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Luso Bribes

Azulejos : petits carreaux et grande Histoire

Azulejos : petits carreaux et grande Histoire

18min |22/01/2025
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Luso Bribes

Azulejos : petits carreaux et grande Histoire

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18min |22/01/2025
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Description

Bonne année 2025, chèr.es auditeur.trice.s de Luso Bribes ! Commençons ensemble l'année en nous plongeant dans l'histoire des azulejos portugais. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d’influences extérieures, tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d’azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes mais aussi un étonnant parfum d’Asie… Pour en apprendre un peu plus sur ces 500 ans d’histoire complexe, et l’importance de cette pratique décorative dans l’ADN du Portugal encore aujourd’hui, suivez le guide.


Bonne écoute !

>>

Logo: © Les artichauts brûlent aussi

>>>

Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parmi les incontournables quand on se penche sur la culture et l'histoire portugaise, on retrouve vite les azouléjausses. Ces petits carreaux de faïence peints et émaillés sont immédiatement associés, si ce n'est au Portugal, du moins à la péninsule ibérique. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d'influences extérieures tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d'azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes, mais aussi un étonnant parfum d'Asie. Pour comprendre ces 500 ans d'histoire complexe et l'importance de cette pratique décorative dans l'ADN du Portugal encore aujourd'hui, je vous invite à me suivre dans ce nouvel épisode. de l'usobribe. Remontons le temps. En 711, les Ausha écrasent le roi Roderic, dernier roi visigot d'Espagne, et débarquent en péninsule ibérique. Cette conquête des morts en Europe remontera jusqu'au midi de la France, faisant même des incartades bien plus au nord. Rappelez-vous vos cours d'histoire géo. Vous y êtes ? Charles Martel, Poitiers, 732 ? Allez, un bon point pour toi au fond de la classe ! Ces territoires resteront longtemps occupés par ces peuples arabes et musulmans. La reconquista du Portugal par les puissances catholiques s'étalera entre la moitié du IXe et la moitié du XIIIe siècle. Autant vous dire que durant tout ce temps, les échanges culturels entre les peuples sont multiples. Nous y reviendrons certainement un jour dans un épisode dédié. Mais pour l'heure, parlons donc d'un mot arabe à l'origine de notre sujet du jour. Al-zulaïj. Il signifie petite pierre polie Rien à voir donc avec la couleur bleue comme on pourrait l'imaginer. Azul en espagnol et en portugais. Cette technique décorative faite de céramique colorée elle-même inspirée des mosaïques de la Rome antique, est très présente dans l'art mort et est introduite dans la péninsule ibérique dès le 8e siècle. Évidemment, la reconquête s'incompagne d'une idée de rupture. On perd la trace de cet art pour quelques siècles, jusqu'au choc esthétique d'un roi portugais en visite dans une des grandes villes espagnoles ayant gardé la trace de cette inspiration passée. Car depuis l'Espagne, la technique a continué son voyage. Adoptée par les Italiens, Elle rencontre la Majolique, puis est exportée jusque dans les Flandres. Là où les artisans musulmans se concentraient sur des motifs géométriques, c'est au cours de ces échanges que cet art devient peu à peu figuratif. Le potier pisant Francesco Nicoluso, notamment, s'en sert pour représenter des scènes religieuses. Début XVIe, le roi du Portugal, Manuel Ier, est le souverain le plus riche d'Europe. Les revenus des terres... colonisés lui permettent d'être l'un des grands mécènes de la Renaissance portugaise. On donne même son nom à une école esthétique, le style manuelin, une variante très exubérante et luxuriante du gothique. Lors de sa visite à Séville en 1503, il est séduit par l'esthétique de ses carreaux de faïence. Il en rapporte avec lui pour orner le palais national de Sintra, où il réside, à côté de Lisbonne. L'azouléjouse portugais se développe alors. s'ornant de vert, de jaune, de bleu. Rapidement, le Portugal voit naître ses premières grandes fabriques, et les azoulay-jauses se propagent dans tout le pays. On y prépare l'argile, façonnée en carreaux dont la taille et la forme se standardisent peu à peu. Ils sont ensuite séchés et cuits à haute température. La méthode traditionnelle veut alors que les motifs soient tracés à la main sur le carreau, sur lequel on applique des couleurs faites de pigments minéraux. Une autre méthode cohabite, celle de la couergue secque. Des lignes de manjanaise sont tracées pour séparer les couleurs et éviter qu'elles ne se mélangent. Une fois peints, les azoulayjoss sont recouverts d'une glacier transparente qui donne un fini brillant puis cuit une deuxième fois à une température plus basse qui fixe couleurs et glacures. Les azoulayjoss ne sont pas seulement décoratifs s'adaptant à tous les styles architecturaux. Dans un pays tout en longueur, exposé très largement aux embruns de l'océan, mais aussi frappé de chaleurs intenses l'été, ils isolent thermiquement les immeubles et les protègent du salpêtre. Fléau des villes portuaires. Avant l'invention de l'électricité, la glacure de ses faillances permet également de refléter la lumière pour éclairer les intérieurs. Les thèmes représentés se diversifient peu à peu, abordant la vie des saints autant que des fables, des scènes historiques ou tout simplement des scènes de la vie quotidienne. C'est au XVIIe siècle qu'arrive la mode ravageuse du bleu et blanc. Il faut en chercher la raison du côté de la fascination de l'Europe toute entière pour les trésors rapportés par les explorateurs des confins de l'Orient. La porcelaine Ming fait fureur, considérée comme le sommet du raffinement et de l'exotisme. Les Hollandais se sont emparés du phénomène, créant le bleu de Delphes. Le Portugal est conquis. Il commande à foison et s'engouffre dans le même courant. Un bleu intense recouvre non seulement les murs des églises et des palais, mais aussi les bâtiments publics et les maisons privées. C'est l'âge d'or de l'azulejo portugais. Pour la première fois, les azulejos sont signés par des grands maîtres de cette technique. Parmi quelques grands noms, Antonio Pereira, Manuel dos Santos ou encore Antonio de Oliveira Bernardes. Comme l'autre grand art portugais, le fado, l'azulejo sait aussi se politiser et est marqué par l'histoire de son temps. En effet, le début du XVIIe siècle est également marqué par une période d'unification contrainte du Portugal avec la couronne espagnole, connue sous le nom d'Union ibérique. Après une crise de succession, Philippe II d'Espagne est devenu roi du pays sous le nom de Philippe Ier. Et si cette union est techniquement censée maintenir l'autonomie du Portugal, les Espagnols ne perdent pas le nord et s'occupent activement à intégrer leur nouvelle acquisition dans leur politique globale. Voyons. En 1640, une révolte aboutit à la restauration de l'indépendance portugaise sous la dynastie des Bragances. Les Espagnols ne lâcheront pas immédiatement le morceau, et une guerre de restauration durera encore pendant 28 ans avant qu'ils ne s'avouent vaincus. Durant cette période et les années qui suivent, les azulejos deviennent un moyen d'affirmer l'identité nationale portugaise. Des scènes historiques, militaires et de la vie quotidienne portugaise sont représentées. Les commandes de la noblesse en particulier, reflète un désir d'affirmation sociale et politique à travers cet art. L'utilisation massive des azouléjausses dans l'architecture publique et privée devient un marqueur décisif de la culture portugaise et de sa singularité. Autre temps fort pour les azouléjausses, le tremblement de terre de 1755. Pour revenir plus en détail sur ce pan de l'histoire portugaise, je vous renvoie à l'épisode d'octobre 2024. Bon, pour résumer, Lisbonne est en morceaux. Lors de la reconstruction massive selon les plans du Marquis de Pombal, qui suit notamment les conseils des hygiénistes anglais, les azoulégeaux sont plébiscités. Ils servent également à l'enseignement visuel, historique, moral et patriotique des populations pauvres et analphabètes des grandes villes. L'arrivée de l'électricité et la révolution industrielle amenée par le grand partenaire britannique engagent la transition de l'artisanat d'art à la production mécanique. Les azoulégeoses deviennent plus abordables et envahissent les villes et les campagnes. Façade d'immeubles, maisons bourgeoises, fontaines, cafés, il devient d'usage d'orner sa maison d'un saint protecteur ou d'une vierge, mais également de figures d'accueil comme des valets placés devant les escaliers ou dans des jardins accompagnés de messages de bienvenue. C'est l'ère des grandes fabriques. Parmi les plus célèbres, on peut citer la Fabrica de Sainte-Anne de Lisbonne, très sollicitée lors de la reconstruction de la ville. La Fabrica Viúva Lamegu, référence internationale dont la façade emblématique au Largo do Intendente est l'une des plus belles de Lisbonne, ou encore la Fabrica de Macerellus à Porto. Les deux premières sont encore en activité aujourd'hui. Rococo, art nouveau, art déco, les azulejos sont subis toutes les modes esthétiques, s'adaptant aux goûts et aux époques. Mais malgré son adaptabilité, Cet art fait face, comme le reste du pays, aux crises successives du XXe siècle. Les commandes privées se réduisent drastiquement, l'économie s'effondre peu à peu et l'instabilité politique s'installe avant de laisser place à la dictature. Évidemment, ça n'empêchera pas quelques projets d'ampleur. Entre 1905 et 1916, Georges Colasso signe son grande œuvre avec le décor de la gare de Saint-Benthou à Porto, couvrant la surface de près de 550 mètres carrés, d'environ 20 000 azoulégeuses, racontant la petite et la grande histoire du nord du pays. A la fin du siècle cependant, presque toutes les grandes fabriques traditionnelles, dont beaucoup avaient été fondées sur le site d'ateliers de poterie remontant au XVIIe ou au XVIIIe siècle, ont fermé leurs portes. L'azoulégeuse n'est plus à la portée de toutes les bourses. Il redevient majoritairement l'apanage d'artistes renommés, innovants dans des créations originales, mais sert également comme outil du pouvoir. Tout comme le fado, l'art de l'azoulégeuse fait l'objet d'une appropriation par l'Estat de Nauvoo pour renforcer son discours nationaliste et conservateur. Il est placé au centre d'une nouvelle école architecturale soutenue par le régime, le Portugais Suave. Les azoulayjoses seront par exemple très présents dans la fameuse exposition du monde portugais de 1940, sur laquelle nous reviendrons peut-être un jour. A la fin des années 50, l'artiste Maria Kiel est chargée de la décoration des 11 premières stations du métro de Lisbonne. Aujourd'hui, les azoulayjoses continuent d'être une partie intégrante de l'identité culturelle portugaise. Il ne s'agit pas d'un art seulement conjugué au passé, que cela soit dans l'architecture moderne, comme à la Casa da Musica de Porto, mais aussi dans l'art ou la mode, c'est un patrimoine vivant. Quelques artistes contemporains ? Lors de mes recherches, je suis tombée sur le travail de Caricevis, avec ses illustrations composées de mosaïques d'azulejos dont certaines rendent hommage au Cristiano Ronaldo national. Dans mes balades portuenses, je croise aussi régulièrement le travail de Johanna Vachconcelos. Aujourd'hui, les créations contemporaines se nourrissent de multiples techniques. Allant de la photographie au pixel art, ou vers le travail du textile ou de l'impression 3D, l'utilisation du numérique a rendu infini l'horizon des possibilités. Les dernières années ont également vu revenir un intérêt pour l'artisanat. Les étudiants et artistes étrangers se pressent dans les rares unités de fabrication encore actives pour apprendre les techniques traditionnelles, mais aussi apporter leur propre langage créatif. Je pourrais parler de ce sujet pour des heures. Quand j'ai commencé à écrire cet épisode, je n'avais pas idée des innombrables fils que je serais amenée à tirer et des chemins à explorer. Si vous aussi, vous avez envie de vibrer, voici quelques endroits où aller à la rencontre de ce trésor national. Procédons du nord au sud. A Porto, nous en avons parlé, direction la gare. Dans les incontournables, on retrouve également les murs externes de la Capella de Zalmach, datant de 1929. Quand ils étincellent sous le soleil, c'est quelque chose. Ils sont l'œuvre d'Edouardo Leite et viennent de la fameuse fabrique Viuvalamego. A Ausha, à proximité d'Avero, visitez l'église de Varlegue. Construite en 1746, ses travaux auront finalement duré plus d'un siècle. Il aura fallu au moins cela pour décrocher le titre de chapelle Sixtine portugaise. Non loin de la capitale, arrêtez-vous à Sintra. Le palais national possède de magnifiques panneaux dans ses salles d'apparat. À Lisbonne, le musée de la Zuleyjo est évidemment un incontournable. Il abrite la plus belle collection du pays. Situé dans un ancien couvent fondé en 1509, il me semble vraiment mériter un arrêt. Il est en tout cas dans ma liste de visites à faire lors de mon prochain passage dans la capitale. Toujours à Lisbonne, je vous encourage à aller flâner dans les rues de l'Alfama ou de Baixa Chiado. Vous y trouverez notamment la Casa Ferreira de Stabuletech, la façade la plus photographiée de la ville. On y retrouve des allégories de la terre, l'eau, la science, l'agriculture, le commerce et l'industrie, ainsi qu'une étoile avec un seul œil symbolisant le créateur de l'univers. Rien que ça. Cap au sud pour finir. À Faro, l'église Saint-Laurent d'Almancil, construite au XVIIe siècle, est entièrement recouverte d'azoulégeuses mettant en scène les moments importants de la vie du saint. Dans ces lieux ou ailleurs, Bien des touristes viennent admirer ces trésors chaque année au Portugal. Une opportunité économique qui n'a pas échappé à certains. Chaque boutique de souvenirs vous proposera des myriades d'azulejos à accrocher du frigo au patio. Attention malgré tout. La plupart sont fabriqués par Sérigraphie à la chaîne, bien loin du Portugal, et n'ont que peu de choses à voir avec le sujet du jour. Si vous recherchez de la qualité, Des boutiques spécialisées proposent des pièces fabriquées par des artisans locaux. A l'autre extrême, antiquaires et brocanteurs peu scrupuleux proposent souvent d'authentiques azoulégeuses datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle, d'origine douteuse. En effet, ceux-ci sont souvent arrachés des façades pour répondre à la demande des touristes fortunés, au détriment du patrimoine. Aujourd'hui, la préservation des azoulégeuses est une priorité au Portugal. qui a un temps été dépassé par la croissance exponentielle de son tourisme. La loi protège les azoulayjots exposés dans le domaine public et il est interdit d'en faire commerce. Il est par ailleurs maintenant obligatoire de restaurer les façades classées. Les artisans d'art sont très occupés à ces projets qui se multiplient, notamment à Porto et Lisbonne. Des bases de données sur la richesse et la diversité de ce patrimoine se sont multipliées ces dernières années. Des associations s'emparent du sujet. Je connais par exemple le projet de Gazette Azoulayjous qu'on peut aisément retrouver sur Instagram. Au niveau universitaire, il existe l'AZ, Raid de Investigations et Azoulayjous, Réseau de recherche sur les Azoulayjous, basé à la faculté de lettres de Lisbonne. Le musée de Lisbonne multiplie les stages pratiques d'inventaire et d'études de son fonds. L'initiative SOS Azulejos, lancée en 2007 par le musée de la police judiciaire, allie lui plusieurs volets allant de la prévention du vol et du trafic à des actions de sensibilisation et d'éducation. La mairie Ausha organise même des opérations de porte à porte pour sensibiliser les habitants à ces sujets. A tous les échelons de la société, le peuple portugais s'engage pour la préservation de son patrimoine comme patrimoine intégré et préservé in situ. Alors récapitulons. Des petits carreaux chargés de 500 ans d'histoire, d'influence et de revendications. Ils portent le goût de la découverte au XVIe siècle, le goût d'une autonomie farouche au XVIIe, la reconstruction d'une nation moderne au XVIIIe, puis l'ascension d'une bourgeoisie en recherche d'ostentation. avant l'affirmation du discours nationaliste sous les Stade Unov. Encore aujourd'hui, les azoulégeuses font corps avec les défis et les préoccupations du temps présent. Mondialisation numérique, expression urbaine et rapport à la mémoire dans un monde globalisé. Les azoulégeuses sont un véritable miroir de l'âme portugaise. Et vous, quel est votre lien avec les azoulégeuses ? Quelle façade ou quel panneau vous a le plus marqué lors de vos visites au Portugal ? Merci d'avoir suivi et écouté cet épisode de rentrée de l'usobribe. J'espère que vous aurez trouvé le sujet aussi enthousiasmant que moi, car il semble bien que je me sois un petit peu emballée sur sa durée. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode. Quel sujet aimeriez-vous aborder ? N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt !

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Bonne année 2025, chèr.es auditeur.trice.s de Luso Bribes ! Commençons ensemble l'année en nous plongeant dans l'histoire des azulejos portugais. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d’influences extérieures, tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d’azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes mais aussi un étonnant parfum d’Asie… Pour en apprendre un peu plus sur ces 500 ans d’histoire complexe, et l’importance de cette pratique décorative dans l’ADN du Portugal encore aujourd’hui, suivez le guide.


Bonne écoute !

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Logo: © Les artichauts brûlent aussi

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Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parmi les incontournables quand on se penche sur la culture et l'histoire portugaise, on retrouve vite les azouléjausses. Ces petits carreaux de faïence peints et émaillés sont immédiatement associés, si ce n'est au Portugal, du moins à la péninsule ibérique. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d'influences extérieures tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d'azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes, mais aussi un étonnant parfum d'Asie. Pour comprendre ces 500 ans d'histoire complexe et l'importance de cette pratique décorative dans l'ADN du Portugal encore aujourd'hui, je vous invite à me suivre dans ce nouvel épisode. de l'usobribe. Remontons le temps. En 711, les Ausha écrasent le roi Roderic, dernier roi visigot d'Espagne, et débarquent en péninsule ibérique. Cette conquête des morts en Europe remontera jusqu'au midi de la France, faisant même des incartades bien plus au nord. Rappelez-vous vos cours d'histoire géo. Vous y êtes ? Charles Martel, Poitiers, 732 ? Allez, un bon point pour toi au fond de la classe ! Ces territoires resteront longtemps occupés par ces peuples arabes et musulmans. La reconquista du Portugal par les puissances catholiques s'étalera entre la moitié du IXe et la moitié du XIIIe siècle. Autant vous dire que durant tout ce temps, les échanges culturels entre les peuples sont multiples. Nous y reviendrons certainement un jour dans un épisode dédié. Mais pour l'heure, parlons donc d'un mot arabe à l'origine de notre sujet du jour. Al-zulaïj. Il signifie petite pierre polie Rien à voir donc avec la couleur bleue comme on pourrait l'imaginer. Azul en espagnol et en portugais. Cette technique décorative faite de céramique colorée elle-même inspirée des mosaïques de la Rome antique, est très présente dans l'art mort et est introduite dans la péninsule ibérique dès le 8e siècle. Évidemment, la reconquête s'incompagne d'une idée de rupture. On perd la trace de cet art pour quelques siècles, jusqu'au choc esthétique d'un roi portugais en visite dans une des grandes villes espagnoles ayant gardé la trace de cette inspiration passée. Car depuis l'Espagne, la technique a continué son voyage. Adoptée par les Italiens, Elle rencontre la Majolique, puis est exportée jusque dans les Flandres. Là où les artisans musulmans se concentraient sur des motifs géométriques, c'est au cours de ces échanges que cet art devient peu à peu figuratif. Le potier pisant Francesco Nicoluso, notamment, s'en sert pour représenter des scènes religieuses. Début XVIe, le roi du Portugal, Manuel Ier, est le souverain le plus riche d'Europe. Les revenus des terres... colonisés lui permettent d'être l'un des grands mécènes de la Renaissance portugaise. On donne même son nom à une école esthétique, le style manuelin, une variante très exubérante et luxuriante du gothique. Lors de sa visite à Séville en 1503, il est séduit par l'esthétique de ses carreaux de faïence. Il en rapporte avec lui pour orner le palais national de Sintra, où il réside, à côté de Lisbonne. L'azouléjouse portugais se développe alors. s'ornant de vert, de jaune, de bleu. Rapidement, le Portugal voit naître ses premières grandes fabriques, et les azoulay-jauses se propagent dans tout le pays. On y prépare l'argile, façonnée en carreaux dont la taille et la forme se standardisent peu à peu. Ils sont ensuite séchés et cuits à haute température. La méthode traditionnelle veut alors que les motifs soient tracés à la main sur le carreau, sur lequel on applique des couleurs faites de pigments minéraux. Une autre méthode cohabite, celle de la couergue secque. Des lignes de manjanaise sont tracées pour séparer les couleurs et éviter qu'elles ne se mélangent. Une fois peints, les azoulayjoss sont recouverts d'une glacier transparente qui donne un fini brillant puis cuit une deuxième fois à une température plus basse qui fixe couleurs et glacures. Les azoulayjoss ne sont pas seulement décoratifs s'adaptant à tous les styles architecturaux. Dans un pays tout en longueur, exposé très largement aux embruns de l'océan, mais aussi frappé de chaleurs intenses l'été, ils isolent thermiquement les immeubles et les protègent du salpêtre. Fléau des villes portuaires. Avant l'invention de l'électricité, la glacure de ses faillances permet également de refléter la lumière pour éclairer les intérieurs. Les thèmes représentés se diversifient peu à peu, abordant la vie des saints autant que des fables, des scènes historiques ou tout simplement des scènes de la vie quotidienne. C'est au XVIIe siècle qu'arrive la mode ravageuse du bleu et blanc. Il faut en chercher la raison du côté de la fascination de l'Europe toute entière pour les trésors rapportés par les explorateurs des confins de l'Orient. La porcelaine Ming fait fureur, considérée comme le sommet du raffinement et de l'exotisme. Les Hollandais se sont emparés du phénomène, créant le bleu de Delphes. Le Portugal est conquis. Il commande à foison et s'engouffre dans le même courant. Un bleu intense recouvre non seulement les murs des églises et des palais, mais aussi les bâtiments publics et les maisons privées. C'est l'âge d'or de l'azulejo portugais. Pour la première fois, les azulejos sont signés par des grands maîtres de cette technique. Parmi quelques grands noms, Antonio Pereira, Manuel dos Santos ou encore Antonio de Oliveira Bernardes. Comme l'autre grand art portugais, le fado, l'azulejo sait aussi se politiser et est marqué par l'histoire de son temps. En effet, le début du XVIIe siècle est également marqué par une période d'unification contrainte du Portugal avec la couronne espagnole, connue sous le nom d'Union ibérique. Après une crise de succession, Philippe II d'Espagne est devenu roi du pays sous le nom de Philippe Ier. Et si cette union est techniquement censée maintenir l'autonomie du Portugal, les Espagnols ne perdent pas le nord et s'occupent activement à intégrer leur nouvelle acquisition dans leur politique globale. Voyons. En 1640, une révolte aboutit à la restauration de l'indépendance portugaise sous la dynastie des Bragances. Les Espagnols ne lâcheront pas immédiatement le morceau, et une guerre de restauration durera encore pendant 28 ans avant qu'ils ne s'avouent vaincus. Durant cette période et les années qui suivent, les azulejos deviennent un moyen d'affirmer l'identité nationale portugaise. Des scènes historiques, militaires et de la vie quotidienne portugaise sont représentées. Les commandes de la noblesse en particulier, reflète un désir d'affirmation sociale et politique à travers cet art. L'utilisation massive des azouléjausses dans l'architecture publique et privée devient un marqueur décisif de la culture portugaise et de sa singularité. Autre temps fort pour les azouléjausses, le tremblement de terre de 1755. Pour revenir plus en détail sur ce pan de l'histoire portugaise, je vous renvoie à l'épisode d'octobre 2024. Bon, pour résumer, Lisbonne est en morceaux. Lors de la reconstruction massive selon les plans du Marquis de Pombal, qui suit notamment les conseils des hygiénistes anglais, les azoulégeaux sont plébiscités. Ils servent également à l'enseignement visuel, historique, moral et patriotique des populations pauvres et analphabètes des grandes villes. L'arrivée de l'électricité et la révolution industrielle amenée par le grand partenaire britannique engagent la transition de l'artisanat d'art à la production mécanique. Les azoulégeoses deviennent plus abordables et envahissent les villes et les campagnes. Façade d'immeubles, maisons bourgeoises, fontaines, cafés, il devient d'usage d'orner sa maison d'un saint protecteur ou d'une vierge, mais également de figures d'accueil comme des valets placés devant les escaliers ou dans des jardins accompagnés de messages de bienvenue. C'est l'ère des grandes fabriques. Parmi les plus célèbres, on peut citer la Fabrica de Sainte-Anne de Lisbonne, très sollicitée lors de la reconstruction de la ville. La Fabrica Viúva Lamegu, référence internationale dont la façade emblématique au Largo do Intendente est l'une des plus belles de Lisbonne, ou encore la Fabrica de Macerellus à Porto. Les deux premières sont encore en activité aujourd'hui. Rococo, art nouveau, art déco, les azulejos sont subis toutes les modes esthétiques, s'adaptant aux goûts et aux époques. Mais malgré son adaptabilité, Cet art fait face, comme le reste du pays, aux crises successives du XXe siècle. Les commandes privées se réduisent drastiquement, l'économie s'effondre peu à peu et l'instabilité politique s'installe avant de laisser place à la dictature. Évidemment, ça n'empêchera pas quelques projets d'ampleur. Entre 1905 et 1916, Georges Colasso signe son grande œuvre avec le décor de la gare de Saint-Benthou à Porto, couvrant la surface de près de 550 mètres carrés, d'environ 20 000 azoulégeuses, racontant la petite et la grande histoire du nord du pays. A la fin du siècle cependant, presque toutes les grandes fabriques traditionnelles, dont beaucoup avaient été fondées sur le site d'ateliers de poterie remontant au XVIIe ou au XVIIIe siècle, ont fermé leurs portes. L'azoulégeuse n'est plus à la portée de toutes les bourses. Il redevient majoritairement l'apanage d'artistes renommés, innovants dans des créations originales, mais sert également comme outil du pouvoir. Tout comme le fado, l'art de l'azoulégeuse fait l'objet d'une appropriation par l'Estat de Nauvoo pour renforcer son discours nationaliste et conservateur. Il est placé au centre d'une nouvelle école architecturale soutenue par le régime, le Portugais Suave. Les azoulayjoses seront par exemple très présents dans la fameuse exposition du monde portugais de 1940, sur laquelle nous reviendrons peut-être un jour. A la fin des années 50, l'artiste Maria Kiel est chargée de la décoration des 11 premières stations du métro de Lisbonne. Aujourd'hui, les azoulayjoses continuent d'être une partie intégrante de l'identité culturelle portugaise. Il ne s'agit pas d'un art seulement conjugué au passé, que cela soit dans l'architecture moderne, comme à la Casa da Musica de Porto, mais aussi dans l'art ou la mode, c'est un patrimoine vivant. Quelques artistes contemporains ? Lors de mes recherches, je suis tombée sur le travail de Caricevis, avec ses illustrations composées de mosaïques d'azulejos dont certaines rendent hommage au Cristiano Ronaldo national. Dans mes balades portuenses, je croise aussi régulièrement le travail de Johanna Vachconcelos. Aujourd'hui, les créations contemporaines se nourrissent de multiples techniques. Allant de la photographie au pixel art, ou vers le travail du textile ou de l'impression 3D, l'utilisation du numérique a rendu infini l'horizon des possibilités. Les dernières années ont également vu revenir un intérêt pour l'artisanat. Les étudiants et artistes étrangers se pressent dans les rares unités de fabrication encore actives pour apprendre les techniques traditionnelles, mais aussi apporter leur propre langage créatif. Je pourrais parler de ce sujet pour des heures. Quand j'ai commencé à écrire cet épisode, je n'avais pas idée des innombrables fils que je serais amenée à tirer et des chemins à explorer. Si vous aussi, vous avez envie de vibrer, voici quelques endroits où aller à la rencontre de ce trésor national. Procédons du nord au sud. A Porto, nous en avons parlé, direction la gare. Dans les incontournables, on retrouve également les murs externes de la Capella de Zalmach, datant de 1929. Quand ils étincellent sous le soleil, c'est quelque chose. Ils sont l'œuvre d'Edouardo Leite et viennent de la fameuse fabrique Viuvalamego. A Ausha, à proximité d'Avero, visitez l'église de Varlegue. Construite en 1746, ses travaux auront finalement duré plus d'un siècle. Il aura fallu au moins cela pour décrocher le titre de chapelle Sixtine portugaise. Non loin de la capitale, arrêtez-vous à Sintra. Le palais national possède de magnifiques panneaux dans ses salles d'apparat. À Lisbonne, le musée de la Zuleyjo est évidemment un incontournable. Il abrite la plus belle collection du pays. Situé dans un ancien couvent fondé en 1509, il me semble vraiment mériter un arrêt. Il est en tout cas dans ma liste de visites à faire lors de mon prochain passage dans la capitale. Toujours à Lisbonne, je vous encourage à aller flâner dans les rues de l'Alfama ou de Baixa Chiado. Vous y trouverez notamment la Casa Ferreira de Stabuletech, la façade la plus photographiée de la ville. On y retrouve des allégories de la terre, l'eau, la science, l'agriculture, le commerce et l'industrie, ainsi qu'une étoile avec un seul œil symbolisant le créateur de l'univers. Rien que ça. Cap au sud pour finir. À Faro, l'église Saint-Laurent d'Almancil, construite au XVIIe siècle, est entièrement recouverte d'azoulégeuses mettant en scène les moments importants de la vie du saint. Dans ces lieux ou ailleurs, Bien des touristes viennent admirer ces trésors chaque année au Portugal. Une opportunité économique qui n'a pas échappé à certains. Chaque boutique de souvenirs vous proposera des myriades d'azulejos à accrocher du frigo au patio. Attention malgré tout. La plupart sont fabriqués par Sérigraphie à la chaîne, bien loin du Portugal, et n'ont que peu de choses à voir avec le sujet du jour. Si vous recherchez de la qualité, Des boutiques spécialisées proposent des pièces fabriquées par des artisans locaux. A l'autre extrême, antiquaires et brocanteurs peu scrupuleux proposent souvent d'authentiques azoulégeuses datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle, d'origine douteuse. En effet, ceux-ci sont souvent arrachés des façades pour répondre à la demande des touristes fortunés, au détriment du patrimoine. Aujourd'hui, la préservation des azoulégeuses est une priorité au Portugal. qui a un temps été dépassé par la croissance exponentielle de son tourisme. La loi protège les azoulayjots exposés dans le domaine public et il est interdit d'en faire commerce. Il est par ailleurs maintenant obligatoire de restaurer les façades classées. Les artisans d'art sont très occupés à ces projets qui se multiplient, notamment à Porto et Lisbonne. Des bases de données sur la richesse et la diversité de ce patrimoine se sont multipliées ces dernières années. Des associations s'emparent du sujet. Je connais par exemple le projet de Gazette Azoulayjous qu'on peut aisément retrouver sur Instagram. Au niveau universitaire, il existe l'AZ, Raid de Investigations et Azoulayjous, Réseau de recherche sur les Azoulayjous, basé à la faculté de lettres de Lisbonne. Le musée de Lisbonne multiplie les stages pratiques d'inventaire et d'études de son fonds. L'initiative SOS Azulejos, lancée en 2007 par le musée de la police judiciaire, allie lui plusieurs volets allant de la prévention du vol et du trafic à des actions de sensibilisation et d'éducation. La mairie Ausha organise même des opérations de porte à porte pour sensibiliser les habitants à ces sujets. A tous les échelons de la société, le peuple portugais s'engage pour la préservation de son patrimoine comme patrimoine intégré et préservé in situ. Alors récapitulons. Des petits carreaux chargés de 500 ans d'histoire, d'influence et de revendications. Ils portent le goût de la découverte au XVIe siècle, le goût d'une autonomie farouche au XVIIe, la reconstruction d'une nation moderne au XVIIIe, puis l'ascension d'une bourgeoisie en recherche d'ostentation. avant l'affirmation du discours nationaliste sous les Stade Unov. Encore aujourd'hui, les azoulégeuses font corps avec les défis et les préoccupations du temps présent. Mondialisation numérique, expression urbaine et rapport à la mémoire dans un monde globalisé. Les azoulégeuses sont un véritable miroir de l'âme portugaise. Et vous, quel est votre lien avec les azoulégeuses ? Quelle façade ou quel panneau vous a le plus marqué lors de vos visites au Portugal ? Merci d'avoir suivi et écouté cet épisode de rentrée de l'usobribe. J'espère que vous aurez trouvé le sujet aussi enthousiasmant que moi, car il semble bien que je me sois un petit peu emballée sur sa durée. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode. Quel sujet aimeriez-vous aborder ? N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt !

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Description

Bonne année 2025, chèr.es auditeur.trice.s de Luso Bribes ! Commençons ensemble l'année en nous plongeant dans l'histoire des azulejos portugais. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d’influences extérieures, tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d’azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes mais aussi un étonnant parfum d’Asie… Pour en apprendre un peu plus sur ces 500 ans d’histoire complexe, et l’importance de cette pratique décorative dans l’ADN du Portugal encore aujourd’hui, suivez le guide.


Bonne écoute !

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Logo: © Les artichauts brûlent aussi

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Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parmi les incontournables quand on se penche sur la culture et l'histoire portugaise, on retrouve vite les azouléjausses. Ces petits carreaux de faïence peints et émaillés sont immédiatement associés, si ce n'est au Portugal, du moins à la péninsule ibérique. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d'influences extérieures tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d'azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes, mais aussi un étonnant parfum d'Asie. Pour comprendre ces 500 ans d'histoire complexe et l'importance de cette pratique décorative dans l'ADN du Portugal encore aujourd'hui, je vous invite à me suivre dans ce nouvel épisode. de l'usobribe. Remontons le temps. En 711, les Ausha écrasent le roi Roderic, dernier roi visigot d'Espagne, et débarquent en péninsule ibérique. Cette conquête des morts en Europe remontera jusqu'au midi de la France, faisant même des incartades bien plus au nord. Rappelez-vous vos cours d'histoire géo. Vous y êtes ? Charles Martel, Poitiers, 732 ? Allez, un bon point pour toi au fond de la classe ! Ces territoires resteront longtemps occupés par ces peuples arabes et musulmans. La reconquista du Portugal par les puissances catholiques s'étalera entre la moitié du IXe et la moitié du XIIIe siècle. Autant vous dire que durant tout ce temps, les échanges culturels entre les peuples sont multiples. Nous y reviendrons certainement un jour dans un épisode dédié. Mais pour l'heure, parlons donc d'un mot arabe à l'origine de notre sujet du jour. Al-zulaïj. Il signifie petite pierre polie Rien à voir donc avec la couleur bleue comme on pourrait l'imaginer. Azul en espagnol et en portugais. Cette technique décorative faite de céramique colorée elle-même inspirée des mosaïques de la Rome antique, est très présente dans l'art mort et est introduite dans la péninsule ibérique dès le 8e siècle. Évidemment, la reconquête s'incompagne d'une idée de rupture. On perd la trace de cet art pour quelques siècles, jusqu'au choc esthétique d'un roi portugais en visite dans une des grandes villes espagnoles ayant gardé la trace de cette inspiration passée. Car depuis l'Espagne, la technique a continué son voyage. Adoptée par les Italiens, Elle rencontre la Majolique, puis est exportée jusque dans les Flandres. Là où les artisans musulmans se concentraient sur des motifs géométriques, c'est au cours de ces échanges que cet art devient peu à peu figuratif. Le potier pisant Francesco Nicoluso, notamment, s'en sert pour représenter des scènes religieuses. Début XVIe, le roi du Portugal, Manuel Ier, est le souverain le plus riche d'Europe. Les revenus des terres... colonisés lui permettent d'être l'un des grands mécènes de la Renaissance portugaise. On donne même son nom à une école esthétique, le style manuelin, une variante très exubérante et luxuriante du gothique. Lors de sa visite à Séville en 1503, il est séduit par l'esthétique de ses carreaux de faïence. Il en rapporte avec lui pour orner le palais national de Sintra, où il réside, à côté de Lisbonne. L'azouléjouse portugais se développe alors. s'ornant de vert, de jaune, de bleu. Rapidement, le Portugal voit naître ses premières grandes fabriques, et les azoulay-jauses se propagent dans tout le pays. On y prépare l'argile, façonnée en carreaux dont la taille et la forme se standardisent peu à peu. Ils sont ensuite séchés et cuits à haute température. La méthode traditionnelle veut alors que les motifs soient tracés à la main sur le carreau, sur lequel on applique des couleurs faites de pigments minéraux. Une autre méthode cohabite, celle de la couergue secque. Des lignes de manjanaise sont tracées pour séparer les couleurs et éviter qu'elles ne se mélangent. Une fois peints, les azoulayjoss sont recouverts d'une glacier transparente qui donne un fini brillant puis cuit une deuxième fois à une température plus basse qui fixe couleurs et glacures. Les azoulayjoss ne sont pas seulement décoratifs s'adaptant à tous les styles architecturaux. Dans un pays tout en longueur, exposé très largement aux embruns de l'océan, mais aussi frappé de chaleurs intenses l'été, ils isolent thermiquement les immeubles et les protègent du salpêtre. Fléau des villes portuaires. Avant l'invention de l'électricité, la glacure de ses faillances permet également de refléter la lumière pour éclairer les intérieurs. Les thèmes représentés se diversifient peu à peu, abordant la vie des saints autant que des fables, des scènes historiques ou tout simplement des scènes de la vie quotidienne. C'est au XVIIe siècle qu'arrive la mode ravageuse du bleu et blanc. Il faut en chercher la raison du côté de la fascination de l'Europe toute entière pour les trésors rapportés par les explorateurs des confins de l'Orient. La porcelaine Ming fait fureur, considérée comme le sommet du raffinement et de l'exotisme. Les Hollandais se sont emparés du phénomène, créant le bleu de Delphes. Le Portugal est conquis. Il commande à foison et s'engouffre dans le même courant. Un bleu intense recouvre non seulement les murs des églises et des palais, mais aussi les bâtiments publics et les maisons privées. C'est l'âge d'or de l'azulejo portugais. Pour la première fois, les azulejos sont signés par des grands maîtres de cette technique. Parmi quelques grands noms, Antonio Pereira, Manuel dos Santos ou encore Antonio de Oliveira Bernardes. Comme l'autre grand art portugais, le fado, l'azulejo sait aussi se politiser et est marqué par l'histoire de son temps. En effet, le début du XVIIe siècle est également marqué par une période d'unification contrainte du Portugal avec la couronne espagnole, connue sous le nom d'Union ibérique. Après une crise de succession, Philippe II d'Espagne est devenu roi du pays sous le nom de Philippe Ier. Et si cette union est techniquement censée maintenir l'autonomie du Portugal, les Espagnols ne perdent pas le nord et s'occupent activement à intégrer leur nouvelle acquisition dans leur politique globale. Voyons. En 1640, une révolte aboutit à la restauration de l'indépendance portugaise sous la dynastie des Bragances. Les Espagnols ne lâcheront pas immédiatement le morceau, et une guerre de restauration durera encore pendant 28 ans avant qu'ils ne s'avouent vaincus. Durant cette période et les années qui suivent, les azulejos deviennent un moyen d'affirmer l'identité nationale portugaise. Des scènes historiques, militaires et de la vie quotidienne portugaise sont représentées. Les commandes de la noblesse en particulier, reflète un désir d'affirmation sociale et politique à travers cet art. L'utilisation massive des azouléjausses dans l'architecture publique et privée devient un marqueur décisif de la culture portugaise et de sa singularité. Autre temps fort pour les azouléjausses, le tremblement de terre de 1755. Pour revenir plus en détail sur ce pan de l'histoire portugaise, je vous renvoie à l'épisode d'octobre 2024. Bon, pour résumer, Lisbonne est en morceaux. Lors de la reconstruction massive selon les plans du Marquis de Pombal, qui suit notamment les conseils des hygiénistes anglais, les azoulégeaux sont plébiscités. Ils servent également à l'enseignement visuel, historique, moral et patriotique des populations pauvres et analphabètes des grandes villes. L'arrivée de l'électricité et la révolution industrielle amenée par le grand partenaire britannique engagent la transition de l'artisanat d'art à la production mécanique. Les azoulégeoses deviennent plus abordables et envahissent les villes et les campagnes. Façade d'immeubles, maisons bourgeoises, fontaines, cafés, il devient d'usage d'orner sa maison d'un saint protecteur ou d'une vierge, mais également de figures d'accueil comme des valets placés devant les escaliers ou dans des jardins accompagnés de messages de bienvenue. C'est l'ère des grandes fabriques. Parmi les plus célèbres, on peut citer la Fabrica de Sainte-Anne de Lisbonne, très sollicitée lors de la reconstruction de la ville. La Fabrica Viúva Lamegu, référence internationale dont la façade emblématique au Largo do Intendente est l'une des plus belles de Lisbonne, ou encore la Fabrica de Macerellus à Porto. Les deux premières sont encore en activité aujourd'hui. Rococo, art nouveau, art déco, les azulejos sont subis toutes les modes esthétiques, s'adaptant aux goûts et aux époques. Mais malgré son adaptabilité, Cet art fait face, comme le reste du pays, aux crises successives du XXe siècle. Les commandes privées se réduisent drastiquement, l'économie s'effondre peu à peu et l'instabilité politique s'installe avant de laisser place à la dictature. Évidemment, ça n'empêchera pas quelques projets d'ampleur. Entre 1905 et 1916, Georges Colasso signe son grande œuvre avec le décor de la gare de Saint-Benthou à Porto, couvrant la surface de près de 550 mètres carrés, d'environ 20 000 azoulégeuses, racontant la petite et la grande histoire du nord du pays. A la fin du siècle cependant, presque toutes les grandes fabriques traditionnelles, dont beaucoup avaient été fondées sur le site d'ateliers de poterie remontant au XVIIe ou au XVIIIe siècle, ont fermé leurs portes. L'azoulégeuse n'est plus à la portée de toutes les bourses. Il redevient majoritairement l'apanage d'artistes renommés, innovants dans des créations originales, mais sert également comme outil du pouvoir. Tout comme le fado, l'art de l'azoulégeuse fait l'objet d'une appropriation par l'Estat de Nauvoo pour renforcer son discours nationaliste et conservateur. Il est placé au centre d'une nouvelle école architecturale soutenue par le régime, le Portugais Suave. Les azoulayjoses seront par exemple très présents dans la fameuse exposition du monde portugais de 1940, sur laquelle nous reviendrons peut-être un jour. A la fin des années 50, l'artiste Maria Kiel est chargée de la décoration des 11 premières stations du métro de Lisbonne. Aujourd'hui, les azoulayjoses continuent d'être une partie intégrante de l'identité culturelle portugaise. Il ne s'agit pas d'un art seulement conjugué au passé, que cela soit dans l'architecture moderne, comme à la Casa da Musica de Porto, mais aussi dans l'art ou la mode, c'est un patrimoine vivant. Quelques artistes contemporains ? Lors de mes recherches, je suis tombée sur le travail de Caricevis, avec ses illustrations composées de mosaïques d'azulejos dont certaines rendent hommage au Cristiano Ronaldo national. Dans mes balades portuenses, je croise aussi régulièrement le travail de Johanna Vachconcelos. Aujourd'hui, les créations contemporaines se nourrissent de multiples techniques. Allant de la photographie au pixel art, ou vers le travail du textile ou de l'impression 3D, l'utilisation du numérique a rendu infini l'horizon des possibilités. Les dernières années ont également vu revenir un intérêt pour l'artisanat. Les étudiants et artistes étrangers se pressent dans les rares unités de fabrication encore actives pour apprendre les techniques traditionnelles, mais aussi apporter leur propre langage créatif. Je pourrais parler de ce sujet pour des heures. Quand j'ai commencé à écrire cet épisode, je n'avais pas idée des innombrables fils que je serais amenée à tirer et des chemins à explorer. Si vous aussi, vous avez envie de vibrer, voici quelques endroits où aller à la rencontre de ce trésor national. Procédons du nord au sud. A Porto, nous en avons parlé, direction la gare. Dans les incontournables, on retrouve également les murs externes de la Capella de Zalmach, datant de 1929. Quand ils étincellent sous le soleil, c'est quelque chose. Ils sont l'œuvre d'Edouardo Leite et viennent de la fameuse fabrique Viuvalamego. A Ausha, à proximité d'Avero, visitez l'église de Varlegue. Construite en 1746, ses travaux auront finalement duré plus d'un siècle. Il aura fallu au moins cela pour décrocher le titre de chapelle Sixtine portugaise. Non loin de la capitale, arrêtez-vous à Sintra. Le palais national possède de magnifiques panneaux dans ses salles d'apparat. À Lisbonne, le musée de la Zuleyjo est évidemment un incontournable. Il abrite la plus belle collection du pays. Situé dans un ancien couvent fondé en 1509, il me semble vraiment mériter un arrêt. Il est en tout cas dans ma liste de visites à faire lors de mon prochain passage dans la capitale. Toujours à Lisbonne, je vous encourage à aller flâner dans les rues de l'Alfama ou de Baixa Chiado. Vous y trouverez notamment la Casa Ferreira de Stabuletech, la façade la plus photographiée de la ville. On y retrouve des allégories de la terre, l'eau, la science, l'agriculture, le commerce et l'industrie, ainsi qu'une étoile avec un seul œil symbolisant le créateur de l'univers. Rien que ça. Cap au sud pour finir. À Faro, l'église Saint-Laurent d'Almancil, construite au XVIIe siècle, est entièrement recouverte d'azoulégeuses mettant en scène les moments importants de la vie du saint. Dans ces lieux ou ailleurs, Bien des touristes viennent admirer ces trésors chaque année au Portugal. Une opportunité économique qui n'a pas échappé à certains. Chaque boutique de souvenirs vous proposera des myriades d'azulejos à accrocher du frigo au patio. Attention malgré tout. La plupart sont fabriqués par Sérigraphie à la chaîne, bien loin du Portugal, et n'ont que peu de choses à voir avec le sujet du jour. Si vous recherchez de la qualité, Des boutiques spécialisées proposent des pièces fabriquées par des artisans locaux. A l'autre extrême, antiquaires et brocanteurs peu scrupuleux proposent souvent d'authentiques azoulégeuses datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle, d'origine douteuse. En effet, ceux-ci sont souvent arrachés des façades pour répondre à la demande des touristes fortunés, au détriment du patrimoine. Aujourd'hui, la préservation des azoulégeuses est une priorité au Portugal. qui a un temps été dépassé par la croissance exponentielle de son tourisme. La loi protège les azoulayjots exposés dans le domaine public et il est interdit d'en faire commerce. Il est par ailleurs maintenant obligatoire de restaurer les façades classées. Les artisans d'art sont très occupés à ces projets qui se multiplient, notamment à Porto et Lisbonne. Des bases de données sur la richesse et la diversité de ce patrimoine se sont multipliées ces dernières années. Des associations s'emparent du sujet. Je connais par exemple le projet de Gazette Azoulayjous qu'on peut aisément retrouver sur Instagram. Au niveau universitaire, il existe l'AZ, Raid de Investigations et Azoulayjous, Réseau de recherche sur les Azoulayjous, basé à la faculté de lettres de Lisbonne. Le musée de Lisbonne multiplie les stages pratiques d'inventaire et d'études de son fonds. L'initiative SOS Azulejos, lancée en 2007 par le musée de la police judiciaire, allie lui plusieurs volets allant de la prévention du vol et du trafic à des actions de sensibilisation et d'éducation. La mairie Ausha organise même des opérations de porte à porte pour sensibiliser les habitants à ces sujets. A tous les échelons de la société, le peuple portugais s'engage pour la préservation de son patrimoine comme patrimoine intégré et préservé in situ. Alors récapitulons. Des petits carreaux chargés de 500 ans d'histoire, d'influence et de revendications. Ils portent le goût de la découverte au XVIe siècle, le goût d'une autonomie farouche au XVIIe, la reconstruction d'une nation moderne au XVIIIe, puis l'ascension d'une bourgeoisie en recherche d'ostentation. avant l'affirmation du discours nationaliste sous les Stade Unov. Encore aujourd'hui, les azoulégeuses font corps avec les défis et les préoccupations du temps présent. Mondialisation numérique, expression urbaine et rapport à la mémoire dans un monde globalisé. Les azoulégeuses sont un véritable miroir de l'âme portugaise. Et vous, quel est votre lien avec les azoulégeuses ? Quelle façade ou quel panneau vous a le plus marqué lors de vos visites au Portugal ? Merci d'avoir suivi et écouté cet épisode de rentrée de l'usobribe. J'espère que vous aurez trouvé le sujet aussi enthousiasmant que moi, car il semble bien que je me sois un petit peu emballée sur sa durée. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode. Quel sujet aimeriez-vous aborder ? N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt !

Description

Bonne année 2025, chèr.es auditeur.trice.s de Luso Bribes ! Commençons ensemble l'année en nous plongeant dans l'histoire des azulejos portugais. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d’influences extérieures, tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d’azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes mais aussi un étonnant parfum d’Asie… Pour en apprendre un peu plus sur ces 500 ans d’histoire complexe, et l’importance de cette pratique décorative dans l’ADN du Portugal encore aujourd’hui, suivez le guide.


Bonne écoute !

>>

Logo: © Les artichauts brûlent aussi

>>>

Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Parmi les incontournables quand on se penche sur la culture et l'histoire portugaise, on retrouve vite les azouléjausses. Ces petits carreaux de faïence peints et émaillés sont immédiatement associés, si ce n'est au Portugal, du moins à la péninsule ibérique. Cet art est un exemple parfait de comment le Portugal a nourri son patrimoine d'influences extérieures tout en développant sa propre identité. Dans chaque panneau d'azulejos portugais, il y a des racines arabes, des influences espagnoles et italiennes, mais aussi un étonnant parfum d'Asie. Pour comprendre ces 500 ans d'histoire complexe et l'importance de cette pratique décorative dans l'ADN du Portugal encore aujourd'hui, je vous invite à me suivre dans ce nouvel épisode. de l'usobribe. Remontons le temps. En 711, les Ausha écrasent le roi Roderic, dernier roi visigot d'Espagne, et débarquent en péninsule ibérique. Cette conquête des morts en Europe remontera jusqu'au midi de la France, faisant même des incartades bien plus au nord. Rappelez-vous vos cours d'histoire géo. Vous y êtes ? Charles Martel, Poitiers, 732 ? Allez, un bon point pour toi au fond de la classe ! Ces territoires resteront longtemps occupés par ces peuples arabes et musulmans. La reconquista du Portugal par les puissances catholiques s'étalera entre la moitié du IXe et la moitié du XIIIe siècle. Autant vous dire que durant tout ce temps, les échanges culturels entre les peuples sont multiples. Nous y reviendrons certainement un jour dans un épisode dédié. Mais pour l'heure, parlons donc d'un mot arabe à l'origine de notre sujet du jour. Al-zulaïj. Il signifie petite pierre polie Rien à voir donc avec la couleur bleue comme on pourrait l'imaginer. Azul en espagnol et en portugais. Cette technique décorative faite de céramique colorée elle-même inspirée des mosaïques de la Rome antique, est très présente dans l'art mort et est introduite dans la péninsule ibérique dès le 8e siècle. Évidemment, la reconquête s'incompagne d'une idée de rupture. On perd la trace de cet art pour quelques siècles, jusqu'au choc esthétique d'un roi portugais en visite dans une des grandes villes espagnoles ayant gardé la trace de cette inspiration passée. Car depuis l'Espagne, la technique a continué son voyage. Adoptée par les Italiens, Elle rencontre la Majolique, puis est exportée jusque dans les Flandres. Là où les artisans musulmans se concentraient sur des motifs géométriques, c'est au cours de ces échanges que cet art devient peu à peu figuratif. Le potier pisant Francesco Nicoluso, notamment, s'en sert pour représenter des scènes religieuses. Début XVIe, le roi du Portugal, Manuel Ier, est le souverain le plus riche d'Europe. Les revenus des terres... colonisés lui permettent d'être l'un des grands mécènes de la Renaissance portugaise. On donne même son nom à une école esthétique, le style manuelin, une variante très exubérante et luxuriante du gothique. Lors de sa visite à Séville en 1503, il est séduit par l'esthétique de ses carreaux de faïence. Il en rapporte avec lui pour orner le palais national de Sintra, où il réside, à côté de Lisbonne. L'azouléjouse portugais se développe alors. s'ornant de vert, de jaune, de bleu. Rapidement, le Portugal voit naître ses premières grandes fabriques, et les azoulay-jauses se propagent dans tout le pays. On y prépare l'argile, façonnée en carreaux dont la taille et la forme se standardisent peu à peu. Ils sont ensuite séchés et cuits à haute température. La méthode traditionnelle veut alors que les motifs soient tracés à la main sur le carreau, sur lequel on applique des couleurs faites de pigments minéraux. Une autre méthode cohabite, celle de la couergue secque. Des lignes de manjanaise sont tracées pour séparer les couleurs et éviter qu'elles ne se mélangent. Une fois peints, les azoulayjoss sont recouverts d'une glacier transparente qui donne un fini brillant puis cuit une deuxième fois à une température plus basse qui fixe couleurs et glacures. Les azoulayjoss ne sont pas seulement décoratifs s'adaptant à tous les styles architecturaux. Dans un pays tout en longueur, exposé très largement aux embruns de l'océan, mais aussi frappé de chaleurs intenses l'été, ils isolent thermiquement les immeubles et les protègent du salpêtre. Fléau des villes portuaires. Avant l'invention de l'électricité, la glacure de ses faillances permet également de refléter la lumière pour éclairer les intérieurs. Les thèmes représentés se diversifient peu à peu, abordant la vie des saints autant que des fables, des scènes historiques ou tout simplement des scènes de la vie quotidienne. C'est au XVIIe siècle qu'arrive la mode ravageuse du bleu et blanc. Il faut en chercher la raison du côté de la fascination de l'Europe toute entière pour les trésors rapportés par les explorateurs des confins de l'Orient. La porcelaine Ming fait fureur, considérée comme le sommet du raffinement et de l'exotisme. Les Hollandais se sont emparés du phénomène, créant le bleu de Delphes. Le Portugal est conquis. Il commande à foison et s'engouffre dans le même courant. Un bleu intense recouvre non seulement les murs des églises et des palais, mais aussi les bâtiments publics et les maisons privées. C'est l'âge d'or de l'azulejo portugais. Pour la première fois, les azulejos sont signés par des grands maîtres de cette technique. Parmi quelques grands noms, Antonio Pereira, Manuel dos Santos ou encore Antonio de Oliveira Bernardes. Comme l'autre grand art portugais, le fado, l'azulejo sait aussi se politiser et est marqué par l'histoire de son temps. En effet, le début du XVIIe siècle est également marqué par une période d'unification contrainte du Portugal avec la couronne espagnole, connue sous le nom d'Union ibérique. Après une crise de succession, Philippe II d'Espagne est devenu roi du pays sous le nom de Philippe Ier. Et si cette union est techniquement censée maintenir l'autonomie du Portugal, les Espagnols ne perdent pas le nord et s'occupent activement à intégrer leur nouvelle acquisition dans leur politique globale. Voyons. En 1640, une révolte aboutit à la restauration de l'indépendance portugaise sous la dynastie des Bragances. Les Espagnols ne lâcheront pas immédiatement le morceau, et une guerre de restauration durera encore pendant 28 ans avant qu'ils ne s'avouent vaincus. Durant cette période et les années qui suivent, les azulejos deviennent un moyen d'affirmer l'identité nationale portugaise. Des scènes historiques, militaires et de la vie quotidienne portugaise sont représentées. Les commandes de la noblesse en particulier, reflète un désir d'affirmation sociale et politique à travers cet art. L'utilisation massive des azouléjausses dans l'architecture publique et privée devient un marqueur décisif de la culture portugaise et de sa singularité. Autre temps fort pour les azouléjausses, le tremblement de terre de 1755. Pour revenir plus en détail sur ce pan de l'histoire portugaise, je vous renvoie à l'épisode d'octobre 2024. Bon, pour résumer, Lisbonne est en morceaux. Lors de la reconstruction massive selon les plans du Marquis de Pombal, qui suit notamment les conseils des hygiénistes anglais, les azoulégeaux sont plébiscités. Ils servent également à l'enseignement visuel, historique, moral et patriotique des populations pauvres et analphabètes des grandes villes. L'arrivée de l'électricité et la révolution industrielle amenée par le grand partenaire britannique engagent la transition de l'artisanat d'art à la production mécanique. Les azoulégeoses deviennent plus abordables et envahissent les villes et les campagnes. Façade d'immeubles, maisons bourgeoises, fontaines, cafés, il devient d'usage d'orner sa maison d'un saint protecteur ou d'une vierge, mais également de figures d'accueil comme des valets placés devant les escaliers ou dans des jardins accompagnés de messages de bienvenue. C'est l'ère des grandes fabriques. Parmi les plus célèbres, on peut citer la Fabrica de Sainte-Anne de Lisbonne, très sollicitée lors de la reconstruction de la ville. La Fabrica Viúva Lamegu, référence internationale dont la façade emblématique au Largo do Intendente est l'une des plus belles de Lisbonne, ou encore la Fabrica de Macerellus à Porto. Les deux premières sont encore en activité aujourd'hui. Rococo, art nouveau, art déco, les azulejos sont subis toutes les modes esthétiques, s'adaptant aux goûts et aux époques. Mais malgré son adaptabilité, Cet art fait face, comme le reste du pays, aux crises successives du XXe siècle. Les commandes privées se réduisent drastiquement, l'économie s'effondre peu à peu et l'instabilité politique s'installe avant de laisser place à la dictature. Évidemment, ça n'empêchera pas quelques projets d'ampleur. Entre 1905 et 1916, Georges Colasso signe son grande œuvre avec le décor de la gare de Saint-Benthou à Porto, couvrant la surface de près de 550 mètres carrés, d'environ 20 000 azoulégeuses, racontant la petite et la grande histoire du nord du pays. A la fin du siècle cependant, presque toutes les grandes fabriques traditionnelles, dont beaucoup avaient été fondées sur le site d'ateliers de poterie remontant au XVIIe ou au XVIIIe siècle, ont fermé leurs portes. L'azoulégeuse n'est plus à la portée de toutes les bourses. Il redevient majoritairement l'apanage d'artistes renommés, innovants dans des créations originales, mais sert également comme outil du pouvoir. Tout comme le fado, l'art de l'azoulégeuse fait l'objet d'une appropriation par l'Estat de Nauvoo pour renforcer son discours nationaliste et conservateur. Il est placé au centre d'une nouvelle école architecturale soutenue par le régime, le Portugais Suave. Les azoulayjoses seront par exemple très présents dans la fameuse exposition du monde portugais de 1940, sur laquelle nous reviendrons peut-être un jour. A la fin des années 50, l'artiste Maria Kiel est chargée de la décoration des 11 premières stations du métro de Lisbonne. Aujourd'hui, les azoulayjoses continuent d'être une partie intégrante de l'identité culturelle portugaise. Il ne s'agit pas d'un art seulement conjugué au passé, que cela soit dans l'architecture moderne, comme à la Casa da Musica de Porto, mais aussi dans l'art ou la mode, c'est un patrimoine vivant. Quelques artistes contemporains ? Lors de mes recherches, je suis tombée sur le travail de Caricevis, avec ses illustrations composées de mosaïques d'azulejos dont certaines rendent hommage au Cristiano Ronaldo national. Dans mes balades portuenses, je croise aussi régulièrement le travail de Johanna Vachconcelos. Aujourd'hui, les créations contemporaines se nourrissent de multiples techniques. Allant de la photographie au pixel art, ou vers le travail du textile ou de l'impression 3D, l'utilisation du numérique a rendu infini l'horizon des possibilités. Les dernières années ont également vu revenir un intérêt pour l'artisanat. Les étudiants et artistes étrangers se pressent dans les rares unités de fabrication encore actives pour apprendre les techniques traditionnelles, mais aussi apporter leur propre langage créatif. Je pourrais parler de ce sujet pour des heures. Quand j'ai commencé à écrire cet épisode, je n'avais pas idée des innombrables fils que je serais amenée à tirer et des chemins à explorer. Si vous aussi, vous avez envie de vibrer, voici quelques endroits où aller à la rencontre de ce trésor national. Procédons du nord au sud. A Porto, nous en avons parlé, direction la gare. Dans les incontournables, on retrouve également les murs externes de la Capella de Zalmach, datant de 1929. Quand ils étincellent sous le soleil, c'est quelque chose. Ils sont l'œuvre d'Edouardo Leite et viennent de la fameuse fabrique Viuvalamego. A Ausha, à proximité d'Avero, visitez l'église de Varlegue. Construite en 1746, ses travaux auront finalement duré plus d'un siècle. Il aura fallu au moins cela pour décrocher le titre de chapelle Sixtine portugaise. Non loin de la capitale, arrêtez-vous à Sintra. Le palais national possède de magnifiques panneaux dans ses salles d'apparat. À Lisbonne, le musée de la Zuleyjo est évidemment un incontournable. Il abrite la plus belle collection du pays. Situé dans un ancien couvent fondé en 1509, il me semble vraiment mériter un arrêt. Il est en tout cas dans ma liste de visites à faire lors de mon prochain passage dans la capitale. Toujours à Lisbonne, je vous encourage à aller flâner dans les rues de l'Alfama ou de Baixa Chiado. Vous y trouverez notamment la Casa Ferreira de Stabuletech, la façade la plus photographiée de la ville. On y retrouve des allégories de la terre, l'eau, la science, l'agriculture, le commerce et l'industrie, ainsi qu'une étoile avec un seul œil symbolisant le créateur de l'univers. Rien que ça. Cap au sud pour finir. À Faro, l'église Saint-Laurent d'Almancil, construite au XVIIe siècle, est entièrement recouverte d'azoulégeuses mettant en scène les moments importants de la vie du saint. Dans ces lieux ou ailleurs, Bien des touristes viennent admirer ces trésors chaque année au Portugal. Une opportunité économique qui n'a pas échappé à certains. Chaque boutique de souvenirs vous proposera des myriades d'azulejos à accrocher du frigo au patio. Attention malgré tout. La plupart sont fabriqués par Sérigraphie à la chaîne, bien loin du Portugal, et n'ont que peu de choses à voir avec le sujet du jour. Si vous recherchez de la qualité, Des boutiques spécialisées proposent des pièces fabriquées par des artisans locaux. A l'autre extrême, antiquaires et brocanteurs peu scrupuleux proposent souvent d'authentiques azoulégeuses datant du XVIIe ou du XVIIIe siècle, d'origine douteuse. En effet, ceux-ci sont souvent arrachés des façades pour répondre à la demande des touristes fortunés, au détriment du patrimoine. Aujourd'hui, la préservation des azoulégeuses est une priorité au Portugal. qui a un temps été dépassé par la croissance exponentielle de son tourisme. La loi protège les azoulayjots exposés dans le domaine public et il est interdit d'en faire commerce. Il est par ailleurs maintenant obligatoire de restaurer les façades classées. Les artisans d'art sont très occupés à ces projets qui se multiplient, notamment à Porto et Lisbonne. Des bases de données sur la richesse et la diversité de ce patrimoine se sont multipliées ces dernières années. Des associations s'emparent du sujet. Je connais par exemple le projet de Gazette Azoulayjous qu'on peut aisément retrouver sur Instagram. Au niveau universitaire, il existe l'AZ, Raid de Investigations et Azoulayjous, Réseau de recherche sur les Azoulayjous, basé à la faculté de lettres de Lisbonne. Le musée de Lisbonne multiplie les stages pratiques d'inventaire et d'études de son fonds. L'initiative SOS Azulejos, lancée en 2007 par le musée de la police judiciaire, allie lui plusieurs volets allant de la prévention du vol et du trafic à des actions de sensibilisation et d'éducation. La mairie Ausha organise même des opérations de porte à porte pour sensibiliser les habitants à ces sujets. A tous les échelons de la société, le peuple portugais s'engage pour la préservation de son patrimoine comme patrimoine intégré et préservé in situ. Alors récapitulons. Des petits carreaux chargés de 500 ans d'histoire, d'influence et de revendications. Ils portent le goût de la découverte au XVIe siècle, le goût d'une autonomie farouche au XVIIe, la reconstruction d'une nation moderne au XVIIIe, puis l'ascension d'une bourgeoisie en recherche d'ostentation. avant l'affirmation du discours nationaliste sous les Stade Unov. Encore aujourd'hui, les azoulégeuses font corps avec les défis et les préoccupations du temps présent. Mondialisation numérique, expression urbaine et rapport à la mémoire dans un monde globalisé. Les azoulégeuses sont un véritable miroir de l'âme portugaise. Et vous, quel est votre lien avec les azoulégeuses ? Quelle façade ou quel panneau vous a le plus marqué lors de vos visites au Portugal ? Merci d'avoir suivi et écouté cet épisode de rentrée de l'usobribe. J'espère que vous aurez trouvé le sujet aussi enthousiasmant que moi, car il semble bien que je me sois un petit peu emballée sur sa durée. Je vous dis à bientôt pour un nouvel épisode. Quel sujet aimeriez-vous aborder ? N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt !

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