- Speaker #0
Bienvenue dans le En haut de la pile, la dernière rubrique du podcast de Livre Hebdo, les voix du livre, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour de ce qu'on appelle middle grade, ces livres jeunesse pour les 8 à 12 ans. C'est un secteur qui traverse une sorte de crise d'adolescence, Elodie Carrera ?
- Speaker #1
Oui, c'est tout à fait ça. En fait, le rayon X, il est un peu particulier encore une fois parce qu'il se focalise justement sur ce segment qui est celui du middle grade. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, je rappelle, à l'origine, c'est une notion anglo-saxonne qui désigne donc, comme tu l'as dit Lauren, l'ensemble des ouvrages qui sont adressés aux lecteurs âgés de 8 à 12 ans. C'est un segment qui traverse une période effectivement compliquée. On est donc allé voir les éditeurs pour en savoir un peu plus et comprendre quels enjeux et quels défis leur pose ce segment. Et l'une des premières choses qui est ressortie de nos échanges, c'est vraiment le caractère décisif, l'urgence à capter ce lectorat, surtout dans un contexte où les écrans s'invitent de plus en plus et de plus en plus tôt dans le quotidien des enfants. A cela évidemment s'ajoute le challenge que constitue cette tranche d'âge qui est extrêmement vaste de par la diversité des appétits et des niveaux de lecture. Pour y répondre c'est bien simple, les éditeurs doivent faire de tout sans négliger personne et c'est une obligation, presque un devoir puisque non seulement les petits lecteurs se construisent, s'interrogent, se cherchent à ce moment-là, mais aussi parce que c'est à ce moment-là également que se développe vraiment leur goût pour la lecture. Donc pour parvenir à les attirer vers les livres. et pour les fidéliser. Les éditeurs vont mettre en place tout un tas de stratégies qu'on détaille justement dans ce rayon X et qui ne seraient en fait que peu de choses aussi sans les auteurs dont la créativité ne cesse de bouillonner et de puiser dans toutes sortes d'influences. En tout cas, une chose est certaine et elle est quand même plutôt réjouissante, c'est que personne n'a baissé les bras et que l'ensemble des acteurs travaillent d'arrache-pied pour imaginer les succès à venir mais surtout pour fabriquer la génération de lecteurs de demain.
- Speaker #0
Et donc tous les détails sont à retrouver dans ton rayon X, Élodie. Un dossier intitulé Middle Grade, le futur se lit aujourd'hui, dans le numéro de mai de Livre Hebdo. Autour de moi, la clique critique du magazine, Élodie donc, journaliste à Livre Hebdo. Fabienne Jacob, spécialiste de littérature pour enfants. Bonjour Fabienne. Bonjour. Léon Cattan, journaliste à Livre Hebdo.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
On commence avec ton coup de cœur, Léon. C'est un manga jeunesse écrit par une romancière d'origine japonaise.
- Speaker #2
Oui, tout à fait. Quand je t'ai communiqué mon choix de livre, Lauren, tu m'as demandé, mais est-ce qu'il convient vraiment aux 8-12 ans ou est-ce qu'il est plus approprié pour les plus grands ? Et je suis là, prête à assumer mon choix et à le justifier. Je vais vous parler d'un manga qui s'appelle Nikuko du Port de Pêche. Il existe en plusieurs tomes et il a été scénarisé par Kanako Nishi et illustré par l'artiste Sugisaku. Il sort le 28 mai dans la collection de Rue de Sèvres, Le Renard Doré. Et peut-être que vous en avez déjà entendu parler, car il a été adapté en long métrage d'animation sous le nom La Chance Sourit à Madame Nikuko par Satomi Oshima. Quelques mots d'abord sur le Renard Doré, c'est une collection qui a été lancée en 2024. Elle est dirigée par Rémi Inghiltera et Michael Brun-Arnaud. C'est un label qui fait la part belle aux mangas jeunesse méconnus, peu conventionnels et oniriques. Et Nikuko du port de pêche, ça tombe bien parce que c'est un petit peu tout ça à la fois. On se retrouve dans le quotidien d'une mère célibataire et de sa petite-fille dans une ville portuaire. Et c'est à peu près tout. Car les auteurs nous font passer de tableau en tableau, de souvenir en souvenir, qu'on pourrait qualifier de tranche de vie, portée par un style crayonné qui évoque les dessins au marge des cahiers d'enfants. Nikuko, la mère, boit son thé dans une tasse où il est écrit « absence de piété familiale » . Elle est gentille, trop gentille. Elle est grosse, elle n'a pas honte de le dire, et elle ne correspond en rien au carcan de la maternité traditionnelle, ce qui ne l'empêche pas de chérir sa pré-ado, l'introvertie Kikurin. On plonge avec délice dans cette ville en bord de mer décrite à hauteur de petites filles. traversée d'insouciance et de sérieux. Et oui, malgré certaines thématiques abordées, la précarité, le sentiment d'inadéquation, la mauvaise fortune en amour, ça convient aussi bien aux middle grades qu'aux adultes. Car comme le prouve notre petite héroïne, une grande lectrice de Salinger, il n'y a pas d'âge pour avoir des problèmes et les guérir à travers la lecture et l'évasion.
- Speaker #0
Merci Léon. Elodie, ça t'inspire quelque chose ce manga ?
- Speaker #1
Déjà la collection en elle-même, Le Renard Doré chez Rue de Sèvres qui fête tout juste ses un an, qui est une très belle collection, très onirique. il y a de superbes textes. Et le dernier en date, qui est celui qu'a cité Léon, qui fait beaucoup parler de lui et qui est vraiment, effectivement, d'après les critiques qui en ressortent, vraiment doux et très tendre.
- Speaker #0
Nikuko du port de pêche, volume 1, c'est signé Kanako Nishi, illustré par Sugisaku dans la collection Le Renard Doré, des éditions Rue de Sèvres. Fabienne, à toi, tu nous apportes l'histoire d'un chien qui se demande ce qu'il va faire quand il sera grand.
- Speaker #3
Oui, il s'appelle « Quand Boubou sera grand » par Walter Glassoff chez Actes Sud Jeunesse. Alors, c'est un album qui fraye un peu avec la BD parce que les dialogues. Ils sont un peu sous forme de bulles, on peut dire. Alors le petit, adorable petit chien Boubou rend visite à sa vieille tante Lucette qui est avachie dans son canapé et fatalement arrive la question fatidique mais qu'est-ce que tu vas faire quand tu seras grand ? Boubou laisse deviner sa tante, alors bien sûr il sera chien pompier, c'est sûr, mais non, Boubou a le vertige, impossible de grimper sur une échelle. Bon, alors, ce sera chien d'avalanche. Non, il est beaucoup trop frileux. Bon, alors qu'est-ce qui reste ? Chien de chasse, il ne ferait pas de mal à une mouche, non, hors de question. Qu'est-ce qui reste encore ? Chien policier, il est beaucoup trop trouillard. Alors, il ne reste plus que chien de canapé comme sa tante. Parce que ce métier de chien de canapé, ça permet plusieurs autres métiers, comédien, psy, confident. Donc c'est pas mal. Mais alors ce qui m'a plu dans cet album, bien sûr c'est les bouilles de chiens croquées par Walter Glassoff qui sont vraiment très drôles. Mais ce qui m'a plu, c'est que ça joue avec les peurs inconscientes des enfants de 8 ans. Parce que je pense que leurs parents sont quand même assez obsédés. par leur avenir. On commence à s'inquiéter dès la maternelle. Est-ce que cette maternelle fera une bonne voie royale pour Polytechnique ou HEC ? Je pense que Walter Glassoff a voulu déjouer ses angoisses parentales. Il en joue très bien et l'enfant, finalement, c'est bien naturel qu'il veuille faire chien de canapé et je ne peux qu'applaudir à cet avenir.
- Speaker #0
En tout cas, tu le racontes tellement bien Fabienne, on a envie d'avoir 8 ans nous aussi.
- Speaker #3
Moi je n'ai plus 8 ans, mais j'ai vraiment apprécié cet album.
- Speaker #0
Quand Boubou sera grand, c'est signé Walter Glassoff. Et si vous aimez les chiens, je vous conseille d'aller faire un tour sur la page Instagram de Walter Glassoff, qui est remplie d'illustrations de chiens, c'est hyper mignon. Élodie, c'est à toi, tu nous fais découvrir une autrice qui ravive les légendes d'Afrique de l'Ouest.
- Speaker #1
Tout à fait, Lorraine, il s'agit du livre La maison au coquillage, qui est donc le deuxième roman de l'autrice nigériane Effua Traoré. Le livre va paraître en mai dans la collection Le Club des éditions Michel Laffont Jeunesse. Avec ce livre, Effua Traoré, qui elle-même a grandi dans une petite ville du Nigeria, encore très marquée par son folklore local, puise justement dans cet héritage culturel, et notamment dans la mythologie du peuple Yoruba, c'est très précis, pour nous offrir un roman très onirique, presque magique. On y suit Kouki, une jeune fille de bientôt 13 ans, dont le nom complet qui signifie « celle qui ne mourra pas » porte en lui le présage funeste d'une mort. prématurée. Évidemment, il s'agit là d'une sorte de superstition alimentée par de vieilles croyances, dont Cookie ne fait pas grand cas. Et c'est plutôt normal pour une pré-ado, finalement, qui débarque dans une nouvelle ville et qui a pour préoccupation majeure, en fait, de s'intégrer et de se faire de nouveaux amis. Or, là aussi, en fait, les obstacles sont nombreux, puisque Cookie devient le souffre-douleur d'une camarade de classe. Donc, pour échapper à son quotidien, notre héroïne va donc explorer les alentours de son nouveau foyer et découvrir une mystérieuse maison ornée de coquillages laissées à l'abandon. au bord de la plage. C'est là que dans la lumière du soleil couchant, juste avant que la nuit noire ne réveille toutes les peurs, Cookie va rencontrer Enilo, une étrange jeune fille aux airs fantomatiques. Et au fil du temps, on va vite comprendre que les deux ados vont devenir très proches, aussi indispensables l'une à l'autre que les deux moitiés d'un même coquillage. Mais vous vous en doutez évidemment, cette idylle amicale ne va être que de courte durée, puisque la révélation d'un terrible secret va ébranler toutes les certitudes de Cookie. Et donc avec ce récit, et Fouad Traoré ne se contente pas. pas seulement de nous plonger dans les légendes et les mythes d'une culture méconnue. Elle célèbre aussi la force et la grandeur de l'amitié féminine et signe ici un véritable roman d'aventure qui nourrit à la fois l'imaginaire de tous les ados, mais jamais sans oublier de répondre à leurs plus grandes préoccupations.
- Speaker #0
Fabienne, je te vois réagir.
- Speaker #3
Oui, j'ai remarqué que l'Afrique, depuis quelques années, se taillait une belle part maintenant. C'est une entrée assez remarquée en littérature jeunesse dans tous les domaines, les petits comme pour les plus grands. et c'est réjouissant.
- Speaker #0
Alors, La maison au coquillage d'Effua Traoré, c'est traduit de l'allemand par Sally Steiner, c'est chez Michel Laffont. Et je précise qu'Effua Traoré avait reçu le prix du roman jeunesse Times Chicken House pour son premier roman Les enfants des sables mouvants, aussi traduit chez Michel Laffont. À mon tour, je vous parle d'un livre qui s'appelle La révolution française vue par trois ados de Christine Sabat, illustrée par Amélie Pécaud dans la collection 100% bio de Poulpe Éditions. Tout commence avec Carmen, une collégienne qui adore l'histoire. Le jour où Madame Duteil, sa prof d'histoire, propose de lancer un podcast réalisé par les élèves et pour les élèves, avec l'aide des profs et même des parents d'élèves. Carmen est au taquet. Pour s'inscrire et participer, il faut choisir un sujet. Elle a mille idées, mais priorité à la Révolution. Pourquoi la Révolution ? Parce que c'est la période la plus badass de l'histoire, selon elle. En seulement dix ans, entre 1789 et 1799, La France est complètement transformée. Et pas des petites réformettes de Trifouille et Savate, dit Carmen. Non, liberté, égalité, fraternité, rien que ça. Carmen, ça se voit, elle a le panache pour animer ce podcast, elle joue le rôle de l'historienne et elle s'entoure de Julie, la journaliste, et de Karim, qui est un correspondant un peu spécial. D'habitude, les correspondants répondent depuis l'étranger, mais lui, il répond depuis le passé. C'est un voyageur temporel qui intervient dans l'émission pour raconter en direct, enfin, avec... quelques siècles de distance, ce qui se passe à Versailles. Il interview les représentants du clergé, de la noblesse, du tiers-état. Il fait entendre les inquiétudes de M. Necker, ministre des Finances, les impressions à chaud du gouverneur de la Bastille, M. Delonnet, le 14 juillet. Il fait aussi entendre les voix des féministes, Olympe de Gouges, Louise Dupin, souvent absente des livres d'histoire. Et on a tous les événements, comme ça, racontés par le menu, joués par des figurantes, dont la mère de Carmen, le père de Karim, etc., le prof de PS. Et c'est ponctué de petites chamailleries entre ados qui ne sont pas toujours d'accord sur la façon de faire. C'est drôlissime, c'est vivant. J'avoue qu'à un certain moment de la lecture, j'avais l'impression d'entendre les voix de ces ados dans mes oreilles. On s'y croirait. Ça donne envie de créer cette émission pour de vrai. Et je termine cette chronique avec une petite charade tirée du livre. Mon premier est une note de musique. Mon deuxième est un rongeur. Mon troisième est le contraire de lait. mon tout et le nom d'un homme politique qui a joué un rôle très important dans la Révolution. La réponse est dans le livre. Si vous avez des enfants de 8 à 12 ans, offrez-leur ce livre pour leur piquer. Ça se lit comme du petit lait et à tout âge. Sur ce, je vous souhaite un mois de mai rempli de légendes de coquillages, de chiens rêveurs et de livres révolutionnaires. Et on se retrouve au prochain épisode. À bientôt !
- Speaker #2
À bientôt !
- Speaker #3
À bientôt,
- Speaker #0
au revoir C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livre Hebdo présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !