- Speaker #0
Bienvenue dans Les Pieds dans le plat, le podcast tourisme qui ne manque pas d'audace. Cette collection est proposée et animée par Charon Tourisme, avec l'appui de la boîte à films pour la réalisation. Au menu, un duo d'experts aux côtés de nos animatrices pour des conversations inspirantes, parfois impertinentes, et des échanges francs et constructifs autour de défis, tendances et solutions dans le secteur touristique. Des échanges qui interpellent, bousculent les idées reçues et ouvre de nouvelles perspectives. Alors prenez place, ouvrez votre esprit et mettez les pieds dans le plat. Bienvenue dans ce nouvel épisode. J'ai le plaisir de vous accueillir aujourd'hui dans les pieds dans le plat pour évoquer un sujet dont on parle régulièrement et qui demeure malheureusement d'actualité car il reste encore beaucoup à faire. C'est celui de l'accès aux vacances pour tous. En effet, chaque année, environ 40% de la population française ne part pas en vacances. Alors pour tenter de répondre et de comprendre quelles sont les causes mais surtout les solutions qui peuvent être apportées pour favoriser le départ en vacances du plus grand nombre, j'ai le plaisir d'avoir à mes côtés aujourd'hui Catherine Chahier, responsable inclusion, diversité et qualité de vie et des conditions de travail à Charente Tourisme, et Marc Pilly, délégué général de Vacances Ouvertes. Bonjour à tous les deux.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
Avant d'entrer dans le cœur du sujet, pouvez-vous Marc nous présenter en quelques mots l'association ?
- Speaker #2
Vacances Ouvertes, c'est une association un peu atypique, qui n'est ni une association de tourisme, ni une association d'action sociale. En posant ça, on est dans le nini et ce n'est pas comme ça qu'on définit quelque chose. Mais en tout cas, Vacances Ouvertes a une histoire, maintenant pratiquement plus de 30 ans, et elle est le fruit d'une réflexion d'un monsieur et de mon maire, qui pensaient que le tourisme social dans les années 90 serait de plus en plus de mal, du fait des modèles économiques, à pouvoir gérer la mixité. Donc il s'est dit, il faut créer quelque chose. Les vacances ouvertes sont nées comme ça. Au départ, on était une fondation, ça n'a pas marché. Et on est devenu un centre de ressources. Notre objectif, c'est de collecter les bonnes pratiques sur les territoires pour les redistribuer. L'organisation, on a des actions auprès de 500 associations, on a un pôle formation et on a un pôle études. Et tout ça permet de créer la matière que l'on diffuse sur les territoires pour l'accès aux vacances. Plus actuellement, ce qui nous intéresse, c'est l'inclusion sociale par le biais du projet vacances. Comme vous l'évoquiez, 40% des Français ne partent pas en vacances, ça représente 25 millions de personnes. Nous n'avons pas la prétention de pouvoir faire partir 25 millions de personnes.
- Speaker #0
Effectivement, ça prend tout son sens avec ce chiffre que vous nous partagez. Alors, on évoque avec vous le sujet des vacances pour tous, on parle aussi de tourisme social et solidaire, et on a tendance parfois à circonscrire le sujet de l'accès aux vacances au volet purement économique ou financier. Alors c'est évidemment un élément fondamental, mais la problématique est plus large que ça. Qu'est-ce que vous pouvez nous en dire Marc ?
- Speaker #2
Alors bien entendu, la question des moyens financiers est une question importante. Mais il ne faut pas se tromper, il ne faut peut-être pas la mettre systématiquement en haut de tous les curseurs. Vous ne savez pas faire une valise, vous ne savez pas prendre un billet de train, vous ne savez pas réserver, vous ne partez pas même si vous avez les moyens. Donc à un moment ou à un autre, il y a toute une logique qui est liée à des codes sociaux, à des apprentissages. Donc il y a une culture vacancière à créer. Et surtout, il faut vraiment se méfier de cette question de l'argent. Ce serait trop facile, on met des milliards sur la table et tout le monde part. C'est faux. Ça ne marche pas parce qu'il manque l'accompagnement pour que le projet se transforme. Donc il faut être vigilant sur l'enjeu de fait pécunier. Une personne ne vous dira jamais je ne sais pas partir en vacances On vous dira je n'ai pas les moyens de le faire
- Speaker #0
Effectivement, on voit les causes du non-départ, elles ne sont pas que financières. On vient d'évoquer cette question de l'argent. de la culture des vacances. J'aimerais aussi qu'on parle avec vous, Catherine, d'un sujet qui n'est pas toujours ou pas suffisamment pris en compte quand on parle justement de cet accès aux vacances pour le plus grand nombre, c'est celui du handicap. Quelle est la situation actuelle aujourd'hui en France et quelles mesures peuvent être prises justement pour accompagner aussi ces personnes qui sont parfois éloignées des vacances ?
- Speaker #1
C'est vrai que quand on parle des personnes qui ne partent pas en vacances, on parle peu des personnes qui sont en situation de handicap et pourtant... Cela concerne 9 à 12 millions de Français, quelle que soit leur déficience. Donc bien sûr, au-delà du frein financier, qui est bien entendu l'un des facteurs déterminants, il y a également une problématique d'accès à l'information. Quelles sont les structures qui vont pouvoir m'accueillir ? Dans quelles conditions ? Comment je vais me déplacer ? Qu'est-ce que je vais pouvoir faire une fois sur place ? Donc toutes ces questions que nous nous posons tous quand nous organisons nos vacances sont forcément sources de stress. Pour cela, il faut s'appuyer notamment sur les offices de tourisme qui sont d'excellents relais d'informations car ils connaissent bien leur territoire et leurs prestataires touristiques. Comme nous tous, les personnes en situation de handicap veulent se sentir comme tout le monde. Ils veulent pouvoir vivre pleinement leurs vacances. Mais au-delà d'un hébergement adapté, ce que l'on trouve assez fréquemment, il faut aussi des accès aménagés, il faut des sites de visite, des activités de loisirs, des restaurants. Pour cela, il faut travailler toute la chaîne de déplacement. Le label Tourisme et Handicap œuvre en ce sens depuis maintenant plus de 20 ans. Mais il faut savoir que l'accessibilité est bien un sujet qui nous concerne tous. qui nous concernera un jour dans notre vie et qui doit être une priorité pour les territoires. Les Jeux paralympiques en France qui ont eu lieu l'été dernier ont eu le mérite de remettre le sujet de l'accessibilité au cœur des préoccupations.
- Speaker #0
Le milieu social impacte également largement l'accès aux vacances. 78% des cadres supérieurs partent en congé contre 47% seulement pour les ouvriers. Ça c'est les données... des dernières données de 2024 du CREDOC, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie. Marc, est-ce que vous pensez que les vacances constituent un marqueur social et quelles solutions peuvent être mises en place pour faire évoluer cette situation ?
- Speaker #2
Alors effectivement, le fait de ne pas partir en vacances est un marqueur social. A contrario, le fait de partir en vacances n'est pas un marqueur social. Ça c'est le premier point. Le deuxième point, bien entendu, en fonction des... Les modèles économiques que l'on peut avoir, un cadre supérieur par entre 6 à 7 fois par an, un salarié, un ouvrier, lui, 60% d'entre eux ne partent pas en vacances. Donc le statut social, en tout cas le statut de l'entreprise, a un impact effectif pour le départ en vacances. Mais pas que ça. Il y a des environnements dans lesquels les vacances ne sont même pas appréhendées. Vous êtes en situation de demandant d'emploi, l'impression sociale fera que vous n'avez pas l'intention de partir en vacances. C'est compliqué. Vous êtes exploitant agricole, c'est compliqué aussi de partir en vacances pour plein de raisons, mais il n'est pas toujours facile de laisser son élevage au regard de ses collègues. Donc le jugement de l'autre est aussi un objet très difficile à supporter. Et donc comment on peut le travailler ? Les réponses sont toujours les mêmes. C'est accompagner. Oui, il faut des moyens financiers, donc tact. Mais si on n'accompagne pas, si on ne renforce pas, si on ne travaille pas l'estime de soi, c'est-à-dire l'acceptation que l'on a de soi-même à pouvoir agir, ces sujets-là vont devenir compliqués. Et depuis à peu près maintenant 40 ans, c'est terrible, le taux de non-départ reste constant. Donc ça veut dire qu'aujourd'hui, il faut peut-être essayer de faire bouger un peu le paradigme et de voir les choses différemment. à une question toujours la même, en utilisant toujours les mêmes outils, malheureusement on obtient toujours les mêmes résultats. Et là l'objet c'est peut-être qu'il faut faire un peu un pas de côté et travailler un peu plus les interconnexions sociales entre les différents acteurs.
- Speaker #0
Oui parce qu'effectivement vous le rappeliez, ce chiffre de 40% de la population qui ne part pas, il n'évolue pas beaucoup. Donc on a des marges de progression qui sont importantes pour permettre cette accessibilité au plus grand nombre. Alors, comment... Catherine, selon vous, qu'est-ce qui manque pour réussir ce défi ?
- Speaker #1
En premier lieu, il faut surtout sensibiliser. Il faut former les acteurs du tourisme à l'accueil des personnes qui ne partent pas en vacances. Il faut absolument faire évoluer les mentalités, faire tomber les préjugés. On a certains acteurs du tourisme qui veulent s'engager, qui veulent ouvrir leur structure à tous, mais ils ne savent pas à qui s'adresser. Ils ne connaissent pas les besoins de cette clientèle. L'idée, ce n'est pas de créer une nouvelle offre, mais bien d'adapter l'offre existante. en s'interrogeant sur les freins, trouver des solutions pour rendre le tourisme accessible en mettant notamment en place des tarifs abordables. Et puis, il faut surtout aussi communiquer sur les aides possibles comme les chèques vacances, les bons vacances et tous les autres dispositifs existants.
- Speaker #0
Alors justement, c'est un élément clé, je crois, et qui est au cœur en tout cas de l'association Vacances Ouvertes. La clé se trouve peut-être dans ce lien, effectivement, entre les acteurs du social et les acteurs du tourisme au sein d'un même territoire. Je crois que c'est une des clés que porte l'association Vacances Ouvertes.
- Speaker #2
Oui, c'est ce constat où aujourd'hui on pose toujours la même question, avec les mêmes outils on obtient toujours les mêmes résultats. C'est peut-être justement la façon de travailler différemment, de mettre en synergie les opérateurs du tourisme avec les opérateurs du travail social. L'enjeu c'est bien de rapprocher deux univers. L'un qui est extrêmement important qui est le travail social et de travailler sur des personnes qui ont développé l'estime d'elles-mêmes parce qu'elles sont comme tout le monde, c'est fondamental si on veut retrouver une dynamique. Et puis des opérateurs touristiques qui, dans leur modèle économique, peuvent complètement intégrer cette démarche de ce que disait Catherine. Ce n'est pas de créer une offre nouvelle, c'est de la faire connaître à des acteurs qui peuvent la faire identifier à des publics qui ne partent pas. C'est ça. Comment on réussit à mettre en lien ces différents acteurs qui aujourd'hui, sur un territoire, savent qu'ils existent, mais pour le coup ne se connaissent pas du tout ?
- Speaker #0
Oui. C'est presque se faire rencontrer. C'est un peu caricatural, mais l'offre et la demande aussi. Parce que d'un côté, on a des acteurs du social qui connaissent les personnes qui sont dans cette situation de non-départ. Et puis, on a des acteurs touristiques qui connaissent l'offre, qui peuvent la faire évoluer. Donc, c'est créer ce maillage. Vous, Catherine, si vous deviez convaincre un prestataire touristique de s'engager ? dans l'accueil de personnes éloignées des vacances, que lui diriez-vous ?
- Speaker #1
Il y aurait beaucoup de choses à dire, mais je dirais dans un premier temps qu'il y a plusieurs avantages, tant sur le plan social, éthique et économique. C'est un tourisme de qualité au service des hommes et des territoires, comme le dit Lunat, c'est le vivre ensemble. Et puis, au-delà du côté social, ça permet aussi de... diversifier sa clientèle, de toucher de nouveaux publics. En plus, souvent, les personnes qui ne partent pas en vacances pendant leur séjour parlent positivement de l'accueil, sont souvent extrêmement enthousiastes par l'accueil qui leur est réservé. Et puis, ouvrir sa structure touristique à tous renvoie aussi une image positive pour le prestataire touristique. Ça contribue à fidéliser les salariés, à attirer de nouveaux talents. ce qui n'est pas simple actuellement. Et puis également, les valeurs d'une entreprise et ses engagements sociaux et sociétaux sont absolument fondamentales pour notamment la génération Z, qui rentre sur le marché du travail. C'est également un excellent moyen d'élargir la saison touristique en recevant également sur des périodes plus creuses, en dehors de juillet-août et des vacances scolaires, enfin quand on le peut. Cela permet également à une structure touristique qui est engagé ou qui souhaite s'engager dans une démarche RSE de répondre aux obligations sociales et sociétales.
- Speaker #0
De votre côté, Marc, quels seraient vos arguments pour inciter un prestataire touristique à s'engager plus amplement dans cette démarche ?
- Speaker #2
Je vais avoir un propos contre nature, puisque Vacansova est une association qui milite plus sur la question sociale, mais à un moment, ces personnes sont solvables. de manière assez directe, brutale, c'est une réalité. Par contre, c'est peut-être aussi une stratégie d'entreprise à mettre en œuvre. Si on a une vision un peu plus macro de la situation aujourd'hui, le PIB tourisme en France est de 3,6%. Sauf que ce PIB, il est construit à deux tiers par le tourisme domestique. Tout le monde est au courant que réchauffement planétaire, décarbonation, à un moment, la logique du tourisme étranger... va être un moment à se reposer. Là, il y a 25 millions de personnes qui peuvent être amenées à partir en vacances. Alors soyons très clairs, 25 millions d'un seul coup, ce n'est pas possible. En plus, on n'a même pas les infrastructures pour le faire. Mais en tout cas, il peut y avoir une tendance à essayer de voir comment on peut agir. Par contre, ce qui est important, c'est qu'accueillir des publics qui ont construit leur code vacancier récemment. nécessite une façon d'intervenir un petit peu différente. Donc il faut aussi requalifier ces modalités. Surtout, ne faites jamais venir un bus, mettant tous les autres de côté, mettre le bus au milieu de la pièce et expliquer à tout le monde qu'ils sont différents. Ça, forcément, c'est des petits écueils qu'il ne faut pas faire. Mais ça se travaille. Et une offre sur le vivre ensemble, quel que soit son statut, la Fédération de l'Hôtellerie de plein air a bien maîtrisé le sujet. C'est intéressant et on a plein d'exemples sur le sujet positif. Donc reconstruire ou construire une offre sur l'accès pour tous aux vacances. Je ne parle pas de vacanciers socialement mis en difficulté, je parle de vacanciers néophytes. C'est ça le terme exact. Des gens qui n'ont pas l'habitude de partir en vacances, ce sont des vacanciers néophytes. On l'a tous été et on est tous rentrés dans une structure et on est devenus des vacanciers experts. Donc ça, c'est une vraie stratégie. Et notre modèle économique aujourd'hui sur la question du tourisme doit nous obliger à re-réfléchir nos flux carbonés. C'est aussi ça l'un des enjeux. Alors bien entendu, je ne vais pas vous faire tout le speech sur la question du social parce que vous m'attendez dessus. Et l'objet de montrer que vacances ouvertes, c'est que les choses ne se regardent pas comme ça. Les yeux dans le soleil, il faut juste regarder un tout petit peu. Parfois, ils sont projetés.
- Speaker #0
Non, mais effectivement, c'est vrai que cette parlée de l'accès aux vacances pour tous, en en parlant comme un marché, Comme une cible clientèle, avec des mots comme le marketing. C'est un discours qu'on n'a pas l'habitude d'entendre et qui est aussi important de porter. Un dernier point peut-être sur aussi la possibilité de soutenir un fonds de dotation, tout simplement.
- Speaker #2
Tout simplement, déjà faites-le. Parce que je suis sûr et certain que ceux qui écoutent ce petit temps, vous avez des désirs d'agir. Et peut-être vous ne vous sentez pour l'instant pas complètement à même de pouvoir le faire. Donnez au fonds de dotation, mettez un peu de moyens, et ces moyens serviront à deux choses, faire partir des gens et accompagner leur départ pour que la tranquillité soit pleine et entière, puisque le sujet des codes sociaux aux vacances seront traités. Donc c'est ça l'objet. Et puis si c'est un fonds de dotation de proximité, vous savez à qui vous donner. Donc c'est encore plus facile de le faire. Et vous voyez bien, je ne parle pas de l'avantage fiscal, là pour le coup je parle de l'avantage social et de la reconnaissance de votre propre métier dans l'environnement social dans lequel il se trouve. C'est ça l'enjeu du fonds de dotation de proximité. Alors allez-y, il n'y a pas de mauvaise raison pour pouvoir agir dans le cadre d'un fonds de dotation.
- Speaker #0
Oui, effectivement. Merci beaucoup. Merci à tous les deux pour vos témoignages éclairants. Et merci à vous qui nous avez écoutés. L'accès aux vacances pour tous, c'est un beau défi collectif à relever. J'espère justement que nos échanges de ce jour permettront d'en prendre encore un peu plus conscience et puis d'ouvrir la voie à de nouvelles actions. Encore merci et je vous donne rendez-vous au prochain épisode. A bientôt.