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Les Vrais Souverains

On replante l'amandier en France

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23min |22/09/2023
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Les Vrais Souverains

On replante l'amandier en France

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23min |22/09/2023
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Description

Arnaud Montebourg et François Moulias ont lancé en 2018 la Compagnie des amandes pour relancer cette filière agricole abandonnée depuis des décennies sur le pourtour méditerranéen français. Ils nous racontent ce combat salvateur pour notre alimentation, pour les paysans et pour la Terre depuis leur verger de Sérignan-du-Comtat, dans le Vaucluse, qui vient de donner ses 18 premières tonnes d'amande.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des Vrais Souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    C'est dans le Vaucluse, à Sérignan-du-Comtat, que la Compagnie des Amandes a célébré en septembre 2023 sa première récolte de 18 tonnes d'amandes sur les 100 hectares du verger de la Rangardière, plantées en mars 2021. D'ici 2026, la Compagnie des Amandes en aura planté 20 fois plus sur tout l'arc méditerranéen français, de Perpignan à Toulon. Son président Arnaud Montebourg nous raconte comment l'idée du retour d'une filière de l'amande en France a germé dans son esprit.

  • Arnaud Montebourg

    La Compagnie des Amandes est née en Californie. En 2014, j'étais membre du gouvernement, j'accompagne le président de la République à Washington pour un voyage d'État chez M. Obama. Alors il y avait Washington avec les flonflons, les froufrous et puis après il y avait San Francisco, la Californie, parce que le président de la République voulait rencontrer les GAFAM, Google, Facebook, Microsoft, tous les autres. Puis après on est allé à la mairie de San Francisco, c'est une rencontre tout à fait protocolaire, en présence du maire de San Francisco, du gouverneur démocrate de la Californie, qui avait fait le déplacement depuis Sacramento, lieu du siège du gouverneurat. Et puis il y avait George Shultz l'ancien Secrétaire d'État de Ronald Reagan puisque Ronald Reagan et toute son équipe de la Maison Blanche venaient de Californie : il était gouverneur de Californie. Et ce Shultz était très sympathique, on parlait de géopolitique puis à un moment il est interrompu par le gouverneur démocrate, qui n'était donc pas républicain et qui dit : Excusez-moi, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, je dois partir parce que nous avons un énorme conflit de l'eau à résoudre entre la vallée de San Joaquin et les villes de Los Angeles et San Francisco. En clair, il faut choisir entre les arbres et les hommes. Et je me dis, qu'est-ce que c'est que cette vallée de San Joaquin ? Je regarde, c'est le désert de la Californie intérieure, entre la vallée de la Mort, où il fait 54 degrés en juillet et août, et la côte où il fait 16 degrés à cause des courants doux qui affaiblissent la température des côtes. Et au milieu, il fait 45-50 degrés, c'est un désert, il n'y a rien, c'est de la poussière, c'est plat. Et ils ont planté dans la vallée du San Joachim 445 000 hectares d'amandiers, c'est comme si entre Perpignan et Lyon il y avait un seul verger, et là je comprends. Il dit qu'il n'y a plus d'eau, on rentre, c'est en 2014, et c'est resté dans ma tête, qu'est-ce que c'est que cette histoire d'amandier ? Et l'amandier dans mon souvenir, il y en avait dans les vignes en Bourgogne, c'est un arbre qui équilibrait la vigne, c'était de la terre à vignes, et j'avais lu un livre en Bourgogne qui s'appelait J'irai revoir mes amandiers. Et je savais que c'était un arbre qui venait de la Judée, de la Syrie, et qui était natif du berceau méditerranéen. Qu'est-ce qu'il faisait là-bas, dans ce désert californien, sans eau, sans âme ? Et c'est là que j'ai découvert qu'il y avait tellement d'amandiers en Provence, en Occitanie, en Corse, avant-guerre, après-guerre, jusqu'au grand gel qui a détruit les arbres, pas seulement les fruits. Je me suis dit, on va replanter des amandiers en France. Je ne savais pas trop comment, comment faire. Et puis, dans un café, je croise François Moulias. Alors François Moulias, c'est une histoire extraordinaire parce que je l'ai connu au Parti Socialiste. Je défendais le non au référendum du traité constitutionnel européen. Et lui, il défendait le oui. Je l'ai rencontré à Narbonne. Il était viticulteur. Moi, j'étais député de la République. Et je l'avais trouvé excellent, même si j'étais absolument en désaccord. Alors évidemment, il s'est fait défoncer à Narbonne parce que le non l'a emporté, mais je l'avais connu donc 15 ans avant. Et quand je le vois, je dis : Tiens, qu'est-ce que tu deviens ? Et je vois qu'il est un peu désœuvré, il est entre deux affaires. Il avait réussi son parcours, mais pour moi, il était resté un homme de la terre, viticulteur, à Narbonne. Et son père était un intellectuel de l'agriculture. Il avait été le directeur de cabinet de Michel Rocard, ministre de l'Agriculture. Il avait dirigé l'Office national du vin. Bref, c'est une histoire formidable. Sa famille d' amoureux de la terre. Je lui dis : "tu sais, on devrait faire un truc. On devrait replanter des amandilles en France. Il n'y en a plus. Il y en avait tellement. Il y avait 12 000 hectares en Provence en 1950. Et c'est un fruit extraordinaire. Tout le monde en mange. Et il n'y en a pas, on importe tout". C'est comme ça que de ces cogitations est née la Compagnie des Amandes.

  • Elia

    François Moulias, ancien viticulteur devenu successivement PDG de Libération, puis directeur général de la Compagnie des Amandes, nous raconte les obstacles qu'il a fallu lever depuis 2018 pour arriver à cette première récolte et relancer une filière de l'amande en France.

  • François Moulias

    Je me penche sur la question, je comprends qu'il y a une très forte demande intérieure, qu'effectivement on est dans une situation totalement ubuesque, puisqu'on importe la totalité de notre consommation, alors que c'est un arbre qui est endémique ici dans le Midi, il y en a partout à la croisée des chemins et donc il y a une sorte d'aberration. Et il y avait après guerre 12 000 hectares d'amandiers en Provence qui ont gelé dans le grand gel de 1956 et après pour mille raisons que je vous épargne, on n'a pas replanté d'amandiers. Et donc alors que ça fait partie du patrimoine végétal gustatif, culturel de la Provence, il n'y a plus de vergers d'amandiers et comme il n'y a plus de vergers d'amandiers, il n'y a plus de filières c'est-à-dire de capacité à commercialiser, à traiter, etc. Et donc, quand Arnaud me propose de créer une société qui va relancer la culture de l'amandier, je vois tout de suite que les fondamentaux sont bons, mais que honnêtement, ça paraît infaisable, parce qu'on part de rien, il faut énormément d'argent. Pourquoi il faut énormément d'argent ? Pour deux raisons. La première, c'est que c'est un investissement très lourd, de l'ordre de 15 000 euros l'hectare. 15 000 euros l'hectare, ça veut dire que si vous faites 2 000 hectares, il faut trouver 30 millions et c'est encore plus cher si vous tenez compte de toutes les dépenses avant que le verger n'arrive en pleine production. Ça, c'est la deuxième raison, c'est que c'est un arbre, donc il faut attendre qu'il pousse et donc c'est que la sixième année qu'il devientt rentable. Et c'est d'ailleurs un des freins puisque si vous êtes un agriculteur, vous plantez un amandier, vous devez payer de votre poche l'eau, le tracteur, les engrais organiques et tout pendant cinq ans, et vous avez une chance, si vous arrivez à vendre des amendes, de gagner votre vie à partir de la sixième année. Ce n'est quand même pas très motivant. Si je dis à quelqu'un, viens travailler avec moi, je te paye dans six ans, ça ne marche pas en fait. Mais dans l'agriculture, tout le monde trouve ça normal, ce qui est en fait une aberration économique. Et donc, on a imaginé, avec Arnaud, ça nous a pris pratiquement un an, un modèle économique, on s'est dit, mais comment on peut faire pour payer l'agriculteur, parce qu'après tout, il faut travailler tout de suite. Donc, être payé dans six ans, si on travaille dans six ans, ça va, ça se comprend, mais le problème, c'est qu'il faut travailler tout de suite. Et donc, on s'est dit, comment on peut faire ? On s'est dit, on va les payer. Alors, comment on va les payer ? Donc après, je vous épargne les détails, il a fallu monter un modèle économique et ensuite un cadre juridique qui corresponde à ce modèle. Ça, ça nous a pris beaucoup de temps et on est venu confronter cette idée avec des producteurs ici, avec des gens qui faisaient de la pêche ou de la cerise ou des viticulteurs pour voir si c'était logique. On a rencontré aussi la région, les autorités locales et tout, et tout le monde nous a dit : "Mais oui, c'est une super idée". Après, il fallait lever des fonds, parce que c'est une activité qui, par nature, est extrêmement coûteuse, comme je vous l'ai expliqué.

  • Elia

    Pour y parvenir, la Compagnie des Amandes a levé 12 millions d'euros et fait rentrer à son capital la coopérative Arteris, basée à Castelnaudary, dans l'Aude. Elle regroupe 25 000 agriculteurs des Pyrénées-aux-Alpes, soit la zone de relocalisation des amandiers.

  • François Moulias

    Ce projet doit agréger à la fois des actionnaires, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui le financent, des salariés, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui font le boulot et travaillent beaucoup, mais aussi des clients, des fournisseurs, etc. Donc c'est ce qu'on a essayé de faire. C'est un projet qui a une portée sociétale. Ce n'est pas juste une entreprise. C'est une entreprise qui lutte contre le réchauffement climatique parce que dans ce verger-là, il y a 70 000 arbres. C'est une entreprise qui restaure la biodiversité parce que c'est beaucoup plus favorable aux agents pollinisateurs d'avoir un verger avec des haies plutôt que d'avoir un champ de melons. C'est une entreprise qui crée de l'emploi dans des zones rurales qui en ont bien besoin et de l'emploi à rémunérer tout de suite. Donc c'est une entreprise qui a une vocation sociétale.

  • Elia

    Et la culture de la monde lutte aussi contre le changement climatique.

  • François Moulias

    Toute l'agriculture est potentiellement un formidable puits de carbone qu'on utilise peu et qu'on valorise mal. Arnaud et moi, on pense que si on veut des agriculteurs dans 20 ans, une des clés, c'est de financer différemment l'agriculture, qui fonctionne quand même beaucoup sur des modèles économiques obsolètes. Toute l'agriculture capte du carbone, il ne faut jamais oublier ça. C'est un des outils les plus efficaces de lutte contre le réchauffement climatique. On calcule ça par rapport à la situation antérieure. Donc il y a une méthode de calcul qu'il faut définir et qu'il faut faire approuver par le ministère. On a donc travaillé avec l'INRAE, l'Ademe, le CNRS pour rédiger une méthode qui s'appelle plantation de verger et qui est valable pour toutes les espèces, pas seulement pour les amandiers, et qui définit, par rapport à ce qu'il y avait avant, parce qu'évidemment, si vous arrachez une forêt et que vous plantez un verger, ça ne marche pas le truc. Bon, je prenais l'hypothèse du melon, mais ça peut être des céréales, ça peut être ce que vous voulez. Avec l'amandier, vous allez passer beaucoup moins en tracteur, donc vous allez économiser du gasoil, vous allez économiser des émissions de carbone, vous allez mettre moins d'intrants. Pour fabriquer des intrants, il faut consommer du carbone, etc. Et en plus, vous avez la capacité de séquestration. Alors ça, c'est assez simple. Vous prenez la capacité de séquestration d'un arbre, vous multipliez par le nombre d'arbres, le sol lui-même, on sait combien il capte au mètre carré, et donc ça vous donne la capacité de séquestration totale. Et ça, effectivement, ça a une valeur parce qu'un certain nombre d'entreprises font d'ailleurs des efforts pour réduire leurs propres émissions de carbone. Elles ont toujours une empreinte résiduelle. C'est-à-dire que quoi que vous fabriquez, vous consommez du carbone, ne fût-ce que parce que vous consommez de l'énergie, et puis parce qu'ensuite vous transportez, etc. Et même si vous faites tous les efforts du monde pour réduire votre émission de carbone, les gens qui nous écoutent, dans la pièce où ils sont, tout a nécessité de consommer du carbone. Donc ces entreprises font des efforts pour baisser leur carbone, mais elles peuvent avoir envie de compenser nos empreintes résiduelles, parce que c'est impossible d'arriver à zéro. Et avec notre système, elles peuvent se dire, on va financer un verger qui va capter du carbone dans un volume qui est certifié par l'État, puisque la méthode a été agréée par le ministère de la Transition écologique. Et donc, ça va nous permettre de dire qu'on a un bilan carbone neutre, le fameux triple zéro.

  • Elia

    Pour construire cette filière de l'amande française, les recherches en agroécologie sont essentielles afin d'analyser les sols, les plantations et les variétés. Pour cela, la Compagnie des Amandes s'est associée dès 2018 avec l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement, l'INRAE. La directrice technique de la Compagnie des Amandes, Eugénie Coutagne, nous explique ce qui favorise la culture de l'amandier en Provence.

  • Eugénie Coutagne

    Ici, c'est un terrain qui nous a été proposé par un propriétaire, où autrefois il y avait de la vigne, et puis il y avait eu des céréales et du melon. Et c'est un terrain qui, quand il nous a été proposé pour planter des amandiers, a été très intéressant pour plusieurs raisons, et il est vraiment typique de ce qu'on peut trouver pour planter des amandiers. D'une part, il est dans un contexte méditerranéen, donc avec un climat méditerranéen, avec la chaleur qu'il faut, l'ensoleillement qu'il faut. Et par rapport au risque gel, qui est le vrai problème de l'amandier ici dans le sud de la France, il n'est relativement pas protégé, mais en tout cas les risques gel sont limités. Et donc on peut avoir des floraisons précoces, c'est-à-dire fin février, début mars, sans trop de risques sur la production. Et au niveau du sol, on est dans un terrain qu'on appelle argilo-calcaire. Il y a aussi pas mal de sable, c'est-à-dire que ce sont des terrains qui ont de l'argile, mais qui ont aussi des sables, donc les sols sont filtrants, il y a beaucoup de cailloux, et ça c'est quelque chose qui est très important pour l'amandier. Il est connu pour être un arbre qui pousse un peu partout et qu'il est facile d'avoir dans le jardin de sa grand-mère. Il a besoin d'avoir un sol très filtrant et de ne jamais avoir les pieds dans l'eau. Il ne va pas supporter d'avoir des eaux stagnantes ou des argiles trop gonflantes qui vont l'étouffer. En fait, ses racines sont flemmardes. Et donc, pour pouvoir pousser, il faut qu'elles puissent creuser très facilement. Elles ne savent pas creuser les sols contraignants, et elles ne savent pas non plus quand il y a trop d'eau. Elles n'arrivent pas à retenir leur respiration, en fait, pour faire simple. Donc, du coup, les sols dans lesquels ça pousse bien, classiquement, c'est sur les coteaux, sur les pentes et dans les sols drainants qu'on peut avoir. Et la chance qu'on a dans le sud de la France, c'est que souvent, on a cette combinaison du climat méditerranéen plutôt bénéfique et de ces sols argilo-calqueurs, caillouteux, filtrants.

  • Elia

    Eugénie Coutagne rappelle les raisons historiques de l'abandon de l'amande française depuis la Grande Guerre.

  • Eugénie Coutagne

    L'amandier était très présent en France jusqu'au milieu du XXe siècle. On était une vraie terre amandicole à la fin du XIXe, notamment en Provence et dans l'ancien Languedoc-Roussillon. Toutes les fermes avaient des amandiers, et en fait les amandiers étaient présents dans ce qu'on appelle aujourd'hui, avec un ton un peu innovant, de l'agroforesterie, mais en fait ça existe depuis des siècles. C'est-à-dire que dans toutes les parcelles, là où il y avait de la vigne, là où il y avait des pêches, là où il y avait des céréales, il y avait des amandiers, il y avait des oliviers, et tout ça était complanté. Il n'y avait pas de vergers tel qu'on connaît aujourd'hui, uniquement d'amandiers, ou s'ils existaient, ils étaient très rares. Et c'était une production d'appoint pour les producteurs, les agriculteurs. C'est-à-dire que si l'amande produisait, parce qu'il n'y avait pas eu de gel et pas de ravageurs, tant mieux, on avait des amandes. Et en gros, on les mettait sous le matelas pour la dot de la fille. Et si par contre il y avait un gel ou une maladie, c'était un peu vache maigre, mais ce n'est pas grave parce qu'on avait une autre production à côté. Et donc ce qui s'est passé, c'est qu'à partir du début du XXe siècle, déjà il y a eu dans les trottes de guerre, on le situe à peu près le vrai déclin là, il y a eu plusieurs années de gel, des problèmes de ravageurs, donc il y a eu déjà des problèmes de déclin des amandiers. Un début d'arrachage favorisant d'autres productions. Il y avait aussi la concurrence du Maghreb où il y avait une production d'amandiers qui était plus forte et le Maghreb, c'était des départements français, donc la concurrence était directe. Et puis l'autre frein qu'il y a eu à ce moment-là, c'était que les amandes, pour être commercialisée, elle devait être cassée. Et la casse, c'était uniquement une casse manuelle qui était faite par les femmes, avec des cailloux, c'était très archaïque. Et à un moment donné, les femmes ont trouvé autre chose à faire que d'aller casser des amandes le soir en rentrant des champs. Et donc, il n'y avait plus de moyens de casse. Tout ça a fait que les arbres ont petit à petit été arrachés. Ça, c'est dans l'entre-deux-guerres. Et puis après, il y a eu le gel de 1956, qui est très connu pour les oliviers, mais qui en fait a été beaucoup plus destructeur pour les amandiers, puisqu'en fait les amandiers ne se sont pas relevés de ce gel. On a vraiment tout arraché, et après il y a eu ce qu'on appelle la moto-mécanisation, donc ça c'est le terme pour dire que les tracteurs sont arrivés dans les champs, les moissonneuses-batteuses, enfin voilà, tout le matériel est arrivé, et qu'il a fallu arracher tous ces arbres qui faisaient de l'agroforesterie, et les amandiers en faisaient partie. Et donc on s'est retrouvés à la fin des années 50, au début des années 60, avec une surface d'amandiers qui était presque réduite en fait à zéro. Et à partir de là, on était en fait avec un gros frein pour pouvoir relancer cette culture, parce qu'il n'y avait pas de surface, il n'y avait pas de débouchés, il n'y avait pas de casseries. Et en plus, il n'y avait pas de technicité ni de recherche, puisqu'en fait, il n'y a pas de surface, personne ne va investir pour faire de la recherche, de la technicité. Donc on était dans un cercle vicieux.

  • Elia

    Après avoir été agriculteur pendant 20 ans, Rémi Foissey a rejoint la compagnie des amendes comme directeur du développement en décembre dernier. Voici les raisons de son choix.

  • Rémi Foissey

    J'ai été producteur de pommes, donc arboriculteur pendant 20 ans. Arboriculteur, c'est un paysan. J'avais le cul sur un tracteur, j'avais les mains dans le cambouis, j'avais un sécateur dans les mains. Je cueillais des pommes avec mes cueilleurs. J'étais également investi dans toute la filière pommes, dans ma coopérative parce que je faisais partie d'un groupe. J'étais investi dans la filière pomme au niveau national, donc j'essayais d'apporter ma pierre à l'édifice. Après, effectivement, les aléas du métier d'agriculteur, de producteur m'ont amené à prendre la décision d'arrêter mon activité. Bien m'en a pris. Et puis ensuite, j'ai eu l'opportunité de rejoindre la Compagnie des Amandes. Et je l'ai fait avec énormément d'entrain. Pour autant, j'avais eu deux expériences professionnelles auparavant qui n'étaient pas du tout concluantes parce que je ne me retrouvais pas là-dedans. Je ne retrouvais pas mes valeurs de paysan dans ces métiers. Et là, j'étais convaincu, et maintenant depuis un peu moins d'un an, j'en suis toujours aussi convaincu, qu'il y a des valeurs qui sont dans mes tripes de paysans, parce que c'est quand même un peu ma marque de fabrique, que la Compagnie des Amandes porte. Et donc, je pense que je peux porter auprès des autres paysans qui pourraient être candidats à planter des amendes.

  • Elia

    Rémi Foissey nous explique comment la Compagnie des Amandes a choisi cet été de s'ouvrir à de petits agriculteurs soucieux de diversifier leur production et d'intégrer la prometteuse filière de l'amande française.

  • Rémi Foissey

    La proposition de départ que la Compagnie des Amandes a créée aux producteurs, c'était de s'associer avec eux, de créer une structure d'exploitation tout à fait spécifique pour la production d'amandes. Ce qui veut dire que le producteur se retrouvait avec un associé, certes il était rémunéré pour la mise à disposition de son foncier, de son travail, de son matériel. Ok, mais cette solution-là n'était adaptée qu'à des projets d'une dizaine d'hectares, qu'à des gens qui acceptaient d'avoir chez eux un associé, et ce n'est pas le cas de tous les producteurs. Et donc, de ce fait, il y avait beaucoup de projets et beaucoup de contacts qui, pour autant que les conditions agro-pédoclimatiques soient cohérentes avec la position de la bande, il y a beaucoup de projets qui nous passaient entre les doigts. Et donc on a décidé, on s'est dit que cette proposition que l'on faisait, ok, elle était vertueuse, elle avait plein de qualités, mais on était obligés de faire le constat qu'elle ne correspondait pas aux besoins et aux attentes de tous nos interlocuteurs potentiels. Donc c'était à nous de nous adapter. et donc de ce fait désormais on a toujours cette proposition mais on peut aussi accompagner un producteur qui veut se diversifier sur une surface plus restreinte, 2, 3, 4, 5 hectares on peut lui apporter une partie du financement s'il décide d'adhérer à l'organisation de producteurs, à l'OP que l'on est en train de créer qui lui permettra d'avoir une partie de son accompagnement technique financé par le programme opérationnel . Si quelqu'un dit, moi je ne veux pas adhérer à l'organisation de producteurs, je veux garder une partie de ma production que je commercialiserai moi-même et une partie de ma production que je commercialise par la Compagnie des Amandes, ok, il n'y a pas de souci. Si quelqu'un a déjà un verger installé, on lui fait un contrat d'achat et donc de commercialisation de ses amandes sur au moins trois ans. Plus d'années s'il le veut.

  • Elia

    Avant même d'avoir communiqué cette nouvelle offre, 100 hectares d'amendiers sans solution de casse ni de commercialisation ont déjà rejoint la compagnie des amendes. Et les débouchés sont là. Marie-Claude Stoffel, la directrice générale de Chabert & Guillot, leader du Nougat de Montélimar depuis son invention il y a 175 ans, nous explique les raisons de son partenariat avec la compagnie des amendes.

  • Marie-Claude Stoffel

    Pas plus tard que fin août, vous avez le Journal Officiel qui a enteriné le cahier des charges du Nougat de Montélimar, donc la recette Nougat de Montélimar. Donc ça, c'est une chose. Ce qu'il y a dedans, c'est 30 % d'amandes, ou 28 % minimum et 2 % de pistaches. C'est 19 % de miel, c'est du sucre, du blanc d'œuf et de la vanille naturelle. C'est tout. Vous savez que le premier producteur, c'est la Californie, 83% de la production mondiale. Alors oui, aujourd'hui, nous, on produit plus de 2 000 tonnes de nougat par an. On est obligé de passer par là. Mais c'est un non-sens, ça ne fait pas sens. Ça ne fait pas sens éthiquement, ça ne fait pas sens économiquement, pour plein de raisons. Donc, Chabert & Guillot, 175 ans, on a mis en place plein d'innovations. On a repoussé les frontières de certaines choses. Eh bien, il était évident pour moi, quand en 2018, Arnaud Montebourg et François Moulias ont annoncé ça, d'être partenaire de ça. En fait, la filière amande, oui, bien sûr, on a des amandiculteurs. Mais oui, d'accord, mais une fois qu'on a les amandes, qu'est-ce qu'on fait de ces amandes ? Moi, Nougat Chabert & Guillot, je ne peux pas prendre le risque de ne pas avoir de traçabilité ou d'avoir un problème sur ces amandes. Donc, le business model qui a été monté est juste génial. C'est-à-dire que vous avez quelqu'un qui dit, ben voilà, on va monter une société, on va partager des outils, mais on va surtout garantir la traçabilité de l'amont jusqu'à l'aval. Moi, vous voyez, ça, c'est extrêmement rassurant. Et ça correspond à mon éthique qui dit je dois produire des produits de qualité pour mes consommateurs, mais je dois impacter sur mon territoire et je veux que la France soit ce territoire-là.

  • Elia

    Que ce soit du producteur au consommateur final, toutes les parties prenantes sont alignées. L'État et son programme de réindustrialisation France 2030, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Banque des Territoires, la Banque publique d'investissement, la Chambre de commerce et d'industrie. Ils financent, soutiennent et se réjouissent du développement de la Compagnie des Amandes avec son lot de production agroécologique et d'emplois agricoles valorisés. Pour mener à bien la fabrication de l'unique casserie d'amende de France à Cygne, dans le Var, et libérer l'énergie de cette filière composée de Vrais Souverains, il ne reste plus à la Compagnie des Amandes qu'à convaincre le Crédit Agricole, sa banque, de boucler l'ultime tour de table.

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Arnaud Montebourg et François Moulias ont lancé en 2018 la Compagnie des amandes pour relancer cette filière agricole abandonnée depuis des décennies sur le pourtour méditerranéen français. Ils nous racontent ce combat salvateur pour notre alimentation, pour les paysans et pour la Terre depuis leur verger de Sérignan-du-Comtat, dans le Vaucluse, qui vient de donner ses 18 premières tonnes d'amande.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des Vrais Souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    C'est dans le Vaucluse, à Sérignan-du-Comtat, que la Compagnie des Amandes a célébré en septembre 2023 sa première récolte de 18 tonnes d'amandes sur les 100 hectares du verger de la Rangardière, plantées en mars 2021. D'ici 2026, la Compagnie des Amandes en aura planté 20 fois plus sur tout l'arc méditerranéen français, de Perpignan à Toulon. Son président Arnaud Montebourg nous raconte comment l'idée du retour d'une filière de l'amande en France a germé dans son esprit.

  • Arnaud Montebourg

    La Compagnie des Amandes est née en Californie. En 2014, j'étais membre du gouvernement, j'accompagne le président de la République à Washington pour un voyage d'État chez M. Obama. Alors il y avait Washington avec les flonflons, les froufrous et puis après il y avait San Francisco, la Californie, parce que le président de la République voulait rencontrer les GAFAM, Google, Facebook, Microsoft, tous les autres. Puis après on est allé à la mairie de San Francisco, c'est une rencontre tout à fait protocolaire, en présence du maire de San Francisco, du gouverneur démocrate de la Californie, qui avait fait le déplacement depuis Sacramento, lieu du siège du gouverneurat. Et puis il y avait George Shultz l'ancien Secrétaire d'État de Ronald Reagan puisque Ronald Reagan et toute son équipe de la Maison Blanche venaient de Californie : il était gouverneur de Californie. Et ce Shultz était très sympathique, on parlait de géopolitique puis à un moment il est interrompu par le gouverneur démocrate, qui n'était donc pas républicain et qui dit : Excusez-moi, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, je dois partir parce que nous avons un énorme conflit de l'eau à résoudre entre la vallée de San Joaquin et les villes de Los Angeles et San Francisco. En clair, il faut choisir entre les arbres et les hommes. Et je me dis, qu'est-ce que c'est que cette vallée de San Joaquin ? Je regarde, c'est le désert de la Californie intérieure, entre la vallée de la Mort, où il fait 54 degrés en juillet et août, et la côte où il fait 16 degrés à cause des courants doux qui affaiblissent la température des côtes. Et au milieu, il fait 45-50 degrés, c'est un désert, il n'y a rien, c'est de la poussière, c'est plat. Et ils ont planté dans la vallée du San Joachim 445 000 hectares d'amandiers, c'est comme si entre Perpignan et Lyon il y avait un seul verger, et là je comprends. Il dit qu'il n'y a plus d'eau, on rentre, c'est en 2014, et c'est resté dans ma tête, qu'est-ce que c'est que cette histoire d'amandier ? Et l'amandier dans mon souvenir, il y en avait dans les vignes en Bourgogne, c'est un arbre qui équilibrait la vigne, c'était de la terre à vignes, et j'avais lu un livre en Bourgogne qui s'appelait J'irai revoir mes amandiers. Et je savais que c'était un arbre qui venait de la Judée, de la Syrie, et qui était natif du berceau méditerranéen. Qu'est-ce qu'il faisait là-bas, dans ce désert californien, sans eau, sans âme ? Et c'est là que j'ai découvert qu'il y avait tellement d'amandiers en Provence, en Occitanie, en Corse, avant-guerre, après-guerre, jusqu'au grand gel qui a détruit les arbres, pas seulement les fruits. Je me suis dit, on va replanter des amandiers en France. Je ne savais pas trop comment, comment faire. Et puis, dans un café, je croise François Moulias. Alors François Moulias, c'est une histoire extraordinaire parce que je l'ai connu au Parti Socialiste. Je défendais le non au référendum du traité constitutionnel européen. Et lui, il défendait le oui. Je l'ai rencontré à Narbonne. Il était viticulteur. Moi, j'étais député de la République. Et je l'avais trouvé excellent, même si j'étais absolument en désaccord. Alors évidemment, il s'est fait défoncer à Narbonne parce que le non l'a emporté, mais je l'avais connu donc 15 ans avant. Et quand je le vois, je dis : Tiens, qu'est-ce que tu deviens ? Et je vois qu'il est un peu désœuvré, il est entre deux affaires. Il avait réussi son parcours, mais pour moi, il était resté un homme de la terre, viticulteur, à Narbonne. Et son père était un intellectuel de l'agriculture. Il avait été le directeur de cabinet de Michel Rocard, ministre de l'Agriculture. Il avait dirigé l'Office national du vin. Bref, c'est une histoire formidable. Sa famille d' amoureux de la terre. Je lui dis : "tu sais, on devrait faire un truc. On devrait replanter des amandilles en France. Il n'y en a plus. Il y en avait tellement. Il y avait 12 000 hectares en Provence en 1950. Et c'est un fruit extraordinaire. Tout le monde en mange. Et il n'y en a pas, on importe tout". C'est comme ça que de ces cogitations est née la Compagnie des Amandes.

  • Elia

    François Moulias, ancien viticulteur devenu successivement PDG de Libération, puis directeur général de la Compagnie des Amandes, nous raconte les obstacles qu'il a fallu lever depuis 2018 pour arriver à cette première récolte et relancer une filière de l'amande en France.

  • François Moulias

    Je me penche sur la question, je comprends qu'il y a une très forte demande intérieure, qu'effectivement on est dans une situation totalement ubuesque, puisqu'on importe la totalité de notre consommation, alors que c'est un arbre qui est endémique ici dans le Midi, il y en a partout à la croisée des chemins et donc il y a une sorte d'aberration. Et il y avait après guerre 12 000 hectares d'amandiers en Provence qui ont gelé dans le grand gel de 1956 et après pour mille raisons que je vous épargne, on n'a pas replanté d'amandiers. Et donc alors que ça fait partie du patrimoine végétal gustatif, culturel de la Provence, il n'y a plus de vergers d'amandiers et comme il n'y a plus de vergers d'amandiers, il n'y a plus de filières c'est-à-dire de capacité à commercialiser, à traiter, etc. Et donc, quand Arnaud me propose de créer une société qui va relancer la culture de l'amandier, je vois tout de suite que les fondamentaux sont bons, mais que honnêtement, ça paraît infaisable, parce qu'on part de rien, il faut énormément d'argent. Pourquoi il faut énormément d'argent ? Pour deux raisons. La première, c'est que c'est un investissement très lourd, de l'ordre de 15 000 euros l'hectare. 15 000 euros l'hectare, ça veut dire que si vous faites 2 000 hectares, il faut trouver 30 millions et c'est encore plus cher si vous tenez compte de toutes les dépenses avant que le verger n'arrive en pleine production. Ça, c'est la deuxième raison, c'est que c'est un arbre, donc il faut attendre qu'il pousse et donc c'est que la sixième année qu'il devientt rentable. Et c'est d'ailleurs un des freins puisque si vous êtes un agriculteur, vous plantez un amandier, vous devez payer de votre poche l'eau, le tracteur, les engrais organiques et tout pendant cinq ans, et vous avez une chance, si vous arrivez à vendre des amendes, de gagner votre vie à partir de la sixième année. Ce n'est quand même pas très motivant. Si je dis à quelqu'un, viens travailler avec moi, je te paye dans six ans, ça ne marche pas en fait. Mais dans l'agriculture, tout le monde trouve ça normal, ce qui est en fait une aberration économique. Et donc, on a imaginé, avec Arnaud, ça nous a pris pratiquement un an, un modèle économique, on s'est dit, mais comment on peut faire pour payer l'agriculteur, parce qu'après tout, il faut travailler tout de suite. Donc, être payé dans six ans, si on travaille dans six ans, ça va, ça se comprend, mais le problème, c'est qu'il faut travailler tout de suite. Et donc, on s'est dit, comment on peut faire ? On s'est dit, on va les payer. Alors, comment on va les payer ? Donc après, je vous épargne les détails, il a fallu monter un modèle économique et ensuite un cadre juridique qui corresponde à ce modèle. Ça, ça nous a pris beaucoup de temps et on est venu confronter cette idée avec des producteurs ici, avec des gens qui faisaient de la pêche ou de la cerise ou des viticulteurs pour voir si c'était logique. On a rencontré aussi la région, les autorités locales et tout, et tout le monde nous a dit : "Mais oui, c'est une super idée". Après, il fallait lever des fonds, parce que c'est une activité qui, par nature, est extrêmement coûteuse, comme je vous l'ai expliqué.

  • Elia

    Pour y parvenir, la Compagnie des Amandes a levé 12 millions d'euros et fait rentrer à son capital la coopérative Arteris, basée à Castelnaudary, dans l'Aude. Elle regroupe 25 000 agriculteurs des Pyrénées-aux-Alpes, soit la zone de relocalisation des amandiers.

  • François Moulias

    Ce projet doit agréger à la fois des actionnaires, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui le financent, des salariés, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui font le boulot et travaillent beaucoup, mais aussi des clients, des fournisseurs, etc. Donc c'est ce qu'on a essayé de faire. C'est un projet qui a une portée sociétale. Ce n'est pas juste une entreprise. C'est une entreprise qui lutte contre le réchauffement climatique parce que dans ce verger-là, il y a 70 000 arbres. C'est une entreprise qui restaure la biodiversité parce que c'est beaucoup plus favorable aux agents pollinisateurs d'avoir un verger avec des haies plutôt que d'avoir un champ de melons. C'est une entreprise qui crée de l'emploi dans des zones rurales qui en ont bien besoin et de l'emploi à rémunérer tout de suite. Donc c'est une entreprise qui a une vocation sociétale.

  • Elia

    Et la culture de la monde lutte aussi contre le changement climatique.

  • François Moulias

    Toute l'agriculture est potentiellement un formidable puits de carbone qu'on utilise peu et qu'on valorise mal. Arnaud et moi, on pense que si on veut des agriculteurs dans 20 ans, une des clés, c'est de financer différemment l'agriculture, qui fonctionne quand même beaucoup sur des modèles économiques obsolètes. Toute l'agriculture capte du carbone, il ne faut jamais oublier ça. C'est un des outils les plus efficaces de lutte contre le réchauffement climatique. On calcule ça par rapport à la situation antérieure. Donc il y a une méthode de calcul qu'il faut définir et qu'il faut faire approuver par le ministère. On a donc travaillé avec l'INRAE, l'Ademe, le CNRS pour rédiger une méthode qui s'appelle plantation de verger et qui est valable pour toutes les espèces, pas seulement pour les amandiers, et qui définit, par rapport à ce qu'il y avait avant, parce qu'évidemment, si vous arrachez une forêt et que vous plantez un verger, ça ne marche pas le truc. Bon, je prenais l'hypothèse du melon, mais ça peut être des céréales, ça peut être ce que vous voulez. Avec l'amandier, vous allez passer beaucoup moins en tracteur, donc vous allez économiser du gasoil, vous allez économiser des émissions de carbone, vous allez mettre moins d'intrants. Pour fabriquer des intrants, il faut consommer du carbone, etc. Et en plus, vous avez la capacité de séquestration. Alors ça, c'est assez simple. Vous prenez la capacité de séquestration d'un arbre, vous multipliez par le nombre d'arbres, le sol lui-même, on sait combien il capte au mètre carré, et donc ça vous donne la capacité de séquestration totale. Et ça, effectivement, ça a une valeur parce qu'un certain nombre d'entreprises font d'ailleurs des efforts pour réduire leurs propres émissions de carbone. Elles ont toujours une empreinte résiduelle. C'est-à-dire que quoi que vous fabriquez, vous consommez du carbone, ne fût-ce que parce que vous consommez de l'énergie, et puis parce qu'ensuite vous transportez, etc. Et même si vous faites tous les efforts du monde pour réduire votre émission de carbone, les gens qui nous écoutent, dans la pièce où ils sont, tout a nécessité de consommer du carbone. Donc ces entreprises font des efforts pour baisser leur carbone, mais elles peuvent avoir envie de compenser nos empreintes résiduelles, parce que c'est impossible d'arriver à zéro. Et avec notre système, elles peuvent se dire, on va financer un verger qui va capter du carbone dans un volume qui est certifié par l'État, puisque la méthode a été agréée par le ministère de la Transition écologique. Et donc, ça va nous permettre de dire qu'on a un bilan carbone neutre, le fameux triple zéro.

  • Elia

    Pour construire cette filière de l'amande française, les recherches en agroécologie sont essentielles afin d'analyser les sols, les plantations et les variétés. Pour cela, la Compagnie des Amandes s'est associée dès 2018 avec l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement, l'INRAE. La directrice technique de la Compagnie des Amandes, Eugénie Coutagne, nous explique ce qui favorise la culture de l'amandier en Provence.

  • Eugénie Coutagne

    Ici, c'est un terrain qui nous a été proposé par un propriétaire, où autrefois il y avait de la vigne, et puis il y avait eu des céréales et du melon. Et c'est un terrain qui, quand il nous a été proposé pour planter des amandiers, a été très intéressant pour plusieurs raisons, et il est vraiment typique de ce qu'on peut trouver pour planter des amandiers. D'une part, il est dans un contexte méditerranéen, donc avec un climat méditerranéen, avec la chaleur qu'il faut, l'ensoleillement qu'il faut. Et par rapport au risque gel, qui est le vrai problème de l'amandier ici dans le sud de la France, il n'est relativement pas protégé, mais en tout cas les risques gel sont limités. Et donc on peut avoir des floraisons précoces, c'est-à-dire fin février, début mars, sans trop de risques sur la production. Et au niveau du sol, on est dans un terrain qu'on appelle argilo-calcaire. Il y a aussi pas mal de sable, c'est-à-dire que ce sont des terrains qui ont de l'argile, mais qui ont aussi des sables, donc les sols sont filtrants, il y a beaucoup de cailloux, et ça c'est quelque chose qui est très important pour l'amandier. Il est connu pour être un arbre qui pousse un peu partout et qu'il est facile d'avoir dans le jardin de sa grand-mère. Il a besoin d'avoir un sol très filtrant et de ne jamais avoir les pieds dans l'eau. Il ne va pas supporter d'avoir des eaux stagnantes ou des argiles trop gonflantes qui vont l'étouffer. En fait, ses racines sont flemmardes. Et donc, pour pouvoir pousser, il faut qu'elles puissent creuser très facilement. Elles ne savent pas creuser les sols contraignants, et elles ne savent pas non plus quand il y a trop d'eau. Elles n'arrivent pas à retenir leur respiration, en fait, pour faire simple. Donc, du coup, les sols dans lesquels ça pousse bien, classiquement, c'est sur les coteaux, sur les pentes et dans les sols drainants qu'on peut avoir. Et la chance qu'on a dans le sud de la France, c'est que souvent, on a cette combinaison du climat méditerranéen plutôt bénéfique et de ces sols argilo-calqueurs, caillouteux, filtrants.

  • Elia

    Eugénie Coutagne rappelle les raisons historiques de l'abandon de l'amande française depuis la Grande Guerre.

  • Eugénie Coutagne

    L'amandier était très présent en France jusqu'au milieu du XXe siècle. On était une vraie terre amandicole à la fin du XIXe, notamment en Provence et dans l'ancien Languedoc-Roussillon. Toutes les fermes avaient des amandiers, et en fait les amandiers étaient présents dans ce qu'on appelle aujourd'hui, avec un ton un peu innovant, de l'agroforesterie, mais en fait ça existe depuis des siècles. C'est-à-dire que dans toutes les parcelles, là où il y avait de la vigne, là où il y avait des pêches, là où il y avait des céréales, il y avait des amandiers, il y avait des oliviers, et tout ça était complanté. Il n'y avait pas de vergers tel qu'on connaît aujourd'hui, uniquement d'amandiers, ou s'ils existaient, ils étaient très rares. Et c'était une production d'appoint pour les producteurs, les agriculteurs. C'est-à-dire que si l'amande produisait, parce qu'il n'y avait pas eu de gel et pas de ravageurs, tant mieux, on avait des amandes. Et en gros, on les mettait sous le matelas pour la dot de la fille. Et si par contre il y avait un gel ou une maladie, c'était un peu vache maigre, mais ce n'est pas grave parce qu'on avait une autre production à côté. Et donc ce qui s'est passé, c'est qu'à partir du début du XXe siècle, déjà il y a eu dans les trottes de guerre, on le situe à peu près le vrai déclin là, il y a eu plusieurs années de gel, des problèmes de ravageurs, donc il y a eu déjà des problèmes de déclin des amandiers. Un début d'arrachage favorisant d'autres productions. Il y avait aussi la concurrence du Maghreb où il y avait une production d'amandiers qui était plus forte et le Maghreb, c'était des départements français, donc la concurrence était directe. Et puis l'autre frein qu'il y a eu à ce moment-là, c'était que les amandes, pour être commercialisée, elle devait être cassée. Et la casse, c'était uniquement une casse manuelle qui était faite par les femmes, avec des cailloux, c'était très archaïque. Et à un moment donné, les femmes ont trouvé autre chose à faire que d'aller casser des amandes le soir en rentrant des champs. Et donc, il n'y avait plus de moyens de casse. Tout ça a fait que les arbres ont petit à petit été arrachés. Ça, c'est dans l'entre-deux-guerres. Et puis après, il y a eu le gel de 1956, qui est très connu pour les oliviers, mais qui en fait a été beaucoup plus destructeur pour les amandiers, puisqu'en fait les amandiers ne se sont pas relevés de ce gel. On a vraiment tout arraché, et après il y a eu ce qu'on appelle la moto-mécanisation, donc ça c'est le terme pour dire que les tracteurs sont arrivés dans les champs, les moissonneuses-batteuses, enfin voilà, tout le matériel est arrivé, et qu'il a fallu arracher tous ces arbres qui faisaient de l'agroforesterie, et les amandiers en faisaient partie. Et donc on s'est retrouvés à la fin des années 50, au début des années 60, avec une surface d'amandiers qui était presque réduite en fait à zéro. Et à partir de là, on était en fait avec un gros frein pour pouvoir relancer cette culture, parce qu'il n'y avait pas de surface, il n'y avait pas de débouchés, il n'y avait pas de casseries. Et en plus, il n'y avait pas de technicité ni de recherche, puisqu'en fait, il n'y a pas de surface, personne ne va investir pour faire de la recherche, de la technicité. Donc on était dans un cercle vicieux.

  • Elia

    Après avoir été agriculteur pendant 20 ans, Rémi Foissey a rejoint la compagnie des amendes comme directeur du développement en décembre dernier. Voici les raisons de son choix.

  • Rémi Foissey

    J'ai été producteur de pommes, donc arboriculteur pendant 20 ans. Arboriculteur, c'est un paysan. J'avais le cul sur un tracteur, j'avais les mains dans le cambouis, j'avais un sécateur dans les mains. Je cueillais des pommes avec mes cueilleurs. J'étais également investi dans toute la filière pommes, dans ma coopérative parce que je faisais partie d'un groupe. J'étais investi dans la filière pomme au niveau national, donc j'essayais d'apporter ma pierre à l'édifice. Après, effectivement, les aléas du métier d'agriculteur, de producteur m'ont amené à prendre la décision d'arrêter mon activité. Bien m'en a pris. Et puis ensuite, j'ai eu l'opportunité de rejoindre la Compagnie des Amandes. Et je l'ai fait avec énormément d'entrain. Pour autant, j'avais eu deux expériences professionnelles auparavant qui n'étaient pas du tout concluantes parce que je ne me retrouvais pas là-dedans. Je ne retrouvais pas mes valeurs de paysan dans ces métiers. Et là, j'étais convaincu, et maintenant depuis un peu moins d'un an, j'en suis toujours aussi convaincu, qu'il y a des valeurs qui sont dans mes tripes de paysans, parce que c'est quand même un peu ma marque de fabrique, que la Compagnie des Amandes porte. Et donc, je pense que je peux porter auprès des autres paysans qui pourraient être candidats à planter des amendes.

  • Elia

    Rémi Foissey nous explique comment la Compagnie des Amandes a choisi cet été de s'ouvrir à de petits agriculteurs soucieux de diversifier leur production et d'intégrer la prometteuse filière de l'amande française.

  • Rémi Foissey

    La proposition de départ que la Compagnie des Amandes a créée aux producteurs, c'était de s'associer avec eux, de créer une structure d'exploitation tout à fait spécifique pour la production d'amandes. Ce qui veut dire que le producteur se retrouvait avec un associé, certes il était rémunéré pour la mise à disposition de son foncier, de son travail, de son matériel. Ok, mais cette solution-là n'était adaptée qu'à des projets d'une dizaine d'hectares, qu'à des gens qui acceptaient d'avoir chez eux un associé, et ce n'est pas le cas de tous les producteurs. Et donc, de ce fait, il y avait beaucoup de projets et beaucoup de contacts qui, pour autant que les conditions agro-pédoclimatiques soient cohérentes avec la position de la bande, il y a beaucoup de projets qui nous passaient entre les doigts. Et donc on a décidé, on s'est dit que cette proposition que l'on faisait, ok, elle était vertueuse, elle avait plein de qualités, mais on était obligés de faire le constat qu'elle ne correspondait pas aux besoins et aux attentes de tous nos interlocuteurs potentiels. Donc c'était à nous de nous adapter. et donc de ce fait désormais on a toujours cette proposition mais on peut aussi accompagner un producteur qui veut se diversifier sur une surface plus restreinte, 2, 3, 4, 5 hectares on peut lui apporter une partie du financement s'il décide d'adhérer à l'organisation de producteurs, à l'OP que l'on est en train de créer qui lui permettra d'avoir une partie de son accompagnement technique financé par le programme opérationnel . Si quelqu'un dit, moi je ne veux pas adhérer à l'organisation de producteurs, je veux garder une partie de ma production que je commercialiserai moi-même et une partie de ma production que je commercialise par la Compagnie des Amandes, ok, il n'y a pas de souci. Si quelqu'un a déjà un verger installé, on lui fait un contrat d'achat et donc de commercialisation de ses amandes sur au moins trois ans. Plus d'années s'il le veut.

  • Elia

    Avant même d'avoir communiqué cette nouvelle offre, 100 hectares d'amendiers sans solution de casse ni de commercialisation ont déjà rejoint la compagnie des amendes. Et les débouchés sont là. Marie-Claude Stoffel, la directrice générale de Chabert & Guillot, leader du Nougat de Montélimar depuis son invention il y a 175 ans, nous explique les raisons de son partenariat avec la compagnie des amendes.

  • Marie-Claude Stoffel

    Pas plus tard que fin août, vous avez le Journal Officiel qui a enteriné le cahier des charges du Nougat de Montélimar, donc la recette Nougat de Montélimar. Donc ça, c'est une chose. Ce qu'il y a dedans, c'est 30 % d'amandes, ou 28 % minimum et 2 % de pistaches. C'est 19 % de miel, c'est du sucre, du blanc d'œuf et de la vanille naturelle. C'est tout. Vous savez que le premier producteur, c'est la Californie, 83% de la production mondiale. Alors oui, aujourd'hui, nous, on produit plus de 2 000 tonnes de nougat par an. On est obligé de passer par là. Mais c'est un non-sens, ça ne fait pas sens. Ça ne fait pas sens éthiquement, ça ne fait pas sens économiquement, pour plein de raisons. Donc, Chabert & Guillot, 175 ans, on a mis en place plein d'innovations. On a repoussé les frontières de certaines choses. Eh bien, il était évident pour moi, quand en 2018, Arnaud Montebourg et François Moulias ont annoncé ça, d'être partenaire de ça. En fait, la filière amande, oui, bien sûr, on a des amandiculteurs. Mais oui, d'accord, mais une fois qu'on a les amandes, qu'est-ce qu'on fait de ces amandes ? Moi, Nougat Chabert & Guillot, je ne peux pas prendre le risque de ne pas avoir de traçabilité ou d'avoir un problème sur ces amandes. Donc, le business model qui a été monté est juste génial. C'est-à-dire que vous avez quelqu'un qui dit, ben voilà, on va monter une société, on va partager des outils, mais on va surtout garantir la traçabilité de l'amont jusqu'à l'aval. Moi, vous voyez, ça, c'est extrêmement rassurant. Et ça correspond à mon éthique qui dit je dois produire des produits de qualité pour mes consommateurs, mais je dois impacter sur mon territoire et je veux que la France soit ce territoire-là.

  • Elia

    Que ce soit du producteur au consommateur final, toutes les parties prenantes sont alignées. L'État et son programme de réindustrialisation France 2030, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Banque des Territoires, la Banque publique d'investissement, la Chambre de commerce et d'industrie. Ils financent, soutiennent et se réjouissent du développement de la Compagnie des Amandes avec son lot de production agroécologique et d'emplois agricoles valorisés. Pour mener à bien la fabrication de l'unique casserie d'amende de France à Cygne, dans le Var, et libérer l'énergie de cette filière composée de Vrais Souverains, il ne reste plus à la Compagnie des Amandes qu'à convaincre le Crédit Agricole, sa banque, de boucler l'ultime tour de table.

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Description

Arnaud Montebourg et François Moulias ont lancé en 2018 la Compagnie des amandes pour relancer cette filière agricole abandonnée depuis des décennies sur le pourtour méditerranéen français. Ils nous racontent ce combat salvateur pour notre alimentation, pour les paysans et pour la Terre depuis leur verger de Sérignan-du-Comtat, dans le Vaucluse, qui vient de donner ses 18 premières tonnes d'amande.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des Vrais Souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    C'est dans le Vaucluse, à Sérignan-du-Comtat, que la Compagnie des Amandes a célébré en septembre 2023 sa première récolte de 18 tonnes d'amandes sur les 100 hectares du verger de la Rangardière, plantées en mars 2021. D'ici 2026, la Compagnie des Amandes en aura planté 20 fois plus sur tout l'arc méditerranéen français, de Perpignan à Toulon. Son président Arnaud Montebourg nous raconte comment l'idée du retour d'une filière de l'amande en France a germé dans son esprit.

  • Arnaud Montebourg

    La Compagnie des Amandes est née en Californie. En 2014, j'étais membre du gouvernement, j'accompagne le président de la République à Washington pour un voyage d'État chez M. Obama. Alors il y avait Washington avec les flonflons, les froufrous et puis après il y avait San Francisco, la Californie, parce que le président de la République voulait rencontrer les GAFAM, Google, Facebook, Microsoft, tous les autres. Puis après on est allé à la mairie de San Francisco, c'est une rencontre tout à fait protocolaire, en présence du maire de San Francisco, du gouverneur démocrate de la Californie, qui avait fait le déplacement depuis Sacramento, lieu du siège du gouverneurat. Et puis il y avait George Shultz l'ancien Secrétaire d'État de Ronald Reagan puisque Ronald Reagan et toute son équipe de la Maison Blanche venaient de Californie : il était gouverneur de Californie. Et ce Shultz était très sympathique, on parlait de géopolitique puis à un moment il est interrompu par le gouverneur démocrate, qui n'était donc pas républicain et qui dit : Excusez-moi, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, je dois partir parce que nous avons un énorme conflit de l'eau à résoudre entre la vallée de San Joaquin et les villes de Los Angeles et San Francisco. En clair, il faut choisir entre les arbres et les hommes. Et je me dis, qu'est-ce que c'est que cette vallée de San Joaquin ? Je regarde, c'est le désert de la Californie intérieure, entre la vallée de la Mort, où il fait 54 degrés en juillet et août, et la côte où il fait 16 degrés à cause des courants doux qui affaiblissent la température des côtes. Et au milieu, il fait 45-50 degrés, c'est un désert, il n'y a rien, c'est de la poussière, c'est plat. Et ils ont planté dans la vallée du San Joachim 445 000 hectares d'amandiers, c'est comme si entre Perpignan et Lyon il y avait un seul verger, et là je comprends. Il dit qu'il n'y a plus d'eau, on rentre, c'est en 2014, et c'est resté dans ma tête, qu'est-ce que c'est que cette histoire d'amandier ? Et l'amandier dans mon souvenir, il y en avait dans les vignes en Bourgogne, c'est un arbre qui équilibrait la vigne, c'était de la terre à vignes, et j'avais lu un livre en Bourgogne qui s'appelait J'irai revoir mes amandiers. Et je savais que c'était un arbre qui venait de la Judée, de la Syrie, et qui était natif du berceau méditerranéen. Qu'est-ce qu'il faisait là-bas, dans ce désert californien, sans eau, sans âme ? Et c'est là que j'ai découvert qu'il y avait tellement d'amandiers en Provence, en Occitanie, en Corse, avant-guerre, après-guerre, jusqu'au grand gel qui a détruit les arbres, pas seulement les fruits. Je me suis dit, on va replanter des amandiers en France. Je ne savais pas trop comment, comment faire. Et puis, dans un café, je croise François Moulias. Alors François Moulias, c'est une histoire extraordinaire parce que je l'ai connu au Parti Socialiste. Je défendais le non au référendum du traité constitutionnel européen. Et lui, il défendait le oui. Je l'ai rencontré à Narbonne. Il était viticulteur. Moi, j'étais député de la République. Et je l'avais trouvé excellent, même si j'étais absolument en désaccord. Alors évidemment, il s'est fait défoncer à Narbonne parce que le non l'a emporté, mais je l'avais connu donc 15 ans avant. Et quand je le vois, je dis : Tiens, qu'est-ce que tu deviens ? Et je vois qu'il est un peu désœuvré, il est entre deux affaires. Il avait réussi son parcours, mais pour moi, il était resté un homme de la terre, viticulteur, à Narbonne. Et son père était un intellectuel de l'agriculture. Il avait été le directeur de cabinet de Michel Rocard, ministre de l'Agriculture. Il avait dirigé l'Office national du vin. Bref, c'est une histoire formidable. Sa famille d' amoureux de la terre. Je lui dis : "tu sais, on devrait faire un truc. On devrait replanter des amandilles en France. Il n'y en a plus. Il y en avait tellement. Il y avait 12 000 hectares en Provence en 1950. Et c'est un fruit extraordinaire. Tout le monde en mange. Et il n'y en a pas, on importe tout". C'est comme ça que de ces cogitations est née la Compagnie des Amandes.

  • Elia

    François Moulias, ancien viticulteur devenu successivement PDG de Libération, puis directeur général de la Compagnie des Amandes, nous raconte les obstacles qu'il a fallu lever depuis 2018 pour arriver à cette première récolte et relancer une filière de l'amande en France.

  • François Moulias

    Je me penche sur la question, je comprends qu'il y a une très forte demande intérieure, qu'effectivement on est dans une situation totalement ubuesque, puisqu'on importe la totalité de notre consommation, alors que c'est un arbre qui est endémique ici dans le Midi, il y en a partout à la croisée des chemins et donc il y a une sorte d'aberration. Et il y avait après guerre 12 000 hectares d'amandiers en Provence qui ont gelé dans le grand gel de 1956 et après pour mille raisons que je vous épargne, on n'a pas replanté d'amandiers. Et donc alors que ça fait partie du patrimoine végétal gustatif, culturel de la Provence, il n'y a plus de vergers d'amandiers et comme il n'y a plus de vergers d'amandiers, il n'y a plus de filières c'est-à-dire de capacité à commercialiser, à traiter, etc. Et donc, quand Arnaud me propose de créer une société qui va relancer la culture de l'amandier, je vois tout de suite que les fondamentaux sont bons, mais que honnêtement, ça paraît infaisable, parce qu'on part de rien, il faut énormément d'argent. Pourquoi il faut énormément d'argent ? Pour deux raisons. La première, c'est que c'est un investissement très lourd, de l'ordre de 15 000 euros l'hectare. 15 000 euros l'hectare, ça veut dire que si vous faites 2 000 hectares, il faut trouver 30 millions et c'est encore plus cher si vous tenez compte de toutes les dépenses avant que le verger n'arrive en pleine production. Ça, c'est la deuxième raison, c'est que c'est un arbre, donc il faut attendre qu'il pousse et donc c'est que la sixième année qu'il devientt rentable. Et c'est d'ailleurs un des freins puisque si vous êtes un agriculteur, vous plantez un amandier, vous devez payer de votre poche l'eau, le tracteur, les engrais organiques et tout pendant cinq ans, et vous avez une chance, si vous arrivez à vendre des amendes, de gagner votre vie à partir de la sixième année. Ce n'est quand même pas très motivant. Si je dis à quelqu'un, viens travailler avec moi, je te paye dans six ans, ça ne marche pas en fait. Mais dans l'agriculture, tout le monde trouve ça normal, ce qui est en fait une aberration économique. Et donc, on a imaginé, avec Arnaud, ça nous a pris pratiquement un an, un modèle économique, on s'est dit, mais comment on peut faire pour payer l'agriculteur, parce qu'après tout, il faut travailler tout de suite. Donc, être payé dans six ans, si on travaille dans six ans, ça va, ça se comprend, mais le problème, c'est qu'il faut travailler tout de suite. Et donc, on s'est dit, comment on peut faire ? On s'est dit, on va les payer. Alors, comment on va les payer ? Donc après, je vous épargne les détails, il a fallu monter un modèle économique et ensuite un cadre juridique qui corresponde à ce modèle. Ça, ça nous a pris beaucoup de temps et on est venu confronter cette idée avec des producteurs ici, avec des gens qui faisaient de la pêche ou de la cerise ou des viticulteurs pour voir si c'était logique. On a rencontré aussi la région, les autorités locales et tout, et tout le monde nous a dit : "Mais oui, c'est une super idée". Après, il fallait lever des fonds, parce que c'est une activité qui, par nature, est extrêmement coûteuse, comme je vous l'ai expliqué.

  • Elia

    Pour y parvenir, la Compagnie des Amandes a levé 12 millions d'euros et fait rentrer à son capital la coopérative Arteris, basée à Castelnaudary, dans l'Aude. Elle regroupe 25 000 agriculteurs des Pyrénées-aux-Alpes, soit la zone de relocalisation des amandiers.

  • François Moulias

    Ce projet doit agréger à la fois des actionnaires, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui le financent, des salariés, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui font le boulot et travaillent beaucoup, mais aussi des clients, des fournisseurs, etc. Donc c'est ce qu'on a essayé de faire. C'est un projet qui a une portée sociétale. Ce n'est pas juste une entreprise. C'est une entreprise qui lutte contre le réchauffement climatique parce que dans ce verger-là, il y a 70 000 arbres. C'est une entreprise qui restaure la biodiversité parce que c'est beaucoup plus favorable aux agents pollinisateurs d'avoir un verger avec des haies plutôt que d'avoir un champ de melons. C'est une entreprise qui crée de l'emploi dans des zones rurales qui en ont bien besoin et de l'emploi à rémunérer tout de suite. Donc c'est une entreprise qui a une vocation sociétale.

  • Elia

    Et la culture de la monde lutte aussi contre le changement climatique.

  • François Moulias

    Toute l'agriculture est potentiellement un formidable puits de carbone qu'on utilise peu et qu'on valorise mal. Arnaud et moi, on pense que si on veut des agriculteurs dans 20 ans, une des clés, c'est de financer différemment l'agriculture, qui fonctionne quand même beaucoup sur des modèles économiques obsolètes. Toute l'agriculture capte du carbone, il ne faut jamais oublier ça. C'est un des outils les plus efficaces de lutte contre le réchauffement climatique. On calcule ça par rapport à la situation antérieure. Donc il y a une méthode de calcul qu'il faut définir et qu'il faut faire approuver par le ministère. On a donc travaillé avec l'INRAE, l'Ademe, le CNRS pour rédiger une méthode qui s'appelle plantation de verger et qui est valable pour toutes les espèces, pas seulement pour les amandiers, et qui définit, par rapport à ce qu'il y avait avant, parce qu'évidemment, si vous arrachez une forêt et que vous plantez un verger, ça ne marche pas le truc. Bon, je prenais l'hypothèse du melon, mais ça peut être des céréales, ça peut être ce que vous voulez. Avec l'amandier, vous allez passer beaucoup moins en tracteur, donc vous allez économiser du gasoil, vous allez économiser des émissions de carbone, vous allez mettre moins d'intrants. Pour fabriquer des intrants, il faut consommer du carbone, etc. Et en plus, vous avez la capacité de séquestration. Alors ça, c'est assez simple. Vous prenez la capacité de séquestration d'un arbre, vous multipliez par le nombre d'arbres, le sol lui-même, on sait combien il capte au mètre carré, et donc ça vous donne la capacité de séquestration totale. Et ça, effectivement, ça a une valeur parce qu'un certain nombre d'entreprises font d'ailleurs des efforts pour réduire leurs propres émissions de carbone. Elles ont toujours une empreinte résiduelle. C'est-à-dire que quoi que vous fabriquez, vous consommez du carbone, ne fût-ce que parce que vous consommez de l'énergie, et puis parce qu'ensuite vous transportez, etc. Et même si vous faites tous les efforts du monde pour réduire votre émission de carbone, les gens qui nous écoutent, dans la pièce où ils sont, tout a nécessité de consommer du carbone. Donc ces entreprises font des efforts pour baisser leur carbone, mais elles peuvent avoir envie de compenser nos empreintes résiduelles, parce que c'est impossible d'arriver à zéro. Et avec notre système, elles peuvent se dire, on va financer un verger qui va capter du carbone dans un volume qui est certifié par l'État, puisque la méthode a été agréée par le ministère de la Transition écologique. Et donc, ça va nous permettre de dire qu'on a un bilan carbone neutre, le fameux triple zéro.

  • Elia

    Pour construire cette filière de l'amande française, les recherches en agroécologie sont essentielles afin d'analyser les sols, les plantations et les variétés. Pour cela, la Compagnie des Amandes s'est associée dès 2018 avec l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement, l'INRAE. La directrice technique de la Compagnie des Amandes, Eugénie Coutagne, nous explique ce qui favorise la culture de l'amandier en Provence.

  • Eugénie Coutagne

    Ici, c'est un terrain qui nous a été proposé par un propriétaire, où autrefois il y avait de la vigne, et puis il y avait eu des céréales et du melon. Et c'est un terrain qui, quand il nous a été proposé pour planter des amandiers, a été très intéressant pour plusieurs raisons, et il est vraiment typique de ce qu'on peut trouver pour planter des amandiers. D'une part, il est dans un contexte méditerranéen, donc avec un climat méditerranéen, avec la chaleur qu'il faut, l'ensoleillement qu'il faut. Et par rapport au risque gel, qui est le vrai problème de l'amandier ici dans le sud de la France, il n'est relativement pas protégé, mais en tout cas les risques gel sont limités. Et donc on peut avoir des floraisons précoces, c'est-à-dire fin février, début mars, sans trop de risques sur la production. Et au niveau du sol, on est dans un terrain qu'on appelle argilo-calcaire. Il y a aussi pas mal de sable, c'est-à-dire que ce sont des terrains qui ont de l'argile, mais qui ont aussi des sables, donc les sols sont filtrants, il y a beaucoup de cailloux, et ça c'est quelque chose qui est très important pour l'amandier. Il est connu pour être un arbre qui pousse un peu partout et qu'il est facile d'avoir dans le jardin de sa grand-mère. Il a besoin d'avoir un sol très filtrant et de ne jamais avoir les pieds dans l'eau. Il ne va pas supporter d'avoir des eaux stagnantes ou des argiles trop gonflantes qui vont l'étouffer. En fait, ses racines sont flemmardes. Et donc, pour pouvoir pousser, il faut qu'elles puissent creuser très facilement. Elles ne savent pas creuser les sols contraignants, et elles ne savent pas non plus quand il y a trop d'eau. Elles n'arrivent pas à retenir leur respiration, en fait, pour faire simple. Donc, du coup, les sols dans lesquels ça pousse bien, classiquement, c'est sur les coteaux, sur les pentes et dans les sols drainants qu'on peut avoir. Et la chance qu'on a dans le sud de la France, c'est que souvent, on a cette combinaison du climat méditerranéen plutôt bénéfique et de ces sols argilo-calqueurs, caillouteux, filtrants.

  • Elia

    Eugénie Coutagne rappelle les raisons historiques de l'abandon de l'amande française depuis la Grande Guerre.

  • Eugénie Coutagne

    L'amandier était très présent en France jusqu'au milieu du XXe siècle. On était une vraie terre amandicole à la fin du XIXe, notamment en Provence et dans l'ancien Languedoc-Roussillon. Toutes les fermes avaient des amandiers, et en fait les amandiers étaient présents dans ce qu'on appelle aujourd'hui, avec un ton un peu innovant, de l'agroforesterie, mais en fait ça existe depuis des siècles. C'est-à-dire que dans toutes les parcelles, là où il y avait de la vigne, là où il y avait des pêches, là où il y avait des céréales, il y avait des amandiers, il y avait des oliviers, et tout ça était complanté. Il n'y avait pas de vergers tel qu'on connaît aujourd'hui, uniquement d'amandiers, ou s'ils existaient, ils étaient très rares. Et c'était une production d'appoint pour les producteurs, les agriculteurs. C'est-à-dire que si l'amande produisait, parce qu'il n'y avait pas eu de gel et pas de ravageurs, tant mieux, on avait des amandes. Et en gros, on les mettait sous le matelas pour la dot de la fille. Et si par contre il y avait un gel ou une maladie, c'était un peu vache maigre, mais ce n'est pas grave parce qu'on avait une autre production à côté. Et donc ce qui s'est passé, c'est qu'à partir du début du XXe siècle, déjà il y a eu dans les trottes de guerre, on le situe à peu près le vrai déclin là, il y a eu plusieurs années de gel, des problèmes de ravageurs, donc il y a eu déjà des problèmes de déclin des amandiers. Un début d'arrachage favorisant d'autres productions. Il y avait aussi la concurrence du Maghreb où il y avait une production d'amandiers qui était plus forte et le Maghreb, c'était des départements français, donc la concurrence était directe. Et puis l'autre frein qu'il y a eu à ce moment-là, c'était que les amandes, pour être commercialisée, elle devait être cassée. Et la casse, c'était uniquement une casse manuelle qui était faite par les femmes, avec des cailloux, c'était très archaïque. Et à un moment donné, les femmes ont trouvé autre chose à faire que d'aller casser des amandes le soir en rentrant des champs. Et donc, il n'y avait plus de moyens de casse. Tout ça a fait que les arbres ont petit à petit été arrachés. Ça, c'est dans l'entre-deux-guerres. Et puis après, il y a eu le gel de 1956, qui est très connu pour les oliviers, mais qui en fait a été beaucoup plus destructeur pour les amandiers, puisqu'en fait les amandiers ne se sont pas relevés de ce gel. On a vraiment tout arraché, et après il y a eu ce qu'on appelle la moto-mécanisation, donc ça c'est le terme pour dire que les tracteurs sont arrivés dans les champs, les moissonneuses-batteuses, enfin voilà, tout le matériel est arrivé, et qu'il a fallu arracher tous ces arbres qui faisaient de l'agroforesterie, et les amandiers en faisaient partie. Et donc on s'est retrouvés à la fin des années 50, au début des années 60, avec une surface d'amandiers qui était presque réduite en fait à zéro. Et à partir de là, on était en fait avec un gros frein pour pouvoir relancer cette culture, parce qu'il n'y avait pas de surface, il n'y avait pas de débouchés, il n'y avait pas de casseries. Et en plus, il n'y avait pas de technicité ni de recherche, puisqu'en fait, il n'y a pas de surface, personne ne va investir pour faire de la recherche, de la technicité. Donc on était dans un cercle vicieux.

  • Elia

    Après avoir été agriculteur pendant 20 ans, Rémi Foissey a rejoint la compagnie des amendes comme directeur du développement en décembre dernier. Voici les raisons de son choix.

  • Rémi Foissey

    J'ai été producteur de pommes, donc arboriculteur pendant 20 ans. Arboriculteur, c'est un paysan. J'avais le cul sur un tracteur, j'avais les mains dans le cambouis, j'avais un sécateur dans les mains. Je cueillais des pommes avec mes cueilleurs. J'étais également investi dans toute la filière pommes, dans ma coopérative parce que je faisais partie d'un groupe. J'étais investi dans la filière pomme au niveau national, donc j'essayais d'apporter ma pierre à l'édifice. Après, effectivement, les aléas du métier d'agriculteur, de producteur m'ont amené à prendre la décision d'arrêter mon activité. Bien m'en a pris. Et puis ensuite, j'ai eu l'opportunité de rejoindre la Compagnie des Amandes. Et je l'ai fait avec énormément d'entrain. Pour autant, j'avais eu deux expériences professionnelles auparavant qui n'étaient pas du tout concluantes parce que je ne me retrouvais pas là-dedans. Je ne retrouvais pas mes valeurs de paysan dans ces métiers. Et là, j'étais convaincu, et maintenant depuis un peu moins d'un an, j'en suis toujours aussi convaincu, qu'il y a des valeurs qui sont dans mes tripes de paysans, parce que c'est quand même un peu ma marque de fabrique, que la Compagnie des Amandes porte. Et donc, je pense que je peux porter auprès des autres paysans qui pourraient être candidats à planter des amendes.

  • Elia

    Rémi Foissey nous explique comment la Compagnie des Amandes a choisi cet été de s'ouvrir à de petits agriculteurs soucieux de diversifier leur production et d'intégrer la prometteuse filière de l'amande française.

  • Rémi Foissey

    La proposition de départ que la Compagnie des Amandes a créée aux producteurs, c'était de s'associer avec eux, de créer une structure d'exploitation tout à fait spécifique pour la production d'amandes. Ce qui veut dire que le producteur se retrouvait avec un associé, certes il était rémunéré pour la mise à disposition de son foncier, de son travail, de son matériel. Ok, mais cette solution-là n'était adaptée qu'à des projets d'une dizaine d'hectares, qu'à des gens qui acceptaient d'avoir chez eux un associé, et ce n'est pas le cas de tous les producteurs. Et donc, de ce fait, il y avait beaucoup de projets et beaucoup de contacts qui, pour autant que les conditions agro-pédoclimatiques soient cohérentes avec la position de la bande, il y a beaucoup de projets qui nous passaient entre les doigts. Et donc on a décidé, on s'est dit que cette proposition que l'on faisait, ok, elle était vertueuse, elle avait plein de qualités, mais on était obligés de faire le constat qu'elle ne correspondait pas aux besoins et aux attentes de tous nos interlocuteurs potentiels. Donc c'était à nous de nous adapter. et donc de ce fait désormais on a toujours cette proposition mais on peut aussi accompagner un producteur qui veut se diversifier sur une surface plus restreinte, 2, 3, 4, 5 hectares on peut lui apporter une partie du financement s'il décide d'adhérer à l'organisation de producteurs, à l'OP que l'on est en train de créer qui lui permettra d'avoir une partie de son accompagnement technique financé par le programme opérationnel . Si quelqu'un dit, moi je ne veux pas adhérer à l'organisation de producteurs, je veux garder une partie de ma production que je commercialiserai moi-même et une partie de ma production que je commercialise par la Compagnie des Amandes, ok, il n'y a pas de souci. Si quelqu'un a déjà un verger installé, on lui fait un contrat d'achat et donc de commercialisation de ses amandes sur au moins trois ans. Plus d'années s'il le veut.

  • Elia

    Avant même d'avoir communiqué cette nouvelle offre, 100 hectares d'amendiers sans solution de casse ni de commercialisation ont déjà rejoint la compagnie des amendes. Et les débouchés sont là. Marie-Claude Stoffel, la directrice générale de Chabert & Guillot, leader du Nougat de Montélimar depuis son invention il y a 175 ans, nous explique les raisons de son partenariat avec la compagnie des amendes.

  • Marie-Claude Stoffel

    Pas plus tard que fin août, vous avez le Journal Officiel qui a enteriné le cahier des charges du Nougat de Montélimar, donc la recette Nougat de Montélimar. Donc ça, c'est une chose. Ce qu'il y a dedans, c'est 30 % d'amandes, ou 28 % minimum et 2 % de pistaches. C'est 19 % de miel, c'est du sucre, du blanc d'œuf et de la vanille naturelle. C'est tout. Vous savez que le premier producteur, c'est la Californie, 83% de la production mondiale. Alors oui, aujourd'hui, nous, on produit plus de 2 000 tonnes de nougat par an. On est obligé de passer par là. Mais c'est un non-sens, ça ne fait pas sens. Ça ne fait pas sens éthiquement, ça ne fait pas sens économiquement, pour plein de raisons. Donc, Chabert & Guillot, 175 ans, on a mis en place plein d'innovations. On a repoussé les frontières de certaines choses. Eh bien, il était évident pour moi, quand en 2018, Arnaud Montebourg et François Moulias ont annoncé ça, d'être partenaire de ça. En fait, la filière amande, oui, bien sûr, on a des amandiculteurs. Mais oui, d'accord, mais une fois qu'on a les amandes, qu'est-ce qu'on fait de ces amandes ? Moi, Nougat Chabert & Guillot, je ne peux pas prendre le risque de ne pas avoir de traçabilité ou d'avoir un problème sur ces amandes. Donc, le business model qui a été monté est juste génial. C'est-à-dire que vous avez quelqu'un qui dit, ben voilà, on va monter une société, on va partager des outils, mais on va surtout garantir la traçabilité de l'amont jusqu'à l'aval. Moi, vous voyez, ça, c'est extrêmement rassurant. Et ça correspond à mon éthique qui dit je dois produire des produits de qualité pour mes consommateurs, mais je dois impacter sur mon territoire et je veux que la France soit ce territoire-là.

  • Elia

    Que ce soit du producteur au consommateur final, toutes les parties prenantes sont alignées. L'État et son programme de réindustrialisation France 2030, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Banque des Territoires, la Banque publique d'investissement, la Chambre de commerce et d'industrie. Ils financent, soutiennent et se réjouissent du développement de la Compagnie des Amandes avec son lot de production agroécologique et d'emplois agricoles valorisés. Pour mener à bien la fabrication de l'unique casserie d'amende de France à Cygne, dans le Var, et libérer l'énergie de cette filière composée de Vrais Souverains, il ne reste plus à la Compagnie des Amandes qu'à convaincre le Crédit Agricole, sa banque, de boucler l'ultime tour de table.

Description

Arnaud Montebourg et François Moulias ont lancé en 2018 la Compagnie des amandes pour relancer cette filière agricole abandonnée depuis des décennies sur le pourtour méditerranéen français. Ils nous racontent ce combat salvateur pour notre alimentation, pour les paysans et pour la Terre depuis leur verger de Sérignan-du-Comtat, dans le Vaucluse, qui vient de donner ses 18 premières tonnes d'amande.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des Vrais Souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    C'est dans le Vaucluse, à Sérignan-du-Comtat, que la Compagnie des Amandes a célébré en septembre 2023 sa première récolte de 18 tonnes d'amandes sur les 100 hectares du verger de la Rangardière, plantées en mars 2021. D'ici 2026, la Compagnie des Amandes en aura planté 20 fois plus sur tout l'arc méditerranéen français, de Perpignan à Toulon. Son président Arnaud Montebourg nous raconte comment l'idée du retour d'une filière de l'amande en France a germé dans son esprit.

  • Arnaud Montebourg

    La Compagnie des Amandes est née en Californie. En 2014, j'étais membre du gouvernement, j'accompagne le président de la République à Washington pour un voyage d'État chez M. Obama. Alors il y avait Washington avec les flonflons, les froufrous et puis après il y avait San Francisco, la Californie, parce que le président de la République voulait rencontrer les GAFAM, Google, Facebook, Microsoft, tous les autres. Puis après on est allé à la mairie de San Francisco, c'est une rencontre tout à fait protocolaire, en présence du maire de San Francisco, du gouverneur démocrate de la Californie, qui avait fait le déplacement depuis Sacramento, lieu du siège du gouverneurat. Et puis il y avait George Shultz l'ancien Secrétaire d'État de Ronald Reagan puisque Ronald Reagan et toute son équipe de la Maison Blanche venaient de Californie : il était gouverneur de Californie. Et ce Shultz était très sympathique, on parlait de géopolitique puis à un moment il est interrompu par le gouverneur démocrate, qui n'était donc pas républicain et qui dit : Excusez-moi, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, je dois partir parce que nous avons un énorme conflit de l'eau à résoudre entre la vallée de San Joaquin et les villes de Los Angeles et San Francisco. En clair, il faut choisir entre les arbres et les hommes. Et je me dis, qu'est-ce que c'est que cette vallée de San Joaquin ? Je regarde, c'est le désert de la Californie intérieure, entre la vallée de la Mort, où il fait 54 degrés en juillet et août, et la côte où il fait 16 degrés à cause des courants doux qui affaiblissent la température des côtes. Et au milieu, il fait 45-50 degrés, c'est un désert, il n'y a rien, c'est de la poussière, c'est plat. Et ils ont planté dans la vallée du San Joachim 445 000 hectares d'amandiers, c'est comme si entre Perpignan et Lyon il y avait un seul verger, et là je comprends. Il dit qu'il n'y a plus d'eau, on rentre, c'est en 2014, et c'est resté dans ma tête, qu'est-ce que c'est que cette histoire d'amandier ? Et l'amandier dans mon souvenir, il y en avait dans les vignes en Bourgogne, c'est un arbre qui équilibrait la vigne, c'était de la terre à vignes, et j'avais lu un livre en Bourgogne qui s'appelait J'irai revoir mes amandiers. Et je savais que c'était un arbre qui venait de la Judée, de la Syrie, et qui était natif du berceau méditerranéen. Qu'est-ce qu'il faisait là-bas, dans ce désert californien, sans eau, sans âme ? Et c'est là que j'ai découvert qu'il y avait tellement d'amandiers en Provence, en Occitanie, en Corse, avant-guerre, après-guerre, jusqu'au grand gel qui a détruit les arbres, pas seulement les fruits. Je me suis dit, on va replanter des amandiers en France. Je ne savais pas trop comment, comment faire. Et puis, dans un café, je croise François Moulias. Alors François Moulias, c'est une histoire extraordinaire parce que je l'ai connu au Parti Socialiste. Je défendais le non au référendum du traité constitutionnel européen. Et lui, il défendait le oui. Je l'ai rencontré à Narbonne. Il était viticulteur. Moi, j'étais député de la République. Et je l'avais trouvé excellent, même si j'étais absolument en désaccord. Alors évidemment, il s'est fait défoncer à Narbonne parce que le non l'a emporté, mais je l'avais connu donc 15 ans avant. Et quand je le vois, je dis : Tiens, qu'est-ce que tu deviens ? Et je vois qu'il est un peu désœuvré, il est entre deux affaires. Il avait réussi son parcours, mais pour moi, il était resté un homme de la terre, viticulteur, à Narbonne. Et son père était un intellectuel de l'agriculture. Il avait été le directeur de cabinet de Michel Rocard, ministre de l'Agriculture. Il avait dirigé l'Office national du vin. Bref, c'est une histoire formidable. Sa famille d' amoureux de la terre. Je lui dis : "tu sais, on devrait faire un truc. On devrait replanter des amandilles en France. Il n'y en a plus. Il y en avait tellement. Il y avait 12 000 hectares en Provence en 1950. Et c'est un fruit extraordinaire. Tout le monde en mange. Et il n'y en a pas, on importe tout". C'est comme ça que de ces cogitations est née la Compagnie des Amandes.

  • Elia

    François Moulias, ancien viticulteur devenu successivement PDG de Libération, puis directeur général de la Compagnie des Amandes, nous raconte les obstacles qu'il a fallu lever depuis 2018 pour arriver à cette première récolte et relancer une filière de l'amande en France.

  • François Moulias

    Je me penche sur la question, je comprends qu'il y a une très forte demande intérieure, qu'effectivement on est dans une situation totalement ubuesque, puisqu'on importe la totalité de notre consommation, alors que c'est un arbre qui est endémique ici dans le Midi, il y en a partout à la croisée des chemins et donc il y a une sorte d'aberration. Et il y avait après guerre 12 000 hectares d'amandiers en Provence qui ont gelé dans le grand gel de 1956 et après pour mille raisons que je vous épargne, on n'a pas replanté d'amandiers. Et donc alors que ça fait partie du patrimoine végétal gustatif, culturel de la Provence, il n'y a plus de vergers d'amandiers et comme il n'y a plus de vergers d'amandiers, il n'y a plus de filières c'est-à-dire de capacité à commercialiser, à traiter, etc. Et donc, quand Arnaud me propose de créer une société qui va relancer la culture de l'amandier, je vois tout de suite que les fondamentaux sont bons, mais que honnêtement, ça paraît infaisable, parce qu'on part de rien, il faut énormément d'argent. Pourquoi il faut énormément d'argent ? Pour deux raisons. La première, c'est que c'est un investissement très lourd, de l'ordre de 15 000 euros l'hectare. 15 000 euros l'hectare, ça veut dire que si vous faites 2 000 hectares, il faut trouver 30 millions et c'est encore plus cher si vous tenez compte de toutes les dépenses avant que le verger n'arrive en pleine production. Ça, c'est la deuxième raison, c'est que c'est un arbre, donc il faut attendre qu'il pousse et donc c'est que la sixième année qu'il devientt rentable. Et c'est d'ailleurs un des freins puisque si vous êtes un agriculteur, vous plantez un amandier, vous devez payer de votre poche l'eau, le tracteur, les engrais organiques et tout pendant cinq ans, et vous avez une chance, si vous arrivez à vendre des amendes, de gagner votre vie à partir de la sixième année. Ce n'est quand même pas très motivant. Si je dis à quelqu'un, viens travailler avec moi, je te paye dans six ans, ça ne marche pas en fait. Mais dans l'agriculture, tout le monde trouve ça normal, ce qui est en fait une aberration économique. Et donc, on a imaginé, avec Arnaud, ça nous a pris pratiquement un an, un modèle économique, on s'est dit, mais comment on peut faire pour payer l'agriculteur, parce qu'après tout, il faut travailler tout de suite. Donc, être payé dans six ans, si on travaille dans six ans, ça va, ça se comprend, mais le problème, c'est qu'il faut travailler tout de suite. Et donc, on s'est dit, comment on peut faire ? On s'est dit, on va les payer. Alors, comment on va les payer ? Donc après, je vous épargne les détails, il a fallu monter un modèle économique et ensuite un cadre juridique qui corresponde à ce modèle. Ça, ça nous a pris beaucoup de temps et on est venu confronter cette idée avec des producteurs ici, avec des gens qui faisaient de la pêche ou de la cerise ou des viticulteurs pour voir si c'était logique. On a rencontré aussi la région, les autorités locales et tout, et tout le monde nous a dit : "Mais oui, c'est une super idée". Après, il fallait lever des fonds, parce que c'est une activité qui, par nature, est extrêmement coûteuse, comme je vous l'ai expliqué.

  • Elia

    Pour y parvenir, la Compagnie des Amandes a levé 12 millions d'euros et fait rentrer à son capital la coopérative Arteris, basée à Castelnaudary, dans l'Aude. Elle regroupe 25 000 agriculteurs des Pyrénées-aux-Alpes, soit la zone de relocalisation des amandiers.

  • François Moulias

    Ce projet doit agréger à la fois des actionnaires, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui le financent, des salariés, qu'il faut remercier parce que c'est eux qui font le boulot et travaillent beaucoup, mais aussi des clients, des fournisseurs, etc. Donc c'est ce qu'on a essayé de faire. C'est un projet qui a une portée sociétale. Ce n'est pas juste une entreprise. C'est une entreprise qui lutte contre le réchauffement climatique parce que dans ce verger-là, il y a 70 000 arbres. C'est une entreprise qui restaure la biodiversité parce que c'est beaucoup plus favorable aux agents pollinisateurs d'avoir un verger avec des haies plutôt que d'avoir un champ de melons. C'est une entreprise qui crée de l'emploi dans des zones rurales qui en ont bien besoin et de l'emploi à rémunérer tout de suite. Donc c'est une entreprise qui a une vocation sociétale.

  • Elia

    Et la culture de la monde lutte aussi contre le changement climatique.

  • François Moulias

    Toute l'agriculture est potentiellement un formidable puits de carbone qu'on utilise peu et qu'on valorise mal. Arnaud et moi, on pense que si on veut des agriculteurs dans 20 ans, une des clés, c'est de financer différemment l'agriculture, qui fonctionne quand même beaucoup sur des modèles économiques obsolètes. Toute l'agriculture capte du carbone, il ne faut jamais oublier ça. C'est un des outils les plus efficaces de lutte contre le réchauffement climatique. On calcule ça par rapport à la situation antérieure. Donc il y a une méthode de calcul qu'il faut définir et qu'il faut faire approuver par le ministère. On a donc travaillé avec l'INRAE, l'Ademe, le CNRS pour rédiger une méthode qui s'appelle plantation de verger et qui est valable pour toutes les espèces, pas seulement pour les amandiers, et qui définit, par rapport à ce qu'il y avait avant, parce qu'évidemment, si vous arrachez une forêt et que vous plantez un verger, ça ne marche pas le truc. Bon, je prenais l'hypothèse du melon, mais ça peut être des céréales, ça peut être ce que vous voulez. Avec l'amandier, vous allez passer beaucoup moins en tracteur, donc vous allez économiser du gasoil, vous allez économiser des émissions de carbone, vous allez mettre moins d'intrants. Pour fabriquer des intrants, il faut consommer du carbone, etc. Et en plus, vous avez la capacité de séquestration. Alors ça, c'est assez simple. Vous prenez la capacité de séquestration d'un arbre, vous multipliez par le nombre d'arbres, le sol lui-même, on sait combien il capte au mètre carré, et donc ça vous donne la capacité de séquestration totale. Et ça, effectivement, ça a une valeur parce qu'un certain nombre d'entreprises font d'ailleurs des efforts pour réduire leurs propres émissions de carbone. Elles ont toujours une empreinte résiduelle. C'est-à-dire que quoi que vous fabriquez, vous consommez du carbone, ne fût-ce que parce que vous consommez de l'énergie, et puis parce qu'ensuite vous transportez, etc. Et même si vous faites tous les efforts du monde pour réduire votre émission de carbone, les gens qui nous écoutent, dans la pièce où ils sont, tout a nécessité de consommer du carbone. Donc ces entreprises font des efforts pour baisser leur carbone, mais elles peuvent avoir envie de compenser nos empreintes résiduelles, parce que c'est impossible d'arriver à zéro. Et avec notre système, elles peuvent se dire, on va financer un verger qui va capter du carbone dans un volume qui est certifié par l'État, puisque la méthode a été agréée par le ministère de la Transition écologique. Et donc, ça va nous permettre de dire qu'on a un bilan carbone neutre, le fameux triple zéro.

  • Elia

    Pour construire cette filière de l'amande française, les recherches en agroécologie sont essentielles afin d'analyser les sols, les plantations et les variétés. Pour cela, la Compagnie des Amandes s'est associée dès 2018 avec l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement, l'INRAE. La directrice technique de la Compagnie des Amandes, Eugénie Coutagne, nous explique ce qui favorise la culture de l'amandier en Provence.

  • Eugénie Coutagne

    Ici, c'est un terrain qui nous a été proposé par un propriétaire, où autrefois il y avait de la vigne, et puis il y avait eu des céréales et du melon. Et c'est un terrain qui, quand il nous a été proposé pour planter des amandiers, a été très intéressant pour plusieurs raisons, et il est vraiment typique de ce qu'on peut trouver pour planter des amandiers. D'une part, il est dans un contexte méditerranéen, donc avec un climat méditerranéen, avec la chaleur qu'il faut, l'ensoleillement qu'il faut. Et par rapport au risque gel, qui est le vrai problème de l'amandier ici dans le sud de la France, il n'est relativement pas protégé, mais en tout cas les risques gel sont limités. Et donc on peut avoir des floraisons précoces, c'est-à-dire fin février, début mars, sans trop de risques sur la production. Et au niveau du sol, on est dans un terrain qu'on appelle argilo-calcaire. Il y a aussi pas mal de sable, c'est-à-dire que ce sont des terrains qui ont de l'argile, mais qui ont aussi des sables, donc les sols sont filtrants, il y a beaucoup de cailloux, et ça c'est quelque chose qui est très important pour l'amandier. Il est connu pour être un arbre qui pousse un peu partout et qu'il est facile d'avoir dans le jardin de sa grand-mère. Il a besoin d'avoir un sol très filtrant et de ne jamais avoir les pieds dans l'eau. Il ne va pas supporter d'avoir des eaux stagnantes ou des argiles trop gonflantes qui vont l'étouffer. En fait, ses racines sont flemmardes. Et donc, pour pouvoir pousser, il faut qu'elles puissent creuser très facilement. Elles ne savent pas creuser les sols contraignants, et elles ne savent pas non plus quand il y a trop d'eau. Elles n'arrivent pas à retenir leur respiration, en fait, pour faire simple. Donc, du coup, les sols dans lesquels ça pousse bien, classiquement, c'est sur les coteaux, sur les pentes et dans les sols drainants qu'on peut avoir. Et la chance qu'on a dans le sud de la France, c'est que souvent, on a cette combinaison du climat méditerranéen plutôt bénéfique et de ces sols argilo-calqueurs, caillouteux, filtrants.

  • Elia

    Eugénie Coutagne rappelle les raisons historiques de l'abandon de l'amande française depuis la Grande Guerre.

  • Eugénie Coutagne

    L'amandier était très présent en France jusqu'au milieu du XXe siècle. On était une vraie terre amandicole à la fin du XIXe, notamment en Provence et dans l'ancien Languedoc-Roussillon. Toutes les fermes avaient des amandiers, et en fait les amandiers étaient présents dans ce qu'on appelle aujourd'hui, avec un ton un peu innovant, de l'agroforesterie, mais en fait ça existe depuis des siècles. C'est-à-dire que dans toutes les parcelles, là où il y avait de la vigne, là où il y avait des pêches, là où il y avait des céréales, il y avait des amandiers, il y avait des oliviers, et tout ça était complanté. Il n'y avait pas de vergers tel qu'on connaît aujourd'hui, uniquement d'amandiers, ou s'ils existaient, ils étaient très rares. Et c'était une production d'appoint pour les producteurs, les agriculteurs. C'est-à-dire que si l'amande produisait, parce qu'il n'y avait pas eu de gel et pas de ravageurs, tant mieux, on avait des amandes. Et en gros, on les mettait sous le matelas pour la dot de la fille. Et si par contre il y avait un gel ou une maladie, c'était un peu vache maigre, mais ce n'est pas grave parce qu'on avait une autre production à côté. Et donc ce qui s'est passé, c'est qu'à partir du début du XXe siècle, déjà il y a eu dans les trottes de guerre, on le situe à peu près le vrai déclin là, il y a eu plusieurs années de gel, des problèmes de ravageurs, donc il y a eu déjà des problèmes de déclin des amandiers. Un début d'arrachage favorisant d'autres productions. Il y avait aussi la concurrence du Maghreb où il y avait une production d'amandiers qui était plus forte et le Maghreb, c'était des départements français, donc la concurrence était directe. Et puis l'autre frein qu'il y a eu à ce moment-là, c'était que les amandes, pour être commercialisée, elle devait être cassée. Et la casse, c'était uniquement une casse manuelle qui était faite par les femmes, avec des cailloux, c'était très archaïque. Et à un moment donné, les femmes ont trouvé autre chose à faire que d'aller casser des amandes le soir en rentrant des champs. Et donc, il n'y avait plus de moyens de casse. Tout ça a fait que les arbres ont petit à petit été arrachés. Ça, c'est dans l'entre-deux-guerres. Et puis après, il y a eu le gel de 1956, qui est très connu pour les oliviers, mais qui en fait a été beaucoup plus destructeur pour les amandiers, puisqu'en fait les amandiers ne se sont pas relevés de ce gel. On a vraiment tout arraché, et après il y a eu ce qu'on appelle la moto-mécanisation, donc ça c'est le terme pour dire que les tracteurs sont arrivés dans les champs, les moissonneuses-batteuses, enfin voilà, tout le matériel est arrivé, et qu'il a fallu arracher tous ces arbres qui faisaient de l'agroforesterie, et les amandiers en faisaient partie. Et donc on s'est retrouvés à la fin des années 50, au début des années 60, avec une surface d'amandiers qui était presque réduite en fait à zéro. Et à partir de là, on était en fait avec un gros frein pour pouvoir relancer cette culture, parce qu'il n'y avait pas de surface, il n'y avait pas de débouchés, il n'y avait pas de casseries. Et en plus, il n'y avait pas de technicité ni de recherche, puisqu'en fait, il n'y a pas de surface, personne ne va investir pour faire de la recherche, de la technicité. Donc on était dans un cercle vicieux.

  • Elia

    Après avoir été agriculteur pendant 20 ans, Rémi Foissey a rejoint la compagnie des amendes comme directeur du développement en décembre dernier. Voici les raisons de son choix.

  • Rémi Foissey

    J'ai été producteur de pommes, donc arboriculteur pendant 20 ans. Arboriculteur, c'est un paysan. J'avais le cul sur un tracteur, j'avais les mains dans le cambouis, j'avais un sécateur dans les mains. Je cueillais des pommes avec mes cueilleurs. J'étais également investi dans toute la filière pommes, dans ma coopérative parce que je faisais partie d'un groupe. J'étais investi dans la filière pomme au niveau national, donc j'essayais d'apporter ma pierre à l'édifice. Après, effectivement, les aléas du métier d'agriculteur, de producteur m'ont amené à prendre la décision d'arrêter mon activité. Bien m'en a pris. Et puis ensuite, j'ai eu l'opportunité de rejoindre la Compagnie des Amandes. Et je l'ai fait avec énormément d'entrain. Pour autant, j'avais eu deux expériences professionnelles auparavant qui n'étaient pas du tout concluantes parce que je ne me retrouvais pas là-dedans. Je ne retrouvais pas mes valeurs de paysan dans ces métiers. Et là, j'étais convaincu, et maintenant depuis un peu moins d'un an, j'en suis toujours aussi convaincu, qu'il y a des valeurs qui sont dans mes tripes de paysans, parce que c'est quand même un peu ma marque de fabrique, que la Compagnie des Amandes porte. Et donc, je pense que je peux porter auprès des autres paysans qui pourraient être candidats à planter des amendes.

  • Elia

    Rémi Foissey nous explique comment la Compagnie des Amandes a choisi cet été de s'ouvrir à de petits agriculteurs soucieux de diversifier leur production et d'intégrer la prometteuse filière de l'amande française.

  • Rémi Foissey

    La proposition de départ que la Compagnie des Amandes a créée aux producteurs, c'était de s'associer avec eux, de créer une structure d'exploitation tout à fait spécifique pour la production d'amandes. Ce qui veut dire que le producteur se retrouvait avec un associé, certes il était rémunéré pour la mise à disposition de son foncier, de son travail, de son matériel. Ok, mais cette solution-là n'était adaptée qu'à des projets d'une dizaine d'hectares, qu'à des gens qui acceptaient d'avoir chez eux un associé, et ce n'est pas le cas de tous les producteurs. Et donc, de ce fait, il y avait beaucoup de projets et beaucoup de contacts qui, pour autant que les conditions agro-pédoclimatiques soient cohérentes avec la position de la bande, il y a beaucoup de projets qui nous passaient entre les doigts. Et donc on a décidé, on s'est dit que cette proposition que l'on faisait, ok, elle était vertueuse, elle avait plein de qualités, mais on était obligés de faire le constat qu'elle ne correspondait pas aux besoins et aux attentes de tous nos interlocuteurs potentiels. Donc c'était à nous de nous adapter. et donc de ce fait désormais on a toujours cette proposition mais on peut aussi accompagner un producteur qui veut se diversifier sur une surface plus restreinte, 2, 3, 4, 5 hectares on peut lui apporter une partie du financement s'il décide d'adhérer à l'organisation de producteurs, à l'OP que l'on est en train de créer qui lui permettra d'avoir une partie de son accompagnement technique financé par le programme opérationnel . Si quelqu'un dit, moi je ne veux pas adhérer à l'organisation de producteurs, je veux garder une partie de ma production que je commercialiserai moi-même et une partie de ma production que je commercialise par la Compagnie des Amandes, ok, il n'y a pas de souci. Si quelqu'un a déjà un verger installé, on lui fait un contrat d'achat et donc de commercialisation de ses amandes sur au moins trois ans. Plus d'années s'il le veut.

  • Elia

    Avant même d'avoir communiqué cette nouvelle offre, 100 hectares d'amendiers sans solution de casse ni de commercialisation ont déjà rejoint la compagnie des amendes. Et les débouchés sont là. Marie-Claude Stoffel, la directrice générale de Chabert & Guillot, leader du Nougat de Montélimar depuis son invention il y a 175 ans, nous explique les raisons de son partenariat avec la compagnie des amendes.

  • Marie-Claude Stoffel

    Pas plus tard que fin août, vous avez le Journal Officiel qui a enteriné le cahier des charges du Nougat de Montélimar, donc la recette Nougat de Montélimar. Donc ça, c'est une chose. Ce qu'il y a dedans, c'est 30 % d'amandes, ou 28 % minimum et 2 % de pistaches. C'est 19 % de miel, c'est du sucre, du blanc d'œuf et de la vanille naturelle. C'est tout. Vous savez que le premier producteur, c'est la Californie, 83% de la production mondiale. Alors oui, aujourd'hui, nous, on produit plus de 2 000 tonnes de nougat par an. On est obligé de passer par là. Mais c'est un non-sens, ça ne fait pas sens. Ça ne fait pas sens éthiquement, ça ne fait pas sens économiquement, pour plein de raisons. Donc, Chabert & Guillot, 175 ans, on a mis en place plein d'innovations. On a repoussé les frontières de certaines choses. Eh bien, il était évident pour moi, quand en 2018, Arnaud Montebourg et François Moulias ont annoncé ça, d'être partenaire de ça. En fait, la filière amande, oui, bien sûr, on a des amandiculteurs. Mais oui, d'accord, mais une fois qu'on a les amandes, qu'est-ce qu'on fait de ces amandes ? Moi, Nougat Chabert & Guillot, je ne peux pas prendre le risque de ne pas avoir de traçabilité ou d'avoir un problème sur ces amandes. Donc, le business model qui a été monté est juste génial. C'est-à-dire que vous avez quelqu'un qui dit, ben voilà, on va monter une société, on va partager des outils, mais on va surtout garantir la traçabilité de l'amont jusqu'à l'aval. Moi, vous voyez, ça, c'est extrêmement rassurant. Et ça correspond à mon éthique qui dit je dois produire des produits de qualité pour mes consommateurs, mais je dois impacter sur mon territoire et je veux que la France soit ce territoire-là.

  • Elia

    Que ce soit du producteur au consommateur final, toutes les parties prenantes sont alignées. L'État et son programme de réindustrialisation France 2030, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la Banque des Territoires, la Banque publique d'investissement, la Chambre de commerce et d'industrie. Ils financent, soutiennent et se réjouissent du développement de la Compagnie des Amandes avec son lot de production agroécologique et d'emplois agricoles valorisés. Pour mener à bien la fabrication de l'unique casserie d'amende de France à Cygne, dans le Var, et libérer l'énergie de cette filière composée de Vrais Souverains, il ne reste plus à la Compagnie des Amandes qu'à convaincre le Crédit Agricole, sa banque, de boucler l'ultime tour de table.

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