- Speaker #0
Les sages, c'est avant tout une histoire personnelle. Je m'appelle Nicolas Jeanne et j'entreprends depuis que j'ai 19 ans. Sur ce chemin, j'ai eu la chance d'en rencontrer des personnes que j'appelle les sages. Vous savez, ce sont ceux qui, d'un conseil bienveillant, peuvent changer votre journée, votre projet, votre vie. Souvent des personnes avec qui il y a un avant et un après. A mes yeux, ce sont des leaders authentiques, mais surtout des leaders humanistes. C'est assez important pour moi. Ceux qui vont vous faire grandir sans s'en rendre compte. Plus que n'importe quel livre ou cours, des témoignages qui viennent du cœur et de la réalité. Et surtout du cœur. Aujourd'hui, je vous propose de partir à leur rencontre dans un format inédit et négocié avec eux. Un format où l'on se dira tout, naturellement, et aucune question ou anecdote sera interdite. Ça, vous avez ma parole. Un format axé sur leur activité, bien sûr, mais qui, évidemment, dérivera vers la vie, la société et les émotions. Mon but, c'est clairement de mettre en valeur l'aspect humain de ces personnalités qui me paraissent exceptionnelles et de casser la carapace. Casser la carapace, vous le sentez, c'est pas un mot par hasard. Pourquoi ? Parce que je pense que ça va vous permettre d'app... prendre sur les plus grands leaders et leaderuses qui ont bâti et bâtissent la société. La France est une terre bourrée de talents et de leaders et nous allons en leur en parler. Bon voyage avec les sages. Anthony Roux a créé une vraie Madeleine de Proust chez beaucoup de personnes. Cette Madeleine de Proust s'appelle Dofus. Si vous ne connaissez pas Dofus, c'est un jeu en ligne légendaire qui a marqué toute une génération. C'est aussi une histoire d'une petite équipe de passionnés dans le nord de la France à Roubaix. qui monte à 400 personnes en quelques années et fait toutes les conneries possibles. L'histoire d'un gars visionnaire qui, après 24 ans et de nombreuses tempêtes, est toujours à la tête d'Ankama, une entreprise référente dans le monde de la création et du divertissement. Car après Dofus, le jeu vidéo, Anthony et sa bande ont créé des bandes dessinées, des dessins animés et même un film, disponible sur Netflix. Anthony a su garder ses valeurs de samouraï. Allez, on y va avec Anthony.
- Speaker #1
Bonjour Anthony.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #1
Et merci d'avoir accepté notre invitation dans les sages, comment tu vas ?
- Speaker #2
Moi ça va très bien, petite crève là, mais bon à part ça, ça roule.
- Speaker #1
Début d'automne ?
- Speaker #2
Début d'automne, oui. Les enfants, quand t'as des enfants qui vont à la crèche, tu récupères tout derrière, tu brasses.
- Speaker #1
Forcément. Est-ce que pour commencer je peux te demander de te présenter en quelques phrases ?
- Speaker #2
Oui, je m'appelle Anthony Roux, donc mon pseudonyme c'est Thoth. Je suis dans le domaine de la création et dans le domaine de la création on a tous des pseudos. Pseudo que je traîne depuis maintenant plus de 30 ans même. C'est assez marrant, c'est des copains dans mon enfance ou adolescence qui m'ont donné. Je suis le créateur, un des créateurs d'Ankama et notamment du jeu Dofus, qui est le projet le plus connu qu'on ait créé.
- Speaker #1
Dofus ou Dofus ?
- Speaker #2
Dofus pour moi et Dofus pour les autres. Tout le monde dit Dofus, c'est vrai. Et en fait je suis aussi le président de Ankama, c'est une société qui est basée à Roubaix, dans laquelle on travaille. Je pense qu'on est 250 collègues, donc voilà pour la faire courte.
- Speaker #1
Ok, et donc aujourd'hui on est à Roubaix, dans le loco historique d'Ankama.
- Speaker #2
Et t'as vu, il y a du soleil.
- Speaker #1
Ouais. C'est vrai que le seuil s'est levé.
- Speaker #2
Pour les mauvaises langues.
- Speaker #1
Et donc, tu es originaire du nord de la France, c'est ça ?
- Speaker #2
Moi, je viens de la côte d'Opale. J'ai grandi du côté du Touquet, c'était de la plage, Cuc, Trépied. Je faisais les marchés avec mes parents là-bas. Ok,
- Speaker #1
et tes parents, du coup, faisaient les marchés, c'était quoi le week-end, la semaine ?
- Speaker #2
Ouais, tout le temps, sauf le lundi. Donc, c'était samedi, dimanche, mercredi, mon père à la Rungis. On vendait des fleurs et des fruits et légumes.
- Speaker #1
Ok, donc famille de commerçants, c'est là que tu as commencé à... Tu as appris un peu déjà l'entrepreneuriat à cette époque ou tu as appris autre chose ?
- Speaker #2
Complètement, mon père me laissait à 10 ans, il me laissait tout seul sur les marchés, donc ça te forge. Tu apprends à... Surtout quand tu dois faire des bouquets, tu apprends à te débrouiller, pas te faire rouler. à développer un caractère quand même, parce que sinon c'est compliqué.
- Speaker #1
Ouais, tu t'es marché dessus.
- Speaker #2
Ouais, et dans ma famille c'était comme ça, tout le monde était un peu traité de la même façon. Enfin traité, bien traité, c'était génial. Et j'avais un petit bonus, j'avais une petite prime quand je revenais du marché avec une jolie recette. Ok,
- Speaker #1
c'était ton argent de poche.
- Speaker #2
C'est mon argent de poche, je pouvais m'acheter des comics.
- Speaker #1
C'est ce que j'allais te demander, t'achetais quoi avec ?
- Speaker #2
Des comics.
- Speaker #1
Ok, et à côté de ça, tu étais scolaire ou pas trop ?
- Speaker #2
Non, je pense que je fais partie de ces gamins qui ont répété beaucoup tu ne feras jamais rien dans ta vie Donc ça, je l'ai entendu mille fois. Je n'étais pas phobique de l'école, mais ça me saoulait.
- Speaker #1
Tu t'es embêté ? Ah ouais,
- Speaker #2
c'était terrible. Heureusement, il y avait des copains. Je veux dire, quand tu fais les marchés avec tes parents, et que tu vis à 200 à l'heure, et que c'est concret et passionnant, et que tu retournes à l'école derrière, moi ça me saoulait quoi, vraiment. Après je le dirais pas à mes enfants.
- Speaker #1
Et du coup je reviens sur les comics, alors les comics c'est des bandes dessinées, c'est ça ?
- Speaker #2
Ouais.
- Speaker #1
Ok, et donc c'était une de tes premières passions ? Ouais. Et tu lisais, mais tu as commencé à, parce que du coup on en parlera, mais je pense que tu te définis comme un profil un peu créatif. Est-ce que tu, à l'époque tu dessinais, ou t'en dessinais aussi à côté ? Non,
- Speaker #2
moi je suis un profil full créatif, c'est-à-dire que même si j'ai ma boîte et que j'ai un challenge au travers de ça, Moi j'écris beaucoup, je suis très très productif, je travaille sur les jeux vidéo, en game design, ce qu'on appelle le game design, l'écriture des règles, l'écriture des histoires, la réalisation des épisodes de dessins animés, j'ai ma boîte. On va dire que toutes les galères de chef d'entreprise, je les subis, entre guillemets, pour avoir la liberté de créer ce que j'ai envie de créer. Et donc oui, mes premières inspirations c'était la bande dessinée. Quand j'étais ado, jeune ado, pré-ado, on n'avait pas la connexion internet, on n'avait pas de téléphone, c'était pas pareil. J'étais pas si vieux, mais à mon époque c'était beaucoup plus compliqué d'avoir accès à la culture, il n'y avait pas tant de choses que ça. Quand tu avais un film de SF qui sortait tous les ans, tu étais content.
- Speaker #1
Tu l'avais encore en cassette ?
- Speaker #2
Bien sûr, je regardais des cassettes. Bien sûr, c'était ça. Moi, quand j'en parle de ça à mes enfants, ou quand je parle juste de... Si tu veux vraiment passer pour un vieux con, tu parles à tes enfants des chaînes de télé. Aujourd'hui, tous les gamins, ils sont habitués aux plateformes. Quand tu leur dis que toi, tu regardais Ulysse 31 ou La Cité d'Or à l'époque, et que tu avais rendez-vous toutes les semaines ou tous les jours à telle heure,
- Speaker #1
ils te regardent et te disent,
- Speaker #2
mais c'est quoi ce monde ? C'est un rendez-vous. On a perdu cette notion du rendez-vous aujourd'hui. De toute façon, tu regardes les chaînes de télé historiques, France Télévisions, TF1, M6, ils ont des moyennes d'âge de 65-70 ans. Donc tu vois que c'est terminé, les jeunes ne sont plus du tout là-dessus.
- Speaker #1
Quand tu dis qu'on a perdu la notion du rendez-vous, c'est une perception positive ou négative pour toi ? Parce que d'un côté, on peut aussi se dire qu'on choisit au moment qu'on souhaite le contenu qu'on veut.
- Speaker #2
Moi, les réseaux sociaux, c'est une perception très négative. Il y a plein d'avantages à être ultra connecté, comme on l'est. Je ne suis pas convaincu que ce soit toujours pour le meilleur. Je suis même convaincu que c'est rarement pour le meilleur. Donc il y a plein de bienfaits, mais en réalité, ça laisse beaucoup de part à la bêtise, à la manipulation de masse, à tout ce que tu veux. De toute façon, je n'invente rien, ce n'est pas moi qui le dis. Donc c'est... Non, non, c'est un... Moi, je suis assez rétrograde par rapport à ces sujets-là. Ça me fait peur et ça me fait de plus en plus peur. Avec l'arrivée de l'IA, ça ne s'arrange pas. Je pense que la désinformation, la manipulation, tout passe par... Tu vois, avant, même les œuvres étaient engagées, étaient plus engagées que ça. Aujourd'hui, pour avoir une œuvre, un film, une série vraiment engagée... Il faut se lever de bonheur, quoi. Tu vois ce que je veux dire ? Ouais,
- Speaker #1
je trouve que même dans le débat public, tu vois, j'ai souvent... Avant, t'avais les trois frères, et tu sais, tous les sujets de religion, etc., tout le monde avait un peu d'autodérision. Aujourd'hui, il faut faire gaffe, quoi.
- Speaker #2
Ben, en fait, il n'y a plus de débat politique. On a affaire qu'à des zizos, en fait, qui participent à une télé-réalité. C'est-à-dire, depuis Sarkozy, pardon, depuis M. Sarkozy, on va rester respectueux, parce que j'ai rien contre ce monsieur. depuis Sarkozy, on est passé dans le storytelling, et on le voit, et on voit qu'on a des mouvements politiques, tous les mouvements politiques qu'on a en face de nous, qui ont du storytelling. Si on leur dit, dis ça, et mets-toi de tel ou tel côté de la barrière, pour avoir plus de voix, le front, même si c'est pas leur conviction, tu vois, il n'y a plus de conviction pour moi, c'est pour ça que je dis souvent que je suis apolitique. Je suis réellement apolitique, je suis désabusé par ce que je vois, par la bêtise des gens qui nous gouvernent, et par leur aspect, c'est des manipulateurs, la plupart, c'est terrible.
- Speaker #1
Et du coup, parce que je crois que tu as des enfants, tu as quatre enfants ?
- Speaker #2
Ouais.
- Speaker #1
Ok, et donc tu dois forcément aussi penser peut-être un peu à l'avenir du monde, etc. Je pense que, du coup, j'ai compris que la politique, ce n'était pas forcément ce aujourd'hui en quoi tu croyais. Est-ce que tu penses que le changement peut venir des entreprises, des associations, au niveau individuel ?
- Speaker #2
En fait, il y a plein d'étapes. C'est compliqué de répondre à ta question parce que ça dépend si on se met du côté de la France uniquement. ou si on regarde avec une vue d'ensemble. Moi, je pense que... Enfin, après, c'est mon avis. Et je ne veux pas passer pour des fétistes, parce que ce n'est pas l'idée. Mais je pense qu'en France, on risque de toucher bientôt le fond. C'est mon sentiment. Un peu comme ils sont en train de toucher le fond aux Etats-Unis. Je ne veux pas commencer à aborder des sujets, parce que sinon, on n'a pas fini. Mais on va se crasher. Voilà, mon sentiment, c'est qu'on va se crasher. économiquement, de toute façon c'est le début on le sent et puis aussi parce qu'on a il y a beaucoup de valeurs qui étaient selon moi des valeurs fortes qui ont disparu ces dernières décennies et on va en payer le prix. Maintenant, c'est pas grave en fait, en réalité. On va toucher le fond, et puis une fois qu'on aura touché le fond, on va remonter. C'est toujours comme ça que ça se passe. Non, mes enfants, ils feront leur choix, ils auront leur vie, on n'est pas non plus, tu vois, on se plaint tout le temps de tout. Mais en fait, il faudrait faire un voyage dans le temps, 200 ans en arrière, pour se rendre compte d'à quel point on a de la chance, même quand on estime qu'on n'a pas de chance aujourd'hui.
- Speaker #1
On cherchait déjà de la nourriture, un toit éventuellement, de l'eau potable.
- Speaker #2
C'est ça. Il y a une... Je ne sais pas si tu as vu la série de trois épisodes de Dracula, de Stephen Moffat, c'est le mec qui a écrit beaucoup sur le Dr. Who, un anglais qui est très fort. Et en fait, c'est lui qui a créé Sherlock, avec Benedict Cumberbatch. Et en fait il a fait trois épisodes sur Dracula et dans le dernier épisode de Dracula il se réveille, à notre époque. Et il arrive dans un taudis, dans un mobilhome d'une anglaise, d'une grosse anglaise un peu dégueulasse. Il arrive là-dedans en fait et il croit qu'il est chez une reine qui a tout quoi, parce qu'elle a un frigo, elle a une télévision, elle a l'électricité. Le mec il appuie sur tous les boutons et ça fait un siècle en fait, il a fait une petite sieste d'un siècle, il se réveille. Il ne comprend pas. Il dit, mais vous êtes une reine. Qu'êtes-vous ? Alors que tu vois que c'est une pouilleuse de base, vraiment pas très classe en plus, la nana en peignoir et tout. Il croit que c'est une reine. Il ne comprend pas. Il dit, mais c'est la caverne d'Ali Baba chez vous, en fait. Et je trouve que ça résume bien cet aspect-là.
- Speaker #1
Et si on revient sur ton enfance, du coup, Anthony, donc tu es originaire du nord de la France et du coup, tu vas faire tes études en Belgique à l'Académie des Beaux-Arts de Tournai, c'est ça ?
- Speaker #2
Oui. Après le bac, je vais faire de la bande dessinée, je vais apprendre ça. Je suis adulte, j'ai le contrôle sur ma vie, normalement. Je demande la permission aux parents, bien sûr. Mais je leur dis, eux, ils veulent que je reprenne l'entreprise familiale, bien sûr. Mais j'ai toujours eu, j'ai toujours dessiné, j'ai toujours aimé ça. Donc je leur dis, j'ai envie de faire des études d'art, quoi. Et il me laisse faire et donc effectivement c'est là-bas que je commence. En fait je fais deux ans à l'Académie des Beaux-Arts de... Non, non, non, c'est pas là-bas que je commence, pardon. Je fais deux ans à Valenciennes dans des petites écoles publiques d'infographie. Et je sais même pas si t'es reconnu par l'État, j'ai même oublié le nom de la formation, tu vois. Mais c'est sympa, j'ai appris à utiliser un ordinateur, j'ai rencontré plein de copains là-bas. qui avaient les mêmes motivations, qui étaient passionnés par le jeu vidéo tout ça c'était récent en fait on parle d'un temps où t'avais pas 500 jeux qui sortaient toutes les semaines c'était quoi à l'époque ?
- Speaker #1
parce que c'était pas en ligne c'était la Playstation ?
- Speaker #2
des jeux en ligne donc t'avais du Warcraft, Warcraft 2 Diablo 1, Diablo 2 on était dans ces moments là c'était le tout début donc on jouait beaucoup en local Mais t'avais aussi le début d'Internet qui arrivait, sauf que tu te prenais des douilles en termes d'abonnement. C'était pas un abonnement à 10 balles, c'était à la consommation, c'était infernal. Donc tu jouais pas trop en ligne en réalité. Mais ouais, ces jeux-là, Baldur's Gate par exemple aussi, c'est des jeux de l'époque en solo, les premiers Fallout. Mais Baldur's Gate, on se rend pas compte, mais ça déjà... un bon 25 ans. Moi, c'était cette période-là, donc j'ai rencontré des gens, des jeunes aussi, qui étaient passionnés par ce jeu. C'était le début des jeux en 3D. Et après, on est partis, on en était quelques-uns à partir en Belgique à l'Académie des Beaux-Arts de Tourner. Section bande dessinée. Ça a toujours été ma passion, ça a été la bande dessinée. Le reste, ça me paraissait inaccessible. Dessin animé, jeux vidéo, ça me paraissait trop loin.
- Speaker #1
Trop loin, c'est-à-dire trop dur, trop complexe techniquement ?
- Speaker #2
Et encore une fois, aujourd'hui, tu as plein d'outils, tu as plein de formations. À l'époque, il y en avait une, c'était Superfocom. Tu vois, il y avait Superfocom en 3D, ils n'avaient même pas de formation en jeux vidéo, donc tu n'avais pas de formation en jeux vidéo, c'était les mecs qui faisaient des trucs à la dure. Et ça, ça me paraissait vraiment loin en termes de compétences, d'apprentissage, c'était dur. Alors qu'un bon dessin à papier, c'était classique. Mais il se trouve que de fil en aiguille, on y est arrivé en bricolant.
- Speaker #1
Est-ce qu'à l'époque, parce que tu vois, par exemple, en ce moment, on vit entre guillemets une révolution autour de l'IA, tout le monde parle que de ça, etc. Et on dit qu'il y a énormément de potentiel. Est-ce qu'à l'époque, c'était le jeu vidéo qui avait, tu vois, potentiellement, on parlait beaucoup de ça et il y avait un potentiel de ouf ?
- Speaker #0
C'est l'heure de remercier notre partenaire Oslo. sans qui ce podcast ne serait pas possible malheureusement. Oslo, c'est un cabinet d'avocats à taille humaine dirigé par Edouard Wells et Marion Fabre, que je connais personnellement depuis plus de 10 ans. Il est composé d'une équipe, l'idée par Edouard et Marion, qui est issue de cabinets d'affaires de premier plan. Mais surtout, au-delà de la qualité de leurs prestations juridiques, ce que j'aime chez Oslo, c'est leur engagement pour un droit un peu différent. Sur leur description, ils mettent Nous accordons une importance particulière aux qualités humaines et relationnelles, tout particulièrement au respect, à la simplicité, à l'humilité et à l'élégance. Ça pourrait paraître bullshit comme ça, mais pour bien les connaître, tu peux vous assurer que ça se ressent vraiment. Et pour preuve, ils ont accepté de sponsoriser ce podcast dès sa création. Ils offrent une heure de conseils juridiques avec le code LESSAGE et je mettrai leurs coordonnées dans la description du podcast. Allez, on y retourne.
- Speaker #2
Non, c'est pas le jeu vidéo. On aurait dû le sentir venir, mais en fait, notamment avec des films comme Toy Story ou ce qui commençait à arriver, mais en fait, c'est l'industrie du cinéma qui a explosé. pendant cette période-là, tu vois, et qui s'est fait rattraper après par le jeu vidéo. Et le jeu vidéo qui a été aussi quand même pas mal aidé, on va pas se le cacher, par l'arrivée des téléphones mobiles. Aujourd'hui, je crois que, si je dis pas de bêtises, c'est 51% du chiffre d'affaires jeux vidéo au monde. C'est le téléphone mobile, ça doit être 50 à 55%, tu vois. Ouais. Donc, et en fait...
- Speaker #1
Ouais, tu peux jouer à tout moment, quoi.
- Speaker #2
Tu peux jouer à tout moment.
- Speaker #1
T'as pas besoin d'arrêter de jouer sur ton ordi.
- Speaker #2
C'est ça, et puis en fait, surtout, ça touche... Tout le monde. Tu n'as plus personne dans ton entourage. Bon, évidemment, si tu me parles d'un gamin de 3 ans, bien sûr, il n'aura pas de téléphone. Mais personne dans ton entourage est sans téléphone. Tout se passe par le téléphone. Donc, en fait, ça démocratise aussi le jeu vidéo. Et puis, même les personnes âgées jouent. C'est-à-dire que même moi, mon père, qui a 70 ans, il n'est pas si âgé que ça, il est en pleine forme. Et je veux dire, même lui, il joue, tu vois. Donc les Candy Crush, tous ces jeux-là, ils ont... Maintenant, c'est devenu vraiment global.
- Speaker #1
Et est-ce que ça n'a pas changé ? Parce que moi, du coup, pour les auditeurs, j'étais joueur de Dofus à peu près de 10 ans à 15 ans. Et donc c'était sur PC. Et donc là, tu dis qu'en effet, il y a pas mal de jeux vidéo sur les mobiles. Mais est-ce que ça... Moi, la chose qui me vient à l'esprit, c'est que la taille de l'écran est beaucoup plus petite. Est-ce que ça ne réduit pas la possibilité ? Oui. la possibilité, le potentiel du jeu.
- Speaker #2
Bien sûr. La taille de l'écran, je ne sais pas si c'est ça le plus dérangeant, c'est plutôt l'ergonomie. Tu as le confort d'une souris ou d'une manette. Ça, tu ne l'as pas sur ton téléphone. Les créateurs de jeux vidéo, en tout cas de jeux mobiles, ont tellement progressé au fur et à mesure des années que tu te retrouves avec aujourd'hui des jeux qui sont incroyablement complexes sur ton téléphone. Donc, c'est toujours pareil. En fait, l'humain ne fait que progresser. Et si on dit que c'est sur le mobile qu'on va gagner le plus d'argent, c'est sur les mobiles qu'il y aura les choses les plus extraordinaires. Aujourd'hui, techniquement, quand je vois ce qu'ils sont capables de faire sur le téléphone mobile, je me dis que ça devient assez dingue.
- Speaker #1
Et l'agrandissement des écrans, ça a aidé à la complexité du jeu ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr. Plus l'écran mobile est... Plus le mobile a un écran important, plus tu peux mettre tes gros doigts dessus, plus c'est facile. Nous, on a fait un portage du jeu de Dofus sur mobile, on a dû changer beaucoup de choses, mais même c'est beaucoup plus agréable de jouer sur tablette que sur téléphone portable, parce qu'effectivement l'écran est plus grand, donc tu as plus de place.
- Speaker #1
Et si on revient du coup à ta jeunesse, donc tu as 22 ans, tu es en Belgique pour faire tes études. Donc là, il y a quelque chose peut-être d'heureux, mais imprévu qui arrive, ta femme tombe enceinte.
- Speaker #2
Oui, pas deux mois en plus. Non, c'est une blague. Ma femme, qui est toujours ma femme aujourd'hui, ça fait 27 ans qu'on est ensemble, tombe enceinte. Et voilà, donc il faut trouver un boulot.
- Speaker #1
Ok, donc tu arrêtes tes études.
- Speaker #2
Ouais, j'avais 4 ans à faire, je fais 2 ans. Et je vais travailler dans une web agency sur Roubaix. C'est un calvaire, clairement. Alors pas un calvaire au niveau du boulot, parce que l'équipe est sympa. Mais les patrons, c'est vraiment des... Niveau humanité, on va dire que c'était terrible. C'est-à-dire que le mec, il te considérait pas...
- Speaker #1
Ouais, il te traite en exécutant.
- Speaker #2
Ce qu'il te considérait pas, c'est qu'il se foutait vraiment ouvertement de ta gueule, en fait. Et ça a été génial, parce que j'ai fait que dix mois, c'est là que j'ai rencontré mes futurs associés. Le meilleur est pour le pire. Et après, grâce à eux, ça m'a vraiment envie de monter ma boîte, tu vois. S'ils nous avaient bien traités, je serais pas parti, je pense. Alors que là, être traité comme ça, t'as envie de mettre les voiles vite et de te dire, je suis pas pressé de bosser pour quelqu'un. Puis moi, j'ai toujours bossé plus ou moins pour moi. Parce que quand je travaillais pour mes parents, même quand je faisais les marchés, je travaillais pour le clan, je travaillais pour la famille, donc je travaillais pour moi, tu vois. Pour mes parents, mais c'était pareil. Donc j'avais quand même ce truc-là où j'ai toujours su que j'avais besoin de faire un truc dans lequel je serais en contrôle, en fait, on va dire.
- Speaker #1
Ok, donc une figure indépendante. Et du coup, tu travailles donc 10 mois dans cette agence. Et du coup, c'est là où tu rencontres Camille Schaffer et Emmanuel Daras, si je n'ai pas de bêtises. Tout ça. Qui sont du coup les trois cofondateurs de Ankama et Doofus.
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #1
Et donc là, vous décidez de vous lancer et vous créez un jeu. Le premier jeu, du coup, c'est Dofus.
- Speaker #2
Alors, il y a eu plein de petits jeux Flash qui nous ont donné, on va dire, une forme d'expertise. On utilisait le Flash qui était le logiciel pas cher et simple d'utilisation qui nous permettait de bricoler sur des sites Internet. C'est un logiciel qui nous permettait de faire des sites Internet très graphiques avec de l'animation. Et donc c'est sur ce logiciel qu'on a fait pas mal d'expériences de mini-jeux. Et puis moi j'avais ce projet que je traînais depuis un moment, de faire un projet un peu plus gros. C'était même trop ambitieux pour l'époque par rapport à la techno. Donc tout le client, toutes les interfaces, le graphisme, c'était produit en flash, en vectoriel. Et après toute la partie code, le serveur, C'était du C. Mais on était deux à travailler. Emmanuel ne travaillait pas sur le jeu. Il ne comprenait pas du tout ce qu'on faisait. Et Camille, c'était vraiment lui dans le code, dans le dev. Et moi, j'étais dans la partie créant.
- Speaker #1
Et comment t'es passé ? Parce que tu nous disais que tes études, t'étais plutôt axé sur la bande dessinée. Et donc, c'est en agence que t'as commencé à apprendre le jeu vidéo ?
- Speaker #2
En fait, dans mes études d'infographie à Valenciennes aussi un petit peu. C'est là que j'ai vraiment appris à me servir d'un ordinateur. Avant, je n'avais pas d'ordinateur à la maison. Donc j'ai appris à... Je faisais des trucs ignobles. J'ai commencé à me servir d'un logiciel de dessin. À l'époque, je crois que ça s'appelait Paint. Je crois un truc comme ça. Il y avait déjà Photoshop. Mais pas du tout avec les fonctionnalités qu'on a aujourd'hui. Tu vois, c'était... C'était pas pareil. Mais ouais, j'ai appris en infographie. En fait, bizarrement, j'ai régressé quand je me suis retrouvé sur la partie technique. J'ai régressé quand je me suis retrouvé à l'Académie des Beaux-Arts, parce qu'en fait, là-bas, c'était full papier. On ne faisait rien, aucun... À l'époque, on ne faisait même pas encore de BD en couleur sur ordinateur. On ne scannait pas pour... Non, c'était full, full papier. Donc, si tu veux, j'ai fait deux ans d'infographie, et après, j'ai fait deux ans de BD, et pendant ces deux ans de BD-là, j'ai travaillé le dessin à la main, vraiment en full traditionnel. Et quand je me suis retrouvé dans cette société, employé dans cette WebAgenti, Là, j'ai réappris le flash, pour le coup.
- Speaker #1
Et quand vous commencez à créer ces petits jeux-là, est-ce que c'est un side project ? C'est quoi la genèse ? Vous vous dites quoi ? On va créer un jeu de ouf ? Ou vous allez créer un truc qui vous plaît ? Et après, on verra ce que ça donne ?
- Speaker #2
Il y a des petits jeux qui sont créés, notamment pour des marques. On fait un petit jeu pour Lego. On fait des jeux. C'était pour la marque Bionicle. Je ne sais même pas si elle existe encore aujourd'hui. C'était une marque un peu à côté des LEGO classiques tels qu'on les connaît. J'aimais pas trop le design, je préférais les LEGO classiques. On a fait plein de jeux pour des marques, beaucoup de sites internet. Et Dofus, ça a été vraiment le jeu qu'on voulait faire pour nous. Donc avec Camille, on n'avait pas d'argent, donc on travaillait pour payer les équipes, en faisant du site et des jeux pour des marques. Et puis dès qu'on avait un moment, on était sur Dofus.
- Speaker #1
Ouais, des passionnés. Et du coup, aujourd'hui, au maximum, alors Dofus, on va en reparler, mais Dofus pendant le Camargue, c'est une vingtaine d'années, et donc c'est monté à des niveaux impressionnants. Je crois que vous êtes monté à 450 personnes max, 400, 450 ?
- Speaker #2
Ouais, on est monté très nombreux. Justement, ça c'était à l'apogée du grand n'importe quoi. Parce qu'en fait, c'est la difficulté quand t'es 15, 20, et que d'un coup, en fait, tu crées un projet qui explose. T'as du mal à cadrer tes besoins, il y a une espèce d'euphorie stupide qui s'empare de certains d'entre nous, et t'embauches trop sans avoir forcément les moyens de bien cadrer. On était dans une époque aussi où on n'allait pas chercher forcément des gens avec des grandes compétences, parce qu'on était pionniers dans notre domaine. Donc il n'y avait pas de gens qui avaient 5 ans, 6 ans, 7 ans d'XP, ne serait-ce que ça, dans le domaine sur lequel on était en train d'arriver, à savoir les gens en ligne. Et seul, avec du recul, si on avait dû recruter quelqu'un, ça aurait été quelqu'un peut-être lié au... aux réseaux sociaux, tu vois. En fait, Dofus, c'était un réseau social, autant qu'un jeu, c'est ça qui a fait son succès.
- Speaker #1
Et puis à l'époque, les réseaux sociaux, c'était pas non plus...
- Speaker #2
Il y en avait pas, mais t'avais du MSN, t'avais des jeux comme Abo Hotel, qui étaient aussi des jeux, tu vois, comme ça. Mais bon, en fait, c'était très très compliqué, parce qu'on inventait quelque chose, en même temps que d'autres boîtes inventaient à peu près la même chose, tu vois. Mais c'était compliqué. Et donc on est monté trop trop vite, trop trop haut. Et puis on était des jeunes cons aussi, tu vois, de 25, 30 ans max. On avait, je sais pas, tu vois, on avait un comportement stupide en fait. Après, il n'y a pas de regret.
- Speaker #1
Tes comportements stupides, c'est un truc, il n'y avait pas de chef d'entreprise, vous étiez dans une euphorie.
- Speaker #2
Il y avait une vision quand même, parce que moi j'ai toujours quand même plus ou moins incarné ça, sans vouloir me la péter. J'ai toujours eu beaucoup de projets, beaucoup d'ambition. Et donc si tu veux... J'aime bien dire qu'à chaque fois qu'on commence un nouveau projet, on partait à la guerre. On s'est inventé, tu vois, on s'est complètement inventé sur le dessin animé, on a tout appris from scratch. Sur l'édition, on a tout fait aussi par nous-mêmes. Le jeu vidéo, je t'en parle pas. Le jeu de plateau, les produits dérivés. Moi, j'ai toujours eu à cœur qu'avec Megar, on contrôle la qualité de ce qu'on produit. Donc, si tu veux, il y avait quand même cette vision-là qui s'est éclaircie au fur et à mesure et qui est devenue le transmedia. Mais là où on était idiots, c'était d'imaginer... Enfin, c'est sur les recrutements. C'est sur la gestion des gens aussi. Moi, je considère que t'es idiot quand tu crois que tu vas gérer 100 personnes comme quand tu gères 10 personnes. Ça n'a rien à voir. Il y a tout un...
- Speaker #1
T'as une série de groupes d'un côté à dix personnes où c'est un peu une bande de potes, où on se connaît, l'implication est fluide.
- Speaker #2
On se fait confiance et où c'est à la vie et à la mort. Il y a un côté un peu comme ça, tu vois. Parce qu'on s'apprécie, vraiment on s'aime, tu vois. Il y a un truc qui nous soude. De toute façon, tu fais pas un jeu comme Dofus à moins de dix personnes, avec une ampleur comme ça, si derrière t'as pas un groupe où les mecs sont comme des frères, quoi. Je le dis... je veux pas choquer les gens, il n'y avait que des garçons. Donc si je dis que les mecs sont comme des frères, c'est vraiment parce qu'on n'était que des mecs. C'est pas faute d'avoir voulu embaucher des femmes à un moment, c'est juste que c'est un milieu qui a longtemps attiré que des garçons. Et tant mieux, parce que vu les conditions dans lesquelles on travaillait, je sais pas qui aurait subi ça.
- Speaker #1
Entre les cofondateurs, il y a un patron pour potentiellement aider à la prise de décision aussi. Est-ce que vous déjà, il y a un patron ?
- Speaker #2
Ça a toujours été plus ou moins un mois en fait. Ça a toujours été un mois parce que j'ai toujours été président de la boîte. Et puis on va dire que je ne savais pas que j'étais moteur en réalité. Parce que j'ai toujours dit ça quand j'ai commencé mes projets et quand j'ai commencé Ankama, je me suis toujours trouvé moyen partout. Mais bon, vraiment bon dans aucun domaine. C'est là que j'ai embauché des gens qui étaient tous absolument meilleurs que moi dans leur domaine. Et moi, un moyen partout. Et ce que j'ai compris plus tard en réfléchissant, en analysant, parce que je me pose des questions quand même. Tu me dis mais qu'est-ce qu'il fait de... En quoi je suis légitime ? En fait, en fond, j'ai des visions quand même. Et je suis assez meneur d'hommes. Et quand j'ai un truc dans la tête, je ne l'ai pas ailleurs. Tu vois ce que je veux dire ? Quand j'ai envie de faire un truc, je vais y aller, je vais me décarcarer.
- Speaker #1
Tu es jusqu'au boutiste, quoi.
- Speaker #2
Je suis jusqu'au boutiste et je vais me faire du mal. Et en fait, je n'ai pas non plus les facilités que vont avoir certains quand je les rencontre à cette époque-là. Et ça, c'est une force. Parce que tu es obligé de travailler plus, tu es obligé de... Enfin, tu vois, je dois compenser, en fait. Et en fait, ouais, les gars me suivent, même des gars qui sont beaucoup plus intelligents que moi. Ils me suivent dans les idées, ils me suivent dans les projets. Des fois j'arrive, ils me regardent, ils me disent mais t'es complètement dingue, ils sont pas chauds sur le coup Et puis ils voient que j'y vais. Je dis bon bah vas-y, on y va, on me suit aussi
- Speaker #0
Quand on a acheté le bâtiment dans lequel tu viens de rentrer, par exemple, c'est un des trucs où j'ai vraiment lu le dépit dans les yeux de mes associés.
- Speaker #1
Parce que vous étiez combien à l'époque ?
- Speaker #0
Quand on a aménagé ici, on était 77-80.
- Speaker #1
Pour une taille maxi de 300-400 personnes potentiellement ?
- Speaker #0
Non, moi j'avais pas de limite au moment où on arrive. J'avais aucune limite. C'est juste que quand on arrivait là, il y avait 8000 m². Et je voulais retaper une usine. Je leur disais, à mes associés, qu'on investissait dans une usine et qu'on en fasse notre chez-nous, on va être bien, ça va être super, parce qu'en fait, à l'époque, elles ne sont plus dispo maintenant. Mais à une époque, je passais dans les rues de Tourcoing, Roubaix, il y avait plein de bâtiments abandonnés, dont beaucoup d'usines. Et je ne sais pas, ça me faisait fantasmer, ça ne valait rien. Ce que ça valait, c'était les travaux que tu étais capable de mettre financièrement dedans.
- Speaker #1
Et puis la région, les municipalités cherchaient potentiellement des gens.
- Speaker #0
Avant de débarrasser. parce que c'est un coût des bâtiments comme ça aussi donc voilà et donc ils m'ont pris pour un fou quand j'ai commencé à regarder ça et puis au final quand ils ont vu que je commençais à en visiter ils se sont greffés naturellement et puis bon c'est un exemple mais en fait au final ça a été comme ça sur beaucoup de projets je sais pas j'ai besoin de rêver moi j'ai besoin d'avoir des challenges des objectifs et puis de me dire ça ça va être génial on va se marrer Sinon, je m'ennuie. En fait, Camille, dans la relation qu'on a, et c'est peut-être pour ça aussi que ça marche bien entre nous, c'est que c'est moi qui suis plus dans la stratégie, dans le lancement des projets. Camille, son plaisir dans la vie, c'est d'être développeur sur des jeux vidéo. C'est ce qu'il adore. Donc, si tu veux le reste, quand je parle d'un nouveau film, une série, un investissement, il me regarde avec des grands yeux, genre, ouais, ouais. Il suit. Parce qu'au fond, il voit que dans l'ensemble, ça nous réussit. Puis il sait que je suis comme ça. Donc il supporte. Mais ce n'est pas son truc. Lui, son kiff, c'est développer des jeux vidéo. Moi, ce que je veux faire, c'est un peu comme Camille au final. Ce que je veux faire, c'est de la création. C'est de développer de l'anime, des jeux, des BD, des jeux de société, ce que tu veux. Mais c'est là qu'est ma force. Sauf qu'en fait, ce n'est pas aussi simple que ça. Les décisions qu'on a prises avec Ankama, elles sont toutes plus folles les unes que les autres. Donc, ça vient de moi, si tu veux. Alors, pour le meilleur et pour le pire, attention, il n'y a absolument pas que des réussites, il y a vraiment beaucoup de plantages aussi. Mais en tout cas, et je les assume, on aurait pu rester 50 ou 60, ne faire que Dofus, et puis prendre des millions de bénéfices tous les ans. Moi, ma stratégie, je ne vais pas appeler ça une stratégie, je vais appeler ça une envie.
- Speaker #1
Ton souhait ?
- Speaker #0
Mon souhait, c'est de créer, c'est de produire des choses. C'est d'être entouré de gens qui produisent des choses. Ça, c'est ma passion. J'ai eu une proposition de rachat, on a eu des propositions de rachat stratosphériques. Tu repars, tu as plus que gagné au loto, tu vois.
- Speaker #1
Des dizaines de millions ?
- Speaker #0
Ouais, ouais. À un moment, je l'ai déjà dit, on m'a proposé 35 millions pour 16% de mes parts.
- Speaker #1
Ok, tu aurais pu te dire, je fais un cash-out, je mets un gros matelas à côté.
- Speaker #0
Avec le chèque devant ton nez, pas un truc hypothétique. Encore cette année, ça m'est arrivé.
- Speaker #1
Oui, puis sachant que tu venais aussi d'un milieu populaire, je ne sais pas si on peut dire ça, mais ce n'est pas anodin un chèque comme ça.
- Speaker #0
Non, tu venais dans des domaines aussi où tu vois, on a une boîte qui est assez grosse, mais en fait, je nous considère comme indépendants. On est indépendants, on n'a pas de fonds d'investissement, on n'est pas en bourse, on n'a pas tout ça. Et on est dans des milieux aussi où je rencontre beaucoup de patrons de boîtes de jeux vidéo, de maisons d'édition qui sont indépendants et qui m'entendent bien. Et puis tous, à chaque fois, on se dit, ouais, jamais jouant à ma boîte, machin. Mais j'en ai vu un milliard craquer pour 500 000 euros ou un million d'euros. Et en fait, tu sais vraiment de quoi tu es fait. Attention, ce n'est pas un jugement de valeur, mais qui tu es, tu sais qui tu es quand tu es confronté au sujet. Là, quand on me met le chèque de 35 sous le nez et qu'on me met aussi sous le nez de Camille, c'est 35 chacun.
- Speaker #1
Et en plus, vous restez maître à bord ou pas ?
- Speaker #0
Un moyen. C'était ça qui n'allait pas trop dans l'histoire. On perdait la majorité.
- Speaker #1
Est-ce qu'à ce moment, c'est quand même... Parce qu'il y a toi qui prends la décision, mais tu es quand même entouré, tu as ta femme, tes enfants, tes parents. Tu leur en parles et ils réagissent comment ?
- Speaker #0
Ils s'en foutent. Moi, j'ai cette Ausha, justement. Ce que je voulais finir avec ça, c'est que... Tu sais qui tu es quand tu dis non à ça. Tu vois, t'as une personne sur 100 qui dit non à ça. Et moi, je dis non à ça, j'en ai pas envie avec mon associé, parce qu'on a une responsabilité envers nos fans et envers l'univers qu'on a créé. et envers nos salariés. Parce que ce qu'il faut comprendre aussi, c'est que le jour où on vend, si ça arrive un jour, on a beaucoup de gens qui vont passer à la casserole. C'est-à-dire qu'à chaque fois qu'on a eu des discussions avec des gens, c'était rationalisé. Ouais,
- Speaker #1
t'as les 100% qui sautaient pour améliorer le BE ou l'EBITDA.
- Speaker #0
Au moins. Il n'y a plus d'édition, il n'y a plus d'animation, il n'y a plus que Dofus. Oui,
- Speaker #1
tout ce qui est produit est rentable à court terme, ça reste. Ce qui est moins rentable,
- Speaker #0
c'est pas. Exactement. Et encore, rentable, bien rentable. Il faut que ça dégage au moins 20% de BNF.
- Speaker #1
Avec une certaine norme ou un seuil.
- Speaker #0
Tu vois à quoi ça ressemble les fonds d'investissement et même les boîtes cotées en bourse.
- Speaker #1
Ce qui n'est pas la philosophie d'une boîte de création, pas la culture.
- Speaker #0
Non. Et moi j'ai cette Ausha d'avoir dans mon entourage des gens simples en fait. Ma femme est une personne simple, elle n'est pas attirée par le... C'est très rare. Des gens comme ça.
- Speaker #1
Ça fait longtemps que t'es avec, est-ce que c'est pas pour ça aussi ?
- Speaker #0
Elle m'a connu interdit bancaire, elle était interdit bancaire à cause de moi, donc je pense pas qu'elle soit avec moi pour l'argent, ça se saurait. Mais elle est récompensée aussi quelque part de son comportement. Et en fait, pour elle, qu'on ait 500 000, 1 million ou 35, pour elle c'est pareil. Donc c'est... Il y a déjà cette notion quand en fait tu fais le bilan et tu dis... En fait, il faut comprendre parce qu'on est dans une société compétitive. on nous pousse toujours à avoir une plus belle voiture, une plus grosse maison, une plus belle femme, une femme plus jeune. Il y a un truc comme ça qui est stupide. Je le vois chez plein de potes aussi, qui, de leur femme à 35, 30, 35, 40, ils se mettent avec une jeunette de 25, ils ont l'impression d'être plus beaux, d'être plus forts. On est dans une société comme ça qui pousse, on va dire, à la compétition et à la frime. Tu vois ce que je veux dire ? Et... Vraiment, ça me dégoûte. J'ai un côté comme ça qui me... La compétition, oui, mais pas celle qu'on nous enseigne depuis toujours. Effectivement, c'est très capitaliste, en fait. Il y a ce côté où... Moi, j'ai des valeurs, après, elles ne sont pas toutes... Mais en tout cas, je me suis fixé une voie, une voie du samouraï, disons. Et j'en bouge pas. J'en bouge pas. Ça m'empêche qu'il y a des sujets qui me font réfléchir. Mais j'en bouge pas. Et toutes les personnes avec qui je parle encore aujourd'hui, que je connais depuis 25-30 ans, dont ma femme, ce sont des gens qui ont ces valeurs-là aussi. Et ma femme, on fera notre vie ensemble. J'ai aucun doute là-dessus. Et moi, c'est ce que je cherche, une stabilité. mental, l'argent ça fait vriller les gens trop, le succès ça fait vriller les gens.
- Speaker #1
Est-ce qu'à un moment, parce que je comprends que tu as cet ancrage, cet entourage, etc. Mais à un moment, alors Dofus et Ankama, et encore maintenant, mais à un moment même dans le nord, c'était peut-être une des boîtes un peu qui était un peu en vogue. Et j'imagine que c'est comme toutes les personnes, les entrepreneurs qui réussissent, tu as des gens qui viennent te parler, tu as des gens... Ouais, non. Et...
- Speaker #0
Non, pas du tout, parce qu'en fait, j'ai un rythme de travail qui fait que je sors... Par exemple, je fais zéro networking. Je vais jamais au cocktail. Même quand je dois aller chercher un prix, ça m'emmerde. Les gens, ils savent, en fait. Ça les fait rire. Je vais nulle part, je rencontre pas les autres entrepreneurs. C'est pas bien, d'un sens, tu vois. Mais parce que j'ai un rythme de travail, vu que je produis beaucoup, je peux pas aller... Comment dire ? Ausha, boire des coups et produire. C'est compliqué. Donc moi les gens avec qui je passe des moments, c'est les gens que je connais depuis toujours, qui pour la plupart sont à Ankama. Donc en fait, mes amis proches, c'est aussi mes collègues. Donc non, j'ai jamais été brossé comme ça dans le sens du poil. Et puis je fuis ça aussi. Donc à ce côté, les deux réunis font que je garde des... Les pieds sur terre. Moi, mon père, le beau compliment qu'on m'a fait, c'est mon père. Mon père, il bossait avec moi et c'est assez marrant parce qu'un jour, on mange ensemble et en fait, mon père s'occupait des travaux de la boîte, des travaux dans le bâtiment. Il y avait des travaux, pas beaucoup de travaux à faire, beaucoup d'entrepreneurs et pour ne pas se faire arnaquer, j'avais besoin de quelqu'un de confiance.
- Speaker #1
Un jour, on va... Dans le BTP, souvent... Il vaut mieux avoir quelqu'un de confiance.
- Speaker #0
C'est des champions du monde. Ah ouais.
- Speaker #1
On a souvent des histoires fabuleuses dans le BTP.
- Speaker #0
Bon, laisse tomber. Si t'es un... Tu peux pas être un petit poussin là-dedans, tu vois. Si les mecs, ils repèrent que t'as une faiblesse...
- Speaker #1
Ah ouais, faut être un gros gaillard.
- Speaker #0
T'as bouffé, mais d'une puissance. Et donc, à un moment, je bouffais avec mon père, on mange tous ensemble, il mange avec des responsables, des ouvriers, en fait, qui sont là, et on mange tous ensemble. Et en fait, ils apprennent pendant la discussion que mon père, c'est le père du patron. mais ton fils et tout il doit être blindé, comment ça se passe pour toi, et puis toi t'es encore là à travailler avec nous et tout. Mais ils savent pas que le fils il est à côté. Et en fait, mon père il dit, et c'est le plus beau compliment qu'on me fait, il me fait, mais mon fils, il y a un truc que j'adore chez mon fils, c'est qu'il n'a jamais changé. Et moi, je lui prends même plus de plaisir à aller manger avec des gens ordinaires, on va dire. qu'avec des grands patrons qui se la jouent, qui entre eux se prennent pour des pontes, qui ont une forme de cercle, un truc et tout. Ça ne me convient pas du tout, ça.
- Speaker #1
Tu sais qu'on a sorti hier un épisode avec un monsieur qui s'appelle Anthony Babkin, qui a 35 ans, et qui est issu de banlieue parisienne, et qui a fait un truc de ouf autour de la diversité. Il était choisi par Barack Obama pour le représenter en Europe, donc assez ouf. Et il y a eu un échange avec Barack Obama qui lui a dit Vous savez, en fait, mes conversations sont plus intéressantes avec des gens de terrain comme toi que au G7.
- Speaker #0
C'est sûr. Les mecs qui ont fait toutes ces formations pour être à des postes de grand pointe, ils n'ont jamais réellement bossé. Donc, tu vois, tu discutes avec des gens qui, pour moi, ne sont pas intéressants. Donc, après, c'est une question de goût. Je veux dire, chacun ses cercles. Moi, mes amis, je n'ai pas de grand patron. Ça ne m'intéresse pas en vrai.
- Speaker #1
Est-ce que ce n'est pas une des raisons, ça fait une vingtaine d'années que tu as cette boîte, une des raisons pour lesquelles tu es encore là et peut-être légitime auprès des équipes aussi ? Est-ce que tu restes peut-être proche du terrain où tu arrives à leur parler ?
- Speaker #0
Je ne sais pas. En fait, en même temps, ils n'auraient pas le choix que je sois légitime ou non vu que c'est mon entreprise. Tu sais, après, être patron en France, c'est pas évident non plus. Je pense que j'ai pas besoin de te l'expliquer, mais c'est pas toujours évident. C'est-à-dire que dès que tu commences à avoir une certaine aura, les gens fantasment beaucoup. Tu sais, moi, il y a quelques années, j'ai challenge qui a commencé à balancer des conneries du style ma fortune est estimée à 80 millions Donc, puis t'as des salariés.
- Speaker #1
Il n'y a pas de vérification sur ces trucs-là ? Non,
- Speaker #0
mais c'est des abrutis. Ils font ça n'importe comment.
- Speaker #1
C'est un peu quand même abusé de sortir la suite publique. Bah,
- Speaker #0
c'est un peu. Surtout qu'on avait dit qu'on n'était pas d'accord. Ils avaient demandé, on a dit non, et ils l'ont fait quand même. Et je ne sais même pas où ils ont été chercher leur valorisation.
- Speaker #1
Ils ont dû faire des calculs.
- Speaker #0
Non, mais ils avaient estimé que la boîte valait 240 millions.
- Speaker #1
Valorisation pas faite.
- Speaker #0
Dans la tête de certaines personnes, après c'est aussi une question de culture, Mais aussi d'intelligence. Il y a une question d'intelligence. C'est que, comme beaucoup, tu sais, au niveau de... On entend beaucoup chez certains politiciens dire on va taxer les riches, 1000 milliards, 1200 milliards, c'est les fortunes d'un tel, un tel. Mais les gens ne comprennent pas que même quand tu donnes une valorisation d'une entreprise, c'est parce que le patron est sur son compte. Tu vois le délire ? Ils ne comprennent pas la différence qu'il y a entre les deux, alors qu'elle est juste énorme la différence. C'est ça. D'un côté, tu peux très bien avoir un patron qui a une boîte qui vaut, qui est estimée à 200 millions, et puis même pas avoir un sur son compte. Tu vois, mais ça, ça ne percute pas les gens.
- Speaker #1
Bien sûr, c'est pas bon.
- Speaker #0
Et cette valo-là, l'année d'après, ça tombe, ça peut tomber à 50. Et ça, il percute pas non plus, les gens. Et donc, c'est juste que quand ils disent une ligne comme ça dans un magazine de merde, soyons clairs, qui fait n'importe quoi, parce que ça, c'est encore... C'est comme beaucoup, beaucoup de journalistes, sur un truc comme ça, c'est du putaclic. Qui s'intéresse en réalité ? Tu vois, c'est juste pour faire fantasmer les gens. Bah, ça marche. Les gens fantasment. Et moi, j'en avais en interne, je te parle de ça il y a 7 ans, qui me battaient un peu froid, qui me regardaient bizarre. Je me disais, mais qu'est-ce qui leur arrive, là ? Qu'est-ce qui se passe ? Et après, j'apprends ça. Donc je suis obligé d'aller expliquer aux gens. Mais les gars, j'ai pas 80 millions sur mon compte.
- Speaker #1
C'est à changer leur vision.
- Speaker #0
Mais bien sûr. Parce que quand ils viennent te demander une augmentation de 200 balles, et que tu dis non...
- Speaker #1
Ils te prennent pour un crevard.
- Speaker #0
Ils te prennent pour un crevard. Ils disent mais c'est un malin lui. Il a 80 millions sur son compte et il va pas me donner 200 balles. En France c'est très particulier parce que dès que t'es identifié comme quelqu'un de riche et ayant réussi, tu te prends des sauces de fou. Peu importe ce que tu fais derrière en fait. Tu te prends des sauces.
- Speaker #1
Il n'y a pas des gens aussi qui te disent que c'est dingo ce que tu as fait, en partant justement d'une passion, d'un petit projet, que tu es passé par la case interdite bancaire, etc.
- Speaker #0
Si, il y a plein de gens qui... Mais en fait, ça ne fait plus rien, parce que ça fait 23 ans, moi. 23 ans, en fait. Je vais rentrer dans la 24e année bientôt. On a Ankama, et si tu veux, je l'ai bien vécu. Je sais aussi toutes les galères par lesquelles je suis passé. Les moments de déprime, dépression. Les gens s'imaginent trop aussi, pas tout le monde bien sûr, mais que quand tu commences à bien gagner ta vie, t'as plus de problème. Moi j'ai jamais eu le sentiment d'avoir un aussi gros boulet au pied que depuis 23 ans. Je suis pas libre en fait. Alors je suis libre, tu vas me dire t'es libre devant ta boîte. Oui je suis libre devant ma boîte, mais en fait c'est pas ce que je veux faire. Mais du coup... vu que ça, je ne veux pas le faire et que je veux rester propriétaire de mon univers, de l'univers du Cosmos, de Dofus, Wokfu, Raven, ça veut dire que derrière, je dois encaisser quand même tout un tas de trucs que je n'ai pas envie d'encaisser. C'est-à-dire que toute la gestion globale, les difficultés sociales, j'en ai pas tant que ça en réalité. Parce que la boîte va bien. Mais ça me pèse en fait, tout ça.
- Speaker #1
C'est une responsabilité.
- Speaker #0
Et puis quand tu sais que tu as 250-300 salariés, tu penses à eux aussi. Pour moi, c'est mon clan, c'est ma famille. Quand on travaille ensemble, les gens qui travaillent avec nous en caméra, moi je fais en prendre soin. Mais du coup, tu as aussi le truc de dire tu ne peux pas baisser. Si tu baisses de rythme, potentiellement, c'est des gens que tu vas devoir... Donc tout ça, c'est compliqué. C'est hyper compliqué. Moi, je suis toujours sur le... Toujours sur les qui vivent en fait. J'essaie de ne pas péter les plombs. Comme on dit, j'essaie de gérer ça en bon père de famille. Je fais attention. On ne pète pas les plombs sur les dividendes, on ne pète pas les plombs sur les salaires. On n'a pas des salaires de fou par rapport à notre responsabilité. Je ne vais pas m'en plaindre. Ça reste très bien. Oui,
- Speaker #1
par rapport à la volo potentielle, etc. Ça pourrait être beaucoup plus long.
- Speaker #0
Mais ce n'est pas ça. Moi, ce qui m'intéresse, ce qui me passionne, C'est de me dire qu'on va avoir un univers qui va nous survivre. C'est ça, tu vois. C'est qu'on a créé quelque chose qui laisse une empreinte chez les gens. Là, on a fait une convention il n'y a pas longtemps, il y avait énormément de personnes qui sont venues. 6000 personnes par jour. T'imagines, c'est énorme. On a des familles maintenant de gens qui ont 35-40 ans qui ont fait découvrir le jeu et l'univers à leurs enfants. Et donc tu vois des ados qui sont là et avec qui tu échanges, et c'est papa et maman. Comme moi, mon père m'a donné le goût de Gaston Lagaffe et Astérix, t'as des parents qui ont donné goût à leurs enfants, à l'univers du crossmose. Et ça, tu vois, ça n'a pas de prix, un truc comme ça. Et dès que je tombe face à des financiers qui ne comprennent rien, ils pensent qu'ils vont pouvoir agiter un gros chèque sous ton nez, et que tu vas craquer direct, en fait. Parce qu'ils se disent, il n'y a personne qui va... À chaque fois qu'ils le font, ça marche. Mais sauf qu'ils ne comprennent pas cette notion, cette affiliation avec l'univers que tu as créé. C'est comme si on me demandait de vendre un de mes enfants. Tu vois, il y a un moment, tu es là, tu exagères un peu. Mais pas tant que ça, tu vois.
- Speaker #1
Tu as prononcé le mot dépression, déprime. Entre guillemets, je trouve ça cool que tu en parles. Parce que ça fait une vingtaine d'années que tu as créé cette boîte. Forcément, il y a des hauts, il y a des bas, etc. C'est une boîte aussi, je pense, un peu affective par rapport à d'autres boîtes. Moi, les auditeurs qui nous écoutent un peu savent que je suis passé aussi par là, il y a deux ans. Je sais qu'il y a deux épisodes qui t'ont un peu marqué. Je crois qu'il y a un épisode suite au départ d'un associé où il y a eu un contrôle fiscal qui a failli flinguer la boîte. Et après, potentiellement, c'était quoi ? C'était la sortie du film Dofus aussi ?
- Speaker #0
Non, en fait, je me suis rendu compte que c'était cyclique chez moi. Donc... On va dire que tous les ans, j'ai ma dose. J'ai un mois ou deux où je suis... Un peu down. Je suis down, complètement. Mais j'arrive à le gérer maintenant. C'est-à-dire qu'avant, je ne savais pas à quoi ça ressemblait. Et donc, il y a quelques années où j'ai pris les choses de plein fouet, sans avoir d'emprise dessus. Maintenant, je sens arriver les choses. Et je sais que c'est des périodes. Et j'ai un peu moins envie de me buter, tu vois ce que je veux dire ? Parce que je sais que ça va passer. Donc, j'arrive à me convaincre de ça. Et puis j'ai des petits à la maison aussi, j'ai des enfants, j'ai pas envie qu'ils voient sur la tronche de papa, parce qu'on reproduit aussi beaucoup des choses qu'on a vues. Donc j'ai pas envie que mes petits me voient faire la gueule ou en mal-être quand ils rentrent de l'école. Et en fait, les sujets dont on parlait là, c'est pas vraiment des déclencheurs, mais ça vient amplifier. J'ai eu des dépressions, je fais des dépressions suite à des succès. Tu vois ce que je veux dire ? Il y a un moment où tout va bien, c'est l'extase.
- Speaker #1
C'est peut-être encore plus compliqué pour l'environnement de comprendre.
- Speaker #0
Même pour toi,
- Speaker #1
tu comprends pas. Tu bugues quoi.
- Speaker #0
T'as une telle excitation pendant un moment, tu lances ton projet, le bébé sort, ça marche. Et d'un coup, tu t'effondres. T'as l'impression que... Et je crois que ça ressemble... C'est le côté un peu post-portum, tu sais, chez les femmes. Après l'accouchement, elle te déprime. Je pense qu'il doit y avoir un lien, quoi. Il y a un moment, t'es en phase avec quelque chose, t'en baffes pour tomber le sujet, ça sort, ça marche, et dans ta tête, ça y est, c'est fait. T'as des pics de dopamine, je crois, d'adrénaline, où c'était à fond. Quand ça retombe, ben voilà, et alors maintenant ? Ah putain ! Bon ben on va penser à la suite. Et tu vois, il y a... Non, non, donc en fait, je pense à un état d'esprit aussi. Mais c'est vrai que je me suis fragilisé à fond avec les années. J'ai eu une période, et je me sens beaucoup plus fort maintenant, parce que j'arrive à tout analyser. Enfin, tout analyser. Les choses qui pouvaient à l'époque vraiment me casser les jambes, aujourd'hui j'arrive à les contourner, à essayer de...
- Speaker #1
C'est que psychologique dans la tête, ou t'as mis en place du sport, ou tu vois, l'alimentation ?
- Speaker #0
Le sport. C'est important et souvent je vais me barrer au Japon un mois par an dans les moments où il fait sombre en France. C'est-à-dire quand je dis qu'il fait sombre, c'est que chez moi, tu vois, on est à Roubaix. Quand on arrive au mois de novembre ou décembre, le ciel est gris. Ça, ça a un pur impact aussi sur mon mental. Et donc ça, en général, j'essaie de trouver un moment où je me dis, OK, en plus quand je suis là-bas, je suis ultra productif. Je bosse comme un fou. Il fait froid aussi, mais la différence, c'est que le ciel est bleu. Je me suis rendu compte que le ciel gris, le ciel gris, ça m'a affecté vraiment, vraiment, vraiment. Donc je fais du sport. J'essaie de bouger un peu. Je ne veux pas faire plus d'un mois parce que c'est compliqué, mais ça, c'est les solutions, les solutions que je mets en place. Je bouge.
- Speaker #1
Changer d'air.
- Speaker #0
Casser la routine.
- Speaker #1
Si on revient sur Dofus, Dofus, pardon. Comment tu fais, parce que dans ta boîte, j'imagine qu'il y a une bonne partie de gens qui sont des profils plutôt créatifs. Comment tu fais sur 20 ans, parce que Dofus existe toujours, pour renouveler, pour maintenir cette créativité ? Est-ce que vous avez mis en place des choses en termes de culture d'entreprise ou de profils que tu recrutes ?
- Speaker #0
Justement, je trouve que c'est un des sujets où on n'est pas très bon. ou là, s'il y avait des choses à refaire de mon côté, je pense que j'essaierais de voir les choses autrement. Parce que c'est vrai qu'il faut réussir à se renouveler, et en ce moment, c'est justement ce que les joueurs nous reprochent. On a fait une nouvelle version d'Ofus, c'est d'Ofus Unity. Techniquement, tout va être plus fluide, mais c'est vrai que nos fans nous reprochent de ne pas avoir été plus loin. notamment au niveau des interfaces, au niveau de la direction artistique. Et en fait, c'est difficile, parce qu'on a des gens qui sont là depuis très longtemps sur le jeu, qui sont les garants de l'univers. C'est très très difficile de passer un cap, de rester au goût du jour. Les années passent, et il y a un moment, le jeu est tellement colossal, ça demande une telle énergie, un tel travail, d'imaginer une refonte, qu'elle soit graphique. ou qu'elle soit au niveau du code et de la technologie, en fait, limite, tu zappes, tu vois ? Tu dis non, mais on ne va pas changer toute la DA, on ne va pas changer le code, c'est colossal. Donc le jour où on fait ça, on est parti pour des années, des années, des années, tu as le doute aussi. Est-ce qu'on va réussir à le faire ? C'est tellement énorme. On a un truc qui marche. Pourquoi est-ce qu'on va... Alors évidemment, ça vaut le coup de le penser, puisque tu es reparti pour 5 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans, et tu mousses le confort des fans. Mais en fait, le travail, il est tellement... Le jeu est tellement énorme, le travail est tellement colossal que c'est quelque part aussi plus simple, et je ne leur en veux pas de ça. Moi, c'est une de mes erreurs, mais c'est plus simple, en fait, de rester sur tes acquis. Tu vois ce que je veux dire ? Et te dire, ok, dans ce qu'on sait faire, on va faire toujours mieux, mais sans prendre un virage radical.
- Speaker #1
Donc t'as une boîte rentable, t'as pas d'actionnaire qui te met une pression de dingue ?
- Speaker #0
Moi même, même si je sais que j'ai une réputation de mec un peu, enfin pas trop, en tout cas c'est ce qui prend en interne que je suis un peu dur, en fait je fais pas chez le monde, en réalité les équipes elles ont une liberté quasi totale sur ce qu'elles font en fait. Ça manque parfois d'une certaine discipline, mais ça c'est ma faute en fait, c'est ma faute, c'est celle de Camille. En tant que dirigeant, il y a des endroits où on devrait mieux communiquer nos volontés et mettre des process en place pour mieux faire comprendre les choses aux gens. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup de confort à Ankama, les gens, je pense que la plupart le savent. Il y a plein de choses qu'on pourrait faire mieux pour motiver les troupes, mais c'est très dur aussi. Très dur aussi, c'est un management.
- Speaker #1
C'est un maintien par entier.
- Speaker #0
C'est un maintien par entier. Donc oui, regardez, on a des gens qui sont en interne depuis toujours. De toute façon, je vois que les gens qui sont vraiment précieux pour Ankama, il y a beaucoup de gens avec lesquels j'ai commencé, qui forment. des nouveaux. Et je vois en fait le niveau des nouveaux. Ce qu'ils deviennent au bout d'un an, deux ans de temps. Et c'est là que moi je vois la valeur aussi des gens. Après je parle pas de jugement humain. Mais vraiment en termes de productivité, c'est à quel moment tu formes et t'arrives à faire, à former des gens vraiment bons. Moi c'est comme ça que je repère aussi en interne les gens qui sont humains. En tout cas, qui sont mes piliers, c'est les gens qui sont capables, en fait, sans arrière-pensée, vraiment, parce qu'ils sont comme ça. Ils n'ont même pas eu de formation pour être comme ça. Mais qui sont capables de former les futurs super artistes d'Ankama de demain, quoi. Et on en a quelques-uns qui sont comme ça.
- Speaker #1
Quand on parle de changement de version, Dofus, il y a une... Alors moi, quand j'étais joueur, il y avait la version 1.29, je crois. Et il y a eu un gros changement qui a été la version 2.0. Alors, ça m'intéresse de savoir j'imagine que le taf était colossal parce que je n'étais pas expert à l'époque mais je me rappelle que graphiquement il y avait beaucoup de choses qui changeaient et pourtant quand vous le lancez il y a je crois j'ai lu à peu près 30% de la communauté qui arrête le jeu à court terme c'est ça ?
- Speaker #0
Oui c'est ça il y a 30% de personnes qui arrêtent de jouer
- Speaker #1
Comment tu gères ça en interne ? parce que j'imagine que tout le monde
- Speaker #0
Mais tu vois quand on parle des dépressions moi c'est pas dans des moments comme ça que j'ai des dépressions par exemple
- Speaker #1
Parce que ça te stimule.
- Speaker #0
Là, il y a un vrai sujet. T'as peur, t'es sur tes gardes, mais je suis pas mal dans mes baskets. C'est bizarre.
- Speaker #1
C'est de la challenge.
- Speaker #0
Je sais même pas si c'est du challenge, parce que j'y pouvais pas grand-chose. Le focus. Il faut qu'on trouve des solutions, il faut qu'on discute, il faut qu'on écoute la communauté. Il y a tout un tas de trucs. Et donc oui, pendant six mois, ça a été compliqué. Mais ça, je l'avais déjà dit aussi, après, six mois plus tard, on battait nos records de connexion. Et en fait, il y a quand même quelque chose qui est clair et net, c'est que les gens n'aiment pas le changement. Et je suis comme ça aussi, tu vois. Je te disais tout à l'heure, je joue à Diablo 2, j'ai essayé le 3, j'ai essayé le 4. Pour moi, je ne vais pas dire que c'est des purges, mais je n'arrive pas à jouer au suivant. Pour moi, le meilleur, c'est le 2, point barre. Tous ceux qui arrivent après, qui sont pourtant monstrueux techniquement, graphiquement, tout ce que tu veux, je ne rentre pas dedans. Donc quand tu es attaché à quelque chose... Il y a une nostalgie, puis quand t'as passé des centaines d'heures sur une ergonomie particulière, avec des designs particuliers, une DA, quand en fait ton jeu on te le change comme ça du jour au lendemain, putain c'est dur à encaisser quoi. Donc ouais, ils nous l'ont fait payer, nos fans, nos joueurs nous l'ont fait payer, mais ils sont revenus après, les petits coquins.
- Speaker #1
Ok, et c'était tout l'analyse commence et vous avez fait un changement ou c'est juste le temps ? Entre guillemets, les gens ont râlé pendant un temps, on dit c'est pourri, etc. et puis ils se font un vite fait ?
- Speaker #0
On a quand même vachement modernisé. Donc en fait, ils sont finis par revenir et puis s'adapter.
- Speaker #1
Du coup, au-delà du jeu vidéo, après vous avez développé la bande dessinée et sur France 3 ou sur France Télévisions ?
- Speaker #0
L'animation, WAKFU. Ouais,
- Speaker #1
exactement. Pourquoi vous avez fait ce choix-là ? Pour toi, c'était le déroulé logique de ta vision ?
- Speaker #0
Oui, c'était l'envie. Je parle toujours d'envie. Même un besoin, en fait. Moi, quand je suis dans des trucs comme ça, quand je commence à imaginer des choses comme ça, ça devient un besoin. J'ai besoin de le faire. Et en fait, c'était pour... Je ne voulais pas investir dans la promotion, dans le marketing. Donc, effectivement, on est parti à fond dans l'animation, dans tout ce qui pouvait mettre en lumière notre univers. d'une façon, comment dire, créative. Et donc l'animation, c'était on va s'éclater à faire ça. Alors ça a été un taf de malade. Encore aujourd'hui, c'est un taf de fou. Mais ça met en lumière notre univers, en fait. Tu vois, il y a, je sais pas, 80 épisodes qui ont été produits. Là, j'ai re-signé une nouvelle saison. avec France Télévisions, 26 nouveaux épisodes. C'est formidable, tu vois. Les gens sont à fond. Il y a des gens qui adorent la série, qui ne jouent pas au jeu. Mais tous ceux qui jouent au jeu, en général, ils kiffent de voir tout ce qui se passe au niveau du lore. Et c'est ça qui a si... Je veux savoir ce que tu veux dire. Le lore, c'est... Ce qu'on appelle le lore, c'est le background. C'est l'univers. C'est le mot un peu technique pour parler de l'univers. Et ça agrandit ton univers, et les gens ont une connexion, en fait. Tu vois, il se passe quelque chose. Donc ouais, ça, ça a toujours été une volonté de faire de la BD, et moi, j'ai pas un médioc, j'ai pas un média vraiment que je snob par rapport à un autre, en fait. J'adore la BD, alors tu vas me dire, la BD, ton 20 000, c'est quoi ? C'est quoi le rapport par rapport aux jeux vidéo ? Ça ne représente rien à ce que j'ai entendu 100 fois comme discours. Si, ça représente que ça a grandi l'univers, ça permet de raconter d'autres histoires sur d'autres personnages, et à la fin, ça donne un truc. Star Wars, tu vois, c'est pas que les films. Si c'était que les films, on n'aurait rien à cirer. C'est parce qu'il y a les BD, il y a les hardbooks, il y a les figurines, tous les toys qui sont autour. C'est ça qui fait qu'en fait l'univers, à la fin, il existe. C'est tout ce mélange de sujets, de médias. Moi, c'est ce que je veux faire depuis toujours. C'est ce qu'on fait depuis toujours.
- Speaker #1
C'est plus compliqué le dessin animé, les films que le jeu vidéo ?
- Speaker #0
Pas du tout. Le plus dur de tous les médias, je peux le dire, j'ai goûté à tout, c'est le jeu vidéo.
- Speaker #1
Techniquement, il faut rassembler un certain nombre de choses.
- Speaker #0
C'est les gens. En fait, quand tu restes dans le dessin animé, tu as beaucoup de gens qui ont le même profil, pas psychologique, je ne sais pas comment dire, mais en tout cas, c'est les mêmes cerveaux, plus ou moins. Dans un jeu vidéo, tu as tous les mêmes métiers que dans un dessin animé. Des directeurs créatifs, des animateurs, des décorateurs, des designers. Mais en fait, dans le jeu vidéo, tu vas ajouter des devs, des game designers, des UX designers. Et en fait, tu multiplies les interactions. Et avec des gens qui... Un dev, c'est pas une caricature, un dev pense pas comme un graphiste. Donc en fait, le graphiste il est tout fou, en général, l'artiste est tout fou, il a des envies, et puis en général il se fait casser les pattes par le dev qui lui dit, mec, elles sont bien belles tes envies, mais c'est pas toi qui vas te les cogner derrière en code, donc tu vas te calmer, tu vois ce que je veux dire ? Donc il y a toujours ce rapport-là. Non, le jeu vidéo, c'est l'art le plus complexe, sans commune mesure.
- Speaker #1
Ok. Tout à l'heure, on parlait de santé mentale. Pour toi, alors moi, j'ai beaucoup joué aux jeux vidéo. Je dis souvent que ça a été de manière vraiment objective, enfin j'espère, ma première école. J'ai énormément appris, comme je te disais, sur les jeux vidéo, des fois, il y a des guildes, c'est un peu des groupes avec qui on joue ensemble. Donc j'ai appris un peu les bases du management. Quand j'étais ado, il y a des missions, donc ça développe l'esprit critique, etc. Est-ce que tu étais conscient ? que ça créerait peut-être des mini formations, des mini écoles pour un certain nombre de joueurs.
- Speaker #0
Alors je n'étais pas conscient que certains allaient évoluer par rapport au concept qu'on mettait en jeu. Par contre à l'époque quand je voyais les joueurs faire des petits coups de salauds, parce qu'il y en a beaucoup c'était des petits malins en fait, dans l'arnaque. les petits coups de Trafalgar qu'ils faisaient à leurs camarades, ça m'est arrivé un nombre de fois incalculable de me dire Purée, qu'est-ce qu'ils sont malins ! Tu vois ce que je veux dire ? J'étais là, j'assistais à des trucs des fois, je me dis Waouh, ils ont été chercher ça, les gars !
- Speaker #1
Sur les zaps ?
- Speaker #0
Les zaps, les arnaques, il y avait des guerres de guildes, ils se faisaient tous des petites arnaques au niveau des échanges, des trucs, des machins. Même les bots, quand on a vu arriver les premiers bots, les trucs, tu disais Waouh, putain, les gars, ils sont... Ouais, ils sont partis, ça part loin, tu vois. Ne serait-ce que les gars qui, même, sur tous nos jeux, on a toujours eu des mecs qui sont venus créer des sites internet pour tout référencer, et qui sniffaient un peu nos contenus,
- Speaker #1
pour les mettre de l'info.
- Speaker #0
Donc non, après c'est marrant, parce que quand je vais sur des conventions en dédicace, et que je rencontre les gens, contrairement aux préjugés que peuvent avoir certains, C'est pas les chômeurs, quoi. C'est vrai que je rencontre plein de gens qui ont des super jobs.
- Speaker #1
Moi, je jouais avec un gars qui était médecin.
- Speaker #0
Ouais, bah ouais, mais ça, c'est arrivé plein de fois. Je le disais la dernière fois, le plus souvent, c'est des développeurs. Je demande toujours, moi, quand je fais une dédicace pour quelqu'un, qu'on discute. J'aime bien savoir qui j'ai en face de moi, tu vois. Qu'est-ce que tu fais dans la vie, tout ça, machin. Énormément de développeurs. Énormément. Et donc, il y a un... Il y a un moment où tu te dis, ouais, en fait, c'est des gens qui...
- Speaker #1
Qui bossent. Il n'y a pas que des ados... Non, en réalité,
- Speaker #0
je n'ai plus beaucoup d'ados sur le jeu.
- Speaker #1
Tu me disais que tu es monté à 25 ans de moyenne d'âge.
- Speaker #0
Plus que ça, je pense qu'on est entre... Un petit 30 ans, oui. C'est ce qui fait qu'on a un peu moins de jeu. Par contre, le chiffre d'affaires ne bouge pas. C'est que les gens ont plus de moyens que quand ils sont ados.
- Speaker #1
Mais tu sais que toi, tu as gagné peut-être tes premiers francs sur les marchés. Moi, j'ai gagné mes premiers francs quand j'ai arrêté Dofus. Je vendais le million de kamas. Le kama, c'était la monnaie de Dofus. Sur eBay, je m'en rappelle, à 30 euros.
- Speaker #0
Tu as de la chance qu'on ne t'ait pas chopé à l'époque. On t'a banni.
- Speaker #1
Mais après, en plus, je crois que vous avez vous-même créé les ogrens.
- Speaker #0
Non, ça ne marche que sur Touch. Ok. Mais sur le Dofus PC, tu ne peux pas... Mais c'est... Ouais, ouais. Ça, c'est encore le problème qu'on a avec les bots. Le problème, moi, c'est en fait un truc comme ça. Ça me plaît que les joueurs, entre eux, les gros joueurs, puissent payer, par exemple, leur abo ou gagner un peu d'argent en vendant des choses qui sont liées au flux de leur labeur. Ça, ça me va très bien. Par contre, ce qui me gêne, c'est les bots. Quand j'ai des bots,
- Speaker #1
des moises là,
- Speaker #0
que je ne peux pas aller choper et qui font des millions sur notre dos, clairement. Et qui pourrissent le jeu.
- Speaker #1
Pour les auditeurs, pour qu'ils comprennent, je pense qu'en fait, il y a des robots qui sont créés sur Tofus qui vont faire des combats et gagner ou de la monnaie ou des ressources qu'ils vont revendre derrière contre des euros.
- Speaker #0
C'est ça.
- Speaker #1
On arrive sur la fin de cette interview, on va passer à une partie un peu plus personnelle. Question ouverte, pas simple. Est-ce que tu considères avoir réussi professionnellement ?
- Speaker #0
Je serais un petit peu con si je te disais non. Je sais d'où je viens, donc bien sûr je considère que j'ai bien réussi professionnellement, mais c'est même pas le plus important. Le plus important, c'est est-ce que t'es heureux ou pas heureux, peu importe ce que tu fais au final. Je crois qu'en dehors de ça, c'est la quête ultime de tout le monde. C'est quoi être heureux ? C'est ça, c'est quoi être heureux. C'est ça la quête. Moi, je suis heureux. Je suis heureux même si j'ai des coups de mou. Je suis heureux parce que j'ai l'impression d'apporter quelque chose à ma famille. J'apporte des choses aussi, je pense, au travers de l'univers qu'on a. J'ai l'impression d'apporter des choses aux gens. Et ça, ça me rend heureux, tu vois. On me le rend... J'essaie de transmettre des choses et on me le rend sans tuple. Donc ouais, ça me rend heureux. Et donc, par rapport à ça, j'ai l'impression d'avoir réussi, ouais.
- Speaker #1
T'as dû, du coup, durant ton expérience, t'as une base plutôt, on va dire, créative, mais t'es devenu chef d'entreprise. Et du coup, t'as dû... Tu en parlais tout à l'heure que t'étais, entre guillemets, je te cite, moyen un peu partout. mais t'as dû aussi je pense un peu t'élever comment t'as appris ? est-ce que tu avais des mentors ? une chaîne YouTube, un podcast ou c'était le terrain ?
- Speaker #0
non j'ai eu aucune formation et moi même à l'époque ça existait pas encore trop les podcasts ou les chaînes YouTube sur ces sujets là c'est relativement récent donc non Non, non, je ne peux pas donner de... J'ai lu des bouquins, si tu veux. À chaque fois, souvent, les bouquins que tu as sur ces sujets-là, c'est souvent américain, c'est souvent lié à la Californie, et tu vois, ce n'est pas du tout le même état d'esprit que nous.
- Speaker #1
Puis c'est très storyteller, peut-être aussi. Storyteller,
- Speaker #0
voilà. Et donc, ça m'a vite gonflé. Non, je n'ai pas... J'essaie juste de... d'être humain, tu vois. Tu réussis pas toujours à faire les bons choix, mais j'essaie juste dans ma façon de faire ou de gérer les gens. Même quand je demande à quelqu'un de partir de l'entreprise, ce qui n'est pas évident, j'essaie toujours de ne pas avoir un comportement que j'aimerais pas qu'on ait avec moi.
- Speaker #1
Comme t'as eu au tout début de ta carrière.
- Speaker #0
Comme j'ai eu au tout début de ma carrière. Donc voilà, ça c'est mon fondamental, si tu veux.
- Speaker #1
C'est quoi la plus grosse erreur que t'as faite ?
- Speaker #0
La plus grosse erreur ? Il n'y en a pas de plus gros erreurs.
- Speaker #1
C'est plein de petites qui sont fortes.
- Speaker #0
Non, j'ai fait plein d'erreurs, mais c'est aussi ça qui te construit. Il y a beaucoup de gens qui disent que ça fait un peu naïf, mais ce sont tes erreurs qui te construisent. Mais en fait, c'est vrai, ce n'est pas des conneries. C'est-à-dire que tu apprends de tes conneries. Donc, il y a un moment, si tu commences à avoir des regrets sur des choses, Alors je pourrais en avoir plein, mais t'avances plus. Et si tu passes ton temps à regarder dans le rétroviseur, en fait, ça n'avance plus. Donc non, j'ai des erreurs humaines, des comportements que j'ai pu avoir, sous le coup de la fatigue, ou des mauvaises décisions que j'ai prises avec des gens que j'aimais bien. voilà ça c'est peut-être des choses que je vais plus regretter plutôt qu'un choix le choix d'un projet qui a pas marché mais la vie est trop courte tu vois pour passer ton temps à regretter les choses en fait.
- Speaker #1
Et je trouve que tu soulignes quelque chose quand même d'important parce que c'est vrai qu'on parle d'erreur et ça a une perception un peu négative mais moi ce que je te disais avant l'interview enfin j'entreprends depuis que j'ai 19 ans, c'est un accélérateur de maturité, d'apprentissage... Et aussi, personnel, l'entrepreneuriat, le business, c'est un prétexte un peu. Mais tu apprends sur les humains, tu apprends sur toi tous les jours.
- Speaker #0
Complètement. Puis c'est une aventure. Effectivement, tu apprends sur toi tous les jours. Moi, si je dois te donner, ce n'est pas une erreur, mais un regret, c'est que j'ai longtemps et je le suis encore. J'ai longtemps été très très naïf. Très naïf parce qu'en fait je viens de nulle part et je me suis pas vu grandir en fait. Je me suis pas vu devenir un patron. Tu le vois pas en fait. Les gens ils te diraient quand même le jour il sort, tu fais ci, tu gagnes ça. Mais en fait ouais, quand t'es dans l'énergie au quotidien tu vois pas la progression, tu vois pour toi elle est lente quand même. Et j'ai été naïf avec pas mal de personnes où mon instinct me disait attention, on est en train de t'embobiner.
- Speaker #1
et t'écoutes pas parce que c'est plus facile de pas écouter que d'écouter surtout quand t'as en face de toi des grandes gueules tu vois des gens qui mettent beaucoup de certitude ou qui te manipulent et ça ouais j'ai été longtemps très très naïf et j'écoutais pas mon instinct et en même temps c'est peut-être cette naïveté qui te permet d'emmener les équipes de créer des choses ambitieuses et que les gens au début ils se disent c'est un déglingo d'avoir des visions ouais ouais en tout cas ça c'est une certitude c'est que
- Speaker #0
C'est que, ouais, les gens, enfin, je pense, moi, comme tout le monde, on a tous besoin de rêver. Et moi, je pense qu'on a besoin de se lancer dans des projets auxquels, même, qui paraissent impossibles à tenir, tu vois. Faut y aller, quoi. Même si tu te plantes, c'est pas grave.
- Speaker #1
C'est quoi la chose, il nous reste une ou deux minutes, la chose que t'as fait le plus audacieux dans ta vie ? Et tu nous dis ce que tu veux, mais je crois qu'il y a un cadeau à ton père que t'as fait, notamment.
- Speaker #0
Ah ouais, j'ai fait un cadeau à mon père, c'était ma plus grosse dépense, mais c'est pas la chose la plus audacieuse que j'ai faite dans ma vie. Ça, c'était une promesse que j'avais faite à mon père, je lui ai acheté sa Porsche. Donc il l'a eue, quand ça a marché pour moi, il l'a eue. C'était il y a plus de dix ans, ça. Maintenant, côté audacieux, ça c'est assez récent. J'ai acheté une maison au Japon, à Tokyo.
- Speaker #1
Ok.
- Speaker #0
Donc j'avais de l'argent de côté.
- Speaker #1
Un rêve que tu avais depuis longtemps ?
- Speaker #0
Même pas. C'est que je me sens bien là-bas. En fait, moi j'ai trois spots, tu vois. C'est le TRT. Touquet, Roubaix, Tokyo. Et donc c'est vraiment les trois endroits où... Touquet, parce que ça m'appelle ma jeunesse, et que j'y suis bien. Roubaix, je m'y sens très bien, c'est chez moi, c'est mon fief. Et Tokyo, je m'y sens vraiment bien aussi. Et en fait, ça fait 20 ans que j'y vais, et... Et 20 ans que je prends des apparts, que ça me galère, que tu vois. Et là, j'ai investi dans une maison là-bas et je suis super content d'avoir fait en fait. Et ça, pour moi, c'est audacieux parce que c'est hyper compliqué d'aller dans un pays que tu ne connais pas pour l'acheter une baraque. Déjà, le faire en France, c'est dur. Tu vois, il y a un processus. Le faire au Japon avec des mecs qui ne parlent même pas anglais ou qui parlent anglais pire que toi, tu vois, avec ma femme, c'était une petite aventure super simple.
- Speaker #1
Le droit est différent, si il se passe quelque chose, tu as le bout de la terre.
- Speaker #0
Ben voilà, c'est tout ça. C'est pas évident. Mais je ne regrette pas. Je ne sais pas combien on est en France à avoir fait ça. Il ne faut pas être très nombreux.
- Speaker #1
Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?
- Speaker #0
Ce qu'on peut me souhaiter, c'est ce qu'on pourrait souhaiter à Ankama de façon générale. Tout comme moi perso. c'est que j'aimerais être là encore dans 23 ans et puis continuer à développer cet univers-là et puis que nos fans soient toujours là aussi pour nous encourager. Si on peut continuer comme ça, c'est merveilleux.
- Speaker #1
Merci Anthony.
- Speaker #0
Merci à toi, c'était chouette.
- Speaker #2
Merci pour votre écoute des sages sur cette nouvelle saison. Si vous avez aimé, vous avez été inspiré, vous avez appris quelque chose, Il n'y a qu'un moyen de nous remercier. Si vous êtes sur Spotify ou Apple Podcast, abonnez-vous et mettez 5 étoiles. 30 secondes de votre temps, mais qui nous permettent d'être toujours plus visibles et que d'autres personnes découvrent les sages. Avant de se quitter, une dernière chose. N'hésitez pas à m'envoyer un message sur LinkedIn. Nicolas Jeanne, Jeanne, J-A-N-E. Pour me dire ce que vous en avez pensé, vos retours, des suggestions d'invités. Vos retours nous font grandir. Merci.