- Myriam Sellam
Les Sens de la Danse, le podcast qui met de la conscience dans le mouvement. Imaginez la transition entre deux mondes, celui de l'exotisme des plages infinies de Tahiti, au tumulte grisâtre de Paris. C'est ce que va vivre Taya Cambé, jeune étudiante, fraîchement admise à la prestigieuse Université de la Sorbonne. Cette nouvelle vie, on s'en doute, sera... Un véritable défi. Mais peu à peu, alors qu'elle se trouve à des milliers de kilomètres de son île, elle va se reconnecter à ses origines grâce à la danse tahitienne, qui va devenir le socle de sa vie. Dans ce second épisode, nous allons découvrir comment Taya va construire la plus grande école de Hori Tahiti et rendre hommage à la richesse de sa culture, non sans une certaine émotion. Avant de plonger dans cette deuxième partie, pensez à vous abonner et si vous aimez le contenu, N'hésitez pas à laisser 5 étoiles et un petit commentaire. Merci pour votre fidélité et je vous souhaite une excellente écoute.
- Tahia Cambet
Je pars de Tahiti à mes 18 ans pour poursuivre mes études. Je décide, enfin je décide, non, on décide pour moi, je suis prise à la Sorbonne. Et on ne va pas se refuser à cette opportunité que de pouvoir étudier à la Sorbonne. J'avais comme objectif de faire du droit et de devenir avocate ou professeure de droit à Tahiti puisque je voulais rentrer à Tahiti éventuellement. En tout cas, me laisser cette possibilité. Finalement, une fois arrivée en France, pendant un an, j'essaye déjà de m'adapter. Donc, c'est terrible. C'est vraiment terrible.
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Passer de Tahiti à Paris, franchement, je pense que...
- Tahia Cambet
Oui, de passer du lycée Paul Gauguin à Papé-Été, enfin à Tiperuie et à la Sorbonne, ça a été terrible. Alors,
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justement, raconte-moi comment c'était.
- Tahia Cambet
Déjà, au niveau de l'éducation, pas du tout le même niveau scolaire, je parle. On n'a pas du tout le même niveau. Je me suis rendue compte vraiment du gap entre que moi, je connaissais ce que les autres élèves connaissaient. Puis le climat aussi, évidemment. Terrible climat ! Voilà, exactement. Et puis, je me suis rendue compte de beaucoup de lacunes que j'avais. Enfin, je n'avais jamais utilisé un ordinateur avant mes 18 ans. Je me vois très bien arriver à la Sorbonne avec mon papier et mon stylo et me dire non, mais je suis carrément capable. totalement capable de noter un cours. Je n'ai jamais été capable, même avec un ordinateur d'ailleurs, je n'ai jamais été capable de taper un cours en entier. Donc je finissais par utiliser des dictaphones. Et voilà, donc ça a été terrible, terrible. Et malgré quand même pas mal de volonté, ce n'est pas quelque chose que j'ai continué. D'ailleurs, je sais très bien pourquoi, puisque je décide d'arrêter mes études tout simplement pour partir participer à mes premiers championnats à Tahiti, à quelques jours de mes derniers partiels de fin de licence en fait. s'offrent de droits. Tu te dis, j'arrête tout. J'ai pas économie, donc j'étais en double licence. Je décide, soit je finis ma licence, j'essaye en tout cas de passer mes examens. Je pense qu'à l'époque, je n'étais pas non plus très convaincue de la faisabilité du projet. En revanche, j'avais déjà mon école de danse, évidemment. Ah, d'accord. Pendant un an, je me concentre sur mes études, puis je commence à travailler avec une association, à donner des cours au sein d'une asso. Je me souviens encore de cette rencontre où j'amène un peu un espèce de CV. C'est marrant de revoir cette image de moi à 19 ans et qui suis hyper introvertie, hyper timide. La danse m'a permis vraiment de m'exprimer, de prendre confiance en moi. Finalement, oui, complètement. Elle a réussi. Je me vois aussi quelques années plus tard, on va dire un an ou deux plus tard, aller démarcher des salles de danse pour essayer de monter une autre entreprise. Et finalement, créer ma propre école de danse à côté, toujours, de mes études. Donc là, je suis encore en licence à la Sorbonne.
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Et pourquoi tu te dis que tu vas lancer ça ?
- Tahia Cambet
Parce que ça me plaît, ça me fait du bien. Ça me fait vraiment ma bouffée d'oxygène. Danser, ça me fait énormément de bien. Je retrouve des Thaïciens qui, comme moi, vivent loin. Et puis, je me fais des amis en dehors de la partie Sorbonne, qui finalement, enfin, études, qui finalement est très pesante. Et puis, je retrouve... pas du tout la même mentalité. Grâce à la danse, je retrouve des gens qui ont vécu à Tahiti, qui sont intéressés par la culture tahitienne ou qui sont tahitiens. Et du coup, c'est vraiment une communauté qui se crée, qui commence à se créer. C'est pour ça que j'ai envie de donner des cours de danse. Et puis parce que ça me permet aussi, tout simplement, de vivre à Paris, parce que ça ne coûte pas rien de vivre à Paris. Et je me rends compte que de pratiquer ma passion... et de créer cette communauté, de me sentir mieux dans ma peau, de danser, de me faire du bien, parce que ça faisait un an que je n'avais pas fait de sport finalement, donc ça me permet de recréer un équilibre entre corps et esprit. Ça me permet aussi de gagner un petit peu d'argent, de l'argent de poche, qui me permet de mieux vivre à Paris. Je démarche une salle de danse et je me vois très très bien y aller et demander à louer la salle de danse et que le monsieur, qui est devenu après un ami, regardait et me dit Ma petite, je ne sais même pas où est Tahiti. Tahiti, il me sort probablement Tahiti, comme la plupart des gens. Et je me vois y retourner trois fois avant qu'il me laisse ma chance et me dit Si vous arrivez à faire venir 50 élèves à votre premier cours, je vous loue la salle de danse. Et les premiers cours, elles étaient à plus de 50, largement plus. Et là, il a été ahuri et il a tout de suite adoré la danse parce qu'il a vu tout de suite la bonne entente, la bonne humeur, les musiques. C'est une danse qui est très belle. C'est vraiment une danse qu'on a envie de regarder. Pas que de par le côté nudité et mouvement de hanche, mais aussi parce que les musiques sont très belles, parce que c'est un moment de joie et de plaisir pour les personnes qui la pratiquent. Et ça, je pense qu'il a tout de suite... le ressenti. Je suis restée chez lui 7 ans jusqu'à ce qu'il ferme à cause de tous les problèmes, notamment le Covid. Il a eu des périodes difficiles à Paris. C'est un monsieur qui, pour moi, est très important dans ma vie.
- Myriam Sellam
Ça t'a donné ta chance.
- Tahia Cambet
Exactement. Ça m'a permis d'année en année de développer cette école. Au début, on en était 20 en régulière. à venir régulièrement quand j'étais en association, puis après 50, puis après 100, puis après 200, puis après 400. Aujourd'hui, nous sommes 400 femmes de tout horizon, de tout niveau, de toute origine, unies par la passion de la danse et l'envie de progresser, de faire du sport, de pratiquer d'un art, et de s'affirmer aussi en tant que femme, parce qu'il y a aussi cette partie-là de la danse haïtienne qui, pour moi, est très importante.
- Myriam Sellam
Et en quoi justement elle se permet de plus développer ce côté-là ?
- Tahia Cambet
Tu veux dire ce côté féminin, cette réappropriation du corps ? La danse thaïsienne, c'est une danse qui est très liée au corps. Déjà c'est un milieu qui est réservé qu'aux femmes, dans mon école en tout cas. même si la danse naïcienne est une danse qui se pratique par les hommes et par les femmes. Dans mon école de danse, il n'y a que des femmes. C'est une salle dans laquelle tu te sens bien, où tu es entre femmes, où forcément on te demande de porter un paréo, et un petit haut, parce que sinon tu crèves de chaud littéralement. Combien de fois j'ai vu des élèves arriver, commencer avec un ging-wang-jo-ging sous le paréo, quelque chose de plus couvrant, et progressivement de se sentir mieux. Et puis le paréo, il n'est pas forcément plus court, mais attaché de manière plus assumée, avec un petit top. Puis tu te rends compte en fait que peu importe la forme de ton corps, peu importe ton âge, il n'y a pas de jugement en fait dans cette salle de danse. On est tous là pour passer un bon moment. Il y a vraiment de la bienveillance et ça a permis à beaucoup de femmes d'apprendre à se regarder dans le miroir, d'accepter son corps, de renouer avec leur féminité. Je ne sais pas ce que j'en avais fait, un petit sujet. C'était une interview de télé sur la danse et la résilience. Et j'avais du coup demandé à mes élèves de témoigner. J'avais du coup appris pas mal de choses. Il y a beaucoup de femmes aussi qui pratiquent le Hori Teiti parce qu'elles ont une maladie. La danse à l'essai va leur permettre de leur faire du bien, physiquement et mentalement. C'est une danse qui est éminemment féminine. Et ce côté social, finalement, c'est ce qui me plaît le plus dans la danse. Avoir réussi à créer cette communauté bienveillante et de femmes fortes qui sont toutes là pour se surpasser et s'entraider, c'est vraiment ce qui me plaît dans la danse. C'est pour ça que j'adore autant mon métier. Oui,
- Myriam Sellam
parce que tu aurais pu être danseuse professionnelle et...
- Tahia Cambet
Tu l'es aussi. Oui. Après, je ne pense pas qu'on puisse vivre de ça en tant que danseuse d'Aïtienne. Peut-être. Pourquoi pas ? Je sais qu'il y a eu des danseuses et des danseurs de feu, bâtons de feu, qui ont intégré, par exemple, le Cirque du Soleil. Je ne sais pas. Je n'ai jamais envisagé cette vie-là. En tout cas, je suis tellement passionnée. Je dis souvent que j'ai trois casquettes, celles de professeur de danse, chorégraphe et de danseuse. Danser, j'adore ça. J'adore me lancer des challenges. C'est pour ça que je fais des compétitions. C'est plus pour l'avant. La compétition et tout ce que ça demande en tant qu'effort, ça m'a poussée à progresser, pas moi-même, parce que sinon je n'ai personne pour me pousser. Ce qui me plaît le plus, c'est la préparation physique que la compétition sur scène, qui finalement est un moment assez compliqué, quand même difficile. J'aime danser pour ma famille ou pour mes amis en soirée, pendant ce qu'on appelle les brins haïtiens. Un moment convivial et en famille, ça c'est un plaisir, mais ce que je préfère, c'est vraiment enseigner. C'est transmettre ma passion de la danse et voir mes élèves évoluer, ça c'est le plus beau des cadeaux. La chorégraphie, c'est aussi quelque chose qui me plaît énormément parce qu'au travers de mes chorégraphies, je raconte beaucoup de choses. Chacune de mes créations chorégraphiques représente une partie de ma vie et du coup, ça me permet de m'exprimer et ça me permet de faire la paix avec beaucoup de choses. C'est la résilience par la danse, encore une fois. Ça peut être à la fois un hommage à mes ancêtres, faire la paix avec ma maman, avec mon pays, ou ça peut aussi raconter une histoire d'amour, une rupture, ou m'affirmer en tant qu'artiste. Chaque création est importante pour moi.
- Myriam Sellam
C'est elle par exemple qui t'a le plus marquée ? S'il y en avait une, si tu pouvais nous partager ce qu'elle a pu permettre de faire ?
- Tahia Cambet
J'en ai plusieurs. Je vais commencer par Areva parce que c'est la première qui est moderne sur une musique de Veitani, accompagnée d'une voix chantée en thaïsien, en Rio-Thaiti. Mais c'est une musique qui parle d'un artiste. C'est là où j'arrive pour la première fois à dire je suis une artiste. Et pour moi, c'est hyper important parce qu'à partir de là, c'est comme si on m'avait retiré mes... mes chaînes et que j'osais créer. J'ai un style qui est particulier, qui est moderne. Le fait d'être éloignée de Tahiti, ça me permet finalement de prendre de la distance par rapport à ce qui se fait et de développer un style qui est différent. On va dire souvent que le style de ma troupe au Tahitianoui, c'est un style qui est unique. Je pense qu'il l'est et que cette distance me permet justement de ne pas être influencée par ce qui est fait à Tahiti. Le fait d'habiter à Paris, ça me permet aussi d'avoir accès à d'autres cultures et d'autres sources d'inspiration. Je ne sais plus pourquoi je dis ça, je me suis dit Areva, voilà. Je perds le fil tellement ça me passionne. Mais voilà, Areva, c'est vraiment le début de suis une artiste, purée Et ça parle d'une artiste et d'un artiste peintre pour le coup. Mais je m'identifie vachement à ça. Voilà, du coup, Areva est important. L'année dernière, on réalise To'uma Utupuna, Nos Ancêtres. C'est un hommage à nos ancêtres anciens navigateurs. Le peuple Maori est un peuple de navigateurs qui maîtrisait l'art de la navigation. Et voilà, c'est avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de fierté que j'arrive à passer de Hariba, le début de cette carrière de chorégraphe, à Hariba. à To'umotupuna, finalement l'une de mes dernières créations que je présente à Tahiti et où les membres du jury et aussi mes mentors arrivent à voir que je suis capable de créer sur Rihanna, Billie Eilish ou encore Veitani pour Arriva, mais aussi sur des musiques qui vont avoir du sens pour eux, plus ancrées sur nos ancêtres, notre culture, nos traditions, nos anciennes pratiques, nos coutumes. To'umotupuna a beaucoup de sens pour moi puisqu'aussi... Je crée cette chorégraphie avec des artistes de Tahiti. Donc, c'était important pour moi que chacun comprenne bien les paroles, soit bien rattaché à leur terre, bien cette besoin d'affirmation identitaire et cette envie de rendre hommage à nos ancêtres communs. Donc, voilà.
- Myriam Sellam
C'est une belle histoire.
- Tahia Cambet
Et le fait de pouvoir voir dans les yeux des juges et de mes mentors la surprise, c'est un wow. T'es aussi capable de faire ça en fait. T'es aussi capable de te détacher de ce que tu nous as montré, un peu de cette rébellion que j'ai eue pendant des années avec Stay, de Rihanna par exemple. Cette rébellion, t'es aussi capable de revenir à quelque chose pour nous faire plaisir et nous toucher. Et c'était pour eux, pour eux mentors et pour le peuple maouhi, pour les gens qui étaient dans la salle et les thaïsiens, et pour leur dire voilà, je suis parisienne mais je suis aussi enfant de Tahiti. Et voilà, ça m'émeut un peu.
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Oui, parce que tu fais la boucle en fait.
- Tahia Cambet
Je suis revenue à quelque chose de beaucoup plus proche de ma culture. Je suis désolée, je suis émue.
- Myriam Sellam
Mais il n'y a aucun problème. Et l'émotion,
- Tahia Cambet
c'est une belle... On apprend au fur et à mesure des années aussi à faire la paix. Ce n'est pas forcément facile en tant que demi aussi de vivre à Tahiti. Donc la danse a permis beaucoup de choses. J'ai voulu m'éloigner de cet aspect vraiment culturel. très conservateur de la danse et le faire évoluer. J'avais envie que la danse thaïcienne soit considérée aussi comme un art et qu'on ait la même considération pour la danse thaïcienne qu'on peut l'avoir que pour la danse classique. Et à Tahiti, on vit vraiment à Tahiti. La danse pour les Thaïciens à Tahiti, j'aspire à beaucoup plus pour la danse thaïcienne. Je pense que c'est une danse qui peut être dansée par tout le monde. Ça sera toujours la danse thaïcienne, ça sera toujours une pratique culturelle, mais c'est aussi, c'est beaucoup plus que ça et c'est un art. Et c'est ce que j'ai voulu faire pendant plusieurs années. Ça ne m'empêche pas de comprendre cette idée culturelle et cette importance qu'il y a aussi de continuer à rappeler au monde entier que c'est une danse de Tahiti qui a du sens, de par la langue, de par ce que ça raconte. Et nous, Tahitiens, ça nous fait vibrer différemment d'une personne qui ne va pas être forcément d'origine tahitienne. Ça va faire vibrer aussi différemment, en tant que femme peut-être, pour d'autres raisons. L'aspect culturel revient aujourd'hui à 30 ans. Je me rends compte que c'est très important. J'essaie de l'expliquer avec mes mots.
- Myriam Sellam
C'est très bien, Thaïa. Merci beaucoup de ta confiance.
- Tahia Cambet
Merci à toi, Myriam.
- Myriam Sellam
Tu as aussi fait quelque chose qui est assez exceptionnel, c'est de mettre en place une plateforme pour réussir à justement faire connaître au monde entier. Puisque tu me disais qu'il n'y a pas que à Paris, mais il y a des gens un peu partout. Est-ce que tu peux nous en parler ?
- Tahia Cambet
Effectivement, la danse m'a permis aussi pas mal de voyager. Je me suis rendue compte très rapidement qu'il y avait énormément de pratiquantes à la fois au Japon, au Mexique, aux Etats-Unis, dans beaucoup de pays. À côté de l'aspect artistique, il y a évidemment aussi ce challenge de businesswoman. À 20 ans, 22 ans, jusqu'à mes 28 ans, j'avais cette... envie de prouver que voilà, au-delà de ça, je pouvais aussi monter une entreprise, quelque chose de viable. À la fois, j'avais envie de le prouver à mon père qui voulait que je sois avocate, mais aussi à moi-même. Et voilà, ça a été important. J'aime ce challenge-là, monter une entreprise, créer quelque chose, avoir la plus grande école privée du monde, c'est quelque chose que je voulais et que j'ai réalisé par le travail. Je bossais énormément et j'adore ça. Ça me rappelle,
- Myriam Sellam
tu sais aussi un peu, quand tu parlais d'un âge de tes six ans, finalement, déjà, il t'avait challengé.
- Tahia Cambet
Absolument. Là, il fallait que je prouve que j'allais y arriver. Tout le monde n'a pas la chance de pouvoir vivre de sa passion. Tout le monde ne peut pas monter une école de danse. Il n'y a pas de formation non plus pour devenir professeur de danse. Il y a un accompagnement du conservatoire. Il y a un diplôme. Je suis diplômée du conservatoire. Mais pour moi, la pédagogie, c'est quelque chose qui s'apprend et qui se développe. Et j'ai voulu absolument développer des techniques. d'apprentissage pour permettre à mes élèves d'évoluer le plus rapidement possible. On a des dizaines d'années de retard par rapport à Tahiti et il fallait que mes élèves évoluent, qu'on puisse participer à des compétitions en étant à la hauteur de ce qui se faisait à Tahiti. Il fallait des résultats à la fois. On se demande l'ambition. Je pense que j'ai été très ambitieuse. J'ai toujours des rêves et des choses à réaliser, mais j'ai décidé aujourd'hui de profiter de la vie, de profiter de ma famille, profiter de... de mes amis. Les priorités changent un peu avec les années. Mais oui, j'ai eu mes années de folie, de grande folie. Pendant ces années-là, je développe aussi un site internet. Je réalise 48 vidéos, en fait, un an de cours de danse qui t'emmènent. En 48 vidéos, tu apprends le ho-rit-rit-lit de chez toi. C'est un programme de cours qui est proposé en français mais sous-titré en japonais, en espagnol et en anglais. C'est un peu le netflix. Exactement. D'ailleurs, la plateforme sur mesure qui a pris 4 ans d'être redesignée, créée, montée, testée, avec des vidéos bonus, un système de parrainage, un dialogue, parce que je voulais conserver ce dialogue avec mes élèves, malgré l'écran. Donc voilà, c'était vraiment un truc, un gros, gros, gros projet. D'un seul coup, le Covid est arrivé. Et puis, s'est développé l'éco en ligne. Donc, moi, il faut savoir que le Covid, dès la fermeture de l'école, je me souviens dire au revoir à mes élèves, je me souviens d'un shot de tequila, de dire, on ne sait pas quand est-ce qu'on se reverra. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ne se quittera pas, qu'on va faire en sorte de continuer, et on trinque à ça. Et je me souviens que deux jours plus tard, on est en ligne. Pendant deux jours, je travaille. Comment on va faire ? Est-ce qu'on se met sur un direct live Facebook ? Puis Zoom apparaît. Et puis d'un seul coup, ça devient logique. Et en fait, on n'a jamais interrompu. Je n'ai perdu aucune de mes élèves. On était tous les soirs connectés. Ça a permis à énormément de mes élèves de progresser. Parce que du coup, elles avaient accès à de la danse tous les soirs. Que ça a fait ? Ça a permis aussi de développer une communauté internationale. d'élèves que je continue à suivre en direct live, du Japon, mais aussi, je pense, au Chili, aux États-Unis, au Mexique, Taïwan, Thaïlande, des personnes du monde entier. Je pense notamment à mes élèves, que je suis, du coup, depuis le Covid, du Japon, qui vont se lever à 4h du matin pour suivre les cours de danse, une à trois fois par semaine. C'est quand même incroyable. Et à chaque fois que je vais au Japon, donc là, je retourne en février, chaque fois que je vais au Japon, je les revois. Donc, en vrai, enfin, voilà. Oui, il y a un lien. C'est vraiment... Elles font partie de notre famille. une de notre école de danse. On a par exemple des dress codes et je sais que même derrière leur écran, elles respectent leurs dress codes. Et voilà, on les voit, elles nous voient et on partage un moment, même si elles ne peuvent pas parler. Il y a un lien et les filles de l'école de Paris connaissent les filles de l'école des cours en ligne, des cours en live. Là, ce soir, je donne cours et je vais les rejoindre. Et je sais que tout est en bleu parce que ce soir, c'est bleu. Enfin voilà, c'est plus qu'une école de danse. C'est vraiment une communauté de passionnés, une bande de copines. Ça permet aussi pas mal d'entre elles de se faire des amis. Je sais qu'il y a beaucoup de gens à Paris qui ont du mal, en dehors du travail, à rencontrer des gens. Je sais que de très belles amitiés se sont créées au sein de cette école. Ça, c'est une grande fierté aussi.
- Myriam Sellam
Ça me rappelle vraiment ton histoire dans les grands ballets. C'est finalement une belle revanche aussi de hockey. Moi j'en ai un peu bavé mais c'est pas comme ça.
- Tahia Cambet
J'ai commencé comme ça un peu je pense. Quand j'ai monté ma troupe de danse, être chef de troupe c'est vraiment super difficile, j'apprends encore aujourd'hui. Je me suis vite rendu compte que moi j'étais l'artiste. mais que j'avais besoin d'une équipe complètement... Autant j'ai eu cette ambition de monter une entreprise et tout, et j'aime bien créer, j'aime bien être libre et faire ce que je veux. Et voilà, il faut savoir que je suis entourée de personnes très bienveillantes. Je parle notamment de Ota Hitinui, Matroup Pense et Association. Et même au sein de l'école, j'ai des personnes bénévoles qui, naturellement, vont m'aider à la fois à la gestion de mon entreprise, qui vont me dire, écoute, t'as pas besoin d'un coup de main, viens, je t'aide. Ils sont vraiment devenus finalement mes amis. ou des copines qui vont m'aider à organiser à la fois les cours en live, mais aussi la vie de l'association. Parce qu'organiser tout ce qu'on fait, partir à Tahiti, ce n'est pas juste une chorégraphie. Il faut gérer le voyage, le logement, le budget. Donc c'est un travail d'équipe. Je n'en serais pas là où j'en suis aujourd'hui sans toutes les personnes que j'ai rencontrées, qui m'ont guidée, qui ont eu plus d'expérience, plus de la maturité aussi. Parce que moi, j'ai commencé, j'avais 20 ans. J'étais entourée de personnes qui, à la fois, étaient originaires de Tahiti et d'autres pas du tout, mais qui ont chacune apporté leur expertise, que ce soit au niveau administratif. au niveau de la gestion d'équipe aussi. Ce qu'on dit à toute personne qui rentre dans l'école ou dans l'association, c'est qu'on est là aujourd'hui grâce aux personnes qui étaient là avant et chaque personne doit apporter sa pierre à l'édifice. Au Tahiti Nui, ce n'est pas juste nous, c'est au Tahiti Nui survivra. Et voilà, on laissera quelque chose. Et à chaque fois qu'on réalise une choré ou qu'on met en place un événement ou quelque chose, on fait grandir notre groupe, notre famille. Et c'est quelque chose qu'on va léguer plus tard aux générations futures. C'est comme ça, en tout cas, qu'on voit les choses.
- Myriam Sellam
Donc là, vous allez partir dimanche. Qu'est-ce qui va se passer ?
- Tahia Cambet
Alors, on part dimanche pour participer à la Hori Tahiti Nui compétition, organisée par Manouche Lartel et Toumata Robinson. C'est une compétition qui a eu lieu tous les ans à Tahiti, à laquelle participent tous les vainqueurs des compétitions nationales. On va dire en fait que... C'est un peu l'équivalent des championnats du monde. Voilà, donc avec plusieurs catégories, solo, groupe, duo, hommes et femmes. Nous, on participe cette année en groupe. Ça fait plusieurs années qu'on participe. L'année dernière, on remporte avec To'uma Utupuna cet hommage à nos ancêtres. Nous remportons pour la deuxième fois le premier prix. Au Tahitino, il a toujours été titré première, deuxième ou troisième place. Troisième place ? Première ou deuxième place ? Première ou deuxième place, toujours. Donc l'année dernière, remportée avec Umotopouna.
- Myriam Sellam
Vous avez toujours...
- Tahia Cambet
Oui, on a toujours été sur le podium. Wow ! Aussi très compétitive. Faire travailler mes artistes pendant 80 heures d'affilée. C'est énormément de travail. C'est des filles qui vont faire plus de 20 heures de danse dans un week-end. C'est énorme. Et ce sont des femmes qui ont aussi un travail, un véritable travail à côté. Des enfants, une famille, un mari. Enfin, énormément de choses. Ce pourquoi nous sommes... reconnues dans le domaine du Rite Haiti, c'est les mehuras, c'est-à-dire les formations de groupes, par les déplacements et les formations qui sont particulières. J'attache beaucoup d'importance à la synchronisation et à l'originalité de mes formations de groupes. Je peux participer aussi en solo et remporter le World Championship en 2016.
- Myriam Sellam
Tu l'as eu ?
- Tahia Cambet
22, 2022. Ah bon ?
- Myriam Sellam
Oui, oui, oui. En tout cas, tu as été vice-championne.
- Tahia Cambet
Oui, en 2016. Et j'ai participé quatre fois. J'ai quatre fois été sur le podium. Deuxième place, troisième place, deuxième place. Jusqu'à finalement, après le Covid, revenir en 2022. 2022. Oui, 2022. 2022 est remporté la première place. Donc, oui, c'était... Voilà. Je vais continuer à participer jusqu'à y arriver.
- Myriam Sellam
Le challenge, oui.
- Tahia Cambet
Voilà.
- Myriam Sellam
Donc là, vous allez partir. Pour combien de temps ?
- Tahia Cambet
Voilà, là, on part... deux semaines. On a une semaine de préparation à Tahiti, assez intense. Les filles vont s'entraîner le matin, le soir, et entre les deux, on va quand même un peu profiter et se reposer, parce que dans ce matin et ce soir, on a besoin aussi pas mal de repos, de récupération. Donc l'idée, c'est de passer de bons moments ensemble, et puis on va vivre toutes sous le même tour en para-huit. Donc on a aussi des solistes, on a un groupe de cinq. Moi, cette année, je ne participe pas. J'ai décidé de faire un petit peu une coupure avec les compétitions, puisque j'ai remporté plusieurs fois les championnats d'Europe, je participe au Hey ! White Haiti en tant que soliste. C'est des expériences que j'aime beaucoup, qui me Ausha, mais j'ai besoin un peu de faire cette pause pour pouvoir, si je le souhaite à ce moment-là, revenir sur scène, mais plutôt, on va dire, dans un an ou deux. Voilà, donc là, ça fait presque un an que j'ai arrêté les scènes en tant que soliste, et pourquoi pas revenir en 2026.
- Myriam Sellam
Et c'est ça un peu le prochain challenge ?
- Tahia Cambet
Je ne sais pas trop. Mon école est tellement importante, ce que je fais à Paris, c'est tellement important pour moi. Ces moments-là, tu vois, créer, passer 80 heures avec ses filles, les accompagner à Tahiti parce que finalement moi j'ai pas trop d'intérêt, enfin je veux dire si j'en ai, être avec des personnes que j'adore, des personnes qui méritent qu'on les accompagne et j'adore créer mais finalement Ouais, je sais pas, j'ai pas forcément besoin, moi, d'être sur scène, j'ai pas forcément besoin de gagner. Je suis bien dans mon école, en fait, et je sais pas encore. J'ai toujours le rêve de monter une académie qui puisse proposer, au-delà des cours de danse, des cours de langue, des cours de musique, l'art oratoire, c'est aussi quelque chose qui est important chez nous. Voilà, proposer plus de choses, un accès plus complet à la culture thaïsienne, ça c'est un rêve. Encore faut-il trouver un local adapté, donc ça fait quand même cinq ans que je cherche un local à acquérir. Mais bon, voilà, on habite à Paris, c'est pas forcément évident. Voilà. Ça, c'est en tout cas un rêve que j'ai encore et pourquoi pas le réaliser ? Si ce n'est pas moi qui le réalise, il y aura quelqu'un pour le réaliser après moi, j'en suis sûre. Il y a 12 ans, il n'y avait pas d'école de danse en France. Il y avait beaucoup d'associations, mais pas d'école de danse. Donc,
-
c'était toi la première ?
- Tahia Cambet
Aujourd'hui, nous avons la plus grande école privée au monde. Et j'espère un jour avoir une académie, sans même avoir la prétention d'octroyer des diplômes, tel que le fait le conservatoire artistique à Tahiti. Mais voilà, pour pouvoir en tout cas en faire une discipline. Moi, ce que je veux, c'est qu'on en fasse une discipline au même niveau. que la danse classique, la danse contemporaine. J'ai tellement entendu des gens dire, naïvement en fait, c'est une danse folklorique, c'est faire des vagues à droite, des vagues à gauche, que c'est ce qui m'a motivée à en faire aujourd'hui ce que c'est. Aujourd'hui, ça a beaucoup changé, les mentalités ont changé. Mais c'est tellement dommage qu'en France, alors que la Polynésie, c'est français, c'est tellement dommage qu'en France, on ne connaisse pas cette partie-là de la culture française, que ça me tient à cœur d'en faire quelque chose de considéré. à la hauteur de ce que ça mérite. C'est une magnifique danse qui mérite qu'on la connaisse, qui mérite qu'on la pratique et qu'on la considère.
- Myriam Sellam
Et Vaiana 2, du coup, quel est ton regard par rapport à ça ?
- Tahia Cambet
Alors, ce n'est pas quelque chose qui a impacté mon école de danse. Je sais qu'il y a beaucoup de gens qui s'intéressent davantage à la culture polynésienne en général, grâce à Vaiana, donc Moana. Je préfère le titre original. Moana, voilà, moins vendeur pour la France, mais Moana qui a beaucoup plus de sens, puisque Moana veut dire le grand océan en thaïsien. Donc, oui, je vois bien l'engouement et l'envie que les gens ont de connaître cette culture. cette culture en tout cas, je trouve ça vraiment génial. J'ai absolument hâte de voir le deuxième. Je suis sûre que ça va intéresser encore plus de personnes. Pas qu'à la danse, je l'espère, mais aussi au tatouage. Tous ces pans de la culture thaïsienne et les autres cultures polynésiennes, puisque Vaiana ne s'inspire pas juste de la culture thaïsienne, mais aussi d'autres cultures polynésiennes.
- Myriam Sellam
Voilà, c'est la fin de cette seconde partie. J'espère que le parcours de Thaïa Cambé vous aura plu et puis inspiré. Son ascension, elle continue. puisque ces élèves ont une nouvelle fois remporté le premier prix au fameux championnat Hori Taitinui. Merci d'avoir partagé ce moment avec moi et à très bientôt pour un nouvel épisode d'Essence de la danse.