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Rencontres sauvages avec Anouk Lejczyk, auteure et apprentie forestière (S2-E10) cover
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Rencontres sauvages

Rencontres sauvages avec Anouk Lejczyk, auteure et apprentie forestière (S2-E10)

Rencontres sauvages avec Anouk Lejczyk, auteure et apprentie forestière (S2-E10)

11min |17/12/2024
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Description

"La forêt est un lieu de production, de biodiversité, mais aussi d'imaginaires et de rencontres."


"Rencontres Sauvages" nous invite à découvrir la relation unique d'Anouk Lejzic avec la forêt, où écriture et apprentissage sylvestre se croisent. Anouk Lejczyk, écrivaine née dans la plaine bressane au début des années 90, tisse son univers littéraire à partir de ses explorations des forêts. Formée au bûcheronnage, elle allie réflexion et pratique, obtenant un brevet professionnel agricole en travaux forestiers. "Savoir d’où vient le bois, comme pour tout ce que nous consommons, c’est une manière de se reconnecter avec notre milieu de vie", affirme-t-elle. Son livre Copeaux de bois explore (Les éditions du Panseur, 2023)  ce lien profond, mêlant sociologie, techniques forestières et réflexion sur nos usages. Une rencontre inspirante pour penser autrement notre rapport à la forêt


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré.


Photo : ©Sebastien Souchon


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontres sauvages, un podcast du musée de la chasse et de la nature avec Anouk Lejzic, écrivaine et apprentie forestière. Anouk Lejzic, qu'est-ce que les termes de rencontres sauvages évoquent pour vous ?

  • Speaker #1

    Rencontres sauvages, je dirais que ça évoque pour moi un peu de méfiance. méfiance pour les deux mots et pour les imaginaires qu'ils sous-tendent. Sauvage déjà est un mot très chargé, chargé de notre histoire coloniale notamment. Il vient de la forêt mais ça s'est transformé en chose qui n'est pas ou être qui n'est pas civilisé et on l'a attribué à des humains de manière très négative. Donc quand j'entends sauvage, je ne peux pas m'empêcher de penser à ça aussi, à ce mythe du bon sauvage qui a plutôt fait du mal à notre humanité. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, dans ce sauvage, il y a encore quelque chose de l'ordre du mythe qu'on rejoue, comme malgré nous. Quelque chose de l'ordre peut-être de la consommation ou d'un rapport un peu touristique à ce qui nous échappe. J'ai l'impression que dans notre cadre de rencontre sauvage, on va consommer les dernières miettes de ce qu'on n'a pas encore détruit ou pas encore contaminé. C'est ça qui m'inquiète un peu dans ce sauvage qu'on réutilise aujourd'hui sans en voir la séparation qu'il rejoue. Et dans le mot rencontre, il y a ça aussi, j'ai l'impression que ça sous-tend une sorte d'émerveillement, de moment fort, alors que j'ai l'impression que ces rencontres qu'on nomme comme ça sont souvent des non-rencontres, des moments un peu loupés où on se fait fuir entre nous, entre les animaux et nous, ou alors on projette quelque chose sur tel arbre qu'on va enlacer alors que tout vient de nous. Moi, plutôt que rencontre sauvage, peut-être que je préférerais cohabitation sylvestre, qui me paraît plus proche, plus ensemble, plus dans une quête de connaissances de l'autre, mais plus quotidienne et moins dans l'exceptionnel.

  • Speaker #0

    Oui, parce que vous avez un rapport, je dirais, particulier à la forêt. On pourrait parler d'attachement. Je ne sais pas d'ailleurs quel serait le bon mot pour parler de la forêt, qui est un endroit où vous aimez aller, où vous avez étudié aussi et sur lequel vous écrivez beaucoup.

  • Speaker #1

    Ah oui, si je rejette un peu le mot sauvage, je ne rejette pas du tout la forêt en soi. J'ai un attachement fort, c'est vrai, qui me vient un peu de l'enfance, mais pas spécialement. J'ai grandi à la campagne, mais ce n'est pas une éducation sylvestre spécifique. Ce n'était pas un endroit où j'allais plus qu'un autre dans la forêt. Par contre, ce qui a été initiatique pour moi du point de vue sylvestre, ça a été un séjour en Amazonie ou au Pérou où j'ai passé environ six mois. Et en fait, oui, ça a été une initiation forte et sans doute anti-sauvage, dans le sens où j'étais avec des gens, avec une famille qui vivait dans un village au milieu de la forêt et qui vivait dans, avec la forêt. L'endroit, le jardin cultivé, la chakra, c'était juste un endroit défriché. On faisait pousser d'autres choses et les gens chassaient, pêchaient. Et la forêt n'était pas un lieu déconnecté dans lequel on se rendait spécifiquement, c'était avec. En fait, moi c'est comme ça que j'ai connu la forêt, avec tous les usages des arbres aussi, médicinaux, comestibles. Et donc je suis rentrée en France avec cet acquis-là, que la forêt était un milieu avec lequel on habitait. Alors depuis, je vis à Paris, donc bien sûr que c'est un endroit séparé. Pour autant, en rentrant, je cherchais à retrouver les peuples des forêts, parce que j'avais vécu avec des peuples des forêts, que ce soit humains ou non-humains. Et oui, j'ai écrit un premier livre qui se passe en forêt. Donc c'est une histoire plutôt intimiste, familiale, mais ça parle aussi d'une communauté militante dans une forêt occupée. Et pour moi, ils font partie de nos peuples des forêts contemporains. Et après ça, le fait d'écrire sur les forêts m'a aussi fait me documenter plus et plus concrètement sur le fonctionnement de nos forêts en France. Et ça m'a ouvert plein de questions concernant la gestion des forêts. Ça m'a poussée à me former. en bûcheronnage, parce que c'était la formation disponible à ce moment-là dans ma région. Et en faisant ça, j'allais à la fois mieux apprendre des choses sur les forêts, mais aussi rencontrer un autre peuple des forêts, qui est le peuple des travailleurs et des travailleuses. Et en fait, ce sont eux, je crois, aujourd'hui, qui passent le plus de temps dans nos forêts, et qui les connaissent le plus, et qu'on incrimine peut-être le plus aussi, parce que ce sont eux qui programment les coupes, qui les effectuent, ce sont eux qui chassent. Et ces personnes sont l'objet de débats très passionnés, pour lesquels d'ailleurs ils ont peu la parole ou mal la parole. Et donc voilà, dans mon attachement en forêt, il y a aussi l'attachement à nous en tant qu'humains qui faisons avec, et de multiples façons. Et donc je dirais que ma quête sylvestre va dans ce sens-là. Comment on fait avec les forêts ? Comment on vit avec ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dans votre livre Copo de bois qui est sous-titré Carnet d'une apprentie bûcheronne il y a autant votre regard sur les arbres, sur les plantes, les végétaux, que vos conversations que vous avez avec, que ce soit vos professeurs ou alors les apprentis bûcherons qui sont là avec vous.

  • Speaker #1

    Oui, tout cet aspect-là. plus sociologique, plus trivial, plus quotidien aussi, est important pour moi parce que c'est vraiment ce qui compose notre façon d'être dans les bois aussi. Et on parle souvent des trois objectifs de la forêt, ou comme dit mon formateur dans mon livre, nous, on a trois objectifs avec la forêt. Il y a la production de bois, il y a la réserve de vie, biodiversité, et il y a l'aspect social aussi. C'est un lieu de loisirs, c'est un lieu de rencontres. un lieu qui continue d'alimenter nos imaginaires aussi. Et voilà, j'ai essayé d'en faire parler les trois dans mon livre.

  • Speaker #0

    Un des outils que l'on trouve tout au long de votre livre, Copo de bois, c'est aussi la tronçonneuse. Parce que vous parlez d'attachement à la forêt, mais cette formation est une formation qui vous apprend à couper les arbres. Et d'ailleurs, dans les premières pages de votre livre, votre formateur vous dit tout de suite que vous êtes là pour couper des arbres, même si vous aimez la forêt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un objet très dangereux, donc l'apprentissage passe d'abord par là, par savoir comment ne pas se tuer en deux secondes, ce qui est une bonne base, pour ensuite apprendre à bien abattre un arbre, c'est-à-dire déjà bien le choisir et l'envoyer au bon endroit, c'est-à-dire en faisant le moins de casse possible autour, envers les arbres à côté, mais aussi envers les nouvelles pousses qu'on veut peut-être privilégier. Dans cet apprentissage de l'abattage, c'est aussi tout ça, c'est ce qui entoure l'arbre qu'on va abattre. Et encore une fois, c'est une attention très accrue à l'environnement de l'arbre. Pour moi, apprendre à abattre, ce n'était pas quelque chose que j'avais vraiment préfiguré, je ne m'étais pas projetée en tant que bûcheronne, en tant qu'abatteuse d'arbres, mais j'étais contente de le faire parce que c'est l'acte le plus difficile, le plus musclé, on va dire aussi, vis-à-vis d'autres travaux forestiers. Donc là, je sais que maintenant que je sais abattre, je sais faire. plein d'autres choses et la formation est un peu complète. En tant que consommatrice de bois, que ce soit mon bureau, que ce soit les livres, que ce soit de temps en temps des cheminées que je fréquente et que j'adore, il me paraissait important de comprendre simplement d'où vient ce bois et d'être capable de moi-même passer par l'acte de destruction. Ça, ce n'est pas applicable dans tous les champs de la vie. Je pense que ça peut être applicable au niveau de la consommation de la viande aussi. Je n'ai pas à passer mon permis de chasse. Mais la chasse est quelque chose qui m'intéresse de près et dont le débat actuel m'agace, me contrarie, parce que je trouve qu'il y a une grande hypocrisie à consommer de la viande et à ne pas être capable de voir d'où elle vient, qu'il y a un acte de tuer derrière et qu'on a le droit de refuser. Par contre, quand on consomme de la viande, je pense que la moindre des choses, c'est de l'accepter et d'être capable de le voir. Moi, pour le papier, pour le bois... C'est un peu la même chose. Je pense qu'il faudrait être capable de ça dans tous les domaines de la vie, pour notre consommation alimentaire, pour notre consommation d'eau. Je pense qu'on devrait être capable de voir, de concevoir d'où les choses viennent. Ce serait peut-être une manière de se reconnecter un peu avec notre milieu de vie et de se réconcilier avec, et ensuite d'être capable de moins le détruire. Parce que savoir le faire, ça ne veut pas dire le faire à foison ou le faire mal. Au contraire, c'est savoir aussi quelle charge ça nous envoie. Ce n'est pas rien d'abattre un arbre ou un animal, mais par contre, savoir pourquoi on le fait et le faire bien, je pense que c'est une voie de conciliation.

  • Speaker #0

    Anouk Lejzic, finalement, cette formation de bûcheronne va vous mener vers quoi ? Est-ce que vous allez continuer votre apprentissage de bûcheronne, le pratiquer en même temps que vous pratiquez l'écriture, bien sûr ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression de toujours être en train de continuer mon apprentissage, que ce soit par des formations, des MOOC en ligne sur tel ou tel sujet, ou en me promenant en forêt et en continuant d'essayer d'identifier les arbres, ou en allant au cours des brevets grand gibier ici au musée de la chasse et de la nature. Je continue, pas en autodidacte parce qu'il y a aussi des gens qui m'enseignent, mais en tout cas, à part moi-même, j'essaye d'alimenter ça. Après, j'envisage aussi de faire une vraie formation en gestion forestière. pour avoir d'autres aspects, plus techniques, même plus mathématiques, voir comment je me sens aussi vis-à-vis de ces outils-là. Donc je ne sais pas à quel point ça deviendra mon métier effectif. Moi, j'ai dans l'idée que la littérature et la forêt continuent de se croiser dans ma vie. De toute façon, il ne pourrait pas en être autrement. L'un alimente l'autre sans cesse. Et oui, j'ai à cœur de continuer d'être un pont, peut-être, entre les deux, et de côtoyer des forestiers et des forestières et de leur... parler aussi littérature ou moi en étant une écrivaine de leur montrer que je suis quelqu'un comme tout le monde et à l'inverse d'amener la forêt dans mes livres et dans toute sa complexité

  • Speaker #0

    C'était la rencontre sauvage d'Anouk Lejzik, dont le dernier livre Copeau de bois, carnet d'une apprentie bûcheronne est sorti aux éditions du Penseur, un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polré.

Description

"La forêt est un lieu de production, de biodiversité, mais aussi d'imaginaires et de rencontres."


"Rencontres Sauvages" nous invite à découvrir la relation unique d'Anouk Lejzic avec la forêt, où écriture et apprentissage sylvestre se croisent. Anouk Lejczyk, écrivaine née dans la plaine bressane au début des années 90, tisse son univers littéraire à partir de ses explorations des forêts. Formée au bûcheronnage, elle allie réflexion et pratique, obtenant un brevet professionnel agricole en travaux forestiers. "Savoir d’où vient le bois, comme pour tout ce que nous consommons, c’est une manière de se reconnecter avec notre milieu de vie", affirme-t-elle. Son livre Copeaux de bois explore (Les éditions du Panseur, 2023)  ce lien profond, mêlant sociologie, techniques forestières et réflexion sur nos usages. Une rencontre inspirante pour penser autrement notre rapport à la forêt


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré.


Photo : ©Sebastien Souchon


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontres sauvages, un podcast du musée de la chasse et de la nature avec Anouk Lejzic, écrivaine et apprentie forestière. Anouk Lejzic, qu'est-ce que les termes de rencontres sauvages évoquent pour vous ?

  • Speaker #1

    Rencontres sauvages, je dirais que ça évoque pour moi un peu de méfiance. méfiance pour les deux mots et pour les imaginaires qu'ils sous-tendent. Sauvage déjà est un mot très chargé, chargé de notre histoire coloniale notamment. Il vient de la forêt mais ça s'est transformé en chose qui n'est pas ou être qui n'est pas civilisé et on l'a attribué à des humains de manière très négative. Donc quand j'entends sauvage, je ne peux pas m'empêcher de penser à ça aussi, à ce mythe du bon sauvage qui a plutôt fait du mal à notre humanité. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, dans ce sauvage, il y a encore quelque chose de l'ordre du mythe qu'on rejoue, comme malgré nous. Quelque chose de l'ordre peut-être de la consommation ou d'un rapport un peu touristique à ce qui nous échappe. J'ai l'impression que dans notre cadre de rencontre sauvage, on va consommer les dernières miettes de ce qu'on n'a pas encore détruit ou pas encore contaminé. C'est ça qui m'inquiète un peu dans ce sauvage qu'on réutilise aujourd'hui sans en voir la séparation qu'il rejoue. Et dans le mot rencontre, il y a ça aussi, j'ai l'impression que ça sous-tend une sorte d'émerveillement, de moment fort, alors que j'ai l'impression que ces rencontres qu'on nomme comme ça sont souvent des non-rencontres, des moments un peu loupés où on se fait fuir entre nous, entre les animaux et nous, ou alors on projette quelque chose sur tel arbre qu'on va enlacer alors que tout vient de nous. Moi, plutôt que rencontre sauvage, peut-être que je préférerais cohabitation sylvestre, qui me paraît plus proche, plus ensemble, plus dans une quête de connaissances de l'autre, mais plus quotidienne et moins dans l'exceptionnel.

  • Speaker #0

    Oui, parce que vous avez un rapport, je dirais, particulier à la forêt. On pourrait parler d'attachement. Je ne sais pas d'ailleurs quel serait le bon mot pour parler de la forêt, qui est un endroit où vous aimez aller, où vous avez étudié aussi et sur lequel vous écrivez beaucoup.

  • Speaker #1

    Ah oui, si je rejette un peu le mot sauvage, je ne rejette pas du tout la forêt en soi. J'ai un attachement fort, c'est vrai, qui me vient un peu de l'enfance, mais pas spécialement. J'ai grandi à la campagne, mais ce n'est pas une éducation sylvestre spécifique. Ce n'était pas un endroit où j'allais plus qu'un autre dans la forêt. Par contre, ce qui a été initiatique pour moi du point de vue sylvestre, ça a été un séjour en Amazonie ou au Pérou où j'ai passé environ six mois. Et en fait, oui, ça a été une initiation forte et sans doute anti-sauvage, dans le sens où j'étais avec des gens, avec une famille qui vivait dans un village au milieu de la forêt et qui vivait dans, avec la forêt. L'endroit, le jardin cultivé, la chakra, c'était juste un endroit défriché. On faisait pousser d'autres choses et les gens chassaient, pêchaient. Et la forêt n'était pas un lieu déconnecté dans lequel on se rendait spécifiquement, c'était avec. En fait, moi c'est comme ça que j'ai connu la forêt, avec tous les usages des arbres aussi, médicinaux, comestibles. Et donc je suis rentrée en France avec cet acquis-là, que la forêt était un milieu avec lequel on habitait. Alors depuis, je vis à Paris, donc bien sûr que c'est un endroit séparé. Pour autant, en rentrant, je cherchais à retrouver les peuples des forêts, parce que j'avais vécu avec des peuples des forêts, que ce soit humains ou non-humains. Et oui, j'ai écrit un premier livre qui se passe en forêt. Donc c'est une histoire plutôt intimiste, familiale, mais ça parle aussi d'une communauté militante dans une forêt occupée. Et pour moi, ils font partie de nos peuples des forêts contemporains. Et après ça, le fait d'écrire sur les forêts m'a aussi fait me documenter plus et plus concrètement sur le fonctionnement de nos forêts en France. Et ça m'a ouvert plein de questions concernant la gestion des forêts. Ça m'a poussée à me former. en bûcheronnage, parce que c'était la formation disponible à ce moment-là dans ma région. Et en faisant ça, j'allais à la fois mieux apprendre des choses sur les forêts, mais aussi rencontrer un autre peuple des forêts, qui est le peuple des travailleurs et des travailleuses. Et en fait, ce sont eux, je crois, aujourd'hui, qui passent le plus de temps dans nos forêts, et qui les connaissent le plus, et qu'on incrimine peut-être le plus aussi, parce que ce sont eux qui programment les coupes, qui les effectuent, ce sont eux qui chassent. Et ces personnes sont l'objet de débats très passionnés, pour lesquels d'ailleurs ils ont peu la parole ou mal la parole. Et donc voilà, dans mon attachement en forêt, il y a aussi l'attachement à nous en tant qu'humains qui faisons avec, et de multiples façons. Et donc je dirais que ma quête sylvestre va dans ce sens-là. Comment on fait avec les forêts ? Comment on vit avec ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dans votre livre Copo de bois qui est sous-titré Carnet d'une apprentie bûcheronne il y a autant votre regard sur les arbres, sur les plantes, les végétaux, que vos conversations que vous avez avec, que ce soit vos professeurs ou alors les apprentis bûcherons qui sont là avec vous.

  • Speaker #1

    Oui, tout cet aspect-là. plus sociologique, plus trivial, plus quotidien aussi, est important pour moi parce que c'est vraiment ce qui compose notre façon d'être dans les bois aussi. Et on parle souvent des trois objectifs de la forêt, ou comme dit mon formateur dans mon livre, nous, on a trois objectifs avec la forêt. Il y a la production de bois, il y a la réserve de vie, biodiversité, et il y a l'aspect social aussi. C'est un lieu de loisirs, c'est un lieu de rencontres. un lieu qui continue d'alimenter nos imaginaires aussi. Et voilà, j'ai essayé d'en faire parler les trois dans mon livre.

  • Speaker #0

    Un des outils que l'on trouve tout au long de votre livre, Copo de bois, c'est aussi la tronçonneuse. Parce que vous parlez d'attachement à la forêt, mais cette formation est une formation qui vous apprend à couper les arbres. Et d'ailleurs, dans les premières pages de votre livre, votre formateur vous dit tout de suite que vous êtes là pour couper des arbres, même si vous aimez la forêt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un objet très dangereux, donc l'apprentissage passe d'abord par là, par savoir comment ne pas se tuer en deux secondes, ce qui est une bonne base, pour ensuite apprendre à bien abattre un arbre, c'est-à-dire déjà bien le choisir et l'envoyer au bon endroit, c'est-à-dire en faisant le moins de casse possible autour, envers les arbres à côté, mais aussi envers les nouvelles pousses qu'on veut peut-être privilégier. Dans cet apprentissage de l'abattage, c'est aussi tout ça, c'est ce qui entoure l'arbre qu'on va abattre. Et encore une fois, c'est une attention très accrue à l'environnement de l'arbre. Pour moi, apprendre à abattre, ce n'était pas quelque chose que j'avais vraiment préfiguré, je ne m'étais pas projetée en tant que bûcheronne, en tant qu'abatteuse d'arbres, mais j'étais contente de le faire parce que c'est l'acte le plus difficile, le plus musclé, on va dire aussi, vis-à-vis d'autres travaux forestiers. Donc là, je sais que maintenant que je sais abattre, je sais faire. plein d'autres choses et la formation est un peu complète. En tant que consommatrice de bois, que ce soit mon bureau, que ce soit les livres, que ce soit de temps en temps des cheminées que je fréquente et que j'adore, il me paraissait important de comprendre simplement d'où vient ce bois et d'être capable de moi-même passer par l'acte de destruction. Ça, ce n'est pas applicable dans tous les champs de la vie. Je pense que ça peut être applicable au niveau de la consommation de la viande aussi. Je n'ai pas à passer mon permis de chasse. Mais la chasse est quelque chose qui m'intéresse de près et dont le débat actuel m'agace, me contrarie, parce que je trouve qu'il y a une grande hypocrisie à consommer de la viande et à ne pas être capable de voir d'où elle vient, qu'il y a un acte de tuer derrière et qu'on a le droit de refuser. Par contre, quand on consomme de la viande, je pense que la moindre des choses, c'est de l'accepter et d'être capable de le voir. Moi, pour le papier, pour le bois... C'est un peu la même chose. Je pense qu'il faudrait être capable de ça dans tous les domaines de la vie, pour notre consommation alimentaire, pour notre consommation d'eau. Je pense qu'on devrait être capable de voir, de concevoir d'où les choses viennent. Ce serait peut-être une manière de se reconnecter un peu avec notre milieu de vie et de se réconcilier avec, et ensuite d'être capable de moins le détruire. Parce que savoir le faire, ça ne veut pas dire le faire à foison ou le faire mal. Au contraire, c'est savoir aussi quelle charge ça nous envoie. Ce n'est pas rien d'abattre un arbre ou un animal, mais par contre, savoir pourquoi on le fait et le faire bien, je pense que c'est une voie de conciliation.

  • Speaker #0

    Anouk Lejzic, finalement, cette formation de bûcheronne va vous mener vers quoi ? Est-ce que vous allez continuer votre apprentissage de bûcheronne, le pratiquer en même temps que vous pratiquez l'écriture, bien sûr ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression de toujours être en train de continuer mon apprentissage, que ce soit par des formations, des MOOC en ligne sur tel ou tel sujet, ou en me promenant en forêt et en continuant d'essayer d'identifier les arbres, ou en allant au cours des brevets grand gibier ici au musée de la chasse et de la nature. Je continue, pas en autodidacte parce qu'il y a aussi des gens qui m'enseignent, mais en tout cas, à part moi-même, j'essaye d'alimenter ça. Après, j'envisage aussi de faire une vraie formation en gestion forestière. pour avoir d'autres aspects, plus techniques, même plus mathématiques, voir comment je me sens aussi vis-à-vis de ces outils-là. Donc je ne sais pas à quel point ça deviendra mon métier effectif. Moi, j'ai dans l'idée que la littérature et la forêt continuent de se croiser dans ma vie. De toute façon, il ne pourrait pas en être autrement. L'un alimente l'autre sans cesse. Et oui, j'ai à cœur de continuer d'être un pont, peut-être, entre les deux, et de côtoyer des forestiers et des forestières et de leur... parler aussi littérature ou moi en étant une écrivaine de leur montrer que je suis quelqu'un comme tout le monde et à l'inverse d'amener la forêt dans mes livres et dans toute sa complexité

  • Speaker #0

    C'était la rencontre sauvage d'Anouk Lejzik, dont le dernier livre Copeau de bois, carnet d'une apprentie bûcheronne est sorti aux éditions du Penseur, un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polré.

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"La forêt est un lieu de production, de biodiversité, mais aussi d'imaginaires et de rencontres."


"Rencontres Sauvages" nous invite à découvrir la relation unique d'Anouk Lejzic avec la forêt, où écriture et apprentissage sylvestre se croisent. Anouk Lejczyk, écrivaine née dans la plaine bressane au début des années 90, tisse son univers littéraire à partir de ses explorations des forêts. Formée au bûcheronnage, elle allie réflexion et pratique, obtenant un brevet professionnel agricole en travaux forestiers. "Savoir d’où vient le bois, comme pour tout ce que nous consommons, c’est une manière de se reconnecter avec notre milieu de vie", affirme-t-elle. Son livre Copeaux de bois explore (Les éditions du Panseur, 2023)  ce lien profond, mêlant sociologie, techniques forestières et réflexion sur nos usages. Une rencontre inspirante pour penser autrement notre rapport à la forêt


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré.


Photo : ©Sebastien Souchon


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontres sauvages, un podcast du musée de la chasse et de la nature avec Anouk Lejzic, écrivaine et apprentie forestière. Anouk Lejzic, qu'est-ce que les termes de rencontres sauvages évoquent pour vous ?

  • Speaker #1

    Rencontres sauvages, je dirais que ça évoque pour moi un peu de méfiance. méfiance pour les deux mots et pour les imaginaires qu'ils sous-tendent. Sauvage déjà est un mot très chargé, chargé de notre histoire coloniale notamment. Il vient de la forêt mais ça s'est transformé en chose qui n'est pas ou être qui n'est pas civilisé et on l'a attribué à des humains de manière très négative. Donc quand j'entends sauvage, je ne peux pas m'empêcher de penser à ça aussi, à ce mythe du bon sauvage qui a plutôt fait du mal à notre humanité. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, dans ce sauvage, il y a encore quelque chose de l'ordre du mythe qu'on rejoue, comme malgré nous. Quelque chose de l'ordre peut-être de la consommation ou d'un rapport un peu touristique à ce qui nous échappe. J'ai l'impression que dans notre cadre de rencontre sauvage, on va consommer les dernières miettes de ce qu'on n'a pas encore détruit ou pas encore contaminé. C'est ça qui m'inquiète un peu dans ce sauvage qu'on réutilise aujourd'hui sans en voir la séparation qu'il rejoue. Et dans le mot rencontre, il y a ça aussi, j'ai l'impression que ça sous-tend une sorte d'émerveillement, de moment fort, alors que j'ai l'impression que ces rencontres qu'on nomme comme ça sont souvent des non-rencontres, des moments un peu loupés où on se fait fuir entre nous, entre les animaux et nous, ou alors on projette quelque chose sur tel arbre qu'on va enlacer alors que tout vient de nous. Moi, plutôt que rencontre sauvage, peut-être que je préférerais cohabitation sylvestre, qui me paraît plus proche, plus ensemble, plus dans une quête de connaissances de l'autre, mais plus quotidienne et moins dans l'exceptionnel.

  • Speaker #0

    Oui, parce que vous avez un rapport, je dirais, particulier à la forêt. On pourrait parler d'attachement. Je ne sais pas d'ailleurs quel serait le bon mot pour parler de la forêt, qui est un endroit où vous aimez aller, où vous avez étudié aussi et sur lequel vous écrivez beaucoup.

  • Speaker #1

    Ah oui, si je rejette un peu le mot sauvage, je ne rejette pas du tout la forêt en soi. J'ai un attachement fort, c'est vrai, qui me vient un peu de l'enfance, mais pas spécialement. J'ai grandi à la campagne, mais ce n'est pas une éducation sylvestre spécifique. Ce n'était pas un endroit où j'allais plus qu'un autre dans la forêt. Par contre, ce qui a été initiatique pour moi du point de vue sylvestre, ça a été un séjour en Amazonie ou au Pérou où j'ai passé environ six mois. Et en fait, oui, ça a été une initiation forte et sans doute anti-sauvage, dans le sens où j'étais avec des gens, avec une famille qui vivait dans un village au milieu de la forêt et qui vivait dans, avec la forêt. L'endroit, le jardin cultivé, la chakra, c'était juste un endroit défriché. On faisait pousser d'autres choses et les gens chassaient, pêchaient. Et la forêt n'était pas un lieu déconnecté dans lequel on se rendait spécifiquement, c'était avec. En fait, moi c'est comme ça que j'ai connu la forêt, avec tous les usages des arbres aussi, médicinaux, comestibles. Et donc je suis rentrée en France avec cet acquis-là, que la forêt était un milieu avec lequel on habitait. Alors depuis, je vis à Paris, donc bien sûr que c'est un endroit séparé. Pour autant, en rentrant, je cherchais à retrouver les peuples des forêts, parce que j'avais vécu avec des peuples des forêts, que ce soit humains ou non-humains. Et oui, j'ai écrit un premier livre qui se passe en forêt. Donc c'est une histoire plutôt intimiste, familiale, mais ça parle aussi d'une communauté militante dans une forêt occupée. Et pour moi, ils font partie de nos peuples des forêts contemporains. Et après ça, le fait d'écrire sur les forêts m'a aussi fait me documenter plus et plus concrètement sur le fonctionnement de nos forêts en France. Et ça m'a ouvert plein de questions concernant la gestion des forêts. Ça m'a poussée à me former. en bûcheronnage, parce que c'était la formation disponible à ce moment-là dans ma région. Et en faisant ça, j'allais à la fois mieux apprendre des choses sur les forêts, mais aussi rencontrer un autre peuple des forêts, qui est le peuple des travailleurs et des travailleuses. Et en fait, ce sont eux, je crois, aujourd'hui, qui passent le plus de temps dans nos forêts, et qui les connaissent le plus, et qu'on incrimine peut-être le plus aussi, parce que ce sont eux qui programment les coupes, qui les effectuent, ce sont eux qui chassent. Et ces personnes sont l'objet de débats très passionnés, pour lesquels d'ailleurs ils ont peu la parole ou mal la parole. Et donc voilà, dans mon attachement en forêt, il y a aussi l'attachement à nous en tant qu'humains qui faisons avec, et de multiples façons. Et donc je dirais que ma quête sylvestre va dans ce sens-là. Comment on fait avec les forêts ? Comment on vit avec ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dans votre livre Copo de bois qui est sous-titré Carnet d'une apprentie bûcheronne il y a autant votre regard sur les arbres, sur les plantes, les végétaux, que vos conversations que vous avez avec, que ce soit vos professeurs ou alors les apprentis bûcherons qui sont là avec vous.

  • Speaker #1

    Oui, tout cet aspect-là. plus sociologique, plus trivial, plus quotidien aussi, est important pour moi parce que c'est vraiment ce qui compose notre façon d'être dans les bois aussi. Et on parle souvent des trois objectifs de la forêt, ou comme dit mon formateur dans mon livre, nous, on a trois objectifs avec la forêt. Il y a la production de bois, il y a la réserve de vie, biodiversité, et il y a l'aspect social aussi. C'est un lieu de loisirs, c'est un lieu de rencontres. un lieu qui continue d'alimenter nos imaginaires aussi. Et voilà, j'ai essayé d'en faire parler les trois dans mon livre.

  • Speaker #0

    Un des outils que l'on trouve tout au long de votre livre, Copo de bois, c'est aussi la tronçonneuse. Parce que vous parlez d'attachement à la forêt, mais cette formation est une formation qui vous apprend à couper les arbres. Et d'ailleurs, dans les premières pages de votre livre, votre formateur vous dit tout de suite que vous êtes là pour couper des arbres, même si vous aimez la forêt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un objet très dangereux, donc l'apprentissage passe d'abord par là, par savoir comment ne pas se tuer en deux secondes, ce qui est une bonne base, pour ensuite apprendre à bien abattre un arbre, c'est-à-dire déjà bien le choisir et l'envoyer au bon endroit, c'est-à-dire en faisant le moins de casse possible autour, envers les arbres à côté, mais aussi envers les nouvelles pousses qu'on veut peut-être privilégier. Dans cet apprentissage de l'abattage, c'est aussi tout ça, c'est ce qui entoure l'arbre qu'on va abattre. Et encore une fois, c'est une attention très accrue à l'environnement de l'arbre. Pour moi, apprendre à abattre, ce n'était pas quelque chose que j'avais vraiment préfiguré, je ne m'étais pas projetée en tant que bûcheronne, en tant qu'abatteuse d'arbres, mais j'étais contente de le faire parce que c'est l'acte le plus difficile, le plus musclé, on va dire aussi, vis-à-vis d'autres travaux forestiers. Donc là, je sais que maintenant que je sais abattre, je sais faire. plein d'autres choses et la formation est un peu complète. En tant que consommatrice de bois, que ce soit mon bureau, que ce soit les livres, que ce soit de temps en temps des cheminées que je fréquente et que j'adore, il me paraissait important de comprendre simplement d'où vient ce bois et d'être capable de moi-même passer par l'acte de destruction. Ça, ce n'est pas applicable dans tous les champs de la vie. Je pense que ça peut être applicable au niveau de la consommation de la viande aussi. Je n'ai pas à passer mon permis de chasse. Mais la chasse est quelque chose qui m'intéresse de près et dont le débat actuel m'agace, me contrarie, parce que je trouve qu'il y a une grande hypocrisie à consommer de la viande et à ne pas être capable de voir d'où elle vient, qu'il y a un acte de tuer derrière et qu'on a le droit de refuser. Par contre, quand on consomme de la viande, je pense que la moindre des choses, c'est de l'accepter et d'être capable de le voir. Moi, pour le papier, pour le bois... C'est un peu la même chose. Je pense qu'il faudrait être capable de ça dans tous les domaines de la vie, pour notre consommation alimentaire, pour notre consommation d'eau. Je pense qu'on devrait être capable de voir, de concevoir d'où les choses viennent. Ce serait peut-être une manière de se reconnecter un peu avec notre milieu de vie et de se réconcilier avec, et ensuite d'être capable de moins le détruire. Parce que savoir le faire, ça ne veut pas dire le faire à foison ou le faire mal. Au contraire, c'est savoir aussi quelle charge ça nous envoie. Ce n'est pas rien d'abattre un arbre ou un animal, mais par contre, savoir pourquoi on le fait et le faire bien, je pense que c'est une voie de conciliation.

  • Speaker #0

    Anouk Lejzic, finalement, cette formation de bûcheronne va vous mener vers quoi ? Est-ce que vous allez continuer votre apprentissage de bûcheronne, le pratiquer en même temps que vous pratiquez l'écriture, bien sûr ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression de toujours être en train de continuer mon apprentissage, que ce soit par des formations, des MOOC en ligne sur tel ou tel sujet, ou en me promenant en forêt et en continuant d'essayer d'identifier les arbres, ou en allant au cours des brevets grand gibier ici au musée de la chasse et de la nature. Je continue, pas en autodidacte parce qu'il y a aussi des gens qui m'enseignent, mais en tout cas, à part moi-même, j'essaye d'alimenter ça. Après, j'envisage aussi de faire une vraie formation en gestion forestière. pour avoir d'autres aspects, plus techniques, même plus mathématiques, voir comment je me sens aussi vis-à-vis de ces outils-là. Donc je ne sais pas à quel point ça deviendra mon métier effectif. Moi, j'ai dans l'idée que la littérature et la forêt continuent de se croiser dans ma vie. De toute façon, il ne pourrait pas en être autrement. L'un alimente l'autre sans cesse. Et oui, j'ai à cœur de continuer d'être un pont, peut-être, entre les deux, et de côtoyer des forestiers et des forestières et de leur... parler aussi littérature ou moi en étant une écrivaine de leur montrer que je suis quelqu'un comme tout le monde et à l'inverse d'amener la forêt dans mes livres et dans toute sa complexité

  • Speaker #0

    C'était la rencontre sauvage d'Anouk Lejzik, dont le dernier livre Copeau de bois, carnet d'une apprentie bûcheronne est sorti aux éditions du Penseur, un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polré.

Description

"La forêt est un lieu de production, de biodiversité, mais aussi d'imaginaires et de rencontres."


"Rencontres Sauvages" nous invite à découvrir la relation unique d'Anouk Lejzic avec la forêt, où écriture et apprentissage sylvestre se croisent. Anouk Lejczyk, écrivaine née dans la plaine bressane au début des années 90, tisse son univers littéraire à partir de ses explorations des forêts. Formée au bûcheronnage, elle allie réflexion et pratique, obtenant un brevet professionnel agricole en travaux forestiers. "Savoir d’où vient le bois, comme pour tout ce que nous consommons, c’est une manière de se reconnecter avec notre milieu de vie", affirme-t-elle. Son livre Copeaux de bois explore (Les éditions du Panseur, 2023)  ce lien profond, mêlant sociologie, techniques forestières et réflexion sur nos usages. Une rencontre inspirante pour penser autrement notre rapport à la forêt


Réalisé par Céline du Chéné et Laurent Paulré.


Photo : ©Sebastien Souchon


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Rencontres sauvages, un podcast du musée de la chasse et de la nature avec Anouk Lejzic, écrivaine et apprentie forestière. Anouk Lejzic, qu'est-ce que les termes de rencontres sauvages évoquent pour vous ?

  • Speaker #1

    Rencontres sauvages, je dirais que ça évoque pour moi un peu de méfiance. méfiance pour les deux mots et pour les imaginaires qu'ils sous-tendent. Sauvage déjà est un mot très chargé, chargé de notre histoire coloniale notamment. Il vient de la forêt mais ça s'est transformé en chose qui n'est pas ou être qui n'est pas civilisé et on l'a attribué à des humains de manière très négative. Donc quand j'entends sauvage, je ne peux pas m'empêcher de penser à ça aussi, à ce mythe du bon sauvage qui a plutôt fait du mal à notre humanité. J'ai l'impression qu'aujourd'hui, dans ce sauvage, il y a encore quelque chose de l'ordre du mythe qu'on rejoue, comme malgré nous. Quelque chose de l'ordre peut-être de la consommation ou d'un rapport un peu touristique à ce qui nous échappe. J'ai l'impression que dans notre cadre de rencontre sauvage, on va consommer les dernières miettes de ce qu'on n'a pas encore détruit ou pas encore contaminé. C'est ça qui m'inquiète un peu dans ce sauvage qu'on réutilise aujourd'hui sans en voir la séparation qu'il rejoue. Et dans le mot rencontre, il y a ça aussi, j'ai l'impression que ça sous-tend une sorte d'émerveillement, de moment fort, alors que j'ai l'impression que ces rencontres qu'on nomme comme ça sont souvent des non-rencontres, des moments un peu loupés où on se fait fuir entre nous, entre les animaux et nous, ou alors on projette quelque chose sur tel arbre qu'on va enlacer alors que tout vient de nous. Moi, plutôt que rencontre sauvage, peut-être que je préférerais cohabitation sylvestre, qui me paraît plus proche, plus ensemble, plus dans une quête de connaissances de l'autre, mais plus quotidienne et moins dans l'exceptionnel.

  • Speaker #0

    Oui, parce que vous avez un rapport, je dirais, particulier à la forêt. On pourrait parler d'attachement. Je ne sais pas d'ailleurs quel serait le bon mot pour parler de la forêt, qui est un endroit où vous aimez aller, où vous avez étudié aussi et sur lequel vous écrivez beaucoup.

  • Speaker #1

    Ah oui, si je rejette un peu le mot sauvage, je ne rejette pas du tout la forêt en soi. J'ai un attachement fort, c'est vrai, qui me vient un peu de l'enfance, mais pas spécialement. J'ai grandi à la campagne, mais ce n'est pas une éducation sylvestre spécifique. Ce n'était pas un endroit où j'allais plus qu'un autre dans la forêt. Par contre, ce qui a été initiatique pour moi du point de vue sylvestre, ça a été un séjour en Amazonie ou au Pérou où j'ai passé environ six mois. Et en fait, oui, ça a été une initiation forte et sans doute anti-sauvage, dans le sens où j'étais avec des gens, avec une famille qui vivait dans un village au milieu de la forêt et qui vivait dans, avec la forêt. L'endroit, le jardin cultivé, la chakra, c'était juste un endroit défriché. On faisait pousser d'autres choses et les gens chassaient, pêchaient. Et la forêt n'était pas un lieu déconnecté dans lequel on se rendait spécifiquement, c'était avec. En fait, moi c'est comme ça que j'ai connu la forêt, avec tous les usages des arbres aussi, médicinaux, comestibles. Et donc je suis rentrée en France avec cet acquis-là, que la forêt était un milieu avec lequel on habitait. Alors depuis, je vis à Paris, donc bien sûr que c'est un endroit séparé. Pour autant, en rentrant, je cherchais à retrouver les peuples des forêts, parce que j'avais vécu avec des peuples des forêts, que ce soit humains ou non-humains. Et oui, j'ai écrit un premier livre qui se passe en forêt. Donc c'est une histoire plutôt intimiste, familiale, mais ça parle aussi d'une communauté militante dans une forêt occupée. Et pour moi, ils font partie de nos peuples des forêts contemporains. Et après ça, le fait d'écrire sur les forêts m'a aussi fait me documenter plus et plus concrètement sur le fonctionnement de nos forêts en France. Et ça m'a ouvert plein de questions concernant la gestion des forêts. Ça m'a poussée à me former. en bûcheronnage, parce que c'était la formation disponible à ce moment-là dans ma région. Et en faisant ça, j'allais à la fois mieux apprendre des choses sur les forêts, mais aussi rencontrer un autre peuple des forêts, qui est le peuple des travailleurs et des travailleuses. Et en fait, ce sont eux, je crois, aujourd'hui, qui passent le plus de temps dans nos forêts, et qui les connaissent le plus, et qu'on incrimine peut-être le plus aussi, parce que ce sont eux qui programment les coupes, qui les effectuent, ce sont eux qui chassent. Et ces personnes sont l'objet de débats très passionnés, pour lesquels d'ailleurs ils ont peu la parole ou mal la parole. Et donc voilà, dans mon attachement en forêt, il y a aussi l'attachement à nous en tant qu'humains qui faisons avec, et de multiples façons. Et donc je dirais que ma quête sylvestre va dans ce sens-là. Comment on fait avec les forêts ? Comment on vit avec ?

  • Speaker #0

    Oui, parce que dans votre livre Copo de bois qui est sous-titré Carnet d'une apprentie bûcheronne il y a autant votre regard sur les arbres, sur les plantes, les végétaux, que vos conversations que vous avez avec, que ce soit vos professeurs ou alors les apprentis bûcherons qui sont là avec vous.

  • Speaker #1

    Oui, tout cet aspect-là. plus sociologique, plus trivial, plus quotidien aussi, est important pour moi parce que c'est vraiment ce qui compose notre façon d'être dans les bois aussi. Et on parle souvent des trois objectifs de la forêt, ou comme dit mon formateur dans mon livre, nous, on a trois objectifs avec la forêt. Il y a la production de bois, il y a la réserve de vie, biodiversité, et il y a l'aspect social aussi. C'est un lieu de loisirs, c'est un lieu de rencontres. un lieu qui continue d'alimenter nos imaginaires aussi. Et voilà, j'ai essayé d'en faire parler les trois dans mon livre.

  • Speaker #0

    Un des outils que l'on trouve tout au long de votre livre, Copo de bois, c'est aussi la tronçonneuse. Parce que vous parlez d'attachement à la forêt, mais cette formation est une formation qui vous apprend à couper les arbres. Et d'ailleurs, dans les premières pages de votre livre, votre formateur vous dit tout de suite que vous êtes là pour couper des arbres, même si vous aimez la forêt.

  • Speaker #1

    Oui, c'est un objet très dangereux, donc l'apprentissage passe d'abord par là, par savoir comment ne pas se tuer en deux secondes, ce qui est une bonne base, pour ensuite apprendre à bien abattre un arbre, c'est-à-dire déjà bien le choisir et l'envoyer au bon endroit, c'est-à-dire en faisant le moins de casse possible autour, envers les arbres à côté, mais aussi envers les nouvelles pousses qu'on veut peut-être privilégier. Dans cet apprentissage de l'abattage, c'est aussi tout ça, c'est ce qui entoure l'arbre qu'on va abattre. Et encore une fois, c'est une attention très accrue à l'environnement de l'arbre. Pour moi, apprendre à abattre, ce n'était pas quelque chose que j'avais vraiment préfiguré, je ne m'étais pas projetée en tant que bûcheronne, en tant qu'abatteuse d'arbres, mais j'étais contente de le faire parce que c'est l'acte le plus difficile, le plus musclé, on va dire aussi, vis-à-vis d'autres travaux forestiers. Donc là, je sais que maintenant que je sais abattre, je sais faire. plein d'autres choses et la formation est un peu complète. En tant que consommatrice de bois, que ce soit mon bureau, que ce soit les livres, que ce soit de temps en temps des cheminées que je fréquente et que j'adore, il me paraissait important de comprendre simplement d'où vient ce bois et d'être capable de moi-même passer par l'acte de destruction. Ça, ce n'est pas applicable dans tous les champs de la vie. Je pense que ça peut être applicable au niveau de la consommation de la viande aussi. Je n'ai pas à passer mon permis de chasse. Mais la chasse est quelque chose qui m'intéresse de près et dont le débat actuel m'agace, me contrarie, parce que je trouve qu'il y a une grande hypocrisie à consommer de la viande et à ne pas être capable de voir d'où elle vient, qu'il y a un acte de tuer derrière et qu'on a le droit de refuser. Par contre, quand on consomme de la viande, je pense que la moindre des choses, c'est de l'accepter et d'être capable de le voir. Moi, pour le papier, pour le bois... C'est un peu la même chose. Je pense qu'il faudrait être capable de ça dans tous les domaines de la vie, pour notre consommation alimentaire, pour notre consommation d'eau. Je pense qu'on devrait être capable de voir, de concevoir d'où les choses viennent. Ce serait peut-être une manière de se reconnecter un peu avec notre milieu de vie et de se réconcilier avec, et ensuite d'être capable de moins le détruire. Parce que savoir le faire, ça ne veut pas dire le faire à foison ou le faire mal. Au contraire, c'est savoir aussi quelle charge ça nous envoie. Ce n'est pas rien d'abattre un arbre ou un animal, mais par contre, savoir pourquoi on le fait et le faire bien, je pense que c'est une voie de conciliation.

  • Speaker #0

    Anouk Lejzic, finalement, cette formation de bûcheronne va vous mener vers quoi ? Est-ce que vous allez continuer votre apprentissage de bûcheronne, le pratiquer en même temps que vous pratiquez l'écriture, bien sûr ?

  • Speaker #1

    J'ai l'impression de toujours être en train de continuer mon apprentissage, que ce soit par des formations, des MOOC en ligne sur tel ou tel sujet, ou en me promenant en forêt et en continuant d'essayer d'identifier les arbres, ou en allant au cours des brevets grand gibier ici au musée de la chasse et de la nature. Je continue, pas en autodidacte parce qu'il y a aussi des gens qui m'enseignent, mais en tout cas, à part moi-même, j'essaye d'alimenter ça. Après, j'envisage aussi de faire une vraie formation en gestion forestière. pour avoir d'autres aspects, plus techniques, même plus mathématiques, voir comment je me sens aussi vis-à-vis de ces outils-là. Donc je ne sais pas à quel point ça deviendra mon métier effectif. Moi, j'ai dans l'idée que la littérature et la forêt continuent de se croiser dans ma vie. De toute façon, il ne pourrait pas en être autrement. L'un alimente l'autre sans cesse. Et oui, j'ai à cœur de continuer d'être un pont, peut-être, entre les deux, et de côtoyer des forestiers et des forestières et de leur... parler aussi littérature ou moi en étant une écrivaine de leur montrer que je suis quelqu'un comme tout le monde et à l'inverse d'amener la forêt dans mes livres et dans toute sa complexité

  • Speaker #0

    C'était la rencontre sauvage d'Anouk Lejzik, dont le dernier livre Copeau de bois, carnet d'une apprentie bûcheronne est sorti aux éditions du Penseur, un podcast du Musée de la Chasse et de la Nature réalisé par Céline Duchesnet et Laurent Polré.

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