- Speaker #0
Il y a énormément de prix littéraires. Celui-là est particulier, puisque c'est le prix du CESE, et que le CESE, c'est la Troisième Assemblée de la République, que la République ne va pas bien, que la République est déchirée, que la République est sans espérance. Et donc, quand on m'a dit qu'il y avait au CESE un prix qui allait mettre en scène le futur, le futur possible, je me suis dit, c'est formidable. Parce que le futur, il faut l'explorer, et c'est en explorant le futur qu'on va faire renaître l'espérance.
- Speaker #1
Pourquoi et comment une institution républicaine en vient-elle à créer un prix littéraire ? Le CESE, Conseil économique, social et environnemental, est la troisième chambre constitutionnelle. Aux côtés de l'Assemblée nationale et du Parlement, elle représente la société civile en consultant les organisations, les citoyens et les citoyennes pour les associer à la vie démocratique. « littérature » se compose surtout d'avis et de rapports. Alors pourquoi un prix littéraire ? C'est le sujet d'ouverture de cet épisode. Je m'appelle Lauren Malka, je suis journaliste indépendante et vous écoutez « Les Voix du livre » , un podcast conçu en partenariat avec les éditions Dunod. Chaque mois, je vous embarque chez Livres Hebdo pour entendre le bruit que ça fait quand les pages du magazine du livre se mettent à parler. En deuxième partie, je m'allonge confortablement au rayon psy du Divan, librairie généraliste, pionnier de la bibliothérapie il y a plus de 104 ans. À la fin de l'épisode, la clique critique se réunit autour de la table pour parler du secteur Middle-grade, des livres jeunesse pour les 8 à 12 ans qui traversent en ce moment une petite crise de boutons. Avant cela, je découvre le prix littéraire du CESE, Conseil économique, social et environnemental, alignée sur les grands enjeux contemporains et en constante réinvention. Les voix du livre, en ouverture. Le prix littéraire du CESE a été créé en 2022 dans une perspective qui n'a pas changé. Stéphanie Porreta, directrice déléguée à l'innovation du CESE, en parle à notre micro. Oui,
- Speaker #2
en effet, c'est un prix qui n'a pas réellement changé. Les objectifs restent les mêmes. L'intention de départ de ce prix, c'était d'apporter une autre forme de débat au sein du CESE, puisque le CESE est la maison du débat et de la société civile. En revanche, on a fait quelques petites modifications au fil des années sur les critères du prix littéraire, puisqu'on a ouvert à tous les genres littéraires, c'est-à-dire essais, romans, romans graphiques, mais aussi poésie et récits, ce qui nous a permis d'avoir un nombre plus important de livres sur cette dernière édition. Toutefois, les enjeux restent les mêmes, à savoir apporter au sein du CESE une autre forme du débat, et cela par la littérature.
- Speaker #1
La littérature, ce n'est pas seulement une distraction. C'est un miroir de la société qui traite de sujets actuels, souvent au cœur des préoccupations du CESE. Bertrand Périer, écrivain, avocat, expert de l'éloquence et membre du jury du CESE, nous en parle.
- Speaker #3
Les écrivains ne vivent pas dans une tour d'ivoire, ils sont au cœur du monde et leurs œuvres reflètent régulièrement les problématiques qui sont celles de la société et qui sont donc celles du CESE, que ce soit des problématiques environnementales, économiques ou toutes les questions qui parcourent la société.
- Speaker #1
Parmi les 11 jurés figurent Érik Orsenna, Bertrand Périer, qu'on vient d'entendre, Alice Ferney, mais aussi Sabine Roux de Bézieux, membre du CESE qui nous dévoile enfin les sept auteurs et autrices en lice de cette troisième édition.
- Speaker #4
Je vais vous parler sur cinq romans et deux romans graphiques. Les cinq romans sont, attention le suspense, Cabane d'Abel Quentin. Cabane, c'est l'histoire de chercheurs à Berkeley en 1973 qui mènent à un énorme travail scientifique pour annoncer le monde entier sur l'urgence. de changer les modèles industriels pour ne pas se compliquer contre les dérèglements climatiques à venir. Et nous sommes en 1973, le livre raconte de façon très intéressante la manière dont chacun de ces chercheurs va se positionner face à la suite de ce rapport. Le deuxième livre s'appelle « Le mauvais rôle » , il a été écrit par Flore Montoya. Il raconte l'histoire d'une jeune femme qui, par conviction, s'engage à la Cour nationale. pour le droit d'asile. Elle a une formation géopolitique et elle cherche à mieux accompagner les personnes qui sont demandeurs d'asile dans notre pays, en France. Et elle en finit, je ne raconte pas la fin, mais elle raconte son désarroi devant toutes les situations humaines. Les jardins de Mandela est le troisième ouvrage, il a été écrit par François-Xavier Cottin, et il raconte comment des élèves d'un collège, avec leurs enseignants, se battent pour garder le jardin qu'ils avaient dans leur collège, alors que la municipalité a un projet d'urbanisation assez important. Le quatrième a été écrit par Baptiste Beaulieu, il s'appelle « Tous les silences ne font pas le même bruit » et il est intéressant parce qu'il parle à la deuxième personne du singulier, c'est-à-dire en tu, et il interpelle le lecteur sur sa propre vision des homosexuels, les gays comme les lesbiennes, et interroge le lecteur sur son homophobie latente. Le tout avec énormément de bienveillance. C'est vraiment un livre picolé. Le cinquième s'appelle Rue du Passage. Il a été écrit par Fatima Ouassak. Il raconte l'histoire de Sanima dans son quartier, donc Rue du Passage, un quartier qui a vu dans les années 60 une forte immigration en provenance du nord de la Méditerranée. Et à hauteur de petites filles, il raconte comment ces communautés se sont construites, comment elles se sont insérées en France. Ensuite, nous avons deux bandes dessinées. Larvac de Pierre-Marie Ferral et Sébastien Verdier qui s'appuie sur une thèse sur le grand mouvement dans le Larvac en 71, 72, 73 c'est un roman graphique en noir et blanc extrêmement intéressant qui nous rappelle ce qui s'est passé de façon journalistique et très historique vraiment intéressant pour comprendre la révolte paysanne de cette époque. Le deuxième de mon défilé s'appelle Qui même me suive de Gurvan Kristanadjaja et Joseph Falzon. C'est un roman graphique qui nous parle des réseaux sociaux. Ce qui est amusant, c'est qu'il raconte comment l'auteur cherche à mettre en avant son chien, Sirius, et il raconte toutes les déconvenues de cette mise en avant sur les réseaux sociaux, tout en dénonçant l'emprise qu'il peut avoir sur les esprits.
- Speaker #0
mais au travers des réseaux sociaux. Ce qui m'a le plus touchée en lisant cet ouvrage, c'est qu'il répond vraiment aux enjeux d'aujourd'hui. Ils sont le vrai reflet de notre société, des difficultés de la société française. Et je pense que le jury va avoir un travail difficile à faire pour démêler le vainqueur parmi ces sept ouvrages. La délibération de ce prix a lieu le 22 mai et la remise du prix, à laquelle vous êtes toutes et tous conviés, se déroulera au Palais d'Iéna, siège du CESE, le 27 mai, à partir de 18h30, avec un programme réjouissant pour là où le récompenser, mais aussi pour le public. Est-ce qu'on peut révéler quelques-unes de ces réjouissances ? La parole à Bernadette Croison, membre du CESE.
- Speaker #1
Oui, alors nous sommes en train de préparer le programme du 27 mai. Il y aura bien sûr tout d'abord le moment tant attendu, ce moment de remise. des prix, le ou la nominé qui sera la révélation du soir, mais autour de cela il y a d'autres événements qui sont prévus. Donc nous pouvons déjà dire que nous aurons cette année encore un des jeunes qui est le petit champion de la lecture, vous savez ce moment de lecture à haute voix qui est un grand moment de littérature et de démonstration de ce que la jeunesse aussi peut porter en termes de littérature. Et puis, nous avons cette année encore la Ligue d'improvisation théâtrale qui viendra nous faire une prestation. Et là, surprise, puisque comme son nom l'indique, c'est de l'improvisation. Donc, nous ne savons pas ce que eux nous concoctent. Et donc, nous avons hâte de vous retrouver le 27 mai prochain, à la fois pour profiter de cette belle soirée sur la littérature et de connaître qui sera nommé prix littéraire du CESE cette année.
- Speaker #0
Rendez-vous donc le 27 mai pour la remise du prix. Et merci au CESE. pour le soutien de cet épisode.
- Speaker #2
Les voix du livre - en chemin.
- Speaker #0
Nous sommes le 18 avril 2025 à Paris et je m'apprête à entrer dans une librairie douillette de plus de 100 ans, le Divan, qui, on va le voir, porte bien son nom. Bonjour Thomas !
- Speaker #3
Bonjour !
- Speaker #0
Alors, vous n'étiez pas là il y a 104 ans, au moment de la création, mais est-ce que vous pouvez nous raconter la légende qui entoure la naissance de cette librairie ?
- Speaker #3
Disons que la librairie où vous vous trouvez, le Divan, au 203 rue de la Convention dans le 15e, est une vieille dame, mais qui ne fait absolument pas son âge, puisqu'elle a été fondée en 1921. Et à l'époque, elle se situait dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, où étaient déjà réunies pas mal de grandes et belles librairies, comme la Une. Et effectivement, elle a été fondée par un médecin. Henri Martineau, mais le fait est que cet homme n'était pas seulement médecin, il était aussi éditeur et spécialiste de Stendhal. Henri Martineau, en 1909, a fondé les éditions du même nom, les éditions du Divan et la revue du même nom. Henri Martineau était donc un spécialiste de Stendhal. C'est pourquoi, dans la librairie, vous avez au fond de notre espace un portrait géant de Stendhal. C'est un petit peu notre joconde à nous, nous autres libraires. Quel que soit l'endroit où vous vous situez, où vous vous trouvez, il nous regarde, il nous protège, il nous inspire aussi. Et Henri Martineau, c'est un peu la légende, mais je veux bien la croire, il prescrivait autant de médicaments, de petites gélules, comme on dit, que la lecture du rouge et le noir. Voilà, donc il faisait, si on peut dire d'une manière un peu triviale, d'une pierre deux coups. Bien fait pour le corps, mais bien fait aussi pour l'esprit.
- Speaker #0
D'où le nom de la librairie, le Divan.
- Speaker #3
Peut-être, mais je n'ai pas d'assurance sur cette origine. Mais au final, vu les différentes spécialités de la librairie, dont le rayon consacré au bien-être de l'esprit, alors la psychologie en premier lieu, je veux bien donner une pièce sur cette option-là. Ce qu'il faut savoir, c'est que depuis 1957, notre librairie est rattachée aux éditions Gallimard. Les éditions Gallimard ont décidé, en 2016, de totalement transformer l'espace et, effectivement, lui donner l'aspect d'un appartement où on peut, à loisir, s'asseoir dans notre divan, justement, l'esprit chez nous comme chez vous. C'est-à-dire d'entrer dans ce lieu qu'on montrerait, effectivement, dans un grand appartement. C'est un petit peu l'objectif.
- Speaker #0
Vous l'avez dit, l'une des spécialités de la librairie, c'est le rayon psychologie, on va en parler. Il y a aussi une autre spécialité qui est les livres numériques.
- Speaker #3
Oui, effectivement, le divan a cette particularité, c'est que c'est une librairie qui prend toujours le train en marche. Il y a de cela une bonne quinzaine d'années, à l'initiative de notre directeur Philippe Touron, l'accent a été mis sur le livre numérique. et d'ailleurs pendant longtemps il y avait dans l'espace du divan une borne numérique où nos clients pouvaient télécharger des livres numériques. Aujourd'hui les choses ont évolué, là aussi le divan a pris le train en marche et sur notre site internet nos clients, mais pas que, ont la possibilité, quand cela est proposé par l'éditeur, de télécharger les livres numériques. Nous avons d'ailleurs une collègue totalement dédiée à cette tâche d'une part de remplir notre site avec le plus de fichiers numériques possible, mais aussi d'aider les collectivités, même les particuliers, à franchir le pas sur ces points.
- Speaker #0
Alors, autre spécificité de la librairie, c'est que vous organisez énormément de rencontres. Vous me disiez que vous étiez sûrement la librairie en France qui organisait le plus de rencontres.
- Speaker #3
Oui, ce n'est pas nous mettre en avant de manière démesurée que de dire effectivement que la librairie Le Divan est une librairie très dynamique. Il faut savoir que Le Divan est un petit peu connu comme le Loup blanc pour organiser toutes ses rencontres, une centaine par an, sur des thématiques très diverses.
- Speaker #0
Est-ce qu'il y a des sujets que vous évitez, par exemple ? Est-ce que vous me disiez que les sujets clivants, par exemple, n'étaient pas forcément favorisés ?
- Speaker #3
Alors, les sujets clivants, c'est toujours une appellation éminemment subjective, mais nous l'assumons. Nous faisons, par exemple, peu de rencontres politiques. Alors, il y a tout de même des exceptions, quand nous accueillons, comme en septembre dernier, l'ancien président de la République, François Hollande. ou comme nous accueillons Anne Hidalgo, maire de Paris, mais qui habite le 15e arrondissement et qui est cliente de la librairie depuis bien longtemps. Donc nous ne faisons pas de rencontres politiques, avec ces exceptions-là, qui sont liées à des paramètres très particuliers, comme je viens de les énoncer. Après, sur des sujets qui peuvent prêter, non pas à débordement, mais à des envolées passionnelles plus ou moins maîtrisées, Oui, on évite de faire des rencontres sur des sujets un petit peu qui prêteraient à la confusion ou au quiproquo.
- Speaker #0
Pour ce podcast, Livre Hebdo, en partenariat avec les éditions Dunod, pousse la porte des libraires pour les écouter nous décrire leurs enjeux, décrypter les tendances éditoriales du moment et partager leurs coups de cœur. La maison Dunod publie des ouvrages de non-fiction sous les éditions Dunod et Armand Collin pour rendre le savoir accessible au grand public, aux professionnels et aux étudiants. Nous sommes toujours avec toi. Thomas, qui désormais va vous allonger sur le divan pour vous parler de l'un des rayons qui fait la notoriété de la librairie, la psychologie. On vous écoute Thomas.
- Speaker #3
Alors, sous le terme psychologie, il ne faut pas se méprendre. La psychologie, c'est une discipline à part. Pour en faire dans la palissade, ce sont des ouvrages écrits par des psychologues, des psychothérapeutes. A contrario des ouvrages de développement personnel qui ont parfois toute pertinence à être présente dans nos linéaires, mais eux sont l'œuvre de coachs, d'influenceurs, d'influenceuses. Donc c'est bien faire déjà cette distinction. Alors effectivement, le rayon psychologie est un rayon scindé en deux grandes parties, on va dire. Il y a déjà une partie générale qui mêle des ouvrages grand public avec des ouvrages plus pointu, plus destiné à des professionnels. Il y a aussi des thématiques qui ont été mises à part parce que ce sont des thématiques sur lesquelles nous avons de la demande au divan. Je pense notamment à tout ce qui relève de l'autisme. Je pense à tout ce qui relève des HPI, c'est-à-dire des hauts potentiels, des sourdoués, mais aussi des TDAH. double de l'attention. Ces trois thématiques qui font l'objet d'une demande assez importante de la part de la clientèle. On s'en rend compte au niveau des ventes. Alors, concernant bien évidemment la psychologie, je vais mettre en avant trois éditeurs qui, je pense, ont leur importance dans ce domaine. Les éditions Duneau, qui depuis déjà quelques années ont développé une collection, les Topos, qui, j'allais dire, à tarif très étudié, nous permettent, sur des thématiques d'avoir un aperçu à la fois synthétique mais scientifique sur des notions qui se rapportent par exemple aux psychoses de l'adulte, aux névroses, aux préjugés, discriminations, bref, à ces grandes familles relatives à la psychologie sur lesquelles les gens ont parfois besoin de se faire une idée. Il y a aussi un sujet particulièrement intéressant qui remit un petit peu... peu au goût du jour ces derniers temps, c'est le sujet des relations intrafamiliales. Deux éditeurs s'en sont emparés. D'une part, Le Courrier du Livre, avec ce titre de « Marc Wollin, cette douleur n'est pas la mienne » , sous-titré « Comment briser le cercle de la transmission familiale » , et un autre éditeur qui a aussi une certaine maîtrise sur ces sujets-là, c'est Guy Trédaniel, avec cet ouvrage d'Elisabeth Horowitz, « Mon corps généalogique » . comment l'histoire familiale influence notre santé, notre ADN et comment guérir.
- Speaker #0
Donc deux livres sur le sujet de la transgénération qui est effectivement très présent en ce moment dans l'actualité, non seulement des essais mais aussi de la littérature. Un troisième coup de cœur ?
- Speaker #3
Effectivement, un troisième coup de cœur qui relève d'une thématique dont j'ai parlé en amont et qui fait l'objet de pas mal de demandes et de pas mal de vente au divan, c'est le sujet de l'hyperactivité. Et les éditions Eyrolles ont édité il y a quelque temps ce livre, « Manuels de l'hyperactivité et du déficit de l'attention » . C'est un ouvrage qui présente bien évidemment les particularités du trouble de l'attention chez l'adulte, mais aussi c'est important de toutes les difficultés que cela génère au quotidien pour les familles et la manière dont celles-ci peuvent y apporter. Une solution.
- Speaker #0
Manuel de l'hyperactivité et du déficit de l'attention.
- Speaker #3
Les éditions Eyrolles par un collectif d'auteurs, Martin Desseilles, Nader Perroud et Sébastien Weibel.
- Speaker #0
Merci aux éditions Dunod pour cette séquence de transmission des savoirs. Thomas, qu'est-ce qu'on peut souhaiter à la librairie Le Divan pour les 104 prochaines années ?
- Speaker #3
Eh bien, d'être déjà toujours là, toujours présente au service de la culture, de la clientèle, de sa clientèle, qui est tout de même son cœur de métier, en espérant qu'elle ait, mais ça je n'en doute pas, pris, comme elle l'a fait ces 104 derniers, à chaque fois le train en marche pour s'adapter à l'évolution des technologies, à l'évolution de notre société aussi, donc toujours avec ce souci permanent d'être au service, encore une fois, de nos clients en magasin.
- Speaker #0
D'Yvan qui va à vive allure avec son temps. Merci Thomas.
- Speaker #3
Merci à vous.
- Speaker #4
Les voix du livre - En haut de la pile.
- Speaker #0
C'est la troisième partie de cet épisode, la rubrique en haut de la pile, avec une thématique spéciale ce mois-ci autour de ce qu'on appelle Middle-grade, ces livres jeunesse pour les 8 à 12 ans. C'est un secteur qui traverse une sorte de crise d'adolescence, Elodie Carreira ?
- Speaker #5
Oui, c'est tout à fait ça. En fait, le rayon X, il est un peu particulier encore une fois parce qu'il se focalise justement sur ce segment qui est celui du middle-grade. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, je rappelle, à l'origine, c'est une notion anglo-saxonne qui désigne donc, comme tu l'as dit Lauren, l'ensemble des ouvrages qui sont adressés aux lecteurs âgés de 8 à 12 ans. C'est un segment qui traverse une période effectivement compliquée. On est donc allé voir les éditeurs pour en savoir un peu plus et comprendre quels enjeux et quels défis leur pose ce segment. Et l'une des premières choses qui est ressortie de nos échanges, c'est vraiment le caractère décisif, l'urgence à capter ce lectorat, surtout dans un contexte où les écrans s'invitent de plus en plus et de plus en plus tôt dans le quotidien des enfants. A cela évidemment s'ajoute le challenge que constitue cette tranche d'âge qui est extrêmement vaste de par la diversité des appétits et des niveaux de lecture. Donc pour y répondre c'est bien simple, les éditeurs doivent faire de tout sans négliger personne et c'est une obligation, presque un devoir puisque non seulement les petits lecteurs se construisent, s'interrogent, se cherchent à ce moment là, mais aussi parce que c'est à ce moment là également que se développe vraiment leur goût pour la lecture. Donc pour pas venir à les attirer vers les livres. et pour les fidéliser. Les éditeurs vont mettre en place tout un tas de stratégies qu'on détaille justement dans ce rayon X et qui ne seraient en fait que peu de choses aussi sans les auteurs dont la créativité ne cesse de bouillonner et de puiser dans toutes sortes d'influences. En tout cas, une chose est certaine et elle est quand même plutôt réjouissante, c'est que personne n'a baissé les bras et que l'ensemble des acteurs travaillent d'arrache-pied pour imaginer les succès à venir mais surtout pour fabriquer la génération de lecteurs de demain.
- Speaker #0
Et donc tous les détails sont à retrouver dans ton rayon X, Elodie, un dossier intitulé Middle-Grade, le futur se lit aujourd'hui, dans le numéro de mai de Livres Hebdo. Autour de moi, la clique critique du magazine, Elodie donc, journaliste à Livre Hebdo, Fabienne Jacob, spécialiste de littérature pour enfants. Bonjour Fabienne. Bonjour. Léon Catan, journaliste à Première et à Livres Hebdo. Bonjour. Et Jacques Braunstein, rédacteur en chef de Livres Hebdo pour analyser un chiffre, le chiffre du mois, on t'écoute Jacques.
- Speaker #4
Alors le chiffre du mois, ou plutôt les chiffres du mois, c'est les ventes de livres en France en mars 2025, puisque depuis maintenant un peu plus d'un an, Livre Hebdo, en partenariat avec GFK, publie chaque mois l'évolution par segment en millions d'euros et l'évolution par segment en milliers d'exemplaires de toute une série de catégories de livres. Ce qui est intéressant, j'ai un petit moment difficile parce que d'habitude j'essaye de donner des chiffres positifs et là je dois dire les chiffres du mois de mars qui paraissent en mai, c'est un chiffre un petit peu négatif. Mais d'un autre côté, on n'est pas là pour cacher les chiffres, mais plutôt pour les donner. Il faut quand même préciser qu'on a eu un Noël assez positif qui même a un peu sauvé l'année 2024, que le mois de janvier et le mois de février ont été plutôt positifs. Maintenant, le mois de mars il y a un décrochage puisque en millions d'euros, on a une baisse de 4,4%. et en milliers d'exemplaires, une baisse de 6,1%. Donc, il y a une sorte de retournement du marché dont on espère qu'il est conjoncturel. L'année dernière, ça avait un petit peu bougé sur avril. Sur mars, c'était encore très bon. C'était même très très bon l'année dernière. C'était plus 6,4 à rapprocher des moins 4,4. Et les raisons pour lesquelles ces chiffres ne sont pas très bons en mars, eh bien, la littérature générale marque le pas. ces derniers mois, elle était portée par la New Romance, elle l'est un peu moins en mars. Surtout, ce qui marque le pas, et c'est en rapport avec notre débat, c'est la jeunesse qui fait dans les moins 15% par rapport à mars 2024. Donc ça, c'est un petit peu inquiétant. Le manga et la BD aussi sont en baisse depuis plusieurs mois. Et par contre, je vais finir quand même sur une bonne nouvelle après tout ça, ce qui se porte très très bien, et je pense que ça a son importance pour nos auditeurs qui sont libraires par rapport à la... place et à la taille des rayons, c'est l'ASF et le Polar qui font plus 16% en millions d'euros et plus 21% en milliers d'exemplaires, sachant que c'était déjà le cas le mois dernier, c'était déjà le cas le mois d'avant. Aujourd'hui, le rayon qui se porte le mieux, clairement, c'est le rayon Polar et SF. Voilà, c'est dit.
- Speaker #0
Merci Jacques, on va continuer de se donner du baume au cœur avec les coups de cœur. Léon, on commence avec toi. tu nous apportes un manga jeunesse écrit par une romancière d'origine japonaise.
- Speaker #6
Oui tout à fait, quand je t'ai communiqué mon choix de livre Lauren, tu m'as demandé mais est-ce qu'il convient vraiment aux 8-12 ans ou est-ce qu'il est plus approprié pour les plus grands ? Et je suis là, prête à assumer mon choix et à le justifier. Je vais vous parler d'un manga qui s'appelle Nikuko du port de pêche. Il existe en plusieurs tomes et il a été scénarisé par Kanako Nishi et illustré par l'artiste Sugi Zaku. Il sort le 28 mai dans la collection de rue de Sèvres, Le Renard Doré. Et peut-être que vous en avez déjà entendu parler, car il a été adapté en long métrage d'animation sous le nom La Chance Sourit à Madame Nikuko par Satomi Oshima. Quelques mots d'abord sur Le Renard Doré, c'est une collection qui a été lancée en 2024. Elle est dirigée par Rémi Inghiltera et Michael Brun-Arnaud. C'est un label qui fait la part belle au manga jeunesse méconnu, peu conventionnel et onirique. Et Nikuko du port de pêche, ça tombe bien parce que c'est un petit peu tout ça à la fois. On se retrouve dans le quotidien d'une mère célibataire et de sa petite fille dans une ville portuaire. Et c'est à peu près tout. Car les auteurs nous font passer de tableau en tableau, de souvenir en souvenir, qu'on pourrait qualifier de tranche de vie, portée par un style crayonné qui évoque les dessins au marge des cahiers d'enfants. Nikuko, la mère, boit son thé dans une tasse où il est écrit « absence de piété familiale » . Elle est gentille, trop gentille. Elle est grosse, elle n'a pas honte de le dire. Et elle ne correspond en rien au carcan de la maternité traditionnelle. Ce qui ne l'empêche pas de chérir sa pré-ado, l'introvertie Kikurin. On plonge avec délice dans cette ville en bord de mer décrite à hauteur de petite fille. traversée d'insouciance et de sérieux. Et oui, malgré certaines thématiques abordées, la précarité, le sentiment d'inadéquation, la mauvaise fortune en amour, ça convient aussi bien aux middle grades qu'aux adultes. Car comme le prouve notre petite héroïne, une grande lectrice de Salinger, il n'y a pas d'âge pour avoir des problèmes et les guérir à travers la lecture et l'évasion.
- Speaker #0
Merci Léon. Elodie, ça t'inspire quelque chose ce manga ?
- Speaker #5
Déjà la collection en elle-même, le Renard Doré chez Rützev qui fête tout juste ses un an, qui est une très belle collection, très onirique. Il y a de superbes textes. Et le dernier en date, qui est celui qu'a cité Léon, qui fait beaucoup parler de lui et qui est vraiment, effectivement, d'après les critiques qui en ressortent, vraiment doux et très tendre.
- Speaker #0
Nikuko du port de pêche, volume 1, c'est signé Kanako Nishi, illustré par Sugi Saku dans la collection Le Renard Doré, des éditions Rue de Sèvres. Fabienne, à toi, tu nous apportes l'histoire d'un chien qui se demande ce qu'il va faire quand il sera grand.
- Speaker #7
Oui, il s'appelle « Quand Boubou sera grand » par Walter Glassoff chez Actes Sud Jeunesse. Alors, c'est un album qui fraye un peu avec la BD, parce que les dialogues sont un peu sous forme de bulles, on peut dire. Alors, le petit, adorable petit chien Boubou rend visite à sa vieille tante Lucette, qui est avachie dans son canapé, et fatalement arrive la question fatidique, mais qu'est-ce que tu vas faire quand tu seras grand ? Boubou laisse deviner sa tante, alors bien sûr il sera chien pompier c'est sûr, mais non, Boubou a le vertige impossible de grimper sur une échelle. Bon alors ce sera chien d'avalanche. Non, il est beaucoup trop frileux. Bon alors qu'est ce qui reste ? Chien de chasse, il ferait pas de mal à une mouche, non, hors de question. Qu'est ce qui reste encore ? Chien policier. Ouf, il est beaucoup trop trouillard. Alors, il reste plus que chien de canapé comme sa tante. parce que ce métier de chien de canapé Ça permet plusieurs autres métiers, comédien, psy, confident, donc c'est pas mal. Mais alors ce qui m'a plu dans cet album, bien sûr c'est les bouilles de chien croquées par Walter Glassoff qui sont vraiment très drôles. Mais ce qui m'a plu c'est que ça joue avec les peurs inconscientes des enfants de 8 ans, parce que je pense que leurs parents sont quand même assez... obsédés par leur avenir. On commence à s'inquiéter dès la maternelle. Est-ce que cette maternelle fera une bonne voie royale pour Polytechnique ou HEC ? Je pense que Walter Glassoff a voulu déjouer ses angoisses parentales. Il en joue très bien et l'enfant, finalement, c'est bien naturel qu'il veuille faire chien de canapé et je ne peux qu'applaudir à cet avenir.
- Speaker #0
En tout cas, tu le racontes tellement bien Fabienne, on a envie d'avoir 8 ans nous aussi.
- Speaker #7
Moi je n'ai plus 8 ans, mais j'ai vraiment apprécié cet album.
- Speaker #0
Quand Boubou sera grand, c'est signé Walter Glassoff. Et si vous aimez les chiens, je vous conseille d'aller faire un tour sur la page Instagram de Walter Glassoff, qui est remplie d'illustrations de chiens, c'est hyper mignon. Élodie, c'est à toi, tu nous fais découvrir une autrice qui ravive les légendes d'Afrique de l'Ouest.
- Speaker #5
Tout à fait, Lorraine, il s'agit du livre La maison au coquillage, qui est donc le deuxième roman de l'autrice nigériane Efua Traoré. Le livre va paraître en mai dans la collection Le Club des éditions Michel Lafon Jeunesse. Avec ce livre, Efua Traoré, qui elle-même a grandi dans une petite ville du Nigeria, encore très marquée par son folklore local, puise justement dans cet héritage culturel, et notamment dans la mythologie du peuple Yoruba, c'est très précis, pour nous offrir un roman très onirique, presque magique. On y suit Kuki, une jeune fille de bientôt 13 ans, dont le nom complet qui signifie « celle qui ne mourra pas » porte en lui le présage funeste d'une mort prématurée. Évidemment, il s'agit là d'une sorte de superstition alimentée par de vieilles croyances, dont Cookie ne fait pas grand cas, et c'est plutôt normal pour une pré-ado finalement, qui débarque dans une nouvelle ville et qui a pour préoccupation majeure de s'intégrer et de se faire de nouveaux amis. Or là aussi, les obstacles sont nombreux, puisque Cookie devient le souffre-douleur d'une camarade de classe. Pour échapper à son quotidien, notre héroïne va donc explorer les alentours de son nouveau foyer et découvrir une mystérieuse maison ornée de coquillages, laissée à l'abandon au bord de la plage. C'est là que dans la lumière du soleil couchant, juste avant que la nuit noire ne réveille toutes les peurs, Cookie va rencontrer Enilo, une étrange jeune fille aux airs fantomatiques. Et au fil du temps, on va vite comprendre que les deux ados vont devenir très proches, aussi indispensables l'une à l'autre que les deux moitiés d'un même coquillage. Mais vous vous en doutez évidemment, cette idylle amicale ne va être que de courte durée, puisque la révélation d'un terrible secret va ébranler toutes les certitudes de Cookie. Et donc avec ce récit, Efua Traoré ne se contente pas seulement de nous plonger dans les légendes et les mythes d'une culture méconnue. Elle célèbre aussi la force et la grandeur de l'amitié féminine et signe ici un véritable roman d'aventure qui nourrit à la fois l'imaginaire de tous les ados, mais jamais sans oublier de répondre à leurs plus grandes préoccupations.
- Speaker #0
Fabienne, je te vois réagir.
- Speaker #7
Oui, j'ai remarqué que l'Afrique, depuis quelques années, se taillait une belle part maintenant, une entrée. Assez remarquée en littérature jeunesse dans tous les domaines, les petits comme pour les plus grands et c'est réjouissant.
- Speaker #0
Alors, La maison au coquillage d'Efua Traoré s'est traduit de l'allemand par Sally Steiner, c'est chez Michel Lafon. Et je précise qu'Efua Traoré avait reçu le prix du roman jeunesse Times Chicken House pour son premier roman Les enfants des sables mouvants, aussi traduit chez Michel Lafon. À mon tour, je vous parle d'un livre qui s'appelle « La Révolution française vue par trois ados » de Christine Sabat, illustrée par Amélie Pécaud dans la collection 100% Bio de Poulpe Éditions. Tout commence avec Carmen, une collégienne qui adore l'histoire. Le jour où Madame Duteil, sa prof d'histoire, propose de lancer un podcast réalisé par les élèves et pour les élèves, avec l'aide des profs et même des parents d'élèves. Carmen est au taquet. Pour s'inscrire et participer, il faut choisir un sujet. Elle a mille idées, mais priorité. à la Révolution. Pourquoi la Révolution ? Parce que c'est la période la plus badass de l'histoire, selon elle. En seulement dix ans, entre 1789 et 1799, la France est complètement transformée. Et pas des petites réformettes de Trifouille-les-Savates, dit Carmen. Non, liberté, égalité, fraternité, rien que ça. Carmen, ça se voit, elle a le panache pour animer ce podcast, elle joue le rôle de l'historienne et elle s'entoure de Julie, la journaliste. et de Karim, qui est un correspondant un peu spécial. D'habitude, les correspondants répondent depuis l'étranger, mais lui, il répond depuis le passé. C'est un voyageur temporel qui intervient dans l'émission pour raconter en direct, enfin, avec quelques siècles de distance, ce qui se passe à Versailles. Il interviewe les représentants du clergé, de la noblesse, du tiers-état. Il fait entendre les inquiétudes de M. Necker, ministre des Finances, les impressions à chaud du gouverneur de la Bastille, M. Delonnet, le 14 juillet. Il fait aussi entendre les voix des féministes, Olympe de Gouges, Louise Dupin, souvent absente des livres d'histoire. Et on a tous les événements, comme ça, racontés par le menu, joués par des figurantes, dont la mère de Carmen, le père de Karim, etc., le prof de PS. Et c'est ponctué de petites chamailleries entre ados qui ne sont pas toujours d'accord sur la façon de faire. C'est drôlissime, c'est vivant. J'avoue qu'à un certain moment de la lecture, j'avais l'impression d'entendre les voix de ces ados dans mes oreilles. On s'y croirait. Ça donne envie de créer cette émission pour de vrai. Et je termine cette chronique avec une petite charade tirée du livre. Mon premier est une note de musique, mon deuxième est un rongeur, mon troisième est le contraire de lait, mon tout est le nom d'un homme politique qui a joué un rôle très important dans la Révolution. La réponse est dans le livre. Si vous avez des enfants de 8 à 12 ans, offrez-leur ce livre pour leur piquer. Ça se lit comme du petit lait et à tout âge. Sur ce, je vous souhaite... un mois de mai rempli de légendes de coquillages, de chiens rêveurs et de livres révolutionnaires. Et on se retrouve au prochain épisode. À bientôt.
- Speaker #6
À bientôt,
- Speaker #4
au revoir.
- Speaker #0
C'est Mirabeau. Ah mais oui !
- Speaker #1
Tu l'avais ?
- Speaker #0
Moi,j'avais bon. C'était Les Voix du Livre, le podcast mensuel de Livre Hebdo présenté par Lauren Malka. À la musique, Ferdinand Bayard. Si vous avez aimé cet épisode, abonnez-vous au podcast Les Voix du Livre et envoyez-nous des tas de cœurs et d'étoiles. À bientôt !