Speaker #0Bonjour et bienvenue dans ce premier épisode de Luso Bribes. Je me présente, Gabrielle, ancienne résidente de la région parisienne installée à Porto depuis bientôt un an. Alors que ma vie ici s'organise entre apprentissage du portugais et petits boulots, l'idée de ce podcast a lentement fleuri en moi. Depuis mon arrivée, j'ai pas arrêté d'apprendre des anecdotes et des histoires qui ont nourri mon amour pour ce pays tout en nuance. Bon, il faut dire que je suis une ancienne bibliothécaire, écouteuse de podcasts et fille de prof d'histoire. En rester au Porto des cartes postales, c'était pas trop le plan. Luso Bribes, c'est d'abord une modeste initiative pour partager mes découvertes avec les francophones nouvellement arrivés ou avides d'en connaître plus sur mon pays d'adoption. Un défi et un encouragement personnel aussi, pour ne jamais cesser d'apprendre et de poser des questions. Le Portugal, vaste sujet. Pas évident de faire un choix pour la première thématique. La sagesse, comme souvent, vient des amis. Des copines en visite récemment ont été les vraies inspiratrices du thème du jour. En descendant l'avenue des Alliés à Porto, la question a jailli. Mais c'est quoi ce délire avec les cabines téléphoniques à l'anglaise ? Eh oui, elles sont là, partout dans la ville. Là aussi, les pots de marmelade au supermarché et les deux étages de mon bus préféré. Les liens entre l'Angleterre et le Portugal, ils se voient un peu partout ici. Alors, dans l'épisode d'aujourd'hui... Nous allons revenir sur l'origine de cette alliance parfois méconnue, alors qu'il s'agit de la plus vieille alliance diplomatique et militaire au monde encore en vigueur aujourd'hui. Quand on rentre dans la gare de Sao Bento à Porto, on peut admirer une salle des pas perdus assez bluffante, décorée de plus de 20 000 azulejos, ces fameuses céramiques murales si répandues au Portugal. Sur un des murs, on assiste à un mariage fondateur, celui de Jean Ier du Portugal avec l'anglaise Philippa de Lancastre. Mais on pourrait se poser la question, pourquoi cette alliance alors que le Portugal était alors beaucoup plus riche que le Royaume Britannique ? Avant toute chose, un petit point géographie, ou briller en société, comme vous voulez. Si les frontières du Portugal n'ont pas évolué depuis le XIIe siècle, devenant les frontières fixes les plus anciennes du monde, l'Espagne telle que nous la connaissons aujourd'hui n'existait pas. Elle se sépare alors en plusieurs royaumes, dont le plus imposant est le voisin frontalier du Portugal, la Castille. Le Portugal est en fait le seul relicat quasi intact de cette époque. Tous les autres royaumes finiront dissous ou absorbés dans d'autres structures. Maintenant que les bases sont posées, revenons à nos moutons. Après la mort du roi Ferdinand Ier en 1383, le Portugal fait face à une guerre de succession. Cette dernière oppose deux camps. D'un côté le roi de Castille, qui s'appelle lui aussi Jean Ier, donc accrochez-vous, qui a épousé la fille de Ferdinand, Béatrice, âgée de 10 ans. De l'autre, le demi-frère bâtard du roi défunt, le futur Jean Ier, de Portugal cette fois. Grand maître de l'ordre d'Aviz, un ordre guerrier très populaire. On pourrait croire que le peuple préférait un mari légitime à un demi-frère bâtard. Et pourtant. Il voue une haine certaine au voisin castillan, qui soutient les abus de l'aristocratie foncière et lorgne perpétuellement sur l'indépendance du Portugal. Pour ne rien arranger, la reine veuve et régente officielle, Eleonore, se paye le luxe d'un amant castillan. Quand le conflit armé s'engage, Jean de Portugal comprend rapidement qu'il va devoir s'entourer d'alliés. Or, au nord, la guerre de Cent Ans fait rage, opposant l'Angleterre à la France, alliée traditionnelle de la couronne castillane. La négociation s'engage donc avec Richard II, roi d'Angleterre, alors sous l'influence du régent Jean de Gante, duc de Lancastre. Le soutien anglais au portugais est engagé, afin de fragiliser la couronne rivale sur laquelle l'Angleterre a des vues. Alors que tout cela débutait assez mal et que les Castillans tenaient un lourd siège autour de Lisbonne, le destin intervient et rebat les cartes, puisque la peste frappe leur armée, forçant le roi à se retirer et à abandonner l'otage. Une aubaine pour les troupes anglaises qui arrivent en renfort à la Pâque 1385. Nuno Álvarez Pereira, champion de l'armée portugaise, a alors repris du terrain sur une armée malade et affaiblie. L'armée anglaise est petite, mais ce sont des soldats aguerris et formés contre les armées françaises. Fort de ce soutien, Jean d'Aviz convoque les Cortès, équivalents de nos états généraux français, dans la ville de Coimbra, où il se fait proclamer roi du Portugal sous le nom de Jean Ier. Face à ce coup de force hautement symbolique, le roi de Castille comprend rapidement que le vent est en train de tourner et qu'une grande bataille décidera de l'avenir du royaume. Durant la seconde semaine de juin, une très grande partie de l'armée castillane, commandée par le roi en personne et accompagnée d'un contingent de cavalerie française, entre au nord du Portugal. C'est la bataille d'Aljubarrota, le 14 août 1385. L'armée de Jean Ier de Castille compte 30 000 hommes, contre les seulement 6 000 dont dispose Jean Ier de Portugal. C'est une bataille légendaire dans l'histoire portugaise. Grâce aux tactiques militaires anglaises, c'est la victoire de David contre Goliath. L'armée castillane est totalement anéantie. En 1386, le traité de Windsor scelle donc le plus vieil accord de soutien diplomatique et militaire encore en vigueur de nos jours, en reconnaissance pour ce soutien décisif. Quelques mois plus tard, Jean Ier de Portugal épousera Philippa de Lancastre, fille du régent d'Angleterre. Cette incroyable alliance dure depuis plus de 600 ans. Elle aura de nombreuses répercussions sur l'histoire de ces deux nations, du commerce du Porto à celui du Liège ou des épices, des goûts culinaires douteux aux bus avec vue, mais aussi dans le positionnement du Portugal au cours des deux guerres mondiales. Alors, récapitulons. Une histoire de famille bien dysfonctionnelle, deux rois Jean, la peste, Frenchie contre Rosebif, pour au final une bague au doigt et une sacrée alliance. J'espère que ce premier épisode, très historique, vous aura intéressé. Si c'est le cas, je vous recommande une vidéo du vulgarisateur historique français Nota Bene sur Youtube, intitulée À quoi ressemble le Portugal au Moyen-Âge ? Il a eu la chance d'être convié au festival Viagem Medieval, qui a lieu tous les ans à la début août tout près de Porto. Vous en voulez encore ? Alors allez creuser vers le roman La cathédrale de la mer d'Ildefonso Falconès. Cet auteur est souvent comparé à Ken Follett et vous offrira une belle immersion dans la péninsule ibérique du XIVe siècle. Et pour les adeptes du petit écran, c'est du tout cuit, puisque Netflix en a fait une adaptation en 2018. Dans un prochain épisode, nous parlerons du sentiment ténu et délicat qui fait tant dans l'âme portugaise. L'occasion pour moi de terminer ce premier Luso Bribes avec une recommandation musicale cette fois. Je vous partage mon coup de cœur pour la chanson Saudade de Maro, une incroyable chanteuse portugaise. Peut-être la connaissez-vous déjà ? Elle a représenté le Portugal dans l'édition 2022 du concours de l'Eurovision. N'hésitez pas à me laisser un commentaire ou un avis sur votre plateforme de podcast préférée. A bientôt !