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Rencontres sauvages

Rencontres sauvages avec Alice Gandin, directrice du Musée de la Chasse et de la Nature (S3 - E1)

12min |25/03/2025
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Description

« La rencontre avec le sauvage, c’est l’association de soi avec l’inconnu, avec l’altérité. »


Dans cet épisode de Rencontre Sauvage, Alice Gandin, nouvelle directrice du Musée de la Chasse et de la Nature, revient sur une enfance façonnée par la forêt, le marais et l’océan. Une baignade parmi les méduses devient une première expérience sensorielle du sauvage, un moment de fascination mêlée d’appréhension.


Elle nous livre un regard personnel et érudit sur la manière dont l’histoire, l’anthropologie et l’art permettent de repenser notre rapport au monde naturel. Opposé au domestique, au civilisé, le sauvage est-il une frontière ou un espace de réconciliation ? À travers les mots d’Alain Corbin et les œuvres d’Edi Dubien, Alice Gandin explore ces interstices, ces entre-deux où se joue notre relation à la nature.


Réalisation : Céline du Chéné et Laurent Paulré pour le Musée de la Chasse et de la Nature.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre sauvage avec Alice Gandin, directrice du musée de la chasse et de la nature.

  • Speaker #1

    Alice Gandin, comment les termes de rencontre sauvage peuvent résonner en vous ?

  • Speaker #2

    La rencontre avec le sauvage, c'est l'association de soi avec l'inconnu, avec l'altérité. Et c'est quelque chose qui est effrayant, parce que l'inconnu, ce qu'on ne maîtrise pas peut-être... vécue comme assez anxiogène. En tout cas, c'est comme ça que je l'aperçois de manière assez intime. Et cette intimité, j'ai eu besoin tout au long de ma vie de la confronter à des expériences et à l'intellectualiser par des lectures et des recherches. Il y a une lecture qui est assez fondamentale dans ma relation à la nature et au sauvage, parce que j'ai du mal parfois à dissocier complètement la nature du sauvage. C'est une lecture de l'historien des sensibilités. qui est Alain Corbin avec le territoire du vide et qui m'a fait appréhender complètement différemment la notion de mer, de rivage, d'océan. Parce que même si le sauvage est né de la forêt étymologiquement, le sauvage est aussi la mer, les océans. Et Alain Corbin, dans son approche de l'océan, de la perception que l'on a du rivage, montre à quel point il y a une évolution, une révolution de ce regard porté sur... L'océan de cette maîtrise du rivage petit à petit qui commence au XVIIIe. Moi en gros j'ai grandi sur une plage, on peut le dire comme ça, entre la plage, la forêt domaniale du Pays de Monts et le marais breton. Donc un univers assez sauvage finalement avec trois entités que je viens de décrire, cette forêt domaniale plantée au XIXe pour assécher la zone marécageuse, le marais. avec ce marais vendéen, avec une biodiversité très importante en matière de faune et flore. Et puis cette mer, cette inconnue, avec cet océan. On ne voit pas l'intérieur de la mer puisque c'est l'Atlantique.

  • Speaker #1

    Qu'est-ce que vous ressentiez face à ces trois paysages ?

  • Speaker #2

    La promenade dominicale en forêt était le symbole d'un ennui assez... marquant de mon enfance. L'univers de la forêt est un univers assez oppressant. Il n'y a pas l'horizon, on est enfermé. C'est aussi le théâtre de contes pour enfants qui m'ont peut-être un peu terrifiée. Je pense à Anne Sécretel avec Cette maison dans la forêt, Le petit poussé. En fait, le lieu de la forêt, c'est le lieu de la perdition, le lieu de la perte, le lieu de la rencontre avec ces animaux qui sont effrayants. Et ce ne sont pas des endroits... Malgré toute la fascination que les forêts ont pu exercer sur certains auteurs ou artistes, ou la passion forêt qui existe, notamment pour les chasseurs, la forêt, pour moi, est le lieu d'une sorte d'enfermement, d'angoisse. Je ne suis pas forcément bien. Ce qui m'intéresse dans la forêt d'Aumagnal, notamment de mon enfance, celle du Pays de Monts, c'est qu'au bout de la forêt, il y a cette... Ce soulagement, cette échappée, cette vue sur l'au-delà, sur l'infini du ciel et de l'océan. J'ai bien conscience que c'est un regard aussi fabriqué, parce que je suis un pur produit du XXe siècle, qui est né au XIXe avec ce besoin de prendre de la hauteur, les promontoires, les promenades, où on a de la hauteur sur les éléments. On est en poste sublime de... De quand, en fait, on a besoin d'être en maîtrise sur l'environnement ? Et la perte de maîtrise que je ressens quand je suis en forêt est, à mon avis, construite par cette relation-là. Et donc, c'est vrai qu'aujourd'hui, les champignons, la cuillère des champignons, la promenade en forêt, malgré la beauté des couleurs à l'automne, ces lieux humides ne sont pas des lieux que j'apprécie.

  • Speaker #1

    Il vous faut un horizon.

  • Speaker #2

    un point de vue, un horizon, une échappée du regard, où en fait je construis mon paysage visuel comme un photographe ou un peintre, parce que un paysage, ce n'est pas du réel le paysage, c'est une construction du réel à travers les yeux. Et j'ai besoin de ces ouvertures. Une des premières rencontres sauvages, c'est un souvenir d'enfance que j'ai, c'est une baignade au mois d'avril, il y a un temps merveilleux, et les bébés méduses dans la mer, et le contact sur la peau des petits œufs de méduses, c'est un contact assez hésitant, assez effrayant, ces associations-là. Et par rapport au marais, qui est un paysage particulier, le marais qui est un paysage assez plat, battu par les vents, qui invite à une certaine mélancolie, avec une... Une faune assez présente qui est en fait un élément pas du tout naturel. Le marais est naturel bien évidemment, mais il a ensuite été entretenu, façonné, pour les besoins de mise en culture, d'élevage ou de circulation. En fait, c'est cette confrontation entre... Parce que Philippe Descola a théorisé, on parle de la nature et culture, mais qui moi me fascine en tout cas, c'est une autre manière d'appréhender le... Le monde, c'est un regard sur le monde. Et le sauvage, en fait, c'est un fait social total qui permet de relire l'emprise de l'être humain, ou son non-emprise, et ce qu'il ne maîtrise pas. Et donc le sauvage, ce sont aussi ces interstices, ces entre-deux. Et comme tout ce qui est effrayant non maîtrisé, ça invite à aller questionner cet inconnu et à se poser des questions pour essayer de comprendre la place de l'être humain aussi par rapport à... à ce sauvage qui nous entoure.

  • Speaker #1

    Donc vous n'avez pas envie d'opposer ces termes-là, finalement, le sauvage d'un côté et les êtres humains de l'autre ?

  • Speaker #2

    J'ai ce besoin parfois de cloisonner, clarifier, rentrer dans des cases, des mots pour avoir des définitions qui sont réconfortantes, qui permettent de simplifier la relation. au monde. Et quand on commence à réfléchir sur les sujets, on se rend compte que les cloisonnements sont parfois assez stériles et invitent à des raccourcis, des sortes de dogmatismes qui sont dangereux, à mon sens. Et effectivement, opposer le sauvage au domestique, on sait aujourd'hui que certains animaux sauvages sont parfois domestiqués. Quand on pense aux techniques d'agrénage pour la chasse notamment, est-ce que ce n'est pas une forme de domestication ? On sait qu'avec le réchauffement climatique par exemple, certains animaux sauvages s'invitent dans d'autres zones où ils n'étaient pas auparavant présents. Ils s'invitent aussi dans les villes. Alors comment, si on oppose le sauvage à l'être humain ou sauvage-civilisation, dans ce cas-là, la ville est un univers entièrement civilisé ? On se rend bien compte qu'il y a du sauvage et qu'on ne peut pas rentrer dans des cas ces deux termes. Effectivement, ça ouvre le champ des possibles en matière philosophique, anthropologique, artistique aussi.

  • Speaker #1

    Est-ce que ce champ des possibles pourrait être un lieu de réconciliation ?

  • Speaker #2

    En tout cas, je forme le vœu que ce soit le lieu de la réconciliation, de l'apaisement et de l'harmonie, de non-opposition. Il n'y a pas forcément une solution, il y a beaucoup de solutions, mais elles doivent être recherchées et questionnées pour mieux vivre ensemble.

  • Speaker #1

    Et vous, vous auriez des pistes que vous aimeriez explorer ?

  • Speaker #2

    Moi, je n'ai pas de solution à apporter. En revanche, ce qui peut permettre d'appréhender autrement ces aspects-là, c'est la confrontation à l'histoire. L'histoire me semble peut-être la discipline. Une des disciplines fondamentales, l'histoire, l'anthropologie, la sociologie, qui permettent le champ des comparatismes, comparatismes d'un point de vue chronologique, mais aussi des civilisations, sociétés, pour déconstruire les préjugés, les présupposés, les réponses toutes faites. Et l'histoire culturelle est, à mon avis, la discipline qui le permet. Et également la pratique artistique, qui est une des réponses que peuvent donner les artistes à ces questions, mais sous une forme parfois plus sensuelle ou sensible et moins intellectuelle. Et je pense que là, les artistes ont tout leur talent à mettre à disposition, à profit de cette réconciliation entre l'être humain et la nature. Il y a un artiste qui incarne parfaitement cette harmonie, cette réunion, cette communion entre l'être humain, les animaux, la nature. C'est Edi Dubien qui convoque dans son univers les enfants, lui-même enfant, mais chacun peut se reconnaître dans sa vision de l'enfance, dans une sorte d'égalité, de regard à égalité avec l'enfant, les animaux. avec un ton assez joyeux, avec une liberté de ton comme un enfant qui s'amuse avec les animaux, en les grimant, en les déguisant. Et là, on a une sorte de... Les animaux vus à hauteur d'enfants ou les enfants vus à hauteur d'animaux. Et on a cette rencontre sauvage entre les deux. Et ça, à mon sens, il représente parfaitement ce qu'un artiste peut exprimer de la relation sauvage. communion, cette réconciliation, qui est un terme d'ailleurs qu'Edith Dubien utilise, le terme de réconciliation, et qui résume parfaitement ce à quoi on doit tendre.

  • Speaker #0

    C'était Rencontre Sauvage avec Alice Gandin, directrice du Musée de la Chasse et de la Nature, un podcast réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Bolleré.

  • Speaker #3

    Bonjour, je suis

  • Speaker #4

    J'ai un petit problème Je suis en train de faire un petit déjeuner

  • Speaker #3

    Je suis en train de faire un petit déjeuner Merci.

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