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Le sens des mots, un podcast des Éditions de l'ENS de Lyon

Une révolution des médias ? Le livre à Lyon à l'arrivée de l'imprimerie. Avec Jean-Benoît Krumenacker

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10min |22/05/2025
Play
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Une révolution des médias ? Le livre à Lyon à l'arrivée de l'imprimerie. Avec Jean-Benoît Krumenacker

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10min |22/05/2025
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Description

Nous sommes au début des années 1470 et l’imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d’un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d’un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédaignant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les Lyonnais vont s’intéresser à l’imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville dès la fin du 15e siècle le troisième plus grand centre d’imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Depuis plus d’un siècle, la production imprimée lyonnaise du 16e siècle a fait l’objet de nombreux travaux. De grandes figures de l’imprimerie telles que Sébastien Gryphe, Jacques Moderne ou Claude Nourry ont également fasciné les chercheurs. Mais à quoi ressemblait à cette époque « l’objet livre » qu’il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu’ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrit ou imprimés. Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés et transmis ?


Aujourd’hui nous parlons de l’ouvrage de l’historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres entre 1470 et 1520. Un livre qui, tel une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville telles qu’elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des Lyonnais. Un livre où nous croiserons la route des fabricants, des artisans copistes et des ouvriers d’imprimerie, mais aussi celle des grands bourgeois lyonnais, des clercs, des lettrés et des marchands. Tous auront alors en commun de côtoyer cet objet qu’est le livre, en le possédant, l’utilisant, le produisant ou en le vendant. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de ce livre en 3 mots : foires, crise et papyrus.


Vous entendez au début de cet épisode des extraits issus de :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • Speaker #1

    "Car je mets sous les yeux de Votre Majesté le premier exemplaire du livre, le premier que l'on imprime en France. Un livre, c'est composé par une suite de caractères en plomb. Et pourquoi Lyon a été un des grands centres de la production, mais également du commerce du livre à la Renaissance ?"

  • Speaker #0

    Nous sommes au début des années 1470 et l'imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d'un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d'un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédéniant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les lyonnais vont s'intéresser à l'imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville, dès la fin du XVe siècle, le troisième plus grand centre d'imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Mais à quoi ressemblait à cette époque l'objet livre, qu'il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu'ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrits ou imprimés ? Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés, transmis ? Aujourd'hui, nous parlons de l'ouvrage de l'historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres (1470-1520). Un livre qui, telle une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville, telles qu'elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des lyonnais. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de son livre en trois mots : foires, crise et papyrus.

  • Speaker #1

    Le premier mot que j'ai choisi est celui de "foires". Les foires de Lyon sont l'une des raisons du succès de l'imprimerie à Lyon. Ces foires sont, dans la seconde moitié du XVe et au XVIe siècle, l'un des grands rendez-vous du commerce européen et les principales banques européennes se sont installées dans la ville. Or, alors que le secret de l'imprimerie est rapidement partagé entre des dizaines, des centaines de personnes, le principal problème de la nouvelle industrie devient la diffusion et le financement. On peut calculer que l'imprimerie permet de multiplier par environ 50 la capacité de production de livres par homme par rapport aux manuscrits. Mais le problème est que le public ne grossit pas aussi vite. Même sur une ville relativement importante comme Lyon, on ne vend probablement pas plus d'une dizaine d'exemplaires de la plupart des éditions, alors qu'on en tire plusieurs centaines, ce qui nécessite d'importants capitaux qu'il faut rentabiliser. Les réseaux commerciaux, qui permettent l'export dans toute l'Europe, deviennent cruciaux. d'où l'importance des foires pour Lyon, et mon ouvrage montre comment les éditeurs qui financent l'édition prennent peu à peu le pouvoir sur les ateliers d'imprimerie dès la fin du XVe siècle. Mes travaux ont également montré que les ateliers d'imprimerie travaillent dans l'année en fonction de ces foires, avec des pics de production au moment où elles s'achèvent. Si ce phénomène est a priori étonnant, on s'attendrait en effet plutôt à une production juste avant les foires, qui durent deux à trois semaines pour pouvoir vendre les exemplaires aux marchands étrangers dès leur arrivée, on peut en fait le relier à une autre donnée étonnante de l'édition lyonnaise, des tirages qui sont en fait très faibles par rapport au reste d'Europe. Or, plus un tirage est important et plus le coût par exemplaire est faible, et la présence des foires permet a priori de diffuser de gros tirages. Ces éléments ont fait formuler une nouvelle hypothèse, celle d'une production pendant les foires, avec une concertation et peut-être des préventes au début de la foire, une production au cours de celle-ci et une livraison à son achèvement. Cette façon de faire est extrêmement profitable à l'ensemble des acteurs, mais doit se faire en allant très vite, donc avec un petit tirage. Vers 1500 ans, le grand imprimeur humaniste vénitien Alde Manuce accuse les lyonnais de copier ses éditions au détriment de son activité, et surtout de sa crédibilité puisqu'ils ajoutent trop de fautes à son goût. Il est fort probable que les ateliers lyonnais aient alors utilisé cette économie de foire en faisant venir un exemplaire d'une édition d'Alde dans les bagages d'un commerçant se rendant aux foires de Lyon, les marchands européens pouvaient repartir de la ville trois semaines plus tard, avec une fausse édition Aldine bien moins chère et à diffuser plus vite que l'original. Cette économie de foire est l'un des aspects originaux de la situation lyonnaise et qui contribue à son succès. Ce succès n'arrive pas sans crise, et c'est là mon second mot. L'installation des imprimeurs à Lyon se fait avec des moments de forte expansion, entrecoupés de crises importantes. En 1490, la production chute de moitié en quelques années, de même que le nombre d'ateliers actifs. Une nouvelle chute se produit au début du XVIe siècle, avec une diminution qui est plutôt d'ordre d'un tiers de la production et des ateliers. L'expansion de l'imprimerie est donc loin d'être linéaire, même dans une ville aussi favorable que Lyon. De fait, de nombreux imprimeurs, au moins 10% de ceux installés à Lyon, connaissent la misère et parfois la ruine. Le succès des presses lyonnaises semble conduire à des surchauffes temporaires du système. Ainsi, dans les années 1480, avant la grosse crise de 1490, la production lyonnaise explose, surpassant pendant plusieurs années la production parisienne, avec également un nombre de nouveaux ateliers sans équivalent en Europe. Mais ces crises ont toute une ampleur nationale, voire européenne, dans un contexte large de surproduction en Europe. Ces crises entraînent des reconfigurations dans la production lyonnaise, au niveau de la langue, avec l'abandon presque complet du français au profit du latin, au niveau matériel, avec le retour en grâce des lourds infolios après 1490, et dans le choix des textes, avec une spécialisation progressive dans certains domaines, comme le droit ou les recueils de sermons. Paradoxalement, la crise ne semble pas affecter les copistes. On en trouve encore une trentaine à Lyon, entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, alors même que les presses produisent bien plus, et à un prix imbattable pour ces copistes. Les données que j'ai réunies permettent de décrire également de nombreuses facettes de ce monde du manuscrit, et de quantifier l'avantage économique et productif de l'imprimé, qui sont absolument majeurs par rapport aux manuscrits, sans que cela ne le fasse pourtant disparaître. On ne le sait pas assez, mais la seconde moitié du XVe et le début du XVIe siècle correspondent à l'âge d'or de l'aluminure lyonnaise, avec la présence de nombreux maîtres de grands talents, œuvrant pour les lyonnais, le roi et la cour, souvent de passage à Lyon. Mais ces manuscrits de luxe sont complémentaires des imprimés, avec lesquels ils ne sont en fait pas vraiment en concurrence. Dans l'immédiat, le succès de l'imprimerie ne tue ni le manuscrit ni son milieu économique. Il faut attendre les années 1530 pour que la baisse du nombre de copistes et la cherté de ceux qui restent se fassent vraiment ressentir à Lyon. On retrouve d'ailleurs un phénomène quasi identique aujourd'hui avec le livre numérique dont les avantages économiques sur le livre imprimé sont écrasants, mais sans qu'on ne constate vraiment, en tout cas pour le moment, de réels remplacements du second par le premier. Imprimés, et surtout manuscrits, se retrouvent d'ailleurs dans les bibliothèques. Ce qui nous amène à notre troisième mot, "papyrus". Il paraît peut-être étonnant par rapport au sujet, mais on retrouve en fait des manuscrits en papyrus dans les bibliothèques de la ville au Moyen Âge. À côté de la production de livres, je me suis en effet aussi intéressé aux bibliothèques qui existent à Lyon à la fin du Moyen Âge et qui sont le thème des premiers chapitres du livre. On voit évidemment les imprimés prendre leur place à côté des manuscrits à la fin du XVe siècle chez les propriétaires de bibliothèques, mais mon étude a aussi mis en valeur la présence d'ouvrages extrêmement anciens à Lyon. Le papyrus n'est en effet plus utilisé pour produire des livres depuis le Haut Moyen Âge en Occident. Néanmoins, la ville possède des institutions religieuses extrêmement anciennes, comme la cathédrale Saint-Jean, qui a été à l'époque carolingienne un important centre culturel. Celui-ci a déjà été bien étudié pour le IXe siècle, mais on ne savait pas ce qu'étaient devenus les centaines de manuscrits rassemblés à cette époque auprès de la cathédrale. On peut attester la présence d'une part importante de ceux-ci, toujours au même endroit, au début du XVIe siècle. Un juriste attaché à la cathédrale, nommé Pierre Rostaing, nous a laissé quelques témoignages de ce dépôt. Il a en particulier présenté et prêté à l'humaniste lyonnais Claude Bellièvre, en 1529, deux manuscrits en papyrus de la cathédrale. Très intéressé, Bellièvre a laissé une description assez précise de ces manuscrits pour qu'on puisse aujourd'hui les identifier. Il s'agit d'œuvres de saint Augustin et d'Avit de Vienne, réalisées au VIe et VIIe siècles, et conservées aujourd'hui à la BNF avec des fragments à Genève et à Saint-Pétersbourg. Plusieurs indices laissent penser que l'ensemble des manuscrits antérieurs au IXe siècle sont restés pendant tout le Moyen Âge entreposés près de la cathédrale, probablement avec les archives, sans réellement susciter d'intérêt. Même à la Renaissance, lorsque les humanistes européens fouillent les plus anciennes églises du continent pour trouver les versions les plus anciennes des textes, aucun ne semble s'être intéressé à la cathédrale de Lyon, contrairement, par exemple, à l'abbaye de L'Île Barbe, au nord de Lyon, qui possédait également de nombreux manuscrits très anciens et qui ont servi à de nombreux travaux d'érodition dès le XVIe siècle, conduisant malheureusement au déplacement, voire à la destruction de ces manuscrits. Restés dans l'ombre, ceux de la cathédrale connaissent un drame lors de la prise de Lyon par les protestants en 1562. Un certain nombre sont certainement brûlés, d'autres pillés, mais d'autres encore survivent, on ne sait pas vraiment comment à cet épisode. Ces survivants arriveront quelques siècles plus tard, après la confiscation des biens du clergé lors de révolutions, à la bibliothèque municipale de Lyon, qui compte aujourd'hui plus de 50 manuscrits mirovingiens et carolingiens. C'est l'un des fonds les plus importants en Europe de manuscrits du Haut Moyen Âge, le second en France après celui de la BNF. Mais c'est surtout un des fonds les plus stables, puisque ces manuscrits n'ont en fait pas bougé de Lyon depuis 1500 ans pour certains.

  • Speaker #0

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Entre manuscrits et imprimés, est à retrouver en version papier sur le site d'ENS Éditions et dans toutes les bonnes librairies. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme OpenEdition Books.

  • Orateur #2

    C'était Le sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition.

Description

Nous sommes au début des années 1470 et l’imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d’un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d’un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédaignant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les Lyonnais vont s’intéresser à l’imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville dès la fin du 15e siècle le troisième plus grand centre d’imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Depuis plus d’un siècle, la production imprimée lyonnaise du 16e siècle a fait l’objet de nombreux travaux. De grandes figures de l’imprimerie telles que Sébastien Gryphe, Jacques Moderne ou Claude Nourry ont également fasciné les chercheurs. Mais à quoi ressemblait à cette époque « l’objet livre » qu’il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu’ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrit ou imprimés. Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés et transmis ?


Aujourd’hui nous parlons de l’ouvrage de l’historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres entre 1470 et 1520. Un livre qui, tel une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville telles qu’elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des Lyonnais. Un livre où nous croiserons la route des fabricants, des artisans copistes et des ouvriers d’imprimerie, mais aussi celle des grands bourgeois lyonnais, des clercs, des lettrés et des marchands. Tous auront alors en commun de côtoyer cet objet qu’est le livre, en le possédant, l’utilisant, le produisant ou en le vendant. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de ce livre en 3 mots : foires, crise et papyrus.


Vous entendez au début de cet épisode des extraits issus de :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • Speaker #1

    "Car je mets sous les yeux de Votre Majesté le premier exemplaire du livre, le premier que l'on imprime en France. Un livre, c'est composé par une suite de caractères en plomb. Et pourquoi Lyon a été un des grands centres de la production, mais également du commerce du livre à la Renaissance ?"

  • Speaker #0

    Nous sommes au début des années 1470 et l'imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d'un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d'un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédéniant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les lyonnais vont s'intéresser à l'imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville, dès la fin du XVe siècle, le troisième plus grand centre d'imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Mais à quoi ressemblait à cette époque l'objet livre, qu'il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu'ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrits ou imprimés ? Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés, transmis ? Aujourd'hui, nous parlons de l'ouvrage de l'historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres (1470-1520). Un livre qui, telle une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville, telles qu'elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des lyonnais. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de son livre en trois mots : foires, crise et papyrus.

  • Speaker #1

    Le premier mot que j'ai choisi est celui de "foires". Les foires de Lyon sont l'une des raisons du succès de l'imprimerie à Lyon. Ces foires sont, dans la seconde moitié du XVe et au XVIe siècle, l'un des grands rendez-vous du commerce européen et les principales banques européennes se sont installées dans la ville. Or, alors que le secret de l'imprimerie est rapidement partagé entre des dizaines, des centaines de personnes, le principal problème de la nouvelle industrie devient la diffusion et le financement. On peut calculer que l'imprimerie permet de multiplier par environ 50 la capacité de production de livres par homme par rapport aux manuscrits. Mais le problème est que le public ne grossit pas aussi vite. Même sur une ville relativement importante comme Lyon, on ne vend probablement pas plus d'une dizaine d'exemplaires de la plupart des éditions, alors qu'on en tire plusieurs centaines, ce qui nécessite d'importants capitaux qu'il faut rentabiliser. Les réseaux commerciaux, qui permettent l'export dans toute l'Europe, deviennent cruciaux. d'où l'importance des foires pour Lyon, et mon ouvrage montre comment les éditeurs qui financent l'édition prennent peu à peu le pouvoir sur les ateliers d'imprimerie dès la fin du XVe siècle. Mes travaux ont également montré que les ateliers d'imprimerie travaillent dans l'année en fonction de ces foires, avec des pics de production au moment où elles s'achèvent. Si ce phénomène est a priori étonnant, on s'attendrait en effet plutôt à une production juste avant les foires, qui durent deux à trois semaines pour pouvoir vendre les exemplaires aux marchands étrangers dès leur arrivée, on peut en fait le relier à une autre donnée étonnante de l'édition lyonnaise, des tirages qui sont en fait très faibles par rapport au reste d'Europe. Or, plus un tirage est important et plus le coût par exemplaire est faible, et la présence des foires permet a priori de diffuser de gros tirages. Ces éléments ont fait formuler une nouvelle hypothèse, celle d'une production pendant les foires, avec une concertation et peut-être des préventes au début de la foire, une production au cours de celle-ci et une livraison à son achèvement. Cette façon de faire est extrêmement profitable à l'ensemble des acteurs, mais doit se faire en allant très vite, donc avec un petit tirage. Vers 1500 ans, le grand imprimeur humaniste vénitien Alde Manuce accuse les lyonnais de copier ses éditions au détriment de son activité, et surtout de sa crédibilité puisqu'ils ajoutent trop de fautes à son goût. Il est fort probable que les ateliers lyonnais aient alors utilisé cette économie de foire en faisant venir un exemplaire d'une édition d'Alde dans les bagages d'un commerçant se rendant aux foires de Lyon, les marchands européens pouvaient repartir de la ville trois semaines plus tard, avec une fausse édition Aldine bien moins chère et à diffuser plus vite que l'original. Cette économie de foire est l'un des aspects originaux de la situation lyonnaise et qui contribue à son succès. Ce succès n'arrive pas sans crise, et c'est là mon second mot. L'installation des imprimeurs à Lyon se fait avec des moments de forte expansion, entrecoupés de crises importantes. En 1490, la production chute de moitié en quelques années, de même que le nombre d'ateliers actifs. Une nouvelle chute se produit au début du XVIe siècle, avec une diminution qui est plutôt d'ordre d'un tiers de la production et des ateliers. L'expansion de l'imprimerie est donc loin d'être linéaire, même dans une ville aussi favorable que Lyon. De fait, de nombreux imprimeurs, au moins 10% de ceux installés à Lyon, connaissent la misère et parfois la ruine. Le succès des presses lyonnaises semble conduire à des surchauffes temporaires du système. Ainsi, dans les années 1480, avant la grosse crise de 1490, la production lyonnaise explose, surpassant pendant plusieurs années la production parisienne, avec également un nombre de nouveaux ateliers sans équivalent en Europe. Mais ces crises ont toute une ampleur nationale, voire européenne, dans un contexte large de surproduction en Europe. Ces crises entraînent des reconfigurations dans la production lyonnaise, au niveau de la langue, avec l'abandon presque complet du français au profit du latin, au niveau matériel, avec le retour en grâce des lourds infolios après 1490, et dans le choix des textes, avec une spécialisation progressive dans certains domaines, comme le droit ou les recueils de sermons. Paradoxalement, la crise ne semble pas affecter les copistes. On en trouve encore une trentaine à Lyon, entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, alors même que les presses produisent bien plus, et à un prix imbattable pour ces copistes. Les données que j'ai réunies permettent de décrire également de nombreuses facettes de ce monde du manuscrit, et de quantifier l'avantage économique et productif de l'imprimé, qui sont absolument majeurs par rapport aux manuscrits, sans que cela ne le fasse pourtant disparaître. On ne le sait pas assez, mais la seconde moitié du XVe et le début du XVIe siècle correspondent à l'âge d'or de l'aluminure lyonnaise, avec la présence de nombreux maîtres de grands talents, œuvrant pour les lyonnais, le roi et la cour, souvent de passage à Lyon. Mais ces manuscrits de luxe sont complémentaires des imprimés, avec lesquels ils ne sont en fait pas vraiment en concurrence. Dans l'immédiat, le succès de l'imprimerie ne tue ni le manuscrit ni son milieu économique. Il faut attendre les années 1530 pour que la baisse du nombre de copistes et la cherté de ceux qui restent se fassent vraiment ressentir à Lyon. On retrouve d'ailleurs un phénomène quasi identique aujourd'hui avec le livre numérique dont les avantages économiques sur le livre imprimé sont écrasants, mais sans qu'on ne constate vraiment, en tout cas pour le moment, de réels remplacements du second par le premier. Imprimés, et surtout manuscrits, se retrouvent d'ailleurs dans les bibliothèques. Ce qui nous amène à notre troisième mot, "papyrus". Il paraît peut-être étonnant par rapport au sujet, mais on retrouve en fait des manuscrits en papyrus dans les bibliothèques de la ville au Moyen Âge. À côté de la production de livres, je me suis en effet aussi intéressé aux bibliothèques qui existent à Lyon à la fin du Moyen Âge et qui sont le thème des premiers chapitres du livre. On voit évidemment les imprimés prendre leur place à côté des manuscrits à la fin du XVe siècle chez les propriétaires de bibliothèques, mais mon étude a aussi mis en valeur la présence d'ouvrages extrêmement anciens à Lyon. Le papyrus n'est en effet plus utilisé pour produire des livres depuis le Haut Moyen Âge en Occident. Néanmoins, la ville possède des institutions religieuses extrêmement anciennes, comme la cathédrale Saint-Jean, qui a été à l'époque carolingienne un important centre culturel. Celui-ci a déjà été bien étudié pour le IXe siècle, mais on ne savait pas ce qu'étaient devenus les centaines de manuscrits rassemblés à cette époque auprès de la cathédrale. On peut attester la présence d'une part importante de ceux-ci, toujours au même endroit, au début du XVIe siècle. Un juriste attaché à la cathédrale, nommé Pierre Rostaing, nous a laissé quelques témoignages de ce dépôt. Il a en particulier présenté et prêté à l'humaniste lyonnais Claude Bellièvre, en 1529, deux manuscrits en papyrus de la cathédrale. Très intéressé, Bellièvre a laissé une description assez précise de ces manuscrits pour qu'on puisse aujourd'hui les identifier. Il s'agit d'œuvres de saint Augustin et d'Avit de Vienne, réalisées au VIe et VIIe siècles, et conservées aujourd'hui à la BNF avec des fragments à Genève et à Saint-Pétersbourg. Plusieurs indices laissent penser que l'ensemble des manuscrits antérieurs au IXe siècle sont restés pendant tout le Moyen Âge entreposés près de la cathédrale, probablement avec les archives, sans réellement susciter d'intérêt. Même à la Renaissance, lorsque les humanistes européens fouillent les plus anciennes églises du continent pour trouver les versions les plus anciennes des textes, aucun ne semble s'être intéressé à la cathédrale de Lyon, contrairement, par exemple, à l'abbaye de L'Île Barbe, au nord de Lyon, qui possédait également de nombreux manuscrits très anciens et qui ont servi à de nombreux travaux d'érodition dès le XVIe siècle, conduisant malheureusement au déplacement, voire à la destruction de ces manuscrits. Restés dans l'ombre, ceux de la cathédrale connaissent un drame lors de la prise de Lyon par les protestants en 1562. Un certain nombre sont certainement brûlés, d'autres pillés, mais d'autres encore survivent, on ne sait pas vraiment comment à cet épisode. Ces survivants arriveront quelques siècles plus tard, après la confiscation des biens du clergé lors de révolutions, à la bibliothèque municipale de Lyon, qui compte aujourd'hui plus de 50 manuscrits mirovingiens et carolingiens. C'est l'un des fonds les plus importants en Europe de manuscrits du Haut Moyen Âge, le second en France après celui de la BNF. Mais c'est surtout un des fonds les plus stables, puisque ces manuscrits n'ont en fait pas bougé de Lyon depuis 1500 ans pour certains.

  • Speaker #0

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Entre manuscrits et imprimés, est à retrouver en version papier sur le site d'ENS Éditions et dans toutes les bonnes librairies. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme OpenEdition Books.

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    C'était Le sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition.

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Nous sommes au début des années 1470 et l’imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d’un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d’un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédaignant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les Lyonnais vont s’intéresser à l’imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville dès la fin du 15e siècle le troisième plus grand centre d’imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Depuis plus d’un siècle, la production imprimée lyonnaise du 16e siècle a fait l’objet de nombreux travaux. De grandes figures de l’imprimerie telles que Sébastien Gryphe, Jacques Moderne ou Claude Nourry ont également fasciné les chercheurs. Mais à quoi ressemblait à cette époque « l’objet livre » qu’il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu’ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrit ou imprimés. Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés et transmis ?


Aujourd’hui nous parlons de l’ouvrage de l’historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres entre 1470 et 1520. Un livre qui, tel une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville telles qu’elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des Lyonnais. Un livre où nous croiserons la route des fabricants, des artisans copistes et des ouvriers d’imprimerie, mais aussi celle des grands bourgeois lyonnais, des clercs, des lettrés et des marchands. Tous auront alors en commun de côtoyer cet objet qu’est le livre, en le possédant, l’utilisant, le produisant ou en le vendant. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de ce livre en 3 mots : foires, crise et papyrus.


Vous entendez au début de cet épisode des extraits issus de :


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  • Speaker #0

    Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • Speaker #1

    "Car je mets sous les yeux de Votre Majesté le premier exemplaire du livre, le premier que l'on imprime en France. Un livre, c'est composé par une suite de caractères en plomb. Et pourquoi Lyon a été un des grands centres de la production, mais également du commerce du livre à la Renaissance ?"

  • Speaker #0

    Nous sommes au début des années 1470 et l'imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d'un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d'un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédéniant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les lyonnais vont s'intéresser à l'imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville, dès la fin du XVe siècle, le troisième plus grand centre d'imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Mais à quoi ressemblait à cette époque l'objet livre, qu'il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu'ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrits ou imprimés ? Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés, transmis ? Aujourd'hui, nous parlons de l'ouvrage de l'historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres (1470-1520). Un livre qui, telle une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville, telles qu'elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des lyonnais. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de son livre en trois mots : foires, crise et papyrus.

  • Speaker #1

    Le premier mot que j'ai choisi est celui de "foires". Les foires de Lyon sont l'une des raisons du succès de l'imprimerie à Lyon. Ces foires sont, dans la seconde moitié du XVe et au XVIe siècle, l'un des grands rendez-vous du commerce européen et les principales banques européennes se sont installées dans la ville. Or, alors que le secret de l'imprimerie est rapidement partagé entre des dizaines, des centaines de personnes, le principal problème de la nouvelle industrie devient la diffusion et le financement. On peut calculer que l'imprimerie permet de multiplier par environ 50 la capacité de production de livres par homme par rapport aux manuscrits. Mais le problème est que le public ne grossit pas aussi vite. Même sur une ville relativement importante comme Lyon, on ne vend probablement pas plus d'une dizaine d'exemplaires de la plupart des éditions, alors qu'on en tire plusieurs centaines, ce qui nécessite d'importants capitaux qu'il faut rentabiliser. Les réseaux commerciaux, qui permettent l'export dans toute l'Europe, deviennent cruciaux. d'où l'importance des foires pour Lyon, et mon ouvrage montre comment les éditeurs qui financent l'édition prennent peu à peu le pouvoir sur les ateliers d'imprimerie dès la fin du XVe siècle. Mes travaux ont également montré que les ateliers d'imprimerie travaillent dans l'année en fonction de ces foires, avec des pics de production au moment où elles s'achèvent. Si ce phénomène est a priori étonnant, on s'attendrait en effet plutôt à une production juste avant les foires, qui durent deux à trois semaines pour pouvoir vendre les exemplaires aux marchands étrangers dès leur arrivée, on peut en fait le relier à une autre donnée étonnante de l'édition lyonnaise, des tirages qui sont en fait très faibles par rapport au reste d'Europe. Or, plus un tirage est important et plus le coût par exemplaire est faible, et la présence des foires permet a priori de diffuser de gros tirages. Ces éléments ont fait formuler une nouvelle hypothèse, celle d'une production pendant les foires, avec une concertation et peut-être des préventes au début de la foire, une production au cours de celle-ci et une livraison à son achèvement. Cette façon de faire est extrêmement profitable à l'ensemble des acteurs, mais doit se faire en allant très vite, donc avec un petit tirage. Vers 1500 ans, le grand imprimeur humaniste vénitien Alde Manuce accuse les lyonnais de copier ses éditions au détriment de son activité, et surtout de sa crédibilité puisqu'ils ajoutent trop de fautes à son goût. Il est fort probable que les ateliers lyonnais aient alors utilisé cette économie de foire en faisant venir un exemplaire d'une édition d'Alde dans les bagages d'un commerçant se rendant aux foires de Lyon, les marchands européens pouvaient repartir de la ville trois semaines plus tard, avec une fausse édition Aldine bien moins chère et à diffuser plus vite que l'original. Cette économie de foire est l'un des aspects originaux de la situation lyonnaise et qui contribue à son succès. Ce succès n'arrive pas sans crise, et c'est là mon second mot. L'installation des imprimeurs à Lyon se fait avec des moments de forte expansion, entrecoupés de crises importantes. En 1490, la production chute de moitié en quelques années, de même que le nombre d'ateliers actifs. Une nouvelle chute se produit au début du XVIe siècle, avec une diminution qui est plutôt d'ordre d'un tiers de la production et des ateliers. L'expansion de l'imprimerie est donc loin d'être linéaire, même dans une ville aussi favorable que Lyon. De fait, de nombreux imprimeurs, au moins 10% de ceux installés à Lyon, connaissent la misère et parfois la ruine. Le succès des presses lyonnaises semble conduire à des surchauffes temporaires du système. Ainsi, dans les années 1480, avant la grosse crise de 1490, la production lyonnaise explose, surpassant pendant plusieurs années la production parisienne, avec également un nombre de nouveaux ateliers sans équivalent en Europe. Mais ces crises ont toute une ampleur nationale, voire européenne, dans un contexte large de surproduction en Europe. Ces crises entraînent des reconfigurations dans la production lyonnaise, au niveau de la langue, avec l'abandon presque complet du français au profit du latin, au niveau matériel, avec le retour en grâce des lourds infolios après 1490, et dans le choix des textes, avec une spécialisation progressive dans certains domaines, comme le droit ou les recueils de sermons. Paradoxalement, la crise ne semble pas affecter les copistes. On en trouve encore une trentaine à Lyon, entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, alors même que les presses produisent bien plus, et à un prix imbattable pour ces copistes. Les données que j'ai réunies permettent de décrire également de nombreuses facettes de ce monde du manuscrit, et de quantifier l'avantage économique et productif de l'imprimé, qui sont absolument majeurs par rapport aux manuscrits, sans que cela ne le fasse pourtant disparaître. On ne le sait pas assez, mais la seconde moitié du XVe et le début du XVIe siècle correspondent à l'âge d'or de l'aluminure lyonnaise, avec la présence de nombreux maîtres de grands talents, œuvrant pour les lyonnais, le roi et la cour, souvent de passage à Lyon. Mais ces manuscrits de luxe sont complémentaires des imprimés, avec lesquels ils ne sont en fait pas vraiment en concurrence. Dans l'immédiat, le succès de l'imprimerie ne tue ni le manuscrit ni son milieu économique. Il faut attendre les années 1530 pour que la baisse du nombre de copistes et la cherté de ceux qui restent se fassent vraiment ressentir à Lyon. On retrouve d'ailleurs un phénomène quasi identique aujourd'hui avec le livre numérique dont les avantages économiques sur le livre imprimé sont écrasants, mais sans qu'on ne constate vraiment, en tout cas pour le moment, de réels remplacements du second par le premier. Imprimés, et surtout manuscrits, se retrouvent d'ailleurs dans les bibliothèques. Ce qui nous amène à notre troisième mot, "papyrus". Il paraît peut-être étonnant par rapport au sujet, mais on retrouve en fait des manuscrits en papyrus dans les bibliothèques de la ville au Moyen Âge. À côté de la production de livres, je me suis en effet aussi intéressé aux bibliothèques qui existent à Lyon à la fin du Moyen Âge et qui sont le thème des premiers chapitres du livre. On voit évidemment les imprimés prendre leur place à côté des manuscrits à la fin du XVe siècle chez les propriétaires de bibliothèques, mais mon étude a aussi mis en valeur la présence d'ouvrages extrêmement anciens à Lyon. Le papyrus n'est en effet plus utilisé pour produire des livres depuis le Haut Moyen Âge en Occident. Néanmoins, la ville possède des institutions religieuses extrêmement anciennes, comme la cathédrale Saint-Jean, qui a été à l'époque carolingienne un important centre culturel. Celui-ci a déjà été bien étudié pour le IXe siècle, mais on ne savait pas ce qu'étaient devenus les centaines de manuscrits rassemblés à cette époque auprès de la cathédrale. On peut attester la présence d'une part importante de ceux-ci, toujours au même endroit, au début du XVIe siècle. Un juriste attaché à la cathédrale, nommé Pierre Rostaing, nous a laissé quelques témoignages de ce dépôt. Il a en particulier présenté et prêté à l'humaniste lyonnais Claude Bellièvre, en 1529, deux manuscrits en papyrus de la cathédrale. Très intéressé, Bellièvre a laissé une description assez précise de ces manuscrits pour qu'on puisse aujourd'hui les identifier. Il s'agit d'œuvres de saint Augustin et d'Avit de Vienne, réalisées au VIe et VIIe siècles, et conservées aujourd'hui à la BNF avec des fragments à Genève et à Saint-Pétersbourg. Plusieurs indices laissent penser que l'ensemble des manuscrits antérieurs au IXe siècle sont restés pendant tout le Moyen Âge entreposés près de la cathédrale, probablement avec les archives, sans réellement susciter d'intérêt. Même à la Renaissance, lorsque les humanistes européens fouillent les plus anciennes églises du continent pour trouver les versions les plus anciennes des textes, aucun ne semble s'être intéressé à la cathédrale de Lyon, contrairement, par exemple, à l'abbaye de L'Île Barbe, au nord de Lyon, qui possédait également de nombreux manuscrits très anciens et qui ont servi à de nombreux travaux d'érodition dès le XVIe siècle, conduisant malheureusement au déplacement, voire à la destruction de ces manuscrits. Restés dans l'ombre, ceux de la cathédrale connaissent un drame lors de la prise de Lyon par les protestants en 1562. Un certain nombre sont certainement brûlés, d'autres pillés, mais d'autres encore survivent, on ne sait pas vraiment comment à cet épisode. Ces survivants arriveront quelques siècles plus tard, après la confiscation des biens du clergé lors de révolutions, à la bibliothèque municipale de Lyon, qui compte aujourd'hui plus de 50 manuscrits mirovingiens et carolingiens. C'est l'un des fonds les plus importants en Europe de manuscrits du Haut Moyen Âge, le second en France après celui de la BNF. Mais c'est surtout un des fonds les plus stables, puisque ces manuscrits n'ont en fait pas bougé de Lyon depuis 1500 ans pour certains.

  • Speaker #0

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Entre manuscrits et imprimés, est à retrouver en version papier sur le site d'ENS Éditions et dans toutes les bonnes librairies. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme OpenEdition Books.

  • Orateur #2

    C'était Le sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition.

Description

Nous sommes au début des années 1470 et l’imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d’un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d’un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédaignant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les Lyonnais vont s’intéresser à l’imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville dès la fin du 15e siècle le troisième plus grand centre d’imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Depuis plus d’un siècle, la production imprimée lyonnaise du 16e siècle a fait l’objet de nombreux travaux. De grandes figures de l’imprimerie telles que Sébastien Gryphe, Jacques Moderne ou Claude Nourry ont également fasciné les chercheurs. Mais à quoi ressemblait à cette époque « l’objet livre » qu’il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu’ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrit ou imprimés. Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés et transmis ?


Aujourd’hui nous parlons de l’ouvrage de l’historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres entre 1470 et 1520. Un livre qui, tel une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville telles qu’elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des Lyonnais. Un livre où nous croiserons la route des fabricants, des artisans copistes et des ouvriers d’imprimerie, mais aussi celle des grands bourgeois lyonnais, des clercs, des lettrés et des marchands. Tous auront alors en commun de côtoyer cet objet qu’est le livre, en le possédant, l’utilisant, le produisant ou en le vendant. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de ce livre en 3 mots : foires, crise et papyrus.


Vous entendez au début de cet épisode des extraits issus de :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Vous écoutez Le sens des mots, un podcast des éditions de l'ENS de Lyon, pour entendre la voix de nos auteurs, dépasser vos idées reçues sur la recherche et décrypter le monde qui nous entoure.

  • Speaker #1

    "Car je mets sous les yeux de Votre Majesté le premier exemplaire du livre, le premier que l'on imprime en France. Un livre, c'est composé par une suite de caractères en plomb. Et pourquoi Lyon a été un des grands centres de la production, mais également du commerce du livre à la Renaissance ?"

  • Speaker #0

    Nous sommes au début des années 1470 et l'imprimerie vient de naître à Lyon. Elle apparaît grâce à la collaboration d'un riche bourgeois lyonnais, Barthélémy Buyer, et d'un typographe originaire de Liège, Guillaume Le Roy. Dédéniant la soie qui fera pourtant plus tard la richesse de la ville, les lyonnais vont s'intéresser à l'imprimerie. Ils vont apprendre des ouvriers étrangers et faire de la ville, dès la fin du XVe siècle, le troisième plus grand centre d'imprimerie en Europe, après Paris et Venise. Mais à quoi ressemblait à cette époque l'objet livre, qu'il soit manuscrit ou imprimé ? Comment ces livres furent-ils produits ? Qu'ils soient neufs ou vieux, accessibles ou enfermés, sur papier ou sur parchemin, manuscrits ou imprimés ? Qui les possède ? Comment sont-ils conservés, échangés, transmis ? Aujourd'hui, nous parlons de l'ouvrage de l'historien du livre Jean-Benoît Krumenacker, Entre manuscrits et imprimés, Lyon et ses livres (1470-1520). Un livre qui, telle une enquête, nous accompagne dans les plus antiques bibliothèques des églises de la ville, telles qu'elles existent à la fin du Moyen Âge, mais qui nous conduit aussi dans les bibliothèques personnelles des lyonnais. Jean-Benoît Krumenacker a choisi de nous parler de son livre en trois mots : foires, crise et papyrus.

  • Speaker #1

    Le premier mot que j'ai choisi est celui de "foires". Les foires de Lyon sont l'une des raisons du succès de l'imprimerie à Lyon. Ces foires sont, dans la seconde moitié du XVe et au XVIe siècle, l'un des grands rendez-vous du commerce européen et les principales banques européennes se sont installées dans la ville. Or, alors que le secret de l'imprimerie est rapidement partagé entre des dizaines, des centaines de personnes, le principal problème de la nouvelle industrie devient la diffusion et le financement. On peut calculer que l'imprimerie permet de multiplier par environ 50 la capacité de production de livres par homme par rapport aux manuscrits. Mais le problème est que le public ne grossit pas aussi vite. Même sur une ville relativement importante comme Lyon, on ne vend probablement pas plus d'une dizaine d'exemplaires de la plupart des éditions, alors qu'on en tire plusieurs centaines, ce qui nécessite d'importants capitaux qu'il faut rentabiliser. Les réseaux commerciaux, qui permettent l'export dans toute l'Europe, deviennent cruciaux. d'où l'importance des foires pour Lyon, et mon ouvrage montre comment les éditeurs qui financent l'édition prennent peu à peu le pouvoir sur les ateliers d'imprimerie dès la fin du XVe siècle. Mes travaux ont également montré que les ateliers d'imprimerie travaillent dans l'année en fonction de ces foires, avec des pics de production au moment où elles s'achèvent. Si ce phénomène est a priori étonnant, on s'attendrait en effet plutôt à une production juste avant les foires, qui durent deux à trois semaines pour pouvoir vendre les exemplaires aux marchands étrangers dès leur arrivée, on peut en fait le relier à une autre donnée étonnante de l'édition lyonnaise, des tirages qui sont en fait très faibles par rapport au reste d'Europe. Or, plus un tirage est important et plus le coût par exemplaire est faible, et la présence des foires permet a priori de diffuser de gros tirages. Ces éléments ont fait formuler une nouvelle hypothèse, celle d'une production pendant les foires, avec une concertation et peut-être des préventes au début de la foire, une production au cours de celle-ci et une livraison à son achèvement. Cette façon de faire est extrêmement profitable à l'ensemble des acteurs, mais doit se faire en allant très vite, donc avec un petit tirage. Vers 1500 ans, le grand imprimeur humaniste vénitien Alde Manuce accuse les lyonnais de copier ses éditions au détriment de son activité, et surtout de sa crédibilité puisqu'ils ajoutent trop de fautes à son goût. Il est fort probable que les ateliers lyonnais aient alors utilisé cette économie de foire en faisant venir un exemplaire d'une édition d'Alde dans les bagages d'un commerçant se rendant aux foires de Lyon, les marchands européens pouvaient repartir de la ville trois semaines plus tard, avec une fausse édition Aldine bien moins chère et à diffuser plus vite que l'original. Cette économie de foire est l'un des aspects originaux de la situation lyonnaise et qui contribue à son succès. Ce succès n'arrive pas sans crise, et c'est là mon second mot. L'installation des imprimeurs à Lyon se fait avec des moments de forte expansion, entrecoupés de crises importantes. En 1490, la production chute de moitié en quelques années, de même que le nombre d'ateliers actifs. Une nouvelle chute se produit au début du XVIe siècle, avec une diminution qui est plutôt d'ordre d'un tiers de la production et des ateliers. L'expansion de l'imprimerie est donc loin d'être linéaire, même dans une ville aussi favorable que Lyon. De fait, de nombreux imprimeurs, au moins 10% de ceux installés à Lyon, connaissent la misère et parfois la ruine. Le succès des presses lyonnaises semble conduire à des surchauffes temporaires du système. Ainsi, dans les années 1480, avant la grosse crise de 1490, la production lyonnaise explose, surpassant pendant plusieurs années la production parisienne, avec également un nombre de nouveaux ateliers sans équivalent en Europe. Mais ces crises ont toute une ampleur nationale, voire européenne, dans un contexte large de surproduction en Europe. Ces crises entraînent des reconfigurations dans la production lyonnaise, au niveau de la langue, avec l'abandon presque complet du français au profit du latin, au niveau matériel, avec le retour en grâce des lourds infolios après 1490, et dans le choix des textes, avec une spécialisation progressive dans certains domaines, comme le droit ou les recueils de sermons. Paradoxalement, la crise ne semble pas affecter les copistes. On en trouve encore une trentaine à Lyon, entre la fin du XVe et le début du XVIe siècle, alors même que les presses produisent bien plus, et à un prix imbattable pour ces copistes. Les données que j'ai réunies permettent de décrire également de nombreuses facettes de ce monde du manuscrit, et de quantifier l'avantage économique et productif de l'imprimé, qui sont absolument majeurs par rapport aux manuscrits, sans que cela ne le fasse pourtant disparaître. On ne le sait pas assez, mais la seconde moitié du XVe et le début du XVIe siècle correspondent à l'âge d'or de l'aluminure lyonnaise, avec la présence de nombreux maîtres de grands talents, œuvrant pour les lyonnais, le roi et la cour, souvent de passage à Lyon. Mais ces manuscrits de luxe sont complémentaires des imprimés, avec lesquels ils ne sont en fait pas vraiment en concurrence. Dans l'immédiat, le succès de l'imprimerie ne tue ni le manuscrit ni son milieu économique. Il faut attendre les années 1530 pour que la baisse du nombre de copistes et la cherté de ceux qui restent se fassent vraiment ressentir à Lyon. On retrouve d'ailleurs un phénomène quasi identique aujourd'hui avec le livre numérique dont les avantages économiques sur le livre imprimé sont écrasants, mais sans qu'on ne constate vraiment, en tout cas pour le moment, de réels remplacements du second par le premier. Imprimés, et surtout manuscrits, se retrouvent d'ailleurs dans les bibliothèques. Ce qui nous amène à notre troisième mot, "papyrus". Il paraît peut-être étonnant par rapport au sujet, mais on retrouve en fait des manuscrits en papyrus dans les bibliothèques de la ville au Moyen Âge. À côté de la production de livres, je me suis en effet aussi intéressé aux bibliothèques qui existent à Lyon à la fin du Moyen Âge et qui sont le thème des premiers chapitres du livre. On voit évidemment les imprimés prendre leur place à côté des manuscrits à la fin du XVe siècle chez les propriétaires de bibliothèques, mais mon étude a aussi mis en valeur la présence d'ouvrages extrêmement anciens à Lyon. Le papyrus n'est en effet plus utilisé pour produire des livres depuis le Haut Moyen Âge en Occident. Néanmoins, la ville possède des institutions religieuses extrêmement anciennes, comme la cathédrale Saint-Jean, qui a été à l'époque carolingienne un important centre culturel. Celui-ci a déjà été bien étudié pour le IXe siècle, mais on ne savait pas ce qu'étaient devenus les centaines de manuscrits rassemblés à cette époque auprès de la cathédrale. On peut attester la présence d'une part importante de ceux-ci, toujours au même endroit, au début du XVIe siècle. Un juriste attaché à la cathédrale, nommé Pierre Rostaing, nous a laissé quelques témoignages de ce dépôt. Il a en particulier présenté et prêté à l'humaniste lyonnais Claude Bellièvre, en 1529, deux manuscrits en papyrus de la cathédrale. Très intéressé, Bellièvre a laissé une description assez précise de ces manuscrits pour qu'on puisse aujourd'hui les identifier. Il s'agit d'œuvres de saint Augustin et d'Avit de Vienne, réalisées au VIe et VIIe siècles, et conservées aujourd'hui à la BNF avec des fragments à Genève et à Saint-Pétersbourg. Plusieurs indices laissent penser que l'ensemble des manuscrits antérieurs au IXe siècle sont restés pendant tout le Moyen Âge entreposés près de la cathédrale, probablement avec les archives, sans réellement susciter d'intérêt. Même à la Renaissance, lorsque les humanistes européens fouillent les plus anciennes églises du continent pour trouver les versions les plus anciennes des textes, aucun ne semble s'être intéressé à la cathédrale de Lyon, contrairement, par exemple, à l'abbaye de L'Île Barbe, au nord de Lyon, qui possédait également de nombreux manuscrits très anciens et qui ont servi à de nombreux travaux d'érodition dès le XVIe siècle, conduisant malheureusement au déplacement, voire à la destruction de ces manuscrits. Restés dans l'ombre, ceux de la cathédrale connaissent un drame lors de la prise de Lyon par les protestants en 1562. Un certain nombre sont certainement brûlés, d'autres pillés, mais d'autres encore survivent, on ne sait pas vraiment comment à cet épisode. Ces survivants arriveront quelques siècles plus tard, après la confiscation des biens du clergé lors de révolutions, à la bibliothèque municipale de Lyon, qui compte aujourd'hui plus de 50 manuscrits mirovingiens et carolingiens. C'est l'un des fonds les plus importants en Europe de manuscrits du Haut Moyen Âge, le second en France après celui de la BNF. Mais c'est surtout un des fonds les plus stables, puisque ces manuscrits n'ont en fait pas bougé de Lyon depuis 1500 ans pour certains.

  • Speaker #0

    L'ouvrage dont il était question aujourd'hui, Entre manuscrits et imprimés, est à retrouver en version papier sur le site d'ENS Éditions et dans toutes les bonnes librairies. Il est également disponible en version numérique sur la plateforme OpenEdition Books.

  • Orateur #2

    C'était Le sens des mots. Ce podcast a été préparé par Sandrine Padilla et Maëlle Lopez. Au mixage et réalisation Sébastien Boudin. A bientôt pour une prochaine édition.

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