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Rencontres sauvages

Rencontres sauvages avec Edi Dubien, artiste (S2-E9)

Rencontres sauvages avec Edi Dubien, artiste (S2-E9)

14min |05/12/2024
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Rencontres sauvages avec Edi Dubien, artiste (S2-E9)

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14min |05/12/2024
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Description

S'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. Le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre, qu'il soit une plante, un animal ou un être humain.


Dans ce nouvel épisode, Rencontres Sauvages nous invite dans l'atelier de l’artiste français Edi Dubien. À travers confidences et création, il tisse une histoire d’amitié profonde entre l’humain, l’animal et le végétal. Une ode poétique à l’harmonie, au respect et à la liberté d'être soi.


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré, dans le cadre de l'exposition "S'éclairer sans fin" consacrée à Edi Dubien, du 10 décembre 2024 au 4 mai 2025 au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris)


Photo : ©Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, 2024 – Photo Lara Al-Gubory


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre sauvage avec l'artiste Eddy Dubien, un podcast du musée de la chasse et de la nature. Eddy Dubien, comment résonnent les mots de rencontre sauvage pour vous ?

  • Speaker #1

    Tout de suite, ce qui me vient à l'idée, c'est le côté romantique. De se cacher dans une haie, d'attendre un chevreuil pour le prendre en photo, de voir des renardeaux arriver sous mon cerisier pour manger des cerises au printemps. Ce genre de choses, quelque chose de romantique. Mais tout de suite vient aussi autre chose. La rencontre sauvage, c'est la rencontre de l'autre qui peut être agressive. Et la rencontre sauvage aussi me fait plus penser à l'instinct, l'instinct de survie. Voilà, c'est ça, c'est quelque chose de sauvage. Je reste sur le mot sauvage, c'est toutes ces choses.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut parler de rencontres sauvages dans vos œuvres, que ce soit vos dessins, que ce soit vos sculptures ? Est-ce que ça pourrait justement résonner aussi avec votre art ?

  • Speaker #1

    Je pense que mon travail est une rencontre sauvage, parce que justement je fais le parallèle entre la douceur... Et la violence, la rencontre dans mon enfance de la violence par exemple, pour moi ça a été une rencontre sauvage. Et il a fallu des années à me reconstruire pour pouvoir parler d'un autre sauvage et d'une autre rencontre beaucoup plus douce, avec la nature ou le monde animal, qui est plutôt réparateur pour moi. Mon travail ne parle que de ça de toute façon, de ces ruptures, de ces rencontres, de la peur, de l'instinct de survie. C'est ça mon travail en fait. Il est toujours en question de survie, la survie des animaux, la survie d'un enfant, notre propre survie face à un monde humain de plus en plus violent et agressif, à l'encontre des êtres fragiles, quels qu'ils soient.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pourriez nous décrire un de vos dessins qui représente justement une rencontre sauvage, peut-être le dernier que vous ayez fait ?

  • Speaker #1

    J'ai le tableau qui sera au musée de la chasse, la très grande toile. Justement, il s'appelle Résistant. Donc là, on a un garçon, un jeune garçon qui regarde le ciel, accompagné d'animaux, d'écureuils, d'une chouette, d'une fouine, d'oiseaux, de papillons, etc. Et donc, c'est vraiment là la rencontre sauvage. pas forcément celle, c'est pour ça qu'il s'appelle résistant. C'est résister au monde actuel avec ces animaux dont il fait partie, de ce monde-là animal. Et c'est la résistance à un monde de brutalité envers la nature et les hommes, enfin nous, quoi. Tous les êtres humains de cette planète, on est durs avec nous-mêmes.

  • Speaker #0

    Et sur le tableau, on a l'impression qu'il y a presque une sorte de fusion entre ce jeune garçon, les animaux et les plantes aussi, puisqu'il a le corps recouvert de plantes.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Il y a une fusion. Tout ce monde animal, tout ce monde végétal fait partie de lui. On fait partie de ce monde. On a besoin de vivre en osmose avec un monde auquel on appartient. Et vous voyez bien que plus ça va, plus c'est dur, plus on se rend compte qu'on fait partie de ce monde, de ce monde réellement. Et qu'on a besoin à la fois de nous protéger, mais on peut se protéger quand on le protège. C'est notre monde.

  • Speaker #0

    Il y a une autre sensation ou sentiment qui traverse aussi vos œuvres, c'est le réconfort aussi que peut apporter cette nature, ce monde animal et végétal. Est-ce qu'on pourrait dire que vous, dans votre parcours personnel, la nature a eu cette fonction aussi de réconfort ?

  • Speaker #1

    Oui absolument, en ce qui me concerne je me suis occupé, je ne vis pas dans un domaine de 3000 hectares mais juste un hectare. C'est-à-dire, ça commence par s'occuper d'une plante, d'un arbre, de l'observer, d'y faire attention, de ne pas déranger les chevreuils quand ils sont là, de ne pas déranger un insecte. En fait, s'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. De cette façon, d'une façon très modeste, ça n'a rien à voir. Tout le monde peut le faire, c'est ça. Moi j'ai pu le faire, tout le monde peut le faire. Et le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre aussi.

  • Speaker #0

    Quel qu'il soit, qu'il ait la forme d'une plante, d'un animal ou d'un être humain.

  • Speaker #1

    Absolument, oui. C'est vraiment faire attention à l'autre, avoir de l'empathie, prendre soin. Et prendre soin, c'est prendre soin de soi. Et c'est se réparer aussi. C'est réparer le monde, c'est se réparer aussi. Il faut vraiment qu'on ait conscience. Il faut donner beaucoup d'amour à soi. Je pense que c'est là que ça se passe. Beaucoup d'amour à l'autre et beaucoup d'amour pour soi.

  • Speaker #0

    Pourquoi est-ce que vous dites que c'est votre propre histoire ?

  • Speaker #1

    C'est ma propre histoire parce que je suis parti de chez mes parents. Ma première fugue, c'était à l'âge de 12 ans. Je suis parti de chez mes parents à l'âge de 16 ans. Je me suis retrouvé dans la rue et ça a été dur. Il m'a fallu des dizaines d'années pour me reconstruire. En plus, avec un parcours où j'ai dû faire une transition pour être le garçon que je suis aujourd'hui. Aujourd'hui, même si on parle beaucoup... de queer, de tout ça. Être une personne trans, c'est quand même aussi autre chose. Et quand vous perdez tous vos amis, pratiquement tous, il y a tout le temps eu des ruptures dans ma vie. Soit avec mes parents, parce que j'ai toujours été le gars qui est là aujourd'hui, je ne me suis jamais posé de questions, j'ai toujours été le même. Alors voilà, je n'ai rien d'exceptionnel. Et quand on s'aperçoit qu'il y a un truc qui cloche et qu'il faut faire quelque chose, et que tout d'un coup on vous rejette parce que vous êtes qui vous êtes, après dans le monde de l'art ou dans la vie c'est pareil. Aujourd'hui ça ne se passe plus comme ça, mais il y a quelques années je suis rentré dans des galeries, on m'a mis dehors. Vraiment, je me suis fait insulter parce que j'ai demandé à ce qu'on me dise monsieur, etc. Bon voilà, c'est... C'est passé, mais en fait, je pense que la liberté, ça dérange les gens, ça a dérangé mes parents. D'être soi, d'être libre, d'être soi, je pense que ça dérange les gens et encore aujourd'hui. Donc, ça a été un parcours chaotique, difficile, où il a fallu des dizaines d'années à me remettre. Mais voilà, aujourd'hui, tout va bien, même si je trouve que rien n'est gagné encore.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire, Eddy Dubien, que l'art comme la nature ont été pour vous source de réconfort, peut-être même consolateur ?

  • Speaker #1

    Oui, la nature oui, c'est sûr, parce que quand j'étais enfant, que j'arrivais de Paris, où j'avais mal aux pieds dans mes chaussures neuves, que je me suis retrouvé en Auvergne, à pouvoir m'égratigner les genoux, à faire des carrioles et faire les foins. C'est merveilleux quand on a un gosse et qu'on arrive dans la ville et qu'on a une famille aimante. C'est génial. Et l'art, est-ce qu'il a été consolateur ? Je ne sais pas. Je pense que je fais ça comme respirer, comme manger, comme quelque chose à faire. Ça fait partie de moi. J'essaye de m'améliorer, d'apprendre en rencontrant d'autres artistes, d'autres œuvres que je ne connaissais pas. Et c'est mon but. Mon but c'est d'exister, j'ai tellement été bafoué, on m'a tellement raconté que j'étais tout le temps rien, toute mon enfance rien, j'en fais encore des cauchemars. Mais du coup c'est inné chez moi d'essayer de ne pas être rien, mais rien c'est déjà beaucoup comme dans la chanson, c'est déjà mieux. Mais voilà, moi c'est exister et c'est déjà formidable. d'être là, de pouvoir exposer au musée de la chasse, d'être vu. D'où je viens, pour moi, c'est fabuleux qu'on me donne la parole. On ne me l'a tellement pas donné, la parole, du coup, j'ai toujours l'impression de ne pas dire ce qu'il faut, de raconter de la connerie, mais non, non. Et donc, est-ce que c'est réparateur ? Oui, la nature, c'est sûr. Mais c'est que je me suis rendu compte qu'elle a été enfant, et elle l'est toujours aujourd'hui. Et je me rencontre aujourd'hui, de toute façon, avec le... temps et ma maturité que c'est indispensable. Ça, c'est sûr, on en fait partie. Et l'art, oui, c'est réparateur. À partir du moment où vous existez, c'est réparateur. Et si vous le faites avec joie, moi, c'est réparateur. Mais je ne le fais pas comme une réparation.

  • Speaker #0

    Je vois aussi dans vos dessins comme une forme de dialogue entre, souvent c'est un jeune garçon ou un garçon et un animal. Est-ce qu'il ne se tisse pas à travers justement ces dessins quelque chose qui est de l'ordre aussi de la communication, peut-être même de la communion, qui sait, puisqu'il y a une forme de symbiose aussi ?

  • Speaker #1

    Absolument, il y a une symbiose parce que l'animal c'est moi. Quand j'étais gosse, il y avait un chien à la maison que j'adorais, Oscar, qui a vécu les mêmes violences que moi. Donc c'était aussi moi. Et du coup, il y a eu aussi des grands moments de solitude enfant où ce chien faisait totalement partie de ma vie. Et aussi dans la nature, je me rends bien compte, cet instinct de survie qu'ont les animaux. J'ai pu aussi la voir dans des moments enfants, de peur. Quand on a peur qu'on vous tue, quand on est petit, un animal a peur aussi d'être tué quand il voit un chasseur.

  • Speaker #0

    Alors vous pouvez être quel animal ?

  • Speaker #1

    Alors ça dépend. On peut être un tigre, une panthère, un singe, un chevreuil. C'est comme dans le Kung Fu, ça dépend de la pose.

  • Speaker #0

    Quels sont les autres animaux qui peuvent apparaître dans vos dessins et dans vos sculptures ? Est-ce que vous avez un bestiaire favori ?

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai vu que j'avais trop tendance à faire des renards. Je me suis rendu compte, c'est d'un étang. Et le blaireau, c'est sûr que le bestiaire, c'est des animaux qui m'entourent, comme ceux qui sont dans la barque au musée. Ce ne sont que des animaux près de chez moi, avec qui je vis. Mais aussi, je peux parler des ours, je peux parler du loup, de tous les animaux à qui on peut les priver de leur liberté ou de leur espace vital. Tous ceux qui sont en danger, c'est-à-dire tous, presque.

  • Speaker #0

    Je repensais à cette fusion. Il y a aussi la série de dessins que vous avez, et même de sculptures, qui s'intitulent Un baiser ou Le baiser Il y a cette idée d'une rencontre aussi, d'une fusion entre un être humain et un animal.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve ça… C'est des bisous réparateurs. Non, réconciliateurs, ou non, réparateurs, ou je ne sais pas quel nom. Mais c'est des baisers tendres, de paix. Oui, c'est bien d'embrasser un chevreuil. C'est impossible à faire, sauf s'il est domestiqué. Mais oui, c'est un rêve. Tout le monde a envie de toucher un chevreuil. Quand on les voit, ils fuient. On est là comme des gosses. Regardez un chevreuil. Mais c'est beau. Et l'embrasser, ce serait la paix entre les êtres et avec nous-mêmes aussi.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous, vous embrassez les chevreuils dans vos dessins.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'embrasse les chevreuils dans mes dessins. Je mets des fleurs et des petites coccinelles sur les nez des renards. Et tout le monde est content. On essaie de réparer comme on peut.

  • Speaker #0

    C'était Rencontre Sauvage avec l'artiste Eddy Dubien pour son exposition S'éclairer sans fin. Un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polret.

Description

S'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. Le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre, qu'il soit une plante, un animal ou un être humain.


Dans ce nouvel épisode, Rencontres Sauvages nous invite dans l'atelier de l’artiste français Edi Dubien. À travers confidences et création, il tisse une histoire d’amitié profonde entre l’humain, l’animal et le végétal. Une ode poétique à l’harmonie, au respect et à la liberté d'être soi.


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré, dans le cadre de l'exposition "S'éclairer sans fin" consacrée à Edi Dubien, du 10 décembre 2024 au 4 mai 2025 au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris)


Photo : ©Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, 2024 – Photo Lara Al-Gubory


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre sauvage avec l'artiste Eddy Dubien, un podcast du musée de la chasse et de la nature. Eddy Dubien, comment résonnent les mots de rencontre sauvage pour vous ?

  • Speaker #1

    Tout de suite, ce qui me vient à l'idée, c'est le côté romantique. De se cacher dans une haie, d'attendre un chevreuil pour le prendre en photo, de voir des renardeaux arriver sous mon cerisier pour manger des cerises au printemps. Ce genre de choses, quelque chose de romantique. Mais tout de suite vient aussi autre chose. La rencontre sauvage, c'est la rencontre de l'autre qui peut être agressive. Et la rencontre sauvage aussi me fait plus penser à l'instinct, l'instinct de survie. Voilà, c'est ça, c'est quelque chose de sauvage. Je reste sur le mot sauvage, c'est toutes ces choses.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut parler de rencontres sauvages dans vos œuvres, que ce soit vos dessins, que ce soit vos sculptures ? Est-ce que ça pourrait justement résonner aussi avec votre art ?

  • Speaker #1

    Je pense que mon travail est une rencontre sauvage, parce que justement je fais le parallèle entre la douceur... Et la violence, la rencontre dans mon enfance de la violence par exemple, pour moi ça a été une rencontre sauvage. Et il a fallu des années à me reconstruire pour pouvoir parler d'un autre sauvage et d'une autre rencontre beaucoup plus douce, avec la nature ou le monde animal, qui est plutôt réparateur pour moi. Mon travail ne parle que de ça de toute façon, de ces ruptures, de ces rencontres, de la peur, de l'instinct de survie. C'est ça mon travail en fait. Il est toujours en question de survie, la survie des animaux, la survie d'un enfant, notre propre survie face à un monde humain de plus en plus violent et agressif, à l'encontre des êtres fragiles, quels qu'ils soient.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pourriez nous décrire un de vos dessins qui représente justement une rencontre sauvage, peut-être le dernier que vous ayez fait ?

  • Speaker #1

    J'ai le tableau qui sera au musée de la chasse, la très grande toile. Justement, il s'appelle Résistant. Donc là, on a un garçon, un jeune garçon qui regarde le ciel, accompagné d'animaux, d'écureuils, d'une chouette, d'une fouine, d'oiseaux, de papillons, etc. Et donc, c'est vraiment là la rencontre sauvage. pas forcément celle, c'est pour ça qu'il s'appelle résistant. C'est résister au monde actuel avec ces animaux dont il fait partie, de ce monde-là animal. Et c'est la résistance à un monde de brutalité envers la nature et les hommes, enfin nous, quoi. Tous les êtres humains de cette planète, on est durs avec nous-mêmes.

  • Speaker #0

    Et sur le tableau, on a l'impression qu'il y a presque une sorte de fusion entre ce jeune garçon, les animaux et les plantes aussi, puisqu'il a le corps recouvert de plantes.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Il y a une fusion. Tout ce monde animal, tout ce monde végétal fait partie de lui. On fait partie de ce monde. On a besoin de vivre en osmose avec un monde auquel on appartient. Et vous voyez bien que plus ça va, plus c'est dur, plus on se rend compte qu'on fait partie de ce monde, de ce monde réellement. Et qu'on a besoin à la fois de nous protéger, mais on peut se protéger quand on le protège. C'est notre monde.

  • Speaker #0

    Il y a une autre sensation ou sentiment qui traverse aussi vos œuvres, c'est le réconfort aussi que peut apporter cette nature, ce monde animal et végétal. Est-ce qu'on pourrait dire que vous, dans votre parcours personnel, la nature a eu cette fonction aussi de réconfort ?

  • Speaker #1

    Oui absolument, en ce qui me concerne je me suis occupé, je ne vis pas dans un domaine de 3000 hectares mais juste un hectare. C'est-à-dire, ça commence par s'occuper d'une plante, d'un arbre, de l'observer, d'y faire attention, de ne pas déranger les chevreuils quand ils sont là, de ne pas déranger un insecte. En fait, s'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. De cette façon, d'une façon très modeste, ça n'a rien à voir. Tout le monde peut le faire, c'est ça. Moi j'ai pu le faire, tout le monde peut le faire. Et le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre aussi.

  • Speaker #0

    Quel qu'il soit, qu'il ait la forme d'une plante, d'un animal ou d'un être humain.

  • Speaker #1

    Absolument, oui. C'est vraiment faire attention à l'autre, avoir de l'empathie, prendre soin. Et prendre soin, c'est prendre soin de soi. Et c'est se réparer aussi. C'est réparer le monde, c'est se réparer aussi. Il faut vraiment qu'on ait conscience. Il faut donner beaucoup d'amour à soi. Je pense que c'est là que ça se passe. Beaucoup d'amour à l'autre et beaucoup d'amour pour soi.

  • Speaker #0

    Pourquoi est-ce que vous dites que c'est votre propre histoire ?

  • Speaker #1

    C'est ma propre histoire parce que je suis parti de chez mes parents. Ma première fugue, c'était à l'âge de 12 ans. Je suis parti de chez mes parents à l'âge de 16 ans. Je me suis retrouvé dans la rue et ça a été dur. Il m'a fallu des dizaines d'années pour me reconstruire. En plus, avec un parcours où j'ai dû faire une transition pour être le garçon que je suis aujourd'hui. Aujourd'hui, même si on parle beaucoup... de queer, de tout ça. Être une personne trans, c'est quand même aussi autre chose. Et quand vous perdez tous vos amis, pratiquement tous, il y a tout le temps eu des ruptures dans ma vie. Soit avec mes parents, parce que j'ai toujours été le gars qui est là aujourd'hui, je ne me suis jamais posé de questions, j'ai toujours été le même. Alors voilà, je n'ai rien d'exceptionnel. Et quand on s'aperçoit qu'il y a un truc qui cloche et qu'il faut faire quelque chose, et que tout d'un coup on vous rejette parce que vous êtes qui vous êtes, après dans le monde de l'art ou dans la vie c'est pareil. Aujourd'hui ça ne se passe plus comme ça, mais il y a quelques années je suis rentré dans des galeries, on m'a mis dehors. Vraiment, je me suis fait insulter parce que j'ai demandé à ce qu'on me dise monsieur, etc. Bon voilà, c'est... C'est passé, mais en fait, je pense que la liberté, ça dérange les gens, ça a dérangé mes parents. D'être soi, d'être libre, d'être soi, je pense que ça dérange les gens et encore aujourd'hui. Donc, ça a été un parcours chaotique, difficile, où il a fallu des dizaines d'années à me remettre. Mais voilà, aujourd'hui, tout va bien, même si je trouve que rien n'est gagné encore.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire, Eddy Dubien, que l'art comme la nature ont été pour vous source de réconfort, peut-être même consolateur ?

  • Speaker #1

    Oui, la nature oui, c'est sûr, parce que quand j'étais enfant, que j'arrivais de Paris, où j'avais mal aux pieds dans mes chaussures neuves, que je me suis retrouvé en Auvergne, à pouvoir m'égratigner les genoux, à faire des carrioles et faire les foins. C'est merveilleux quand on a un gosse et qu'on arrive dans la ville et qu'on a une famille aimante. C'est génial. Et l'art, est-ce qu'il a été consolateur ? Je ne sais pas. Je pense que je fais ça comme respirer, comme manger, comme quelque chose à faire. Ça fait partie de moi. J'essaye de m'améliorer, d'apprendre en rencontrant d'autres artistes, d'autres œuvres que je ne connaissais pas. Et c'est mon but. Mon but c'est d'exister, j'ai tellement été bafoué, on m'a tellement raconté que j'étais tout le temps rien, toute mon enfance rien, j'en fais encore des cauchemars. Mais du coup c'est inné chez moi d'essayer de ne pas être rien, mais rien c'est déjà beaucoup comme dans la chanson, c'est déjà mieux. Mais voilà, moi c'est exister et c'est déjà formidable. d'être là, de pouvoir exposer au musée de la chasse, d'être vu. D'où je viens, pour moi, c'est fabuleux qu'on me donne la parole. On ne me l'a tellement pas donné, la parole, du coup, j'ai toujours l'impression de ne pas dire ce qu'il faut, de raconter de la connerie, mais non, non. Et donc, est-ce que c'est réparateur ? Oui, la nature, c'est sûr. Mais c'est que je me suis rendu compte qu'elle a été enfant, et elle l'est toujours aujourd'hui. Et je me rencontre aujourd'hui, de toute façon, avec le... temps et ma maturité que c'est indispensable. Ça, c'est sûr, on en fait partie. Et l'art, oui, c'est réparateur. À partir du moment où vous existez, c'est réparateur. Et si vous le faites avec joie, moi, c'est réparateur. Mais je ne le fais pas comme une réparation.

  • Speaker #0

    Je vois aussi dans vos dessins comme une forme de dialogue entre, souvent c'est un jeune garçon ou un garçon et un animal. Est-ce qu'il ne se tisse pas à travers justement ces dessins quelque chose qui est de l'ordre aussi de la communication, peut-être même de la communion, qui sait, puisqu'il y a une forme de symbiose aussi ?

  • Speaker #1

    Absolument, il y a une symbiose parce que l'animal c'est moi. Quand j'étais gosse, il y avait un chien à la maison que j'adorais, Oscar, qui a vécu les mêmes violences que moi. Donc c'était aussi moi. Et du coup, il y a eu aussi des grands moments de solitude enfant où ce chien faisait totalement partie de ma vie. Et aussi dans la nature, je me rends bien compte, cet instinct de survie qu'ont les animaux. J'ai pu aussi la voir dans des moments enfants, de peur. Quand on a peur qu'on vous tue, quand on est petit, un animal a peur aussi d'être tué quand il voit un chasseur.

  • Speaker #0

    Alors vous pouvez être quel animal ?

  • Speaker #1

    Alors ça dépend. On peut être un tigre, une panthère, un singe, un chevreuil. C'est comme dans le Kung Fu, ça dépend de la pose.

  • Speaker #0

    Quels sont les autres animaux qui peuvent apparaître dans vos dessins et dans vos sculptures ? Est-ce que vous avez un bestiaire favori ?

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai vu que j'avais trop tendance à faire des renards. Je me suis rendu compte, c'est d'un étang. Et le blaireau, c'est sûr que le bestiaire, c'est des animaux qui m'entourent, comme ceux qui sont dans la barque au musée. Ce ne sont que des animaux près de chez moi, avec qui je vis. Mais aussi, je peux parler des ours, je peux parler du loup, de tous les animaux à qui on peut les priver de leur liberté ou de leur espace vital. Tous ceux qui sont en danger, c'est-à-dire tous, presque.

  • Speaker #0

    Je repensais à cette fusion. Il y a aussi la série de dessins que vous avez, et même de sculptures, qui s'intitulent Un baiser ou Le baiser Il y a cette idée d'une rencontre aussi, d'une fusion entre un être humain et un animal.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve ça… C'est des bisous réparateurs. Non, réconciliateurs, ou non, réparateurs, ou je ne sais pas quel nom. Mais c'est des baisers tendres, de paix. Oui, c'est bien d'embrasser un chevreuil. C'est impossible à faire, sauf s'il est domestiqué. Mais oui, c'est un rêve. Tout le monde a envie de toucher un chevreuil. Quand on les voit, ils fuient. On est là comme des gosses. Regardez un chevreuil. Mais c'est beau. Et l'embrasser, ce serait la paix entre les êtres et avec nous-mêmes aussi.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous, vous embrassez les chevreuils dans vos dessins.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'embrasse les chevreuils dans mes dessins. Je mets des fleurs et des petites coccinelles sur les nez des renards. Et tout le monde est content. On essaie de réparer comme on peut.

  • Speaker #0

    C'était Rencontre Sauvage avec l'artiste Eddy Dubien pour son exposition S'éclairer sans fin. Un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polret.

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Description

S'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. Le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre, qu'il soit une plante, un animal ou un être humain.


Dans ce nouvel épisode, Rencontres Sauvages nous invite dans l'atelier de l’artiste français Edi Dubien. À travers confidences et création, il tisse une histoire d’amitié profonde entre l’humain, l’animal et le végétal. Une ode poétique à l’harmonie, au respect et à la liberté d'être soi.


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré, dans le cadre de l'exposition "S'éclairer sans fin" consacrée à Edi Dubien, du 10 décembre 2024 au 4 mai 2025 au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris)


Photo : ©Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, 2024 – Photo Lara Al-Gubory


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre sauvage avec l'artiste Eddy Dubien, un podcast du musée de la chasse et de la nature. Eddy Dubien, comment résonnent les mots de rencontre sauvage pour vous ?

  • Speaker #1

    Tout de suite, ce qui me vient à l'idée, c'est le côté romantique. De se cacher dans une haie, d'attendre un chevreuil pour le prendre en photo, de voir des renardeaux arriver sous mon cerisier pour manger des cerises au printemps. Ce genre de choses, quelque chose de romantique. Mais tout de suite vient aussi autre chose. La rencontre sauvage, c'est la rencontre de l'autre qui peut être agressive. Et la rencontre sauvage aussi me fait plus penser à l'instinct, l'instinct de survie. Voilà, c'est ça, c'est quelque chose de sauvage. Je reste sur le mot sauvage, c'est toutes ces choses.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut parler de rencontres sauvages dans vos œuvres, que ce soit vos dessins, que ce soit vos sculptures ? Est-ce que ça pourrait justement résonner aussi avec votre art ?

  • Speaker #1

    Je pense que mon travail est une rencontre sauvage, parce que justement je fais le parallèle entre la douceur... Et la violence, la rencontre dans mon enfance de la violence par exemple, pour moi ça a été une rencontre sauvage. Et il a fallu des années à me reconstruire pour pouvoir parler d'un autre sauvage et d'une autre rencontre beaucoup plus douce, avec la nature ou le monde animal, qui est plutôt réparateur pour moi. Mon travail ne parle que de ça de toute façon, de ces ruptures, de ces rencontres, de la peur, de l'instinct de survie. C'est ça mon travail en fait. Il est toujours en question de survie, la survie des animaux, la survie d'un enfant, notre propre survie face à un monde humain de plus en plus violent et agressif, à l'encontre des êtres fragiles, quels qu'ils soient.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pourriez nous décrire un de vos dessins qui représente justement une rencontre sauvage, peut-être le dernier que vous ayez fait ?

  • Speaker #1

    J'ai le tableau qui sera au musée de la chasse, la très grande toile. Justement, il s'appelle Résistant. Donc là, on a un garçon, un jeune garçon qui regarde le ciel, accompagné d'animaux, d'écureuils, d'une chouette, d'une fouine, d'oiseaux, de papillons, etc. Et donc, c'est vraiment là la rencontre sauvage. pas forcément celle, c'est pour ça qu'il s'appelle résistant. C'est résister au monde actuel avec ces animaux dont il fait partie, de ce monde-là animal. Et c'est la résistance à un monde de brutalité envers la nature et les hommes, enfin nous, quoi. Tous les êtres humains de cette planète, on est durs avec nous-mêmes.

  • Speaker #0

    Et sur le tableau, on a l'impression qu'il y a presque une sorte de fusion entre ce jeune garçon, les animaux et les plantes aussi, puisqu'il a le corps recouvert de plantes.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Il y a une fusion. Tout ce monde animal, tout ce monde végétal fait partie de lui. On fait partie de ce monde. On a besoin de vivre en osmose avec un monde auquel on appartient. Et vous voyez bien que plus ça va, plus c'est dur, plus on se rend compte qu'on fait partie de ce monde, de ce monde réellement. Et qu'on a besoin à la fois de nous protéger, mais on peut se protéger quand on le protège. C'est notre monde.

  • Speaker #0

    Il y a une autre sensation ou sentiment qui traverse aussi vos œuvres, c'est le réconfort aussi que peut apporter cette nature, ce monde animal et végétal. Est-ce qu'on pourrait dire que vous, dans votre parcours personnel, la nature a eu cette fonction aussi de réconfort ?

  • Speaker #1

    Oui absolument, en ce qui me concerne je me suis occupé, je ne vis pas dans un domaine de 3000 hectares mais juste un hectare. C'est-à-dire, ça commence par s'occuper d'une plante, d'un arbre, de l'observer, d'y faire attention, de ne pas déranger les chevreuils quand ils sont là, de ne pas déranger un insecte. En fait, s'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. De cette façon, d'une façon très modeste, ça n'a rien à voir. Tout le monde peut le faire, c'est ça. Moi j'ai pu le faire, tout le monde peut le faire. Et le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre aussi.

  • Speaker #0

    Quel qu'il soit, qu'il ait la forme d'une plante, d'un animal ou d'un être humain.

  • Speaker #1

    Absolument, oui. C'est vraiment faire attention à l'autre, avoir de l'empathie, prendre soin. Et prendre soin, c'est prendre soin de soi. Et c'est se réparer aussi. C'est réparer le monde, c'est se réparer aussi. Il faut vraiment qu'on ait conscience. Il faut donner beaucoup d'amour à soi. Je pense que c'est là que ça se passe. Beaucoup d'amour à l'autre et beaucoup d'amour pour soi.

  • Speaker #0

    Pourquoi est-ce que vous dites que c'est votre propre histoire ?

  • Speaker #1

    C'est ma propre histoire parce que je suis parti de chez mes parents. Ma première fugue, c'était à l'âge de 12 ans. Je suis parti de chez mes parents à l'âge de 16 ans. Je me suis retrouvé dans la rue et ça a été dur. Il m'a fallu des dizaines d'années pour me reconstruire. En plus, avec un parcours où j'ai dû faire une transition pour être le garçon que je suis aujourd'hui. Aujourd'hui, même si on parle beaucoup... de queer, de tout ça. Être une personne trans, c'est quand même aussi autre chose. Et quand vous perdez tous vos amis, pratiquement tous, il y a tout le temps eu des ruptures dans ma vie. Soit avec mes parents, parce que j'ai toujours été le gars qui est là aujourd'hui, je ne me suis jamais posé de questions, j'ai toujours été le même. Alors voilà, je n'ai rien d'exceptionnel. Et quand on s'aperçoit qu'il y a un truc qui cloche et qu'il faut faire quelque chose, et que tout d'un coup on vous rejette parce que vous êtes qui vous êtes, après dans le monde de l'art ou dans la vie c'est pareil. Aujourd'hui ça ne se passe plus comme ça, mais il y a quelques années je suis rentré dans des galeries, on m'a mis dehors. Vraiment, je me suis fait insulter parce que j'ai demandé à ce qu'on me dise monsieur, etc. Bon voilà, c'est... C'est passé, mais en fait, je pense que la liberté, ça dérange les gens, ça a dérangé mes parents. D'être soi, d'être libre, d'être soi, je pense que ça dérange les gens et encore aujourd'hui. Donc, ça a été un parcours chaotique, difficile, où il a fallu des dizaines d'années à me remettre. Mais voilà, aujourd'hui, tout va bien, même si je trouve que rien n'est gagné encore.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire, Eddy Dubien, que l'art comme la nature ont été pour vous source de réconfort, peut-être même consolateur ?

  • Speaker #1

    Oui, la nature oui, c'est sûr, parce que quand j'étais enfant, que j'arrivais de Paris, où j'avais mal aux pieds dans mes chaussures neuves, que je me suis retrouvé en Auvergne, à pouvoir m'égratigner les genoux, à faire des carrioles et faire les foins. C'est merveilleux quand on a un gosse et qu'on arrive dans la ville et qu'on a une famille aimante. C'est génial. Et l'art, est-ce qu'il a été consolateur ? Je ne sais pas. Je pense que je fais ça comme respirer, comme manger, comme quelque chose à faire. Ça fait partie de moi. J'essaye de m'améliorer, d'apprendre en rencontrant d'autres artistes, d'autres œuvres que je ne connaissais pas. Et c'est mon but. Mon but c'est d'exister, j'ai tellement été bafoué, on m'a tellement raconté que j'étais tout le temps rien, toute mon enfance rien, j'en fais encore des cauchemars. Mais du coup c'est inné chez moi d'essayer de ne pas être rien, mais rien c'est déjà beaucoup comme dans la chanson, c'est déjà mieux. Mais voilà, moi c'est exister et c'est déjà formidable. d'être là, de pouvoir exposer au musée de la chasse, d'être vu. D'où je viens, pour moi, c'est fabuleux qu'on me donne la parole. On ne me l'a tellement pas donné, la parole, du coup, j'ai toujours l'impression de ne pas dire ce qu'il faut, de raconter de la connerie, mais non, non. Et donc, est-ce que c'est réparateur ? Oui, la nature, c'est sûr. Mais c'est que je me suis rendu compte qu'elle a été enfant, et elle l'est toujours aujourd'hui. Et je me rencontre aujourd'hui, de toute façon, avec le... temps et ma maturité que c'est indispensable. Ça, c'est sûr, on en fait partie. Et l'art, oui, c'est réparateur. À partir du moment où vous existez, c'est réparateur. Et si vous le faites avec joie, moi, c'est réparateur. Mais je ne le fais pas comme une réparation.

  • Speaker #0

    Je vois aussi dans vos dessins comme une forme de dialogue entre, souvent c'est un jeune garçon ou un garçon et un animal. Est-ce qu'il ne se tisse pas à travers justement ces dessins quelque chose qui est de l'ordre aussi de la communication, peut-être même de la communion, qui sait, puisqu'il y a une forme de symbiose aussi ?

  • Speaker #1

    Absolument, il y a une symbiose parce que l'animal c'est moi. Quand j'étais gosse, il y avait un chien à la maison que j'adorais, Oscar, qui a vécu les mêmes violences que moi. Donc c'était aussi moi. Et du coup, il y a eu aussi des grands moments de solitude enfant où ce chien faisait totalement partie de ma vie. Et aussi dans la nature, je me rends bien compte, cet instinct de survie qu'ont les animaux. J'ai pu aussi la voir dans des moments enfants, de peur. Quand on a peur qu'on vous tue, quand on est petit, un animal a peur aussi d'être tué quand il voit un chasseur.

  • Speaker #0

    Alors vous pouvez être quel animal ?

  • Speaker #1

    Alors ça dépend. On peut être un tigre, une panthère, un singe, un chevreuil. C'est comme dans le Kung Fu, ça dépend de la pose.

  • Speaker #0

    Quels sont les autres animaux qui peuvent apparaître dans vos dessins et dans vos sculptures ? Est-ce que vous avez un bestiaire favori ?

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai vu que j'avais trop tendance à faire des renards. Je me suis rendu compte, c'est d'un étang. Et le blaireau, c'est sûr que le bestiaire, c'est des animaux qui m'entourent, comme ceux qui sont dans la barque au musée. Ce ne sont que des animaux près de chez moi, avec qui je vis. Mais aussi, je peux parler des ours, je peux parler du loup, de tous les animaux à qui on peut les priver de leur liberté ou de leur espace vital. Tous ceux qui sont en danger, c'est-à-dire tous, presque.

  • Speaker #0

    Je repensais à cette fusion. Il y a aussi la série de dessins que vous avez, et même de sculptures, qui s'intitulent Un baiser ou Le baiser Il y a cette idée d'une rencontre aussi, d'une fusion entre un être humain et un animal.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve ça… C'est des bisous réparateurs. Non, réconciliateurs, ou non, réparateurs, ou je ne sais pas quel nom. Mais c'est des baisers tendres, de paix. Oui, c'est bien d'embrasser un chevreuil. C'est impossible à faire, sauf s'il est domestiqué. Mais oui, c'est un rêve. Tout le monde a envie de toucher un chevreuil. Quand on les voit, ils fuient. On est là comme des gosses. Regardez un chevreuil. Mais c'est beau. Et l'embrasser, ce serait la paix entre les êtres et avec nous-mêmes aussi.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous, vous embrassez les chevreuils dans vos dessins.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'embrasse les chevreuils dans mes dessins. Je mets des fleurs et des petites coccinelles sur les nez des renards. Et tout le monde est content. On essaie de réparer comme on peut.

  • Speaker #0

    C'était Rencontre Sauvage avec l'artiste Eddy Dubien pour son exposition S'éclairer sans fin. Un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polret.

Description

S'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. Le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre, qu'il soit une plante, un animal ou un être humain.


Dans ce nouvel épisode, Rencontres Sauvages nous invite dans l'atelier de l’artiste français Edi Dubien. À travers confidences et création, il tisse une histoire d’amitié profonde entre l’humain, l’animal et le végétal. Une ode poétique à l’harmonie, au respect et à la liberté d'être soi.


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré, dans le cadre de l'exposition "S'éclairer sans fin" consacrée à Edi Dubien, du 10 décembre 2024 au 4 mai 2025 au Musée de la Chasse et de la Nature (Paris)


Photo : ©Musée de la Chasse et de la Nature, Paris, 2024 – Photo Lara Al-Gubory


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontre sauvage avec l'artiste Eddy Dubien, un podcast du musée de la chasse et de la nature. Eddy Dubien, comment résonnent les mots de rencontre sauvage pour vous ?

  • Speaker #1

    Tout de suite, ce qui me vient à l'idée, c'est le côté romantique. De se cacher dans une haie, d'attendre un chevreuil pour le prendre en photo, de voir des renardeaux arriver sous mon cerisier pour manger des cerises au printemps. Ce genre de choses, quelque chose de romantique. Mais tout de suite vient aussi autre chose. La rencontre sauvage, c'est la rencontre de l'autre qui peut être agressive. Et la rencontre sauvage aussi me fait plus penser à l'instinct, l'instinct de survie. Voilà, c'est ça, c'est quelque chose de sauvage. Je reste sur le mot sauvage, c'est toutes ces choses.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut parler de rencontres sauvages dans vos œuvres, que ce soit vos dessins, que ce soit vos sculptures ? Est-ce que ça pourrait justement résonner aussi avec votre art ?

  • Speaker #1

    Je pense que mon travail est une rencontre sauvage, parce que justement je fais le parallèle entre la douceur... Et la violence, la rencontre dans mon enfance de la violence par exemple, pour moi ça a été une rencontre sauvage. Et il a fallu des années à me reconstruire pour pouvoir parler d'un autre sauvage et d'une autre rencontre beaucoup plus douce, avec la nature ou le monde animal, qui est plutôt réparateur pour moi. Mon travail ne parle que de ça de toute façon, de ces ruptures, de ces rencontres, de la peur, de l'instinct de survie. C'est ça mon travail en fait. Il est toujours en question de survie, la survie des animaux, la survie d'un enfant, notre propre survie face à un monde humain de plus en plus violent et agressif, à l'encontre des êtres fragiles, quels qu'ils soient.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous pourriez nous décrire un de vos dessins qui représente justement une rencontre sauvage, peut-être le dernier que vous ayez fait ?

  • Speaker #1

    J'ai le tableau qui sera au musée de la chasse, la très grande toile. Justement, il s'appelle Résistant. Donc là, on a un garçon, un jeune garçon qui regarde le ciel, accompagné d'animaux, d'écureuils, d'une chouette, d'une fouine, d'oiseaux, de papillons, etc. Et donc, c'est vraiment là la rencontre sauvage. pas forcément celle, c'est pour ça qu'il s'appelle résistant. C'est résister au monde actuel avec ces animaux dont il fait partie, de ce monde-là animal. Et c'est la résistance à un monde de brutalité envers la nature et les hommes, enfin nous, quoi. Tous les êtres humains de cette planète, on est durs avec nous-mêmes.

  • Speaker #0

    Et sur le tableau, on a l'impression qu'il y a presque une sorte de fusion entre ce jeune garçon, les animaux et les plantes aussi, puisqu'il a le corps recouvert de plantes.

  • Speaker #1

    Oui, absolument. Il y a une fusion. Tout ce monde animal, tout ce monde végétal fait partie de lui. On fait partie de ce monde. On a besoin de vivre en osmose avec un monde auquel on appartient. Et vous voyez bien que plus ça va, plus c'est dur, plus on se rend compte qu'on fait partie de ce monde, de ce monde réellement. Et qu'on a besoin à la fois de nous protéger, mais on peut se protéger quand on le protège. C'est notre monde.

  • Speaker #0

    Il y a une autre sensation ou sentiment qui traverse aussi vos œuvres, c'est le réconfort aussi que peut apporter cette nature, ce monde animal et végétal. Est-ce qu'on pourrait dire que vous, dans votre parcours personnel, la nature a eu cette fonction aussi de réconfort ?

  • Speaker #1

    Oui absolument, en ce qui me concerne je me suis occupé, je ne vis pas dans un domaine de 3000 hectares mais juste un hectare. C'est-à-dire, ça commence par s'occuper d'une plante, d'un arbre, de l'observer, d'y faire attention, de ne pas déranger les chevreuils quand ils sont là, de ne pas déranger un insecte. En fait, s'occuper de la nature, c'est s'occuper de soi. Et j'ai pu m'occuper de moi en prenant soin d'elle. De cette façon, d'une façon très modeste, ça n'a rien à voir. Tout le monde peut le faire, c'est ça. Moi j'ai pu le faire, tout le monde peut le faire. Et le meilleur antidépresseur, c'est vraiment s'occuper de l'autre aussi.

  • Speaker #0

    Quel qu'il soit, qu'il ait la forme d'une plante, d'un animal ou d'un être humain.

  • Speaker #1

    Absolument, oui. C'est vraiment faire attention à l'autre, avoir de l'empathie, prendre soin. Et prendre soin, c'est prendre soin de soi. Et c'est se réparer aussi. C'est réparer le monde, c'est se réparer aussi. Il faut vraiment qu'on ait conscience. Il faut donner beaucoup d'amour à soi. Je pense que c'est là que ça se passe. Beaucoup d'amour à l'autre et beaucoup d'amour pour soi.

  • Speaker #0

    Pourquoi est-ce que vous dites que c'est votre propre histoire ?

  • Speaker #1

    C'est ma propre histoire parce que je suis parti de chez mes parents. Ma première fugue, c'était à l'âge de 12 ans. Je suis parti de chez mes parents à l'âge de 16 ans. Je me suis retrouvé dans la rue et ça a été dur. Il m'a fallu des dizaines d'années pour me reconstruire. En plus, avec un parcours où j'ai dû faire une transition pour être le garçon que je suis aujourd'hui. Aujourd'hui, même si on parle beaucoup... de queer, de tout ça. Être une personne trans, c'est quand même aussi autre chose. Et quand vous perdez tous vos amis, pratiquement tous, il y a tout le temps eu des ruptures dans ma vie. Soit avec mes parents, parce que j'ai toujours été le gars qui est là aujourd'hui, je ne me suis jamais posé de questions, j'ai toujours été le même. Alors voilà, je n'ai rien d'exceptionnel. Et quand on s'aperçoit qu'il y a un truc qui cloche et qu'il faut faire quelque chose, et que tout d'un coup on vous rejette parce que vous êtes qui vous êtes, après dans le monde de l'art ou dans la vie c'est pareil. Aujourd'hui ça ne se passe plus comme ça, mais il y a quelques années je suis rentré dans des galeries, on m'a mis dehors. Vraiment, je me suis fait insulter parce que j'ai demandé à ce qu'on me dise monsieur, etc. Bon voilà, c'est... C'est passé, mais en fait, je pense que la liberté, ça dérange les gens, ça a dérangé mes parents. D'être soi, d'être libre, d'être soi, je pense que ça dérange les gens et encore aujourd'hui. Donc, ça a été un parcours chaotique, difficile, où il a fallu des dizaines d'années à me remettre. Mais voilà, aujourd'hui, tout va bien, même si je trouve que rien n'est gagné encore.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'on peut dire, Eddy Dubien, que l'art comme la nature ont été pour vous source de réconfort, peut-être même consolateur ?

  • Speaker #1

    Oui, la nature oui, c'est sûr, parce que quand j'étais enfant, que j'arrivais de Paris, où j'avais mal aux pieds dans mes chaussures neuves, que je me suis retrouvé en Auvergne, à pouvoir m'égratigner les genoux, à faire des carrioles et faire les foins. C'est merveilleux quand on a un gosse et qu'on arrive dans la ville et qu'on a une famille aimante. C'est génial. Et l'art, est-ce qu'il a été consolateur ? Je ne sais pas. Je pense que je fais ça comme respirer, comme manger, comme quelque chose à faire. Ça fait partie de moi. J'essaye de m'améliorer, d'apprendre en rencontrant d'autres artistes, d'autres œuvres que je ne connaissais pas. Et c'est mon but. Mon but c'est d'exister, j'ai tellement été bafoué, on m'a tellement raconté que j'étais tout le temps rien, toute mon enfance rien, j'en fais encore des cauchemars. Mais du coup c'est inné chez moi d'essayer de ne pas être rien, mais rien c'est déjà beaucoup comme dans la chanson, c'est déjà mieux. Mais voilà, moi c'est exister et c'est déjà formidable. d'être là, de pouvoir exposer au musée de la chasse, d'être vu. D'où je viens, pour moi, c'est fabuleux qu'on me donne la parole. On ne me l'a tellement pas donné, la parole, du coup, j'ai toujours l'impression de ne pas dire ce qu'il faut, de raconter de la connerie, mais non, non. Et donc, est-ce que c'est réparateur ? Oui, la nature, c'est sûr. Mais c'est que je me suis rendu compte qu'elle a été enfant, et elle l'est toujours aujourd'hui. Et je me rencontre aujourd'hui, de toute façon, avec le... temps et ma maturité que c'est indispensable. Ça, c'est sûr, on en fait partie. Et l'art, oui, c'est réparateur. À partir du moment où vous existez, c'est réparateur. Et si vous le faites avec joie, moi, c'est réparateur. Mais je ne le fais pas comme une réparation.

  • Speaker #0

    Je vois aussi dans vos dessins comme une forme de dialogue entre, souvent c'est un jeune garçon ou un garçon et un animal. Est-ce qu'il ne se tisse pas à travers justement ces dessins quelque chose qui est de l'ordre aussi de la communication, peut-être même de la communion, qui sait, puisqu'il y a une forme de symbiose aussi ?

  • Speaker #1

    Absolument, il y a une symbiose parce que l'animal c'est moi. Quand j'étais gosse, il y avait un chien à la maison que j'adorais, Oscar, qui a vécu les mêmes violences que moi. Donc c'était aussi moi. Et du coup, il y a eu aussi des grands moments de solitude enfant où ce chien faisait totalement partie de ma vie. Et aussi dans la nature, je me rends bien compte, cet instinct de survie qu'ont les animaux. J'ai pu aussi la voir dans des moments enfants, de peur. Quand on a peur qu'on vous tue, quand on est petit, un animal a peur aussi d'être tué quand il voit un chasseur.

  • Speaker #0

    Alors vous pouvez être quel animal ?

  • Speaker #1

    Alors ça dépend. On peut être un tigre, une panthère, un singe, un chevreuil. C'est comme dans le Kung Fu, ça dépend de la pose.

  • Speaker #0

    Quels sont les autres animaux qui peuvent apparaître dans vos dessins et dans vos sculptures ? Est-ce que vous avez un bestiaire favori ?

  • Speaker #1

    Oui, alors j'ai vu que j'avais trop tendance à faire des renards. Je me suis rendu compte, c'est d'un étang. Et le blaireau, c'est sûr que le bestiaire, c'est des animaux qui m'entourent, comme ceux qui sont dans la barque au musée. Ce ne sont que des animaux près de chez moi, avec qui je vis. Mais aussi, je peux parler des ours, je peux parler du loup, de tous les animaux à qui on peut les priver de leur liberté ou de leur espace vital. Tous ceux qui sont en danger, c'est-à-dire tous, presque.

  • Speaker #0

    Je repensais à cette fusion. Il y a aussi la série de dessins que vous avez, et même de sculptures, qui s'intitulent Un baiser ou Le baiser Il y a cette idée d'une rencontre aussi, d'une fusion entre un être humain et un animal.

  • Speaker #1

    Oui, je trouve ça… C'est des bisous réparateurs. Non, réconciliateurs, ou non, réparateurs, ou je ne sais pas quel nom. Mais c'est des baisers tendres, de paix. Oui, c'est bien d'embrasser un chevreuil. C'est impossible à faire, sauf s'il est domestiqué. Mais oui, c'est un rêve. Tout le monde a envie de toucher un chevreuil. Quand on les voit, ils fuient. On est là comme des gosses. Regardez un chevreuil. Mais c'est beau. Et l'embrasser, ce serait la paix entre les êtres et avec nous-mêmes aussi.

  • Speaker #0

    En tout cas, vous, vous embrassez les chevreuils dans vos dessins.

  • Speaker #1

    Oui, alors j'embrasse les chevreuils dans mes dessins. Je mets des fleurs et des petites coccinelles sur les nez des renards. Et tout le monde est content. On essaie de réparer comme on peut.

  • Speaker #0

    C'était Rencontre Sauvage avec l'artiste Eddy Dubien pour son exposition S'éclairer sans fin. Un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polret.

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