undefined cover
undefined cover
Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature cover
Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature cover
Luso Bribes

Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature

Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature

17min |27/03/2025
Play
undefined cover
undefined cover
Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature cover
Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature cover
Luso Bribes

Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature

Les trois Marias: lettres brûlantes à la dictature

17min |27/03/2025
Play

Description

Le 8 mars j'étais en voyage au Japon et je n'ai donc pas pu aller marcher avec mes soeurs portugaises dans les rues de Porto. Malgré un satané retard donc, il me tenait pourtant à coeur de consacrer l'épisode du mois aux femmes et à leurs combats. Et l'Histoire du Portugal en contient beaucoup, des femmes inspirantes, souvent méconnues. Le contexte actuel m'a amené à porter mon choix sur un incroyable trio: les trois Marias. Au delà de posséder une allure des plus BADASS, Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa nous proposent une leçon d'engagement, de courage et de ténacité. Je suis heureuse de vous partager ma découverte de l'histoire des Nouvelles lettres portugaises.


Bonne écoute !

>>

Logo: © Les artichauts brûlent aussi

>>>

Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le 8 mars, j'étais en voyage. Je n'ai donc pas été marcher avec mes sœurs portugaises dans les rues de Porto pour défendre les droits des femmes, toutes les femmes. Malgré tout, il me tenait à cœur, d'autant plus dans le contexte actuel qui nous le laisse souvent bien gros, le cœur, de parler de femmes dans cet épisode du mois de mars. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un incroyable trio, courageuse, insoumise, portugaise jusqu'au bout des ongles. Partons à la rencontre des trois Maria. Maria. Ce n'est même pas un prénom ici, c'est une institution. S'il n'est pas premier choisi, comptez sur lui pour apparaître au détour d'un prénom composé. Ici, c'est trois pour le prix d'une. Maria Isabelle Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Veljodakosta. Et c'est à trois qu'elles deviendront un absolu symbole, un symbole de résistance face à la dictature, au patriarcat et à l'impérialisme. En 1972, dans une dictature salazariste qui n'a déjà que trop duré, elles signent et publient un ouvrage collectif absolument scandaleux, « Novas cartas portuguesas » , soit « Nouvelles lettres portugaises » . Implacables, elles disent ce dont on ne parle pas. Sous leurs plumes apparaissent les nombreuses situations discriminatoires et préjudiciables qui font le quotidien des femmes portugaises. Pour beaucoup d'entre elles, cet ouvrage est le coup d'envoi du cheminement des luttes féministes qui se poursuivent encore aujourd'hui, dans tous les contextes sociaux, culturels, professionnelle et économique. Le quotidien devient politique et la lutte a trois nouveaux visages. Maria Teresa de Mashkarenyash Horta Baros est la plus âgée du trio. Rien ne la destinait à retourner la table de l'ordre établi. Elle naît le 20 mai 1937 dans une famille de l'aristocratie lisboète. Elle est la fille d'un homme en vue, président de l'ordre des médecins. Cette bonne naissance lui ouvre très tôt des portes. Lycée prestigieux, faculté de lettres de l'Université de Lisbonne, elle y étudie le journalisme et s'inscrit dans des cercles de passionnés comme le Ciné-Club ABC et le groupe Poesia 61. Elle y participe à une revue qui inspirera tout un mouvement tourné vers l'expérimentation littéraire jusqu'à l'érotisme. À la fin de ses études, elle entame un travail journalistique à Acapital où elle rédige des interviews du milieu culturel. Elle et ses collègues sont confrontés chaque jour à la censure, contraints par une supervision stricte de la PIDE, la police politique. Elle écrit « Minha senhora de mim » , « Madame de moi » en 1971, un poème de revendication, invoquant pour elle-même et pour les autres femmes la liberté d'exprimer ce qu'elles ressentent, ce qu'elles vivent et ce qu'elles désirent. Ainsi se dresse notre première Maria. D'un an sac à dette, Maria de Fatima de Bivar Velho da Costa est née le 26 juin 1938. Elle grandit dans un contexte bien moins libre. Habitant avec sa famille dans des casernes militaires, elle est ensuite envoyée dans un couvent pour y poursuivre son éducation. Très jeune, elle se met à écrire des textes dont la qualité étonne et fascine les religieuses de l'institution. Elle grandit plongée dans les textes de Camoèche, de Régio, dévorant les écrits des grands poètes nationaux et internationaux. Diplômée de l'Université de Lisbonne en philologie germanique, elle se sert de ses connaissances en langues étrangères pour rejoindre l'Institut de recherche industrielle. Elle intègre également le groupe d'analyse de la Société portugaise de neurologie et de psychiatrie. Touche à tout, elle écrit dès 1969 un roman aujourd'hui considéré comme une œuvre phare et précurseur du féminisme portugais. Elle y déconstruit l'archétype féminin réduit au silence dans un monde patriarcal et dominateur. Pointant du doigt les infinies contraintes rencontrées par les femmes dans la société de l'époque, elle y révèle le rôle non seulement de l'état dictatorial, mais également de l'inconscient de ses membres. Dès cette publication, elle s'inscrit dans les rangs des contestataires. Elle persiste dans les années qui suivent avec Ancino Primario e Ideologia, Enseignement primaire et idéologie, en 1972, et Português Trabalhador doente mental, Português Travailleur Malade Mental, en 1976. Deux ouvrages qu'elle signe sous le nom de Maria de Fatima Bivar. Telle est notre seconde Maria. De nouveau un an plus jeune que la précédente, Maria Isabel Barreno de Faria Martins est née le 10 juillet 1939. Comme sa consoeur, elle est élevée dans un collège religieux l'encourageant dans sa soif de lecture. Elle rejoint la faculté de lettres de Lisbonne, dont elle sortira diplômée en sciences historico-philosophiques. Elle est la collègue de Maria de Bivar à l'Institut de recherche industrielle. Convaincue de la nécessité de la lutte féministe au Portugal, elle coécrit La condition de la femme portugaise en 1968, un ouvrage collectif dirigé par Urbano Tavares Rodriguez. En 1970, elle écrit La mort de la mère, qui ne sera publiée que 9 ans plus tard et qui est reconnue aujourd'hui comme la genèse des nouvelles lettres portugaises. Elle y évoque le parcours des femmes dans la société à travers l'histoire, d'un point de vue à la fois sociologique et philosophique. Et de 3, Le trio des Mariaella. Ces trois esprits bouillonnants se rencontrent dans les milieux féministes portugais, dans les réseaux contestataires souterrains, opposés aux institutions du régime salazariste. Les hommes au pouvoir commettent alors une faute majeure, fatale. Ils prennent pour réel leur fantasme d'une femme portugaise soumise et amorphe. Maria Teresa et Maria Isabel font connaissance à l'occasion d'une interview, une rencontre électrique. Elles fondent ensemble le mouvement de libération des femmes aux côtés de Madalena Barbosa en 1972. Les trois Maria, différentes dans leurs approches littéraires, se retrouvent autour d'un objectif, mettre fin au modèle de la femme soumise, ombre de son mari, et éveiller les portugaises par un message d'espoir, d'indépendance et d'autodétermination. En avril 1972 sont publiées les nouvelles lettres portugaises. Ce titre s'inspire des lettres portugaises, du français Gabriel de Guirague. En 1669, ce dernier publie anonymement un recueil de cinq lettres qui aurait été écrite par Mariana Alcoforado, une religieuse portugaise abandonnée dans un couvent par son amant, un chevalier français. Cette histoire, que la majorité des experts considèrent aujourd'hui comme une fiction, a pour théâtre la guerre de restauration qui a opposé le Portugal à l'Espagne au XVIIe siècle. Cette œuvre fait dès sa publication le tour de l'Europe, touchant du doigt le sujet brûlant de la sexualité féminine. Notre trio s'en inspire donc pour interroger la société portugaise des années 60 et 70. Très vite, le livre est distribué dans les cercles révolutionnaires, avant d'être diffusé plus largement dans les milieux intellectuels. La tradition est mise à mal, pointée du doigt comme le bras armé d'une société de coercition des femmes, enfermée dans la passivité et les tâches domestiques. Le couvent, l'asile ou le mariage, Voilà les horizons de la femme portugaise dans les années 70. La répression du régime, le patriarcat soutenu et encouragé par l'église catholique portugaise et la condition des femmes, tant dans leur rôle conjugal que dans les contraintes imposées par le contrôle des naissances, tout est questionné. La violence domestique, la soumission à la morale patriarcale et bourgeoise, l'avortement, la pauvreté et la censure, tous ces sujets s'incarnent dans un texte brûlant et révolutionnaire. L'ouvrage dépasse même le cadre des seules luttes féministes, critiquant également le colonialisme si cher au régime, soutenant la révolte des populations natives. L'ouvrage est conçu à partir de textes, d'essais, de lettres et de poèmes. Une composition savante et intelligente, car les censeurs peinent à attribuer ces différents fragments à une Maria plutôt qu'à une autre. La machine est grippée et cela complique les recours juridiques. La réaction pourtant ne tarde pas. Les trois autrices sont traînées devant les tribunaux, sommées de s'expliquer sur ces écrits jugés licencieux. Marcelo Caetano, qui tente désespérément de remplir les chaussures de feu Salazar en tant que président du conseil, tonne et tempête. On parle d'emprisonnement ferme. Jusqu'à 18 mois à passer dans les geôles du régime, une menace qui planera sur nos mariages jusqu'à la révolution d'avril 74. Nos héroïnes sont défendues par les avocats Duarte, Vidal, Francisco Souza Tavares et José Armando de Silva Ferreira. Ils font face à des accusations d'outrage aux bonnes mœurs, d'atteinte à la morale publique, d'abus de la liberté de la presse et de pornographie. Cette affaire a un retentissement international. Des manifestations féministes envahissent les ambassades portugaises de Paris, New York et Londres. Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre ou encore Marguerite Duras apportent publiquement leur soutien aux mariats. La presse internationale se déplace à Lisbonne. Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur, Le Times et le New York Times. Devant ce retentissement, le pouvoir portugais, déjà vacillant, recule. Elle sorte libre du procès. Pour autant, l'œuvre en elle-même tombe évidemment sous le coup de la censure trois jours seulement après sa sortie. Preuve du délitement de l'estado novo, cela n'empêche pourtant pas certains médias d'en faire la publicité. Par ailleurs, l'œuvre sort clandestinement du pays et se diffuse à l'étranger. atteignant les Portugais et les Portugaises du monde. Le trio mythique des trois Maria est né. Par la suite, chacune a continué son combat à sa manière. Maria Isabelle Barreno travaille comme journaliste et conseillère à l'ambassade du Portugal à Paris. En 2004, elle est nommée grande officier de l'ordre du prince Henri le Navigateur. Elle ne cessera jamais d'écrire. Sa production prolifique lui vaudra le prix Fernando Namora en 1991 et le grand prix de la nouvelle Camilo Castelo Branco en 1993. Au-delà des fictions, elle continuera toute sa vie durant à exprimer sa préoccupation pour l'égalité dans des essais engagés portant notamment sur les discriminations de genre dans l'enseignement. Elle disparaît le 3 septembre 2016 à l'âge de 78 ans. Après avoir quitté la présidence de l'Association des écrivains portugais et du Pen Club Portugais, qu'elle avait fondé avec Sofia de Melo-Breiner, Maria Velho da Costa est partie pour l'Angleterre. Elle y a intégré le département portugais et brésilien du célèbre King's College de Londres entre 1980 et 1987. Cela ne l'aura pas empêché de rester impliquée dans l'avenir politique de son pays. Elle travaille comme assistante du secrétariat d'État à la culture en 1979, dans le gouvernement de Maria de Lourdes Pintasilgo. Elle est également attachée culturelle au Cap Vert à la fin des années 80. Elle continue également à créer, écrivant des scénarios pour des cinéastes comme Juan César Monteiro, Margarita Gil ou Alberto Seixas Santos. Elle écrit également plusieurs romans, dans lesquels elle continue de s'ancrer dans les grands débats féministes et sociaux de son temps. Elle reçoit le prix Virgilio Ferreira en 1997 et le prix Camoëche en 2000. Elle sera faite grande officier de l'Ordre du Prince Henri de Navigateur en 2003 et de l'Ordre de la Liberté en 2011. Elle restera impliquée au sein de l'Institut Camoëche pour promouvoir la langue portugaise, ainsi que dans l'enseignement jusqu'à sa mort en mai 2020, à l'âge de 81 ans. Maria Teresa a elle aussi continué de prendre position sur les questions sociales, écrivant dans les plus grands journaux du pays. En 1978, elle fonde le magazine Mulieres, Femmes, créant un espace d'expression essentiel dans la lutte féministe au Portugal. Elle est devenue grande officier de l'ordre de l'infante Donnery-Kesch en 2004 et est désignée pour recevoir le prix Dondinich pour son œuvre littéraire. Farouchement engagée et fidèle à ses convictions profondes, elle refusera cette distinction qui devait lui être remise par le premier ministre de l'époque, Pedro Pasoscoelho, l'accusant de détruire l'héritage du 25 avril. Jusqu'à sa mort le 4 février dernier, elle continue à s'exprimer sur les luttes féministes à mener, dénonçant le retour des valeurs conservatrices et réactionnaires. C'est l'heure de la recommandation culturelle. Ce mois-ci, c'est facile. Trois autrices, un monde de publications et d'essais à explorer. Mais j'ai également fait une autre découverte au cours de mes recherches, qui montre bien l'actualité du sujet. Au mois de février, Julia de Gasquet, Léonore de Récondo et Mélanie Traversier ont donné vie à un texte inédit sur la scène du studio du Théâtre de la Concorde à Paris. Le désir du désir du désir. Dans cette nouvelle création, Elles se sont emparées des nouvelles lettres portugaises, mais aussi des lettres de Guiorague, pour donner naissance à un dialogue à trois voix. Encore, trois femmes, comme en miroir des mariats, donnant du coffre pour parler des femmes, de leurs désirs et de leurs droits. J'espère que la vie de ce projet sera longue, et visible en tournée prochainement. Pour ma part, je n'hésiterai pas si l'occasion d'y assister se présente. Alors, récapitulons. Trois femmes, trois Maria, aux noms marqués à l'encrin des lébiles dans l'histoire du Portugal. Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa. Chacune avec son parcours unique, se sont unies pour lutter avec leurs armes contre la dictature et le patriarcat. Leur œuvre a été un cri de liberté, un appel à l'éveil des consciences et un symbole de résistance qui a traversé les frontières. Les trois Maria nous ont aujourd'hui quittés, mais leur héritage perdure. Leur courage, leur ténacité, leur voix résonnent et nous poussent à nous interroger sur nos propres voies d'expression et de résistance. Toute leur vie durant, ces trois femmes ont conjugué leur combat au présent. À nous de les honorer, à l'heure où les discours cherchant à verrouiller les droits et les corps des femmes se multiplient. Ces trois voix, qui ont osé dire ce que d'autres n'osaient pas, nous rappelle que la lutte pour l'égalité et la liberté d'expression est un combat sans fin. Merci pour votre écoute. Ici se termine ce nouvel épisode de l'Usobrib. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt ! Merci.

Description

Le 8 mars j'étais en voyage au Japon et je n'ai donc pas pu aller marcher avec mes soeurs portugaises dans les rues de Porto. Malgré un satané retard donc, il me tenait pourtant à coeur de consacrer l'épisode du mois aux femmes et à leurs combats. Et l'Histoire du Portugal en contient beaucoup, des femmes inspirantes, souvent méconnues. Le contexte actuel m'a amené à porter mon choix sur un incroyable trio: les trois Marias. Au delà de posséder une allure des plus BADASS, Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa nous proposent une leçon d'engagement, de courage et de ténacité. Je suis heureuse de vous partager ma découverte de l'histoire des Nouvelles lettres portugaises.


Bonne écoute !

>>

Logo: © Les artichauts brûlent aussi

>>>

Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le 8 mars, j'étais en voyage. Je n'ai donc pas été marcher avec mes sœurs portugaises dans les rues de Porto pour défendre les droits des femmes, toutes les femmes. Malgré tout, il me tenait à cœur, d'autant plus dans le contexte actuel qui nous le laisse souvent bien gros, le cœur, de parler de femmes dans cet épisode du mois de mars. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un incroyable trio, courageuse, insoumise, portugaise jusqu'au bout des ongles. Partons à la rencontre des trois Maria. Maria. Ce n'est même pas un prénom ici, c'est une institution. S'il n'est pas premier choisi, comptez sur lui pour apparaître au détour d'un prénom composé. Ici, c'est trois pour le prix d'une. Maria Isabelle Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Veljodakosta. Et c'est à trois qu'elles deviendront un absolu symbole, un symbole de résistance face à la dictature, au patriarcat et à l'impérialisme. En 1972, dans une dictature salazariste qui n'a déjà que trop duré, elles signent et publient un ouvrage collectif absolument scandaleux, « Novas cartas portuguesas » , soit « Nouvelles lettres portugaises » . Implacables, elles disent ce dont on ne parle pas. Sous leurs plumes apparaissent les nombreuses situations discriminatoires et préjudiciables qui font le quotidien des femmes portugaises. Pour beaucoup d'entre elles, cet ouvrage est le coup d'envoi du cheminement des luttes féministes qui se poursuivent encore aujourd'hui, dans tous les contextes sociaux, culturels, professionnelle et économique. Le quotidien devient politique et la lutte a trois nouveaux visages. Maria Teresa de Mashkarenyash Horta Baros est la plus âgée du trio. Rien ne la destinait à retourner la table de l'ordre établi. Elle naît le 20 mai 1937 dans une famille de l'aristocratie lisboète. Elle est la fille d'un homme en vue, président de l'ordre des médecins. Cette bonne naissance lui ouvre très tôt des portes. Lycée prestigieux, faculté de lettres de l'Université de Lisbonne, elle y étudie le journalisme et s'inscrit dans des cercles de passionnés comme le Ciné-Club ABC et le groupe Poesia 61. Elle y participe à une revue qui inspirera tout un mouvement tourné vers l'expérimentation littéraire jusqu'à l'érotisme. À la fin de ses études, elle entame un travail journalistique à Acapital où elle rédige des interviews du milieu culturel. Elle et ses collègues sont confrontés chaque jour à la censure, contraints par une supervision stricte de la PIDE, la police politique. Elle écrit « Minha senhora de mim » , « Madame de moi » en 1971, un poème de revendication, invoquant pour elle-même et pour les autres femmes la liberté d'exprimer ce qu'elles ressentent, ce qu'elles vivent et ce qu'elles désirent. Ainsi se dresse notre première Maria. D'un an sac à dette, Maria de Fatima de Bivar Velho da Costa est née le 26 juin 1938. Elle grandit dans un contexte bien moins libre. Habitant avec sa famille dans des casernes militaires, elle est ensuite envoyée dans un couvent pour y poursuivre son éducation. Très jeune, elle se met à écrire des textes dont la qualité étonne et fascine les religieuses de l'institution. Elle grandit plongée dans les textes de Camoèche, de Régio, dévorant les écrits des grands poètes nationaux et internationaux. Diplômée de l'Université de Lisbonne en philologie germanique, elle se sert de ses connaissances en langues étrangères pour rejoindre l'Institut de recherche industrielle. Elle intègre également le groupe d'analyse de la Société portugaise de neurologie et de psychiatrie. Touche à tout, elle écrit dès 1969 un roman aujourd'hui considéré comme une œuvre phare et précurseur du féminisme portugais. Elle y déconstruit l'archétype féminin réduit au silence dans un monde patriarcal et dominateur. Pointant du doigt les infinies contraintes rencontrées par les femmes dans la société de l'époque, elle y révèle le rôle non seulement de l'état dictatorial, mais également de l'inconscient de ses membres. Dès cette publication, elle s'inscrit dans les rangs des contestataires. Elle persiste dans les années qui suivent avec Ancino Primario e Ideologia, Enseignement primaire et idéologie, en 1972, et Português Trabalhador doente mental, Português Travailleur Malade Mental, en 1976. Deux ouvrages qu'elle signe sous le nom de Maria de Fatima Bivar. Telle est notre seconde Maria. De nouveau un an plus jeune que la précédente, Maria Isabel Barreno de Faria Martins est née le 10 juillet 1939. Comme sa consoeur, elle est élevée dans un collège religieux l'encourageant dans sa soif de lecture. Elle rejoint la faculté de lettres de Lisbonne, dont elle sortira diplômée en sciences historico-philosophiques. Elle est la collègue de Maria de Bivar à l'Institut de recherche industrielle. Convaincue de la nécessité de la lutte féministe au Portugal, elle coécrit La condition de la femme portugaise en 1968, un ouvrage collectif dirigé par Urbano Tavares Rodriguez. En 1970, elle écrit La mort de la mère, qui ne sera publiée que 9 ans plus tard et qui est reconnue aujourd'hui comme la genèse des nouvelles lettres portugaises. Elle y évoque le parcours des femmes dans la société à travers l'histoire, d'un point de vue à la fois sociologique et philosophique. Et de 3, Le trio des Mariaella. Ces trois esprits bouillonnants se rencontrent dans les milieux féministes portugais, dans les réseaux contestataires souterrains, opposés aux institutions du régime salazariste. Les hommes au pouvoir commettent alors une faute majeure, fatale. Ils prennent pour réel leur fantasme d'une femme portugaise soumise et amorphe. Maria Teresa et Maria Isabel font connaissance à l'occasion d'une interview, une rencontre électrique. Elles fondent ensemble le mouvement de libération des femmes aux côtés de Madalena Barbosa en 1972. Les trois Maria, différentes dans leurs approches littéraires, se retrouvent autour d'un objectif, mettre fin au modèle de la femme soumise, ombre de son mari, et éveiller les portugaises par un message d'espoir, d'indépendance et d'autodétermination. En avril 1972 sont publiées les nouvelles lettres portugaises. Ce titre s'inspire des lettres portugaises, du français Gabriel de Guirague. En 1669, ce dernier publie anonymement un recueil de cinq lettres qui aurait été écrite par Mariana Alcoforado, une religieuse portugaise abandonnée dans un couvent par son amant, un chevalier français. Cette histoire, que la majorité des experts considèrent aujourd'hui comme une fiction, a pour théâtre la guerre de restauration qui a opposé le Portugal à l'Espagne au XVIIe siècle. Cette œuvre fait dès sa publication le tour de l'Europe, touchant du doigt le sujet brûlant de la sexualité féminine. Notre trio s'en inspire donc pour interroger la société portugaise des années 60 et 70. Très vite, le livre est distribué dans les cercles révolutionnaires, avant d'être diffusé plus largement dans les milieux intellectuels. La tradition est mise à mal, pointée du doigt comme le bras armé d'une société de coercition des femmes, enfermée dans la passivité et les tâches domestiques. Le couvent, l'asile ou le mariage, Voilà les horizons de la femme portugaise dans les années 70. La répression du régime, le patriarcat soutenu et encouragé par l'église catholique portugaise et la condition des femmes, tant dans leur rôle conjugal que dans les contraintes imposées par le contrôle des naissances, tout est questionné. La violence domestique, la soumission à la morale patriarcale et bourgeoise, l'avortement, la pauvreté et la censure, tous ces sujets s'incarnent dans un texte brûlant et révolutionnaire. L'ouvrage dépasse même le cadre des seules luttes féministes, critiquant également le colonialisme si cher au régime, soutenant la révolte des populations natives. L'ouvrage est conçu à partir de textes, d'essais, de lettres et de poèmes. Une composition savante et intelligente, car les censeurs peinent à attribuer ces différents fragments à une Maria plutôt qu'à une autre. La machine est grippée et cela complique les recours juridiques. La réaction pourtant ne tarde pas. Les trois autrices sont traînées devant les tribunaux, sommées de s'expliquer sur ces écrits jugés licencieux. Marcelo Caetano, qui tente désespérément de remplir les chaussures de feu Salazar en tant que président du conseil, tonne et tempête. On parle d'emprisonnement ferme. Jusqu'à 18 mois à passer dans les geôles du régime, une menace qui planera sur nos mariages jusqu'à la révolution d'avril 74. Nos héroïnes sont défendues par les avocats Duarte, Vidal, Francisco Souza Tavares et José Armando de Silva Ferreira. Ils font face à des accusations d'outrage aux bonnes mœurs, d'atteinte à la morale publique, d'abus de la liberté de la presse et de pornographie. Cette affaire a un retentissement international. Des manifestations féministes envahissent les ambassades portugaises de Paris, New York et Londres. Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre ou encore Marguerite Duras apportent publiquement leur soutien aux mariats. La presse internationale se déplace à Lisbonne. Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur, Le Times et le New York Times. Devant ce retentissement, le pouvoir portugais, déjà vacillant, recule. Elle sorte libre du procès. Pour autant, l'œuvre en elle-même tombe évidemment sous le coup de la censure trois jours seulement après sa sortie. Preuve du délitement de l'estado novo, cela n'empêche pourtant pas certains médias d'en faire la publicité. Par ailleurs, l'œuvre sort clandestinement du pays et se diffuse à l'étranger. atteignant les Portugais et les Portugaises du monde. Le trio mythique des trois Maria est né. Par la suite, chacune a continué son combat à sa manière. Maria Isabelle Barreno travaille comme journaliste et conseillère à l'ambassade du Portugal à Paris. En 2004, elle est nommée grande officier de l'ordre du prince Henri le Navigateur. Elle ne cessera jamais d'écrire. Sa production prolifique lui vaudra le prix Fernando Namora en 1991 et le grand prix de la nouvelle Camilo Castelo Branco en 1993. Au-delà des fictions, elle continuera toute sa vie durant à exprimer sa préoccupation pour l'égalité dans des essais engagés portant notamment sur les discriminations de genre dans l'enseignement. Elle disparaît le 3 septembre 2016 à l'âge de 78 ans. Après avoir quitté la présidence de l'Association des écrivains portugais et du Pen Club Portugais, qu'elle avait fondé avec Sofia de Melo-Breiner, Maria Velho da Costa est partie pour l'Angleterre. Elle y a intégré le département portugais et brésilien du célèbre King's College de Londres entre 1980 et 1987. Cela ne l'aura pas empêché de rester impliquée dans l'avenir politique de son pays. Elle travaille comme assistante du secrétariat d'État à la culture en 1979, dans le gouvernement de Maria de Lourdes Pintasilgo. Elle est également attachée culturelle au Cap Vert à la fin des années 80. Elle continue également à créer, écrivant des scénarios pour des cinéastes comme Juan César Monteiro, Margarita Gil ou Alberto Seixas Santos. Elle écrit également plusieurs romans, dans lesquels elle continue de s'ancrer dans les grands débats féministes et sociaux de son temps. Elle reçoit le prix Virgilio Ferreira en 1997 et le prix Camoëche en 2000. Elle sera faite grande officier de l'Ordre du Prince Henri de Navigateur en 2003 et de l'Ordre de la Liberté en 2011. Elle restera impliquée au sein de l'Institut Camoëche pour promouvoir la langue portugaise, ainsi que dans l'enseignement jusqu'à sa mort en mai 2020, à l'âge de 81 ans. Maria Teresa a elle aussi continué de prendre position sur les questions sociales, écrivant dans les plus grands journaux du pays. En 1978, elle fonde le magazine Mulieres, Femmes, créant un espace d'expression essentiel dans la lutte féministe au Portugal. Elle est devenue grande officier de l'ordre de l'infante Donnery-Kesch en 2004 et est désignée pour recevoir le prix Dondinich pour son œuvre littéraire. Farouchement engagée et fidèle à ses convictions profondes, elle refusera cette distinction qui devait lui être remise par le premier ministre de l'époque, Pedro Pasoscoelho, l'accusant de détruire l'héritage du 25 avril. Jusqu'à sa mort le 4 février dernier, elle continue à s'exprimer sur les luttes féministes à mener, dénonçant le retour des valeurs conservatrices et réactionnaires. C'est l'heure de la recommandation culturelle. Ce mois-ci, c'est facile. Trois autrices, un monde de publications et d'essais à explorer. Mais j'ai également fait une autre découverte au cours de mes recherches, qui montre bien l'actualité du sujet. Au mois de février, Julia de Gasquet, Léonore de Récondo et Mélanie Traversier ont donné vie à un texte inédit sur la scène du studio du Théâtre de la Concorde à Paris. Le désir du désir du désir. Dans cette nouvelle création, Elles se sont emparées des nouvelles lettres portugaises, mais aussi des lettres de Guiorague, pour donner naissance à un dialogue à trois voix. Encore, trois femmes, comme en miroir des mariats, donnant du coffre pour parler des femmes, de leurs désirs et de leurs droits. J'espère que la vie de ce projet sera longue, et visible en tournée prochainement. Pour ma part, je n'hésiterai pas si l'occasion d'y assister se présente. Alors, récapitulons. Trois femmes, trois Maria, aux noms marqués à l'encrin des lébiles dans l'histoire du Portugal. Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa. Chacune avec son parcours unique, se sont unies pour lutter avec leurs armes contre la dictature et le patriarcat. Leur œuvre a été un cri de liberté, un appel à l'éveil des consciences et un symbole de résistance qui a traversé les frontières. Les trois Maria nous ont aujourd'hui quittés, mais leur héritage perdure. Leur courage, leur ténacité, leur voix résonnent et nous poussent à nous interroger sur nos propres voies d'expression et de résistance. Toute leur vie durant, ces trois femmes ont conjugué leur combat au présent. À nous de les honorer, à l'heure où les discours cherchant à verrouiller les droits et les corps des femmes se multiplient. Ces trois voix, qui ont osé dire ce que d'autres n'osaient pas, nous rappelle que la lutte pour l'égalité et la liberté d'expression est un combat sans fin. Merci pour votre écoute. Ici se termine ce nouvel épisode de l'Usobrib. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt ! Merci.

Share

Embed

You may also like

Description

Le 8 mars j'étais en voyage au Japon et je n'ai donc pas pu aller marcher avec mes soeurs portugaises dans les rues de Porto. Malgré un satané retard donc, il me tenait pourtant à coeur de consacrer l'épisode du mois aux femmes et à leurs combats. Et l'Histoire du Portugal en contient beaucoup, des femmes inspirantes, souvent méconnues. Le contexte actuel m'a amené à porter mon choix sur un incroyable trio: les trois Marias. Au delà de posséder une allure des plus BADASS, Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa nous proposent une leçon d'engagement, de courage et de ténacité. Je suis heureuse de vous partager ma découverte de l'histoire des Nouvelles lettres portugaises.


Bonne écoute !

>>

Logo: © Les artichauts brûlent aussi

>>>

Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le 8 mars, j'étais en voyage. Je n'ai donc pas été marcher avec mes sœurs portugaises dans les rues de Porto pour défendre les droits des femmes, toutes les femmes. Malgré tout, il me tenait à cœur, d'autant plus dans le contexte actuel qui nous le laisse souvent bien gros, le cœur, de parler de femmes dans cet épisode du mois de mars. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un incroyable trio, courageuse, insoumise, portugaise jusqu'au bout des ongles. Partons à la rencontre des trois Maria. Maria. Ce n'est même pas un prénom ici, c'est une institution. S'il n'est pas premier choisi, comptez sur lui pour apparaître au détour d'un prénom composé. Ici, c'est trois pour le prix d'une. Maria Isabelle Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Veljodakosta. Et c'est à trois qu'elles deviendront un absolu symbole, un symbole de résistance face à la dictature, au patriarcat et à l'impérialisme. En 1972, dans une dictature salazariste qui n'a déjà que trop duré, elles signent et publient un ouvrage collectif absolument scandaleux, « Novas cartas portuguesas » , soit « Nouvelles lettres portugaises » . Implacables, elles disent ce dont on ne parle pas. Sous leurs plumes apparaissent les nombreuses situations discriminatoires et préjudiciables qui font le quotidien des femmes portugaises. Pour beaucoup d'entre elles, cet ouvrage est le coup d'envoi du cheminement des luttes féministes qui se poursuivent encore aujourd'hui, dans tous les contextes sociaux, culturels, professionnelle et économique. Le quotidien devient politique et la lutte a trois nouveaux visages. Maria Teresa de Mashkarenyash Horta Baros est la plus âgée du trio. Rien ne la destinait à retourner la table de l'ordre établi. Elle naît le 20 mai 1937 dans une famille de l'aristocratie lisboète. Elle est la fille d'un homme en vue, président de l'ordre des médecins. Cette bonne naissance lui ouvre très tôt des portes. Lycée prestigieux, faculté de lettres de l'Université de Lisbonne, elle y étudie le journalisme et s'inscrit dans des cercles de passionnés comme le Ciné-Club ABC et le groupe Poesia 61. Elle y participe à une revue qui inspirera tout un mouvement tourné vers l'expérimentation littéraire jusqu'à l'érotisme. À la fin de ses études, elle entame un travail journalistique à Acapital où elle rédige des interviews du milieu culturel. Elle et ses collègues sont confrontés chaque jour à la censure, contraints par une supervision stricte de la PIDE, la police politique. Elle écrit « Minha senhora de mim » , « Madame de moi » en 1971, un poème de revendication, invoquant pour elle-même et pour les autres femmes la liberté d'exprimer ce qu'elles ressentent, ce qu'elles vivent et ce qu'elles désirent. Ainsi se dresse notre première Maria. D'un an sac à dette, Maria de Fatima de Bivar Velho da Costa est née le 26 juin 1938. Elle grandit dans un contexte bien moins libre. Habitant avec sa famille dans des casernes militaires, elle est ensuite envoyée dans un couvent pour y poursuivre son éducation. Très jeune, elle se met à écrire des textes dont la qualité étonne et fascine les religieuses de l'institution. Elle grandit plongée dans les textes de Camoèche, de Régio, dévorant les écrits des grands poètes nationaux et internationaux. Diplômée de l'Université de Lisbonne en philologie germanique, elle se sert de ses connaissances en langues étrangères pour rejoindre l'Institut de recherche industrielle. Elle intègre également le groupe d'analyse de la Société portugaise de neurologie et de psychiatrie. Touche à tout, elle écrit dès 1969 un roman aujourd'hui considéré comme une œuvre phare et précurseur du féminisme portugais. Elle y déconstruit l'archétype féminin réduit au silence dans un monde patriarcal et dominateur. Pointant du doigt les infinies contraintes rencontrées par les femmes dans la société de l'époque, elle y révèle le rôle non seulement de l'état dictatorial, mais également de l'inconscient de ses membres. Dès cette publication, elle s'inscrit dans les rangs des contestataires. Elle persiste dans les années qui suivent avec Ancino Primario e Ideologia, Enseignement primaire et idéologie, en 1972, et Português Trabalhador doente mental, Português Travailleur Malade Mental, en 1976. Deux ouvrages qu'elle signe sous le nom de Maria de Fatima Bivar. Telle est notre seconde Maria. De nouveau un an plus jeune que la précédente, Maria Isabel Barreno de Faria Martins est née le 10 juillet 1939. Comme sa consoeur, elle est élevée dans un collège religieux l'encourageant dans sa soif de lecture. Elle rejoint la faculté de lettres de Lisbonne, dont elle sortira diplômée en sciences historico-philosophiques. Elle est la collègue de Maria de Bivar à l'Institut de recherche industrielle. Convaincue de la nécessité de la lutte féministe au Portugal, elle coécrit La condition de la femme portugaise en 1968, un ouvrage collectif dirigé par Urbano Tavares Rodriguez. En 1970, elle écrit La mort de la mère, qui ne sera publiée que 9 ans plus tard et qui est reconnue aujourd'hui comme la genèse des nouvelles lettres portugaises. Elle y évoque le parcours des femmes dans la société à travers l'histoire, d'un point de vue à la fois sociologique et philosophique. Et de 3, Le trio des Mariaella. Ces trois esprits bouillonnants se rencontrent dans les milieux féministes portugais, dans les réseaux contestataires souterrains, opposés aux institutions du régime salazariste. Les hommes au pouvoir commettent alors une faute majeure, fatale. Ils prennent pour réel leur fantasme d'une femme portugaise soumise et amorphe. Maria Teresa et Maria Isabel font connaissance à l'occasion d'une interview, une rencontre électrique. Elles fondent ensemble le mouvement de libération des femmes aux côtés de Madalena Barbosa en 1972. Les trois Maria, différentes dans leurs approches littéraires, se retrouvent autour d'un objectif, mettre fin au modèle de la femme soumise, ombre de son mari, et éveiller les portugaises par un message d'espoir, d'indépendance et d'autodétermination. En avril 1972 sont publiées les nouvelles lettres portugaises. Ce titre s'inspire des lettres portugaises, du français Gabriel de Guirague. En 1669, ce dernier publie anonymement un recueil de cinq lettres qui aurait été écrite par Mariana Alcoforado, une religieuse portugaise abandonnée dans un couvent par son amant, un chevalier français. Cette histoire, que la majorité des experts considèrent aujourd'hui comme une fiction, a pour théâtre la guerre de restauration qui a opposé le Portugal à l'Espagne au XVIIe siècle. Cette œuvre fait dès sa publication le tour de l'Europe, touchant du doigt le sujet brûlant de la sexualité féminine. Notre trio s'en inspire donc pour interroger la société portugaise des années 60 et 70. Très vite, le livre est distribué dans les cercles révolutionnaires, avant d'être diffusé plus largement dans les milieux intellectuels. La tradition est mise à mal, pointée du doigt comme le bras armé d'une société de coercition des femmes, enfermée dans la passivité et les tâches domestiques. Le couvent, l'asile ou le mariage, Voilà les horizons de la femme portugaise dans les années 70. La répression du régime, le patriarcat soutenu et encouragé par l'église catholique portugaise et la condition des femmes, tant dans leur rôle conjugal que dans les contraintes imposées par le contrôle des naissances, tout est questionné. La violence domestique, la soumission à la morale patriarcale et bourgeoise, l'avortement, la pauvreté et la censure, tous ces sujets s'incarnent dans un texte brûlant et révolutionnaire. L'ouvrage dépasse même le cadre des seules luttes féministes, critiquant également le colonialisme si cher au régime, soutenant la révolte des populations natives. L'ouvrage est conçu à partir de textes, d'essais, de lettres et de poèmes. Une composition savante et intelligente, car les censeurs peinent à attribuer ces différents fragments à une Maria plutôt qu'à une autre. La machine est grippée et cela complique les recours juridiques. La réaction pourtant ne tarde pas. Les trois autrices sont traînées devant les tribunaux, sommées de s'expliquer sur ces écrits jugés licencieux. Marcelo Caetano, qui tente désespérément de remplir les chaussures de feu Salazar en tant que président du conseil, tonne et tempête. On parle d'emprisonnement ferme. Jusqu'à 18 mois à passer dans les geôles du régime, une menace qui planera sur nos mariages jusqu'à la révolution d'avril 74. Nos héroïnes sont défendues par les avocats Duarte, Vidal, Francisco Souza Tavares et José Armando de Silva Ferreira. Ils font face à des accusations d'outrage aux bonnes mœurs, d'atteinte à la morale publique, d'abus de la liberté de la presse et de pornographie. Cette affaire a un retentissement international. Des manifestations féministes envahissent les ambassades portugaises de Paris, New York et Londres. Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre ou encore Marguerite Duras apportent publiquement leur soutien aux mariats. La presse internationale se déplace à Lisbonne. Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur, Le Times et le New York Times. Devant ce retentissement, le pouvoir portugais, déjà vacillant, recule. Elle sorte libre du procès. Pour autant, l'œuvre en elle-même tombe évidemment sous le coup de la censure trois jours seulement après sa sortie. Preuve du délitement de l'estado novo, cela n'empêche pourtant pas certains médias d'en faire la publicité. Par ailleurs, l'œuvre sort clandestinement du pays et se diffuse à l'étranger. atteignant les Portugais et les Portugaises du monde. Le trio mythique des trois Maria est né. Par la suite, chacune a continué son combat à sa manière. Maria Isabelle Barreno travaille comme journaliste et conseillère à l'ambassade du Portugal à Paris. En 2004, elle est nommée grande officier de l'ordre du prince Henri le Navigateur. Elle ne cessera jamais d'écrire. Sa production prolifique lui vaudra le prix Fernando Namora en 1991 et le grand prix de la nouvelle Camilo Castelo Branco en 1993. Au-delà des fictions, elle continuera toute sa vie durant à exprimer sa préoccupation pour l'égalité dans des essais engagés portant notamment sur les discriminations de genre dans l'enseignement. Elle disparaît le 3 septembre 2016 à l'âge de 78 ans. Après avoir quitté la présidence de l'Association des écrivains portugais et du Pen Club Portugais, qu'elle avait fondé avec Sofia de Melo-Breiner, Maria Velho da Costa est partie pour l'Angleterre. Elle y a intégré le département portugais et brésilien du célèbre King's College de Londres entre 1980 et 1987. Cela ne l'aura pas empêché de rester impliquée dans l'avenir politique de son pays. Elle travaille comme assistante du secrétariat d'État à la culture en 1979, dans le gouvernement de Maria de Lourdes Pintasilgo. Elle est également attachée culturelle au Cap Vert à la fin des années 80. Elle continue également à créer, écrivant des scénarios pour des cinéastes comme Juan César Monteiro, Margarita Gil ou Alberto Seixas Santos. Elle écrit également plusieurs romans, dans lesquels elle continue de s'ancrer dans les grands débats féministes et sociaux de son temps. Elle reçoit le prix Virgilio Ferreira en 1997 et le prix Camoëche en 2000. Elle sera faite grande officier de l'Ordre du Prince Henri de Navigateur en 2003 et de l'Ordre de la Liberté en 2011. Elle restera impliquée au sein de l'Institut Camoëche pour promouvoir la langue portugaise, ainsi que dans l'enseignement jusqu'à sa mort en mai 2020, à l'âge de 81 ans. Maria Teresa a elle aussi continué de prendre position sur les questions sociales, écrivant dans les plus grands journaux du pays. En 1978, elle fonde le magazine Mulieres, Femmes, créant un espace d'expression essentiel dans la lutte féministe au Portugal. Elle est devenue grande officier de l'ordre de l'infante Donnery-Kesch en 2004 et est désignée pour recevoir le prix Dondinich pour son œuvre littéraire. Farouchement engagée et fidèle à ses convictions profondes, elle refusera cette distinction qui devait lui être remise par le premier ministre de l'époque, Pedro Pasoscoelho, l'accusant de détruire l'héritage du 25 avril. Jusqu'à sa mort le 4 février dernier, elle continue à s'exprimer sur les luttes féministes à mener, dénonçant le retour des valeurs conservatrices et réactionnaires. C'est l'heure de la recommandation culturelle. Ce mois-ci, c'est facile. Trois autrices, un monde de publications et d'essais à explorer. Mais j'ai également fait une autre découverte au cours de mes recherches, qui montre bien l'actualité du sujet. Au mois de février, Julia de Gasquet, Léonore de Récondo et Mélanie Traversier ont donné vie à un texte inédit sur la scène du studio du Théâtre de la Concorde à Paris. Le désir du désir du désir. Dans cette nouvelle création, Elles se sont emparées des nouvelles lettres portugaises, mais aussi des lettres de Guiorague, pour donner naissance à un dialogue à trois voix. Encore, trois femmes, comme en miroir des mariats, donnant du coffre pour parler des femmes, de leurs désirs et de leurs droits. J'espère que la vie de ce projet sera longue, et visible en tournée prochainement. Pour ma part, je n'hésiterai pas si l'occasion d'y assister se présente. Alors, récapitulons. Trois femmes, trois Maria, aux noms marqués à l'encrin des lébiles dans l'histoire du Portugal. Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa. Chacune avec son parcours unique, se sont unies pour lutter avec leurs armes contre la dictature et le patriarcat. Leur œuvre a été un cri de liberté, un appel à l'éveil des consciences et un symbole de résistance qui a traversé les frontières. Les trois Maria nous ont aujourd'hui quittés, mais leur héritage perdure. Leur courage, leur ténacité, leur voix résonnent et nous poussent à nous interroger sur nos propres voies d'expression et de résistance. Toute leur vie durant, ces trois femmes ont conjugué leur combat au présent. À nous de les honorer, à l'heure où les discours cherchant à verrouiller les droits et les corps des femmes se multiplient. Ces trois voix, qui ont osé dire ce que d'autres n'osaient pas, nous rappelle que la lutte pour l'égalité et la liberté d'expression est un combat sans fin. Merci pour votre écoute. Ici se termine ce nouvel épisode de l'Usobrib. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt ! Merci.

Description

Le 8 mars j'étais en voyage au Japon et je n'ai donc pas pu aller marcher avec mes soeurs portugaises dans les rues de Porto. Malgré un satané retard donc, il me tenait pourtant à coeur de consacrer l'épisode du mois aux femmes et à leurs combats. Et l'Histoire du Portugal en contient beaucoup, des femmes inspirantes, souvent méconnues. Le contexte actuel m'a amené à porter mon choix sur un incroyable trio: les trois Marias. Au delà de posséder une allure des plus BADASS, Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa nous proposent une leçon d'engagement, de courage et de ténacité. Je suis heureuse de vous partager ma découverte de l'histoire des Nouvelles lettres portugaises.


Bonne écoute !

>>

Logo: © Les artichauts brûlent aussi

>>>

Générique de début: © Pierre Herault


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le 8 mars, j'étais en voyage. Je n'ai donc pas été marcher avec mes sœurs portugaises dans les rues de Porto pour défendre les droits des femmes, toutes les femmes. Malgré tout, il me tenait à cœur, d'autant plus dans le contexte actuel qui nous le laisse souvent bien gros, le cœur, de parler de femmes dans cet épisode du mois de mars. Aujourd'hui, j'aimerais vous parler d'un incroyable trio, courageuse, insoumise, portugaise jusqu'au bout des ongles. Partons à la rencontre des trois Maria. Maria. Ce n'est même pas un prénom ici, c'est une institution. S'il n'est pas premier choisi, comptez sur lui pour apparaître au détour d'un prénom composé. Ici, c'est trois pour le prix d'une. Maria Isabelle Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Veljodakosta. Et c'est à trois qu'elles deviendront un absolu symbole, un symbole de résistance face à la dictature, au patriarcat et à l'impérialisme. En 1972, dans une dictature salazariste qui n'a déjà que trop duré, elles signent et publient un ouvrage collectif absolument scandaleux, « Novas cartas portuguesas » , soit « Nouvelles lettres portugaises » . Implacables, elles disent ce dont on ne parle pas. Sous leurs plumes apparaissent les nombreuses situations discriminatoires et préjudiciables qui font le quotidien des femmes portugaises. Pour beaucoup d'entre elles, cet ouvrage est le coup d'envoi du cheminement des luttes féministes qui se poursuivent encore aujourd'hui, dans tous les contextes sociaux, culturels, professionnelle et économique. Le quotidien devient politique et la lutte a trois nouveaux visages. Maria Teresa de Mashkarenyash Horta Baros est la plus âgée du trio. Rien ne la destinait à retourner la table de l'ordre établi. Elle naît le 20 mai 1937 dans une famille de l'aristocratie lisboète. Elle est la fille d'un homme en vue, président de l'ordre des médecins. Cette bonne naissance lui ouvre très tôt des portes. Lycée prestigieux, faculté de lettres de l'Université de Lisbonne, elle y étudie le journalisme et s'inscrit dans des cercles de passionnés comme le Ciné-Club ABC et le groupe Poesia 61. Elle y participe à une revue qui inspirera tout un mouvement tourné vers l'expérimentation littéraire jusqu'à l'érotisme. À la fin de ses études, elle entame un travail journalistique à Acapital où elle rédige des interviews du milieu culturel. Elle et ses collègues sont confrontés chaque jour à la censure, contraints par une supervision stricte de la PIDE, la police politique. Elle écrit « Minha senhora de mim » , « Madame de moi » en 1971, un poème de revendication, invoquant pour elle-même et pour les autres femmes la liberté d'exprimer ce qu'elles ressentent, ce qu'elles vivent et ce qu'elles désirent. Ainsi se dresse notre première Maria. D'un an sac à dette, Maria de Fatima de Bivar Velho da Costa est née le 26 juin 1938. Elle grandit dans un contexte bien moins libre. Habitant avec sa famille dans des casernes militaires, elle est ensuite envoyée dans un couvent pour y poursuivre son éducation. Très jeune, elle se met à écrire des textes dont la qualité étonne et fascine les religieuses de l'institution. Elle grandit plongée dans les textes de Camoèche, de Régio, dévorant les écrits des grands poètes nationaux et internationaux. Diplômée de l'Université de Lisbonne en philologie germanique, elle se sert de ses connaissances en langues étrangères pour rejoindre l'Institut de recherche industrielle. Elle intègre également le groupe d'analyse de la Société portugaise de neurologie et de psychiatrie. Touche à tout, elle écrit dès 1969 un roman aujourd'hui considéré comme une œuvre phare et précurseur du féminisme portugais. Elle y déconstruit l'archétype féminin réduit au silence dans un monde patriarcal et dominateur. Pointant du doigt les infinies contraintes rencontrées par les femmes dans la société de l'époque, elle y révèle le rôle non seulement de l'état dictatorial, mais également de l'inconscient de ses membres. Dès cette publication, elle s'inscrit dans les rangs des contestataires. Elle persiste dans les années qui suivent avec Ancino Primario e Ideologia, Enseignement primaire et idéologie, en 1972, et Português Trabalhador doente mental, Português Travailleur Malade Mental, en 1976. Deux ouvrages qu'elle signe sous le nom de Maria de Fatima Bivar. Telle est notre seconde Maria. De nouveau un an plus jeune que la précédente, Maria Isabel Barreno de Faria Martins est née le 10 juillet 1939. Comme sa consoeur, elle est élevée dans un collège religieux l'encourageant dans sa soif de lecture. Elle rejoint la faculté de lettres de Lisbonne, dont elle sortira diplômée en sciences historico-philosophiques. Elle est la collègue de Maria de Bivar à l'Institut de recherche industrielle. Convaincue de la nécessité de la lutte féministe au Portugal, elle coécrit La condition de la femme portugaise en 1968, un ouvrage collectif dirigé par Urbano Tavares Rodriguez. En 1970, elle écrit La mort de la mère, qui ne sera publiée que 9 ans plus tard et qui est reconnue aujourd'hui comme la genèse des nouvelles lettres portugaises. Elle y évoque le parcours des femmes dans la société à travers l'histoire, d'un point de vue à la fois sociologique et philosophique. Et de 3, Le trio des Mariaella. Ces trois esprits bouillonnants se rencontrent dans les milieux féministes portugais, dans les réseaux contestataires souterrains, opposés aux institutions du régime salazariste. Les hommes au pouvoir commettent alors une faute majeure, fatale. Ils prennent pour réel leur fantasme d'une femme portugaise soumise et amorphe. Maria Teresa et Maria Isabel font connaissance à l'occasion d'une interview, une rencontre électrique. Elles fondent ensemble le mouvement de libération des femmes aux côtés de Madalena Barbosa en 1972. Les trois Maria, différentes dans leurs approches littéraires, se retrouvent autour d'un objectif, mettre fin au modèle de la femme soumise, ombre de son mari, et éveiller les portugaises par un message d'espoir, d'indépendance et d'autodétermination. En avril 1972 sont publiées les nouvelles lettres portugaises. Ce titre s'inspire des lettres portugaises, du français Gabriel de Guirague. En 1669, ce dernier publie anonymement un recueil de cinq lettres qui aurait été écrite par Mariana Alcoforado, une religieuse portugaise abandonnée dans un couvent par son amant, un chevalier français. Cette histoire, que la majorité des experts considèrent aujourd'hui comme une fiction, a pour théâtre la guerre de restauration qui a opposé le Portugal à l'Espagne au XVIIe siècle. Cette œuvre fait dès sa publication le tour de l'Europe, touchant du doigt le sujet brûlant de la sexualité féminine. Notre trio s'en inspire donc pour interroger la société portugaise des années 60 et 70. Très vite, le livre est distribué dans les cercles révolutionnaires, avant d'être diffusé plus largement dans les milieux intellectuels. La tradition est mise à mal, pointée du doigt comme le bras armé d'une société de coercition des femmes, enfermée dans la passivité et les tâches domestiques. Le couvent, l'asile ou le mariage, Voilà les horizons de la femme portugaise dans les années 70. La répression du régime, le patriarcat soutenu et encouragé par l'église catholique portugaise et la condition des femmes, tant dans leur rôle conjugal que dans les contraintes imposées par le contrôle des naissances, tout est questionné. La violence domestique, la soumission à la morale patriarcale et bourgeoise, l'avortement, la pauvreté et la censure, tous ces sujets s'incarnent dans un texte brûlant et révolutionnaire. L'ouvrage dépasse même le cadre des seules luttes féministes, critiquant également le colonialisme si cher au régime, soutenant la révolte des populations natives. L'ouvrage est conçu à partir de textes, d'essais, de lettres et de poèmes. Une composition savante et intelligente, car les censeurs peinent à attribuer ces différents fragments à une Maria plutôt qu'à une autre. La machine est grippée et cela complique les recours juridiques. La réaction pourtant ne tarde pas. Les trois autrices sont traînées devant les tribunaux, sommées de s'expliquer sur ces écrits jugés licencieux. Marcelo Caetano, qui tente désespérément de remplir les chaussures de feu Salazar en tant que président du conseil, tonne et tempête. On parle d'emprisonnement ferme. Jusqu'à 18 mois à passer dans les geôles du régime, une menace qui planera sur nos mariages jusqu'à la révolution d'avril 74. Nos héroïnes sont défendues par les avocats Duarte, Vidal, Francisco Souza Tavares et José Armando de Silva Ferreira. Ils font face à des accusations d'outrage aux bonnes mœurs, d'atteinte à la morale publique, d'abus de la liberté de la presse et de pornographie. Cette affaire a un retentissement international. Des manifestations féministes envahissent les ambassades portugaises de Paris, New York et Londres. Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre ou encore Marguerite Duras apportent publiquement leur soutien aux mariats. La presse internationale se déplace à Lisbonne. Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur, Le Times et le New York Times. Devant ce retentissement, le pouvoir portugais, déjà vacillant, recule. Elle sorte libre du procès. Pour autant, l'œuvre en elle-même tombe évidemment sous le coup de la censure trois jours seulement après sa sortie. Preuve du délitement de l'estado novo, cela n'empêche pourtant pas certains médias d'en faire la publicité. Par ailleurs, l'œuvre sort clandestinement du pays et se diffuse à l'étranger. atteignant les Portugais et les Portugaises du monde. Le trio mythique des trois Maria est né. Par la suite, chacune a continué son combat à sa manière. Maria Isabelle Barreno travaille comme journaliste et conseillère à l'ambassade du Portugal à Paris. En 2004, elle est nommée grande officier de l'ordre du prince Henri le Navigateur. Elle ne cessera jamais d'écrire. Sa production prolifique lui vaudra le prix Fernando Namora en 1991 et le grand prix de la nouvelle Camilo Castelo Branco en 1993. Au-delà des fictions, elle continuera toute sa vie durant à exprimer sa préoccupation pour l'égalité dans des essais engagés portant notamment sur les discriminations de genre dans l'enseignement. Elle disparaît le 3 septembre 2016 à l'âge de 78 ans. Après avoir quitté la présidence de l'Association des écrivains portugais et du Pen Club Portugais, qu'elle avait fondé avec Sofia de Melo-Breiner, Maria Velho da Costa est partie pour l'Angleterre. Elle y a intégré le département portugais et brésilien du célèbre King's College de Londres entre 1980 et 1987. Cela ne l'aura pas empêché de rester impliquée dans l'avenir politique de son pays. Elle travaille comme assistante du secrétariat d'État à la culture en 1979, dans le gouvernement de Maria de Lourdes Pintasilgo. Elle est également attachée culturelle au Cap Vert à la fin des années 80. Elle continue également à créer, écrivant des scénarios pour des cinéastes comme Juan César Monteiro, Margarita Gil ou Alberto Seixas Santos. Elle écrit également plusieurs romans, dans lesquels elle continue de s'ancrer dans les grands débats féministes et sociaux de son temps. Elle reçoit le prix Virgilio Ferreira en 1997 et le prix Camoëche en 2000. Elle sera faite grande officier de l'Ordre du Prince Henri de Navigateur en 2003 et de l'Ordre de la Liberté en 2011. Elle restera impliquée au sein de l'Institut Camoëche pour promouvoir la langue portugaise, ainsi que dans l'enseignement jusqu'à sa mort en mai 2020, à l'âge de 81 ans. Maria Teresa a elle aussi continué de prendre position sur les questions sociales, écrivant dans les plus grands journaux du pays. En 1978, elle fonde le magazine Mulieres, Femmes, créant un espace d'expression essentiel dans la lutte féministe au Portugal. Elle est devenue grande officier de l'ordre de l'infante Donnery-Kesch en 2004 et est désignée pour recevoir le prix Dondinich pour son œuvre littéraire. Farouchement engagée et fidèle à ses convictions profondes, elle refusera cette distinction qui devait lui être remise par le premier ministre de l'époque, Pedro Pasoscoelho, l'accusant de détruire l'héritage du 25 avril. Jusqu'à sa mort le 4 février dernier, elle continue à s'exprimer sur les luttes féministes à mener, dénonçant le retour des valeurs conservatrices et réactionnaires. C'est l'heure de la recommandation culturelle. Ce mois-ci, c'est facile. Trois autrices, un monde de publications et d'essais à explorer. Mais j'ai également fait une autre découverte au cours de mes recherches, qui montre bien l'actualité du sujet. Au mois de février, Julia de Gasquet, Léonore de Récondo et Mélanie Traversier ont donné vie à un texte inédit sur la scène du studio du Théâtre de la Concorde à Paris. Le désir du désir du désir. Dans cette nouvelle création, Elles se sont emparées des nouvelles lettres portugaises, mais aussi des lettres de Guiorague, pour donner naissance à un dialogue à trois voix. Encore, trois femmes, comme en miroir des mariats, donnant du coffre pour parler des femmes, de leurs désirs et de leurs droits. J'espère que la vie de ce projet sera longue, et visible en tournée prochainement. Pour ma part, je n'hésiterai pas si l'occasion d'y assister se présente. Alors, récapitulons. Trois femmes, trois Maria, aux noms marqués à l'encrin des lébiles dans l'histoire du Portugal. Maria Isabel Barreno, Maria Teresa Horta et Maria Velho da Costa. Chacune avec son parcours unique, se sont unies pour lutter avec leurs armes contre la dictature et le patriarcat. Leur œuvre a été un cri de liberté, un appel à l'éveil des consciences et un symbole de résistance qui a traversé les frontières. Les trois Maria nous ont aujourd'hui quittés, mais leur héritage perdure. Leur courage, leur ténacité, leur voix résonnent et nous poussent à nous interroger sur nos propres voies d'expression et de résistance. Toute leur vie durant, ces trois femmes ont conjugué leur combat au présent. À nous de les honorer, à l'heure où les discours cherchant à verrouiller les droits et les corps des femmes se multiplient. Ces trois voix, qui ont osé dire ce que d'autres n'osaient pas, nous rappelle que la lutte pour l'égalité et la liberté d'expression est un combat sans fin. Merci pour votre écoute. Ici se termine ce nouvel épisode de l'Usobrib. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt ! Merci.

Share

Embed

You may also like