- Speaker #0
Liberté d'être femme, c'est un podcast qui donne la parole à celles et ceux qui bousculent les codes et incarnent un nouveau leadership, plus libre, plus authentique et bien sûr plus humain. Moi c'est Marie-Laure Hisette, je suis coach et conférencière en entreprise autour du leadership et je crée aussi des espaces pour que les femmes se reconnectent à leur puissance. Bonjour Dong et bienvenue sur le podcast Liberté d'être femme.
- Speaker #1
Bonjour Marie-Laure, merci beaucoup de me recevoir.
- Speaker #0
Je suis ravie et je suis certaine qu'on va passer un très bon moment toutes les deux. Je vais commencer avec une question un petit peu standard, on va dire. Dong Nguyen, est-ce que tu peux me dire qui tu es ?
- Speaker #1
Oui, avec plaisir. Je suis Dong Nguyen, j'ai 48 ans. Je suis mariée, j'ai cinq enfants. Alors j'hésite un peu parce que j'en ai deux que j'ai portés et finalement cinq que je porte. Je n'ai pas dit je porte, mais je porte. Et puis je suis d'origine vietnamienne et je suis arrivée en France avec ma famille en 1977. Donc je suis née au Vietnam. et donc j'ai fait tout ma vie en France, toute ma scolarité et je suis une professionnelle aujourd'hui de l'immobilier dans tout ce qui est management et leadership.
- Speaker #0
Merci pour ta présentation, on reviendra de toute façon après plus en détail sur ton parcours et tes origines puisque ça a évidemment de l'importance pour toi. avant ça Quel est pour toi le message le plus important que tu aurais envie de faire passer au cours de cet entretien qu'on va avoir toutes les deux ?
- Speaker #1
Alors, il y a évidemment plein de messages, mais choisir, c'est renoncer. Moi, le message qui me paraît fort, c'est que dans la vie, on n'a qu'une seule vie, même si je crois en la réincarnation, on n'a quand même qu'une seule vie. Et c'est celle-ci, c'est notre seul essai. Et donc, on n'a pas intérêt à la gâcher et il faut la vivre pleinement.
- Speaker #0
En introduction, tu es arrivée en France en 1977. Tu avais quel âge ?
- Speaker #1
Écoute, quand je suis arrivée en France, je ne m'en souviens pas bien, mais j'avais dix mois, puisque mes parents m'ont dit que quand ils ont fui le Vietnam avec ma sœur qui avait six ans, moi j'avais quatre mois. Donc, ça a été un... long périple et on est arrivé en France, donc il faut se l'imaginer, en décembre 77 et plutôt dans le nord puisque c'est là où il y avait du travail et donc mes parents ont fait un direct finalement Saigon-Tourcoing-Puy-Roubaix en 77, donc j'étais toute petite.
- Speaker #0
Ça a dû être un sacré choc culturel pour eux.
- Speaker #1
Oui, parce que... Ma maman parlait français puisqu'elle est née sous la colonie française, donc elle a fait des études en français. Mon père, lui, il était avocat à la cour de Saigon, donc lui ne parlait pas un mot français. Et il y a eu une forme de déclassement, mais c'était un choix qu'ils ont fait, puisqu'ils ont décidé de fuir pour avoir la liberté de parole. Et ça s'est resté ancré dans mon ADN. et effectivement ils sont passés d'un statut d'avocat hôtesse de l'air à... manutentionnaires et chargés de téléphone chez La Redoute. C'était plutôt une grande chance pour eux.
- Speaker #0
D'accord, c'est quand même comme ça qu'ils l'ont vécu.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #0
Ouais.
- Speaker #1
La France, moi j'ai grandi avec la culture dans laquelle la France était notre terre d'accueil, notre terre d'asile, et qu'on devait, ma sœur et moi, être reconnaissantes à vie de ce que ce pays nous a donné, de ce pays d'adoption. nous avez donné et c'est comme ça qu'on a été élevés et c'est le choix qu'ils ont fait en nous mettant toutes les deux en école privée catholique alors que ils sont de confession en tout cas de philosophie bouddhiste m'avait
- Speaker #0
partagé que vous aviez été très bien très bien accueilli du site d'ailleurs école privée catholique tu m'avais dit par les familles catholiques donc dans la région de tourpoint du coup donc c'était C'était particulier comme accueil ?
- Speaker #1
En fait, ma maman me raconte, parce que tu te doutes bien que je ne me souviens pas d'eux, mais j'en ai gardé des amitiés fortes et sincères. On a été accueillis par plusieurs familles catholiques du Nord qui sont venues dans les foyers à Datarelli à l'époque, accompagner, nous donner des vêtements, nous expliquer la marche à suivre pour pouvoir travailler et pour pouvoir scolariser les enfants. Et puis très rapidement, ce... se rapprocher aussi d'une communauté vietnamienne qui existait déjà, pas pour faire une forme de communautarisme exacerbé, mais plutôt pour maintenir ce lien avec le pays. Et donc on a grandi dans une culture franco-catholique la semaine, et puis le soir et le week-end dans une association vietnamienne. Ça nous a offert finalement ce trait d'union entre le pays d'accueil, tout en gardant nos racines. Et les familles qui nous ont accueillies, aujourd'hui, elles avaient des enfants de notre âge. Aujourd'hui, j'ai gardé une amitié forte avec les enfants de ces familles qui ont gardé ce lien et ont toujours aidé les populations « both people » . Alors aujourd'hui, on les appellerait les migrants. C'est moins sexy « migrants » que « both people » . C'est à peu près les mêmes difficultés et je ne suis pas sûre que ça ait beaucoup évolué. Mais j'ai eu, en tout cas, notre famille a eu beaucoup de chance. On n'est pas un cas isolé. On a eu beaucoup de chance de pouvoir avoir un nouveau départ en France.
- Speaker #0
Et tu as évoqué avant le déclassement de tes parents. Alors, je sais que tu n'as pas pu connaître l'avant. Tu ne peux pas t'en rappeler. Mais comment est-ce que toi, tu as vécu, peut-être dans ton enfance ? adolescente, le fait que tes parents aient eu un autre niveau social avant et puis que ça a eu un gros changement pour eux ?
- Speaker #1
Je ne l'ai réalisé que quand je suis devenue une jeune adulte. En fait, je n'ai jamais vu le déclassement. Moi, mes parents, ils étaient plutôt épanouis, heureux d'avoir un boulot, heureux de travailler. Mon père, au bout de quelques années en France, a récupéré une équivalence d'expert comptable et donc il parlait français. Je pense qu'on a plutôt été intégrés de façon rapide, d'une volonté française, mais aussi d'une volonté de ma famille de l'être. Et ils étaient très présents dans les milieux associatifs, très présents au niveau sportif. Donc, je n'ai pas senti ce déclassement. Je ne l'ai appris que tardivement, où j'ai compris que finalement, l'ambition qu'ils avaient pour nous, c'était l'ambition qu'ils avaient toujours eue au Vietnam. Et donc cette notion de... Il faut travailler à l'école, il faut réussir, il faut gagner de l'argent pour pouvoir s'offrir les choses que l'on a envie de s'offrir. Moi, je n'ai manqué de rien dans mon enfance. Je n'ai pas eu l'impression de manquer de quoi que ce soit. En revanche, je réalise maintenant que quand mes parents allaient faire les courses, le steak, ils le coupaient en deux pour qu'il y en ait pour tout le monde. Mais je n'ai manqué de rien. Je n'en ai pas souffert. Je ne l'ai conscientisé qu'après.
- Speaker #0
Dans ton parcours, toi, tu as eu très vite des responsabilités en entreprise, très jeune, dans des milieux très masculins. Qu'est-ce qui t'a donné cette force et cette ambition, si tôt ?
- Speaker #1
Je pense qu'on l'a dans les veines, cette force. Moi, j'ai perdu mon papa quand j'avais 11 ans. Je me suis souvenu d'ailleurs que je n'avais pas pleuré à la mort de papa. Il est décédé à la suite d'une longue maladie. Et donc, on a un petit côté guerrier dans la famille. Alors, je dirais guerrière, puisqu'on est ma sœur, ma maman et moi, que des femmes. Et à partir du moment où il est décédé, j'ai réalisé que la vie pouvait être courte et qu'il fallait en profiter et que de toute façon, quels que soient les plans qu'on pouvait faire sur la vie, les choses pouvaient nous échapper et donc j'ai toujours croqué la vie à pleines dents en me disant mon père est mort à 39 ans si ça se trouve je ferai pareil et donc et bien donc je vais en profiter et quelque part qu'est ce que tu ferais si tu avais pas peur et donc c'est plutôt ce que je me suis dit mon papa il est décédé en me disant quand on veut on peut quand les responsabilités que j'ai eues jeunes je les ai eues grâce à des gens qui ont cru en moi, qui m'ont proposé ces challenges. Et je n'ai pas hésité parce que je me suis dit, dans le meilleur des cas, ça marche. Et si ça ne marche pas, je ferai autre chose.
- Speaker #0
J'adore ton état d'esprit et puis tu as une question, une belle question de coach. Qu'est-ce qu'il ferait si tu n'avais pas peur ?
- Speaker #1
Le truc, c'est que comme cette question, je l'ai en moi depuis longtemps et que je dis régulièrement que je n'ai pas peur de grand-chose, à part de ma mère. On est toujours les petites filles. Et c'est vrai d'ailleurs. En fait, je n'ai peur de rien. aujourd'hui j'ai peur pour mes enfants parce que quand on devient maman on dort plus pareil et donc on a un sens des responsabilités mais je peux avoir peur à un instant T et puis je relativise et ce qui fait que j'ai pas peur donc qu'est-ce que je ferais si j'avais pas peur je créerais une boîte et parce que j'ai pas peur de l'échec donc je créerais une boîte mais bon Merci. Je triche, je l'ai fait. Voilà,
- Speaker #0
j'allais dire ça toi.
- Speaker #1
Et j'ai eu peur. J'ai eu très peur.
- Speaker #0
Tu as eu très peur.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Oui, on y reviendra tout à l'heure. Tu dis que le BTP, parce que tu as commencé ta carrière là-dedans, a été le seul secteur où ton origine ne posait pas question. Du coup, tu as navigué aussi. Tu parlais peut-être de navigation géographique et de tes prises de conscience sur tes origines. Il en parle tout sa vie.
- Speaker #1
Exactement. En fait, quand tu grandis dans un cursus traditionnel d'école privée catholique, tu ne vois plus que tu es, je vais le dire de façon un peu triviale, mais parce que je n'ai pas de problème avec ça, tu ne vois plus que tu es jaune. Tu ne vois plus que tu es différente. Tes copains sont tes copains. Ils ne sont pas blanc, vert ou jaune. Ils sont tes copains. Donc, moi, j'ai grandi comme ça. Et en deuxième année d'école de commerce, il a fallu trouver un stage. Et j'avais un cursus somme toute assez classique. Et j'ai réalisé à ce moment-là que les dizaines de CV que j'avais envoyés dans toutes les grandes entreprises du Nord, parce que je n'avais pas les moyens d'aller ailleurs que dans le Nord, donc je voulais rester dans le Nord, j'ai eu refus sur refus. Là où mes copains et mes copines qui avaient exactement le même cursus que le mien ont été acceptés ou ont eu pléthore de possibilités. Et c'est à ce moment-là que j'ai réalisé que quand tu t'appelles... tu es donc Fong & Guyenne et que ton adresse postale c'est Roubaix, a priori ça pouvait freiner. Mais je ne l'avais pas réalisé avant. Et donc à l'ESC Lille, à l'époque ça s'appelait l'ESC Lille, ce n'est pas encore Schema, le seul secteur qui a bien voulu de moi, c'est le terrassement. Parce que le directeur du contrôle de gestion et des finances là-bas avait fait la même école que moi. Et donc à Paris, j'ai été reçue et j'ai été prise tout de suite sur ce job-là. Et donc ce n'est pas un choix d'avoir embrassé un milieu plutôt technique et masculin, c'est le seul qui avait envie de moi. En revanche, le choix d'y rester, ça c'est moi qui l'ai fait. Parce que j'ai réalisé que c'était de prime abord un milieu qui pouvait paraître bourru. mais qui, dans la vraie vie, est un milieu complexe, plein de bienveillance, et avec une forme d'ouverture sur des profils différents, ou aussi, d'un point de vue très pragmatique, une vraie complémentarité entre un profil école de commerce et un profil ingénieur.
- Speaker #0
Et comment tu as vécu ton arrivée dans ce milieu qui, j'imagine, Et très masculin, parce que bon, école de commerce, donc là, tu devais quand même avoir une belle mixité entre les hommes et les femmes. Mais là, tu as dû vivre un gros changement.
- Speaker #1
C'est rien de le dire. J'ai eu un choc culturel. Dans le bâtiment, les hommes et les femmes ne mâchent pas leurs mots. Ils ont pour habitude d'être directs, avec parfois un langage plutôt fleuri. et j'avoue dans ma culture, la femme vietnamienne, elle doit plutôt avoir un ton en dessous de l'homme. Et j'ai grandi dans une culture où finalement être un peu derrière, c'était pas subi, c'était choisi. Donc je viens de loin quand même. Mais finalement, l'humour aide beaucoup. Donc il y avait beaucoup de blagues. Si tu vas dans le bâtiment et que tu rougis à la première blague graveleuse, tu prends tes jambes et tu te casses. Ce n'est pas possible. Là, j'ai trouvé que c'était plutôt des blagues sans conséquences. Je ne suis pas sûre qu'effectivement, les nouvelles générations accepteraient ce genre de blagues. Je ne me permettrais pas de les raconter, parce que ça pourrait faire fuir certaines d'entre nous. ça n'avait rien de méchant. Et donc, j'ai plutôt trouvé une forme de convivialité, de bienveillance et un esprit d'équipe très, très rapidement. Donc, je m'y suis faite assez vite. Et j'ai un langage aussi plutôt cash. Donc, ça m'a bien plu de ne pas avoir à tourner autour du pot, mais de dire les choses de façon frontale.
- Speaker #0
Oui, c'est une approche intéressante, effectivement, qui permet de déconstruire un peu quelques stéréotypes. On va parler du côté un peu plus difficile. Enfin, difficile, tu as déjà évoqué les difficultés, mais les moments qui ne se sont pas passés comme tu l'aurais voulu. Tu as vécu des blocages dans ta carrière. Par exemple, un poste refusé parce que tu étais enceinte ou une mise à l'écart dans un comité de direction. Est-ce que tu peux nous raconter, peut-être situer un peu le contexte et puis ce que ça t'a fait vivre, toi, sur le moment ?
- Speaker #1
C'est des remises en question. J'ai vécu une première partie de ma carrière professionnelle en région parisienne. Et la région parisienne, Paris, c'est quand même la capitale. Donc, il y a un état d'esprit, une fraîcheur et peut-être un mindset qui sont un peu plus en avance par rapport à des situations en province qui seraient un peu mal vécues. Il n'y a pas de clivage entre l'île de France et la province. mais quand je suis arrivée... en région, donc je suis revenue dans ma région d'origine le Nord. J'ai eu des opportunités de challenge et notamment de revenir dans un groupe de bâtiments qui est cher à mon cœur et dans lequel j'ai fait un parcours évolution assez sympa. Encore une fois, je suis d'un profil école de commerce, options finance, contrôle de gestion et j'ai un patron. C'est souvent comme ça, vous avez un patron qui vous donne une chance et c'est à vous de l'accepter ou pas. qui m'a donné la chance de pouvoir intégrer et de faire du commerce dans le BTP. Pour faire du commerce dans le BTP, quand tu n'es pas ingénieur, c'est un peu plus que de vendre des cacahuètes, il y a un peu plus qu'un vernis technique pour pouvoir comprendre ce qu'il y a dans le bâtiment. J'ai fait ce parcours, j'ai adoré, adoré essayer de déstructurer la façon de penser, de comprendre, d'argumenter et puis… dans la planification, il fallait que je prenne un poste de responsabilité une fois que j'allais avoir fini ce parcours. Puis j'ai pris, je ne sais pas si on peut dire prendre une décision, mais en tout cas, je suis tombée enceinte. Et donc le poste que j'avais convoité dans un parcours d'évolution, eh bien mon patron de l'époque. Et sans lui chercher de circonstances atténuantes, mais je ne suis même pas sûre qu'il ait eu la volonté de faire de la peine, il m'a dit « Assez cash, tu n'auras pas le poste, parce que tu as choisi de faire un bébé. » J'avoue que je suis passée du grenier à la cave, parce que je ne voyais pas en quoi le fait d'être enceinte pouvait changer quelque chose dans ma progression. Mais dans la temporalité, lui, ça ne lui parle. Il paraissait trop lointain, donc il a effectivement confié le poste à quelqu'un d'autre. Et puis moi, j'ai fait mon bébé. J'ai réalisé que là où en région parisienne, le fait d'avoir fait un bébé, ça n'avait pas du tout eu de problème, là en province, est-ce que c'était lié à l'homme ? Est-ce que c'était lié à la boîte ? Je n'en sais rien, je n'ai pas fait de psy, mais ce que j'ai vu, c'est que le poste m'était passé sous le nez. Donc j'ai digéré et puis je suis revenue en proposant un nouveau challenge à mon patron.
- Speaker #0
Et celui-là, tu as pu le mettre en place ?
- Speaker #1
Et celui-là, j'ai pu le mettre en place. Mais c'est dur de se dire que tu construis ta carrière. Évidemment, on construit les étapes idéales et d'être freinée comme ça. Pour une raison, quand tu es enceinte, tu es absente trois mois. Ce n'est pas très grave et ton cerveau fonctionne toujours. Mais c'était il y a maintenant une quinzaine d'années. Donc, à croire qu'à l'époque, c'était comme ça. Je vous donne quand même la fin de l'histoire. J'ai revu ce patron et on a débriefé. Il a reconnu qu'il avait été bête sur ce sujet-là. Donc, il n'y a pas de... il n'y a plus de problème, c'est digéré, c'est passé et en plus on a reconnu l'un et l'autre que c'était dommage, que peut-être j'y serais encore aujourd'hui.
- Speaker #0
C'est bien en tout cas si tu as eu l'opportunité de revenir et de pouvoir échanger avec la personne, ça fait quand même du bien je pense.
- Speaker #1
Oui, ça fait du bien parce que tu ne restes pas avec une boule au ventre ou une frustration. Et puis il y a toujours cette notion de est-ce que finalement ce n'était pas plutôt un problème de compétences ? Est-ce que j'étais vraiment au niveau ? Est-ce que le fait d'être enceinte ce n'était pas un prétexte ?
- Speaker #0
Oui, c'est possible, mais c'est peut-être aussi toi qui fais les choix de grossesse indépendamment de son activité professionnelle, mais peut-être aussi toi qui, d'une certaine manière, On n'avait pas forcément envie tant que ça d'avoir ce poste aussi.
- Speaker #1
Non, je ne crois pas. Je crois que j'ai toujours envie d'avoir le poste de dessus. Moi, j'aime les challenges, j'aime apprendre. Et donc, je n'ai jamais peur de prendre un poste. J'ai toujours envie d'apprendre. Et je me suis toujours dit que parfois, tu peux avoir le poste sans avoir complètement le costume ajusté. Tu peux aussi prendre un poste avec un costume un peu trop large. Et c'est peut-être le fait d'avoir déjà le costume sur les épaules qui te fait développer et déployer des compétences en plus qui te permettent d'avoir un costume sur mesure. Je pense parfois que quand on ne donne pas la chance de porter ce costume, tu ne te poses jamais la question d'essayer de l'enfiler. C'est aussi ça le sujet, je pense. Il y a pas mal de femmes, sans faire de généralité, qui se disent « moi j'y arriverai pas » . Juste, il faut se dire qu'il faut y aller. À un moment donné, au pire, ça ne marche pas. Et alors ?
- Speaker #0
Oui. Et d'ailleurs, c'est exactement ce cheminement pour la création d'entreprise. Qui crée une entreprise, en tout cas la première, en ayant absolument toutes les compétences qu'il faut pour la développer ? Mais personne. Et si on devait attendre, on passerait sa vie à attendre. Donc à un moment, tu y vas, et puis tu découvres au fur et à mesure tout ce qui te manque. Et soit tu le développes, tu te formes, soit tu t'entoures des personnes qui ont les compétences qui te manquent. Et c'est exactement ça.
- Speaker #1
Je suis complètement d'accord avec toi, mais moi, je n'ai pas été paramétrée pour créer une entreprise. Moi, quand j'ai grandi, mes parents m'ont dit, il faut que tu sois une bonne Française, une bonne épouse, une bonne mère, une bonne fille et une bonne salariée. Parce que ce n'est pas notre pays d'origine. Donc, il faut que tu sois au service de ton patron. C'est comme ça que... Et puis, c'est bien d'avoir un salaire parce que... Quand t'es salarié, il y a une forme de sécurité. Moi, je pense que mes parents, ils en avaient eu la dose de risque. Ils ont quand même traversé des mers pour pouvoir arriver en France. Donc, ils avaient envie pour leur fille d'être stable. Et donc, en fin d'année dernière, je me suis pris un bus dans la tronche, au sens propre et figuré, je pense. Je suis vraiment restée K.O. et euh c'est Et très vite, je me suis dit, il faut que je me remette en question, il faut que je me bouge, parce que j'ai la santé, les gens qui m'aiment et que j'aime sont là, mais ma famille a la santé et je sais bosser, et je suis une bosseuse. Mais de là à créer mon entreprise, il n'y a pas un cheveu de ma tête qui a pensé, parce que ce n'était pas le modèle. En revanche, j'ai... Mon meilleur ami et une copine m'ont dit « Mais pourquoi tu ne crées pas ta boîte ? Tu risques quoi ? » Et moi je me suis dit « Mais pourquoi faire créer une boîte ? » Moi je ne sais rien faire de mes dix doigts, je ne suis pas peintre, je ne suis pas électricienne. Qu'est-ce que les gens vont vouloir faire avec moi ? Et mon pote m'a dit « Écoute, les trois prochaines personnes que tu vois, tu leur demandes. » Tu leur demandes s'ils te confieraient une mission et de quelle nature. Et puis s'ils t'envoient bouler, tu ne crées pas ta boîte. Et puis s'ils te répondent positivement, eh bien, fonce ! Et ça ne t'empêchera pas en parallèle de chercher un boulot de salariat, si vraiment c'est ce que tu veux, parce que c'est ce qui te rend sereine. Eh bien, c'est ce que j'ai fait et sans scoop particulier puisque je connais l'histoire et toi aussi. Je me suis lancée dans cette aventure en mars. J'ai créé un petit véhicule qui me permet d'accompagner des entreprises dans leur stratégie opérationnelle, de former aussi des professionnels sur le leadership et la conduite du changement et d'intervenir sur des enjeux de changement. leadership inclusif ou d'équité professionnelle.
- Speaker #0
Une très belle histoire, effectivement, de création. Et avant qu'on revienne sur certains de ces éléments, est-ce que tu peux revenir sur cette histoire de bus ? Donc, c'est ton licenciement en 2024. Tu dis que tu t'es pris un bus au sens propre et au sens figuré. Tu ne t'y attendais pas. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Speaker #1
En fait, ce qui s'est passé, c'est que… Je ne sais pas si c'est une erreur, mais j'ai travaillé pendant ma dernière… En tout cas, ma dernière expérience professionnelle a été faite aux côtés d'un patron qui était, avant d'être mon patron, mon ami. Donc, j'ai travaillé en confiance pendant huit années, en confiance réciproque. Et puis nos chemins se sont éloignés peut-être en termes de stratégie, en termes de façon de penser, sur les notions de parité, de conduite du changement. En tout cas, c'est ma version des choses. Je n'ai pas débriefé avec lui, donc je n'en sais rien, mais c'est l'histoire que j'ai envie de me raconter. Et puis sans identifier les signaux faibles, parce que quand tu te refais le film après... forcément tu te refais toutes les actions au ralenti sur la dernière année et tu peux, maintenant je peux voir qu'il y avait plein de signaux faibles, des signaux avant-coureurs, que je n'ai pas vu voir parce que j'étais loyale et que je ne me suis pas dit que professionnellement il y avait un loup. Et donc sans rentrer dans le cœur du système, il a pris la décision de me licencier pour faute grave. Alors que je pense qu'il aurait pu prendre un choix qui est de se mettre d'accord pour se séparer parce qu'on n'était plus en phase. Mais c'est un choix qui lui appartient. La conséquence de quoi, c'est qu'un jour tu arrives au travail et puis que ton boss vient devant et te dit « viens dans mon bureau » . et qu'en deux secondes et demie, la carrière que tu as construite l'image que tu t'es fait de toi passe du grenier au sous-sol, au cinquième sous-sol. Et donc, en un claquement de seconde, tu n'es plus Dong Nguyen, patronne, membre du directoire, tu es la petite fille qui ne sait plus ce qui s'est passé. Et donc ça, je l'ai vécu, et tu vois, je digère, mais j'ai encore... de l'émotion, il ne faut pas le cacher. Et donc, je suis dans l'instant, en trois heures, j'ai pris ma voiture, j'ai rendu mon téléphone portable, mon ordinateur et je me suis retrouvée chez moi. Un 5 décembre, donc il y avait déjà les films de Noël, mais bon, donc un gros coup de massue,
- Speaker #0
un gros. Un brutal.
- Speaker #1
Oui. Et ce qui est brutal, ce n'est pas le fait d'être... Alors évidemment, la procédure et la volonté de nuire est assez infâme, mais on peut se séparer d'un collaborateur, ça arrive tous les jours. En revanche, moi, c'est toute l'amitié qu'il y avait et finalement toute l'affect, et c'est ça qui est douloureux. Pas le côté professionnel, mais le côté personnel. Et donc, c'était un 5 décembre et donc j'ai été licenciée fin décembre. Et donc j'ai passé un peu de temps en pyjama, allongée sur mon chien en train de pleurer. Et puis un jour, mon fils m'a dit, mon fils qui a 19 ans m'a dit, « Est-ce que tu te souviens du jeune qui était avec moi au judo ? » Oui. Eh bien, il s'est pendu. Et ça m'a fait un électrochoc, vraiment, où je me suis dit, la maman de ce petit garçon, enfin ce jeune homme, puisqu'il a le même âge que mon fils, elle a vraiment d'autres préoccupations et d'autres problèmes que moi. Et moi, je vais bien. Moi, je suis là. Oui, je suis sonnée. Oui, je suis KO. Oui, j'ai pris cher. Mais je vaux encore quelque chose. Et j'ai un ami qui m'a dit, un billet de 100 balles, même chiffonné, il vaut toujours 100 balles. Et tout ça, tu sais, les pièces du puzzle se remettent bout à bout dans ta tête. Et là, je me suis bougée. Et mon mari m'a dit le soir de mon éviction, dans un an, on en rigolera. Bon, je lui ai dit plus que 364 jours. Mais je crois aujourd'hui, forte des quelques mois qui viennent de se dérouler,
- Speaker #0
que probablement c'est l'électrochoc qu'il me fallait pour donner une impulsion à ma vie professionnelle, que je n'osais pas donner. J'avoue avec beaucoup de lâcheté que, intellectuellement, je commençais à m'ennuyer, mais que quand tu as une fonction, quand tu as un titre, quand tu as une voiture, quand tu as un salaire, quelque part tu peux avoir la faiblesse de t'endormir un peu sur tes acquis et de ne pas te bouger. Donc là, j'ai, en quelques mois, je n'ai jamais rencontré autant de personnes, je n'ai jamais autant pris le temps de me retourner sur ma carrière et je n'ai jamais autant profité de moments sincères et instructifs avec chaque personne que je rencontre. Et je ne te cache pas, et tu en fais partie, que je n'ai jamais autant osé qu'aujourd'hui.
- Speaker #1
C'est une jolie histoire de résilience, par effectivement de la cave, comme tu dis, ou même du cinquième sous-sol, vous remontez. Mais c'est très inspirant. D'ailleurs, pour la parenthèse, j'ai créé ma boîte sur une situation similaire. Alors moi, je n'ai pas été licenciée pour faute, mais par contre... Pendant mon congé de maternité, on m'a appelée dans mon précédent poste salarié pour me dire qu'on aimerait bien que je ne revienne pas. Et c'est ça qui a été l'impulsion pour moi de créer mon entreprise. Plutôt d'être encore dans l'attente, de dire oui, je verrai ça plus tard. Parfois, on a besoin d'un petit coup de pied, d'un gros coup de pied d'ailleurs.
- Speaker #0
Mais ce qui est sûr, c'est que je vois bien autour de moi que tout le monde n'arrive pas à s'en ressortir la tête haute. Oui. En revanche, quand tu es bien entouré de ta famille, vraiment le premier cercle de tes amis, moi j'ai été extrêmement bien entouré. Alors évidemment, il y a ceux qui te claquent la porte et puis tu pensais que c'était des amis et puis ça ne l'est pas. Bon, c'est tout, des amis qui n'en sont plus et que probablement ils ne l'ont jamais été. Et puis tu as des gens qui te tendent la main alors que tu ne les avais même pas identifiés. Et ce sont des belles rencontres. Et puis ça me permet aussi moi de m'auto-critiquer sur les erreurs que j'ai commises. Des échecs j'en ai eu plein, des erreurs j'en ai faites et j'en ferai encore. En revanche, le fait de les assumer, le fait d'en parler, le fait de le dire sans honte. Et moi je pense que toutes ces personnes qui vivent ce traumatisme, et il y en a plus qu'on le croit, s'ils sont bien entourés et qu'ils ont la santé, et qu'ils ne sombrent pas dans l'oisiveté, tout ira bien. Si tu bosses, que tu as envie et que les gens sont autour de toi, tout ira bien.
- Speaker #1
Puisque tu vas de toi-même sur le sujet de l'entourage, de l'environnement, j'ai envie de te questionner sur le côté sororité. Est-ce qu'il y a des femmes qui t'ont... tendu la main, un des moments clés de ta vie ? Alors ça peut être celui que tu viens d'évoquer, mais ça peut être d'autres moments.
- Speaker #0
Oui, moi je crois beaucoup en la sororité. Je pense que les femmes entre elles sont parfois les meilleurs ennemis. Les femmes qui réussissent surtout, et j'en ai fait partie, des femmes qui se disent je suis là où je suis et peut-être que pour réussir, il faut que tu te trimes aussi. Aujourd'hui, je pense qu'il faut réussir à s'apporter de l'accompagnement réciproque. Dans toutes les périodes douloureuses de ma vie, j'ai eu des amis IES qui ont été très présentes, mais j'ai aussi eu des amis IS qui ont été présents. Et c'est pour ça que je suis pour une forme de sororité, mais pour une forme de fraternité. En fait, il y a les deux et cette main tendue. elle vient des deux côtés mais c'est vrai que la femme dans les douleurs profondes que l'on peut ressentir elle est quand même plus à même de comprendre les failles des doutes les complexes de l'imposteur les questionnements sur la légitimité c'est effectivement plus la femme qui est à l'écouté donc j'ai eu beaucoup de chance d'avoir mes amis qui ont fait bloc autour de moi dans des périodes de difficultés mais comme de grandes joies aussi. Moi je crois beaucoup en la sororité, je trouve que ce n'est pas assez développé, je pense que la femme n'ose pas et aujourd'hui grâce aux précieux conseils, j'ose intervenir et interpeller quelqu'un sur LinkedIn, chose que je n'aurais jamais faite avant. j'ose décrocher mon téléphone pour demander un rendez-vous. Et il y a une forme de sororité aujourd'hui que je ressentais moins avant. Et tu sais pourquoi je dis que moi aussi je m'auto-questionne. J'ai une professionnelle qui m'avait interpellée il y a un an, qui avait perdu son emploi. Elle m'a écrit sur LinkedIn et je ne lui ai pas répondu. Je ne lui ai pas répondu pas parce que je n'avais pas envie, mais parce que je suis passée à côté, parce que je suis passée à autre chose. Quand il m'est arrivé ce qu'il m'est arrivé, je lui ai écrit en m'excusant. Et elle a été beaucoup plus chic que moi. Elle m'a répondu tout de suite et on s'est vu tout de suite. Et bien, tu vois, plus jamais je ne répondrai pas à un appel. de quelqu'un qui a envie de prendre un café, d'échanger ou de m'interpeller. Et tu vois, tu peux te tromper et puis la vie se charge pour toi de te remettre les pendules à l'heure. Et je remercie Cécile de m'avoir ouvert les yeux.
- Speaker #1
Oui, j'aime beaucoup t'entendre dire ça parce que… C'est vrai qu'on est sollicités maintenant sur LinkedIn de bien des manières. Et je m'efforce en général de répondre. Sauf si vraiment c'est très très mal fait. J'ai l'impression que ça va dépendre de ce qu'on s'est fait. Mais globalement, de toute façon, je m'efforce de répondre. Ne serait-ce qu'un non merci ou ça ne m'intéresse pas, je n'ai pas de besoin, etc. pour effectivement faire aussi de la prospection sur LinkedIn, à la fois pour mon activité professionnelle de coach et de conférencière, mais aussi pour le podcast, puisque toutes ces femmes dont tu fais partie, il faut les trouver. Alors j'ai eu la chance que toi, tu as été recommandée par notre amie Clémence, dont j'apprécie énormément quand on me donne des contacts, et que je n'ai pas besoin d'aller la chercher. Mais néanmoins, bien des femmes qui sont venues sur le podcast, j'ai dû aller les chercher. Globalement, pour le podcast, j'ai quand même beaucoup de réponses. J'ai beaucoup moins de personnes qui répondent tout simplement pas. mais je trouve qu'on est dans un monde qui trouve normal que quand quelqu'un sollicite envoie sa candidature voire même a été reçu en entretien on lui dise rien, on lui répond pas ou on lui envoie un... Quelque chose d'extrêmement laconique, après. Ouais, je ne sais pas. Pour moi, les réseaux sociaux, c'est un moyen de rencontrer des humains. Ce sont des êtres humains qui en font partie, à l'exception de quelques, peut-être, chatbots et autres, mais dans la majeure partie, ce sont quand même des êtres humains qui sont derrière l'écran. Et le fait qu'il y ait un écran nous fait oublier. On a l'impression que... Enfin, je trouve que ça déshumanise, on oublie que c'est une vraie personne derrière. Personne n'oublie que LinkedIn, par exemple, est un réseau social fait pour mettre les gens en contact. On n'est pas là que pour faire des posts et attendre d'avoir des likes. Donc, c'est normal qu'on nous contacte par ce biais. Sinon, il ne faut pas y venir, en fait. Mais voilà, beaucoup de gens l'oublient. C'est clair. Tu as été la seule femme dans plusieurs communautés de direction. Seule femme ou en tout cas avec. peut-être peu d'autres femmes, comment est-ce qu'on garde son cap dans ce genre de situation sans perdre son identité ?
- Speaker #0
C'est une super question, parce qu'effectivement, dans les premières fois où j'ai intégré des comités de direction où j'étais la seule femme, il y a évidemment un sentiment de fierté, et il y a une tendance à vouloir faire comme eux. tu vois, à essayer de se transformer. Moi, j'ai toujours grandi avec une carapace. Donc, si la carapace, elle devait avoir l'air d'être plus masculine, bon, ça ne me gênait pas de prendre cette carapace. J'ai essayé en étant coachée, parce que c'est bien de se faire accompagner. Je parle de coaching professionnel. C'est une chance inouïe de pouvoir se faire coacher. J'ai réussi à enlever cette carapace pour rester authentique. et à comprendre qu'être une femme avec ses faiblesses et ses failles, ça faisait de moi une dirigeante plus humaine et plus en connexion avec ses équipes. Par contre, j'ai quand même souffert parfois d'avoir été la seule femme parce que d'être la seule femme, ça focalise ton opinion, pas sur ce qu'elle est, mais sur ce que tu représentes. Et moi j'aurais préféré qu'on soit deux, quitte à ce qu'on soit deux femmes sans avoir particulièrement d'atomes crochus, mais au moins dans le débat ça ne se résout pas à « ah oui mais toi tu dis ça parce que tu es une femme » . Parce qu'à un moment donné quand tu as cinq hommes devant toi et que tu poses une question en faisant un peu le pas de côté, en dézoomant, en échangeant sur les notions de parité, sur l'inclusion, sur la complémentarité de profil. ça finit quand même par « tu dis ça parce que tu es une femme » . Quel que soit le niveau d'intelligence, parce que j'ai toujours eu des gens très intelligents autour de moi, mais ça finit quand il y a cinq hommes face à une femme, ça finit quand même comme ça. Ou c'est des histoires de bonnes femmes. Bon, donc moi vraiment demain matin, si je devais retourner dans un comité de direction ou un directoire, je ferais en sorte de ne pas être la seule femme, parce que sans vouloir être girl power, je trouve que c'est plus sain d'avoir des débats équilibrés et qu'il y ait une forme de parité entre hommes et femmes. Mais c'est vrai que ça peut être lourd de temps en temps, et pourtant, je n'ai pas la langue dans ma poche, mais il faut avoir les épaules solides, parce qu'encore une fois, je pense que l'homme en face ne se rend pas compte. Et parce que je n'ai pas la langue dans ma poche, c'est parce que... j'ai 20 ans de carrière dans l'immobilier, l'homme en face ne se rend pas compte que ce qu'il dit peut dépasser les bornes des limites et c'est pas grave, toi tu nous comprends, t'es comme un mec. Oui mais non, en fait. En fait, non. Je ne suis pas un vieux pote et comme je te l'ai dit l'autre jour, la femme à la maison, c'est moi. Oui,
- Speaker #1
c'est ça. Oui, oui, tu noubles le travail. Il y a un point sur lequel j'aimerais bien revenir, maintenant qu'on a balayé quand même des éléments importants de ton parcours. Il y a le côté avec le recul et de tout ce qu'on a balayé ensemble. Tu as cité le côté paramétré pour être une bonne salariée. tu as cité euh l'éducation que tu as eue, le côté je dois rendre à mon pays d'adoption ce qu'il m'a donné. Comment tu es arrivée à challenger tout ça pour peut-être prendre des décisions différentes de ce qu'on attendait de toi ? Comme par exemple créer ton entreprise ?
- Speaker #0
En fait, je ne l'ai pas dit à ma maman tout de suite.
- Speaker #1
Oui, tu as dit que tu avais peur d'elle.
- Speaker #0
D'ailleurs, il faut que tu saches que je n'ai pas du tout dit à ma maman que je suis partie contrainte et forcée de mon entreprise. Donc, je vais prier pour qu'elle n'écoute pas. Non, mais je rigole. Comment j'ai réussi ? Écoute, je suis beaucoup challengée par mes enfants. Je suis beaucoup challengée par mon époux. et qui me donne la force de me dépasser, et qui me donne cette assise pour pouvoir avancer. Moi, j'ai des enfants qui n'ont peur de rien. Je pense que j'ai dû un peu les éduquer dans cette vision-là, et qui me challenge au quotidien. Moi, ma fille, quand elle m'a vue trois fois dans le canapé, elle m'a dit « Tu fais quoi, là ? » Donc, j'ai fait ça parce que j'ai envie d'être fière de moi. évidemment qu'il soit fier de moi mais j'ai aussi envie de me regarder dans le miroir en me disant je me répète hein j'ai qu'une seule vie Et il faut y aller. Est-ce que tu attends que les choses viennent à toi ou est-ce que tu vas aller les chercher ? Moi, je n'ai pas d'égo mal placé. Si demain, je me retrouve sans rien, je n'ai pas d'égo mal placé, j'irai prendre un poste manager dans un fast-food, ça m'ira bien et je réadapterai mon mode de vie. En revanche, je crois en la valeur travail. Je sais que je suis une bosseuse, je sais que je suis une professionnelle, je suis loyale et que j'aime l'intérêt général. Et donc ça, ça m'a forcé à me challenger, ça m'a forcé à me remuer et à dépasser les limites, finalement mes croyances invalidantes, des pieux qui sont dans ta tête et que tu t'es fixé tout seul ou que quelqu'un t'a mis dans ta tête, et que probablement qu'à 48 ans je me sens plus détendue à bousculer les lignes de ma vie qu'à 20 ans. et que probablement le candidat des gens qui ne m'aiment pas, qu'il les garde pour eux, et que ma maman, avec tout l'amour que j'ai pour elle et toute la reconnaissance que j'ai, elle sait probablement moins bien que moi ce qui est bon pour moi. Donc j'ai cette force en moi et à travers le regard des gens qui me sont le plus cher.
- Speaker #1
Justement, ça rejoint le deuxième point que je voulais voir avec toi, que j'ai retrouvé entre-temps. Tu m'avais évoqué la notion de respect des aînés, quelque chose qui fait vraiment partie intégrante de ta culture, issue donc de la culture bouddhiste. Comment tu as évolué par rapport à ça aujourd'hui ?
- Speaker #0
Ça reste ancré en moi, le respect des aînés en termes d'âge ou en termes de hiérarchie. parce que ça va de pair, ça reste ancré en moi. J'ai toujours beaucoup de mal à transgresser ce genre de règles. Et donc, je ne lutte pas contre ça. Au même titre que je ne lutte pas contre mon côté impulsif, j'arrive à les apprivoiser et prendre du recul par rapport à ça. Et je me dis que ce n'est pas parce que c'est mon aîné qu'il a raison, ce n'est pas parce que c'est mon chef. qui a raison, c'est pas pour ça non plus qu'il a tort, mais j'arrive à prendre du temps. Aujourd'hui, fort de ces quelques années de vécu, je ne fais plus les choses dans l'instant. J'arrive à juguler ça et à prendre le temps d'analyser, de poser la réflexion et d'apporter ensuite un argumentaire et une réflexion posée parce que je m'aperçois que quand tu n'es pas d'accord et que tu es une femme, et que tu t'affirmes, ben t'es hystérique. Alors que t'es, quand t'es un homme et que tu parles fort, ben t'as de l'autorité. Et donc, comme je ne veux pas être vue comme une hystérique, parce que c'est quand même ça, eh bien j'ai pris le temps de mesurer mes propos et d'apporter un peu de structure et donc de challenger cette notion d'hierarchie ou cette notion d'aîné. Donc, c'est en moi, je ne te dis pas que ce n'est pas là, parce que c'est comme ça que je fonctionne. En revanche, j'arrive à apporter un peu de relativité par rapport à ça et surtout, le temps m'aide à faire les choses. Tu sais, on me dit souvent qu'il faut tourner sa langue cette fois dans sa bouche avant de parler. Eh bien, moi, je pense que si je faisais ça, je serais frustrée. Donc, en fait, je parle à mon téléphone, je lui dis tout ce que j'ai à dire et toute la colère que j'ai en moi. Et puis après, je pose, ce qui fait que ça m'a enlevé toute cette charge émotionnelle. ou cette charge mentale, et derrière, ça m'enlève cette frustration, et derrière, au moins j'ai dit ce que j'avais à dire, et qu'après, je reprends ce que j'ai dit et je pose les choses. Ça, c'est mon astuce à moi pour ne pas me dénaturer, parce que je ne vais pas faire de moi un béni-oui-oui qui va dire amène à tout, mais je ne renie pas non plus les valeurs que mes parents m'ont inculquées.
- Speaker #1
Je vais traduire ça en langage de coach, mais du coup, tu prends le temps d'accueillir tes émotions, plutôt que de les accueillir, font que de toute façon, elles s'en vont ou elles s'atténuent, et après tu peux y venir d'une manière peut-être plus rationnelle.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Écoute, pour conclure cet entretien, si tu devais résumer en une phrase ce que tu aimerais que les personnes qui nous écoutent retiennent ? de ton parcours, du message que tu as envie de transmettre, qu'est-ce que tu dirais ?
- Speaker #0
Je dirais que dans la vie, la vie vous sourit. Je viens de loin. Je pense que mon bilan carbone, il a été pourri à la naissance, parce que Saigon, Roubaix, en avion, plus en bus ou en train, je pense que je suis partie avec un bilan carbone très détérioré. Je suis fière de ce que je suis devenue. Je pense qu'il faut que chacune et chacun d'entre nous le soit, que je suis foncièrement heureuse et sereine et que quelles que soient les épreuves de la vie, c'est ce qu'on en fait qui fait la différence. C'est notre choix de les assumer, de les porter, de les transformer en quelque chose de mieux et c'est aussi notre choix de ne pas les subir et de ne pas les transformer en pensées négatives. Et c'est probablement ce que j'ai envie de réussir de mieux et c'est probablement ce que j'ai envie que l'on retienne de moi et de mon parcours.
- Speaker #1
Merci donc pour ton partage en toute transparence, en toute authenticité des bons comme des moins bons moments de ton parcours. Et puis, écoute, je te souhaite une belle réussite dans ton entreprise.
- Speaker #0
Merci beaucoup, Marie-Laure. À bientôt.
- Speaker #1
À bientôt.