- Speaker #0
donner la voix aux femmes c'est aussi leur rendre leur pouvoir je suis Marie-Laure Hisette, coach et conférencière et je vous emmène à la découverte de femmes leaders qui osent bousculer les codes savez-vous que 90% des personnes qui suivent régulièrement ce podcast ne sont pas encore abonnées ? si ces conversations vous inspirent merci de me rendre un petit service et de cliquer sur s'abonner, plus vous serez nombreuses plus nous donnerons ensemble de la puissance à la voix de ces femmes guilloses. Bienvenue Fabien sur le podcast qui s'appelle Liberté d'être femme, mais tu es le premier homme à avoir accepté de venir partager ton témoignage et je t'en remercie.
- Speaker #1
Bonjour Marie-Laure, je suis ravi. Je suis un peu intimidé par le fait d'être le premier garçon, le premier homme sur le podcast, mais en même temps ravi de l'être et je pense qu'on s'en expliquera tout à l'heure.
- Speaker #0
Oui, pour poser le contexte, avec Fabien, pour les auditrices et les auditeurs, on a échangé pour une toute autre raison que le podcast, mais le courant est bien passé. Et puis, j'ai vu qu'on partageait des valeurs communes. Alors, je me suis dit, allez, sautons le pas, je lui propose. Ça va être le premier homme qui va pouvoir témoigner. Et j'en suis ravie parce que je trouve que c'est bien d'avoir... d'être moi-même dans l'inclusion, puisque après tout c'est ce que je prône, et de pouvoir aussi entendre la parole d'un homme. Dis-moi Fabien, tu as un parcours qui est très dense, qui est très varié. Si tu devais choisir un fil rouge, un moteur commun à tout ça, ce serait quoi ?
- Speaker #1
Le vent. J'étais là où le vent me portait. C'est les rencontres, c'est l'humain, c'est l'échange. C'est la reconnaissance, et je pense qu'on parlera de reconnaissance, c'est la reconnaissance entre les uns et les autres, de notre capacité à interagir, à coopérer, à mutualiser, et c'est là où les opportunités ainsi se présentaient, mais systématiquement par la rencontre.
- Speaker #0
Donc, tu poses déjà, tu parles de la rencontre, donc je me permets d'utiliser le mot humain, parce que je sais que c'est quelque chose qui est important pour toi. Donc, finalement, c'est un fil conducteur humain, si je peux me permettre de dire.
- Speaker #1
Je pense qu'il me semble qu'il faut, de toute façon, sur l'ensemble de nos réflexions, qu'elles soient sociétales, managériales, peu importe, qu'il faut systématiquement replacer l'être humain au centre des préoccupations. Parce que c'est notre seule façon, c'est notre seul biais, notre seul axe pour équilibrer, harmoniser, avancer ensemble.
- Speaker #0
C'est des belles paroles et on va revenir, je pense, à plein de reprises sur cette expression de remettre l'humain au centre des préoccupations parce que j'ai compris que c'était quelque chose d'essentiel pour toi et évidemment, c'est une des choses que l'on partage. Dis-moi, tu as travaillé aussi bien avec des entreprises qu'avec des institutions publiques en France, beaucoup à l'international. Qu'est-ce que ces univers t'ont appris justement sur le lien humain au travail ?
- Speaker #1
Ça m'a beaucoup appris que, autant dans le public que dans le privé, peut-être plus dans certains pays que dans d'autres, moi dans les pays où l'envie de partager, dans les cultures latines par exemple, je pense à l'Amérique latine, mais pas uniquement. L'envie de partager est plus forte. Mais en tous les cas, sur le rapport au travail, alors tout le monde travaille a priori parce que tout le monde a besoin de vivre et se rémunérer donc pour vivre, que ce soit en qualité de salarié ou en qualité d'indépendant, quels que soient les droits sur lesquels on est né dans le monde. mais que ce rapport au travail, il peut être une contrainte ou une joie. Et que ça, ça dépend de ce que l'on en fait ensemble.
- Speaker #0
Ça m'amène à un sujet que tu as évoqué l'autre jour quand on a parlé, tu m'as parlé de l'intelligence situationnelle. Comment est-ce que tu définirais déjà, qu'est-ce que c'est pour toi l'intelligence situationnelle ?
- Speaker #1
Alors, définissons le fond. On vit dans un monde qui est de moins en moins prévisible, de plus en plus chahuté, pour le bien ou pour le mal. Et que ce soit... en géopolitique, en économie, avec un impact très très fort sur nos vies, mais également sur nos entreprises, et ça c'est sur l'ensemble de la planète. Et la cartographie, elle change sans arrêt. Les données qui autrefois étaient figées pour longtemps, changent sans arrêt. Et on a... plusieurs choix possibles, soit de laisser les trains passer en se disant « jusqu'ici tout va bien et on verra bien tout à l'heure » . On peut aussi réagir de façon évidemment proportionnée, mais réagir systématiquement aux changements dans la cartographie en modulant nos interprétations, nos convictions. nos certitudes, en les modulant, pour réagir systématiquement et immédiatement trouver une réponse. L'intelligence situationnelle, c'est quelque chose que les militaires comprennent bien, et surtout ceux qui sont dans des unités de commandos, où on va rapprocher, où il faut répondre au moment donné, parce que si on ne répond pas, on est mort. En fait, il y a des entreprises qui meurent comme ça. Elles meurent comme ça parce qu'elles ne répondent pas, au moment donné, parce qu'elles sont figées dans des schémas, dans des paradigmes. Mais ce qui est valable pour les entreprises est également valable pour l'humain. C'est-à-dire que nous sommes, femmes et hommes, figés des schémas, et nous sommes... tellement ancré dans nos certitudes et tellement plus ouvert à l'incertitude, aux doutes, tellement installé dans nos conforts, ce confort qui nous rend faibles, que nous avons de vraies difficultés à précisément être dans l'intelligence situationnelle, celle qui répond à toutes les situations à n'importe quel moment.
- Speaker #0
Alors, tu as évoqué plein de choses sur lesquelles j'aurais envie de rebondir, mais je vais quand même rester pour l'instant sur ma question, enfin, sur l'intelligence situationnelle. Pourquoi est-ce que, pour toi, c'est... Pourquoi et peut-être comment est-ce que c'est devenu un pilier de ta manière de manager ou d'accompagner ?
- Speaker #1
Peut-être que c'est parce que j'aime bien ce qui bouge, et que donc j'ai plus de facilité à l'appréhender. Ensuite, parce que... Parce qu'évidemment, comme nous toutes, nous tous, j'ai été éduqué, formaté. Je crois que c'est formaté, alors un peu moins que ceux qui sont passés par l'ENA et autres grandes écoles. Mais j'ai été formaté à appréhender les situations, n'appréhender les systèmes, n'appréhender les organisations qu'à travers la raison. Alors c'est pratique, c'est super bien, sauf que ça ne marche pas toujours. Et ça marche justement dans l'incertitude de moins en moins. C'est-à-dire qu'on nous a formaté à ne plus réagir par intuition. L'intuition qui n'est pas. pas du tout le contraire de la raison, mais qui peut accompagner la raison. On nous a appris, peut-être parce que nous sommes dans un monde essentiellement formaté par le masculin, de ne réagir qu'à travers la raison, et du coup, la raison, elle ne permet pas de répondre aux situations. Parce que face à l'imprimé, face au changement immédiat, face à l'immédiateté, C'est par l'intuition qu'on peut réagir. Ça ne veut pas dire que l'intuition est dénuée de raison. Ça veut dire qu'elle est hyper réactive, ce que n'est pas la raison.
- Speaker #0
Alors, du coup, c'est quoi pour toi l'intuition ? Qu'est-ce que tu pourrais poser comme mot pour expliquer comment toi tu perçois ça ?
- Speaker #1
Alors on va peut-être rapidement parler de quantique, mais avant ça, ce qui me paraît intéressant, c'est de se demander pourquoi est-ce qu'on est tellement dans la raison. Si je me demande pourquoi est-ce qu'on est essentiellement dans la raison, c'est parce que je sais, enfin nous savons tous, que nous sommes dans un monde qui, pour des raisons de pouvoir, et uniquement de pouvoir, mais ça depuis la caverne. Et ça se comprend bien et il n'y a pas de mal en soi. Ce qui peut être mal, c'est de ne pas vouloir sortir de quelque chose qui enferme. Et donc, on a une raison qui, en fait, répond à un impératif que nous nous sommes donnés, qui est celui de pouvoir, et le pouvoir, nous l'avons installé à travers le patriarcat, à travers le monde. Sauf que, pourquoi on a besoin de l'intuition ? Parce qu'on a besoin de transformer la société. On se rend bien compte aujourd'hui que nos schémas, nos systèmes, ne sont plus viables. Ils sont même plus fiables. Et la transformation sociale, elle a du mal avec la raison. Pourquoi ? Parce que pour transformer une société, pour transformer un système, pour transformer une entreprise, Pour nous transformer, il faut d'abord passer par la reconnaissance mutuelle. Parce que sans reconnaissance mutuelle, il ne peut pas y avoir de coopération. Et on voit bien que dans les entreprises, par exemple, qu'elles soient privées ou publiques, dans les organisations, tant qu'il n'y a pas de coopération, il n'y a pas de possibilité d'avancer. Et surtout, tant qu'il n'y a pas de coopération, on ne peut pas mutualiser. Et s'il n'y a pas de mutualisation, c'est juste de la guerre pour les sociétés. Pour les entreprises, c'est l'incapacité à s'adapter. Et pour nous, petits êtres humains, c'est femmes et hommes, c'est souvent la tristesse. Et moi, je n'ai pas envie de triste, j'ai envie de rigoler.
- Speaker #0
Ça, c'est une belle démarche. Et du coup, si on revient sur l'intuition, alors comment est-ce que tu la définis ?
- Speaker #1
L'intuition, elle est typiquement quantique, c'est-à-dire qu'effectivement, l'objectif peut être unique, mais les chemins pour y accéder sont innombrables. ils sont innombrables, ils sont indénombrables, tellement ils sont. Et c'est un peu comme quand on se réveille au milieu du désert le matin, le vent a effacé les traces de la veille, et le chemin est à 360 degrés, et là il n'y a pas de raison, il n'y a que de l'intuition qui va nous dire que c'est par ici ou c'est par là. C'est même le jour, donc on n'a plus les étoiles de la nuit pour nous guider. C'est tellement pratique les détoiles la nuit. Et donc, on a besoin de ça. On a besoin de retrouver cette voix intérieure qui nous dit, mais bien sûr que c'est ça. Et surtout c'est ça, parce que c'est ça qui nous fait du bien. C'est ça qui nous rend heureux. Alors peut-être que c'est pas raisonnable pour employer raison. Mais si on était raisonnable, on commencerait par exemple par la reconnaissance mutuelle, qui permet donc la coopération et la mutualisation. Or, on voit bien que dans nos sociétés, il n'y a pas de reconnaissance mutuelle. On ne se reconnaît pas les uns les autres, d'abord parce qu'on a tué le lien social, et aussi parce que, pour un patriarcat raisonnable, et on le voit bien dans nos entreprises, on aura Les hommes ne reconnaissent pas les femmes, enfin, elles ne les reconnaissent pas en tant que telles. Elles ne le reconnaissent pas en tant qu'égale.
- Speaker #0
Non.
- Speaker #1
Non. On est donc devant un obstacle majeur et devant des paradigmes qu'il nous faut absolument bousculer, voire exposer.
- Speaker #0
Tout à fait. C'est le but de ce podcast. Pas lui tout seul, évidemment, mais d'apporter une pierre à l'édifice.
- Speaker #1
Sinon, Marie-Laure, comment replacer l'être humain au sein des préoccupations ?
- Speaker #0
D'ailleurs, avouons-nous que ce n'est pas l'objectif principal de beaucoup de gens, tout simplement. Mais bon, il y a espoir que ça puisse changer, que ça puisse évoluer. Dis-moi, je reviens encore sur cette histoire d'intuition, parce que pour moi c'est quelque chose d'essentiel et d'important et qui m'anime aussi. Tu as parlé de l'aspect scientifique, tu as parlé de physique quantique. Est-ce que tu y mets du spirituel aussi ?
- Speaker #1
J'essaye de ne pas le faire la plupart du temps. Pourquoi ? Parce qu'on peut avoir des interlocuteurs. pour qui ça pose aucun problème, et d'autres pour qui ça pose problème. Je sais toujours de rester dans cette idée que les choix spirituels sont de l'ordre du privé, du choix individuel de chacune et de chacun. J'y mets personnellement du spirituel, pas dans le sens... Merci. puisque je fais la différence entre la foi et la religion, et précisément pour ne heurter personne, mais je crois effectivement qu'il y a une dimension spirituelle. D'ailleurs, on peut tout autant parler de spiritualité religieuse, qu'elle pose sur la religion, que de spiritualité laïque.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Peut-être qu'il y a un frein aussi à l'acceptation de l'intuition. pour accompagner la raison, parce que l'intuition, elle a toujours été connotée très fortement, en disant « oui, mais on parle d'intuition féminine, l'intuition c'est les femmes. » Alors que d'abord c'est totalement faux. Pourquoi ? Et parce que c'était bien pratique. Parce qu'on disait, les garçons, ils sont raisonnables. Et les filles, non. Ce qui est un non-sens, puisque toi et moi, comme toutes celles et ceux qui peuvent nous écouter, qui nous font le plaisir de nous écouter, on sait très très bien que c'est les femmes qui deviennent adultes, les garçons, ils restent adolescents. Adolescents parce qu'ils refusent de devenir adolescents. Ça, tout le monde le sait. c'est un bâtoir et voilà mais mais au delà de ça pour plaisanterie mise à part c'est pas vraiment une plaisanterie c'est le fait que voilà on a toujours dénigré l'intuition et puis c'est peut-être aussi parce qu'on en a peur parce que c'est quelque chose qu'on a du mal à évaluer mais tu rentres dans une entreprise moi je travaille aussi bien avec des états qui avec des entreprises Mais quand tu rentres dans une entreprise et il y a une problématique de fond sur la vision, sur les choix, et sur la façon dont on peut ou non remettre l'être humain au centre des préoccupations, on peut souvent le faire en équilibrant, c'est un optimum à Paris Centre en physique, on peut souvent en équilibrant de façon optimum les besoins économiques, les besoins sociaux et les besoins environnementaux. C'est exactement pareil pour les projets au niveau des États ou des grandes villes. Et ça, il y a une dose d'intuition pour le définir. Si on ne le fait que raisonnablement, d'abord on va mettre trois ans à le faire, alors on va avoir des audits fantastiques, mais il y a une part d'intuition. La part d'intuition, elle vient souvent d'ailleurs de la connaissance qu'on peut avoir. Alors là-dedans, effectivement, il y a… Il y a des schémas, il y a une méthodologie, mais qu'on peut avoir de l'identité de l'entreprise, de sa culture, et de ceux qui y travaillent. Comme pour un État, quand on met en place un projet, à dimension nationale par exemple, ou territoriale, on se pose la question de l'identité du territoire et des habitants. C'est là de la même façon. Et il y a une part d'intuition très très forte qui vient là-dedans. C'est quoi la couleur qui définit ce territoire ? C'est quoi son climat ? C'est quoi son histoire ? C'est quoi ce qu'il a fait ? C'est quoi sa musique ? C'est quoi les mots qui le définissent ? Et qui vont emmener les citoyens de ce pays, et les citoyennes, à partager le projet, à l'accompagner. Et bien pareil pour un projet d'entreprise.
- Speaker #0
Et ce que tu évoques, cette histoire, c'est d'ailleurs ma question d'après, tu vois, tu y es allé tout seul. L'identité de l'entreprise, de ceux qui y travaillent, ce que tu viens d'évoquer, c'est quelque chose que tu arrives à... à faire passer facilement dans un monde, alors là je pense au monde entrepreneurial en particulier, mais je ne sais pas comment ça se passe au niveau des États, dans un monde qui court quand même beaucoup après la rentabilité à court terme. Comment est-ce que s'est perçue cette notion de l'importance de l'identité commune et de l'identité individuelle des gens ?
- Speaker #1
Alors ça c'est quelque chose que j'ai réglé il y a très très longtemps. J'ai réglé ça. quand j'ai commencé à avoir mes premiers postes de management. Donc j'avais la trentaine, c'était des vieillards. Et donc j'ai évidemment été conscient que les gens pour qui je travaillais, que ce soit des personnes physiques ou d'autres, mais en groupe, dans des conseils d'administration, et ça a souvent été des conseils d'administration. Mais ça a été vrai également quand je travaillais dans le public, puisque j'ai été aussi dans le public avec des élus, c'est que, évidemment, il y a des objectifs économiques. Donc l'idée, ça a toujours été, et j'y suis toujours arrivé, jusqu'à présent, à faire émerger... Ce qui permettait aux dirigeants de comprendre que son intérêt économique était de faire avancer également le groupe humain socialement et également d'appréhender toutes les questions environnementales. C'est-à-dire, pour être très très simple, je vais donner un exemple. Je dirigeais un petit groupe hôtelier et il y a... et donc c'était l'époque des 35 ans. Donc évidemment j'avais devant moi une fédération patronale et également un conseiller d'administration et un chef d'entreprise qui étaient totalement opposés à ce type d'avancée sociale. A l'époque c'était une avancée, je ne sais pas si il s'en est une toujours aujourd'hui, mais à l'époque c'était une avancée sociale. Et donc j'ai pu penser des chiffres qui permettaient de montrer qu'à travers le passage aux 35 heures, le fait d'alléger une part du temps de travail, je rappelle qu'à cette époque c'était 43 heures en cuisine, mais en même temps d'engager d'autres personnes parce qu'il fallait bien remplir les plages horaires à tous les postes, ça permettait d'avoir une rentabilité plus importante après. C'est-à-dire qu'en associant les aides de l'État, les plages horaires ou habituellement, par exemple, au bar de l'hôtel, c'était vraiment pour avoir un exemple précis, le bar ne travaillait pas parce que là, du coup, il n'y avait pas de personnel, on a une personne supplémentaire. Et parce qu'on engage plus de monde, parce qu'on rétablit les plages horaires. Et puis que du coup, c'était une occasion pour travailler sur d'autres sujets. Du coup, puisqu'il y a de nouvelles personnes, il y a un nouveau groupe, on s'est mis à travailler sur la qualité en groupe de projet. Et puis parce qu'on travaillait sur la qualité, on s'est mis à plus mettre au centre l'être humain, mais pas seulement ceux qui travaillent dans l'entreprise, mais également les clients, etc. On a abouti à des schémas organisationnels complètement différents. Et donc, on a bousculé les choses. Et là-dedans, il y avait quand même beaucoup d'intuitifs au départ. C'est pareil lorsque je présente, et vraiment pour terminer, lorsque je présente un projet de développement territorial. Donc là, on est dans l'ingénierie territoriale et dans l'économie territoriale. Dans un état, que ce soit au Brésil, aux Émirats, au Sénégal, au Vietnam, et que j'accompagne des entreprises françaises sur ces projets, puisque c'est aussi une grande part de mon travail. c'est que ça ressemble aux habitants, ça ressemble à leur identité, et qu'en même temps, on associe systématiquement les progrès économiques, les progrès sociaux et les progrès environnementaux.
- Speaker #0
Pour toi, quand les dirigeants osent remettre l'humain au centre de leurs préoccupations, tu anticipes et ensuite tu observes un impact positif sur d'autres critères que l'humain, dont par exemple la rentabilité, l'économie. C'est quelque chose que tu as vraiment pu observer tout au long de ton expérience ?
- Speaker #1
Mais sinon, ça ne passerait pas. Si tu dis à un conseiller d'administration qu'il va perdre de l'argent en faisant quelque chose, il ne va pas le faire. Donc il faut arriver, il ne faut pas lui mentir, il ne s'agit pas du tout d'habiller la mariée. Il s'agit de dire, et c'est toujours le cas, je n'ai jamais rencontré de cas de figure où ce n'était pas possible, il s'agit de dire, vous allez gagner de l'argent. Mais vous allez gagner de l'argent parce que vous allez transformer votre système organisationnel, votre façon de travailler, votre approche, y compris de la rentabilité. Et ça marche.
- Speaker #0
Alors pourquoi ne le font-ils pas tous ?
- Speaker #1
Parce qu'il y a une remise en question des certitudes. Donc, et que ça, c'est quelque chose qui fait très très peu. Déjà, je crois qu'on a échangé là-dessus, mais par écrit, déjà, le fait de rencontrer des chefs d'entreprise ou des conseillers d'administration qui sont tellement informés dans leur certitude. qu'ils n'acceptent à aucun moment de les remettre en cause. Ils n'acceptent à aucun moment de douter. Et donc, ça c'est un véritable obstacle. Donc tu ne peux les amener à douter que lorsque tu leur démontres financièrement En fait, leur certitude, peut-être qu'elle devrait évoluer pour plus de rentabilité. On pourrait considérer que c'est triste, moi je ne le trouve pas, c'est humain, c'est humain. Les gens n'entendent pas, qui ne sont pas du tout des monstres, c'est des gens simplement qui ont été formatés. Et il faut les sortir de là. c'est pas nécessairement facile, mais c'est un vrai rôle de coach. C'est vrai.
- Speaker #0
C'est vrai. De toute façon, en tant que coach, on apprend à accueillir. Donc déjà, sur soi. Accueillir, c'est part de soi qu'on n'aime pas. Et on apprend aussi à accepter que les gens sont comme ils sont. Et puis après, ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas les aider à évoluer, à se transformer, à faire des prises de conscience. Mais si on est directement dans le jugement de l'autre, on ne peut pas avancer.
- Speaker #1
Moi, ce que je voudrais te dire pour continuer, c'est que je suis intimement persuadée, c'est mon observation depuis de nombreuses années, que Et c'est vrai dans le privé comme dans le public, que les gens qui travaillent dans les entreprises, pour une très très grande partie d'entre eux, ne sont pas réellement motivés. Ils ont une motivation, celle de gagner un salaire. Ils ont une autre motivation, ce qui est légitime. Ils ont une autre motivation aussi, qui peut-être... Pour certains, ceux qui ont de la chance de travailler dans des groupes qui développent quoi que ce soit d'utile à la société, ce qui n'est pas le cas évidemment de toutes les entreprises, qu'elles soient privées ou publiques. Mais en tous les cas, tout le monde freine, ou la grande partie d'entre eux freine, leur capacité à s'investir dans l'entreprise. en fait les dirigeants sous-estiment énormément l'apport que peut chacun, chacune des personnes, qu'elles nettoient les toilettes ou qu'elles balayent le sol ou qu'elles dirigent un énorme groupe, peu importe, à qui les postes, ce que chacun peut apporter à l'entreprise. Et moi, comme ça, je dirais, mais alors c'est une intuition, je jette ça comme ça. que peut-être qu'on n'est à pas plus de 20 ou 30% de ce que chacun pourrait donner à l'entreprise. En fait, il y a des richesses.
- Speaker #0
Il y a des richesses qui ne sont pas toutes dans les CV d'ailleurs. Est-ce qu'on ne met pas tout dans un CV ? Oui. Eh bien évidemment. Et qui permettrait à l'entreprise d'aller tellement plus loin.
- Speaker #1
C'est vrai et c'est assez triste parce que j'ai côtoyé pas mal de chefs d'entreprise convaincus de leur importance, convaincus qu'ils portaient, je dis ils parce qu'à chaque fois c'est vrai que c'était des hommes mais ça doit arriver avec des femmes aussi, convaincus qu'ils portaient leur entreprise quasiment à eux tous seuls, que les employés étaient grassement payés, quasiment à rien faire, alors que c'était loin d'être le cas. Et je pense qu'effectivement, avec ce genre de propos, on ne peut pas obtenir le meilleur de quelqu'un dans son travail, alors que je suis convaincue que chacun et chacune a une pierre à apporter à l'édifice, et ce, effectivement, quel que soit son poste. Parce que si on enlève les femmes de ménage dans une entreprise, il y aura bientôt plus grand monde qui aura envie d'aller y travailler.
- Speaker #0
Oui, et on a parlé au début de notre échange, on a parlé de... Ce monde d'incertitude où la carte graphique change tout le temps. Le chef d'entreprise, il ne doit pas tout porter sur ses épaules. Le ou la chef d'entreprise va tout porter sur ses épaules. C'est vrai d'ailleurs, pas seulement au niveau de l'entreprise, c'est vrai au niveau de chaque service. C'est précisément le groupe qui va trouver la solution dans l'immédiateté et dans l'intuition, mais l'intuition qui vient par... par justement la coopération entre les uns et les autres, par la mutualisation. Et là, on a un vrai souci. Tout à l'heure, on parlait de la reconnaissance comme telle des femmes par les hommes dans l'entreprise, comme dans la société. Et là, on a un vrai souci. Parce que si un des membres sent qu'il n'est pas reconnu, pour quelque raison que ce soit, et là, on parle de questions qui sont liées au genre, mais pour quelque raison que ce soit,
- Speaker #1
évidemment il va pas avoir envie de coopérer et donc encore moins une mutualisme oui et bah écoute tu mets le doigt sur le sujet d'après que je voulais traiter la question du coup des femmes du féminisme de l'égalité des droits etc donc tu m'as dit être féministe et c'est à pied précisément à ce moment là que je me suis dit peut-être que je pourrais m'inviter sur le podcast pour un homme Ce n'est pas si courant de se positionner de manière aussi claire sur ce sujet. Qu'est-ce que ça signifie pour toi ?
- Speaker #0
Ça s'est relativement imposé à moi pour une raison très simple. Je vais faire le parallèle avec mon adolescence, les années 70, l'époque où on avait un président de la République qui vendait des armes au Napalm, interdites par les conventions de Genève, à l'apartheid. Et il était évident pour moi et pour toutes les copines et copains que j'avais à l'époque, qu'il fallait réunir des fonds, les faire passer d'une façon ou d'une autre à l'ANC, l'African National Council, donc Donald Zond Mandela, etc. Parce que c'était... Voilà, comment on pouvait dire que quelqu'un était inférieur ou qu'il n'avait pas les mêmes droits de par sa couleur de peau ? Eh bien, il s'est imposé à moi aujourd'hui. qu'on est exactement dans la même situation. C'est-à-dire que dans nos sociétés, les femmes n'ont pas les mêmes droits, les mêmes accès, ne sont pas reconnues de la même façon, tout simplement, de par leur genre, comme hier c'était le cas pour d'autres, de par leur couleur de peau. leur race, enfin je déteste mon race, parce que pour moi, il n'existe qu'une seule race, c'est la race humaine. Mais là, c'est pareil, tu vois, on est des êtres humains, donc qu'on soit des femmes, des hommes, je ne vois pas, voilà. Et donc je ne comprends pas. Et quand je ne comprends pas, en général, ça me met un peu en colère. Donc j'ai envie d'agir. Et donc pour moi, c'est parti de là, tu vois. C'était pour te dire d'où c'est parti. Je ne comprends pas ce truc, ça n'a aucun sens. Si ce n'est de montrer ses muscles et de dire à quel point de toute façon je suis le plus fort et tu vas la fermer ou je t'en colle une. Donc voilà, alors qu'on dit souvent beaucoup plus poliment effectivement en entreprise.
- Speaker #1
Oui, ça c'est pour les enfants en général. Qu'est-ce que tu as pu observer en tant qu'homme ? Je ne sais pas quel va être ton numéro d'épisode, mais quelque chose comme le 17e. Il y aura à peu près 16 autres femmes qui seront passées sur le divan en face de moi du podcast et qui se sont exprimées sur leur vécu. Ça m'intéresse d'avoir ton avis, ton observation à toi en tant qu'homme. Je reviens à ma question. Qu'est-ce que tu as pu observer dans des postes à responsabilité sur la place faite ou pas aux femmes ?
- Speaker #0
Pour moi, deux ou trois choses. La première, c'est qu'en général, je vais essayer de le mettre dans l'ordre, dans mon esprit. Un, c'est la question des postes qu'on dédie aux femmes. Quand on a commencé à parler des ressources humaines, et que beaucoup de chefs d'entreprise se sont dit que ce truc ne sert à rien, mais il va bien falloir que, évidemment, on a nommé des femmes. De la même manière, c'est vrai également pour les postes qui sont liés à l'environnement dans les entreprises. Voilà, parce que pour la même raison, on est bien obligé de le faire, ça va faire plaisir à tout le monde, puis on va peut-être avoir des aides économiques, justement. Donc, du coup, on va mettre des femmes. Donc, ça, c'est la première étape. Et la question des promotions ? La question des promotions, dans beaucoup de... d'organisation, en France comme à l'étranger d'ailleurs, ce n'est pas uniquement chez nous. J'ai vu, alors c'est évidemment moins marqué dans les pays nordiques, mais bon, on a compris que dans d'autres pays, mais pas uniquement, c'est lorsqu'il y a une promotion, elle est souvent, bien entendu, surtout si elle est valorisante, on va beaucoup plus faire. facilement penser à un homme qu'à une femme. Et puis donc, j'ai lu plein de fois des femmes pleines de talent, mais qui n'ont pas obtenu leur promotion. Parce qu'il y avait un garçon qui était peut-être moins talentueux, mais c'était un garçon. Et donc, il pouvait partager à la fois des biens, d'ailleurs les femmes aussi partagent des biens, donc je ne comprends pas, mais aussi des blagues griboises. Et Mais il y a également un troisième point qui est assez important, il m'a semblé, et ça je le commence à voir de plus en plus, puisque précisément avec l'incertitude, on voit bien qu'il y a beaucoup d'entreprises qui vacillent. Et pas beaucoup de PME d'ailleurs, parce que pour les étudiants et les grandes entreprises, c'est… plus facile de redresser la barre parce que la trésorerie est plus au rendez-vous et plus on est gros, un too big to fall. Mais dans beaucoup de PME, avec déjà pas mal de salariés, quand ça commence à mal aller, qu'on voit que ça peut très mal se terminer, là on va avoir tendance à donner une femme.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
parce que ça sera nécessairement de sa route.
- Speaker #1
Oui, voilà, j'ai dit, c'est ce qu'on appelle la fameuse falaise de verre.
- Speaker #0
Oui, totalement, totalement. Et là, on voit bien que pour avoir discuté avec quelques chasseurs de tête sur les gibarots, sur ce sujet, il y a des demandes. Quand ça commence à mal aller, on va préférer, évidemment très diplômé, mais dont on est à peu près sûr que de toute façon, elle va... Et donc, du coup, nécessairement, si ça se passe mal, ça sera de sa faute.
- Speaker #1
Oui, effectivement. Pourquoi est-ce qu'on observe à ton avis ça encore aujourd'hui ? Pourquoi est-ce que les entreprises, pour une bonne part d'entre elles en tout cas, peinent encore à faire évoluer les rapports de genre en interne ? Pourquoi est-ce qu'on est encore là-dedans ?
- Speaker #0
Parce que l'entreprise n'est pas ex-imilo, c'est-à-dire qu'elle fait partie d'un tout. Parce que notre société le refuse pour l'instant. Parce qu'on vit dans un monde qui aspire. On vit dans une société qui aspire sans arrêt, tout le monde le dit, alors dans les partis politiques, mais dans les associations, mais partout, dans tous les médias, à la transformation sociale, mais que personne ne veut faire ce qu'il faut. Encore une fois, pour moi, la question de là, ça se passe en trois étapes, mais qui sont intrinsèquement liées. C'est la reconnaissance mutuelle, la coopération et la mutualisation. Il n'y a pas de coopération dans notre société aujourd'hui, il n'y a pas de mutualisation. Parce qu'il n'y a pas de lien social. Et s'il n'y a pas de lien social, c'est parce qu'il n'y a pas de reconnaissance mutuelle. On ne reconnaît pas l'autre. Et encore moins, d'ailleurs, lorsqu'il n'est pas du même genre que nous. Alors, ce ne sont pas les femmes qui ne reconnaissent pas les hommes, c'est les hommes qui ne reconnaissent pas les femmes. Même s'ils sont souvent placés dans des situations compréhensives, bien malgré elles.
- Speaker #1
Et quand tu regardes les transformations sociales en cours, puisque tu utilises ce terme, est-ce que tu es plutôt optimiste ou inquiet pour le futur du monde du travail ?
- Speaker #0
Je ne sais pas trop parce que je pense que de toute façon les choses vont évoluer. Et vont évoluer assez rapidement parce que ça va de plus en plus mal. Et ça ne va pas de plus en plus mal parce que le monde va de plus en plus mal. Ça va de plus en plus mal parce que les organisations privées ont de plus en plus de mal à s'adapter. il suffirait qu'elles s'adaptent au fur et à mesure pour que les choses n'aillent pas être si mal que ça. Alors que l'être humain est un animal qui n'est fait à travers son histoire millénaire que d'adaptation. Simplement avant elles étaient lentes, il va falloir apprendre à ce qu'elles soient rapides. C'est ça, plus rapides. Oui, beaucoup plus rapides. Et donc, effectivement, ça c'est dérangeant. Parce que c'est beaucoup plus facile d'évoluer de génération en génération que d'évoluer à l'intérieur de sa propre génération, évidemment. Et il y a une évolution qui va peut-être, je l'observe, obliger les entrepreneurs à aller beaucoup plus vite. leur adaptation. C'est ce qui est en train de se passer avec la génération Z. C'est à dire que c'est à dire qu'on a des gens qui ne considèrent plus leur dirigeant comme un dirigeant mais comme un membre de leur réseau qui ne considèrent plus un travail ou un job comme quelque chose de si important que ça. Ils s'attachent beaucoup plus à l'expérience. Et l'expérience immédiate est continuelle, est démultipliée. Et là, on se rend bien compte qu'en termes de recrutement, de fidélisation, les entreprises ont énormément de mal et elles s'en rendent doucement, doucement compte. Pour l'instant, elles font l'autruche. Mais il va falloir proposer des expériences beaucoup plus intéressantes. Et pour ce qu'elles soient intéressantes, il faudra nécessairement qu'elle soit dans la mutualisation, donc dans la coopération, etc. Et donc, ça va pas pouvoir. Moi, je ne suis pas vraiment pessimiste, parce que je me dis qu'à force de se manger le mur, il va bien falloir qu'il bouge. Oui,
- Speaker #1
du coup, effectivement, ça rejoint finalement la dernière question que j'avais envie de te poser. Est-ce que tu penses que les dirigeants actuels, parce que vous avez compris que la société a du mal à bouger, mais peut-être qu'il y a des chefs d'entreprise qui ont quand même envie que ça bouge, mais est-ce que tu penses que les dirigeants actuels, ou certains d'entre eux, sont prêts à entendre un discours de transformation en profondeur, ou bien est-ce qu'il faut encore ruser un peu pour que ça passe ?
- Speaker #0
Il faut nécessairement ruser, bien sûr, et il faudra de moins en moins le faire. on aura pas on aura on n'aura pas autant l'obligation de le faire au fur et à mesure que les entreprises se trouveront devant des challenges, des challenges de rentabilité, des challenges de ROI de plus en plus importants, qui sont liés à tout ce dont on a parlé. Et donc, des chefs d'entreprise... qui vont avoir l'obligation de changer, de décrocher de leur certitude. Les Chinois disent « lâchez l'échelle pour tomber vers le haut » . J'aime beaucoup cette expression. Donc oui, je pense que les choses vont bouger. On va nécessairement avoir… Du déchet. Je dis que ce n'est pas très gentil de dire ça, mais c'est-à-dire des gens qui refuseront jusqu'au budget, et qui s'enfermeront dans leur certitude, et qui tueront leur entreprise. Oui,
- Speaker #1
c'est triste à dire.
- Speaker #0
Mais c'est vrai pour les organisations. On ne va pas rentrer là-dedans parce qu'il y a toute une discussion, mais l'Europe est en train de se poser les mêmes questions.
- Speaker #1
Merci beaucoup Fabien pour tout ce partage de ton vécu, de ton expérience, de la façon dont tu perçois les choses et dont tu envisages les transformations, notamment sociétales et puis entrepreneuriales. Ça a été extrêmement riche et très différent de ce qui a été dit jusqu'à présent. Merci beaucoup d'être venu ici.