la réduction de la détention collective des titres, ou encore l'inclusion des holdings animatrices. dans le dispositif. Toutefois, depuis quelques années, chaque débat budgétaire est l'occasion d'une remise en cause des contours du pacte Dutreil. C'est d'ailleurs ce qui explique en partie l'augmentation de la charge fiscale induite par le dispositif Dutreil qui est liée en fait à une crainte du resserrement du dispositif. Aujourd'hui, quels que soient les ajustements envisagés, l'important pour nous, il nous semble, c'est de stabiliser ce dispositif dans le temps et d'en mesurer les effets à l'échéance.

  • Angeline Doudoux

    Si on s'éloigne un petit peu du... pacte Dutreil, quels sont les autres dispositifs d'incitation qui existent dans le cadre de cessions à titre onéreux et qui pourraient favoriser la transmission des entreprises ? Et pourquoi certains de ces dispositifs que vous évoquez dans le rapport sont si peu utilisés ? On peut penser par exemple au paiement différé et fractionné, dont parle le rapport de la Cour des comptes, et celui du Conseil des prélèvements obligatoires, dispositif qui est aujourd'hui très peu utilisé.

  • Isabelle Grenier

    En dehors du pacte Dutreil, il existe plusieurs dispositifs fiscaux, effectivement, pour faciliter la transmission d'entreprises. notamment le paiement différé et fractionné des droits, l'abattement pour le départ à la retraite ou encore les exonérations partielles de plus-value. S'agissant de l'exemple que vous citez du paiement différé et fractionné des droits, ce dispositif nécessite la constitution de garantie, hypothèque, conscience bancaire, nantissement, ce qui peut expliquer en partie le fait qu'il soit peu usité, mais aussi parce qu'il n'allège pas la charge fiscale liée à la transmission, qui peut s'avérer extrêmement importante en fonction de la valeur de l'entreprise. Pensez qu'un paiement fractionné ou différé, le différement d'un paiement, c'est juste le report dans le temps. Le fractionnement, c'est l'étalement de ce paiement. Mais encore faut-il pouvoir rembourser les échéances, ce qui ne peut pas être le cas si la valeur de l'entreprise est très importante. C'est en partie ce qui explique que ce dispositif soit peu hésité. S'agissant de l'abattement pour départ à la retraite, pour bénéficier de l'exonération parcelle de la plus-value, le cédant doit cesser toute fonction au sein de l'entreprise ou de la société. dans les 24 mois. précédant ou suivant la cession des droits au départ. Cependant, on sait très bien qu'une des clés d'une transmission réussie, c'est celle de l'anticipation. Or, ce délai de 24 mois est très bref et peut être dissuasif pour anticiper la transmission de son entreprise. Donc, ce dispositif est utilisé, mais là encore, il est peu efficient par rapport aux besoins finalement d'anticipation de la transmission d'une entreprise pour qu'elle soit réussie.

  • Angeline Doudoux

    Isabelle Grenier, merci beaucoup.

  • Isabelle Grenier

    Merci à vous.

Description

En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l'Economie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission-reprise. Cette mission avait pour objectif d’agir en faveur de la reprise d’entreprise, partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la commission Droit et Entreprise du Conseil national des barreaux a été associé à ces réflexions. L'occasion d'interroger Isabelle Grenier, Présidente de la commission Droit et entreprises au CNB.


Préparé et animé par : Isabelle GRENIER, avocate, présidente de la commission Droit et entreprises au Conseil national des barreaux et Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz

Réalisé par : Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Angeline Doudoux

    Lefebvre Dalloz décode avec le Conseil National des Barreaux, le pacte Dutreil. En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission reprise. Cette mission avait pour objectif d'agir en faveur de la reprise d'entreprises partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la Commission droit et entreprise du Conseil national des barreaux a été associée à ces réflexions. A la suite, un rapport a été publié en octobre dernier. C'est à l'occasion de cette publication que j'ai le plaisir d'interroger Isabelle Grenier, présidente de la commission Droits et Entreprises au CNB. Bonjour Isabelle.

  • Isabelle Grenier

    Bonjour.

  • Angeline Doudoux

    Alors Isabelle, en novembre dernier, la Cour des comptes a publié un rapport d'évaluation du pacte Dutreil, un rapport qui recommande notamment, je cite, d'atteindre un meilleur équilibre entre avantage fiscal consenti et efficacité économique du dispositif, sans occulter le fait que nos entreprises naviguent dans un environnement concurrentiel international. Alors, lorsqu'on promeut le pacte d'Utreil, on invoque notamment la nécessité de conserver nos entreprises françaises au regard justement de cette concurrence internationale. Or, dans le rapport de la Cour des comptes, on apprend que pour la période 2018-2024, les entreprises industrielles ne représentent que 13% des transmissions. Et à ce sujet, la Cour des comptes recommande donc de fixer un taux d'abattement moins élevé pour les entreprises qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Partagez-vous cette idée et faut-il recentrer le Dutreil sur les secteurs exposés à la concurrence internationale et stratégique pour la souveraineté économique ?

  • Isabelle Grenier

    Le recentrage évoqué du dispositif Dutreil sur les seules entreprises des secteurs exposés à la concurrence internationale et des secteurs stratégiques pour la souveraineté économique soulève un certain nombre de questions. D'abord sur le périmètre de ce recentrage. Par exemple, l'agriculture pourrait être citée. En effet, l'agriculture, ça peut être considéré à la fois comme un secteur stratégique, puisque lié à la souveraineté alimentaire, et comme un secteur exposé à la concurrence internationale, laquelle est parfois qualifiée de déloyale au regard des normes différenciées qui s'appliquent aux produits agricoles français et étrangers. On le voit avec le Mercosur, il y a des produits étrangers qui viennent. Et ça peut être aussi considéré comme des secteurs stratégiques. La question que ça soulève, c'est le principe d'égalité devant l'impôt qui pourrait être remis en cause si certaines entreprises bénéficiaient d'un abattement fort et d'autres non, sur la base de critères qui seraient flous, exposés à concurrence internationale, stratégiques. Il n'y a pas véritablement de définition derrière. En outre, cela pourrait générer des contentieux, une instabilité juridique, nuisible à la confiance des entrepreneurs. Il y a aussi un risque d'exclusion des PDME locales qui ne sont pas stratégiques au sens de la souveraineté, mais qui sont pourtant essentielles. à l'emploi local et à la vitalité des territoires. Il ne faut pas oublier que le pacte du trait, ce n'est pas seulement un outil de compétitivité, il vise aussi à faciliter la transmission familiale et à éviter la vente forcée d'entreprises pour payer les droits de succession. Restreindre ce dispositif au seul secteur exposé reviendrait à nier cette dimension sociale et patrimoniale qui était pourtant au cœur du texte à l'origine. Donc évidemment, à titre personnel, je ne partage pas cette idée.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors dans votre rapport publié il y a quelques semaines, vous proposez de moduler la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. La Cour des comptes toujours propose de réduire le taux d'abattement en cas de revente rapide des titres après la fin de l'engagement individuel ou à défaut d'allonger aussi la durée de l'engagement de conservation. Et le Conseil des prélèvements obligatoires plus récemment, préconise aussi un allongement de la durée d'engagement de deux ans pour bénéficier de l'exonération partielle. Ne pensez-vous pas qu'allonger la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions sans pour autant générer de recettes supplémentaires pour l'État ?

  • Isabelle Grenier

    Effectivement, l'allongement de la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions pour les héritiers ou les repreneurs qui pourraient être moins enclins à s'engager si la contrainte temporelle devient trop lourde. Un tel allongement risquerait de nuire surtout aux PME qui ont besoin de souplesse, qui doivent... parfois envisager des cessions de titres pour faire entrer des investisseurs. L'État n'en sortirait pas forcément gagnant, puisque s'il y a moins de transmission, il y a in fine moins de rentrées budgétaires. Par ailleurs, cela risquerait de fragiliser la compétitivité fiscale par rapport à nos voisins européens, sachant que la durée à l'heure actuelle de détention des titres est dans la moyenne des durées européennes.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors l'un des arguments rapportés à l'encontre du pacte Dutreil, c'est que la dépense fiscale de l'État serait majoritairement réservée aux grandes entreprises et pas vraiment au PME. D'ailleurs, le rapport de la Cour des comptes pointe que 65% de la dépense fiscale bénéficie à seulement 1% des donataires et héritiers. En outre, les grands groupes de plus de 5000 salariés représentent 19% de l'avantage fiscal alors qu'ils ne comptent que pour 1% des entreprises transmises sous pacte Dutreil. Comment expliquez-vous ces chiffres et qu'en pensez-vous ?

  • Isabelle Grenier

    Alors ces chiffres s'expliquent par le fait que le taux d'exonération de 75% est uniforme qu'il s'agisse d'une PME ou d'un groupe de plusieurs milliards. Or plus la valeur transmise va être élevée, plus l'avantage fiscal va être massif, d'où la concentration sur une minorité de bénéficiaires. Contrairement à certains dispositifs étrangers comme en Espagne et en Belgique, le pacte du train ne fixe pas de plafond d'exonération. Cela explique... pourquoi les transmissions de très grandes entreprises absorbent une part importante de la charge fiscale. Pour autant, quand on parle de sociétés stratégiques et de faire émerger des champions, notamment en matière d'intelligence artificielle, la question du plafonnement n'est forcément une bonne idée. Justement parce que ce sont des entreprises qui ont des fortes valorisations et qui pourraient donc, par le biais du plafonnement, ne pas pouvoir bénéficier de cette transmission familiale.

  • Angeline Doudoux

    Revenons aux PME qui étaient les cibles premières de la création du pacte Dutreil. On le sait, même si le dispositif s'est élargi depuis sa création, les conditions d'éligibilité restent très strictes. Est-ce que ces contraintes ne sont pas trop rigides pour s'adapter à la réalité économique des PME et quelles évolutions législatives seraient nécessaires selon vous ?

  • Isabelle Grenier

    Pour permettre au dispositif Dutreil de mieux cibler les PME familiales, la question de la durée de conservation des titres doit se poser. En effet, la réalité économique des PME, c'est qu'elles ont besoin de flexibilité. pour adapter leur capital, accueillir de nouveaux investisseurs, se restructurer, ce qui peut être compliqué avec un pacte du trait verrouillé. C'est la raison pour laquelle nous avions proposé dans notre rapport que la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans puisse faire l'objet d'une modulation sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte, lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. Bien évidemment, dans un objectif de ciblage, cette mesure... pourraient être destinées uniquement aux PME familiales. Le deuxième angle mort concernant les PME est celui de la complexité administrative. Ce régime de faveur est complexe sur le plan juridique et fiscal, ce qui pourrait nécessiter là encore un allégement administratif pour les entreprises de petite taille.

  • Angeline Doudoux

    Comment se situe la France justement par rapport à ses voisins européens en matière d'avantages fiscaux à la transmission d'entreprises ? Sommes-nous plus ou moins généreux que l'Allemagne par exemple que vous citez en exemple dans le rapport ?

  • Isabelle Grenier

    La plupart des pays européens ont des dispositifs d'exonération en cas de transmission familiale d'une entreprise. C'est le cas notamment de l'Espagne, de l'Italie, du Royaume-Uni, de la Belgique ou de l'Allemagne. S'agissant de l'Allemagne, la loi allemande prévoit deux possibilités d'exonération. Une première exonération qui est dite légale à hauteur de 80% et une seconde sur option à hauteur de 100% de l'assiette transmise. Comme en France, ce régime de faveur est accessible aux héritiers sous certaines conditions, et notamment une durée de conservation des titres, 5 ans en cas d'exonération à hauteur de 85% et 7 ans en cas d'exonération à hauteur de 100%. Il y a aussi des conditions de maintien de l'activité et de maintien des emplois. C'est toujours difficile de comparer des régimes, pour dire si on est plus ou moins généreux que l'Allemagne. Par exemple, le taux d'exonération est plus important en Allemagne. puisqu'on est à hauteur de 85 voire 100% de l'assiette transmise, donc il n'y a potentiellement pas de droit à payer. Mais les conditions, même si la durée de détention 5 et 7 ans se rapproche à celle de 6 ans qui est appliquée dans le pacte d'Utreil, il y a des conditions de maintien de l'emploi qui n'existent pas par exemple dans notre dispositif français.

  • Angeline Doudoux

    Alors justement, en parlant des autres pays européens, On pourrait aussi rebondir sur la notion de concurrence européenne que vous évoquez dans votre rapport. Est-ce que la France est en train de perdre des transmissions d'entreprises au profit d'autres pays fiscalement plus attractifs ou différents ?

  • Isabelle Grenier

    Pour l'instant, non, parce que nous avons ce dispositif Dutreil qui se situe dans la moyenne, comme on l'a vu, des pays européens. Mais par contre, il ne faut pas oublier que, là encore, les grands groupes ont la possibilité finalement de se délocaliser. Et d'ailleurs, il y a eu un gros mouvement de délocalisation et d'estimation des Pays-Bas, des holdings, de certaines holdings de grands groupes, ce qui bien évidemment a un impact sur les recettes fiscales françaises, d'où la nécessité de préserver un dispositif tel que le pacte du Treil.

  • Angeline Doudoux

    Alors votre rapport insiste aussi sur la nécessité de stabiliser le pacte Dutreil, et donc stabiliser, je cite le rapport, est-ce que ça signifie que les évolutions législatives qui ont été apportées au pacte Dutreil depuis sa création ont créé de l'instabilité, et pourquoi ?

  • Isabelle Grenier

    En effet, depuis sa création en 2003, le pacte Dutreil a connu des évolutions législatives plutôt favorables, visant à étendre et à assouplir le dispositif. Par exemple, la réduction de la détention collective des titres, ou encore l'inclusion des holdings animatrices. dans le dispositif. Toutefois, depuis quelques années, chaque débat budgétaire est l'occasion d'une remise en cause des contours du pacte Dutreil. C'est d'ailleurs ce qui explique en partie l'augmentation de la charge fiscale induite par le dispositif Dutreil qui est liée en fait à une crainte du resserrement du dispositif. Aujourd'hui, quels que soient les ajustements envisagés, l'important pour nous, il nous semble, c'est de stabiliser ce dispositif dans le temps et d'en mesurer les effets à l'échéance.

  • Angeline Doudoux

    Si on s'éloigne un petit peu du... pacte Dutreil, quels sont les autres dispositifs d'incitation qui existent dans le cadre de cessions à titre onéreux et qui pourraient favoriser la transmission des entreprises ? Et pourquoi certains de ces dispositifs que vous évoquez dans le rapport sont si peu utilisés ? On peut penser par exemple au paiement différé et fractionné, dont parle le rapport de la Cour des comptes, et celui du Conseil des prélèvements obligatoires, dispositif qui est aujourd'hui très peu utilisé.

  • Isabelle Grenier

    En dehors du pacte Dutreil, il existe plusieurs dispositifs fiscaux, effectivement, pour faciliter la transmission d'entreprises. notamment le paiement différé et fractionné des droits, l'abattement pour le départ à la retraite ou encore les exonérations partielles de plus-value. S'agissant de l'exemple que vous citez du paiement différé et fractionné des droits, ce dispositif nécessite la constitution de garantie, hypothèque, conscience bancaire, nantissement, ce qui peut expliquer en partie le fait qu'il soit peu usité, mais aussi parce qu'il n'allège pas la charge fiscale liée à la transmission, qui peut s'avérer extrêmement importante en fonction de la valeur de l'entreprise. Pensez qu'un paiement fractionné ou différé, le différement d'un paiement, c'est juste le report dans le temps. Le fractionnement, c'est l'étalement de ce paiement. Mais encore faut-il pouvoir rembourser les échéances, ce qui ne peut pas être le cas si la valeur de l'entreprise est très importante. C'est en partie ce qui explique que ce dispositif soit peu hésité. S'agissant de l'abattement pour départ à la retraite, pour bénéficier de l'exonération parcelle de la plus-value, le cédant doit cesser toute fonction au sein de l'entreprise ou de la société. dans les 24 mois. précédant ou suivant la cession des droits au départ. Cependant, on sait très bien qu'une des clés d'une transmission réussie, c'est celle de l'anticipation. Or, ce délai de 24 mois est très bref et peut être dissuasif pour anticiper la transmission de son entreprise. Donc, ce dispositif est utilisé, mais là encore, il est peu efficient par rapport aux besoins finalement d'anticipation de la transmission d'une entreprise pour qu'elle soit réussie.

  • Angeline Doudoux

    Isabelle Grenier, merci beaucoup.

  • Isabelle Grenier

    Merci à vous.

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En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l'Economie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission-reprise. Cette mission avait pour objectif d’agir en faveur de la reprise d’entreprise, partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la commission Droit et Entreprise du Conseil national des barreaux a été associé à ces réflexions. L'occasion d'interroger Isabelle Grenier, Présidente de la commission Droit et entreprises au CNB.


Préparé et animé par : Isabelle GRENIER, avocate, présidente de la commission Droit et entreprises au Conseil national des barreaux et Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz

Réalisé par : Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Angeline Doudoux

    Lefebvre Dalloz décode avec le Conseil National des Barreaux, le pacte Dutreil. En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission reprise. Cette mission avait pour objectif d'agir en faveur de la reprise d'entreprises partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la Commission droit et entreprise du Conseil national des barreaux a été associée à ces réflexions. A la suite, un rapport a été publié en octobre dernier. C'est à l'occasion de cette publication que j'ai le plaisir d'interroger Isabelle Grenier, présidente de la commission Droits et Entreprises au CNB. Bonjour Isabelle.

  • Isabelle Grenier

    Bonjour.

  • Angeline Doudoux

    Alors Isabelle, en novembre dernier, la Cour des comptes a publié un rapport d'évaluation du pacte Dutreil, un rapport qui recommande notamment, je cite, d'atteindre un meilleur équilibre entre avantage fiscal consenti et efficacité économique du dispositif, sans occulter le fait que nos entreprises naviguent dans un environnement concurrentiel international. Alors, lorsqu'on promeut le pacte d'Utreil, on invoque notamment la nécessité de conserver nos entreprises françaises au regard justement de cette concurrence internationale. Or, dans le rapport de la Cour des comptes, on apprend que pour la période 2018-2024, les entreprises industrielles ne représentent que 13% des transmissions. Et à ce sujet, la Cour des comptes recommande donc de fixer un taux d'abattement moins élevé pour les entreprises qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Partagez-vous cette idée et faut-il recentrer le Dutreil sur les secteurs exposés à la concurrence internationale et stratégique pour la souveraineté économique ?

  • Isabelle Grenier

    Le recentrage évoqué du dispositif Dutreil sur les seules entreprises des secteurs exposés à la concurrence internationale et des secteurs stratégiques pour la souveraineté économique soulève un certain nombre de questions. D'abord sur le périmètre de ce recentrage. Par exemple, l'agriculture pourrait être citée. En effet, l'agriculture, ça peut être considéré à la fois comme un secteur stratégique, puisque lié à la souveraineté alimentaire, et comme un secteur exposé à la concurrence internationale, laquelle est parfois qualifiée de déloyale au regard des normes différenciées qui s'appliquent aux produits agricoles français et étrangers. On le voit avec le Mercosur, il y a des produits étrangers qui viennent. Et ça peut être aussi considéré comme des secteurs stratégiques. La question que ça soulève, c'est le principe d'égalité devant l'impôt qui pourrait être remis en cause si certaines entreprises bénéficiaient d'un abattement fort et d'autres non, sur la base de critères qui seraient flous, exposés à concurrence internationale, stratégiques. Il n'y a pas véritablement de définition derrière. En outre, cela pourrait générer des contentieux, une instabilité juridique, nuisible à la confiance des entrepreneurs. Il y a aussi un risque d'exclusion des PDME locales qui ne sont pas stratégiques au sens de la souveraineté, mais qui sont pourtant essentielles. à l'emploi local et à la vitalité des territoires. Il ne faut pas oublier que le pacte du trait, ce n'est pas seulement un outil de compétitivité, il vise aussi à faciliter la transmission familiale et à éviter la vente forcée d'entreprises pour payer les droits de succession. Restreindre ce dispositif au seul secteur exposé reviendrait à nier cette dimension sociale et patrimoniale qui était pourtant au cœur du texte à l'origine. Donc évidemment, à titre personnel, je ne partage pas cette idée.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors dans votre rapport publié il y a quelques semaines, vous proposez de moduler la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. La Cour des comptes toujours propose de réduire le taux d'abattement en cas de revente rapide des titres après la fin de l'engagement individuel ou à défaut d'allonger aussi la durée de l'engagement de conservation. Et le Conseil des prélèvements obligatoires plus récemment, préconise aussi un allongement de la durée d'engagement de deux ans pour bénéficier de l'exonération partielle. Ne pensez-vous pas qu'allonger la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions sans pour autant générer de recettes supplémentaires pour l'État ?

  • Isabelle Grenier

    Effectivement, l'allongement de la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions pour les héritiers ou les repreneurs qui pourraient être moins enclins à s'engager si la contrainte temporelle devient trop lourde. Un tel allongement risquerait de nuire surtout aux PME qui ont besoin de souplesse, qui doivent... parfois envisager des cessions de titres pour faire entrer des investisseurs. L'État n'en sortirait pas forcément gagnant, puisque s'il y a moins de transmission, il y a in fine moins de rentrées budgétaires. Par ailleurs, cela risquerait de fragiliser la compétitivité fiscale par rapport à nos voisins européens, sachant que la durée à l'heure actuelle de détention des titres est dans la moyenne des durées européennes.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors l'un des arguments rapportés à l'encontre du pacte Dutreil, c'est que la dépense fiscale de l'État serait majoritairement réservée aux grandes entreprises et pas vraiment au PME. D'ailleurs, le rapport de la Cour des comptes pointe que 65% de la dépense fiscale bénéficie à seulement 1% des donataires et héritiers. En outre, les grands groupes de plus de 5000 salariés représentent 19% de l'avantage fiscal alors qu'ils ne comptent que pour 1% des entreprises transmises sous pacte Dutreil. Comment expliquez-vous ces chiffres et qu'en pensez-vous ?

  • Isabelle Grenier

    Alors ces chiffres s'expliquent par le fait que le taux d'exonération de 75% est uniforme qu'il s'agisse d'une PME ou d'un groupe de plusieurs milliards. Or plus la valeur transmise va être élevée, plus l'avantage fiscal va être massif, d'où la concentration sur une minorité de bénéficiaires. Contrairement à certains dispositifs étrangers comme en Espagne et en Belgique, le pacte du train ne fixe pas de plafond d'exonération. Cela explique... pourquoi les transmissions de très grandes entreprises absorbent une part importante de la charge fiscale. Pour autant, quand on parle de sociétés stratégiques et de faire émerger des champions, notamment en matière d'intelligence artificielle, la question du plafonnement n'est forcément une bonne idée. Justement parce que ce sont des entreprises qui ont des fortes valorisations et qui pourraient donc, par le biais du plafonnement, ne pas pouvoir bénéficier de cette transmission familiale.

  • Angeline Doudoux

    Revenons aux PME qui étaient les cibles premières de la création du pacte Dutreil. On le sait, même si le dispositif s'est élargi depuis sa création, les conditions d'éligibilité restent très strictes. Est-ce que ces contraintes ne sont pas trop rigides pour s'adapter à la réalité économique des PME et quelles évolutions législatives seraient nécessaires selon vous ?

  • Isabelle Grenier

    Pour permettre au dispositif Dutreil de mieux cibler les PME familiales, la question de la durée de conservation des titres doit se poser. En effet, la réalité économique des PME, c'est qu'elles ont besoin de flexibilité. pour adapter leur capital, accueillir de nouveaux investisseurs, se restructurer, ce qui peut être compliqué avec un pacte du trait verrouillé. C'est la raison pour laquelle nous avions proposé dans notre rapport que la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans puisse faire l'objet d'une modulation sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte, lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. Bien évidemment, dans un objectif de ciblage, cette mesure... pourraient être destinées uniquement aux PME familiales. Le deuxième angle mort concernant les PME est celui de la complexité administrative. Ce régime de faveur est complexe sur le plan juridique et fiscal, ce qui pourrait nécessiter là encore un allégement administratif pour les entreprises de petite taille.

  • Angeline Doudoux

    Comment se situe la France justement par rapport à ses voisins européens en matière d'avantages fiscaux à la transmission d'entreprises ? Sommes-nous plus ou moins généreux que l'Allemagne par exemple que vous citez en exemple dans le rapport ?

  • Isabelle Grenier

    La plupart des pays européens ont des dispositifs d'exonération en cas de transmission familiale d'une entreprise. C'est le cas notamment de l'Espagne, de l'Italie, du Royaume-Uni, de la Belgique ou de l'Allemagne. S'agissant de l'Allemagne, la loi allemande prévoit deux possibilités d'exonération. Une première exonération qui est dite légale à hauteur de 80% et une seconde sur option à hauteur de 100% de l'assiette transmise. Comme en France, ce régime de faveur est accessible aux héritiers sous certaines conditions, et notamment une durée de conservation des titres, 5 ans en cas d'exonération à hauteur de 85% et 7 ans en cas d'exonération à hauteur de 100%. Il y a aussi des conditions de maintien de l'activité et de maintien des emplois. C'est toujours difficile de comparer des régimes, pour dire si on est plus ou moins généreux que l'Allemagne. Par exemple, le taux d'exonération est plus important en Allemagne. puisqu'on est à hauteur de 85 voire 100% de l'assiette transmise, donc il n'y a potentiellement pas de droit à payer. Mais les conditions, même si la durée de détention 5 et 7 ans se rapproche à celle de 6 ans qui est appliquée dans le pacte d'Utreil, il y a des conditions de maintien de l'emploi qui n'existent pas par exemple dans notre dispositif français.

  • Angeline Doudoux

    Alors justement, en parlant des autres pays européens, On pourrait aussi rebondir sur la notion de concurrence européenne que vous évoquez dans votre rapport. Est-ce que la France est en train de perdre des transmissions d'entreprises au profit d'autres pays fiscalement plus attractifs ou différents ?

  • Isabelle Grenier

    Pour l'instant, non, parce que nous avons ce dispositif Dutreil qui se situe dans la moyenne, comme on l'a vu, des pays européens. Mais par contre, il ne faut pas oublier que, là encore, les grands groupes ont la possibilité finalement de se délocaliser. Et d'ailleurs, il y a eu un gros mouvement de délocalisation et d'estimation des Pays-Bas, des holdings, de certaines holdings de grands groupes, ce qui bien évidemment a un impact sur les recettes fiscales françaises, d'où la nécessité de préserver un dispositif tel que le pacte du Treil.

  • Angeline Doudoux

    Alors votre rapport insiste aussi sur la nécessité de stabiliser le pacte Dutreil, et donc stabiliser, je cite le rapport, est-ce que ça signifie que les évolutions législatives qui ont été apportées au pacte Dutreil depuis sa création ont créé de l'instabilité, et pourquoi ?

  • Isabelle Grenier

    En effet, depuis sa création en 2003, le pacte Dutreil a connu des évolutions législatives plutôt favorables, visant à étendre et à assouplir le dispositif. Par exemple, la réduction de la détention collective des titres, ou encore l'inclusion des holdings animatrices. dans le dispositif. Toutefois, depuis quelques années, chaque débat budgétaire est l'occasion d'une remise en cause des contours du pacte Dutreil. C'est d'ailleurs ce qui explique en partie l'augmentation de la charge fiscale induite par le dispositif Dutreil qui est liée en fait à une crainte du resserrement du dispositif. Aujourd'hui, quels que soient les ajustements envisagés, l'important pour nous, il nous semble, c'est de stabiliser ce dispositif dans le temps et d'en mesurer les effets à l'échéance.

  • Angeline Doudoux

    Si on s'éloigne un petit peu du... pacte Dutreil, quels sont les autres dispositifs d'incitation qui existent dans le cadre de cessions à titre onéreux et qui pourraient favoriser la transmission des entreprises ? Et pourquoi certains de ces dispositifs que vous évoquez dans le rapport sont si peu utilisés ? On peut penser par exemple au paiement différé et fractionné, dont parle le rapport de la Cour des comptes, et celui du Conseil des prélèvements obligatoires, dispositif qui est aujourd'hui très peu utilisé.

  • Isabelle Grenier

    En dehors du pacte Dutreil, il existe plusieurs dispositifs fiscaux, effectivement, pour faciliter la transmission d'entreprises. notamment le paiement différé et fractionné des droits, l'abattement pour le départ à la retraite ou encore les exonérations partielles de plus-value. S'agissant de l'exemple que vous citez du paiement différé et fractionné des droits, ce dispositif nécessite la constitution de garantie, hypothèque, conscience bancaire, nantissement, ce qui peut expliquer en partie le fait qu'il soit peu usité, mais aussi parce qu'il n'allège pas la charge fiscale liée à la transmission, qui peut s'avérer extrêmement importante en fonction de la valeur de l'entreprise. Pensez qu'un paiement fractionné ou différé, le différement d'un paiement, c'est juste le report dans le temps. Le fractionnement, c'est l'étalement de ce paiement. Mais encore faut-il pouvoir rembourser les échéances, ce qui ne peut pas être le cas si la valeur de l'entreprise est très importante. C'est en partie ce qui explique que ce dispositif soit peu hésité. S'agissant de l'abattement pour départ à la retraite, pour bénéficier de l'exonération parcelle de la plus-value, le cédant doit cesser toute fonction au sein de l'entreprise ou de la société. dans les 24 mois. précédant ou suivant la cession des droits au départ. Cependant, on sait très bien qu'une des clés d'une transmission réussie, c'est celle de l'anticipation. Or, ce délai de 24 mois est très bref et peut être dissuasif pour anticiper la transmission de son entreprise. Donc, ce dispositif est utilisé, mais là encore, il est peu efficient par rapport aux besoins finalement d'anticipation de la transmission d'une entreprise pour qu'elle soit réussie.

  • Angeline Doudoux

    Isabelle Grenier, merci beaucoup.

  • Isabelle Grenier

    Merci à vous.

Description

En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l'Economie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission-reprise. Cette mission avait pour objectif d’agir en faveur de la reprise d’entreprise, partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la commission Droit et Entreprise du Conseil national des barreaux a été associé à ces réflexions. L'occasion d'interroger Isabelle Grenier, Présidente de la commission Droit et entreprises au CNB.


Préparé et animé par : Isabelle GRENIER, avocate, présidente de la commission Droit et entreprises au Conseil national des barreaux et Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz

Réalisé par : Angeline DOUDOUX, journaliste, Lefebvre Dalloz


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Angeline Doudoux

    Lefebvre Dalloz décode avec le Conseil National des Barreaux, le pacte Dutreil. En juillet 2025, Véronique Louwagie, ministre déléguée chargée du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises et de l'économie sociale et solidaire, a lancé une mission dédiée à la transmission reprise. Cette mission avait pour objectif d'agir en faveur de la reprise d'entreprises partout en France, en levant les freins existants et en proposant des solutions concrètes. Quatre groupes de travail ont été créés et la Commission droit et entreprise du Conseil national des barreaux a été associée à ces réflexions. A la suite, un rapport a été publié en octobre dernier. C'est à l'occasion de cette publication que j'ai le plaisir d'interroger Isabelle Grenier, présidente de la commission Droits et Entreprises au CNB. Bonjour Isabelle.

  • Isabelle Grenier

    Bonjour.

  • Angeline Doudoux

    Alors Isabelle, en novembre dernier, la Cour des comptes a publié un rapport d'évaluation du pacte Dutreil, un rapport qui recommande notamment, je cite, d'atteindre un meilleur équilibre entre avantage fiscal consenti et efficacité économique du dispositif, sans occulter le fait que nos entreprises naviguent dans un environnement concurrentiel international. Alors, lorsqu'on promeut le pacte d'Utreil, on invoque notamment la nécessité de conserver nos entreprises françaises au regard justement de cette concurrence internationale. Or, dans le rapport de la Cour des comptes, on apprend que pour la période 2018-2024, les entreprises industrielles ne représentent que 13% des transmissions. Et à ce sujet, la Cour des comptes recommande donc de fixer un taux d'abattement moins élevé pour les entreprises qui ne sont pas exposées à la concurrence internationale. Partagez-vous cette idée et faut-il recentrer le Dutreil sur les secteurs exposés à la concurrence internationale et stratégique pour la souveraineté économique ?

  • Isabelle Grenier

    Le recentrage évoqué du dispositif Dutreil sur les seules entreprises des secteurs exposés à la concurrence internationale et des secteurs stratégiques pour la souveraineté économique soulève un certain nombre de questions. D'abord sur le périmètre de ce recentrage. Par exemple, l'agriculture pourrait être citée. En effet, l'agriculture, ça peut être considéré à la fois comme un secteur stratégique, puisque lié à la souveraineté alimentaire, et comme un secteur exposé à la concurrence internationale, laquelle est parfois qualifiée de déloyale au regard des normes différenciées qui s'appliquent aux produits agricoles français et étrangers. On le voit avec le Mercosur, il y a des produits étrangers qui viennent. Et ça peut être aussi considéré comme des secteurs stratégiques. La question que ça soulève, c'est le principe d'égalité devant l'impôt qui pourrait être remis en cause si certaines entreprises bénéficiaient d'un abattement fort et d'autres non, sur la base de critères qui seraient flous, exposés à concurrence internationale, stratégiques. Il n'y a pas véritablement de définition derrière. En outre, cela pourrait générer des contentieux, une instabilité juridique, nuisible à la confiance des entrepreneurs. Il y a aussi un risque d'exclusion des PDME locales qui ne sont pas stratégiques au sens de la souveraineté, mais qui sont pourtant essentielles. à l'emploi local et à la vitalité des territoires. Il ne faut pas oublier que le pacte du trait, ce n'est pas seulement un outil de compétitivité, il vise aussi à faciliter la transmission familiale et à éviter la vente forcée d'entreprises pour payer les droits de succession. Restreindre ce dispositif au seul secteur exposé reviendrait à nier cette dimension sociale et patrimoniale qui était pourtant au cœur du texte à l'origine. Donc évidemment, à titre personnel, je ne partage pas cette idée.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors dans votre rapport publié il y a quelques semaines, vous proposez de moduler la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. La Cour des comptes toujours propose de réduire le taux d'abattement en cas de revente rapide des titres après la fin de l'engagement individuel ou à défaut d'allonger aussi la durée de l'engagement de conservation. Et le Conseil des prélèvements obligatoires plus récemment, préconise aussi un allongement de la durée d'engagement de deux ans pour bénéficier de l'exonération partielle. Ne pensez-vous pas qu'allonger la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions sans pour autant générer de recettes supplémentaires pour l'État ?

  • Isabelle Grenier

    Effectivement, l'allongement de la durée de conservation des titres pourrait décourager les transmissions pour les héritiers ou les repreneurs qui pourraient être moins enclins à s'engager si la contrainte temporelle devient trop lourde. Un tel allongement risquerait de nuire surtout aux PME qui ont besoin de souplesse, qui doivent... parfois envisager des cessions de titres pour faire entrer des investisseurs. L'État n'en sortirait pas forcément gagnant, puisque s'il y a moins de transmission, il y a in fine moins de rentrées budgétaires. Par ailleurs, cela risquerait de fragiliser la compétitivité fiscale par rapport à nos voisins européens, sachant que la durée à l'heure actuelle de détention des titres est dans la moyenne des durées européennes.

  • Angeline Doudoux

    Très bien, alors l'un des arguments rapportés à l'encontre du pacte Dutreil, c'est que la dépense fiscale de l'État serait majoritairement réservée aux grandes entreprises et pas vraiment au PME. D'ailleurs, le rapport de la Cour des comptes pointe que 65% de la dépense fiscale bénéficie à seulement 1% des donataires et héritiers. En outre, les grands groupes de plus de 5000 salariés représentent 19% de l'avantage fiscal alors qu'ils ne comptent que pour 1% des entreprises transmises sous pacte Dutreil. Comment expliquez-vous ces chiffres et qu'en pensez-vous ?

  • Isabelle Grenier

    Alors ces chiffres s'expliquent par le fait que le taux d'exonération de 75% est uniforme qu'il s'agisse d'une PME ou d'un groupe de plusieurs milliards. Or plus la valeur transmise va être élevée, plus l'avantage fiscal va être massif, d'où la concentration sur une minorité de bénéficiaires. Contrairement à certains dispositifs étrangers comme en Espagne et en Belgique, le pacte du train ne fixe pas de plafond d'exonération. Cela explique... pourquoi les transmissions de très grandes entreprises absorbent une part importante de la charge fiscale. Pour autant, quand on parle de sociétés stratégiques et de faire émerger des champions, notamment en matière d'intelligence artificielle, la question du plafonnement n'est forcément une bonne idée. Justement parce que ce sont des entreprises qui ont des fortes valorisations et qui pourraient donc, par le biais du plafonnement, ne pas pouvoir bénéficier de cette transmission familiale.

  • Angeline Doudoux

    Revenons aux PME qui étaient les cibles premières de la création du pacte Dutreil. On le sait, même si le dispositif s'est élargi depuis sa création, les conditions d'éligibilité restent très strictes. Est-ce que ces contraintes ne sont pas trop rigides pour s'adapter à la réalité économique des PME et quelles évolutions législatives seraient nécessaires selon vous ?

  • Isabelle Grenier

    Pour permettre au dispositif Dutreil de mieux cibler les PME familiales, la question de la durée de conservation des titres doit se poser. En effet, la réalité économique des PME, c'est qu'elles ont besoin de flexibilité. pour adapter leur capital, accueillir de nouveaux investisseurs, se restructurer, ce qui peut être compliqué avec un pacte du trait verrouillé. C'est la raison pour laquelle nous avions proposé dans notre rapport que la période d'engagement individuel de conservation de 4 ans puisse faire l'objet d'une modulation sans remise en cause de l'exonération pour l'ensemble des personnes parties au pacte, lorsque l'une des personnes parties au pacte cède ses titres à un tiers. Bien évidemment, dans un objectif de ciblage, cette mesure... pourraient être destinées uniquement aux PME familiales. Le deuxième angle mort concernant les PME est celui de la complexité administrative. Ce régime de faveur est complexe sur le plan juridique et fiscal, ce qui pourrait nécessiter là encore un allégement administratif pour les entreprises de petite taille.

  • Angeline Doudoux

    Comment se situe la France justement par rapport à ses voisins européens en matière d'avantages fiscaux à la transmission d'entreprises ? Sommes-nous plus ou moins généreux que l'Allemagne par exemple que vous citez en exemple dans le rapport ?

  • Isabelle Grenier

    La plupart des pays européens ont des dispositifs d'exonération en cas de transmission familiale d'une entreprise. C'est le cas notamment de l'Espagne, de l'Italie, du Royaume-Uni, de la Belgique ou de l'Allemagne. S'agissant de l'Allemagne, la loi allemande prévoit deux possibilités d'exonération. Une première exonération qui est dite légale à hauteur de 80% et une seconde sur option à hauteur de 100% de l'assiette transmise. Comme en France, ce régime de faveur est accessible aux héritiers sous certaines conditions, et notamment une durée de conservation des titres, 5 ans en cas d'exonération à hauteur de 85% et 7 ans en cas d'exonération à hauteur de 100%. Il y a aussi des conditions de maintien de l'activité et de maintien des emplois. C'est toujours difficile de comparer des régimes, pour dire si on est plus ou moins généreux que l'Allemagne. Par exemple, le taux d'exonération est plus important en Allemagne. puisqu'on est à hauteur de 85 voire 100% de l'assiette transmise, donc il n'y a potentiellement pas de droit à payer. Mais les conditions, même si la durée de détention 5 et 7 ans se rapproche à celle de 6 ans qui est appliquée dans le pacte d'Utreil, il y a des conditions de maintien de l'emploi qui n'existent pas par exemple dans notre dispositif français.

  • Angeline Doudoux

    Alors justement, en parlant des autres pays européens, On pourrait aussi rebondir sur la notion de concurrence européenne que vous évoquez dans votre rapport. Est-ce que la France est en train de perdre des transmissions d'entreprises au profit d'autres pays fiscalement plus attractifs ou différents ?

  • Isabelle Grenier

    Pour l'instant, non, parce que nous avons ce dispositif Dutreil qui se situe dans la moyenne, comme on l'a vu, des pays européens. Mais par contre, il ne faut pas oublier que, là encore, les grands groupes ont la possibilité finalement de se délocaliser. Et d'ailleurs, il y a eu un gros mouvement de délocalisation et d'estimation des Pays-Bas, des holdings, de certaines holdings de grands groupes, ce qui bien évidemment a un impact sur les recettes fiscales françaises, d'où la nécessité de préserver un dispositif tel que le pacte du Treil.

  • Angeline Doudoux

    Alors votre rapport insiste aussi sur la nécessité de stabiliser le pacte Dutreil, et donc stabiliser, je cite le rapport, est-ce que ça signifie que les évolutions législatives qui ont été apportées au pacte Dutreil depuis sa création ont créé de l'instabilité, et pourquoi ?

  • Isabelle Grenier

    En effet, depuis sa création en 2003, le pacte Dutreil a connu des évolutions législatives plutôt favorables, visant à étendre et à assouplir le dispositif. Par exemple, la réduction de la détention collective des titres, ou encore l'inclusion des holdings animatrices. dans le dispositif. Toutefois, depuis quelques années, chaque débat budgétaire est l'occasion d'une remise en cause des contours du pacte Dutreil. C'est d'ailleurs ce qui explique en partie l'augmentation de la charge fiscale induite par le dispositif Dutreil qui est liée en fait à une crainte du resserrement du dispositif. Aujourd'hui, quels que soient les ajustements envisagés, l'important pour nous, il nous semble, c'est de stabiliser ce dispositif dans le temps et d'en mesurer les effets à l'échéance.

  • Angeline Doudoux

    Si on s'éloigne un petit peu du... pacte Dutreil, quels sont les autres dispositifs d'incitation qui existent dans le cadre de cessions à titre onéreux et qui pourraient favoriser la transmission des entreprises ? Et pourquoi certains de ces dispositifs que vous évoquez dans le rapport sont si peu utilisés ? On peut penser par exemple au paiement différé et fractionné, dont parle le rapport de la Cour des comptes, et celui du Conseil des prélèvements obligatoires, dispositif qui est aujourd'hui très peu utilisé.

  • Isabelle Grenier

    En dehors du pacte Dutreil, il existe plusieurs dispositifs fiscaux, effectivement, pour faciliter la transmission d'entreprises. notamment le paiement différé et fractionné des droits, l'abattement pour le départ à la retraite ou encore les exonérations partielles de plus-value. S'agissant de l'exemple que vous citez du paiement différé et fractionné des droits, ce dispositif nécessite la constitution de garantie, hypothèque, conscience bancaire, nantissement, ce qui peut expliquer en partie le fait qu'il soit peu usité, mais aussi parce qu'il n'allège pas la charge fiscale liée à la transmission, qui peut s'avérer extrêmement importante en fonction de la valeur de l'entreprise. Pensez qu'un paiement fractionné ou différé, le différement d'un paiement, c'est juste le report dans le temps. Le fractionnement, c'est l'étalement de ce paiement. Mais encore faut-il pouvoir rembourser les échéances, ce qui ne peut pas être le cas si la valeur de l'entreprise est très importante. C'est en partie ce qui explique que ce dispositif soit peu hésité. S'agissant de l'abattement pour départ à la retraite, pour bénéficier de l'exonération parcelle de la plus-value, le cédant doit cesser toute fonction au sein de l'entreprise ou de la société. dans les 24 mois. précédant ou suivant la cession des droits au départ. Cependant, on sait très bien qu'une des clés d'une transmission réussie, c'est celle de l'anticipation. Or, ce délai de 24 mois est très bref et peut être dissuasif pour anticiper la transmission de son entreprise. Donc, ce dispositif est utilisé, mais là encore, il est peu efficient par rapport aux besoins finalement d'anticipation de la transmission d'une entreprise pour qu'elle soit réussie.

  • Angeline Doudoux

    Isabelle Grenier, merci beaucoup.

  • Isabelle Grenier

    Merci à vous.

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