- Speaker #0
Bonjour et bienvenue sur le podcast Liberté d'être femme, leadership, sororité et pouvoir intérieur. Je suis Marie-Laure Isette, fondatrice de l'entreprise H&J Intelligence. J'y travaille avec des femmes leaders que j'accompagne à travers du coaching, des conférences et des événements autour du leadership féminin. Dans ce podcast, je rencontre des femmes absolument extraordinaires, comme vous j'en suis sûre, qui sont managers, dirigeantes et qui nous partagent leurs réflexions, leurs doutes et leur victoire sur leur chemin vers un leadership plus humain et plus épanouissant. Avant de démarrer l'interview, je voulais vous parler de l'événement que j'organise du 21 au 23 mars 2025 et qui me tient énormément à cœur. Quand on est une femme leader, c'est pas évident de définir sa propre posture entre la tentation de faire comme les hommes ou bien la tentation de s'opposer drastiquement aux hommes. Aucune de ces deux façons de faire ne prend en compte qui nous sommes vraiment là-dedans, nos valeurs propres, et nos particularités. Non, les hommes et les femmes ne sont pas égaux car nous sommes différents. Dire que nous sommes égaux, c'est nier ce qui nous appartient à nous en tant que femmes. Il est temps pour les femmes managers de définir leur propre leadership en respectant leur authenticité et leur intégrité. Je vous propose lors de cet événement en mars de partir à la découverte de qui vous êtes profondément et de définir votre propre posture de leadership. C'est réservé à un petit groupe de femmes managers. Il n'y a que 8 places. Pour en savoir plus sur le programme ou les informations pratiques, je vous invite à vous rendre sur la page que j'ai créée et dont j'ai mis le lien dans les notes de l'épisode. Et maintenant, place à l'interview.
Bienvenue Alexia, ça me fait très plaisir de t'accueillir sur le podcast Liberté d'être femme.
- Speaker #1
Merci pour l'invitation.
- Speaker #0
Et bien, est-ce que tu veux bien te présenter ?
- Speaker #1
Oui, alors je m'appelle Alexia Chandor, j'ai 41 ans et je suis cofondatrice d'une entreprise qui s'appelle Big Gene Genetics, c'est une start-up grenobloise, je suis mariée, j'ai deux enfants.
- Speaker #0
Ok, est-ce que tu peux nous parler de ton parcours, je veux dire ton parcours de formation plutôt, à l'origine ?
- Speaker #1
J'ai un parcours très scientifique. J'ai commencé par une classe prépa après le bac. Je ne savais pas exactement vers quel métier m'orienter. Je savais juste que j'aimais bien la chimie, les sciences en général. J'ai fait une prépa physique-chimie. Après mes deux ans de prépa, j'ai intégré une école d'ingénieurs qui s'appelle l'École nationale supérieure de chimie de Paris. qui est à Paris, où j'ai eu mon diplôme d'ingénieur au bout de trois ans. Et en parallèle de ma dernière année d'école d'ingénieur, j'ai aussi fait un DEA, ça fait encore DEA, c'est maintenant un master de pharmacochimie, pharmacologie et métabolisme des médicaments. Ce qui m'a un peu ouvert les portes de la science de la vie et moins de la chimie pure. plus la chimie appliquée aux sciences de la vie, à la biologie, aux sciences du vivant en général, et puis aussi à la recherche académique. Donc suite à ce double diplôme, j'ai fait une thèse au CEA de Grenoble. Je suis arrivée à Grenoble pour ma thèse, où j'ai travaillé sur des bactéries qui étaient capables de réparer toutes seules leur ADN. C'est un sujet très fondamental, mais qui m'a permis de commencer à travailler sur le vivant, sur les micro-organismes, sur un milieu qui est hyper passionnant. Le milieu vivant est toujours plein de surprises, mais très intéressant. Pendant ma thèse au CEA, j'ai rencontré ma future associée. Caroline Ranquet, qui était vraiment une experte en génétique bactérienne. Après ma thèse, on s'est un petit peu éloigné, mais disons que chacune est partie vers d'autres aventures professionnelles. J'ai fait ce qui s'appelle un post-doc, c'est un contrat de chercheur juste après la thèse, post-doctorat, qui est un peu comme un post-doc, qui est un CDD de chercheurs dans un laboratoire académique. Et là, j'ai travaillé sur la résistance des moustiques aux insecticides chimiques. C'est un autre sujet passionnant, très différent et passionnant aussi parce que ça a des répercussions au niveau de la santé publique mondiale hyper importantes. En fait, le moustique, c'est l'animal le plus dangereux du monde. On ne dirait pas, mais en fait, c'est parce qu'il est porteur de maladies et ils sont de plus en plus exposés à la fois aux polluants et aux insecticides, pesticides divers. Et donc, ils deviennent résistants. Donc, ça pose un problème. Donc moi, j'étais plutôt sur les aspects vraiment très fondamentaux de cette recherche, comment le moustique se défend contre ces molécules étrangères.
- Speaker #0
D'accord, ok.
- Speaker #1
Voilà. Beaucoup de sujets assez différents, en fait. Et puis à la fin de mon contrat, j'étais toujours en lien avec Caroline. Et puis Caroline avait développé une technologie au sein de son laboratoire à l'université. Elle s'est rapprochée de moi avec une troisième associée. pour créer Bidjin. Ça, c'était en 2014.
- Speaker #0
D'accord. Je comprends mieux. Finalement, cette idée de startup, c'était une forme d'émergence de l'université, du travail de recherche, je ne sais pas si c'était universitaire, en tout cas de laboratoire.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. D'accord. C'est vraiment ça.
- Speaker #0
D'accord. Tu décris ton parcours. J'aimerais te demander Quand tu étais enfant, est-ce que c'était déjà les sciences ? Est-ce que tu avais déjà un peu ça en tête, en ligne de mine ? C'était quoi ton rêve d'enfant pour ton futur ?
- Speaker #1
Moi, je voulais être institutrice, comme beaucoup de petites filles, je pense. Oui,
- Speaker #0
maîtresse.
- Speaker #1
Maîtresse de l'école. Et puis, en fait, j'étais plutôt meilleure en sciences que dans les matières plus littéraires. Donc naturellement, je me suis orientée vers des spécialités scientifiques, physique-chimie. Et puis en fait, la chimie, j'ai trouvé ça hyper intéressant de comprendre comment... Finalement, il y a beaucoup de choses qui relèvent de la chimie dans notre quotidien. Et c'est ça qui m'a passionnée, qui m'a vraiment intéressée, qui m'a poussée à continuer vers des études scientifiques.
- Speaker #0
Attention, je suis physicienne,
- Speaker #1
mais plutôt la physique.
- Speaker #0
chacun dans son prisme mais les deux les deux ensemble bien sûr mais c'est la petite guéguerre qu'on a à l'université donc tu m'as parlé de la rencontre d'avoir continué à garder le lien avec Caroline et puis d'avoir trouvé à la fin de ton post-doc et qu'est-ce qui t'a donné euh... vraiment envie de participer à ce projet-là plutôt que d'aller peut-être chercher, de rester peut-être soit dans le domaine universitaire, soit de chercher un poste dans une grande entreprise ?
- Speaker #1
Ça, je n'ai jamais vraiment réfléchi. Je pense que c'est une question d'opportunité. Déjà, j'arrivais à la fin de mes contrats de post-doc. On est limité à… un certain nombre de contrats aussi dans la fonction publique, dans la recherche en tant que CDD. J'arrivais au bout. J'ai passé un concours pour être enseignante-chercheure. Puis je voulais rester à Grenoble aussi. Et donc, tout ça cumulé a fait que cette opportunité, elle est arrivée au bon moment. Et je me suis dit, pourquoi pas tenter l'aventure ? On verra bien. J'ai pris ça plutôt comme un nouveau travail, en me disant, on verra bien, c'est une autre chose, on va découvrir une nouvelle facette d'un emploi qui serait un peu différent forcément d'une grande entreprise. On va pouvoir monter quelque chose de nos mains et voir où ça nous mène. Mais par contre, je n'ai pas réfléchi très longtemps, ça s'est fait assez rapidement et on s'est dit, allez, on va faire.
- Speaker #0
On ne sait pas quelque chose de jamais.
- Speaker #1
Ce n'est pas quelque chose que j'avais du tout imaginé ou envisagé avant. Pour moi, c'était trop risqué, trop incertain, trop de stress. Ce n'est pas du tout quelque chose que j'ai envisagé. Il ne faut jamais dire jamais.
- Speaker #0
Oui, parce que tu as quand même foncé dedans rapidement. Est-ce que tu as des modèles d'entrepreneur ou de chef d'entreprise dans ton entourage, famille, amis ?
- Speaker #1
À ce moment-là, j'avais personne vraiment dans mon entourage proche, en tout cas, qui avait... lui-même créé dans ma famille, c'est plutôt dans l'enseignement, ou la fonction publique, ou les métiers paramédicaux. Donc, ce n'était pas un modèle que j'avais, en fait. Je n'avais pas de référence non plus. C'est peut-être ça qui m'a permis de ne pas me freiner et de me dire, allez, on y va, parce que finalement, je n'avais pas d'a priori sur le sujet.
- Speaker #0
Peut-être que tu peux maintenant raconter les différentes étapes du développement de l'entreprise. Comment ça s'est passé au début ? Est-ce que vous avez eu besoin de lever des fonds ? Je te laisse nous raconter l'histoire de BD.
- Speaker #1
Oui, on a commencé grâce à la technologie de Caroline à proposer des services à des industriels. Au début, c'était beaucoup dans la pharma. à des industriels qui souhaitaient optimiser un organisme pour la fabrication de protéines recombinantes. Donc souvent c'est des vaccins, des molécules visées pharmaceutiques. Donc on a commencé comme ça et puis après on a voulu s'automatiser pour aller plus vite et puis développer plus de technologies, faire plus de projets en même temps. Donc on a fait une première levée de fonds auprès de Business Angel. de la région grenobloise, qui nous ont permis d'acquérir du matériel, et notamment des robots de piquetage. Et puis on a commencé à s'intéresser aux apports de la bioinformatique, aussi assez rapidement après la création de Bidgine, parce que c'est une technologie surtout en biologie de synthèse, où notre domaine c'est la biologie de synthèse. La bioinformatique, elle permet d'aller plus vite, de prédire... des réactions, de modéliser ce qu'on va construire ensuite au niveau du laboratoire. Et en 2017, on a fait une autre levée de fonds qui nous a permis de racheter une petite entreprise de bioinformatique grenobloise dont on utilisait déjà le logiciel depuis la création de UbiGene. Donc, ça a été notre première acquisition. Enfin, la seule d'ailleurs, mais ça, c'était un... Un gros moment parce qu'on était quand même assez jeunes encore et on a intégré une personne à ce moment-là. Et ça a permis de développer vraiment un autre aspect de l'entreprise qui est la bioinformatique en parallèle de la biotechnologie. Ça c'est le mieux qui est primastien.
- Speaker #0
Oui, on va y revenir. Tu disais, on était très jeunes. À quel âge vous aviez quand vous avez fondé l'entreprise à l'origine ?
- Speaker #1
Moi, j'avais 30, 31 et puis Caroline,
- Speaker #0
40, 41.
- Speaker #1
Elle est plus âgée. OK. 10 ans,
- Speaker #0
OK. Et au moment de cette acquisition, c'était au bout de combien de temps ?
- Speaker #1
Au bout de trois ans, oui. Trois ans après.
- Speaker #0
Quand même assez rapide.
- Speaker #1
Quand même assez rapidement, oui.
- Speaker #0
Donc, tu as parlé d'une première levée de fonds avec des business angels. Et puis, on a eu une deuxième aussi.
- Speaker #1
Et donc, après, on a voulu relever de nouveau des fonds en 2018. Et là, en fait, on a changé de business model. On est passé d'une entreprise de service, purement de service, à façon à une entreprise où on voulait développer nos propres produits. parce qu'on a développé notre technologie de façon suffisamment robuste. On a la partie bioinformatique qui nous permet aussi de nous guider dans les développements, de modéliser, de préparer le terrain pour la biotech, pour le labo. Et on s'est senti prêts à se dire qu'il faut qu'on développe nos propres produits et plus qu'on offre juste des services extérieurs. On s'est penché sur le développement de molécules dans la famille des arômes et parfums pour la parfumerie, la cosmétique, grâce à ce qu'on appelle la biologie de synthèse. On s'est utilisé les micro-organismes comme des mini-usines pour leur faire produire une molécule, un arôme, un parfum, qui existe dans la nature et qu'on va faire fabriquer par un micro-organisme. Donc ça c'est vraiment une alternative. Souvent on oppose deux façons dans la production des arômes, fragrances, cosmétiques. Il y a la synthèse chimique avec tout ce qu'elle a d'inconvénients, sources pétrochimiques, utilisation de pollution, toxicité, etc. Mais en revanche, c'est une méthode qui a des très bons rendements. On peut faire beaucoup de produits. En général, les molécules qui sortent de la synthèse chimique sont moins chères. Et puis en face, il y a l'extraction naturelle, où on va utiliser les végétaux pour en extraire l'arôme ou le parfum. Mais finalement, ça aussi, ça a des inconvénients. Une grande surface au sol, l'utilisation de beaucoup d'eau, de pesticides, etc. Nous, on vient avec cette alternative-là de produire dans un laboratoire, sur une surface au sol réduite, toute l'année. On n'est pas dépendant de la météo ou de contraintes géopolitiques, par exemple. On va pouvoir produire toute l'année une molécule aromatique, mais de façon naturelle, parce que c'est un micro-organisme, donc un être vivant qui le fabrique.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
C'est ce projet-là qui nous a permis de lever de nouveau des fonds en 2018. auprès d'un family office, cette fois. C'est un investisseur privé.
- Speaker #0
Un investisseur privé, d'accord. J'ai deux questions. Déjà, en tout, combien est-ce que vous avez levé de fonds en totalisant les deux levées ?
- Speaker #1
En tout, on a levé 12 millions d'euros en 10 ans.
- Speaker #0
D'accord,
- Speaker #1
OK.
- Speaker #0
Et puis, la deuxième question, c'était plus ce que tu me décris, cette production de... de molécules à partir de micro-organismes, c'est quelque chose qui est très novateur. Vous êtes nombreux à faire ça ou un peu les seuls ? Comment ça se passe aujourd'hui ?
- Speaker #1
Dans le monde, on va dire qu'il y a entre 40 et 50 entreprises qui peuvent faire ça à différentes échelles. Ça peut être des startups comme maintenant aussi des gros groupes internationaux. En Europe, on est assez peu nombreux. Et les entreprises qui travaillent à la fois en bioinformatique et en biotechnologie, qui utilisent des modèles guidés par l'intelligence artificielle ou du design, d'abord du design guidé par la bioinformatique, on est vraiment très peu. En Europe, ça se compte sur les doigts d'une main.
- Speaker #0
D'accord. Et c'est très demandé. Est-ce que les industriels connaissent le principe ? Est-ce qu'ils sont d'accord ? ou désireux d'y faire appel ?
- Speaker #1
Alors, ça évolue très vite. Quand on a créé l'entreprise, on avait interrogé les entreprises cosmétiques dans le domaine qui nous avaient dit, mais ce n'est pas possible. Pour l'instant, on n'est pas prêts, le consommateur n'est pas prêt. Et aujourd'hui, c'est complètement différent. En fait, il y a vraiment... Les industriels souhaitent... vraiment essayer de se passer le plus possible de la chimie, pétrochimie de synthèse, par des considérations de transition écologique, ce qui est tout à fait normal. Et donc, ça intéresse de plus en plus aux entreprises de biotechnologie et à ces modes de fabrication de biotechnologie. Ok, donc ça… Donc il y a déjà, oui, aujourd'hui, par exemple, une partie de la vanilline, donc l'arôme vanille, il y en a une partie qui est fabriquée par biotechnologie et qui est commercialisée aujourd'hui.
- Speaker #0
D'accord, ok. Donc c'était un beau créneau sur lequel partir.
- Speaker #1
On espère que ça va continuer.
- Speaker #0
Alors avant que je gêne sur des questions plus en rapport avec le genre, parce que je vous ai évoqué un petit peu tout à l'heure et je vais y revenir, il y a combien d'employés aujourd'hui dans l'entreprise ?
- Speaker #1
On est 17.
- Speaker #0
17, avec une parité. Parfait,
- Speaker #1
je crois. Exacte parité, 50-50.
- Speaker #0
Sans l'avoir voulu ou c'est un peu fait exprès ?
- Speaker #1
Non, sans l'avoir voulu. Ça vient au fur et à mesure. On a la chance d'avoir des métiers qui ne sont pas forcément très genrés. Et donc, on arrive à trouver à la fois, que ce soit technicien, ingénieur, bioinformaticien, autant de femmes que d'hommes.
- Speaker #0
Je t'ai écouté raconter le parcours et ça a l'air d'un parcours merveilleux, facile, simple, sans embûches. Je sais que ce n'est pas le cas. Comment ça s'est passé la levée de fonds justement ? La première, la deuxième, est-ce que ça s'est passé dans la facilité ou pas ?
- Speaker #1
Pas forcément, c'est pas en claquant des doigts. Après, je n'ai pas d'autres expériences, d'autres levées de fonds dans d'autres entreprises. C'est vrai que... On s'est souvent dit qu'on avait eu aussi des difficultés parce qu'on était trois femmes fondatrices et que parfois, peut-être, on n'était pas suffisamment prises au sérieux. Et on a essuyé quand même pas mal d'échecs, de refus. Je pense que ce n'est pas uniquement lié à ça, mais peut-être que quelque part, ça a joué à un moment ou à un autre. Ce qu'on dit souvent, c'est vrai qu'à partir du moment où on a recruté un directeur financier, qui est très compétent, qui nous a aidé à faire nos business plans, etc. Mais ça a permis de déclencher. Est-ce que parce que lui était homme aux mains des finances de l'entreprise, ça nous a aidé ? Je ne sais pas.
- Speaker #0
on pourra jamais le savoir je pense mais il était présent avec vous vous faisiez vous avez oui d'accord oui et mis à part ce cette personne vous étiez accompagné enfin avant qu'il arrive vous aviez des personnes qui vous accompagnaient ou des organismes oui
- Speaker #1
on a donc appel à des cabinets de conseil souvent qui d'accord
- Speaker #0
Et ça a pris combien de temps cette première levée de fonds ? A partir du moment où vous vous êtes dit maintenant il faut que l'on y aille et puis jusqu'au moment où vous avez eu la validation ?
- Speaker #1
Je ne me souviens pas bien mais je pense que c'était autour d'un an je pense, en durée moyenne.
- Speaker #0
D'accord. Et aujourd'hui vous avez des objectifs de développement ?
- Speaker #1
Oui, toujours. Oui, aujourd'hui. Là, on a commencé en tant que service. Ensuite, on a développé nos propres procédés pendant environ six ans jusqu'à aujourd'hui. Maintenant, on a fait la preuve que nos procédés sont faisables, industrialisables, qu'avec ces méthodes, on peut produire des arômes et des parfums. Donc, on a recommencé depuis quelques mois à reproposer, cette fois pas des services… c'est vraiment court terme très simple, mais on a proposé à des industriels de développer pour eux des procédés de production de molécules aromatiques, arômes, parfums ou ingrédients cosmétiques pour eux dans une optique vraiment de développement de R&D un peu plus long terme. C'est des plus gros projets qui sont sur plusieurs mois. Ils nous donnent un ingrédient et puis ensuite, on leur propose une façon de faire et des idées. en plusieurs étapes. Et donc ça, c'est ce qu'on cherche à développer encore aujourd'hui par un adossement industriel, essayer de faire croître cette technologie et faire profiter le plus d'industriels possibles.
- Speaker #0
D'accord. Donc,
- Speaker #1
leur......des prochains mois. Oui,
- Speaker #0
leur apprendre à faire pour qu'ils puissent faire par eux-mêmes sur une échelle industrielle que vous ne pourriez pas.
- Speaker #1
Voilà. Oui, que nous, on n'a pas... Voilà, nous, on a une échelle laboratoire de fermentation de petits volumes mais on n'est pas destiné à construire des usines aujourd'hui seul.
- Speaker #0
Oui et dans tout ce que tu nous écris, ton poste aujourd'hui dans l'entreprise c'est quoi précisément ? Vous êtes trois co-fondatrices et toi tu occupes un poste de direction R&D et l'innovation ?
- Speaker #1
C'est ça, directrice scientifique innovation. On va occuper la stratégie scientifique et au niveau d'innovation, tout ce qui va être propriété intellectuelle. Aussi, la sécurisation de notre technologie par des dépôts de brevets et de la veille technologique.
- Speaker #0
Aujourd'hui, tu travailles main dans la main avec un directeur général qui est un homme aussi.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Merci. Quelles compétences de leadership tu as dû développer pour diriger une équipe innovante dans un secteur aussi pointu ?
- Speaker #1
Ce qui est bien, c'est que comme on a commencé avec très peu d'employés, j'ai appris au fur et à mesure de la croissance de l'entreprise. Et puis, ce que j'ai vraiment appris, ce que j'avais peut-être en moi et que j'ai mis en place, c'est plus des... des capacités d'écoute ou de sur-mesure aussi parce que chaque personne est différente. Petit à petit, on s'est formé aussi. Je me suis formée au management et à l'accompagnement de différentes personnalités. Ce que j'ai pu développer petit à petit, c'est plus d'assertivité. Au début, on apprend forcément, et puis petit à petit, on arrive à savoir dire des choses et comment les dire de façon assertive, c'est-à-dire ne pas tourner autour du pot. devoir trancher quand c'est nécessaire. Ça, c'est forcément quelque chose qui était facile au début. Je me suis formée à ces choses-là qu'on n'apprend pas à l'école. On n'apprend pas quand on fait une école scientifique. Et puis finalement, c'est quelque chose qui est très intéressant et que moi, j'ai adoré, que maintenant, j'aime beaucoup aussi.
- Speaker #0
C'est vrai que c'est dommage que c'est pas peut-être. ne soient pas davantage enseignées. Je dirais même, tout ce qui concerne la communication, de toute façon, ça devrait déjà être enseigné dès le collège et le lycée.
- Speaker #1
En France, en tout cas, ce n'est pas du tout fait. J'ai des amis, par exemple en Belgique, dès le primaire, ils font un peu une sensibilisation à la communication, même à la discussion, au débat. une prof de philo en primaire, ça existe. Pas du tout.
- Speaker #0
Oui, c'est vrai que c'est dommage, cette partie-là, parce qu'on se retrouve à l'apprendre en tant qu'adulte, quand on est confronté de fonds ou de problèmes qui arrivent à beaucoup d'entre nous.
- Speaker #1
C'est ça, oui. Donc on n'est pas forcément... C'est pas inné, c'est pas quelque chose qu'on sait faire juste comme ça, parce que...
- Speaker #0
Ça s'apprend. Ça s'apprend d'ailleurs, parce que sinon... Il y a une partie d'entre nous qui n'y arrivera jamais. Et oui, c'était que de l'inné. Et c'est quoi les défis auxquels tu fais face aujourd'hui dans ton poste ? Soit ça peut être dans la relation avec les équipes, ça peut être d'autres choses aussi.
- Speaker #1
C'est gérer les susceptibilités de chacun et faire en sorte que tout le monde s'écoute. qu'on puisse avancer et discuter ensemble. Comme on est tous différents, on n'a pas forcément la même façon de voir les choses. En fait, c'est d'apprendre à les dire, les communiquer, les organiser, les retranscrire et puis finalement avancer vers un projet commun. Ce n'est pas ce qui est le plus facile.
- Speaker #0
Et comment tu te sens en tant que femme et leader ? Est-ce que tu as l'impression que c'est quelque chose qui va plutôt te servir ou te desservir ?
- Speaker #1
Alors déjà, moi, j'ai du mal à me considérer comme leader. C'est un mot qui…
- Speaker #0
J'ai cru que tu allais dire j'ai du mal à me considérer comme femme
- Speaker #1
Non !
- Speaker #0
Oui, tu as du mal à…
- Speaker #1
Oui, c'est… Je ne sais pas, c'est un mot qui est un peu pompeux parfois, qui fait être un peu… Oui, leader, leadership, je ne le revendique pas du tout en tout cas. Et après, en tant que femme, je n'ai jamais vraiment fait la… Je pense qu'inconsciemment, oui, mais j'ai du mal à faire la différence. J'ai un poste à responsabilité. Et finalement, que je sois homme ou femme, est-ce que c'est une vraie différence pour moi ? Je ne veux pas qu'il y ait de différence et je ne veux pas me revendiquer. je suis femme et un poste à responsabilité, donc waouh ! Et ça se fait comme ça et j'en suis super fière, déjà, mais je ne recherche pas non plus tout le temps, je ne cherche pas à avoir plus de responsabilités, plus de pouvoir, parce que pas du tout là-dedans, d'aller chercher plus de leadership. Donc, mon équipe est bien et a envie de faire ce qu'elle a envie de faire. Enfin, envie de faire ce qu'elle doit faire. Eh bien, c'est déjà gagné.
- Speaker #0
Alors, on a beaucoup parlé de ton parcours scientifique, enfin, du développement de l'entreprise, mais tu as aussi d'autres activités. Tu es aussi élue.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Merci de nous en toucher un mot.
- Speaker #1
Donc, j'habite dans une petite commune de montagne. À côté de Grenoble, c'est un village de 950 habitants, mais je fais partie du conseil municipal et même plus précisément, je suis adjointe au maire en charge de l'enfance, affaires scolaires, petite enfance. Donc, c'est mon premier mandat. J'ai été élue en 2020. Et voilà, il faut jongler avec ça aussi. Mais c'est quelque chose qui est hyper gratifiant, personnellement, parce qu'on voit... Surtout dans un petit village, on voit très rapidement...
- Speaker #0
les améliorations qu'on peut essayer d'apporter et puis qui touchent directement le public, c'est surtout les enfants, mais les parents aussi, les parents d'élèves, les parents d'une crèche associative. Donc c'est très stimulant en fait de travailler comme ça, parce que l'effet est assez rapide et direct. J'ai commencé par être présidente de la crèche, puis déléguée des parents d'élèves. La suite logique, c'était...
- Speaker #1
Prochaine fois, ce sera même.
- Speaker #0
Monde du conseil municipal. Non, non, pas tout de suite.
- Speaker #1
J'ai l'impression que le concept de contribution, de contribuer, c'est quelque chose qui est important pour toi parce que je vois que dans l'entreprise, il y a une contribution. scientifique, technologique, évidemment. Il y a le côté écologie, développement durable, à travers ce que tu nous décris, de vos évolutions technologiques. Il y a cette contribution aussi concrète dans ton village. Ça a l'air d'être quelque chose qui te tient à cœur.
- Speaker #0
Oui, finalement, c'est bien résumé. Je ne l'avais pas forcément envisagé, mais c'est vrai que c'est... C'est apporter quelque chose. C'est exactement ça, l'idée de contribuer à faire avancer un projet ou faire avancer une équipe. C'est un truc qui me motive pas mal.
- Speaker #1
Et puis, tu as fait aussi quelque chose de peu commun. Tu fais un voyage pendant un an en voilier autour de l'Atlantique. Alors, qu'est-ce qui t'a amené à faire...
- Speaker #0
faire ça c'est multifactorie la bière un scientifique qui parle parce que c'est pas du tout un milieu que fréquenter même enfant j'ai jamais fait de stage de voile c'est un truc que j'imaginais pas trop faire non plus puis mon mari est pour le coup assez passionné ça toujours loué en vacances des bateaux, faire des petites croisières côtières. Et par la force des choses, j'ai commencé à apprécier ce genre de vacances. De plus, assez régulièrement, on est partis, on est partis avec les enfants aussi, mais toujours sur du côtier. Et puis après, il y a eu le confinement, où on est restés en famille, un peu en vase clos. plusieurs mois, faire l'école à la maison. On a eu la chance d'avoir un environnement extérieur aussi qui est favorable. On n'était pas non plus enfermés entre quatre murs donc c'était quand même plus confortable. Ça s'est hyper bien passé cette vie à quatre en fait. Et peut-être qu'il y a aussi la quarantaine où on se dit qu'il faut faire les choses avant de regretter de ne pas les avoir faites. Je me suis toujours dit qu'il lui regretterait un jour s'il ne faisait pas ce genre d'expérience. Et donc, on s'est dit, est-ce qu'on le fait ? Et peut-être que maintenant, c'est le moment de le faire. Et donc, on s'est calé pour partir pendant un an, au moment où les enfants avaient aussi un programme scolaire qui était gérable. Cinquième pour l'aîné, CE2 pour le plus jeune. On est partis de août 2023 à fin juillet 2024, en famille, sur un voilier. On est partis de Méditerranée et on est revenus en Méditerranée, en passant par l'Atlantique. C'était une super expérience.
- Speaker #1
J'imagine. Et comment ça s'est passé avec les enfants ?
- Speaker #0
Oui, ils ont adoré d'être tout le temps dehors. Nous, en plus, on a eu quasiment tout le temps l'été. On a eu très peu de mauvais temps avec la bonne saison. En fait, c'est un parcours qui se fait quasiment sur l'année scolaire au final. On part d'Europe l'été. Ensuite, on est parti de Méditerranée. Donc, on a passé le détroit de Gibraltar fin octobre. Après, on descend plus vers le sud petit à petit, donc au Canary en novembre, au Cap Vert en décembre, donc il fait toujours beau et chaud. Ensuite, on a traversé l'Atlantique. On a passé quatre mois aux Antilles. Donc là, c'est des mers turquoises, des super endroits paradisiaques, vraiment très beaux. Et puis après, on est revenus et les enfants, on a dû gérer l'école en parallèle. On n'était pas toujours très, très assidus, mais on essayait de faire quand même le maximum. Et on a réussi, finalement, on a réussi à faire tout le programme scolaire qui était prévu.
- Speaker #1
Peut-être plus que ceux qui étaient en classe. Les programmes sont rarement finis.
- Speaker #0
Ça dépend des matières, on va dire. Mais on a fait le principal. Et voilà, on a découvert, en fait, ils ont été aussi confrontés à la réalité de certaines choses. D'ailleurs, c'était marrant dans certains programmes aussi. Je me souviens que le programme de géographie, par exemple, c'était sur les inégalités de développement dans le monde ou les inégalités de richesse dans le monde. Et quand on arrive au Cap-Vert, on a une confrontation pratique avec ce concept par rapport à nous qui étions restés tout le temps en France. Et plein d'intérêts, pas seulement le voyage et la découverte de paysages, mais aussi de richesses. On a rencontré d'autres voyageurs, d'autres familles, avec des projets plus ou moins similaires.
- Speaker #1
Et vous étiez juste tous les quatre ou il y avait d'autres personnes avec vous ?
- Speaker #0
On a fait la majorité tous les quatre. Après, on a pris deux équipiers pour traverser l'Atlantique entre le Cap Vert et la Martinique. On a rencontré un jeune couple qui voulait traverser l'Atlantique à la voile. Ils avaient un petit peu d'expérience et qui voulaient en avoir plus. Et nous, ça nous a beaucoup aidé. Parce qu'en fait, on ne peut pas s'arrêter quand on est au milieu de l'océan. Et donc, il faut que le bateau avance jour et nuit. Et en fait, on se relaie toutes les trois heures. C'est surtout de la surveillance active. Et puis, s'il y a un problème, c'est réveiller le capitaine pour... pour manœuvrer le bateau s'il y a besoin. Mais là, on a passé deux semaines et demie avec eux. Et puis au retour, pareil, cette fois, c'était un membre de notre famille qui est venu avec nous pendant deux mois pour refaire le retour.
- Speaker #1
Alors, ça doit représenter comme un sacré coup, un projet comme ça. Déjà, j'imagine que... Pendant un an, il n'y a pas de revenu.
- Speaker #0
Et puis,
- Speaker #1
le bateau, vous l'avez loué ?
- Speaker #0
Le bateau, on l'a acheté en partant. Enfin, un petit peu avant, on l'a préparé. On a fait quelques améliorations pour qu'il soit plus autonome en énergie, en électronique. Et on l'a revendu en revenant. D'accord. Un autre couple qui va repartir. Donc là, l'opération est presque blanche. Ce n'est pas ça qui est le plus important. Et après, au quotidien, en fait, on a beaucoup moins de charges que sur une vie terrestre.
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Il n'y a pas d'électricité, pas d'eau, très peu. En fait, on n'utilise que vraiment ce dont on a besoin. Et l'électricité, on la produit nous-mêmes, soit le moteur diesel, soit par des panneaux solaires. Eh bien, l'eau, on la restreint pas mal aussi. Et puis on a assez peu de ce genre de charges. Après, il y a toujours des choses à réparer sur le bateau, et puis le quotidien, la nourriture, etc. Mais finalement, c'est comme à terre. C'est un projet, c'est sûr que ça coûte de l'argent. On ne peut pas faire ça tous les ans. Ceux qui partent sur plusieurs années, ils font ça, mais avec plus d'économie ou avec un travail quand même en parallèle. On s'arrête travailler quelque part pour remplir la caisse de bord. Nous, on a pu se permettre ça, donc c'était chouette. Ça crée expérience. Voilà, on a géré tout ça.
- Speaker #1
Et le retour, quand il a fallu reprendre ton poste, ça s'est passé comment ?
- Speaker #0
Le retour est peut-être plus compliqué. Le départ n'était déjà pas facile, parce qu'il y a un moment où il faut se dire, bon, ben voilà, je... je vous laisse mais c'est rien de préparer le maximum mais bon voilà je n'ai plus forcément là quotidien et d'ailleurs il n'est pas été trop contacté pendant un an donc c'est assez on laissait vivre cette expérience et le retour le retour bas le contexte de l'entreprise un petit peu changé le bon matin Je ne m'apparderai pas trop dessus, mais après il faut retrouver sa place sur une équipe qui s'est réorganisée et qui finalement roule comme ça aussi. Et donc peut-être qu'il y a des ajustements. un peu à faire, à discuter, prendre d'autres responsabilités. Tout ce qui est propriété intellectuelle, c'est quelque chose que je ne faisais pas forcément beaucoup avant. Et puis maintenant, c'est un peu plus au métier, il y a un peu plus de stratégie scientifique encore. Ça se remet en place petit à petit. J'ai repris en août.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
c'est le 4 mois.
- Speaker #1
Le 4 mois, effectivement.
- Speaker #0
C'est vrai.
- Speaker #1
Et alors, on arrive à la fin. Qu'est-ce que tu as envie de transmettre comme mot de la fin, comme message aux auditrices et aux auditeurs ?
- Speaker #0
Peut-être qu'il ne faut pas trop réfléchir. Est-ce que je vais être capable de le faire ? Est-ce que c'est vraiment ma place ? Finalement, c'est d'essayer et puis d'y aller. que ce soit par rapport à la création d'entreprise, tout le monde ne veut pas créer une entreprise comme ça non plus forcément, mais c'est peut-être d'oser le faire, et puis ce n'est pas grave si ça ne marche pas, et puis en fait il y a plus de chances que ça fonctionne si on a envie de le faire, que de ne pas avoir peur de l'échec, et si on a envie d'essayer, d'essayer.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Surtout peut-être les jeunes filles qui hésiteraient à faire des études scientifiques. Nous, on les incite fortement et on a besoin de femmes scientifiques.
- Speaker #1
Oui, je suis bien d'accord.
- Speaker #0
Ce n'est pas un métier d'homme, ce n'est pas un métier genré. Il faut y aller. On a toutes les compétences pour et on a la même éducation, primaire, collège, lycée, donc il n'y a aucune raison.
- Speaker #1
Merci Alexia pour ces messages d'encouragement.
- Speaker #0
Merci à toi.
- Speaker #1
C'était un plaisir de t'accueillir ici, de voyager un petit peu avec toi.
- Speaker #0
Merci.
- Speaker #1
A bientôt.
- Speaker #0
Au revoir.