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Les Vrais Souverains

L'avenir de nos fromages

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25min |15/06/2023
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Les Vrais Souverains

L'avenir de nos fromages

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Description

Des centaines de fromages sont en train de disparaître avec leurs fermes. Arnaud Montebourg visite la maison d'affinage du Meilleur Ouvrier de France Hervé Mons, près de Roanne, avec le grossiste de fromage à Rungis Jean-Michel Peuch. Ils se battent pour que ces produits merveilleux et leurs terroirs se transmettent, et s'exportent.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des vrais souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    La France et ses fromages sont indissociables. Pendant l'occupation allemande, Winston Churchill pensait à voix haute qu'un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir. En 1962, c'est le général de Gaulle qui décrète qu'on ne peut pas gouverner un pays qui offre 264 variétés de fromages. 60 ans plus tard, c'est encore plus vrai que jamais. 96 % des Français consomment du fromage régulièrement, 25 kilos par personne en moyenne chaque année, où 2 millions de tonnes de fromage sont produits grâce à une filière présente sur 80% du territoire. Pour 1 400 producteurs de fromage et 400 affineurs, on dénombre 30 000 producteurs de lait, qui sont de plus en plus nombreux à transformer leur lait pour gagner de la valeur ajoutée. On parle aujourd'hui de 1 300 à 2 500 variétés de fromage différents. Ces merveilleux produits s'exportent pour 4 0% de notre production dans le monde entier. La France reste le premier exportateur mondial de fromage. Mais les départs en retraite et le regroupement font disparaître de plus en plus de fermes et de fromages. Heureusement, il existe de vrais souverains, passionnés par la sauvegarde des savoir-faire et la défense de notre culture. Arnaud Montebourg se rend à Saint Haon le Châtel, près de Rohanne, avec le grossiste de fromage à Rungis, Jean-Michel Peuch, pour rendre visite à Hervé Mons, Meilleur Ouvrier de France à la tête d'une maison d'affinage exceptionnelle. La visite commence par le tunnel de la Collonge à Ambierle, dans la Loire. En 2009, la maison Mons a investi 500 000 euros dans cet ancien tunnel ferroviaire long de 250 mètres et large de 5 mètres, fermé juste après guerre.

  • Hervé Mons

    Le truc qui était génial, c'est que c'est des compagnons menuisiers qui m'ont fait ça, parce que la particularité du tunnel, il descend et il tourne. Et je veux des planches de la même taille. Donc en fait, les poteaux intérieurs sont toutes les photos extérieures pour rattraper la courbe descendante. Et si vous venez là, les tasseaux pour mettre les planches rattrapent le dénigré de la pente pour qu'ils soient tous à la même hauteur pour faciliter le travail. Et là-dessus, on avait fait une petite couverture aussi à Volige pour se dire le… gros souci du tunnel quand j'en parlais tout à l'heure sur les bossées c'est l'eau et l'infiltration c'est une catastrophe parce qu'une goutte d'eau sur un fromage le fromage c'est foutu donc on a crépi la voûte le phénomène que l'on recherchait c'est que l'eau a pour survie de la voûte et est revenue sur les murs donc les fromages sont prisonniers entre deux murs d'eau donc en termes d'humidité c'est juste génial et après le phénomène d'aération du tunnel on ne m'en a pas parlé tout à l'heure mais si vous regardez là on a des petites bouches qui sont à peu près tous les 10 mètres y compris au centre où on a laissé du con cassé Ça c'est relié par tout un réseau de tuyaux qui montent sur une énorme pompe à l'extérieur et qui nous fait de l'aspiration. Alors on met le tunnel sous vide, en gros, j'exagère, et de chaque côté il y a un puits canadien qui va m'amener l'air de l'extérieur. En passant par le puits canadien, ça me permet de refroidir l'air ambiant qui est dehors parce que je n'ai pas d'autres réfrigérants. Mais le truc est génial, c'est qu'ici j'ai grosso modo 7 à 8000 m3 d'air, et je régénère grosso modo un flux de 100 m3 toutes les deux heures. Donc même si l'air qui arrive dehors est avec un écart de température de 4 à 5 degrés positifs, L'emprise du tunnel fait que je n'arrive pas à déstabiliser la température ambiante de mon tunnel et je régénère quand même mon air.

  • Elia

    Hervé Mons nous raconte ce qui fait la particularité de ce fromage.

  • Hervé Mons

    Le bio, ce n'est pas qu'un label, c'est une vraie philosophie. Et on est parti pour dire pourquoi on a voulu se rapproprier le bio et se dire on part avec des producteurs bio, parce qu'on ne voulait plus dé-saisonner. Dé-saisonner, ça veut dire quoi ? C'est qu'encore une fois, devant cette soif de vouloir toujours du produit toute l'année, on a oublié le cycle naturel qui était la gestation, dans lequel les naissances étaient au printemps. Les bêtes étaient tarées à la sortie de l'automne, et elles nous refaisaient une naissance pour ça repart, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il faut qu'il y ait une naissance si on veut avoir du lait avec un magnifère, sinon on n'a pas de lait. L'idée, ça a été de travailler dans cet esprit-là et faire qu'on a ces pierres, une volumétrie de lait beaucoup plus importante à la sortie du printemps jusqu'à l'automne. Là, on est avec un fromage qu'on va fabriquer pendant six mois d'année. et pendant 6 autres mois de l'année on n'en fabriquera plus parce qu'il n'y aura plus de lait mais on s'est rendu compte qu'en travaillant de cette manière là le contexte qu'avait le paysan à la fois sa ferme à la fois les pâtures qu'il avait mises en place la sélection qu'il avait fait au niveau de ses trocots et de ses agnelles l'accompagnement qu'on avait fait qui est une méthode qui est ce qu'elle est mais qui s'appelle l'obsalime qui est vraiment une observation sur le comportement animalier dans lequel on va aller Observer les animaux, on va leur faire à la fois un peeling, donc une analyse ABN du poil, on va aller faire une prise de sang, on va aller regarder s'ils ont des boitrines, on va regarder comment ils solent, on va travailler en homéopathie, on va travailler avec des huiles essentielles. Après on fait une observation complète qui va nous faire un diagnostic sur l'animal. Et ça nous permet de savoir si, à la fois, ce qui boit est équilibré, parce qu'on a des phénomènes d'eau qui sont très importants, si on a, encore une fois, un sol qui est plus ou moins minéral, plus ou moins déminéralisé, si on a de l'azote, si on n'en a pas assez. Et c'est ça qui fait le fromage. Notre travail, c'est ça, c'est de bonifier le produit. C'est de les conduire dans des conditions qui font qu'ici, entre l'humidité, le travail et les soins, on ne robotise pas. Et je ne fais absolument pas un jugement sur ce qui s'est passé, mais si on prend nos copains du comté, le Beaufort, même l'Abondance, les mains d'oeuvre se raréfiant, c'est quand même physiquement pas simple. Donc on a robotisé les phénomènes de caves qui font qu'aujourd'hui, les produits sont pris par des robots automatiques qui viennent les enlever des étagères, qui les frottent, qui les remettent en place. Et ces robots... Les premiers robots qui ont été mis en place, pour nous, ça a été un peu dramatique parce qu'il n'y avait plus ce phénomène que l'œil de l'affineur qui disait Tiens, sur certaines pièces, je vais un peu plus la mouiller celle-ci, celle-ci, je vais laisser un peu plus celle-ci, celle-ci, je ne vais pas la retourner tout de suite. Tout s'est automatisé. Et là, c'est là qu'on s'est dit, nous, il faut à tout prix qu'on reprenne la main sur nos stocks. Et c'est pour ça que le tunnel est arrivé à boule pour poing. C'est qu'on était déjà dans l'idée que nous, d'acheter des fromages, de prendre le risque de les acheter, de dire maintenant c'est nous qui les affinons, c'est nous qui les gardons parce qu'on préférait ce qu'on faisait. Les robots ont beaucoup évolué. En 15 ans de temps, c'est phénoménal. Ils arrivent à tout isoler et à programmer des soins différents sur l'onglet l'eau. Il n'y a que quelques affineurs qui arrivent à faire ça avec un nouveau matériel aujourd'hui. Là, dans le tunnel, quand on est au maxi, on a à peu près 3-4 500 pièces différentes. Et en tout, c'est 120 tonnes quand on est au maxi. Par rapport à des gens comme le comté, 72 000 tonnes, vous allez voir une cave à comté, vous allez chez notre copain Arnaud, vous allez chez Petit.

  • Arnaud Montebourg

    Au fort des rues.

  • Hervé Mons

    Oui, 40 000 fromages. On est dans des cathédrales, c'est autre chose. Mais ils sont monoproduits. Nous, on est dans la diversité et on cherche à faire du chirurgical avec les fromages. C'est le niveau d'exigence qu'on a dû faire et ce que nos clients attendent de nous aujourd'hui. La fineur était banquée. parce que quand les producteurs se sont déclés sur une campagne de 6 mois et qu'ils devaient attendre 6 mois après pour refaire leur deuxième campagne il y a souvent l'affineur mettait l'avance pour boucher le trou d'entre les deux campagnes et payer à l'avance la prochaine campagne de fromage qui était faite ou une partie l'affinage même chose, il faisait un affinage pour lui mais il pouvait faire aussi un affinage à façon pour son propre producteur qui avait décidé d'en vendre aussi localement pour lui et l'affineur c'est fou que quand je vais en Espagne ou quand je vais en Italie on est dans la catégorie sociale Là, dans la filière, ici. T'as dit la fineur, ouais.

  • Arnaud Montebourg

    Tu peux dire où tu es, là ?

  • Hervé Mons

    Pas loin de... Là-haut, là-haut ! C'est lui qui transforme... Quand on est en France et qu'on parle de la fineur... il y a une espèce de rapport à être un intermédiaire, à être quelqu'un qui vient se mettre au milieu du jeu, alors qu'on ne voit pas du tout le côté qui est bonification des produits, travail, retournement, stockage. Ça se voit. Mais là, c'est un vrai métier. Mais ce n'est pas quelque chose qui est acquis. Je le vois quand je vais chez mes copains italiens, que ce soit des gens qui sont dans la salaison, mais tout le monde les appelle. Et doctore, parce qu'il y a réellement un titre par rapport à son travail. En France, avant qu'on ait cette reconnaissance, aujourd'hui, quand on parle d'émettre, déjà, c'est une vraie complication avec l'artisanat et qui sait qui émette artisan, qui sait qui ne l'émet pas. Et là, les affineurs, aujourd'hui, on retrouve un peu notre tête de noblesse, parce qu'on est tellement allé loin dans le fait de raccourcir la filière et de conditionner des produits tout de suite après fabrication sous plastique pour les mettre dans des barquettes et les mettre en libre-service. Ça, c'est 90% du business et de la consommation. Il ne faut pas l'oublier. Il ne restait plus que 10% d'un marché où il fallait travailler des produits. Et aujourd'hui, on a des consommateurs qui quand ils goûtent, ça commence à faire titre. Ils disent Attends, ce truc-là, je le goûte, ça a vraiment un si pite, ça n'a pas de goût. La blague que je faisais tout à l'heure sur les marquettes, vendues en slicer sous plastique dans des marquettes, franchement, une chance qu'il y ait des patates qui ont du goût, parce que ce n'est pas la raclette qui va en amener. Là, on les affine pendant 4 mois, on les frotte, on les tourne, on les fait goûter, ça fond sur la pomme de terre, ça dégage du goût, ça a une odeur, il ne se passe pas de choses. Et le consommateur n'est pas dupe. Et nous, c'est génial aujourd'hui de constater qu'il y a une génération qui arrive, entre 25 et 40 ans. plutôt des gars bien câblés qui ont un peu un revenu mais qui sont curieux qui écoutent et qui aiment et qui goûtent et ceux-là c'est vraiment nos clients de main parce que ceux-là font la différence par contre attention ils vont nous donner leur confiance mais il faut qu'on soit toujours à un niveau d'excellence incroyable parce qu'ils ne pardonnent pas que ce soit moins bien Et c'est ce qui est très compliqué à faire avec des produits au lait cru, des produits fermés, des produits qui sont vivants et qui nous amènent des blagues tous les jours. On n'a pas la science infuse. Franchement, ce qui est le plus compliqué aujourd'hui, c'est de répéter l'excellence tous les jours, pas avec des produits vivants.

  • Elia

    Le maître affinant nous présente l'exemple type du producteur de demain. Géraud Delorme et son salaire tradition d'exception, produit à jour sec dans le Cantal.

  • Hervé Mons

    Géraud Delorme, c'est l'exemple type du producteur de demain. Si on avait des mecs comme ça, ce serait extraordinaire. Mais c'est un moine. Et lui, donc deuxième génération, reprend la ferme derrière ses parents et décide de se mettre en salaire tradition alors que ses parents vendaient de lait. Et là, il décide quand il le fait, on se connaissait à l'époque, on a réussi à mettre un lien qui était vraiment important et on lui a garanti un revenu en mettant un prix tout de suite sur son fromage s'il était au niveau. Il n'est pas au niveau son fromage. là ce qu'il a fait en 3 ans de temps c'est le meilleur fromager que j'ai jamais vu en salaire tradition jamais et là l'année dernière il leur a pété tous les compteurs sur le classement du CIF ils avaient jamais vu des fromages comme ça mais c'est un garçon quand c'est la saison les bêtes sont pas désaisonnées on a une courbe de lactation qui démarre à partir du mois d'avril qui s'arrête à peu près au 15 octobre on a des bêtes qui sont uniquement à l'herbe et rien d'autre parce qu'ils peuvent rien leur donner d'autre donc il n'y a pas le choix Il n'y a pas le choix, l'appel du veau pour pouvoir démarrer la traite parce que la mère a des vaches sans lait. Oui, c'est juste un truc de la mère et du veau. C'est juste une histoire. En fait, la salaire, encore une fois, coûte bien. Comme toutes les vaches, qui étaient quand même avant tout des mères, avant de donner leur lait, étaient proches de leur veau. On a mécanisé la traite, on a fait tout un tas de choses, on a aussi fait des sélections génétiques, on a rendu des vaches plus accoutumées au phénomène de traite électrique et qui, petit à petit, pouvaient se séparer de leur veau très rapidement. La salaire, comme elle était un peu isolée dans le bassin laitier, que ce n'était pas celle qui était la plus traite, tout le monde l'a un peu oubliée. sauf qu'elle a un instinct maternel assez dominant. Donc si elle ne sent pas son veau, tu peux bien la caresser dans tous les sens du point de vue. Elle ne donnera pas son veau. Elle ne donnera pas un litre de lait. Donc la complexité de la traite, c'est de faire l'appel de son petit, qui vient se mettre sous le pied de la mère, qui commence à traire, et là il commence lui à prendre le premier lait, et là à un moment le vaché, il doit tromper la mère, parce qu'elle doit sentir son veau toujours à côté d'elle. Donc il y a un tout passe-passe à faire. avec une poignée de sel, on balance une poignée de sel sur le dos du veau. La mère reconnaît son petit, elle adore le sel, elle donne un petit coup de langue affectueux sur le dos de son petit. Et à ce moment-là, le boutillier avec la corde attache le veau à la patte de la mère et de l'autre côté, le vaché, prêt à la place du veau. Ce lait est mis dans un contenant qui s'appelle une gerle qui est en bois. Et plus jamais le lait va sortir de cette gerle sans être du fromage. tout va se passer dans la germe. Pas de ferment. La germe. Un récipient en bois comme un food, comme un tonneau. Et en définitive, ce qui est vraiment génial, c'est que ce lait est resté réellement sauvage. Pour moi, on est dans la technique de fromage la plus ancienne, qui n'a pas été modifiée depuis plus de plusieurs centaines d'années. Et il y a surtout cette caractéristique, c'est qu'elle est issue de manière verticale. Le vache, le lait, la germe. il n'y a rien d'autre à part deux gouttes de présure pour pouvoir en présurer, c'est terminé. Donc tous les ferments, tous les levains, tout ce qui permet d'acidifier le lait, vient à la fois de ce sacré tonneau en bois qui s'appelle la gergue, qui a lui-même développé ses propres ferments, et qui devient un véritable starter pour démarrer l'acidification du lait sans passer par aucun artifice. Ça c'est quand même assez magique. Et après la blague, là il y en a pour un moment, on découpe le cahier, une fois qu'on l'a découpé, on enlève le petit lait, on le balance sur une table à pressage, on découpe et on presse entre 15 et 17 fois de suite. Ensuite, on broie le fromage. Ça veut dire, encore une fois, accélérer l'égouttage du fromage parce que là, on est en train de vouloir faire une pâte dure. Ce qui est génial dans ce fromage-là, c'est le seul fromage... Il est un peu bourré, un peu. Oui, il a un tout petit peu coiffé, les grains sont tous un petit peu espacés. Mais c'est une exception qui confirme la règle. Tous les fromages de garde qu'on a fabriqués en Savoie, dans le Jura, sont des fromages à pâte pressée cuite. C'est-à-dire, on s'est servi d'un chaudron, d'une énergie avec du bois et du feu pour remonter la température du petit lait afin de pouvoir... concentrer ces grains de cahier pour qu'ils soient le plus secs possible, qu'ils perdent le maximum de leur eau, pour qu'ils puissent nous faire une pâte dure une fois qu'ils sont pressés. Quand je suis en Auvergne, je n'ai pas de bois, je n'ai pas de feu, je suis dans la misère. Donc, qu'est-ce que je fais ? Le seul moyen que j'ai pour faire une pâte pressée, c'est de prendre mon cahier, de le presser, de le couper, de le represser, de le couper, de le represser, de le couper, ainsi de suite, pendant un certain nombre de fois, jusqu'à ce que j'obtienne la texture. Tu comprends ? Ensuite ?

  • Arnaud Montebourg

    Oui,

  • Hervé Mons

    ensuite, ce n'est pas fini. Attends, je brise ce cahier, vraiment. dans une machine qui va réellement le broyer en fines lambeaux. Et ces lambeaux, après, je les mets dans une grande main en bois, et là, je mets mon sel. Donc, il est salé dans la masse. Et là, ce n'est pas fini. Une fois qu'il est salé dans la masse, je prends l'ensemble, et enfin, je vais le mettre dans son moule sur lequel il sera mis en presse. Et c'est le seul fromage qui est une pâte pressée non cuite et qui peut se garder plus d'un an. Une tuerie.

  • Elia

    La Fineur, meilleure ouvrière de France, a-t-il une place dans son écosystème pour les grands industriels du lait ?

  • Hervé Mons

    Il ne faut pas scinder cette sacrée filière laitière. Industriel, grands groupes, fermiers, artisans, coopératifs, tout le monde doit être ensemble. Parce que cette filière ne tiendrait pas, si un de ces opérateurs-là disparaît, la filière s'écroule. Je vais juste vous faire un exemple. Aujourd'hui, un producteur fermier peut avoir du lait parce qu'il a été collecté à un moment. Il décide de son initiative de vouloir aujourd'hui se transformer, s'approprier tout son lait et faire sa transformation. Il n'y aurait pas eu un moment où une coopérative, un collecteur, un laitier pour ramasser son lait, son projet n'aurait jamais pu aboutir. Et je vais même plus loin. Pour donner du confort à ces producteurs fermiers, à aujourd'hui, sur 7 jours dans lesquels ils sont avec leur lait, matin et soir, ils ont la possibilité de transformer un jour, deux jours, trois jours, et le reste du temps, donner leur supplut de lait au laitier. Donc... Attention à ce que tout le monde s'entende là, et qu'il y ait une belle cohabitation, et de ne pas monter les gens les uns contre les autres.

  • Elia

    Le désir de fromage est très fort dans la société. Mais celui de le produire, c'est tiole. La passion des producteurs est-elle la seule solution ?

  • Hervé Mons

    Il y a une attente du consommateur aujourd'hui, il y a l'idée qu'on a envie de revisiter un peu notre agriculture, et de se dire que ce serait bien qu'on la rende encore plus belle. et qu'on ait des produits qui soient vraiment en adéquation avec notre terroir, nos traditions, nos savoir-faire, et surtout qu'on ait des produits qui soient de grande qualité. Et j'entends qualité gustative, organoleptique, des typicités que nul ne peut nous prendre parce qu'on a ce phénomène de microclimats, de savoir-faire, qu'il faut à tout prix qu'on préserve. Toute cette économie a été un peu malmenée par les systèmes qui ont été mis en place. Maintenant, la vraie question est de se dire comment elle perdure. Comment elle perdure ? Je pense que Jean-Michel et moi-même on partage la même chose, on est dans l'optimisme et on y croit dur comme fer. Il faut se dire qu'on gomme pas 40 ans de politique agricole, économique et un phénomène social grandissant qui fait que, quoi qu'il en soit, les mentalités, je parle pas de génération, je parle vraiment de mentalités, ont évolué et que le rapport au travail ne va pas être le même. Et de s'investir dans sa vie professionnelle, les choses... ont un peu évolué aussi. Donc je me suis toujours battu contre ce terme de passionné. Parce qu'on croit qu'avec la passion, tout peut passer, mais la passion ça peut être aussi chronophage et d'encreux. Parce qu'on a vu des gens vivre passionnément et réfléchir qu'après, et quelque part créer un peu leur malheur, parce qu'ils étaient tellement dans la passion, et à vouloir vraiment réussir à tout prix, qu'à un moment ça s'est plutôt transformé en sacerdoce qu'en réussite. Et aujourd'hui c'est de se dire comment on peut accompagner des projets, qui font qu'on n'y fera pas à pas. À notre niveau, encore une fois, j'appelle souvent ça la méthode du colibri. C'est une petite goutte d'eau, mais c'est toujours une petite goutte d'eau. Et si on ne la commence pas, on ne construira pas l'océan. Donc c'est de se dire comment aujourd'hui, de par les rencontres que l'on a, les opportunités que l'on a.

  • Elia

    Comment Hervé Mance et Jean-Michel Poche s'y prennent pour faciliter la transmission des fromages menacés de disparition ?

  • Hervé Mons

    C'est expérimental, et peut-être presque un cas particulier. Chaque exploitation à l'école est presque un cas particulier, alors que quand on les regarde dans la grande globalité, on dit qu'ils ont les mêmes préoccupations, ils ont le même contexte climatique, ils ont le même matériel, ils ont les mêmes méthodes. Faut ramener à l'individu, c'est un cas d'exception à chaque fois. Et il faut se dire que ce monde paysan, il s'est quand même structuré et organisé de par lui-même. Donc on est souvent avec des gens, et c'était assez amusant si on prend l'histoire de Christian avec le Gournois. En fait, Galas est un ancien 68a. Il s'est barré de Paris avec une vieille R16, il est tombé en panne en Corrèze, il a discuté avec le paysan, l'autre lui a prêté une ferme, il est resté là, et il a fabriqué un fromage qui s'appelait le Gournois, à 40 ans après c'était un succès. Et par contre pas de repreneur, rien derrière lui, une toute petite exploitation, de 110 et 120 chèvres, et pas de solution. Et quand il m'annonce 2-3 fois de suite, Hervé on va pas reprendre, on va laisser tomber, le gars que j'ai eu ça va pas en fait tous les gens qui se présentaient ça allait pas. Et en fait, à un moment, la solution était de dire, attends, bon, ça s'arrête, ça s'arrête, ok. Les moules existent, le process existe, la recette existe. Ça nous plaît pas, mais on va la délocaliser. Mais on l'a laissé en France. Et en fait, on avait un producteur de notre côté qu'on connaissait, qui venait d'investir dans une ferme, qui avait comme une volume utriblée assez conséquente, et qui en fait, était en train de fabriquer des fromages pour un certain réseau de distribution qui voulait pas lui revaloriser, et économiquement, il était quand même pas serein. On lui dit, écoute, on t'amène une recette, on t'amène un produit, on t'amène le producteur, il va t'apprendre à faire son fromage. On va goûter et on va voir si on est loin du compte entre ce que nous vous écritions et ce que vous nous avez fait.

  • Arnaud Montebourg

    T'as déjà réalisé combien de kilomètres ?

  • Hervé Mons

    Je ne me suis pas passé de la Corrèze à l'autre gare. On va dire 250 kilomètres. Je pense que la plupart des problèmes sur ces transmissions, c'est qu'elles sont prises toujours trop tard. C'est qu'en fait, les gens n'arrivent pas à se projeter. Ils pensent toujours au miracle, mais sans aller le chercher. En disant, ouais, je vais céder ma ferme, mais il y aura bien quelqu'un, donc je fais deux annonces dans France Agricole, trois dans la rubrique du coin, deux dans le Bon Coin, mais enfin, c'est pas comme ça vraiment que tu vas retrouver un repreneur, ou il faut avoir vraiment la baraka du siècle. Donc tout ça, ça doit se préparer. Et pourquoi nous, on a réussi à faire ça ? Parce qu'en fait, on a du réseau. J'avais le producteur, Jean-Michel pouvait amener la distribution, Alex qui est notre copain...

  • Arnaud Montebourg

    Oui parce que vous, vous avez une arme extraordinaire, c'est vous, vous avez une carrière de commande.

  • Hervé Mons

    Ah bah le dégout de Jean-Michel, il est sur des...

  • Arnaud Montebourg

    Donc en fait, vous, vous êtes capable de dire à des successeurs de producteurs...

  • Hervé Mons

    Nous,

  • Arnaud Montebourg

    il y a le débouché, on fait les prix et on lit.

  • Hervé Mons

    Surtout si en plus ces producteurs étaient déjà nos producteurs. Parce qu'en fait les premières préoccupations qu'on a, c'est d'abord de pérenniser ce que nous on a construit avec nos propres producteurs. Franchement c'est notre première interrogation. Après, le cas qui est intéressant là, c'est que ce producteur était dans mon réseau. Jean-Michel le connaissait bien parce qu'il avait quand même une distribution assez conséquente sur les grossistes de Rungis. Moi, je l'avais en direct parce que c'était un historique que j'avais monté avec lui. Et Alex, notre copain qui lui est sur la région Bordeaux, lui avait l'autre producteur qui avait une ferme dans laquelle il voyait bien qu'il était un peu en difficulté parce qu'il arrivait dans le même endroit. Et en fait, ce qui est génial, c'est de se remettre autour de la table assez fréquemment et de se dire, tu as quoi comme problématique chez toi ? Qu'est-ce qui se passe dans ton réseau ? Qu'est-ce que tu as avec tes producteurs ? Est-ce que tu as des infos ? Est-ce que quelque chose se recoupe ? Et on met tous ces sujets sur la table et on se dit maintenant, on se coule le panier et est-ce qu'on a des solutions ? Et Arnaud, c'est vrai que la vraie bonne question et la vraie bonne solution à ces problèmes-là, c'est de transférer les savoir-faire et de créer un vivier de gens formés. Je crois quand même dans la passion de tous ces gens qu'on rencontre, effectivement, il faut peut-être un peu les cadrer, il faut peut-être un peu cadrer les passions, les accompagner. En Normandie, on est vache de vache là, ça c'est des néo-ruraux. Ben oui, même si ils avaient déjà ces paroles, ils travaillaient dans la finance pendant 10 ans. Et ce qu'il y a de sympa, c'est qu'en fait, moi ça m'a fait rigoler parce que j'ai vu, j'ai connu, j'ai vu un peu la fin, parce que c'était juste, j'étais encore jeune, mais ce phénomène 68, où une catégorie un peu d'intello-bobo parisien sont partis à la campagne porter des tongs avec des membres blanches et aller s'occuper des pierres. Il y a eu du déchet, mais par contre, il faut reconnaître une chose, ceux qui ont réussi ont mourement bien réussi et ont donné une toute autre image de l'agriculture. et de l'élevage et du métier. Parce que justement, ils sont arrivés par un autre angle, ils se sont professionnalisés, ils ont eu des embûches, ils ont eu des difficultés, mais par contre ils avaient une vision, un intellect qui fait que ils n'étaient pas forcément du CERAC et des fois ce n'est pas toujours un avantage d'être resté les deux pieds dedans tout le temps de génération en génération et de ne pas se trouver à l'esprit pour aller voir ce qui se passait ailleurs.

  • Elia

    Faut-il tout miser sur le Made in France ou transférer nos savoir-faire ?

  • Hervé Mons

    Moi qui suis un féru du l'export, et j'ai adoré parce que ça m'a vraiment amené plein de choses, et je reste toujours un grand voyageur, malgré tout, je pense que demain, il n'y a pas de souci pour que des gens dans le monde entier en veuillent et se le payent. Je n'ai pas de souci avec ça. Par contre, pour ce qui est de dire on nourrit, je pense qu'il est plus judicieux aujourd'hui de dire on prend notre label France, on fait de la joint venture et on transfère nos savoir-faire et par contre on prend des parties prenantes sur les pays émergents et là on vend de la France. Moi je suis sur un projet de Brésil, aujourd'hui je me suis battu pour récupérer ce projet-là. Le modèle aujourd'hui, c'est des fermiers qui sont dans la région du Minas Gereis et qui font un fromage qui s'appelle la canastra, qui n'est vraiment pas un fromage terrible, mais pour eux c'est dans leur culture, c'est comme ça qu'ils le trouvent bon. Par contre je suis sur un spot impressionnant, c'est les montagnes où il y avait les anciennes mines d'argent des Portugais et j'ai l'impression de me retrouver en Auvergne, mais avec des montagnes trois fois plus hautes et des cascades dix fois plus hautes. Mais dans le même contexte. Et, fin du fin, parce que ça fallait quand même le faire, ils ont une race, six espèces, cinq sont pour la viande, et il y a deux races à côté, deux espèces de zébus qui s'appellent la gire. Et la gire, c'est assez incroyable, a exactement la même caractéristique que la Salers. Elle ne donne son veau que si c'est son veau qui attaque la traite. Donc quand ils m'ont emmené dans cette ferme-là et qu'ils connaissaient l'attachement que j'avais, j'ai dit c'est une blague. C'est un scénario. Et en fait, je me retrouve en Auvergne. Et ils sont quand même une vingtaine de producteurs avec vraiment des beaux troupeaux. Aujourd'hui, ils donnent leur lait aussi à une coopérative et ils ont envie de monter un projet de transformation fromagère et de faire des fromages avec une typicité française, essayer de faire des brie, essayer de faire tout un tas de choses comme ça. Et je dis, il y a deux solutions. Soit on se dit, on n'y va pas, c'est une copie d'ersatz de français et ils nous font chier. Et là, il y a quelqu'un qui va le faire et ce ne sera pas des Français. Soit on dit, c'est nous Français qui mettons notre savoir-faire et on met un co-label et un co-branding avec une marque française là-bas.

  • Arnaud Montebourg

    C'est d'abord des hommes, des femmes, des savoir-faire, des gens qui n'ont pas à qui transmettre et donc des fromages qui vont disparaître. C'est la force de notre pays. Donc vous, vous êtes pour moi des vrais souverains.

  • Elia

    Le fromage est éternel, mais il a besoin pour cela de passeurs et de faiseurs. Innover pour partager l'excellence tout en s'attachant à perpétuer des traditions qui respectent notre terre comme nos animaux, c'est être un vrai souverain.

Description

Des centaines de fromages sont en train de disparaître avec leurs fermes. Arnaud Montebourg visite la maison d'affinage du Meilleur Ouvrier de France Hervé Mons, près de Roanne, avec le grossiste de fromage à Rungis Jean-Michel Peuch. Ils se battent pour que ces produits merveilleux et leurs terroirs se transmettent, et s'exportent.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des vrais souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    La France et ses fromages sont indissociables. Pendant l'occupation allemande, Winston Churchill pensait à voix haute qu'un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir. En 1962, c'est le général de Gaulle qui décrète qu'on ne peut pas gouverner un pays qui offre 264 variétés de fromages. 60 ans plus tard, c'est encore plus vrai que jamais. 96 % des Français consomment du fromage régulièrement, 25 kilos par personne en moyenne chaque année, où 2 millions de tonnes de fromage sont produits grâce à une filière présente sur 80% du territoire. Pour 1 400 producteurs de fromage et 400 affineurs, on dénombre 30 000 producteurs de lait, qui sont de plus en plus nombreux à transformer leur lait pour gagner de la valeur ajoutée. On parle aujourd'hui de 1 300 à 2 500 variétés de fromage différents. Ces merveilleux produits s'exportent pour 4 0% de notre production dans le monde entier. La France reste le premier exportateur mondial de fromage. Mais les départs en retraite et le regroupement font disparaître de plus en plus de fermes et de fromages. Heureusement, il existe de vrais souverains, passionnés par la sauvegarde des savoir-faire et la défense de notre culture. Arnaud Montebourg se rend à Saint Haon le Châtel, près de Rohanne, avec le grossiste de fromage à Rungis, Jean-Michel Peuch, pour rendre visite à Hervé Mons, Meilleur Ouvrier de France à la tête d'une maison d'affinage exceptionnelle. La visite commence par le tunnel de la Collonge à Ambierle, dans la Loire. En 2009, la maison Mons a investi 500 000 euros dans cet ancien tunnel ferroviaire long de 250 mètres et large de 5 mètres, fermé juste après guerre.

  • Hervé Mons

    Le truc qui était génial, c'est que c'est des compagnons menuisiers qui m'ont fait ça, parce que la particularité du tunnel, il descend et il tourne. Et je veux des planches de la même taille. Donc en fait, les poteaux intérieurs sont toutes les photos extérieures pour rattraper la courbe descendante. Et si vous venez là, les tasseaux pour mettre les planches rattrapent le dénigré de la pente pour qu'ils soient tous à la même hauteur pour faciliter le travail. Et là-dessus, on avait fait une petite couverture aussi à Volige pour se dire le… gros souci du tunnel quand j'en parlais tout à l'heure sur les bossées c'est l'eau et l'infiltration c'est une catastrophe parce qu'une goutte d'eau sur un fromage le fromage c'est foutu donc on a crépi la voûte le phénomène que l'on recherchait c'est que l'eau a pour survie de la voûte et est revenue sur les murs donc les fromages sont prisonniers entre deux murs d'eau donc en termes d'humidité c'est juste génial et après le phénomène d'aération du tunnel on ne m'en a pas parlé tout à l'heure mais si vous regardez là on a des petites bouches qui sont à peu près tous les 10 mètres y compris au centre où on a laissé du con cassé Ça c'est relié par tout un réseau de tuyaux qui montent sur une énorme pompe à l'extérieur et qui nous fait de l'aspiration. Alors on met le tunnel sous vide, en gros, j'exagère, et de chaque côté il y a un puits canadien qui va m'amener l'air de l'extérieur. En passant par le puits canadien, ça me permet de refroidir l'air ambiant qui est dehors parce que je n'ai pas d'autres réfrigérants. Mais le truc est génial, c'est qu'ici j'ai grosso modo 7 à 8000 m3 d'air, et je régénère grosso modo un flux de 100 m3 toutes les deux heures. Donc même si l'air qui arrive dehors est avec un écart de température de 4 à 5 degrés positifs, L'emprise du tunnel fait que je n'arrive pas à déstabiliser la température ambiante de mon tunnel et je régénère quand même mon air.

  • Elia

    Hervé Mons nous raconte ce qui fait la particularité de ce fromage.

  • Hervé Mons

    Le bio, ce n'est pas qu'un label, c'est une vraie philosophie. Et on est parti pour dire pourquoi on a voulu se rapproprier le bio et se dire on part avec des producteurs bio, parce qu'on ne voulait plus dé-saisonner. Dé-saisonner, ça veut dire quoi ? C'est qu'encore une fois, devant cette soif de vouloir toujours du produit toute l'année, on a oublié le cycle naturel qui était la gestation, dans lequel les naissances étaient au printemps. Les bêtes étaient tarées à la sortie de l'automne, et elles nous refaisaient une naissance pour ça repart, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il faut qu'il y ait une naissance si on veut avoir du lait avec un magnifère, sinon on n'a pas de lait. L'idée, ça a été de travailler dans cet esprit-là et faire qu'on a ces pierres, une volumétrie de lait beaucoup plus importante à la sortie du printemps jusqu'à l'automne. Là, on est avec un fromage qu'on va fabriquer pendant six mois d'année. et pendant 6 autres mois de l'année on n'en fabriquera plus parce qu'il n'y aura plus de lait mais on s'est rendu compte qu'en travaillant de cette manière là le contexte qu'avait le paysan à la fois sa ferme à la fois les pâtures qu'il avait mises en place la sélection qu'il avait fait au niveau de ses trocots et de ses agnelles l'accompagnement qu'on avait fait qui est une méthode qui est ce qu'elle est mais qui s'appelle l'obsalime qui est vraiment une observation sur le comportement animalier dans lequel on va aller Observer les animaux, on va leur faire à la fois un peeling, donc une analyse ABN du poil, on va aller faire une prise de sang, on va aller regarder s'ils ont des boitrines, on va regarder comment ils solent, on va travailler en homéopathie, on va travailler avec des huiles essentielles. Après on fait une observation complète qui va nous faire un diagnostic sur l'animal. Et ça nous permet de savoir si, à la fois, ce qui boit est équilibré, parce qu'on a des phénomènes d'eau qui sont très importants, si on a, encore une fois, un sol qui est plus ou moins minéral, plus ou moins déminéralisé, si on a de l'azote, si on n'en a pas assez. Et c'est ça qui fait le fromage. Notre travail, c'est ça, c'est de bonifier le produit. C'est de les conduire dans des conditions qui font qu'ici, entre l'humidité, le travail et les soins, on ne robotise pas. Et je ne fais absolument pas un jugement sur ce qui s'est passé, mais si on prend nos copains du comté, le Beaufort, même l'Abondance, les mains d'oeuvre se raréfiant, c'est quand même physiquement pas simple. Donc on a robotisé les phénomènes de caves qui font qu'aujourd'hui, les produits sont pris par des robots automatiques qui viennent les enlever des étagères, qui les frottent, qui les remettent en place. Et ces robots... Les premiers robots qui ont été mis en place, pour nous, ça a été un peu dramatique parce qu'il n'y avait plus ce phénomène que l'œil de l'affineur qui disait Tiens, sur certaines pièces, je vais un peu plus la mouiller celle-ci, celle-ci, je vais laisser un peu plus celle-ci, celle-ci, je ne vais pas la retourner tout de suite. Tout s'est automatisé. Et là, c'est là qu'on s'est dit, nous, il faut à tout prix qu'on reprenne la main sur nos stocks. Et c'est pour ça que le tunnel est arrivé à boule pour poing. C'est qu'on était déjà dans l'idée que nous, d'acheter des fromages, de prendre le risque de les acheter, de dire maintenant c'est nous qui les affinons, c'est nous qui les gardons parce qu'on préférait ce qu'on faisait. Les robots ont beaucoup évolué. En 15 ans de temps, c'est phénoménal. Ils arrivent à tout isoler et à programmer des soins différents sur l'onglet l'eau. Il n'y a que quelques affineurs qui arrivent à faire ça avec un nouveau matériel aujourd'hui. Là, dans le tunnel, quand on est au maxi, on a à peu près 3-4 500 pièces différentes. Et en tout, c'est 120 tonnes quand on est au maxi. Par rapport à des gens comme le comté, 72 000 tonnes, vous allez voir une cave à comté, vous allez chez notre copain Arnaud, vous allez chez Petit.

  • Arnaud Montebourg

    Au fort des rues.

  • Hervé Mons

    Oui, 40 000 fromages. On est dans des cathédrales, c'est autre chose. Mais ils sont monoproduits. Nous, on est dans la diversité et on cherche à faire du chirurgical avec les fromages. C'est le niveau d'exigence qu'on a dû faire et ce que nos clients attendent de nous aujourd'hui. La fineur était banquée. parce que quand les producteurs se sont déclés sur une campagne de 6 mois et qu'ils devaient attendre 6 mois après pour refaire leur deuxième campagne il y a souvent l'affineur mettait l'avance pour boucher le trou d'entre les deux campagnes et payer à l'avance la prochaine campagne de fromage qui était faite ou une partie l'affinage même chose, il faisait un affinage pour lui mais il pouvait faire aussi un affinage à façon pour son propre producteur qui avait décidé d'en vendre aussi localement pour lui et l'affineur c'est fou que quand je vais en Espagne ou quand je vais en Italie on est dans la catégorie sociale Là, dans la filière, ici. T'as dit la fineur, ouais.

  • Arnaud Montebourg

    Tu peux dire où tu es, là ?

  • Hervé Mons

    Pas loin de... Là-haut, là-haut ! C'est lui qui transforme... Quand on est en France et qu'on parle de la fineur... il y a une espèce de rapport à être un intermédiaire, à être quelqu'un qui vient se mettre au milieu du jeu, alors qu'on ne voit pas du tout le côté qui est bonification des produits, travail, retournement, stockage. Ça se voit. Mais là, c'est un vrai métier. Mais ce n'est pas quelque chose qui est acquis. Je le vois quand je vais chez mes copains italiens, que ce soit des gens qui sont dans la salaison, mais tout le monde les appelle. Et doctore, parce qu'il y a réellement un titre par rapport à son travail. En France, avant qu'on ait cette reconnaissance, aujourd'hui, quand on parle d'émettre, déjà, c'est une vraie complication avec l'artisanat et qui sait qui émette artisan, qui sait qui ne l'émet pas. Et là, les affineurs, aujourd'hui, on retrouve un peu notre tête de noblesse, parce qu'on est tellement allé loin dans le fait de raccourcir la filière et de conditionner des produits tout de suite après fabrication sous plastique pour les mettre dans des barquettes et les mettre en libre-service. Ça, c'est 90% du business et de la consommation. Il ne faut pas l'oublier. Il ne restait plus que 10% d'un marché où il fallait travailler des produits. Et aujourd'hui, on a des consommateurs qui quand ils goûtent, ça commence à faire titre. Ils disent Attends, ce truc-là, je le goûte, ça a vraiment un si pite, ça n'a pas de goût. La blague que je faisais tout à l'heure sur les marquettes, vendues en slicer sous plastique dans des marquettes, franchement, une chance qu'il y ait des patates qui ont du goût, parce que ce n'est pas la raclette qui va en amener. Là, on les affine pendant 4 mois, on les frotte, on les tourne, on les fait goûter, ça fond sur la pomme de terre, ça dégage du goût, ça a une odeur, il ne se passe pas de choses. Et le consommateur n'est pas dupe. Et nous, c'est génial aujourd'hui de constater qu'il y a une génération qui arrive, entre 25 et 40 ans. plutôt des gars bien câblés qui ont un peu un revenu mais qui sont curieux qui écoutent et qui aiment et qui goûtent et ceux-là c'est vraiment nos clients de main parce que ceux-là font la différence par contre attention ils vont nous donner leur confiance mais il faut qu'on soit toujours à un niveau d'excellence incroyable parce qu'ils ne pardonnent pas que ce soit moins bien Et c'est ce qui est très compliqué à faire avec des produits au lait cru, des produits fermés, des produits qui sont vivants et qui nous amènent des blagues tous les jours. On n'a pas la science infuse. Franchement, ce qui est le plus compliqué aujourd'hui, c'est de répéter l'excellence tous les jours, pas avec des produits vivants.

  • Elia

    Le maître affinant nous présente l'exemple type du producteur de demain. Géraud Delorme et son salaire tradition d'exception, produit à jour sec dans le Cantal.

  • Hervé Mons

    Géraud Delorme, c'est l'exemple type du producteur de demain. Si on avait des mecs comme ça, ce serait extraordinaire. Mais c'est un moine. Et lui, donc deuxième génération, reprend la ferme derrière ses parents et décide de se mettre en salaire tradition alors que ses parents vendaient de lait. Et là, il décide quand il le fait, on se connaissait à l'époque, on a réussi à mettre un lien qui était vraiment important et on lui a garanti un revenu en mettant un prix tout de suite sur son fromage s'il était au niveau. Il n'est pas au niveau son fromage. là ce qu'il a fait en 3 ans de temps c'est le meilleur fromager que j'ai jamais vu en salaire tradition jamais et là l'année dernière il leur a pété tous les compteurs sur le classement du CIF ils avaient jamais vu des fromages comme ça mais c'est un garçon quand c'est la saison les bêtes sont pas désaisonnées on a une courbe de lactation qui démarre à partir du mois d'avril qui s'arrête à peu près au 15 octobre on a des bêtes qui sont uniquement à l'herbe et rien d'autre parce qu'ils peuvent rien leur donner d'autre donc il n'y a pas le choix Il n'y a pas le choix, l'appel du veau pour pouvoir démarrer la traite parce que la mère a des vaches sans lait. Oui, c'est juste un truc de la mère et du veau. C'est juste une histoire. En fait, la salaire, encore une fois, coûte bien. Comme toutes les vaches, qui étaient quand même avant tout des mères, avant de donner leur lait, étaient proches de leur veau. On a mécanisé la traite, on a fait tout un tas de choses, on a aussi fait des sélections génétiques, on a rendu des vaches plus accoutumées au phénomène de traite électrique et qui, petit à petit, pouvaient se séparer de leur veau très rapidement. La salaire, comme elle était un peu isolée dans le bassin laitier, que ce n'était pas celle qui était la plus traite, tout le monde l'a un peu oubliée. sauf qu'elle a un instinct maternel assez dominant. Donc si elle ne sent pas son veau, tu peux bien la caresser dans tous les sens du point de vue. Elle ne donnera pas son veau. Elle ne donnera pas un litre de lait. Donc la complexité de la traite, c'est de faire l'appel de son petit, qui vient se mettre sous le pied de la mère, qui commence à traire, et là il commence lui à prendre le premier lait, et là à un moment le vaché, il doit tromper la mère, parce qu'elle doit sentir son veau toujours à côté d'elle. Donc il y a un tout passe-passe à faire. avec une poignée de sel, on balance une poignée de sel sur le dos du veau. La mère reconnaît son petit, elle adore le sel, elle donne un petit coup de langue affectueux sur le dos de son petit. Et à ce moment-là, le boutillier avec la corde attache le veau à la patte de la mère et de l'autre côté, le vaché, prêt à la place du veau. Ce lait est mis dans un contenant qui s'appelle une gerle qui est en bois. Et plus jamais le lait va sortir de cette gerle sans être du fromage. tout va se passer dans la germe. Pas de ferment. La germe. Un récipient en bois comme un food, comme un tonneau. Et en définitive, ce qui est vraiment génial, c'est que ce lait est resté réellement sauvage. Pour moi, on est dans la technique de fromage la plus ancienne, qui n'a pas été modifiée depuis plus de plusieurs centaines d'années. Et il y a surtout cette caractéristique, c'est qu'elle est issue de manière verticale. Le vache, le lait, la germe. il n'y a rien d'autre à part deux gouttes de présure pour pouvoir en présurer, c'est terminé. Donc tous les ferments, tous les levains, tout ce qui permet d'acidifier le lait, vient à la fois de ce sacré tonneau en bois qui s'appelle la gergue, qui a lui-même développé ses propres ferments, et qui devient un véritable starter pour démarrer l'acidification du lait sans passer par aucun artifice. Ça c'est quand même assez magique. Et après la blague, là il y en a pour un moment, on découpe le cahier, une fois qu'on l'a découpé, on enlève le petit lait, on le balance sur une table à pressage, on découpe et on presse entre 15 et 17 fois de suite. Ensuite, on broie le fromage. Ça veut dire, encore une fois, accélérer l'égouttage du fromage parce que là, on est en train de vouloir faire une pâte dure. Ce qui est génial dans ce fromage-là, c'est le seul fromage... Il est un peu bourré, un peu. Oui, il a un tout petit peu coiffé, les grains sont tous un petit peu espacés. Mais c'est une exception qui confirme la règle. Tous les fromages de garde qu'on a fabriqués en Savoie, dans le Jura, sont des fromages à pâte pressée cuite. C'est-à-dire, on s'est servi d'un chaudron, d'une énergie avec du bois et du feu pour remonter la température du petit lait afin de pouvoir... concentrer ces grains de cahier pour qu'ils soient le plus secs possible, qu'ils perdent le maximum de leur eau, pour qu'ils puissent nous faire une pâte dure une fois qu'ils sont pressés. Quand je suis en Auvergne, je n'ai pas de bois, je n'ai pas de feu, je suis dans la misère. Donc, qu'est-ce que je fais ? Le seul moyen que j'ai pour faire une pâte pressée, c'est de prendre mon cahier, de le presser, de le couper, de le represser, de le couper, de le represser, de le couper, ainsi de suite, pendant un certain nombre de fois, jusqu'à ce que j'obtienne la texture. Tu comprends ? Ensuite ?

  • Arnaud Montebourg

    Oui,

  • Hervé Mons

    ensuite, ce n'est pas fini. Attends, je brise ce cahier, vraiment. dans une machine qui va réellement le broyer en fines lambeaux. Et ces lambeaux, après, je les mets dans une grande main en bois, et là, je mets mon sel. Donc, il est salé dans la masse. Et là, ce n'est pas fini. Une fois qu'il est salé dans la masse, je prends l'ensemble, et enfin, je vais le mettre dans son moule sur lequel il sera mis en presse. Et c'est le seul fromage qui est une pâte pressée non cuite et qui peut se garder plus d'un an. Une tuerie.

  • Elia

    La Fineur, meilleure ouvrière de France, a-t-il une place dans son écosystème pour les grands industriels du lait ?

  • Hervé Mons

    Il ne faut pas scinder cette sacrée filière laitière. Industriel, grands groupes, fermiers, artisans, coopératifs, tout le monde doit être ensemble. Parce que cette filière ne tiendrait pas, si un de ces opérateurs-là disparaît, la filière s'écroule. Je vais juste vous faire un exemple. Aujourd'hui, un producteur fermier peut avoir du lait parce qu'il a été collecté à un moment. Il décide de son initiative de vouloir aujourd'hui se transformer, s'approprier tout son lait et faire sa transformation. Il n'y aurait pas eu un moment où une coopérative, un collecteur, un laitier pour ramasser son lait, son projet n'aurait jamais pu aboutir. Et je vais même plus loin. Pour donner du confort à ces producteurs fermiers, à aujourd'hui, sur 7 jours dans lesquels ils sont avec leur lait, matin et soir, ils ont la possibilité de transformer un jour, deux jours, trois jours, et le reste du temps, donner leur supplut de lait au laitier. Donc... Attention à ce que tout le monde s'entende là, et qu'il y ait une belle cohabitation, et de ne pas monter les gens les uns contre les autres.

  • Elia

    Le désir de fromage est très fort dans la société. Mais celui de le produire, c'est tiole. La passion des producteurs est-elle la seule solution ?

  • Hervé Mons

    Il y a une attente du consommateur aujourd'hui, il y a l'idée qu'on a envie de revisiter un peu notre agriculture, et de se dire que ce serait bien qu'on la rende encore plus belle. et qu'on ait des produits qui soient vraiment en adéquation avec notre terroir, nos traditions, nos savoir-faire, et surtout qu'on ait des produits qui soient de grande qualité. Et j'entends qualité gustative, organoleptique, des typicités que nul ne peut nous prendre parce qu'on a ce phénomène de microclimats, de savoir-faire, qu'il faut à tout prix qu'on préserve. Toute cette économie a été un peu malmenée par les systèmes qui ont été mis en place. Maintenant, la vraie question est de se dire comment elle perdure. Comment elle perdure ? Je pense que Jean-Michel et moi-même on partage la même chose, on est dans l'optimisme et on y croit dur comme fer. Il faut se dire qu'on gomme pas 40 ans de politique agricole, économique et un phénomène social grandissant qui fait que, quoi qu'il en soit, les mentalités, je parle pas de génération, je parle vraiment de mentalités, ont évolué et que le rapport au travail ne va pas être le même. Et de s'investir dans sa vie professionnelle, les choses... ont un peu évolué aussi. Donc je me suis toujours battu contre ce terme de passionné. Parce qu'on croit qu'avec la passion, tout peut passer, mais la passion ça peut être aussi chronophage et d'encreux. Parce qu'on a vu des gens vivre passionnément et réfléchir qu'après, et quelque part créer un peu leur malheur, parce qu'ils étaient tellement dans la passion, et à vouloir vraiment réussir à tout prix, qu'à un moment ça s'est plutôt transformé en sacerdoce qu'en réussite. Et aujourd'hui c'est de se dire comment on peut accompagner des projets, qui font qu'on n'y fera pas à pas. À notre niveau, encore une fois, j'appelle souvent ça la méthode du colibri. C'est une petite goutte d'eau, mais c'est toujours une petite goutte d'eau. Et si on ne la commence pas, on ne construira pas l'océan. Donc c'est de se dire comment aujourd'hui, de par les rencontres que l'on a, les opportunités que l'on a.

  • Elia

    Comment Hervé Mance et Jean-Michel Poche s'y prennent pour faciliter la transmission des fromages menacés de disparition ?

  • Hervé Mons

    C'est expérimental, et peut-être presque un cas particulier. Chaque exploitation à l'école est presque un cas particulier, alors que quand on les regarde dans la grande globalité, on dit qu'ils ont les mêmes préoccupations, ils ont le même contexte climatique, ils ont le même matériel, ils ont les mêmes méthodes. Faut ramener à l'individu, c'est un cas d'exception à chaque fois. Et il faut se dire que ce monde paysan, il s'est quand même structuré et organisé de par lui-même. Donc on est souvent avec des gens, et c'était assez amusant si on prend l'histoire de Christian avec le Gournois. En fait, Galas est un ancien 68a. Il s'est barré de Paris avec une vieille R16, il est tombé en panne en Corrèze, il a discuté avec le paysan, l'autre lui a prêté une ferme, il est resté là, et il a fabriqué un fromage qui s'appelait le Gournois, à 40 ans après c'était un succès. Et par contre pas de repreneur, rien derrière lui, une toute petite exploitation, de 110 et 120 chèvres, et pas de solution. Et quand il m'annonce 2-3 fois de suite, Hervé on va pas reprendre, on va laisser tomber, le gars que j'ai eu ça va pas en fait tous les gens qui se présentaient ça allait pas. Et en fait, à un moment, la solution était de dire, attends, bon, ça s'arrête, ça s'arrête, ok. Les moules existent, le process existe, la recette existe. Ça nous plaît pas, mais on va la délocaliser. Mais on l'a laissé en France. Et en fait, on avait un producteur de notre côté qu'on connaissait, qui venait d'investir dans une ferme, qui avait comme une volume utriblée assez conséquente, et qui en fait, était en train de fabriquer des fromages pour un certain réseau de distribution qui voulait pas lui revaloriser, et économiquement, il était quand même pas serein. On lui dit, écoute, on t'amène une recette, on t'amène un produit, on t'amène le producteur, il va t'apprendre à faire son fromage. On va goûter et on va voir si on est loin du compte entre ce que nous vous écritions et ce que vous nous avez fait.

  • Arnaud Montebourg

    T'as déjà réalisé combien de kilomètres ?

  • Hervé Mons

    Je ne me suis pas passé de la Corrèze à l'autre gare. On va dire 250 kilomètres. Je pense que la plupart des problèmes sur ces transmissions, c'est qu'elles sont prises toujours trop tard. C'est qu'en fait, les gens n'arrivent pas à se projeter. Ils pensent toujours au miracle, mais sans aller le chercher. En disant, ouais, je vais céder ma ferme, mais il y aura bien quelqu'un, donc je fais deux annonces dans France Agricole, trois dans la rubrique du coin, deux dans le Bon Coin, mais enfin, c'est pas comme ça vraiment que tu vas retrouver un repreneur, ou il faut avoir vraiment la baraka du siècle. Donc tout ça, ça doit se préparer. Et pourquoi nous, on a réussi à faire ça ? Parce qu'en fait, on a du réseau. J'avais le producteur, Jean-Michel pouvait amener la distribution, Alex qui est notre copain...

  • Arnaud Montebourg

    Oui parce que vous, vous avez une arme extraordinaire, c'est vous, vous avez une carrière de commande.

  • Hervé Mons

    Ah bah le dégout de Jean-Michel, il est sur des...

  • Arnaud Montebourg

    Donc en fait, vous, vous êtes capable de dire à des successeurs de producteurs...

  • Hervé Mons

    Nous,

  • Arnaud Montebourg

    il y a le débouché, on fait les prix et on lit.

  • Hervé Mons

    Surtout si en plus ces producteurs étaient déjà nos producteurs. Parce qu'en fait les premières préoccupations qu'on a, c'est d'abord de pérenniser ce que nous on a construit avec nos propres producteurs. Franchement c'est notre première interrogation. Après, le cas qui est intéressant là, c'est que ce producteur était dans mon réseau. Jean-Michel le connaissait bien parce qu'il avait quand même une distribution assez conséquente sur les grossistes de Rungis. Moi, je l'avais en direct parce que c'était un historique que j'avais monté avec lui. Et Alex, notre copain qui lui est sur la région Bordeaux, lui avait l'autre producteur qui avait une ferme dans laquelle il voyait bien qu'il était un peu en difficulté parce qu'il arrivait dans le même endroit. Et en fait, ce qui est génial, c'est de se remettre autour de la table assez fréquemment et de se dire, tu as quoi comme problématique chez toi ? Qu'est-ce qui se passe dans ton réseau ? Qu'est-ce que tu as avec tes producteurs ? Est-ce que tu as des infos ? Est-ce que quelque chose se recoupe ? Et on met tous ces sujets sur la table et on se dit maintenant, on se coule le panier et est-ce qu'on a des solutions ? Et Arnaud, c'est vrai que la vraie bonne question et la vraie bonne solution à ces problèmes-là, c'est de transférer les savoir-faire et de créer un vivier de gens formés. Je crois quand même dans la passion de tous ces gens qu'on rencontre, effectivement, il faut peut-être un peu les cadrer, il faut peut-être un peu cadrer les passions, les accompagner. En Normandie, on est vache de vache là, ça c'est des néo-ruraux. Ben oui, même si ils avaient déjà ces paroles, ils travaillaient dans la finance pendant 10 ans. Et ce qu'il y a de sympa, c'est qu'en fait, moi ça m'a fait rigoler parce que j'ai vu, j'ai connu, j'ai vu un peu la fin, parce que c'était juste, j'étais encore jeune, mais ce phénomène 68, où une catégorie un peu d'intello-bobo parisien sont partis à la campagne porter des tongs avec des membres blanches et aller s'occuper des pierres. Il y a eu du déchet, mais par contre, il faut reconnaître une chose, ceux qui ont réussi ont mourement bien réussi et ont donné une toute autre image de l'agriculture. et de l'élevage et du métier. Parce que justement, ils sont arrivés par un autre angle, ils se sont professionnalisés, ils ont eu des embûches, ils ont eu des difficultés, mais par contre ils avaient une vision, un intellect qui fait que ils n'étaient pas forcément du CERAC et des fois ce n'est pas toujours un avantage d'être resté les deux pieds dedans tout le temps de génération en génération et de ne pas se trouver à l'esprit pour aller voir ce qui se passait ailleurs.

  • Elia

    Faut-il tout miser sur le Made in France ou transférer nos savoir-faire ?

  • Hervé Mons

    Moi qui suis un féru du l'export, et j'ai adoré parce que ça m'a vraiment amené plein de choses, et je reste toujours un grand voyageur, malgré tout, je pense que demain, il n'y a pas de souci pour que des gens dans le monde entier en veuillent et se le payent. Je n'ai pas de souci avec ça. Par contre, pour ce qui est de dire on nourrit, je pense qu'il est plus judicieux aujourd'hui de dire on prend notre label France, on fait de la joint venture et on transfère nos savoir-faire et par contre on prend des parties prenantes sur les pays émergents et là on vend de la France. Moi je suis sur un projet de Brésil, aujourd'hui je me suis battu pour récupérer ce projet-là. Le modèle aujourd'hui, c'est des fermiers qui sont dans la région du Minas Gereis et qui font un fromage qui s'appelle la canastra, qui n'est vraiment pas un fromage terrible, mais pour eux c'est dans leur culture, c'est comme ça qu'ils le trouvent bon. Par contre je suis sur un spot impressionnant, c'est les montagnes où il y avait les anciennes mines d'argent des Portugais et j'ai l'impression de me retrouver en Auvergne, mais avec des montagnes trois fois plus hautes et des cascades dix fois plus hautes. Mais dans le même contexte. Et, fin du fin, parce que ça fallait quand même le faire, ils ont une race, six espèces, cinq sont pour la viande, et il y a deux races à côté, deux espèces de zébus qui s'appellent la gire. Et la gire, c'est assez incroyable, a exactement la même caractéristique que la Salers. Elle ne donne son veau que si c'est son veau qui attaque la traite. Donc quand ils m'ont emmené dans cette ferme-là et qu'ils connaissaient l'attachement que j'avais, j'ai dit c'est une blague. C'est un scénario. Et en fait, je me retrouve en Auvergne. Et ils sont quand même une vingtaine de producteurs avec vraiment des beaux troupeaux. Aujourd'hui, ils donnent leur lait aussi à une coopérative et ils ont envie de monter un projet de transformation fromagère et de faire des fromages avec une typicité française, essayer de faire des brie, essayer de faire tout un tas de choses comme ça. Et je dis, il y a deux solutions. Soit on se dit, on n'y va pas, c'est une copie d'ersatz de français et ils nous font chier. Et là, il y a quelqu'un qui va le faire et ce ne sera pas des Français. Soit on dit, c'est nous Français qui mettons notre savoir-faire et on met un co-label et un co-branding avec une marque française là-bas.

  • Arnaud Montebourg

    C'est d'abord des hommes, des femmes, des savoir-faire, des gens qui n'ont pas à qui transmettre et donc des fromages qui vont disparaître. C'est la force de notre pays. Donc vous, vous êtes pour moi des vrais souverains.

  • Elia

    Le fromage est éternel, mais il a besoin pour cela de passeurs et de faiseurs. Innover pour partager l'excellence tout en s'attachant à perpétuer des traditions qui respectent notre terre comme nos animaux, c'est être un vrai souverain.

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Description

Des centaines de fromages sont en train de disparaître avec leurs fermes. Arnaud Montebourg visite la maison d'affinage du Meilleur Ouvrier de France Hervé Mons, près de Roanne, avec le grossiste de fromage à Rungis Jean-Michel Peuch. Ils se battent pour que ces produits merveilleux et leurs terroirs se transmettent, et s'exportent.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des vrais souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    La France et ses fromages sont indissociables. Pendant l'occupation allemande, Winston Churchill pensait à voix haute qu'un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir. En 1962, c'est le général de Gaulle qui décrète qu'on ne peut pas gouverner un pays qui offre 264 variétés de fromages. 60 ans plus tard, c'est encore plus vrai que jamais. 96 % des Français consomment du fromage régulièrement, 25 kilos par personne en moyenne chaque année, où 2 millions de tonnes de fromage sont produits grâce à une filière présente sur 80% du territoire. Pour 1 400 producteurs de fromage et 400 affineurs, on dénombre 30 000 producteurs de lait, qui sont de plus en plus nombreux à transformer leur lait pour gagner de la valeur ajoutée. On parle aujourd'hui de 1 300 à 2 500 variétés de fromage différents. Ces merveilleux produits s'exportent pour 4 0% de notre production dans le monde entier. La France reste le premier exportateur mondial de fromage. Mais les départs en retraite et le regroupement font disparaître de plus en plus de fermes et de fromages. Heureusement, il existe de vrais souverains, passionnés par la sauvegarde des savoir-faire et la défense de notre culture. Arnaud Montebourg se rend à Saint Haon le Châtel, près de Rohanne, avec le grossiste de fromage à Rungis, Jean-Michel Peuch, pour rendre visite à Hervé Mons, Meilleur Ouvrier de France à la tête d'une maison d'affinage exceptionnelle. La visite commence par le tunnel de la Collonge à Ambierle, dans la Loire. En 2009, la maison Mons a investi 500 000 euros dans cet ancien tunnel ferroviaire long de 250 mètres et large de 5 mètres, fermé juste après guerre.

  • Hervé Mons

    Le truc qui était génial, c'est que c'est des compagnons menuisiers qui m'ont fait ça, parce que la particularité du tunnel, il descend et il tourne. Et je veux des planches de la même taille. Donc en fait, les poteaux intérieurs sont toutes les photos extérieures pour rattraper la courbe descendante. Et si vous venez là, les tasseaux pour mettre les planches rattrapent le dénigré de la pente pour qu'ils soient tous à la même hauteur pour faciliter le travail. Et là-dessus, on avait fait une petite couverture aussi à Volige pour se dire le… gros souci du tunnel quand j'en parlais tout à l'heure sur les bossées c'est l'eau et l'infiltration c'est une catastrophe parce qu'une goutte d'eau sur un fromage le fromage c'est foutu donc on a crépi la voûte le phénomène que l'on recherchait c'est que l'eau a pour survie de la voûte et est revenue sur les murs donc les fromages sont prisonniers entre deux murs d'eau donc en termes d'humidité c'est juste génial et après le phénomène d'aération du tunnel on ne m'en a pas parlé tout à l'heure mais si vous regardez là on a des petites bouches qui sont à peu près tous les 10 mètres y compris au centre où on a laissé du con cassé Ça c'est relié par tout un réseau de tuyaux qui montent sur une énorme pompe à l'extérieur et qui nous fait de l'aspiration. Alors on met le tunnel sous vide, en gros, j'exagère, et de chaque côté il y a un puits canadien qui va m'amener l'air de l'extérieur. En passant par le puits canadien, ça me permet de refroidir l'air ambiant qui est dehors parce que je n'ai pas d'autres réfrigérants. Mais le truc est génial, c'est qu'ici j'ai grosso modo 7 à 8000 m3 d'air, et je régénère grosso modo un flux de 100 m3 toutes les deux heures. Donc même si l'air qui arrive dehors est avec un écart de température de 4 à 5 degrés positifs, L'emprise du tunnel fait que je n'arrive pas à déstabiliser la température ambiante de mon tunnel et je régénère quand même mon air.

  • Elia

    Hervé Mons nous raconte ce qui fait la particularité de ce fromage.

  • Hervé Mons

    Le bio, ce n'est pas qu'un label, c'est une vraie philosophie. Et on est parti pour dire pourquoi on a voulu se rapproprier le bio et se dire on part avec des producteurs bio, parce qu'on ne voulait plus dé-saisonner. Dé-saisonner, ça veut dire quoi ? C'est qu'encore une fois, devant cette soif de vouloir toujours du produit toute l'année, on a oublié le cycle naturel qui était la gestation, dans lequel les naissances étaient au printemps. Les bêtes étaient tarées à la sortie de l'automne, et elles nous refaisaient une naissance pour ça repart, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il faut qu'il y ait une naissance si on veut avoir du lait avec un magnifère, sinon on n'a pas de lait. L'idée, ça a été de travailler dans cet esprit-là et faire qu'on a ces pierres, une volumétrie de lait beaucoup plus importante à la sortie du printemps jusqu'à l'automne. Là, on est avec un fromage qu'on va fabriquer pendant six mois d'année. et pendant 6 autres mois de l'année on n'en fabriquera plus parce qu'il n'y aura plus de lait mais on s'est rendu compte qu'en travaillant de cette manière là le contexte qu'avait le paysan à la fois sa ferme à la fois les pâtures qu'il avait mises en place la sélection qu'il avait fait au niveau de ses trocots et de ses agnelles l'accompagnement qu'on avait fait qui est une méthode qui est ce qu'elle est mais qui s'appelle l'obsalime qui est vraiment une observation sur le comportement animalier dans lequel on va aller Observer les animaux, on va leur faire à la fois un peeling, donc une analyse ABN du poil, on va aller faire une prise de sang, on va aller regarder s'ils ont des boitrines, on va regarder comment ils solent, on va travailler en homéopathie, on va travailler avec des huiles essentielles. Après on fait une observation complète qui va nous faire un diagnostic sur l'animal. Et ça nous permet de savoir si, à la fois, ce qui boit est équilibré, parce qu'on a des phénomènes d'eau qui sont très importants, si on a, encore une fois, un sol qui est plus ou moins minéral, plus ou moins déminéralisé, si on a de l'azote, si on n'en a pas assez. Et c'est ça qui fait le fromage. Notre travail, c'est ça, c'est de bonifier le produit. C'est de les conduire dans des conditions qui font qu'ici, entre l'humidité, le travail et les soins, on ne robotise pas. Et je ne fais absolument pas un jugement sur ce qui s'est passé, mais si on prend nos copains du comté, le Beaufort, même l'Abondance, les mains d'oeuvre se raréfiant, c'est quand même physiquement pas simple. Donc on a robotisé les phénomènes de caves qui font qu'aujourd'hui, les produits sont pris par des robots automatiques qui viennent les enlever des étagères, qui les frottent, qui les remettent en place. Et ces robots... Les premiers robots qui ont été mis en place, pour nous, ça a été un peu dramatique parce qu'il n'y avait plus ce phénomène que l'œil de l'affineur qui disait Tiens, sur certaines pièces, je vais un peu plus la mouiller celle-ci, celle-ci, je vais laisser un peu plus celle-ci, celle-ci, je ne vais pas la retourner tout de suite. Tout s'est automatisé. Et là, c'est là qu'on s'est dit, nous, il faut à tout prix qu'on reprenne la main sur nos stocks. Et c'est pour ça que le tunnel est arrivé à boule pour poing. C'est qu'on était déjà dans l'idée que nous, d'acheter des fromages, de prendre le risque de les acheter, de dire maintenant c'est nous qui les affinons, c'est nous qui les gardons parce qu'on préférait ce qu'on faisait. Les robots ont beaucoup évolué. En 15 ans de temps, c'est phénoménal. Ils arrivent à tout isoler et à programmer des soins différents sur l'onglet l'eau. Il n'y a que quelques affineurs qui arrivent à faire ça avec un nouveau matériel aujourd'hui. Là, dans le tunnel, quand on est au maxi, on a à peu près 3-4 500 pièces différentes. Et en tout, c'est 120 tonnes quand on est au maxi. Par rapport à des gens comme le comté, 72 000 tonnes, vous allez voir une cave à comté, vous allez chez notre copain Arnaud, vous allez chez Petit.

  • Arnaud Montebourg

    Au fort des rues.

  • Hervé Mons

    Oui, 40 000 fromages. On est dans des cathédrales, c'est autre chose. Mais ils sont monoproduits. Nous, on est dans la diversité et on cherche à faire du chirurgical avec les fromages. C'est le niveau d'exigence qu'on a dû faire et ce que nos clients attendent de nous aujourd'hui. La fineur était banquée. parce que quand les producteurs se sont déclés sur une campagne de 6 mois et qu'ils devaient attendre 6 mois après pour refaire leur deuxième campagne il y a souvent l'affineur mettait l'avance pour boucher le trou d'entre les deux campagnes et payer à l'avance la prochaine campagne de fromage qui était faite ou une partie l'affinage même chose, il faisait un affinage pour lui mais il pouvait faire aussi un affinage à façon pour son propre producteur qui avait décidé d'en vendre aussi localement pour lui et l'affineur c'est fou que quand je vais en Espagne ou quand je vais en Italie on est dans la catégorie sociale Là, dans la filière, ici. T'as dit la fineur, ouais.

  • Arnaud Montebourg

    Tu peux dire où tu es, là ?

  • Hervé Mons

    Pas loin de... Là-haut, là-haut ! C'est lui qui transforme... Quand on est en France et qu'on parle de la fineur... il y a une espèce de rapport à être un intermédiaire, à être quelqu'un qui vient se mettre au milieu du jeu, alors qu'on ne voit pas du tout le côté qui est bonification des produits, travail, retournement, stockage. Ça se voit. Mais là, c'est un vrai métier. Mais ce n'est pas quelque chose qui est acquis. Je le vois quand je vais chez mes copains italiens, que ce soit des gens qui sont dans la salaison, mais tout le monde les appelle. Et doctore, parce qu'il y a réellement un titre par rapport à son travail. En France, avant qu'on ait cette reconnaissance, aujourd'hui, quand on parle d'émettre, déjà, c'est une vraie complication avec l'artisanat et qui sait qui émette artisan, qui sait qui ne l'émet pas. Et là, les affineurs, aujourd'hui, on retrouve un peu notre tête de noblesse, parce qu'on est tellement allé loin dans le fait de raccourcir la filière et de conditionner des produits tout de suite après fabrication sous plastique pour les mettre dans des barquettes et les mettre en libre-service. Ça, c'est 90% du business et de la consommation. Il ne faut pas l'oublier. Il ne restait plus que 10% d'un marché où il fallait travailler des produits. Et aujourd'hui, on a des consommateurs qui quand ils goûtent, ça commence à faire titre. Ils disent Attends, ce truc-là, je le goûte, ça a vraiment un si pite, ça n'a pas de goût. La blague que je faisais tout à l'heure sur les marquettes, vendues en slicer sous plastique dans des marquettes, franchement, une chance qu'il y ait des patates qui ont du goût, parce que ce n'est pas la raclette qui va en amener. Là, on les affine pendant 4 mois, on les frotte, on les tourne, on les fait goûter, ça fond sur la pomme de terre, ça dégage du goût, ça a une odeur, il ne se passe pas de choses. Et le consommateur n'est pas dupe. Et nous, c'est génial aujourd'hui de constater qu'il y a une génération qui arrive, entre 25 et 40 ans. plutôt des gars bien câblés qui ont un peu un revenu mais qui sont curieux qui écoutent et qui aiment et qui goûtent et ceux-là c'est vraiment nos clients de main parce que ceux-là font la différence par contre attention ils vont nous donner leur confiance mais il faut qu'on soit toujours à un niveau d'excellence incroyable parce qu'ils ne pardonnent pas que ce soit moins bien Et c'est ce qui est très compliqué à faire avec des produits au lait cru, des produits fermés, des produits qui sont vivants et qui nous amènent des blagues tous les jours. On n'a pas la science infuse. Franchement, ce qui est le plus compliqué aujourd'hui, c'est de répéter l'excellence tous les jours, pas avec des produits vivants.

  • Elia

    Le maître affinant nous présente l'exemple type du producteur de demain. Géraud Delorme et son salaire tradition d'exception, produit à jour sec dans le Cantal.

  • Hervé Mons

    Géraud Delorme, c'est l'exemple type du producteur de demain. Si on avait des mecs comme ça, ce serait extraordinaire. Mais c'est un moine. Et lui, donc deuxième génération, reprend la ferme derrière ses parents et décide de se mettre en salaire tradition alors que ses parents vendaient de lait. Et là, il décide quand il le fait, on se connaissait à l'époque, on a réussi à mettre un lien qui était vraiment important et on lui a garanti un revenu en mettant un prix tout de suite sur son fromage s'il était au niveau. Il n'est pas au niveau son fromage. là ce qu'il a fait en 3 ans de temps c'est le meilleur fromager que j'ai jamais vu en salaire tradition jamais et là l'année dernière il leur a pété tous les compteurs sur le classement du CIF ils avaient jamais vu des fromages comme ça mais c'est un garçon quand c'est la saison les bêtes sont pas désaisonnées on a une courbe de lactation qui démarre à partir du mois d'avril qui s'arrête à peu près au 15 octobre on a des bêtes qui sont uniquement à l'herbe et rien d'autre parce qu'ils peuvent rien leur donner d'autre donc il n'y a pas le choix Il n'y a pas le choix, l'appel du veau pour pouvoir démarrer la traite parce que la mère a des vaches sans lait. Oui, c'est juste un truc de la mère et du veau. C'est juste une histoire. En fait, la salaire, encore une fois, coûte bien. Comme toutes les vaches, qui étaient quand même avant tout des mères, avant de donner leur lait, étaient proches de leur veau. On a mécanisé la traite, on a fait tout un tas de choses, on a aussi fait des sélections génétiques, on a rendu des vaches plus accoutumées au phénomène de traite électrique et qui, petit à petit, pouvaient se séparer de leur veau très rapidement. La salaire, comme elle était un peu isolée dans le bassin laitier, que ce n'était pas celle qui était la plus traite, tout le monde l'a un peu oubliée. sauf qu'elle a un instinct maternel assez dominant. Donc si elle ne sent pas son veau, tu peux bien la caresser dans tous les sens du point de vue. Elle ne donnera pas son veau. Elle ne donnera pas un litre de lait. Donc la complexité de la traite, c'est de faire l'appel de son petit, qui vient se mettre sous le pied de la mère, qui commence à traire, et là il commence lui à prendre le premier lait, et là à un moment le vaché, il doit tromper la mère, parce qu'elle doit sentir son veau toujours à côté d'elle. Donc il y a un tout passe-passe à faire. avec une poignée de sel, on balance une poignée de sel sur le dos du veau. La mère reconnaît son petit, elle adore le sel, elle donne un petit coup de langue affectueux sur le dos de son petit. Et à ce moment-là, le boutillier avec la corde attache le veau à la patte de la mère et de l'autre côté, le vaché, prêt à la place du veau. Ce lait est mis dans un contenant qui s'appelle une gerle qui est en bois. Et plus jamais le lait va sortir de cette gerle sans être du fromage. tout va se passer dans la germe. Pas de ferment. La germe. Un récipient en bois comme un food, comme un tonneau. Et en définitive, ce qui est vraiment génial, c'est que ce lait est resté réellement sauvage. Pour moi, on est dans la technique de fromage la plus ancienne, qui n'a pas été modifiée depuis plus de plusieurs centaines d'années. Et il y a surtout cette caractéristique, c'est qu'elle est issue de manière verticale. Le vache, le lait, la germe. il n'y a rien d'autre à part deux gouttes de présure pour pouvoir en présurer, c'est terminé. Donc tous les ferments, tous les levains, tout ce qui permet d'acidifier le lait, vient à la fois de ce sacré tonneau en bois qui s'appelle la gergue, qui a lui-même développé ses propres ferments, et qui devient un véritable starter pour démarrer l'acidification du lait sans passer par aucun artifice. Ça c'est quand même assez magique. Et après la blague, là il y en a pour un moment, on découpe le cahier, une fois qu'on l'a découpé, on enlève le petit lait, on le balance sur une table à pressage, on découpe et on presse entre 15 et 17 fois de suite. Ensuite, on broie le fromage. Ça veut dire, encore une fois, accélérer l'égouttage du fromage parce que là, on est en train de vouloir faire une pâte dure. Ce qui est génial dans ce fromage-là, c'est le seul fromage... Il est un peu bourré, un peu. Oui, il a un tout petit peu coiffé, les grains sont tous un petit peu espacés. Mais c'est une exception qui confirme la règle. Tous les fromages de garde qu'on a fabriqués en Savoie, dans le Jura, sont des fromages à pâte pressée cuite. C'est-à-dire, on s'est servi d'un chaudron, d'une énergie avec du bois et du feu pour remonter la température du petit lait afin de pouvoir... concentrer ces grains de cahier pour qu'ils soient le plus secs possible, qu'ils perdent le maximum de leur eau, pour qu'ils puissent nous faire une pâte dure une fois qu'ils sont pressés. Quand je suis en Auvergne, je n'ai pas de bois, je n'ai pas de feu, je suis dans la misère. Donc, qu'est-ce que je fais ? Le seul moyen que j'ai pour faire une pâte pressée, c'est de prendre mon cahier, de le presser, de le couper, de le represser, de le couper, de le represser, de le couper, ainsi de suite, pendant un certain nombre de fois, jusqu'à ce que j'obtienne la texture. Tu comprends ? Ensuite ?

  • Arnaud Montebourg

    Oui,

  • Hervé Mons

    ensuite, ce n'est pas fini. Attends, je brise ce cahier, vraiment. dans une machine qui va réellement le broyer en fines lambeaux. Et ces lambeaux, après, je les mets dans une grande main en bois, et là, je mets mon sel. Donc, il est salé dans la masse. Et là, ce n'est pas fini. Une fois qu'il est salé dans la masse, je prends l'ensemble, et enfin, je vais le mettre dans son moule sur lequel il sera mis en presse. Et c'est le seul fromage qui est une pâte pressée non cuite et qui peut se garder plus d'un an. Une tuerie.

  • Elia

    La Fineur, meilleure ouvrière de France, a-t-il une place dans son écosystème pour les grands industriels du lait ?

  • Hervé Mons

    Il ne faut pas scinder cette sacrée filière laitière. Industriel, grands groupes, fermiers, artisans, coopératifs, tout le monde doit être ensemble. Parce que cette filière ne tiendrait pas, si un de ces opérateurs-là disparaît, la filière s'écroule. Je vais juste vous faire un exemple. Aujourd'hui, un producteur fermier peut avoir du lait parce qu'il a été collecté à un moment. Il décide de son initiative de vouloir aujourd'hui se transformer, s'approprier tout son lait et faire sa transformation. Il n'y aurait pas eu un moment où une coopérative, un collecteur, un laitier pour ramasser son lait, son projet n'aurait jamais pu aboutir. Et je vais même plus loin. Pour donner du confort à ces producteurs fermiers, à aujourd'hui, sur 7 jours dans lesquels ils sont avec leur lait, matin et soir, ils ont la possibilité de transformer un jour, deux jours, trois jours, et le reste du temps, donner leur supplut de lait au laitier. Donc... Attention à ce que tout le monde s'entende là, et qu'il y ait une belle cohabitation, et de ne pas monter les gens les uns contre les autres.

  • Elia

    Le désir de fromage est très fort dans la société. Mais celui de le produire, c'est tiole. La passion des producteurs est-elle la seule solution ?

  • Hervé Mons

    Il y a une attente du consommateur aujourd'hui, il y a l'idée qu'on a envie de revisiter un peu notre agriculture, et de se dire que ce serait bien qu'on la rende encore plus belle. et qu'on ait des produits qui soient vraiment en adéquation avec notre terroir, nos traditions, nos savoir-faire, et surtout qu'on ait des produits qui soient de grande qualité. Et j'entends qualité gustative, organoleptique, des typicités que nul ne peut nous prendre parce qu'on a ce phénomène de microclimats, de savoir-faire, qu'il faut à tout prix qu'on préserve. Toute cette économie a été un peu malmenée par les systèmes qui ont été mis en place. Maintenant, la vraie question est de se dire comment elle perdure. Comment elle perdure ? Je pense que Jean-Michel et moi-même on partage la même chose, on est dans l'optimisme et on y croit dur comme fer. Il faut se dire qu'on gomme pas 40 ans de politique agricole, économique et un phénomène social grandissant qui fait que, quoi qu'il en soit, les mentalités, je parle pas de génération, je parle vraiment de mentalités, ont évolué et que le rapport au travail ne va pas être le même. Et de s'investir dans sa vie professionnelle, les choses... ont un peu évolué aussi. Donc je me suis toujours battu contre ce terme de passionné. Parce qu'on croit qu'avec la passion, tout peut passer, mais la passion ça peut être aussi chronophage et d'encreux. Parce qu'on a vu des gens vivre passionnément et réfléchir qu'après, et quelque part créer un peu leur malheur, parce qu'ils étaient tellement dans la passion, et à vouloir vraiment réussir à tout prix, qu'à un moment ça s'est plutôt transformé en sacerdoce qu'en réussite. Et aujourd'hui c'est de se dire comment on peut accompagner des projets, qui font qu'on n'y fera pas à pas. À notre niveau, encore une fois, j'appelle souvent ça la méthode du colibri. C'est une petite goutte d'eau, mais c'est toujours une petite goutte d'eau. Et si on ne la commence pas, on ne construira pas l'océan. Donc c'est de se dire comment aujourd'hui, de par les rencontres que l'on a, les opportunités que l'on a.

  • Elia

    Comment Hervé Mance et Jean-Michel Poche s'y prennent pour faciliter la transmission des fromages menacés de disparition ?

  • Hervé Mons

    C'est expérimental, et peut-être presque un cas particulier. Chaque exploitation à l'école est presque un cas particulier, alors que quand on les regarde dans la grande globalité, on dit qu'ils ont les mêmes préoccupations, ils ont le même contexte climatique, ils ont le même matériel, ils ont les mêmes méthodes. Faut ramener à l'individu, c'est un cas d'exception à chaque fois. Et il faut se dire que ce monde paysan, il s'est quand même structuré et organisé de par lui-même. Donc on est souvent avec des gens, et c'était assez amusant si on prend l'histoire de Christian avec le Gournois. En fait, Galas est un ancien 68a. Il s'est barré de Paris avec une vieille R16, il est tombé en panne en Corrèze, il a discuté avec le paysan, l'autre lui a prêté une ferme, il est resté là, et il a fabriqué un fromage qui s'appelait le Gournois, à 40 ans après c'était un succès. Et par contre pas de repreneur, rien derrière lui, une toute petite exploitation, de 110 et 120 chèvres, et pas de solution. Et quand il m'annonce 2-3 fois de suite, Hervé on va pas reprendre, on va laisser tomber, le gars que j'ai eu ça va pas en fait tous les gens qui se présentaient ça allait pas. Et en fait, à un moment, la solution était de dire, attends, bon, ça s'arrête, ça s'arrête, ok. Les moules existent, le process existe, la recette existe. Ça nous plaît pas, mais on va la délocaliser. Mais on l'a laissé en France. Et en fait, on avait un producteur de notre côté qu'on connaissait, qui venait d'investir dans une ferme, qui avait comme une volume utriblée assez conséquente, et qui en fait, était en train de fabriquer des fromages pour un certain réseau de distribution qui voulait pas lui revaloriser, et économiquement, il était quand même pas serein. On lui dit, écoute, on t'amène une recette, on t'amène un produit, on t'amène le producteur, il va t'apprendre à faire son fromage. On va goûter et on va voir si on est loin du compte entre ce que nous vous écritions et ce que vous nous avez fait.

  • Arnaud Montebourg

    T'as déjà réalisé combien de kilomètres ?

  • Hervé Mons

    Je ne me suis pas passé de la Corrèze à l'autre gare. On va dire 250 kilomètres. Je pense que la plupart des problèmes sur ces transmissions, c'est qu'elles sont prises toujours trop tard. C'est qu'en fait, les gens n'arrivent pas à se projeter. Ils pensent toujours au miracle, mais sans aller le chercher. En disant, ouais, je vais céder ma ferme, mais il y aura bien quelqu'un, donc je fais deux annonces dans France Agricole, trois dans la rubrique du coin, deux dans le Bon Coin, mais enfin, c'est pas comme ça vraiment que tu vas retrouver un repreneur, ou il faut avoir vraiment la baraka du siècle. Donc tout ça, ça doit se préparer. Et pourquoi nous, on a réussi à faire ça ? Parce qu'en fait, on a du réseau. J'avais le producteur, Jean-Michel pouvait amener la distribution, Alex qui est notre copain...

  • Arnaud Montebourg

    Oui parce que vous, vous avez une arme extraordinaire, c'est vous, vous avez une carrière de commande.

  • Hervé Mons

    Ah bah le dégout de Jean-Michel, il est sur des...

  • Arnaud Montebourg

    Donc en fait, vous, vous êtes capable de dire à des successeurs de producteurs...

  • Hervé Mons

    Nous,

  • Arnaud Montebourg

    il y a le débouché, on fait les prix et on lit.

  • Hervé Mons

    Surtout si en plus ces producteurs étaient déjà nos producteurs. Parce qu'en fait les premières préoccupations qu'on a, c'est d'abord de pérenniser ce que nous on a construit avec nos propres producteurs. Franchement c'est notre première interrogation. Après, le cas qui est intéressant là, c'est que ce producteur était dans mon réseau. Jean-Michel le connaissait bien parce qu'il avait quand même une distribution assez conséquente sur les grossistes de Rungis. Moi, je l'avais en direct parce que c'était un historique que j'avais monté avec lui. Et Alex, notre copain qui lui est sur la région Bordeaux, lui avait l'autre producteur qui avait une ferme dans laquelle il voyait bien qu'il était un peu en difficulté parce qu'il arrivait dans le même endroit. Et en fait, ce qui est génial, c'est de se remettre autour de la table assez fréquemment et de se dire, tu as quoi comme problématique chez toi ? Qu'est-ce qui se passe dans ton réseau ? Qu'est-ce que tu as avec tes producteurs ? Est-ce que tu as des infos ? Est-ce que quelque chose se recoupe ? Et on met tous ces sujets sur la table et on se dit maintenant, on se coule le panier et est-ce qu'on a des solutions ? Et Arnaud, c'est vrai que la vraie bonne question et la vraie bonne solution à ces problèmes-là, c'est de transférer les savoir-faire et de créer un vivier de gens formés. Je crois quand même dans la passion de tous ces gens qu'on rencontre, effectivement, il faut peut-être un peu les cadrer, il faut peut-être un peu cadrer les passions, les accompagner. En Normandie, on est vache de vache là, ça c'est des néo-ruraux. Ben oui, même si ils avaient déjà ces paroles, ils travaillaient dans la finance pendant 10 ans. Et ce qu'il y a de sympa, c'est qu'en fait, moi ça m'a fait rigoler parce que j'ai vu, j'ai connu, j'ai vu un peu la fin, parce que c'était juste, j'étais encore jeune, mais ce phénomène 68, où une catégorie un peu d'intello-bobo parisien sont partis à la campagne porter des tongs avec des membres blanches et aller s'occuper des pierres. Il y a eu du déchet, mais par contre, il faut reconnaître une chose, ceux qui ont réussi ont mourement bien réussi et ont donné une toute autre image de l'agriculture. et de l'élevage et du métier. Parce que justement, ils sont arrivés par un autre angle, ils se sont professionnalisés, ils ont eu des embûches, ils ont eu des difficultés, mais par contre ils avaient une vision, un intellect qui fait que ils n'étaient pas forcément du CERAC et des fois ce n'est pas toujours un avantage d'être resté les deux pieds dedans tout le temps de génération en génération et de ne pas se trouver à l'esprit pour aller voir ce qui se passait ailleurs.

  • Elia

    Faut-il tout miser sur le Made in France ou transférer nos savoir-faire ?

  • Hervé Mons

    Moi qui suis un féru du l'export, et j'ai adoré parce que ça m'a vraiment amené plein de choses, et je reste toujours un grand voyageur, malgré tout, je pense que demain, il n'y a pas de souci pour que des gens dans le monde entier en veuillent et se le payent. Je n'ai pas de souci avec ça. Par contre, pour ce qui est de dire on nourrit, je pense qu'il est plus judicieux aujourd'hui de dire on prend notre label France, on fait de la joint venture et on transfère nos savoir-faire et par contre on prend des parties prenantes sur les pays émergents et là on vend de la France. Moi je suis sur un projet de Brésil, aujourd'hui je me suis battu pour récupérer ce projet-là. Le modèle aujourd'hui, c'est des fermiers qui sont dans la région du Minas Gereis et qui font un fromage qui s'appelle la canastra, qui n'est vraiment pas un fromage terrible, mais pour eux c'est dans leur culture, c'est comme ça qu'ils le trouvent bon. Par contre je suis sur un spot impressionnant, c'est les montagnes où il y avait les anciennes mines d'argent des Portugais et j'ai l'impression de me retrouver en Auvergne, mais avec des montagnes trois fois plus hautes et des cascades dix fois plus hautes. Mais dans le même contexte. Et, fin du fin, parce que ça fallait quand même le faire, ils ont une race, six espèces, cinq sont pour la viande, et il y a deux races à côté, deux espèces de zébus qui s'appellent la gire. Et la gire, c'est assez incroyable, a exactement la même caractéristique que la Salers. Elle ne donne son veau que si c'est son veau qui attaque la traite. Donc quand ils m'ont emmené dans cette ferme-là et qu'ils connaissaient l'attachement que j'avais, j'ai dit c'est une blague. C'est un scénario. Et en fait, je me retrouve en Auvergne. Et ils sont quand même une vingtaine de producteurs avec vraiment des beaux troupeaux. Aujourd'hui, ils donnent leur lait aussi à une coopérative et ils ont envie de monter un projet de transformation fromagère et de faire des fromages avec une typicité française, essayer de faire des brie, essayer de faire tout un tas de choses comme ça. Et je dis, il y a deux solutions. Soit on se dit, on n'y va pas, c'est une copie d'ersatz de français et ils nous font chier. Et là, il y a quelqu'un qui va le faire et ce ne sera pas des Français. Soit on dit, c'est nous Français qui mettons notre savoir-faire et on met un co-label et un co-branding avec une marque française là-bas.

  • Arnaud Montebourg

    C'est d'abord des hommes, des femmes, des savoir-faire, des gens qui n'ont pas à qui transmettre et donc des fromages qui vont disparaître. C'est la force de notre pays. Donc vous, vous êtes pour moi des vrais souverains.

  • Elia

    Le fromage est éternel, mais il a besoin pour cela de passeurs et de faiseurs. Innover pour partager l'excellence tout en s'attachant à perpétuer des traditions qui respectent notre terre comme nos animaux, c'est être un vrai souverain.

Description

Des centaines de fromages sont en train de disparaître avec leurs fermes. Arnaud Montebourg visite la maison d'affinage du Meilleur Ouvrier de France Hervé Mons, près de Roanne, avec le grossiste de fromage à Rungis Jean-Michel Peuch. Ils se battent pour que ces produits merveilleux et leurs terroirs se transmettent, et s'exportent.


Co-réalisé par Renaud Duguet et Maxime Verner. 

Voix off : Elia.

Générique : Guillaume Bérat.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Arnaud Montebourg

    Bonjour les Vrais Souverains, je suis Arnaud Montebourg et j'approuve ce podcast. J'ai créé il y a quelques années les Équipes du Made in France qui contribuent à construire, reconstruire la nouvelle agriculture et la nouvelle industrie de notre pays. On le fait modestement, mais on le fait concrètement. Et je vous emmène à la rencontre des vrais souverains, celles et ceux qui se battent au quotidien pour que la France redevienne ce grand pays inspirant que nous aimons tant et où nous voulons vivre longtemps.

  • Elia

    La France et ses fromages sont indissociables. Pendant l'occupation allemande, Winston Churchill pensait à voix haute qu'un pays capable de donner au monde 360 fromages ne peut pas mourir. En 1962, c'est le général de Gaulle qui décrète qu'on ne peut pas gouverner un pays qui offre 264 variétés de fromages. 60 ans plus tard, c'est encore plus vrai que jamais. 96 % des Français consomment du fromage régulièrement, 25 kilos par personne en moyenne chaque année, où 2 millions de tonnes de fromage sont produits grâce à une filière présente sur 80% du territoire. Pour 1 400 producteurs de fromage et 400 affineurs, on dénombre 30 000 producteurs de lait, qui sont de plus en plus nombreux à transformer leur lait pour gagner de la valeur ajoutée. On parle aujourd'hui de 1 300 à 2 500 variétés de fromage différents. Ces merveilleux produits s'exportent pour 4 0% de notre production dans le monde entier. La France reste le premier exportateur mondial de fromage. Mais les départs en retraite et le regroupement font disparaître de plus en plus de fermes et de fromages. Heureusement, il existe de vrais souverains, passionnés par la sauvegarde des savoir-faire et la défense de notre culture. Arnaud Montebourg se rend à Saint Haon le Châtel, près de Rohanne, avec le grossiste de fromage à Rungis, Jean-Michel Peuch, pour rendre visite à Hervé Mons, Meilleur Ouvrier de France à la tête d'une maison d'affinage exceptionnelle. La visite commence par le tunnel de la Collonge à Ambierle, dans la Loire. En 2009, la maison Mons a investi 500 000 euros dans cet ancien tunnel ferroviaire long de 250 mètres et large de 5 mètres, fermé juste après guerre.

  • Hervé Mons

    Le truc qui était génial, c'est que c'est des compagnons menuisiers qui m'ont fait ça, parce que la particularité du tunnel, il descend et il tourne. Et je veux des planches de la même taille. Donc en fait, les poteaux intérieurs sont toutes les photos extérieures pour rattraper la courbe descendante. Et si vous venez là, les tasseaux pour mettre les planches rattrapent le dénigré de la pente pour qu'ils soient tous à la même hauteur pour faciliter le travail. Et là-dessus, on avait fait une petite couverture aussi à Volige pour se dire le… gros souci du tunnel quand j'en parlais tout à l'heure sur les bossées c'est l'eau et l'infiltration c'est une catastrophe parce qu'une goutte d'eau sur un fromage le fromage c'est foutu donc on a crépi la voûte le phénomène que l'on recherchait c'est que l'eau a pour survie de la voûte et est revenue sur les murs donc les fromages sont prisonniers entre deux murs d'eau donc en termes d'humidité c'est juste génial et après le phénomène d'aération du tunnel on ne m'en a pas parlé tout à l'heure mais si vous regardez là on a des petites bouches qui sont à peu près tous les 10 mètres y compris au centre où on a laissé du con cassé Ça c'est relié par tout un réseau de tuyaux qui montent sur une énorme pompe à l'extérieur et qui nous fait de l'aspiration. Alors on met le tunnel sous vide, en gros, j'exagère, et de chaque côté il y a un puits canadien qui va m'amener l'air de l'extérieur. En passant par le puits canadien, ça me permet de refroidir l'air ambiant qui est dehors parce que je n'ai pas d'autres réfrigérants. Mais le truc est génial, c'est qu'ici j'ai grosso modo 7 à 8000 m3 d'air, et je régénère grosso modo un flux de 100 m3 toutes les deux heures. Donc même si l'air qui arrive dehors est avec un écart de température de 4 à 5 degrés positifs, L'emprise du tunnel fait que je n'arrive pas à déstabiliser la température ambiante de mon tunnel et je régénère quand même mon air.

  • Elia

    Hervé Mons nous raconte ce qui fait la particularité de ce fromage.

  • Hervé Mons

    Le bio, ce n'est pas qu'un label, c'est une vraie philosophie. Et on est parti pour dire pourquoi on a voulu se rapproprier le bio et se dire on part avec des producteurs bio, parce qu'on ne voulait plus dé-saisonner. Dé-saisonner, ça veut dire quoi ? C'est qu'encore une fois, devant cette soif de vouloir toujours du produit toute l'année, on a oublié le cycle naturel qui était la gestation, dans lequel les naissances étaient au printemps. Les bêtes étaient tarées à la sortie de l'automne, et elles nous refaisaient une naissance pour ça repart, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il faut qu'il y ait une naissance si on veut avoir du lait avec un magnifère, sinon on n'a pas de lait. L'idée, ça a été de travailler dans cet esprit-là et faire qu'on a ces pierres, une volumétrie de lait beaucoup plus importante à la sortie du printemps jusqu'à l'automne. Là, on est avec un fromage qu'on va fabriquer pendant six mois d'année. et pendant 6 autres mois de l'année on n'en fabriquera plus parce qu'il n'y aura plus de lait mais on s'est rendu compte qu'en travaillant de cette manière là le contexte qu'avait le paysan à la fois sa ferme à la fois les pâtures qu'il avait mises en place la sélection qu'il avait fait au niveau de ses trocots et de ses agnelles l'accompagnement qu'on avait fait qui est une méthode qui est ce qu'elle est mais qui s'appelle l'obsalime qui est vraiment une observation sur le comportement animalier dans lequel on va aller Observer les animaux, on va leur faire à la fois un peeling, donc une analyse ABN du poil, on va aller faire une prise de sang, on va aller regarder s'ils ont des boitrines, on va regarder comment ils solent, on va travailler en homéopathie, on va travailler avec des huiles essentielles. Après on fait une observation complète qui va nous faire un diagnostic sur l'animal. Et ça nous permet de savoir si, à la fois, ce qui boit est équilibré, parce qu'on a des phénomènes d'eau qui sont très importants, si on a, encore une fois, un sol qui est plus ou moins minéral, plus ou moins déminéralisé, si on a de l'azote, si on n'en a pas assez. Et c'est ça qui fait le fromage. Notre travail, c'est ça, c'est de bonifier le produit. C'est de les conduire dans des conditions qui font qu'ici, entre l'humidité, le travail et les soins, on ne robotise pas. Et je ne fais absolument pas un jugement sur ce qui s'est passé, mais si on prend nos copains du comté, le Beaufort, même l'Abondance, les mains d'oeuvre se raréfiant, c'est quand même physiquement pas simple. Donc on a robotisé les phénomènes de caves qui font qu'aujourd'hui, les produits sont pris par des robots automatiques qui viennent les enlever des étagères, qui les frottent, qui les remettent en place. Et ces robots... Les premiers robots qui ont été mis en place, pour nous, ça a été un peu dramatique parce qu'il n'y avait plus ce phénomène que l'œil de l'affineur qui disait Tiens, sur certaines pièces, je vais un peu plus la mouiller celle-ci, celle-ci, je vais laisser un peu plus celle-ci, celle-ci, je ne vais pas la retourner tout de suite. Tout s'est automatisé. Et là, c'est là qu'on s'est dit, nous, il faut à tout prix qu'on reprenne la main sur nos stocks. Et c'est pour ça que le tunnel est arrivé à boule pour poing. C'est qu'on était déjà dans l'idée que nous, d'acheter des fromages, de prendre le risque de les acheter, de dire maintenant c'est nous qui les affinons, c'est nous qui les gardons parce qu'on préférait ce qu'on faisait. Les robots ont beaucoup évolué. En 15 ans de temps, c'est phénoménal. Ils arrivent à tout isoler et à programmer des soins différents sur l'onglet l'eau. Il n'y a que quelques affineurs qui arrivent à faire ça avec un nouveau matériel aujourd'hui. Là, dans le tunnel, quand on est au maxi, on a à peu près 3-4 500 pièces différentes. Et en tout, c'est 120 tonnes quand on est au maxi. Par rapport à des gens comme le comté, 72 000 tonnes, vous allez voir une cave à comté, vous allez chez notre copain Arnaud, vous allez chez Petit.

  • Arnaud Montebourg

    Au fort des rues.

  • Hervé Mons

    Oui, 40 000 fromages. On est dans des cathédrales, c'est autre chose. Mais ils sont monoproduits. Nous, on est dans la diversité et on cherche à faire du chirurgical avec les fromages. C'est le niveau d'exigence qu'on a dû faire et ce que nos clients attendent de nous aujourd'hui. La fineur était banquée. parce que quand les producteurs se sont déclés sur une campagne de 6 mois et qu'ils devaient attendre 6 mois après pour refaire leur deuxième campagne il y a souvent l'affineur mettait l'avance pour boucher le trou d'entre les deux campagnes et payer à l'avance la prochaine campagne de fromage qui était faite ou une partie l'affinage même chose, il faisait un affinage pour lui mais il pouvait faire aussi un affinage à façon pour son propre producteur qui avait décidé d'en vendre aussi localement pour lui et l'affineur c'est fou que quand je vais en Espagne ou quand je vais en Italie on est dans la catégorie sociale Là, dans la filière, ici. T'as dit la fineur, ouais.

  • Arnaud Montebourg

    Tu peux dire où tu es, là ?

  • Hervé Mons

    Pas loin de... Là-haut, là-haut ! C'est lui qui transforme... Quand on est en France et qu'on parle de la fineur... il y a une espèce de rapport à être un intermédiaire, à être quelqu'un qui vient se mettre au milieu du jeu, alors qu'on ne voit pas du tout le côté qui est bonification des produits, travail, retournement, stockage. Ça se voit. Mais là, c'est un vrai métier. Mais ce n'est pas quelque chose qui est acquis. Je le vois quand je vais chez mes copains italiens, que ce soit des gens qui sont dans la salaison, mais tout le monde les appelle. Et doctore, parce qu'il y a réellement un titre par rapport à son travail. En France, avant qu'on ait cette reconnaissance, aujourd'hui, quand on parle d'émettre, déjà, c'est une vraie complication avec l'artisanat et qui sait qui émette artisan, qui sait qui ne l'émet pas. Et là, les affineurs, aujourd'hui, on retrouve un peu notre tête de noblesse, parce qu'on est tellement allé loin dans le fait de raccourcir la filière et de conditionner des produits tout de suite après fabrication sous plastique pour les mettre dans des barquettes et les mettre en libre-service. Ça, c'est 90% du business et de la consommation. Il ne faut pas l'oublier. Il ne restait plus que 10% d'un marché où il fallait travailler des produits. Et aujourd'hui, on a des consommateurs qui quand ils goûtent, ça commence à faire titre. Ils disent Attends, ce truc-là, je le goûte, ça a vraiment un si pite, ça n'a pas de goût. La blague que je faisais tout à l'heure sur les marquettes, vendues en slicer sous plastique dans des marquettes, franchement, une chance qu'il y ait des patates qui ont du goût, parce que ce n'est pas la raclette qui va en amener. Là, on les affine pendant 4 mois, on les frotte, on les tourne, on les fait goûter, ça fond sur la pomme de terre, ça dégage du goût, ça a une odeur, il ne se passe pas de choses. Et le consommateur n'est pas dupe. Et nous, c'est génial aujourd'hui de constater qu'il y a une génération qui arrive, entre 25 et 40 ans. plutôt des gars bien câblés qui ont un peu un revenu mais qui sont curieux qui écoutent et qui aiment et qui goûtent et ceux-là c'est vraiment nos clients de main parce que ceux-là font la différence par contre attention ils vont nous donner leur confiance mais il faut qu'on soit toujours à un niveau d'excellence incroyable parce qu'ils ne pardonnent pas que ce soit moins bien Et c'est ce qui est très compliqué à faire avec des produits au lait cru, des produits fermés, des produits qui sont vivants et qui nous amènent des blagues tous les jours. On n'a pas la science infuse. Franchement, ce qui est le plus compliqué aujourd'hui, c'est de répéter l'excellence tous les jours, pas avec des produits vivants.

  • Elia

    Le maître affinant nous présente l'exemple type du producteur de demain. Géraud Delorme et son salaire tradition d'exception, produit à jour sec dans le Cantal.

  • Hervé Mons

    Géraud Delorme, c'est l'exemple type du producteur de demain. Si on avait des mecs comme ça, ce serait extraordinaire. Mais c'est un moine. Et lui, donc deuxième génération, reprend la ferme derrière ses parents et décide de se mettre en salaire tradition alors que ses parents vendaient de lait. Et là, il décide quand il le fait, on se connaissait à l'époque, on a réussi à mettre un lien qui était vraiment important et on lui a garanti un revenu en mettant un prix tout de suite sur son fromage s'il était au niveau. Il n'est pas au niveau son fromage. là ce qu'il a fait en 3 ans de temps c'est le meilleur fromager que j'ai jamais vu en salaire tradition jamais et là l'année dernière il leur a pété tous les compteurs sur le classement du CIF ils avaient jamais vu des fromages comme ça mais c'est un garçon quand c'est la saison les bêtes sont pas désaisonnées on a une courbe de lactation qui démarre à partir du mois d'avril qui s'arrête à peu près au 15 octobre on a des bêtes qui sont uniquement à l'herbe et rien d'autre parce qu'ils peuvent rien leur donner d'autre donc il n'y a pas le choix Il n'y a pas le choix, l'appel du veau pour pouvoir démarrer la traite parce que la mère a des vaches sans lait. Oui, c'est juste un truc de la mère et du veau. C'est juste une histoire. En fait, la salaire, encore une fois, coûte bien. Comme toutes les vaches, qui étaient quand même avant tout des mères, avant de donner leur lait, étaient proches de leur veau. On a mécanisé la traite, on a fait tout un tas de choses, on a aussi fait des sélections génétiques, on a rendu des vaches plus accoutumées au phénomène de traite électrique et qui, petit à petit, pouvaient se séparer de leur veau très rapidement. La salaire, comme elle était un peu isolée dans le bassin laitier, que ce n'était pas celle qui était la plus traite, tout le monde l'a un peu oubliée. sauf qu'elle a un instinct maternel assez dominant. Donc si elle ne sent pas son veau, tu peux bien la caresser dans tous les sens du point de vue. Elle ne donnera pas son veau. Elle ne donnera pas un litre de lait. Donc la complexité de la traite, c'est de faire l'appel de son petit, qui vient se mettre sous le pied de la mère, qui commence à traire, et là il commence lui à prendre le premier lait, et là à un moment le vaché, il doit tromper la mère, parce qu'elle doit sentir son veau toujours à côté d'elle. Donc il y a un tout passe-passe à faire. avec une poignée de sel, on balance une poignée de sel sur le dos du veau. La mère reconnaît son petit, elle adore le sel, elle donne un petit coup de langue affectueux sur le dos de son petit. Et à ce moment-là, le boutillier avec la corde attache le veau à la patte de la mère et de l'autre côté, le vaché, prêt à la place du veau. Ce lait est mis dans un contenant qui s'appelle une gerle qui est en bois. Et plus jamais le lait va sortir de cette gerle sans être du fromage. tout va se passer dans la germe. Pas de ferment. La germe. Un récipient en bois comme un food, comme un tonneau. Et en définitive, ce qui est vraiment génial, c'est que ce lait est resté réellement sauvage. Pour moi, on est dans la technique de fromage la plus ancienne, qui n'a pas été modifiée depuis plus de plusieurs centaines d'années. Et il y a surtout cette caractéristique, c'est qu'elle est issue de manière verticale. Le vache, le lait, la germe. il n'y a rien d'autre à part deux gouttes de présure pour pouvoir en présurer, c'est terminé. Donc tous les ferments, tous les levains, tout ce qui permet d'acidifier le lait, vient à la fois de ce sacré tonneau en bois qui s'appelle la gergue, qui a lui-même développé ses propres ferments, et qui devient un véritable starter pour démarrer l'acidification du lait sans passer par aucun artifice. Ça c'est quand même assez magique. Et après la blague, là il y en a pour un moment, on découpe le cahier, une fois qu'on l'a découpé, on enlève le petit lait, on le balance sur une table à pressage, on découpe et on presse entre 15 et 17 fois de suite. Ensuite, on broie le fromage. Ça veut dire, encore une fois, accélérer l'égouttage du fromage parce que là, on est en train de vouloir faire une pâte dure. Ce qui est génial dans ce fromage-là, c'est le seul fromage... Il est un peu bourré, un peu. Oui, il a un tout petit peu coiffé, les grains sont tous un petit peu espacés. Mais c'est une exception qui confirme la règle. Tous les fromages de garde qu'on a fabriqués en Savoie, dans le Jura, sont des fromages à pâte pressée cuite. C'est-à-dire, on s'est servi d'un chaudron, d'une énergie avec du bois et du feu pour remonter la température du petit lait afin de pouvoir... concentrer ces grains de cahier pour qu'ils soient le plus secs possible, qu'ils perdent le maximum de leur eau, pour qu'ils puissent nous faire une pâte dure une fois qu'ils sont pressés. Quand je suis en Auvergne, je n'ai pas de bois, je n'ai pas de feu, je suis dans la misère. Donc, qu'est-ce que je fais ? Le seul moyen que j'ai pour faire une pâte pressée, c'est de prendre mon cahier, de le presser, de le couper, de le represser, de le couper, de le represser, de le couper, ainsi de suite, pendant un certain nombre de fois, jusqu'à ce que j'obtienne la texture. Tu comprends ? Ensuite ?

  • Arnaud Montebourg

    Oui,

  • Hervé Mons

    ensuite, ce n'est pas fini. Attends, je brise ce cahier, vraiment. dans une machine qui va réellement le broyer en fines lambeaux. Et ces lambeaux, après, je les mets dans une grande main en bois, et là, je mets mon sel. Donc, il est salé dans la masse. Et là, ce n'est pas fini. Une fois qu'il est salé dans la masse, je prends l'ensemble, et enfin, je vais le mettre dans son moule sur lequel il sera mis en presse. Et c'est le seul fromage qui est une pâte pressée non cuite et qui peut se garder plus d'un an. Une tuerie.

  • Elia

    La Fineur, meilleure ouvrière de France, a-t-il une place dans son écosystème pour les grands industriels du lait ?

  • Hervé Mons

    Il ne faut pas scinder cette sacrée filière laitière. Industriel, grands groupes, fermiers, artisans, coopératifs, tout le monde doit être ensemble. Parce que cette filière ne tiendrait pas, si un de ces opérateurs-là disparaît, la filière s'écroule. Je vais juste vous faire un exemple. Aujourd'hui, un producteur fermier peut avoir du lait parce qu'il a été collecté à un moment. Il décide de son initiative de vouloir aujourd'hui se transformer, s'approprier tout son lait et faire sa transformation. Il n'y aurait pas eu un moment où une coopérative, un collecteur, un laitier pour ramasser son lait, son projet n'aurait jamais pu aboutir. Et je vais même plus loin. Pour donner du confort à ces producteurs fermiers, à aujourd'hui, sur 7 jours dans lesquels ils sont avec leur lait, matin et soir, ils ont la possibilité de transformer un jour, deux jours, trois jours, et le reste du temps, donner leur supplut de lait au laitier. Donc... Attention à ce que tout le monde s'entende là, et qu'il y ait une belle cohabitation, et de ne pas monter les gens les uns contre les autres.

  • Elia

    Le désir de fromage est très fort dans la société. Mais celui de le produire, c'est tiole. La passion des producteurs est-elle la seule solution ?

  • Hervé Mons

    Il y a une attente du consommateur aujourd'hui, il y a l'idée qu'on a envie de revisiter un peu notre agriculture, et de se dire que ce serait bien qu'on la rende encore plus belle. et qu'on ait des produits qui soient vraiment en adéquation avec notre terroir, nos traditions, nos savoir-faire, et surtout qu'on ait des produits qui soient de grande qualité. Et j'entends qualité gustative, organoleptique, des typicités que nul ne peut nous prendre parce qu'on a ce phénomène de microclimats, de savoir-faire, qu'il faut à tout prix qu'on préserve. Toute cette économie a été un peu malmenée par les systèmes qui ont été mis en place. Maintenant, la vraie question est de se dire comment elle perdure. Comment elle perdure ? Je pense que Jean-Michel et moi-même on partage la même chose, on est dans l'optimisme et on y croit dur comme fer. Il faut se dire qu'on gomme pas 40 ans de politique agricole, économique et un phénomène social grandissant qui fait que, quoi qu'il en soit, les mentalités, je parle pas de génération, je parle vraiment de mentalités, ont évolué et que le rapport au travail ne va pas être le même. Et de s'investir dans sa vie professionnelle, les choses... ont un peu évolué aussi. Donc je me suis toujours battu contre ce terme de passionné. Parce qu'on croit qu'avec la passion, tout peut passer, mais la passion ça peut être aussi chronophage et d'encreux. Parce qu'on a vu des gens vivre passionnément et réfléchir qu'après, et quelque part créer un peu leur malheur, parce qu'ils étaient tellement dans la passion, et à vouloir vraiment réussir à tout prix, qu'à un moment ça s'est plutôt transformé en sacerdoce qu'en réussite. Et aujourd'hui c'est de se dire comment on peut accompagner des projets, qui font qu'on n'y fera pas à pas. À notre niveau, encore une fois, j'appelle souvent ça la méthode du colibri. C'est une petite goutte d'eau, mais c'est toujours une petite goutte d'eau. Et si on ne la commence pas, on ne construira pas l'océan. Donc c'est de se dire comment aujourd'hui, de par les rencontres que l'on a, les opportunités que l'on a.

  • Elia

    Comment Hervé Mance et Jean-Michel Poche s'y prennent pour faciliter la transmission des fromages menacés de disparition ?

  • Hervé Mons

    C'est expérimental, et peut-être presque un cas particulier. Chaque exploitation à l'école est presque un cas particulier, alors que quand on les regarde dans la grande globalité, on dit qu'ils ont les mêmes préoccupations, ils ont le même contexte climatique, ils ont le même matériel, ils ont les mêmes méthodes. Faut ramener à l'individu, c'est un cas d'exception à chaque fois. Et il faut se dire que ce monde paysan, il s'est quand même structuré et organisé de par lui-même. Donc on est souvent avec des gens, et c'était assez amusant si on prend l'histoire de Christian avec le Gournois. En fait, Galas est un ancien 68a. Il s'est barré de Paris avec une vieille R16, il est tombé en panne en Corrèze, il a discuté avec le paysan, l'autre lui a prêté une ferme, il est resté là, et il a fabriqué un fromage qui s'appelait le Gournois, à 40 ans après c'était un succès. Et par contre pas de repreneur, rien derrière lui, une toute petite exploitation, de 110 et 120 chèvres, et pas de solution. Et quand il m'annonce 2-3 fois de suite, Hervé on va pas reprendre, on va laisser tomber, le gars que j'ai eu ça va pas en fait tous les gens qui se présentaient ça allait pas. Et en fait, à un moment, la solution était de dire, attends, bon, ça s'arrête, ça s'arrête, ok. Les moules existent, le process existe, la recette existe. Ça nous plaît pas, mais on va la délocaliser. Mais on l'a laissé en France. Et en fait, on avait un producteur de notre côté qu'on connaissait, qui venait d'investir dans une ferme, qui avait comme une volume utriblée assez conséquente, et qui en fait, était en train de fabriquer des fromages pour un certain réseau de distribution qui voulait pas lui revaloriser, et économiquement, il était quand même pas serein. On lui dit, écoute, on t'amène une recette, on t'amène un produit, on t'amène le producteur, il va t'apprendre à faire son fromage. On va goûter et on va voir si on est loin du compte entre ce que nous vous écritions et ce que vous nous avez fait.

  • Arnaud Montebourg

    T'as déjà réalisé combien de kilomètres ?

  • Hervé Mons

    Je ne me suis pas passé de la Corrèze à l'autre gare. On va dire 250 kilomètres. Je pense que la plupart des problèmes sur ces transmissions, c'est qu'elles sont prises toujours trop tard. C'est qu'en fait, les gens n'arrivent pas à se projeter. Ils pensent toujours au miracle, mais sans aller le chercher. En disant, ouais, je vais céder ma ferme, mais il y aura bien quelqu'un, donc je fais deux annonces dans France Agricole, trois dans la rubrique du coin, deux dans le Bon Coin, mais enfin, c'est pas comme ça vraiment que tu vas retrouver un repreneur, ou il faut avoir vraiment la baraka du siècle. Donc tout ça, ça doit se préparer. Et pourquoi nous, on a réussi à faire ça ? Parce qu'en fait, on a du réseau. J'avais le producteur, Jean-Michel pouvait amener la distribution, Alex qui est notre copain...

  • Arnaud Montebourg

    Oui parce que vous, vous avez une arme extraordinaire, c'est vous, vous avez une carrière de commande.

  • Hervé Mons

    Ah bah le dégout de Jean-Michel, il est sur des...

  • Arnaud Montebourg

    Donc en fait, vous, vous êtes capable de dire à des successeurs de producteurs...

  • Hervé Mons

    Nous,

  • Arnaud Montebourg

    il y a le débouché, on fait les prix et on lit.

  • Hervé Mons

    Surtout si en plus ces producteurs étaient déjà nos producteurs. Parce qu'en fait les premières préoccupations qu'on a, c'est d'abord de pérenniser ce que nous on a construit avec nos propres producteurs. Franchement c'est notre première interrogation. Après, le cas qui est intéressant là, c'est que ce producteur était dans mon réseau. Jean-Michel le connaissait bien parce qu'il avait quand même une distribution assez conséquente sur les grossistes de Rungis. Moi, je l'avais en direct parce que c'était un historique que j'avais monté avec lui. Et Alex, notre copain qui lui est sur la région Bordeaux, lui avait l'autre producteur qui avait une ferme dans laquelle il voyait bien qu'il était un peu en difficulté parce qu'il arrivait dans le même endroit. Et en fait, ce qui est génial, c'est de se remettre autour de la table assez fréquemment et de se dire, tu as quoi comme problématique chez toi ? Qu'est-ce qui se passe dans ton réseau ? Qu'est-ce que tu as avec tes producteurs ? Est-ce que tu as des infos ? Est-ce que quelque chose se recoupe ? Et on met tous ces sujets sur la table et on se dit maintenant, on se coule le panier et est-ce qu'on a des solutions ? Et Arnaud, c'est vrai que la vraie bonne question et la vraie bonne solution à ces problèmes-là, c'est de transférer les savoir-faire et de créer un vivier de gens formés. Je crois quand même dans la passion de tous ces gens qu'on rencontre, effectivement, il faut peut-être un peu les cadrer, il faut peut-être un peu cadrer les passions, les accompagner. En Normandie, on est vache de vache là, ça c'est des néo-ruraux. Ben oui, même si ils avaient déjà ces paroles, ils travaillaient dans la finance pendant 10 ans. Et ce qu'il y a de sympa, c'est qu'en fait, moi ça m'a fait rigoler parce que j'ai vu, j'ai connu, j'ai vu un peu la fin, parce que c'était juste, j'étais encore jeune, mais ce phénomène 68, où une catégorie un peu d'intello-bobo parisien sont partis à la campagne porter des tongs avec des membres blanches et aller s'occuper des pierres. Il y a eu du déchet, mais par contre, il faut reconnaître une chose, ceux qui ont réussi ont mourement bien réussi et ont donné une toute autre image de l'agriculture. et de l'élevage et du métier. Parce que justement, ils sont arrivés par un autre angle, ils se sont professionnalisés, ils ont eu des embûches, ils ont eu des difficultés, mais par contre ils avaient une vision, un intellect qui fait que ils n'étaient pas forcément du CERAC et des fois ce n'est pas toujours un avantage d'être resté les deux pieds dedans tout le temps de génération en génération et de ne pas se trouver à l'esprit pour aller voir ce qui se passait ailleurs.

  • Elia

    Faut-il tout miser sur le Made in France ou transférer nos savoir-faire ?

  • Hervé Mons

    Moi qui suis un féru du l'export, et j'ai adoré parce que ça m'a vraiment amené plein de choses, et je reste toujours un grand voyageur, malgré tout, je pense que demain, il n'y a pas de souci pour que des gens dans le monde entier en veuillent et se le payent. Je n'ai pas de souci avec ça. Par contre, pour ce qui est de dire on nourrit, je pense qu'il est plus judicieux aujourd'hui de dire on prend notre label France, on fait de la joint venture et on transfère nos savoir-faire et par contre on prend des parties prenantes sur les pays émergents et là on vend de la France. Moi je suis sur un projet de Brésil, aujourd'hui je me suis battu pour récupérer ce projet-là. Le modèle aujourd'hui, c'est des fermiers qui sont dans la région du Minas Gereis et qui font un fromage qui s'appelle la canastra, qui n'est vraiment pas un fromage terrible, mais pour eux c'est dans leur culture, c'est comme ça qu'ils le trouvent bon. Par contre je suis sur un spot impressionnant, c'est les montagnes où il y avait les anciennes mines d'argent des Portugais et j'ai l'impression de me retrouver en Auvergne, mais avec des montagnes trois fois plus hautes et des cascades dix fois plus hautes. Mais dans le même contexte. Et, fin du fin, parce que ça fallait quand même le faire, ils ont une race, six espèces, cinq sont pour la viande, et il y a deux races à côté, deux espèces de zébus qui s'appellent la gire. Et la gire, c'est assez incroyable, a exactement la même caractéristique que la Salers. Elle ne donne son veau que si c'est son veau qui attaque la traite. Donc quand ils m'ont emmené dans cette ferme-là et qu'ils connaissaient l'attachement que j'avais, j'ai dit c'est une blague. C'est un scénario. Et en fait, je me retrouve en Auvergne. Et ils sont quand même une vingtaine de producteurs avec vraiment des beaux troupeaux. Aujourd'hui, ils donnent leur lait aussi à une coopérative et ils ont envie de monter un projet de transformation fromagère et de faire des fromages avec une typicité française, essayer de faire des brie, essayer de faire tout un tas de choses comme ça. Et je dis, il y a deux solutions. Soit on se dit, on n'y va pas, c'est une copie d'ersatz de français et ils nous font chier. Et là, il y a quelqu'un qui va le faire et ce ne sera pas des Français. Soit on dit, c'est nous Français qui mettons notre savoir-faire et on met un co-label et un co-branding avec une marque française là-bas.

  • Arnaud Montebourg

    C'est d'abord des hommes, des femmes, des savoir-faire, des gens qui n'ont pas à qui transmettre et donc des fromages qui vont disparaître. C'est la force de notre pays. Donc vous, vous êtes pour moi des vrais souverains.

  • Elia

    Le fromage est éternel, mais il a besoin pour cela de passeurs et de faiseurs. Innover pour partager l'excellence tout en s'attachant à perpétuer des traditions qui respectent notre terre comme nos animaux, c'est être un vrai souverain.

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