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Luso Bribes

Histoires luso-japonaises: des ponts entre orient et occident

Histoires luso-japonaises: des ponts entre orient et occident

20min |24/02/2025
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Description

Dans quelques jours seulement, je pars pour un grand voyage hors de ma zone de confort: le Japon ! L' occasion d'explorer avec vous la relation riche et étonnante qui lie ce pays lointain au Portugal. Suivez-moi, et traversons les océans, un soir de tempête...


Bonne écoute !

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Logo: © Les artichauts brûlent aussi

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Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour ! Hola ! Dans seulement quelques jours, je vais vivre mon premier voyage vraiment loin de chez moi. Avec André, mon compagnon et complice dans le crime, nous partons découvrir le Japon. Pour la première fois, je vais me retrouver plongée dans un environnement où les codes sont très éloignés des miens. En préparant ce voyage, je me suis vite interrogée sur la relation que ce pays lointain avait pu partager, et partage encore, avec ma terre d'adoption, le Portugal. Ce fut le point de départ de découverte que j'ai le plaisir de partager avec vous dans ce nouvel épisode de l'Usobrib. Le lien entre le Portugal et le Japon est unique. En effet, les Portugais sont les premiers Européens à entrer en contact avec le peuple nippon. Depuis 1510, les Portugais ont établi des échanges commerciaux réguliers avec l'Asie à Goa, avant de pousser leurs explorations jusqu'en Chine. Ils y échangent de l'argent portugais, contre des épices, de la soie ou encore du coton. Ils ont déjà entendu parler de cet empire mystérieux, décrit par Marco Polo sous le nom de Sipango. Cité de légende où l'or coule à flots. En 1543, les premiers explorateurs Antonio da Mota et Francisco Zemoto débarquent au sud de l'archipel, poussés par une tempête. Fernand Mendes Pinto relate ces faits dans son récit de voyage romancé Pérégrination, une des grandes œuvres de la Renaissance portugaise. Brutaux, exprimant bruyamment leurs émotions, endurcis par de longs mois de navigation, les Portugais sont considérés comme grossiers par les Japonais. Rapidement, ces derniers les surnomment les Nanban, les barbares du Sud. Cette première impression négative n'empêche pas les Japonais de voir une opportunité commerciale et d'échanges technologiques dans ces nouvelles relations. Les armes à feu portugaises notamment retiennent toutes les attentions. Les arcs-buses prennent ainsi en japonais le nom de l'île de Tanegashima, où elles sont aperçues pour la première fois sur l'archipel. Le Japon est alors en pleine guerre civile, constituée d'une mosaïque de seigneuries féodales en conflit permanent. S'ils connaissent déjà l'usage de la poudre, ils utilisent des canons dont le transport est difficile et des armes à feu chinoises rudimentaires. Les fusils portugais, légers et à la visée facile, sont une révolution et jouent un rôle clé dans l'unification du pays. Ils sont ensuite produits en masse et sont notamment essentiels dans les invasions de la Corée en 1592 et 1597. Le Japon est rapidement connu pour son incroyable puissance militaire. Les navires européens, conçus pour de longs voyages, font aussi l'objet d'une étude assidue par les Japonais. Les premiers navires portugais sont appelés « Kurofune » , les navires noirs, par les Japonais. Ils influencent l'industrie navale locale. et permettent de nombreuses expéditions japonaises à l'étranger. Un système commercial se met en place à travers l'Extrême-Orient et l'Asie du Sud-Est. Les navires reprennent alors de nombreux éléments des galions, comme la voilure et le gouvernail. Dans les années qui suivent les premiers contacts, ce sont environ quatre navires portugais par an qui terminent leur route asiatique par l'archipel, chargés de soie et de porcelaine chinoise. Une cargaison intéressante pour les Japonais, privés d'échanges directs avec l'Empire chinois en conséquence d'un conflit régional. Parfaits commerçants, les Portugais tirent profit de ces disputes locales et se font les intermédiaires tout disposés du commerce asiatique. L'argent, métal abondant au Japon, est ensuite rapporté au Portugal. En 1557, les Portugais font mainmise sur Macao et sont reconnus comme des partenaires commerciaux privilégiés par les Chinois. Le commerce avec le Japon voisin devient un prix convoité, remporté par les armateurs les plus aisés. On attribue ainsi, moyennant une somme importante, la capitania annuelle du Japon, à savoir les droits de commerce exclusifs d'un seul bateau par an. Ces derniers, appelés carac, sont alors d'énormes navires, le double ou le triple d'un galion normal. Les Portugais fondent le port de Nagasaki à l'initiative du jésuite Gaspard Vilela et du seigneur Umura Sumitada. en 1571. Cet accord prospère pendant presque 80 ans sans interruption. Cependant, en 1638, c'est la fin de la lune de miel. Le Japon interrompt le commerce, accusant les navires, notamment portugais, de faire entrer clandestinement des prêtres catholiques et de dissimuler des intentions de prosélytisme. En effet, au Japon, comme dans toutes les terres visitées par les Européens, les jésuites sont à l'œuvre. Sous le règne de Juan Treix, dit Jean Lepieux, le Portugal est alors une nation profondément marquée par l'Inquisition et une religiosité rigide. Les missionnaires portugais et espagnols font rapidement du catholicisme une force religieuse majeure au Japon avec environ 200 000 conversions à la fin du XVIe siècle. Ils apportent avec eux leur savoir en plus de leurs convictions religieuses. En 1558, Luís de Almeida, qui a introduit la chirurgie européenne au Japon, fonde à Aoiíta le premier hôpital de médecine occidentale, une léproserie et un jardin d'enfants. Les Gévit portugais produisent plusieurs ouvrages sur la langue et la société japonaise, dont le premier dictionnaire japonais-portugais et la grammaire japonaise de Juan Rodríguez au début des années 1600, résultat de plus de quatre ans de travail. On peut également citer la première description européenne du Japon de Luis Freuch. Le succès du catholicisme apporte un pouvoir économique et politique considérable. L'île de Kyushu finit par être presque entièrement contrôlée par les jésuites. Cependant, cette progression s'accompagne d'une face plus sombre. Certains convertis se livrent à des profanations, détruisant des temples shinto et bouddhistes. De plus, les jésuites ferment les yeux sur le commerce des esclaves. Ce trafic, majoritairement de femmes japonaises, remonte au premier contact avec l'archipel. Les esclaves sont vendus aux Portugais et envoyés à travers tout l'Empire colonial. Ce fait ne manque pas de susciter des réactions. Dès 1567, le régent Toyotomi Hideyoshi... interdit le christianisme et ordonne le départ des missionnaires. Une décision largement ignorée. Seuls trois des 130 jésuites quittent le pays. Sébastien Primero du Portugal craint que la traite des esclaves crée des tensions, freine le commerce entre les deux nations et entrave l'évangélisation. En 1571, il ordonne donc l'interdiction de la traite des japonais. Cette directive n'est pas toujours respectée. car japonais et européens rechignent à renoncer à ce sordide commerce lucratif. De nombreux écrits jésuites attestent de ce trafic persistant, notamment à Macao, comme ceux de Luis Cerqueira en 1598. Hideyoshi écrit au vice-provincial jésuite Gaspar Coelho le 24 juillet 1587 pour exiger que les Portugais cessent d'acheter des esclaves japonais. Ignoré une fois de plus, il intensifie sa propagande anti-européenne mettant l'accent sur les accusations de trafic sexuel des japonaises. La répression des catholiques s'intensifie alors violemment. En 1597, lorsqu'un galion espagnol transportant des franciscains s'échoue à Nagasaki, 26 chrétiens sont crucifiés. Des églises sont détruites. En 1614, le christianisme est fermement interdit. Les jésuites, pratiquant en secret, rejoignent une rébellion contre le pouvoir, menant au siège d'Osaka. La répression atteint alors son paroxysme, aboutissant à la torture et à la mort de 2000 chrétiens avant la fermeture quasi totale de l'archipel. À côté de cette crise religieuse et politique, la réalité économique se durcit pour les Portugais. En effet, ceux-ci ne sont plus seuls à se partager le gâteau du commerce avec l'archipel. Une concurrence nouvelle surgit de toutes parts. Les trafiquants chinois, les navires espagnols en arrivage de Manille, les néerlandais et enfin... les anglais. Les néerlandais sont leurs ennemis les plus féroces. Ces derniers ne reculent devant rien, s'impliquant dans la piraterie et le combat naval pour affaiblir les portugais et les espagnols dans le Pacifique. Protestants et peu intéressés par la conversion des japonais, ils finissent par être les seuls occidentaux autorisés à accéder au Japon. La porte se referme au nez des portugais en 1650 avec la promulgation des lois isolationnistes du Sakoku, un mot qui signifie littéralement Fermeture du pays. Il faut attendre la période Meiji, deux siècles plus tard, et la réouverture du Japon au commerce avec l'Occident dans les années 1850 pour que le gouvernement du Shogun redevienne réceptif au rétablissement des relations diplomatiques avec le gouvernement portugais. L'homme fort du Portugal sur place est le gouverneur de Macao, Isodoro Francisco Guimanez. Le 3 août 1860, un traité de commerce et de paix est conclu entre les deux pays et leurs anciennes relations diplomatiques sont rétablies. Par la suite, un grand nombre de Portugais de Macao et de Shanghai se sont installés au Japon. De cette communauté d'immigrants sont nés, entre autres, les écoles portugaises de Kobe et de Yokohama. Wenceslo de Moraes a grandement contribué à la présence portugaise au Japon en tant que médiateur diplomatique et économique. Cet officier de marine a en effet vécu avec sa femme japonaise à Kobe de 1898 à 1913 et a été consul du Portugal dans cette ville et à Osaka avant de diriger le consulat général du Portugal à Kobe à partir de 1912. Il écrira plusieurs grands livres sur le Japon. Si le Japon et le Portugal participent ensemble à la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés. Durant la seconde, les deux nations entretiennent des relations plus complexes. Le Portugal de Salazar navigue en eau trouble. Officiellement neutre, lié économiquement et historiquement à l'Allié anglais, il est proche des idéologies de l'axe fasciste. De plus, il a à cœur de protéger son pouvoir colonial sur Macao et le Timor-Oriental et voit d'un mauvais œil l'extension du conflit en Asie de l'Est. Au Timor, début 1942, le Portugal refuse de coopérer avec les alliés pour freiner la progression japonaise. Cependant, les forces australiennes et néerlandaises finissent par y débarquer sans rencontrer de grande résistance et reçoivent même le soutien actif des Timorais. Les représailles japonaises ne tardent pas. Et entre 1943 et 1945, ils occupent de facto le Timor oriental. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que les Japonais se rendent au gouverneur portugais. A Macao aussi, les ingérences sont nombreuses. En août 1943, les Japonais saisissent un navire britannique dans le port et le Japon exige l'installation de ses conseillers sur place, menaçant d'occuper la totalité du territoire en cas de refus. De fait, Macao devient dès lors un protectorat japonais. Cela entraînera des bombardements des Etats-Unis, craignant que le Japon n'y stocke du carburant d'aviation. Après la guerre, les Américains verseront 20 millions de dollars au Portugal en compensation des dommages causés. Il faudra attendre 1952 pour que le Japon vaincu recouvre sa souveraineté. Les relations diplomatiques entre le Portugal et le Japon sont rétablies dès 1953. Des ambassades sont installées dans leurs capitales respectives. La décolonisation portugaise, grandement accélérée par la révolution des œillets en 1974, affaiblit la présence portugaise dans la région. Le Timor déclare son indépendance le 28 novembre 1975. A Macao, le processus est plus long. Le territoire est transféré à la Chine le 19 décembre 1999, mettant fin à 400 ans de domination portugaise. Les relations entre le Portugal et le Japon sont restées depuis lors bonnes et amicales. Dans le domaine économique, rien de bien notable. Même parmi les 27 pays membres de l'Union européenne, le Portugal n'occupe pas le haut du tableau des partenaires du Japon. Il est en effet le 18e pays partenaire en termes de valeur d'exportation et le 19e pour l'importation. En 2016, les touristes japonais ne représentaient par ailleurs que 0,23% des touristes étrangers au Portugal. En ce qui concerne l'immigration, rien de bien plus impressionnant. En 2016, 440 citoyens japonais étaient enregistrés au Portugal et 589 Portugais étaient enregistrés au Japon. Du côté diplomatique et politique, c'est une autre histoire. À Nagasaki, chaque année, le festival Kunshi fait revivre l'arrivée des Portugais au XVIe siècle, célébrant cette rencontre qui a marqué l'histoire de la ville. Cette mémoire partagée s'est manifestée de manière particulièrement forte en 1993, lorsque le Japon célèbre en grande pompe le 450e anniversaire de ce premier contact. Les échanges diplomatiques sont alors à l'honneur. Le président portugais Mario Soares se rend au Japon, tandis que la princesse Isako Takamado visite le Portugal, symbolisant le renforcement des liens entre les deux nations. L'exposition universelle de Lisbonne en 1998, placée sous le thème « Les océans, un héritage pour l'avenir » , est une nouvelle occasion de célébrer cette relation unique. L'empereur Ikihito et l'impératrice Michiko effectuent alors leur première visite au Portugal, soulignant l'importance de cet héritage maritime qui lie les deux pays. Les années suivantes continuent de tisser ce fil culturel et amical. En 2004, le prince héritier Naruhito, aujourd'hui empereur, visite le Portugal, renforçant encore les liens diplomatiques. Sans surprise, au-delà du politique, c'est aussi du côté du culturel que se cachent les plus beaux héritages de toute cette histoire. Parmi les objets importés par les Portugais, nous avons déjà parlé des navires et des armes. Mais on pourrait également évoquer les boutons, Ausha en japonais de Ausha en portugais, les cartes à jouer en japonais caruta du portugais carta, le pain, panne de paon en portugais. Au rayon gourmandise, on peut citer le bonbon KONPEITU, venu du mot portugais pour confiserie, KONFEITU, et le KASUTERA, gâteau nuageux, inspiré du pain au dolo. Pas facile les prononciations en japonais de mon côté. Vous êtes plutôt salés ? Comptez sur les portugais pour partager l'amour de la friture par-delà les frontières. Les voici, les voilà, les tempuras ! Ces échanges culturels ont lieu au présent et continuent d'être nourris... et encouragée. L'Institut culturel portugais Institut to Kamon-Eche est actif au Japon, représenté par un centre culturel à Tokyo et un grand nombre de conférences dans diverses universités japonaises. Depuis 2014, le Japon bénéficie même du statut d'observateur associé au sein de la communauté des pays de langue portugaise. Amateurs du petit et grand écran, vous pouvez également être rassasiés par la riche production cinématographique issue des échanges entre les deux cultures. Du côté des fictions d'abord. En 2016, le grand Martin Scorsese adapte un roman d'Endo Shuzaku, écrivain catholique japonais, dans une fiction mettant en scène la persécution des chrétiens au XVIIe siècle, Silence. Vous avez peut-être entendu parler de la série télévisée Shogun, sortie en 2024, basée sur le roman original de James Clavel. En évoquant la scène politique japonaise des années 1600, Cette dernière met en scène le poids considérable de l'influence des jésuites portugais dans le Japon de l'ère Edo. Côté documentaire, le choix est considérable. Prenons les choses chronologiquement. Le réalisateur portugais Paulo Ausha a vécu au Japon de 1975 à 1983 et a présenté le Japon à plusieurs reprises dans ses films. Il convient de mentionner particulièrement Portugal Usan au Seigneur Portugal en Takushima. Tourné en 1993, un film sur le diplomate et auteur portugais Wenceslo de Moraes, dont je vous ai parlé un peu plus tôt. En 1996, Juan Mario Grillo réalise « Os Olhos da Ásia » « Les yeux de l'Asie » , un film sur l'histoire des jésuites portugais au Japon. En 2008, le court-métrage primé « Tóquio Porto Novo Horas » du réalisateur portugais Juan Nuno Ausha utilise la technologie d'écran partagé en noir et blanc pour comparer la vie quotidienne entre les deux villes de Tokyo et de Porto, séparées par un décalage horaire de 9 heures. L'Institut Cinématographique Portugais Cinémathèque Portugaise met régulièrement en avant le travail des cinéastes japonais, qui sont par ailleurs de plus en plus souvent invités dans les festivals de cinéma du pays. Ils y sont régulièrement récompensés, comme Atsushi Wada avec Wakaranai Buta, prix de la meilleure animation au plus important festival de court-métrages portugais, Courtage Villa de Conde en 2011, ou Iruyuki Tanaka, lauréat du festival Fantasport en 2014 avec Miss Zombie. Dans un Japon futuriste, les zombies y sont domestiqués comme serviteurs ou pour tenir compagnie. Tout un programme. Alors récapitulons. Une histoire séculaire, fascinante, tissée de siècles de rencontres, de confrontations et de collaborations entre deux pays si différents. Des navires portugais si loin de leur terre, chargés de trésors, de saoudades et de fritures. Un Japon partagé entre une volonté farouche de se protéger et la tentation tenace de s'élancer vers le monde. Une amitié complexe à travers le temps et les océans. Comme des vagues frappant la falaise, ces échanges ont sculpté lentement, patiemment et profondément les identités nationales et culturelles de ces deux nations si éloignées. Avant de travailler sur cet épisode, je pressentais que les échanges avaient été nombreux. Mais malgré tout, j'ai été surprise de découvrir toutes les ramifications et conséquences de cette rencontre. Son impact, insoupçonnable au regard de la réalité économique entre les deux nations, nous rappelle que la rencontre des peuples ne peut pas se juger au seul regard des retombées économiques. Et vous, aviez-vous conscience de cette richesse immense ? Merci d'être chaque fois au rendez-vous de mes découvertes. Nous terminons ici ce nouvel épisode de l'Usobribe. J'espère qu'il vous plaira. Si vous avez la chance de visiter le Japon durant l'exposition universelle de 2025 à Osaka, n'hésitez pas à jeter un oeil au pavillon portugais. Appelé « Océan, le dialogue bleu » , il s'étendra sur plus de 1800 m² et a été conçu par l'architecte japonais Kengo Kuma. Pour ma part, je rentrerai avant son ouverture le 13 avril. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis. sur votre plateforme de podcast préférée. À bientôt !

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Dans quelques jours seulement, je pars pour un grand voyage hors de ma zone de confort: le Japon ! L' occasion d'explorer avec vous la relation riche et étonnante qui lie ce pays lointain au Portugal. Suivez-moi, et traversons les océans, un soir de tempête...


Bonne écoute !

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Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Bonjour ! Hola ! Dans seulement quelques jours, je vais vivre mon premier voyage vraiment loin de chez moi. Avec André, mon compagnon et complice dans le crime, nous partons découvrir le Japon. Pour la première fois, je vais me retrouver plongée dans un environnement où les codes sont très éloignés des miens. En préparant ce voyage, je me suis vite interrogée sur la relation que ce pays lointain avait pu partager, et partage encore, avec ma terre d'adoption, le Portugal. Ce fut le point de départ de découverte que j'ai le plaisir de partager avec vous dans ce nouvel épisode de l'Usobrib. Le lien entre le Portugal et le Japon est unique. En effet, les Portugais sont les premiers Européens à entrer en contact avec le peuple nippon. Depuis 1510, les Portugais ont établi des échanges commerciaux réguliers avec l'Asie à Goa, avant de pousser leurs explorations jusqu'en Chine. Ils y échangent de l'argent portugais, contre des épices, de la soie ou encore du coton. Ils ont déjà entendu parler de cet empire mystérieux, décrit par Marco Polo sous le nom de Sipango. Cité de légende où l'or coule à flots. En 1543, les premiers explorateurs Antonio da Mota et Francisco Zemoto débarquent au sud de l'archipel, poussés par une tempête. Fernand Mendes Pinto relate ces faits dans son récit de voyage romancé Pérégrination, une des grandes œuvres de la Renaissance portugaise. Brutaux, exprimant bruyamment leurs émotions, endurcis par de longs mois de navigation, les Portugais sont considérés comme grossiers par les Japonais. Rapidement, ces derniers les surnomment les Nanban, les barbares du Sud. Cette première impression négative n'empêche pas les Japonais de voir une opportunité commerciale et d'échanges technologiques dans ces nouvelles relations. Les armes à feu portugaises notamment retiennent toutes les attentions. Les arcs-buses prennent ainsi en japonais le nom de l'île de Tanegashima, où elles sont aperçues pour la première fois sur l'archipel. Le Japon est alors en pleine guerre civile, constituée d'une mosaïque de seigneuries féodales en conflit permanent. S'ils connaissent déjà l'usage de la poudre, ils utilisent des canons dont le transport est difficile et des armes à feu chinoises rudimentaires. Les fusils portugais, légers et à la visée facile, sont une révolution et jouent un rôle clé dans l'unification du pays. Ils sont ensuite produits en masse et sont notamment essentiels dans les invasions de la Corée en 1592 et 1597. Le Japon est rapidement connu pour son incroyable puissance militaire. Les navires européens, conçus pour de longs voyages, font aussi l'objet d'une étude assidue par les Japonais. Les premiers navires portugais sont appelés « Kurofune » , les navires noirs, par les Japonais. Ils influencent l'industrie navale locale. et permettent de nombreuses expéditions japonaises à l'étranger. Un système commercial se met en place à travers l'Extrême-Orient et l'Asie du Sud-Est. Les navires reprennent alors de nombreux éléments des galions, comme la voilure et le gouvernail. Dans les années qui suivent les premiers contacts, ce sont environ quatre navires portugais par an qui terminent leur route asiatique par l'archipel, chargés de soie et de porcelaine chinoise. Une cargaison intéressante pour les Japonais, privés d'échanges directs avec l'Empire chinois en conséquence d'un conflit régional. Parfaits commerçants, les Portugais tirent profit de ces disputes locales et se font les intermédiaires tout disposés du commerce asiatique. L'argent, métal abondant au Japon, est ensuite rapporté au Portugal. En 1557, les Portugais font mainmise sur Macao et sont reconnus comme des partenaires commerciaux privilégiés par les Chinois. Le commerce avec le Japon voisin devient un prix convoité, remporté par les armateurs les plus aisés. On attribue ainsi, moyennant une somme importante, la capitania annuelle du Japon, à savoir les droits de commerce exclusifs d'un seul bateau par an. Ces derniers, appelés carac, sont alors d'énormes navires, le double ou le triple d'un galion normal. Les Portugais fondent le port de Nagasaki à l'initiative du jésuite Gaspard Vilela et du seigneur Umura Sumitada. en 1571. Cet accord prospère pendant presque 80 ans sans interruption. Cependant, en 1638, c'est la fin de la lune de miel. Le Japon interrompt le commerce, accusant les navires, notamment portugais, de faire entrer clandestinement des prêtres catholiques et de dissimuler des intentions de prosélytisme. En effet, au Japon, comme dans toutes les terres visitées par les Européens, les jésuites sont à l'œuvre. Sous le règne de Juan Treix, dit Jean Lepieux, le Portugal est alors une nation profondément marquée par l'Inquisition et une religiosité rigide. Les missionnaires portugais et espagnols font rapidement du catholicisme une force religieuse majeure au Japon avec environ 200 000 conversions à la fin du XVIe siècle. Ils apportent avec eux leur savoir en plus de leurs convictions religieuses. En 1558, Luís de Almeida, qui a introduit la chirurgie européenne au Japon, fonde à Aoiíta le premier hôpital de médecine occidentale, une léproserie et un jardin d'enfants. Les Gévit portugais produisent plusieurs ouvrages sur la langue et la société japonaise, dont le premier dictionnaire japonais-portugais et la grammaire japonaise de Juan Rodríguez au début des années 1600, résultat de plus de quatre ans de travail. On peut également citer la première description européenne du Japon de Luis Freuch. Le succès du catholicisme apporte un pouvoir économique et politique considérable. L'île de Kyushu finit par être presque entièrement contrôlée par les jésuites. Cependant, cette progression s'accompagne d'une face plus sombre. Certains convertis se livrent à des profanations, détruisant des temples shinto et bouddhistes. De plus, les jésuites ferment les yeux sur le commerce des esclaves. Ce trafic, majoritairement de femmes japonaises, remonte au premier contact avec l'archipel. Les esclaves sont vendus aux Portugais et envoyés à travers tout l'Empire colonial. Ce fait ne manque pas de susciter des réactions. Dès 1567, le régent Toyotomi Hideyoshi... interdit le christianisme et ordonne le départ des missionnaires. Une décision largement ignorée. Seuls trois des 130 jésuites quittent le pays. Sébastien Primero du Portugal craint que la traite des esclaves crée des tensions, freine le commerce entre les deux nations et entrave l'évangélisation. En 1571, il ordonne donc l'interdiction de la traite des japonais. Cette directive n'est pas toujours respectée. car japonais et européens rechignent à renoncer à ce sordide commerce lucratif. De nombreux écrits jésuites attestent de ce trafic persistant, notamment à Macao, comme ceux de Luis Cerqueira en 1598. Hideyoshi écrit au vice-provincial jésuite Gaspar Coelho le 24 juillet 1587 pour exiger que les Portugais cessent d'acheter des esclaves japonais. Ignoré une fois de plus, il intensifie sa propagande anti-européenne mettant l'accent sur les accusations de trafic sexuel des japonaises. La répression des catholiques s'intensifie alors violemment. En 1597, lorsqu'un galion espagnol transportant des franciscains s'échoue à Nagasaki, 26 chrétiens sont crucifiés. Des églises sont détruites. En 1614, le christianisme est fermement interdit. Les jésuites, pratiquant en secret, rejoignent une rébellion contre le pouvoir, menant au siège d'Osaka. La répression atteint alors son paroxysme, aboutissant à la torture et à la mort de 2000 chrétiens avant la fermeture quasi totale de l'archipel. À côté de cette crise religieuse et politique, la réalité économique se durcit pour les Portugais. En effet, ceux-ci ne sont plus seuls à se partager le gâteau du commerce avec l'archipel. Une concurrence nouvelle surgit de toutes parts. Les trafiquants chinois, les navires espagnols en arrivage de Manille, les néerlandais et enfin... les anglais. Les néerlandais sont leurs ennemis les plus féroces. Ces derniers ne reculent devant rien, s'impliquant dans la piraterie et le combat naval pour affaiblir les portugais et les espagnols dans le Pacifique. Protestants et peu intéressés par la conversion des japonais, ils finissent par être les seuls occidentaux autorisés à accéder au Japon. La porte se referme au nez des portugais en 1650 avec la promulgation des lois isolationnistes du Sakoku, un mot qui signifie littéralement Fermeture du pays. Il faut attendre la période Meiji, deux siècles plus tard, et la réouverture du Japon au commerce avec l'Occident dans les années 1850 pour que le gouvernement du Shogun redevienne réceptif au rétablissement des relations diplomatiques avec le gouvernement portugais. L'homme fort du Portugal sur place est le gouverneur de Macao, Isodoro Francisco Guimanez. Le 3 août 1860, un traité de commerce et de paix est conclu entre les deux pays et leurs anciennes relations diplomatiques sont rétablies. Par la suite, un grand nombre de Portugais de Macao et de Shanghai se sont installés au Japon. De cette communauté d'immigrants sont nés, entre autres, les écoles portugaises de Kobe et de Yokohama. Wenceslo de Moraes a grandement contribué à la présence portugaise au Japon en tant que médiateur diplomatique et économique. Cet officier de marine a en effet vécu avec sa femme japonaise à Kobe de 1898 à 1913 et a été consul du Portugal dans cette ville et à Osaka avant de diriger le consulat général du Portugal à Kobe à partir de 1912. Il écrira plusieurs grands livres sur le Japon. Si le Japon et le Portugal participent ensemble à la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés. Durant la seconde, les deux nations entretiennent des relations plus complexes. Le Portugal de Salazar navigue en eau trouble. Officiellement neutre, lié économiquement et historiquement à l'Allié anglais, il est proche des idéologies de l'axe fasciste. De plus, il a à cœur de protéger son pouvoir colonial sur Macao et le Timor-Oriental et voit d'un mauvais œil l'extension du conflit en Asie de l'Est. Au Timor, début 1942, le Portugal refuse de coopérer avec les alliés pour freiner la progression japonaise. Cependant, les forces australiennes et néerlandaises finissent par y débarquer sans rencontrer de grande résistance et reçoivent même le soutien actif des Timorais. Les représailles japonaises ne tardent pas. Et entre 1943 et 1945, ils occupent de facto le Timor oriental. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que les Japonais se rendent au gouverneur portugais. A Macao aussi, les ingérences sont nombreuses. En août 1943, les Japonais saisissent un navire britannique dans le port et le Japon exige l'installation de ses conseillers sur place, menaçant d'occuper la totalité du territoire en cas de refus. De fait, Macao devient dès lors un protectorat japonais. Cela entraînera des bombardements des Etats-Unis, craignant que le Japon n'y stocke du carburant d'aviation. Après la guerre, les Américains verseront 20 millions de dollars au Portugal en compensation des dommages causés. Il faudra attendre 1952 pour que le Japon vaincu recouvre sa souveraineté. Les relations diplomatiques entre le Portugal et le Japon sont rétablies dès 1953. Des ambassades sont installées dans leurs capitales respectives. La décolonisation portugaise, grandement accélérée par la révolution des œillets en 1974, affaiblit la présence portugaise dans la région. Le Timor déclare son indépendance le 28 novembre 1975. A Macao, le processus est plus long. Le territoire est transféré à la Chine le 19 décembre 1999, mettant fin à 400 ans de domination portugaise. Les relations entre le Portugal et le Japon sont restées depuis lors bonnes et amicales. Dans le domaine économique, rien de bien notable. Même parmi les 27 pays membres de l'Union européenne, le Portugal n'occupe pas le haut du tableau des partenaires du Japon. Il est en effet le 18e pays partenaire en termes de valeur d'exportation et le 19e pour l'importation. En 2016, les touristes japonais ne représentaient par ailleurs que 0,23% des touristes étrangers au Portugal. En ce qui concerne l'immigration, rien de bien plus impressionnant. En 2016, 440 citoyens japonais étaient enregistrés au Portugal et 589 Portugais étaient enregistrés au Japon. Du côté diplomatique et politique, c'est une autre histoire. À Nagasaki, chaque année, le festival Kunshi fait revivre l'arrivée des Portugais au XVIe siècle, célébrant cette rencontre qui a marqué l'histoire de la ville. Cette mémoire partagée s'est manifestée de manière particulièrement forte en 1993, lorsque le Japon célèbre en grande pompe le 450e anniversaire de ce premier contact. Les échanges diplomatiques sont alors à l'honneur. Le président portugais Mario Soares se rend au Japon, tandis que la princesse Isako Takamado visite le Portugal, symbolisant le renforcement des liens entre les deux nations. L'exposition universelle de Lisbonne en 1998, placée sous le thème « Les océans, un héritage pour l'avenir » , est une nouvelle occasion de célébrer cette relation unique. L'empereur Ikihito et l'impératrice Michiko effectuent alors leur première visite au Portugal, soulignant l'importance de cet héritage maritime qui lie les deux pays. Les années suivantes continuent de tisser ce fil culturel et amical. En 2004, le prince héritier Naruhito, aujourd'hui empereur, visite le Portugal, renforçant encore les liens diplomatiques. Sans surprise, au-delà du politique, c'est aussi du côté du culturel que se cachent les plus beaux héritages de toute cette histoire. Parmi les objets importés par les Portugais, nous avons déjà parlé des navires et des armes. Mais on pourrait également évoquer les boutons, Ausha en japonais de Ausha en portugais, les cartes à jouer en japonais caruta du portugais carta, le pain, panne de paon en portugais. Au rayon gourmandise, on peut citer le bonbon KONPEITU, venu du mot portugais pour confiserie, KONFEITU, et le KASUTERA, gâteau nuageux, inspiré du pain au dolo. Pas facile les prononciations en japonais de mon côté. Vous êtes plutôt salés ? Comptez sur les portugais pour partager l'amour de la friture par-delà les frontières. Les voici, les voilà, les tempuras ! Ces échanges culturels ont lieu au présent et continuent d'être nourris... et encouragée. L'Institut culturel portugais Institut to Kamon-Eche est actif au Japon, représenté par un centre culturel à Tokyo et un grand nombre de conférences dans diverses universités japonaises. Depuis 2014, le Japon bénéficie même du statut d'observateur associé au sein de la communauté des pays de langue portugaise. Amateurs du petit et grand écran, vous pouvez également être rassasiés par la riche production cinématographique issue des échanges entre les deux cultures. Du côté des fictions d'abord. En 2016, le grand Martin Scorsese adapte un roman d'Endo Shuzaku, écrivain catholique japonais, dans une fiction mettant en scène la persécution des chrétiens au XVIIe siècle, Silence. Vous avez peut-être entendu parler de la série télévisée Shogun, sortie en 2024, basée sur le roman original de James Clavel. En évoquant la scène politique japonaise des années 1600, Cette dernière met en scène le poids considérable de l'influence des jésuites portugais dans le Japon de l'ère Edo. Côté documentaire, le choix est considérable. Prenons les choses chronologiquement. Le réalisateur portugais Paulo Ausha a vécu au Japon de 1975 à 1983 et a présenté le Japon à plusieurs reprises dans ses films. Il convient de mentionner particulièrement Portugal Usan au Seigneur Portugal en Takushima. Tourné en 1993, un film sur le diplomate et auteur portugais Wenceslo de Moraes, dont je vous ai parlé un peu plus tôt. En 1996, Juan Mario Grillo réalise « Os Olhos da Ásia » « Les yeux de l'Asie » , un film sur l'histoire des jésuites portugais au Japon. En 2008, le court-métrage primé « Tóquio Porto Novo Horas » du réalisateur portugais Juan Nuno Ausha utilise la technologie d'écran partagé en noir et blanc pour comparer la vie quotidienne entre les deux villes de Tokyo et de Porto, séparées par un décalage horaire de 9 heures. L'Institut Cinématographique Portugais Cinémathèque Portugaise met régulièrement en avant le travail des cinéastes japonais, qui sont par ailleurs de plus en plus souvent invités dans les festivals de cinéma du pays. Ils y sont régulièrement récompensés, comme Atsushi Wada avec Wakaranai Buta, prix de la meilleure animation au plus important festival de court-métrages portugais, Courtage Villa de Conde en 2011, ou Iruyuki Tanaka, lauréat du festival Fantasport en 2014 avec Miss Zombie. Dans un Japon futuriste, les zombies y sont domestiqués comme serviteurs ou pour tenir compagnie. Tout un programme. Alors récapitulons. Une histoire séculaire, fascinante, tissée de siècles de rencontres, de confrontations et de collaborations entre deux pays si différents. Des navires portugais si loin de leur terre, chargés de trésors, de saoudades et de fritures. Un Japon partagé entre une volonté farouche de se protéger et la tentation tenace de s'élancer vers le monde. Une amitié complexe à travers le temps et les océans. Comme des vagues frappant la falaise, ces échanges ont sculpté lentement, patiemment et profondément les identités nationales et culturelles de ces deux nations si éloignées. Avant de travailler sur cet épisode, je pressentais que les échanges avaient été nombreux. Mais malgré tout, j'ai été surprise de découvrir toutes les ramifications et conséquences de cette rencontre. Son impact, insoupçonnable au regard de la réalité économique entre les deux nations, nous rappelle que la rencontre des peuples ne peut pas se juger au seul regard des retombées économiques. Et vous, aviez-vous conscience de cette richesse immense ? Merci d'être chaque fois au rendez-vous de mes découvertes. Nous terminons ici ce nouvel épisode de l'Usobribe. J'espère qu'il vous plaira. Si vous avez la chance de visiter le Japon durant l'exposition universelle de 2025 à Osaka, n'hésitez pas à jeter un oeil au pavillon portugais. Appelé « Océan, le dialogue bleu » , il s'étendra sur plus de 1800 m² et a été conçu par l'architecte japonais Kengo Kuma. Pour ma part, je rentrerai avant son ouverture le 13 avril. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis. sur votre plateforme de podcast préférée. À bientôt !

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Description

Dans quelques jours seulement, je pars pour un grand voyage hors de ma zone de confort: le Japon ! L' occasion d'explorer avec vous la relation riche et étonnante qui lie ce pays lointain au Portugal. Suivez-moi, et traversons les océans, un soir de tempête...


Bonne écoute !

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Logo: © Les artichauts brûlent aussi

>>>

Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour ! Hola ! Dans seulement quelques jours, je vais vivre mon premier voyage vraiment loin de chez moi. Avec André, mon compagnon et complice dans le crime, nous partons découvrir le Japon. Pour la première fois, je vais me retrouver plongée dans un environnement où les codes sont très éloignés des miens. En préparant ce voyage, je me suis vite interrogée sur la relation que ce pays lointain avait pu partager, et partage encore, avec ma terre d'adoption, le Portugal. Ce fut le point de départ de découverte que j'ai le plaisir de partager avec vous dans ce nouvel épisode de l'Usobrib. Le lien entre le Portugal et le Japon est unique. En effet, les Portugais sont les premiers Européens à entrer en contact avec le peuple nippon. Depuis 1510, les Portugais ont établi des échanges commerciaux réguliers avec l'Asie à Goa, avant de pousser leurs explorations jusqu'en Chine. Ils y échangent de l'argent portugais, contre des épices, de la soie ou encore du coton. Ils ont déjà entendu parler de cet empire mystérieux, décrit par Marco Polo sous le nom de Sipango. Cité de légende où l'or coule à flots. En 1543, les premiers explorateurs Antonio da Mota et Francisco Zemoto débarquent au sud de l'archipel, poussés par une tempête. Fernand Mendes Pinto relate ces faits dans son récit de voyage romancé Pérégrination, une des grandes œuvres de la Renaissance portugaise. Brutaux, exprimant bruyamment leurs émotions, endurcis par de longs mois de navigation, les Portugais sont considérés comme grossiers par les Japonais. Rapidement, ces derniers les surnomment les Nanban, les barbares du Sud. Cette première impression négative n'empêche pas les Japonais de voir une opportunité commerciale et d'échanges technologiques dans ces nouvelles relations. Les armes à feu portugaises notamment retiennent toutes les attentions. Les arcs-buses prennent ainsi en japonais le nom de l'île de Tanegashima, où elles sont aperçues pour la première fois sur l'archipel. Le Japon est alors en pleine guerre civile, constituée d'une mosaïque de seigneuries féodales en conflit permanent. S'ils connaissent déjà l'usage de la poudre, ils utilisent des canons dont le transport est difficile et des armes à feu chinoises rudimentaires. Les fusils portugais, légers et à la visée facile, sont une révolution et jouent un rôle clé dans l'unification du pays. Ils sont ensuite produits en masse et sont notamment essentiels dans les invasions de la Corée en 1592 et 1597. Le Japon est rapidement connu pour son incroyable puissance militaire. Les navires européens, conçus pour de longs voyages, font aussi l'objet d'une étude assidue par les Japonais. Les premiers navires portugais sont appelés « Kurofune » , les navires noirs, par les Japonais. Ils influencent l'industrie navale locale. et permettent de nombreuses expéditions japonaises à l'étranger. Un système commercial se met en place à travers l'Extrême-Orient et l'Asie du Sud-Est. Les navires reprennent alors de nombreux éléments des galions, comme la voilure et le gouvernail. Dans les années qui suivent les premiers contacts, ce sont environ quatre navires portugais par an qui terminent leur route asiatique par l'archipel, chargés de soie et de porcelaine chinoise. Une cargaison intéressante pour les Japonais, privés d'échanges directs avec l'Empire chinois en conséquence d'un conflit régional. Parfaits commerçants, les Portugais tirent profit de ces disputes locales et se font les intermédiaires tout disposés du commerce asiatique. L'argent, métal abondant au Japon, est ensuite rapporté au Portugal. En 1557, les Portugais font mainmise sur Macao et sont reconnus comme des partenaires commerciaux privilégiés par les Chinois. Le commerce avec le Japon voisin devient un prix convoité, remporté par les armateurs les plus aisés. On attribue ainsi, moyennant une somme importante, la capitania annuelle du Japon, à savoir les droits de commerce exclusifs d'un seul bateau par an. Ces derniers, appelés carac, sont alors d'énormes navires, le double ou le triple d'un galion normal. Les Portugais fondent le port de Nagasaki à l'initiative du jésuite Gaspard Vilela et du seigneur Umura Sumitada. en 1571. Cet accord prospère pendant presque 80 ans sans interruption. Cependant, en 1638, c'est la fin de la lune de miel. Le Japon interrompt le commerce, accusant les navires, notamment portugais, de faire entrer clandestinement des prêtres catholiques et de dissimuler des intentions de prosélytisme. En effet, au Japon, comme dans toutes les terres visitées par les Européens, les jésuites sont à l'œuvre. Sous le règne de Juan Treix, dit Jean Lepieux, le Portugal est alors une nation profondément marquée par l'Inquisition et une religiosité rigide. Les missionnaires portugais et espagnols font rapidement du catholicisme une force religieuse majeure au Japon avec environ 200 000 conversions à la fin du XVIe siècle. Ils apportent avec eux leur savoir en plus de leurs convictions religieuses. En 1558, Luís de Almeida, qui a introduit la chirurgie européenne au Japon, fonde à Aoiíta le premier hôpital de médecine occidentale, une léproserie et un jardin d'enfants. Les Gévit portugais produisent plusieurs ouvrages sur la langue et la société japonaise, dont le premier dictionnaire japonais-portugais et la grammaire japonaise de Juan Rodríguez au début des années 1600, résultat de plus de quatre ans de travail. On peut également citer la première description européenne du Japon de Luis Freuch. Le succès du catholicisme apporte un pouvoir économique et politique considérable. L'île de Kyushu finit par être presque entièrement contrôlée par les jésuites. Cependant, cette progression s'accompagne d'une face plus sombre. Certains convertis se livrent à des profanations, détruisant des temples shinto et bouddhistes. De plus, les jésuites ferment les yeux sur le commerce des esclaves. Ce trafic, majoritairement de femmes japonaises, remonte au premier contact avec l'archipel. Les esclaves sont vendus aux Portugais et envoyés à travers tout l'Empire colonial. Ce fait ne manque pas de susciter des réactions. Dès 1567, le régent Toyotomi Hideyoshi... interdit le christianisme et ordonne le départ des missionnaires. Une décision largement ignorée. Seuls trois des 130 jésuites quittent le pays. Sébastien Primero du Portugal craint que la traite des esclaves crée des tensions, freine le commerce entre les deux nations et entrave l'évangélisation. En 1571, il ordonne donc l'interdiction de la traite des japonais. Cette directive n'est pas toujours respectée. car japonais et européens rechignent à renoncer à ce sordide commerce lucratif. De nombreux écrits jésuites attestent de ce trafic persistant, notamment à Macao, comme ceux de Luis Cerqueira en 1598. Hideyoshi écrit au vice-provincial jésuite Gaspar Coelho le 24 juillet 1587 pour exiger que les Portugais cessent d'acheter des esclaves japonais. Ignoré une fois de plus, il intensifie sa propagande anti-européenne mettant l'accent sur les accusations de trafic sexuel des japonaises. La répression des catholiques s'intensifie alors violemment. En 1597, lorsqu'un galion espagnol transportant des franciscains s'échoue à Nagasaki, 26 chrétiens sont crucifiés. Des églises sont détruites. En 1614, le christianisme est fermement interdit. Les jésuites, pratiquant en secret, rejoignent une rébellion contre le pouvoir, menant au siège d'Osaka. La répression atteint alors son paroxysme, aboutissant à la torture et à la mort de 2000 chrétiens avant la fermeture quasi totale de l'archipel. À côté de cette crise religieuse et politique, la réalité économique se durcit pour les Portugais. En effet, ceux-ci ne sont plus seuls à se partager le gâteau du commerce avec l'archipel. Une concurrence nouvelle surgit de toutes parts. Les trafiquants chinois, les navires espagnols en arrivage de Manille, les néerlandais et enfin... les anglais. Les néerlandais sont leurs ennemis les plus féroces. Ces derniers ne reculent devant rien, s'impliquant dans la piraterie et le combat naval pour affaiblir les portugais et les espagnols dans le Pacifique. Protestants et peu intéressés par la conversion des japonais, ils finissent par être les seuls occidentaux autorisés à accéder au Japon. La porte se referme au nez des portugais en 1650 avec la promulgation des lois isolationnistes du Sakoku, un mot qui signifie littéralement Fermeture du pays. Il faut attendre la période Meiji, deux siècles plus tard, et la réouverture du Japon au commerce avec l'Occident dans les années 1850 pour que le gouvernement du Shogun redevienne réceptif au rétablissement des relations diplomatiques avec le gouvernement portugais. L'homme fort du Portugal sur place est le gouverneur de Macao, Isodoro Francisco Guimanez. Le 3 août 1860, un traité de commerce et de paix est conclu entre les deux pays et leurs anciennes relations diplomatiques sont rétablies. Par la suite, un grand nombre de Portugais de Macao et de Shanghai se sont installés au Japon. De cette communauté d'immigrants sont nés, entre autres, les écoles portugaises de Kobe et de Yokohama. Wenceslo de Moraes a grandement contribué à la présence portugaise au Japon en tant que médiateur diplomatique et économique. Cet officier de marine a en effet vécu avec sa femme japonaise à Kobe de 1898 à 1913 et a été consul du Portugal dans cette ville et à Osaka avant de diriger le consulat général du Portugal à Kobe à partir de 1912. Il écrira plusieurs grands livres sur le Japon. Si le Japon et le Portugal participent ensemble à la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés. Durant la seconde, les deux nations entretiennent des relations plus complexes. Le Portugal de Salazar navigue en eau trouble. Officiellement neutre, lié économiquement et historiquement à l'Allié anglais, il est proche des idéologies de l'axe fasciste. De plus, il a à cœur de protéger son pouvoir colonial sur Macao et le Timor-Oriental et voit d'un mauvais œil l'extension du conflit en Asie de l'Est. Au Timor, début 1942, le Portugal refuse de coopérer avec les alliés pour freiner la progression japonaise. Cependant, les forces australiennes et néerlandaises finissent par y débarquer sans rencontrer de grande résistance et reçoivent même le soutien actif des Timorais. Les représailles japonaises ne tardent pas. Et entre 1943 et 1945, ils occupent de facto le Timor oriental. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que les Japonais se rendent au gouverneur portugais. A Macao aussi, les ingérences sont nombreuses. En août 1943, les Japonais saisissent un navire britannique dans le port et le Japon exige l'installation de ses conseillers sur place, menaçant d'occuper la totalité du territoire en cas de refus. De fait, Macao devient dès lors un protectorat japonais. Cela entraînera des bombardements des Etats-Unis, craignant que le Japon n'y stocke du carburant d'aviation. Après la guerre, les Américains verseront 20 millions de dollars au Portugal en compensation des dommages causés. Il faudra attendre 1952 pour que le Japon vaincu recouvre sa souveraineté. Les relations diplomatiques entre le Portugal et le Japon sont rétablies dès 1953. Des ambassades sont installées dans leurs capitales respectives. La décolonisation portugaise, grandement accélérée par la révolution des œillets en 1974, affaiblit la présence portugaise dans la région. Le Timor déclare son indépendance le 28 novembre 1975. A Macao, le processus est plus long. Le territoire est transféré à la Chine le 19 décembre 1999, mettant fin à 400 ans de domination portugaise. Les relations entre le Portugal et le Japon sont restées depuis lors bonnes et amicales. Dans le domaine économique, rien de bien notable. Même parmi les 27 pays membres de l'Union européenne, le Portugal n'occupe pas le haut du tableau des partenaires du Japon. Il est en effet le 18e pays partenaire en termes de valeur d'exportation et le 19e pour l'importation. En 2016, les touristes japonais ne représentaient par ailleurs que 0,23% des touristes étrangers au Portugal. En ce qui concerne l'immigration, rien de bien plus impressionnant. En 2016, 440 citoyens japonais étaient enregistrés au Portugal et 589 Portugais étaient enregistrés au Japon. Du côté diplomatique et politique, c'est une autre histoire. À Nagasaki, chaque année, le festival Kunshi fait revivre l'arrivée des Portugais au XVIe siècle, célébrant cette rencontre qui a marqué l'histoire de la ville. Cette mémoire partagée s'est manifestée de manière particulièrement forte en 1993, lorsque le Japon célèbre en grande pompe le 450e anniversaire de ce premier contact. Les échanges diplomatiques sont alors à l'honneur. Le président portugais Mario Soares se rend au Japon, tandis que la princesse Isako Takamado visite le Portugal, symbolisant le renforcement des liens entre les deux nations. L'exposition universelle de Lisbonne en 1998, placée sous le thème « Les océans, un héritage pour l'avenir » , est une nouvelle occasion de célébrer cette relation unique. L'empereur Ikihito et l'impératrice Michiko effectuent alors leur première visite au Portugal, soulignant l'importance de cet héritage maritime qui lie les deux pays. Les années suivantes continuent de tisser ce fil culturel et amical. En 2004, le prince héritier Naruhito, aujourd'hui empereur, visite le Portugal, renforçant encore les liens diplomatiques. Sans surprise, au-delà du politique, c'est aussi du côté du culturel que se cachent les plus beaux héritages de toute cette histoire. Parmi les objets importés par les Portugais, nous avons déjà parlé des navires et des armes. Mais on pourrait également évoquer les boutons, Ausha en japonais de Ausha en portugais, les cartes à jouer en japonais caruta du portugais carta, le pain, panne de paon en portugais. Au rayon gourmandise, on peut citer le bonbon KONPEITU, venu du mot portugais pour confiserie, KONFEITU, et le KASUTERA, gâteau nuageux, inspiré du pain au dolo. Pas facile les prononciations en japonais de mon côté. Vous êtes plutôt salés ? Comptez sur les portugais pour partager l'amour de la friture par-delà les frontières. Les voici, les voilà, les tempuras ! Ces échanges culturels ont lieu au présent et continuent d'être nourris... et encouragée. L'Institut culturel portugais Institut to Kamon-Eche est actif au Japon, représenté par un centre culturel à Tokyo et un grand nombre de conférences dans diverses universités japonaises. Depuis 2014, le Japon bénéficie même du statut d'observateur associé au sein de la communauté des pays de langue portugaise. Amateurs du petit et grand écran, vous pouvez également être rassasiés par la riche production cinématographique issue des échanges entre les deux cultures. Du côté des fictions d'abord. En 2016, le grand Martin Scorsese adapte un roman d'Endo Shuzaku, écrivain catholique japonais, dans une fiction mettant en scène la persécution des chrétiens au XVIIe siècle, Silence. Vous avez peut-être entendu parler de la série télévisée Shogun, sortie en 2024, basée sur le roman original de James Clavel. En évoquant la scène politique japonaise des années 1600, Cette dernière met en scène le poids considérable de l'influence des jésuites portugais dans le Japon de l'ère Edo. Côté documentaire, le choix est considérable. Prenons les choses chronologiquement. Le réalisateur portugais Paulo Ausha a vécu au Japon de 1975 à 1983 et a présenté le Japon à plusieurs reprises dans ses films. Il convient de mentionner particulièrement Portugal Usan au Seigneur Portugal en Takushima. Tourné en 1993, un film sur le diplomate et auteur portugais Wenceslo de Moraes, dont je vous ai parlé un peu plus tôt. En 1996, Juan Mario Grillo réalise « Os Olhos da Ásia » « Les yeux de l'Asie » , un film sur l'histoire des jésuites portugais au Japon. En 2008, le court-métrage primé « Tóquio Porto Novo Horas » du réalisateur portugais Juan Nuno Ausha utilise la technologie d'écran partagé en noir et blanc pour comparer la vie quotidienne entre les deux villes de Tokyo et de Porto, séparées par un décalage horaire de 9 heures. L'Institut Cinématographique Portugais Cinémathèque Portugaise met régulièrement en avant le travail des cinéastes japonais, qui sont par ailleurs de plus en plus souvent invités dans les festivals de cinéma du pays. Ils y sont régulièrement récompensés, comme Atsushi Wada avec Wakaranai Buta, prix de la meilleure animation au plus important festival de court-métrages portugais, Courtage Villa de Conde en 2011, ou Iruyuki Tanaka, lauréat du festival Fantasport en 2014 avec Miss Zombie. Dans un Japon futuriste, les zombies y sont domestiqués comme serviteurs ou pour tenir compagnie. Tout un programme. Alors récapitulons. Une histoire séculaire, fascinante, tissée de siècles de rencontres, de confrontations et de collaborations entre deux pays si différents. Des navires portugais si loin de leur terre, chargés de trésors, de saoudades et de fritures. Un Japon partagé entre une volonté farouche de se protéger et la tentation tenace de s'élancer vers le monde. Une amitié complexe à travers le temps et les océans. Comme des vagues frappant la falaise, ces échanges ont sculpté lentement, patiemment et profondément les identités nationales et culturelles de ces deux nations si éloignées. Avant de travailler sur cet épisode, je pressentais que les échanges avaient été nombreux. Mais malgré tout, j'ai été surprise de découvrir toutes les ramifications et conséquences de cette rencontre. Son impact, insoupçonnable au regard de la réalité économique entre les deux nations, nous rappelle que la rencontre des peuples ne peut pas se juger au seul regard des retombées économiques. Et vous, aviez-vous conscience de cette richesse immense ? Merci d'être chaque fois au rendez-vous de mes découvertes. Nous terminons ici ce nouvel épisode de l'Usobribe. J'espère qu'il vous plaira. Si vous avez la chance de visiter le Japon durant l'exposition universelle de 2025 à Osaka, n'hésitez pas à jeter un oeil au pavillon portugais. Appelé « Océan, le dialogue bleu » , il s'étendra sur plus de 1800 m² et a été conçu par l'architecte japonais Kengo Kuma. Pour ma part, je rentrerai avant son ouverture le 13 avril. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis. sur votre plateforme de podcast préférée. À bientôt !

Description

Dans quelques jours seulement, je pars pour un grand voyage hors de ma zone de confort: le Japon ! L' occasion d'explorer avec vous la relation riche et étonnante qui lie ce pays lointain au Portugal. Suivez-moi, et traversons les océans, un soir de tempête...


Bonne écoute !

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Logo: © Les artichauts brûlent aussi

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Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour ! Hola ! Dans seulement quelques jours, je vais vivre mon premier voyage vraiment loin de chez moi. Avec André, mon compagnon et complice dans le crime, nous partons découvrir le Japon. Pour la première fois, je vais me retrouver plongée dans un environnement où les codes sont très éloignés des miens. En préparant ce voyage, je me suis vite interrogée sur la relation que ce pays lointain avait pu partager, et partage encore, avec ma terre d'adoption, le Portugal. Ce fut le point de départ de découverte que j'ai le plaisir de partager avec vous dans ce nouvel épisode de l'Usobrib. Le lien entre le Portugal et le Japon est unique. En effet, les Portugais sont les premiers Européens à entrer en contact avec le peuple nippon. Depuis 1510, les Portugais ont établi des échanges commerciaux réguliers avec l'Asie à Goa, avant de pousser leurs explorations jusqu'en Chine. Ils y échangent de l'argent portugais, contre des épices, de la soie ou encore du coton. Ils ont déjà entendu parler de cet empire mystérieux, décrit par Marco Polo sous le nom de Sipango. Cité de légende où l'or coule à flots. En 1543, les premiers explorateurs Antonio da Mota et Francisco Zemoto débarquent au sud de l'archipel, poussés par une tempête. Fernand Mendes Pinto relate ces faits dans son récit de voyage romancé Pérégrination, une des grandes œuvres de la Renaissance portugaise. Brutaux, exprimant bruyamment leurs émotions, endurcis par de longs mois de navigation, les Portugais sont considérés comme grossiers par les Japonais. Rapidement, ces derniers les surnomment les Nanban, les barbares du Sud. Cette première impression négative n'empêche pas les Japonais de voir une opportunité commerciale et d'échanges technologiques dans ces nouvelles relations. Les armes à feu portugaises notamment retiennent toutes les attentions. Les arcs-buses prennent ainsi en japonais le nom de l'île de Tanegashima, où elles sont aperçues pour la première fois sur l'archipel. Le Japon est alors en pleine guerre civile, constituée d'une mosaïque de seigneuries féodales en conflit permanent. S'ils connaissent déjà l'usage de la poudre, ils utilisent des canons dont le transport est difficile et des armes à feu chinoises rudimentaires. Les fusils portugais, légers et à la visée facile, sont une révolution et jouent un rôle clé dans l'unification du pays. Ils sont ensuite produits en masse et sont notamment essentiels dans les invasions de la Corée en 1592 et 1597. Le Japon est rapidement connu pour son incroyable puissance militaire. Les navires européens, conçus pour de longs voyages, font aussi l'objet d'une étude assidue par les Japonais. Les premiers navires portugais sont appelés « Kurofune » , les navires noirs, par les Japonais. Ils influencent l'industrie navale locale. et permettent de nombreuses expéditions japonaises à l'étranger. Un système commercial se met en place à travers l'Extrême-Orient et l'Asie du Sud-Est. Les navires reprennent alors de nombreux éléments des galions, comme la voilure et le gouvernail. Dans les années qui suivent les premiers contacts, ce sont environ quatre navires portugais par an qui terminent leur route asiatique par l'archipel, chargés de soie et de porcelaine chinoise. Une cargaison intéressante pour les Japonais, privés d'échanges directs avec l'Empire chinois en conséquence d'un conflit régional. Parfaits commerçants, les Portugais tirent profit de ces disputes locales et se font les intermédiaires tout disposés du commerce asiatique. L'argent, métal abondant au Japon, est ensuite rapporté au Portugal. En 1557, les Portugais font mainmise sur Macao et sont reconnus comme des partenaires commerciaux privilégiés par les Chinois. Le commerce avec le Japon voisin devient un prix convoité, remporté par les armateurs les plus aisés. On attribue ainsi, moyennant une somme importante, la capitania annuelle du Japon, à savoir les droits de commerce exclusifs d'un seul bateau par an. Ces derniers, appelés carac, sont alors d'énormes navires, le double ou le triple d'un galion normal. Les Portugais fondent le port de Nagasaki à l'initiative du jésuite Gaspard Vilela et du seigneur Umura Sumitada. en 1571. Cet accord prospère pendant presque 80 ans sans interruption. Cependant, en 1638, c'est la fin de la lune de miel. Le Japon interrompt le commerce, accusant les navires, notamment portugais, de faire entrer clandestinement des prêtres catholiques et de dissimuler des intentions de prosélytisme. En effet, au Japon, comme dans toutes les terres visitées par les Européens, les jésuites sont à l'œuvre. Sous le règne de Juan Treix, dit Jean Lepieux, le Portugal est alors une nation profondément marquée par l'Inquisition et une religiosité rigide. Les missionnaires portugais et espagnols font rapidement du catholicisme une force religieuse majeure au Japon avec environ 200 000 conversions à la fin du XVIe siècle. Ils apportent avec eux leur savoir en plus de leurs convictions religieuses. En 1558, Luís de Almeida, qui a introduit la chirurgie européenne au Japon, fonde à Aoiíta le premier hôpital de médecine occidentale, une léproserie et un jardin d'enfants. Les Gévit portugais produisent plusieurs ouvrages sur la langue et la société japonaise, dont le premier dictionnaire japonais-portugais et la grammaire japonaise de Juan Rodríguez au début des années 1600, résultat de plus de quatre ans de travail. On peut également citer la première description européenne du Japon de Luis Freuch. Le succès du catholicisme apporte un pouvoir économique et politique considérable. L'île de Kyushu finit par être presque entièrement contrôlée par les jésuites. Cependant, cette progression s'accompagne d'une face plus sombre. Certains convertis se livrent à des profanations, détruisant des temples shinto et bouddhistes. De plus, les jésuites ferment les yeux sur le commerce des esclaves. Ce trafic, majoritairement de femmes japonaises, remonte au premier contact avec l'archipel. Les esclaves sont vendus aux Portugais et envoyés à travers tout l'Empire colonial. Ce fait ne manque pas de susciter des réactions. Dès 1567, le régent Toyotomi Hideyoshi... interdit le christianisme et ordonne le départ des missionnaires. Une décision largement ignorée. Seuls trois des 130 jésuites quittent le pays. Sébastien Primero du Portugal craint que la traite des esclaves crée des tensions, freine le commerce entre les deux nations et entrave l'évangélisation. En 1571, il ordonne donc l'interdiction de la traite des japonais. Cette directive n'est pas toujours respectée. car japonais et européens rechignent à renoncer à ce sordide commerce lucratif. De nombreux écrits jésuites attestent de ce trafic persistant, notamment à Macao, comme ceux de Luis Cerqueira en 1598. Hideyoshi écrit au vice-provincial jésuite Gaspar Coelho le 24 juillet 1587 pour exiger que les Portugais cessent d'acheter des esclaves japonais. Ignoré une fois de plus, il intensifie sa propagande anti-européenne mettant l'accent sur les accusations de trafic sexuel des japonaises. La répression des catholiques s'intensifie alors violemment. En 1597, lorsqu'un galion espagnol transportant des franciscains s'échoue à Nagasaki, 26 chrétiens sont crucifiés. Des églises sont détruites. En 1614, le christianisme est fermement interdit. Les jésuites, pratiquant en secret, rejoignent une rébellion contre le pouvoir, menant au siège d'Osaka. La répression atteint alors son paroxysme, aboutissant à la torture et à la mort de 2000 chrétiens avant la fermeture quasi totale de l'archipel. À côté de cette crise religieuse et politique, la réalité économique se durcit pour les Portugais. En effet, ceux-ci ne sont plus seuls à se partager le gâteau du commerce avec l'archipel. Une concurrence nouvelle surgit de toutes parts. Les trafiquants chinois, les navires espagnols en arrivage de Manille, les néerlandais et enfin... les anglais. Les néerlandais sont leurs ennemis les plus féroces. Ces derniers ne reculent devant rien, s'impliquant dans la piraterie et le combat naval pour affaiblir les portugais et les espagnols dans le Pacifique. Protestants et peu intéressés par la conversion des japonais, ils finissent par être les seuls occidentaux autorisés à accéder au Japon. La porte se referme au nez des portugais en 1650 avec la promulgation des lois isolationnistes du Sakoku, un mot qui signifie littéralement Fermeture du pays. Il faut attendre la période Meiji, deux siècles plus tard, et la réouverture du Japon au commerce avec l'Occident dans les années 1850 pour que le gouvernement du Shogun redevienne réceptif au rétablissement des relations diplomatiques avec le gouvernement portugais. L'homme fort du Portugal sur place est le gouverneur de Macao, Isodoro Francisco Guimanez. Le 3 août 1860, un traité de commerce et de paix est conclu entre les deux pays et leurs anciennes relations diplomatiques sont rétablies. Par la suite, un grand nombre de Portugais de Macao et de Shanghai se sont installés au Japon. De cette communauté d'immigrants sont nés, entre autres, les écoles portugaises de Kobe et de Yokohama. Wenceslo de Moraes a grandement contribué à la présence portugaise au Japon en tant que médiateur diplomatique et économique. Cet officier de marine a en effet vécu avec sa femme japonaise à Kobe de 1898 à 1913 et a été consul du Portugal dans cette ville et à Osaka avant de diriger le consulat général du Portugal à Kobe à partir de 1912. Il écrira plusieurs grands livres sur le Japon. Si le Japon et le Portugal participent ensemble à la Première Guerre mondiale aux côtés des Alliés. Durant la seconde, les deux nations entretiennent des relations plus complexes. Le Portugal de Salazar navigue en eau trouble. Officiellement neutre, lié économiquement et historiquement à l'Allié anglais, il est proche des idéologies de l'axe fasciste. De plus, il a à cœur de protéger son pouvoir colonial sur Macao et le Timor-Oriental et voit d'un mauvais œil l'extension du conflit en Asie de l'Est. Au Timor, début 1942, le Portugal refuse de coopérer avec les alliés pour freiner la progression japonaise. Cependant, les forces australiennes et néerlandaises finissent par y débarquer sans rencontrer de grande résistance et reçoivent même le soutien actif des Timorais. Les représailles japonaises ne tardent pas. Et entre 1943 et 1945, ils occupent de facto le Timor oriental. Il faudra attendre la fin de la guerre pour que les Japonais se rendent au gouverneur portugais. A Macao aussi, les ingérences sont nombreuses. En août 1943, les Japonais saisissent un navire britannique dans le port et le Japon exige l'installation de ses conseillers sur place, menaçant d'occuper la totalité du territoire en cas de refus. De fait, Macao devient dès lors un protectorat japonais. Cela entraînera des bombardements des Etats-Unis, craignant que le Japon n'y stocke du carburant d'aviation. Après la guerre, les Américains verseront 20 millions de dollars au Portugal en compensation des dommages causés. Il faudra attendre 1952 pour que le Japon vaincu recouvre sa souveraineté. Les relations diplomatiques entre le Portugal et le Japon sont rétablies dès 1953. Des ambassades sont installées dans leurs capitales respectives. La décolonisation portugaise, grandement accélérée par la révolution des œillets en 1974, affaiblit la présence portugaise dans la région. Le Timor déclare son indépendance le 28 novembre 1975. A Macao, le processus est plus long. Le territoire est transféré à la Chine le 19 décembre 1999, mettant fin à 400 ans de domination portugaise. Les relations entre le Portugal et le Japon sont restées depuis lors bonnes et amicales. Dans le domaine économique, rien de bien notable. Même parmi les 27 pays membres de l'Union européenne, le Portugal n'occupe pas le haut du tableau des partenaires du Japon. Il est en effet le 18e pays partenaire en termes de valeur d'exportation et le 19e pour l'importation. En 2016, les touristes japonais ne représentaient par ailleurs que 0,23% des touristes étrangers au Portugal. En ce qui concerne l'immigration, rien de bien plus impressionnant. En 2016, 440 citoyens japonais étaient enregistrés au Portugal et 589 Portugais étaient enregistrés au Japon. Du côté diplomatique et politique, c'est une autre histoire. À Nagasaki, chaque année, le festival Kunshi fait revivre l'arrivée des Portugais au XVIe siècle, célébrant cette rencontre qui a marqué l'histoire de la ville. Cette mémoire partagée s'est manifestée de manière particulièrement forte en 1993, lorsque le Japon célèbre en grande pompe le 450e anniversaire de ce premier contact. Les échanges diplomatiques sont alors à l'honneur. Le président portugais Mario Soares se rend au Japon, tandis que la princesse Isako Takamado visite le Portugal, symbolisant le renforcement des liens entre les deux nations. L'exposition universelle de Lisbonne en 1998, placée sous le thème « Les océans, un héritage pour l'avenir » , est une nouvelle occasion de célébrer cette relation unique. L'empereur Ikihito et l'impératrice Michiko effectuent alors leur première visite au Portugal, soulignant l'importance de cet héritage maritime qui lie les deux pays. Les années suivantes continuent de tisser ce fil culturel et amical. En 2004, le prince héritier Naruhito, aujourd'hui empereur, visite le Portugal, renforçant encore les liens diplomatiques. Sans surprise, au-delà du politique, c'est aussi du côté du culturel que se cachent les plus beaux héritages de toute cette histoire. Parmi les objets importés par les Portugais, nous avons déjà parlé des navires et des armes. Mais on pourrait également évoquer les boutons, Ausha en japonais de Ausha en portugais, les cartes à jouer en japonais caruta du portugais carta, le pain, panne de paon en portugais. Au rayon gourmandise, on peut citer le bonbon KONPEITU, venu du mot portugais pour confiserie, KONFEITU, et le KASUTERA, gâteau nuageux, inspiré du pain au dolo. Pas facile les prononciations en japonais de mon côté. Vous êtes plutôt salés ? Comptez sur les portugais pour partager l'amour de la friture par-delà les frontières. Les voici, les voilà, les tempuras ! Ces échanges culturels ont lieu au présent et continuent d'être nourris... et encouragée. L'Institut culturel portugais Institut to Kamon-Eche est actif au Japon, représenté par un centre culturel à Tokyo et un grand nombre de conférences dans diverses universités japonaises. Depuis 2014, le Japon bénéficie même du statut d'observateur associé au sein de la communauté des pays de langue portugaise. Amateurs du petit et grand écran, vous pouvez également être rassasiés par la riche production cinématographique issue des échanges entre les deux cultures. Du côté des fictions d'abord. En 2016, le grand Martin Scorsese adapte un roman d'Endo Shuzaku, écrivain catholique japonais, dans une fiction mettant en scène la persécution des chrétiens au XVIIe siècle, Silence. Vous avez peut-être entendu parler de la série télévisée Shogun, sortie en 2024, basée sur le roman original de James Clavel. En évoquant la scène politique japonaise des années 1600, Cette dernière met en scène le poids considérable de l'influence des jésuites portugais dans le Japon de l'ère Edo. Côté documentaire, le choix est considérable. Prenons les choses chronologiquement. Le réalisateur portugais Paulo Ausha a vécu au Japon de 1975 à 1983 et a présenté le Japon à plusieurs reprises dans ses films. Il convient de mentionner particulièrement Portugal Usan au Seigneur Portugal en Takushima. Tourné en 1993, un film sur le diplomate et auteur portugais Wenceslo de Moraes, dont je vous ai parlé un peu plus tôt. En 1996, Juan Mario Grillo réalise « Os Olhos da Ásia » « Les yeux de l'Asie » , un film sur l'histoire des jésuites portugais au Japon. En 2008, le court-métrage primé « Tóquio Porto Novo Horas » du réalisateur portugais Juan Nuno Ausha utilise la technologie d'écran partagé en noir et blanc pour comparer la vie quotidienne entre les deux villes de Tokyo et de Porto, séparées par un décalage horaire de 9 heures. L'Institut Cinématographique Portugais Cinémathèque Portugaise met régulièrement en avant le travail des cinéastes japonais, qui sont par ailleurs de plus en plus souvent invités dans les festivals de cinéma du pays. Ils y sont régulièrement récompensés, comme Atsushi Wada avec Wakaranai Buta, prix de la meilleure animation au plus important festival de court-métrages portugais, Courtage Villa de Conde en 2011, ou Iruyuki Tanaka, lauréat du festival Fantasport en 2014 avec Miss Zombie. Dans un Japon futuriste, les zombies y sont domestiqués comme serviteurs ou pour tenir compagnie. Tout un programme. Alors récapitulons. Une histoire séculaire, fascinante, tissée de siècles de rencontres, de confrontations et de collaborations entre deux pays si différents. Des navires portugais si loin de leur terre, chargés de trésors, de saoudades et de fritures. Un Japon partagé entre une volonté farouche de se protéger et la tentation tenace de s'élancer vers le monde. Une amitié complexe à travers le temps et les océans. Comme des vagues frappant la falaise, ces échanges ont sculpté lentement, patiemment et profondément les identités nationales et culturelles de ces deux nations si éloignées. Avant de travailler sur cet épisode, je pressentais que les échanges avaient été nombreux. Mais malgré tout, j'ai été surprise de découvrir toutes les ramifications et conséquences de cette rencontre. Son impact, insoupçonnable au regard de la réalité économique entre les deux nations, nous rappelle que la rencontre des peuples ne peut pas se juger au seul regard des retombées économiques. Et vous, aviez-vous conscience de cette richesse immense ? Merci d'être chaque fois au rendez-vous de mes découvertes. Nous terminons ici ce nouvel épisode de l'Usobribe. J'espère qu'il vous plaira. Si vous avez la chance de visiter le Japon durant l'exposition universelle de 2025 à Osaka, n'hésitez pas à jeter un oeil au pavillon portugais. Appelé « Océan, le dialogue bleu » , il s'étendra sur plus de 1800 m² et a été conçu par l'architecte japonais Kengo Kuma. Pour ma part, je rentrerai avant son ouverture le 13 avril. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis. sur votre plateforme de podcast préférée. À bientôt !

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