Speaker #0Depuis mon arrivée au Portugal, j'ai la chance de suivre des cours de langues gratuitement. J'ai rencontré des gens passionnants, arrivants du monde entier, poussés par la guerre, par l'espoir ou juste par la curiosité d'un ailleurs. L'autre jour, c'était contrôle. Pas de panique, nous avons juste dû échanger sur un thème donné pendant 5 minutes. Aucun apprenant n'a été maltraité durant la préparation de ce podcast. Un de mes collègues donc, d'origine iranienne, évoquait ses premières impressions sur le Portugal. Et ça n'a pas manqué. C'est un pays de fêtes. Ah ça tu l'as dit ! Dans ma ville, Matuzinous, dans la banlieue de Porto, ça n'arrête pas et c'est génial. Je vous parlerai aussi un jour de ma découverte de la Saint-Jean. Fête régionale de Porto. Du pur bonheur parfum sardine. Mais aujourd'hui, je voulais rester dans cet hiver qui n'arrive pas et vous parler des fêtes de fin d'année. Le Portugal, bien qu'étant laïque, est un pays où la pratique religieuse est omniprésente dans l'espace commun. Il existe très peu de restrictions sociales et gouvernementales encadrant la pratique religieuse quelle qu'elle soit. Les traditions judéo-chrétiennes sont très ancrées dans la vie de tous les jours. Me voilà prévenue, même à l'école publique, ma progéniture me rapportera fort ce centon et dessin de bébé Jésus. C'est ma belle famille qui va être ravie. Il me faut donc prévenir, encore plus qu'en France, Toute cette période de décembre et janvier est rythmée par les célébrations religieuses. Et cela débute dès le 8 décembre avec l'Immaculée Conception. Cette fête est particulièrement importante au Portugal. En effet, Nossa Senhora da Conceição, Notre-Dame de la Conception, est la sainte patronne du Portugal depuis 1646. Elle est au cœur de l'identité de la nation et de son histoire. C'est en 1149 que la première fête de l'Immaculée Conception fut célébrée à Lisbonne après la reconquête de la ville, alors aux mains des morts. Don Nuno Álvarez Pereira, héros national, fit construire l'église de Nossa Senhora de Conceição à Villa Viçosa, au XIVe siècle, en remerciement pour les victoires obtenues dans plusieurs batailles importantes, notamment celle décisive d'Aljubarota. En hommage aux Alliés ayant aidé à sécuriser la victoire, il commande la statue de la Vierge en Angleterre. Si cela ne vous dit rien, nous en avons parlé dans l'épisode 2 de ce podcast. Le 25 mars 1646, le roi Don Juan IV proclame à solennellement Nossa Senhora de Conceição comme patronne et protectrice du Portugal. Il place sa propre couronne sur la tête de la statue. Cette action symbolique consacre la Vierge comme véritable Reine des Portugais. Depuis cet acte et jusqu'à la chute de la monarchie en 1910, aucun roi ou reine du Portugal n'a plus porté de couronne sur la tête. Celle-ci demeurait posée de côté durant les cérémonies officielles. Je vous invite à scruter tableau et statut si vous ne me croyez pas. Encore aujourd'hui, le 8 décembre est un jour férié national permettant aux familles de se réunir. Ce jour a longtemps été celui de la fête des mères. la Vierge étant la mère de tous. Cela n'a évolué que dans les années 70 pour devenir le premier dimanche du mois de mai, mois de Maria. Pour les croyants catholiques, des messes et des processions sont organisées. C'est aussi une fête propice aux concerts et autres activités culturelles et on voit souvent fleurir des marchés locaux à cette date. Le 8 décembre est surtout le top départ officieux des célébrations de fin d'année. C'est notamment l'arrivée en fanfare des décorations et des marchés de Noël. Comme ça, comme pour tout, les Portugais ne font rien à moitié. Les villes et villages portugais se transforment en véritables vitrines de Noël. Lisbonne, par exemple, s'illumine de plus de 2 millions de LED. Les rues et places emblématiques, comme la Rua Urusta ou la Praça Luís de Camões, sont particulièrement impressionnantes. Lisbonne a également récemment eu le plus grand arbre de Noël illuminé d'Europe, mesurant 62 mètres de haut. Les marchés de Noël de la capitale sont fameux, même s'ils n'égalent pas la superstar du pays en la matière Obidos. En effet, ce petit village médiéval offre l'un des marchés de Noël les plus célèbres du pays. On y retrouve une patinoire géante avec une rampe de glace, un train de Noël, un carousel, la maison du père Noël, animations, décorations, tout le folklore est là. Brassant énormément de personnes, l'événement se déroule généralement jusqu'au début janvier. En termes d'illuminations spectaculaires, le Portugal a aussi son champion. Rendez-vous à Agueda, petite ville du centre, où se trouve Un père Noël de 21 mètres de haut, reconnu au Guinness des records comme le plus grand du monde. On peut lui rendre visite entre mi-novembre et mi-janvier. Ces marchés de Noël transforment le Portugal en un véritable pays des merveilles hivernales, attirant visiteurs et locaux dans une ambiance festive et chaleureuse. Il est pourtant important de noter que ces pratiques décoratives et festives sont relativement récentes et ne se sont développées de manière exponentielle que depuis la fin des années 60. Avant cela, décoration et animation étaient centrées exclusivement sur la pratique religieuse. C'est le cas avec le précipio, les crèches représentant la nativité, un élément central et très ancré au Portugal. Là encore, on peut aller du très simple au plus extravagant. Vous commencez à comprendre qu'au Portugal, plus c'est mieux. Les entreprises et villes créent souvent de grandes crèches spectaculaires pendant les périodes des fêtes. Certaines villes organisent encore des crèches vivantes qui attirent beaucoup de visiteurs. Dans les foyers, la tradition veut que les enfants collectent de la mousse ou des petites pierres dans la nature pour aller décorer la crèche familiale. Cette réalisation commune prend la place de la décoration du sapin, tradition encore peu présente au Portugal. La figurine de l'enfant Jésus n'est placée dans la crèche que la veille de Noël, souvent pendant que les enfants sont à la messe. Dans certaines régions, l'attente de Noël est aussi l'occasion de pratiques communautaires fortes. Le Madeiro do Natal est par exemple une tradition séculaire qui se déroule encore dans certaines régions du Portugal, notamment dans le Trajos Mons et le haut Alentejo. A Panamacor, par exemple, les jeunes de la ville organisent un cortège de tracteurs et de remorques chargés de troncs d'arbres dès le 8 décembre. Ces troncs formeront un grand bûcher allumé la veille de Noël sur le parvis de l'église. L'énorme pile de bois n'est allumée qu'après la messe de minuit. Jeunes et moins jeunes, voisins, amis et famille se rassemblent autour du feu de joie, à Fougueil, pour boire et raconter des histoires toute la nuit pour les plus téméraires. Dans certaines villes, on l'entretiendra jusqu'à la nouvelle année. Bon, c'est pas le tout, mais fait fin, non ? Eh ben tant mieux, parce que dès la fin novembre, les pâtisseries et boulangeries portugaises commencent à proposer une farandole de desserts de saison. Traditionnellement, on en est nombreux 13. Gâteau du roi ou de la reine, couronne garnie de fruits confits et fruits secs pour monsieur, de noix et de fruits secs pour madame, arroz d'orche, qui est le riz au lait, et sa variante consommée au sud, faite de vermicelles, alétria, faties duradas et rapanadas, qui sont des variantes de notre pain perdu, sognos, des beignets de citrouille frite, fios d'or, sorte de cheveux d'ange en oeuf, bolo de Ausha, gâteau de couche de biscuits imbibé de café et de crème au beurre, pain de déos, pain brioché recouvert de noix de coco râpée sucrée, pain de l'eau, gâteau éponge léger et aérien, ça fait pas de mal, baba de camel, une mousse au lait concentré et enfin les fameuses pastèches de natte. Autant vous dire que pour le régime, c'est loupé. Cette débauche de sucre s'oppose étrangement au repas du réveillon, traditionnellement bien moins riche et chargé au Portugal qu'en France. En effet, le plat central de ce dîner de la Consoade n'est pas particulièrement absent le reste de l'année. Je vous le donne en mille, morue pour tout le monde. Et attention ! On parle là d'un incontournable. Impensable de ne pas voir sur la table ce plat de baccaria au comptordouche. Morue cuite très simplement, pommes de terre, des oeufs, quelques pois chiches, carottes, du chou et un filet d'olive, quelques assaisonnements et on n'en parle plus. Traditionnellement, on ne mange pas de viande avant Noël. La morue étant un poisson facile à conserver, elle est devenue le plat d'élection dans tout le pays. Au nord, on pourra trouver du poulpe sur certaines tablées. Ce dernier est empêché en Galice. L'objectif ici est plus de se rassembler autour des aînés que de faire bombance. Jusqu'à minuit, on échange autour de grandes tablées. avant l'inévitable Missa do Gallo. La messe du coq, c'est le nom portugais de la messe de minuit. Son nom vient de la légende selon laquelle un coq aurait chanté à minuit pour annoncer la naissance de Jésus. Au Portugal, il est très important de ne vexer personne. Le jour de Noël est donc souvent l'occasion de retrouver l'autre pain de la famille qui aurait pu être lésé lors du réveillon. Il est très difficile d'envisager de passer cette période en petit comité. Entre amis ou en amoureux, vous n'y pensez pas ! Au-delà d'être une opération de maintien de la paix dans l'arbre généalogique, le 25 pour les plus jeunes est avant tout le moment des cadeaux. Pendant longtemps, c'était l'enfant Jésus qui apportait les cadeaux. Aujourd'hui, mondialisation oblige, ils partagent la Seine avec le Père Noël. Les enfants sont souvent très gâtés au Portugal, considérés comme les trésors des familles, surtout ces dernières décennies. À table, le repas est souvent plus copieux que la veille. Les plats principaux comprennent généralement du cabrito ou du leito assado, respectivement chevraux et cochons de lait rôti. En accompagnement, on déguste souvent la roupa veille. Traduit littéralement, on se régale donc avec de vieux vêtements, qui composent en réalité un plat préparé avec les restes du repas de la veille, notamment la mouche. Les 13 desserts de Noël restent sur la table pour accueillir les visiteurs qui trouveront toujours la maison ouverte durant cette période de partage et de générosité. Noël passe et dans le nord du pays vient le temps des janellas. Cette tradition est encore très présente aujourd'hui. Des groupes parcourent les rues en chantant pour annoncer la naissance de Jésus et claironner leurs voeux de bonne année. A l'origine, ces groupes étaient composés d'enfants pauvres. Ils frappaient aux portes et demandaient les restes des festivités de Noël. Aujourd'hui que le Portugal ne souffre plus autant de la faim et des privations, la tradition a légèrement évolué. Amis, voisins ou associations s'organisent pour faire ce porte-à-porte. Les habitants les accueillent et leur offrent des châtaignes, noix, pommes, chourlisses ou autres friandises, mais aussi un petit billet pour la bonne dose. Nous arrivons tranquillement au réveillon du 31 décembre. Dans l'Algarve, le Nouvel An est célébré avec beaucoup d'enthousiasme. Les villes les plus populaires pour les festivités sont Albufeira, Faro, Lagos, Villareal do Santo Antonio et Carteira. A Albufeira, par exemple, des milliers de personnes se rassemblent sur la Praia dos Pescadores, plage des pêcheurs, pour assister à des concerts et admirer un grand feu d'artifice à minuit. Pour admirer le plus beau et connu des feux d'artifice du pays, rendez-vous à Madeira. Globalement, toutes les grandes villes en proposent aujourd'hui, souvent précédées d'un concert de sirène par les pompiers. Attention aux oreilles ! Il faut cependant avouer que pour les aînés, cette fête n'est pas vraiment majeure. Les familles portugaises dîneront donc une fois encore ensemble, avant de se séparer en début de soirée, selon les générations. Voici tout de même quelques traditions étonnantes, typiques d'un Portugal assez sensible aux superstitions. Ne vous étonnez pas de voir des Portugais sortir de leur poche un sachet de raisins secs à minuit. Il est du zave d'en manger un à chaque coup de l'horloge quand sonne minuit. Pour chaque raisin, un mois de l'année, et donc un vœu à exaucer. À peine vos raisins engloutis, il vous faudra grimper sur une chaise, pied droit en premier. Ce geste est censé vous apporter succès et réussite dans vos affaires. Pour mettre toutes les chances de votre côté, Vous commencerez également l'année avec un billet en poche ou dans vos chaussures. Vous avez vraiment une année terrible et vous avez besoin d'un bonus ? Les portugais vous diront d'attaquer l'année avec de nouveaux sous-vêtements bleus. Cette couleur serait associée à la chance, à la santé et à l'amour. Dernier geste pour la forme ? Vous tâcherez de taper sur des casseroles pour chasser les énergies négatives de l'année passée. Cette tradition païenne très ancienne remonterait à l'Empire romain. Voilà qui promet un nouvel an animé ! Pour vous remettre de tout cela, et peut-être pour reprendre pied après l'élibation, les plus courageux tenteront le mergulho do anonov. Le bain du nouvel an dans l'océan ! Comme en France, la période des fêtes arrive à sa fin avec l'épiphanie le 6 janvier. Contrairement à l'Espagne, au Portugal ce jour n'est pas férié, mais pour autant il est très célébré. On y mange le bolo rei, gâteau du roi, une tradition venue de Provence. Sa forme de couronne et ses décorations portent toute une symbolique chrétienne autour des cadeaux apportés par les mages. La croûte dorée représente l'or, Les fruits secs et confits symbolisent la myrrhe et l'arôme du gâteau évoque l'encens. Traditionnellement, le gâteau contenait une vraie fève. Celui qui trouvait le haricot devait acheter le gâteau l'année suivante. Aujourd'hui, cette pratique est interdite afin de prévenir les risques d'étouffement. La variante du bolo rei au bolo reigne de la reine a été inventée plus récemment. suite à l'évolution des goûts de la clientèle plus tellement friandes de fruits confits. On vous pardonnera un écart à la tradition pure. Alors récapitulons. Des célébrations entre tradition locale et modernité, une foi profonde mêlée à des superstitions étonnantes, des familles unies autour de tables généreuses et un pays tout entier, animé par la joie d'être ensemble pour terminer un cycle et se tourner vers l'avenir. Pour préparer cet épisode, j'ai eu l'aide précieuse de Sara, professeure de langue à Porto. Avec Aprender com Sara, elle organise des moments de partage interculturel à Ma Petite Librairie à Porto. La dernière rencontre portant sur les traditions portugaises aura été d'une grande aide. Cette année, je vais passer mon premier Noël portugais et j'ai hâte de participer à ces traditions souvent nouvelles pour moi. Et vous, comment allez-vous vivre cette fin d'année ? Laquelle de ces traditions portugaises auriez-vous hâte d'expérimenter ? C'était le dernier épisode de Luso Bribes pour 2024. Ce podcast est sans aucun doute une de mes fiertés de cette année qui se termine doucement. Ce projet encore si jeune a été pour moi l'occasion d'un petit saut dans l'inconnu. Merci de m'écouter et de m'aider à m'améliorer. Je vous souhaite tout le meilleur pour la suite et je vous embrasse. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt !