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Jacques Perrin : la musique de film comme source d'inspiration cover
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Musique de film : une histoire d'inspiration

Jacques Perrin : la musique de film comme source d'inspiration

Jacques Perrin : la musique de film comme source d'inspiration

33min |13/07/2021
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Description

Son parcours, ce sont plusieurs vies en une vie, une succession de renaissances miraculeuses : un jeune premier qui devient producteur, à vingt-sept ans, pour financer des films ambitieux, non formatés (Z, Section spéciale, Le Désert des Tartares, Microcosmos, Les Choristes) ; un producteur qui, à soixante ans, traverse le miroir pour devenir réalisateur, à travers le triptyque de contes naturels Le Peuple migrateur, Océans et Les Saisons.
Au Festival de Cannes 2021, la Sacem remet son prix A Life in Soundtrack au binôme de création qu’il forme avec le compositeur Bruno Coulais.
L’occasion rêvée pour évoquer avec Jacques Perrin son rapport intime à la musique, ou plutôt aux musiques. Avec un premier podcast consacré à son parcours musical comme comédien et producteur (Michel Legrand, Ennio Morricone, Mikis Theodorakis), un second à sa collaboration en haute-fidélité avec Bruno Coulais. 

Crédits musicaux :

La 317ème section - Thème principal  

Musique de Pierre Jansen, Editions Sido Music  

Les Demoiselles de Rochefort  - Chanson de Maxence, par Jacques Revaux 

Musique de Michel Legrand / Paroles de Jacques Demy 

Editions Universal Music Publishing France / Warner Chappell Music France  

  

Z  -Thème principal  

Musique de Mikis Theodorakis  

Arrangements et direction d'orchestre : Bernard Gérard  

Editions Emi Songs France  

  

Le Désert des Tartares - Proposta - Il Deserto come estasi  

Musique d'Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing  

  

Les Enfants de Lumière  - Histoire de France  

Musique de Michel Legrand 

Editions Sony Music Entertainment France / ALP Music  

  

Cinéma Paradiso -Tema d'Amore 

Musique d'Andrea et Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing   


Crédit photo : Laurence Sudre / Bridgeman Images 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacem présente Regards de Cinéaste, un podcast imaginé et animé par Stéphane Lerouge.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous. C'est l'histoire de métamorphoses successives. Celle d'un comédien, jeune premier des années 60, qui, à 27 ans, s'est réinventé en produisant Z de Costa Gavras. Celle aussi d'un producteur qui, à 60 ans, a traversé le miroir en co-réalisant son premier long-métrage, Le Peuple Migrateur. Avec lui, dans ce podcast, nous allons évoquer les compositeurs de ses deux premières vies professionnelles. Michel Legrand, Mikis Theodorakis ou Ennio Morricone. Bonjour Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous dire à quel âge vous avez pris conscience du pouvoir de la musique au cinéma ? Est-ce qu'il y a des films ou des musiques de films qui durant votre enfance ou votre adolescence ont marqué votre cortex au fer rouge ?

  • Speaker #0

    Déjà, la première fois que je suis allé au cinéma, je devais avoir... 12 ans à peu près, donc mon éducation est, si l'on peut dire, relativement récente. Et le film que j'avais vu, c'était L'Épave. L'Épave, un film de, avec Françoise Arnoul. Et elle se noie. Et quelqu'un va la chercher, la sort des eaux, et découvre son corsage. Donc le premier sein que j'ai vu, c'est celui de Françoise Arnoul. Et ça m'est resté. Vous savez, j'arrive à un grand âge, tout se confond, je ne sais plus si c'est la première ou la dernière musique, si j'ai vu des films ou 3000 films, donc je n'arrive pas à saisir quel était le film avec la musique.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, avec le recul, comment vous avez vécu ce début de parcours ou d'itinéraire en accéléré ? C'est-à-dire le fait de passer très vite, finalement, de l'adolescence et du lycée à la vie active, en commençant à tourner comme comédien très, très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, ce parcours il a commencé plus tard puisque le lycée je n'en ai pas fait j'ai fait que l'école communale et on m'a dit que c'était très bien il fallait avoir un bagage donc j'ai eu mon certificat d'études à presque 15 ans donc j'étais pas en avance et faut dire une chose que mon père était régisseur à la comédie française, maman était comédienne j'ai eu une soeur Eva, qui était aussi actrice et nous étions tous dans le chaudron de ce qu'est le théâtre, à savoir que maman récitait des poèmes, non pas pour un public très large, mais chez nous, et on voyageait avec Francis Carcot, avec Jacques Prévert, donc suivant la diction de notre mère. Et donc c'est comme ça que j'ai commencé à appréhender la vie, donc on ne peut pas dire qu'elle était très difficile, le mieux que j'ai fait. Beaucoup des petits métiers, mais que ce n'était pas une difficulté en soi, il fallait bien survivre. J'ai quitté le conservatoire très tôt, parce que ce n'était pas mon fort. Et puis c'était l'époque où le conservatoire, on apprenait une scène tous les trois mois. Donc on arrivait à bien la dire quand même.

  • Speaker #1

    Vous allez très vite commencer à tourner pour des cinéastes majeurs. Costa Gavras, Schoendorfer bien sûr, Zurlini, Ruffio. Quel regard vous portiez-vous sur les musiques de tous ces films ? Vous étiez juste, ce n'est pas une restriction comédien, donc vous n'aviez pas affaire directement aux compositeurs, c'était l'affaire du cinéaste. Quel regard vous portiez sur la musique une fois que vous découvriez le film terminé, mixé ? Parce que vous aviez des compositeurs comme Michel Magne, Georges Delerue, Gainsbourg, Colombier sur l'horizon, par exemple, qui vous mettaient en musique.

  • Speaker #0

    Je crois qu'il n'y a pas de vrai voyage sans musique. Je crois que ce n'est pas possible, même quand on raconte quelque chose. raconte il ya des musiques des qui nous reste dans la tête et c'est avec ça qu'on ose parler de ce qui nous anime complètement c'est la musique c'est la musique et donc c'est bien plus tard en faisant de la production que j'ai pu comprendre le mystère, la magie et le pouvoir de la musique.

  • Speaker #1

    Mais quand vous découvriez par exemple la 317e section terminée avec justement la musique de Pierre Janssen, avec ce bugle sur vous, sur votre personnage...

  • Speaker #0

    C'est vrai que... La 317e section, qui est un film sur l'Indochine. Comment se rendre compte de ce parcours, de cette difficulté d'existence qu'avaient ces militaires, qu'avaient ces hommes perdus dans la jungle ? Et là, d'un seul coup, le film a une identité. Le film, on comprend un petit peu quelles sont toutes les péripéties, les trajectoires qu'ont traversées les personnages. Et d'un seul coup, on les comprend. La musique, c'est un pouvoir de compréhension. C'est d'aller vers quelqu'un. Et quelqu'un a une âme profonde, un peu indéchiffrable. Et la musique, d'un seul coup, vous rassure. On comprend.

  • Speaker #1

    Il y a en 1966, dans votre itinéraire, une double rencontre décisive avec un cinéaste et avec un compositeur sur un film qui est, disons, appelé à traverser le temps. Écoutez.

  • Speaker #2

    Le seul fait d'exister, la rente incomparable. Le seul fait d'être là la rend plus désirable. Comme mille filles nues, comme mille rêves fous. J'ai fait le tour du monde, je l'ai cherché partout. Est-elle loin d'ici ? Est-elle près de moi ? Je n'en sais rien encore, mais je sais qu'elle existe. Et elle pécheresse. Ou bien fille de roi, star de cinérama, ou modeste fleuriste, je sais qu'elle m'appartiendra.

  • Speaker #1

    C'est Les Demoiselles de Rochefort, la chanson de Maxence. Et Les Demoiselles, c'est votre premier film tourné avec... et sur de la musique, celle évidemment de Michel Legrand, en quoi est-ce que ça change le travail du comédien d'être complètement immergé dans un bain de musique sur le tournage ?

  • Speaker #0

    C'est réjouissant. Ça vous transporte et dans le même temps, je me méfie beaucoup.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Je me méfie beaucoup parce que, allez, nous sommes dans une pièce, on met un peu de musique et on veut dire quelque chose, la musique va nous faciliter la parole. On va pouvoir s'exprimer. Et donc... Donc, je parle au niveau des gestes, des gestuels. Quand j'ai fait la comédie musicale, c'était la première. Notre pas, notre façon de nous approcher d'un lieu ou d'un personnage est complètement différente et magnifiée. Donc on peut faire des choses, vous savez, il y a une chose qui est très difficile. Vous êtes devant la caméra, vous regardez quelqu'un, et vous le regardez en continuant de sourire. C'est pas facile, parce qu'au bout de deux secondes, il y a le sourire qui se fige. Et avec la musique, on peut rester pendant trois minutes. Et puis le sourire devient éclatant, au contraire, il devient très discret. Et donc c'est toute cette palette de sentiments que l'on peut avoir, qui... qui est accompagné, qui s'exprime formidablement pour la musique.

  • Speaker #1

    Pour la chanson de Maxence, vous vous êtes doublé par un chanteur qui s'appelle Jacques Revaux, et Demi et Legrand avaient cherché une voix chantée qui soit raccord avec votre voix parlée à vous. Vous avez assisté à l'enregistrement de votre chanson ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai découvert même Jacques Revaux après. C'est après, pratiquement quand le film était terminé. Mais c'est terrible parce que je suis votre voix. comment... J'ai fait le film, c'est ma voix. Et donc, à un certain moment, j'y croyais que je chantais. Et puis, il y a eu une scène avec Gene Kelly, où là, Gene Kelly, il peut tourner avec un playback ou sans playback, enfin, aussi bien les gestes que la musicalité. Il n'y avait plus de technique. Donc Jacques Demy nous a demandé, ça vous ennuie à Gene Kelly et à moi, vous chantez, vous n'avez pas de musique, le playback ne marche pas. Et je crois que c'est le sentiment d'horreur, le sentiment de complexe le plus fort que j'ai vu.

  • Speaker #1

    Par contraste avec Gene Kelly.

  • Speaker #0

    Par contraste avec Gene Kelly. Comment je vais faire ? Et d'un seul coup, je me suis rendu compte que ma voix était raillée, que je ne peux pas suivre différents registres. Et ils ont été très gentils, parce qu'on a continué les répétitions, comme si de rien n'était, comme si ça avait bien marché. J'avais Jacques Baratier qui m'a fait « Oh là là ! » Oh là là, j'espère que le son va marcher maintenant, parce que vraiment, c'est très difficile. Cela dit, je n'étais pas le seul. Les voix dans les comédiens, que ce soit le personnage de Catherine, François...

  • Speaker #1

    On était doublés.

  • Speaker #0

    Sauf...

  • Speaker #1

    Darieux. Darieux. Sauf Darieux. On a cité Costa, Gavras, tout à l'heure. Vous êtes lié avec lui par les deux premiers films, son passage à la mise en scène avec Compartiment Tueur, qui est un polar noir et blanc stylisé, puis Un Homme de Trop, qui est une parabole sur un groupe perverti de l'intérieur. Et puis, il y a la déflagration internationale de Z avec la musique de Miki Stéodorakis. Z, c'est votre traversée du miroir. Vous êtes très jeune, vous avez 27 ans. C'est le premier film que vous produisez en créant votre société. À quelles ambitions ça correspondait ?

  • Speaker #0

    Costa m'avait donné le scénario très beau, très fort de Z. et puis il m'a dit Jacques, écoute, je suis désolé c'est normal, c'est un film comme on dit politique personne n'y croit surtout en ce moment c'est 68 donc il y a d'autres préoccupations chez les districts que de faire un film politique. Et là, je lui ai dit, écoute, je ne sais pas, je m'avance, mais je suis ami avec des responsables du cinéma algérien, l'Agdar Amina, pour ne pas le nommer, et je vais poser la question de voir si lui pourrait coproduire. Je suis allé en Algérie, et puis je connaissais bien l'Agdar, et qui tout de suite a lu le scénario, je crois, oui. Il a été enthousiaste. Il a fait lire à Boumediene, qui était donc à l'époque... Président de la République d'Algérie. Puis ça l'a fait rire et puis on a pu bénéficier de la coproduction. Et puis comme ça, ça s'est fait par amitié, avec des amis algériens. Et aussi parce que j'étais responsable. Ce que je cherchais avec Eva Christian Baratier, c'est d'être celui qui va promouvoir la troupe. Je faisais partie d'une troupe, dans Z, je faisais partie des comédiens. et on avait un scénario formidable et personne ne s'amusait à le produire. Personne n'osait ou personne n'avait envie. La production va faire vivre tout ça.

  • Speaker #1

    Mais 27 ans quand même, vous avez 27 ans.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Bien souvent on dit comment vous avez fait pour porter ce film. C'est le film qui nous porte. C'est le film qui insiste en nous en disant mais ça on ne l'a pas rencontré, ça on ne l'a pas fait. Et donc quand j'imagine la palette des comédiens, de Pierre Duc, de Zuffi, de Renne-Papa, c'est énorme ce qu'on avait comme comédiens. Charles Dennerre. Charles Dennerre. J'étais d'une certaine façon l'agent de toute cette troupe. Dans Z, il n'y a que des gens. je ne parle pas du dux et du général, mais des gens qui refusent. Qu'est-ce que c'est bien quand dans la vie on rencontre des gens et où avec insistance on arrive à les combattre.

  • Speaker #1

    Mais là, sur Z, vous parlez d'esprit de troupe. comme au théâtre, notamment des comédiens, mais aussi les collaborateurs de création. Raoul Coutard à la lumière, Françoise Bonneau au montage, Jacques Devidio au décor. Il y a aussi la musique. Et là, il y a une symbolique particulière, c'est le fait d'aller chercher... un compositeur grec que les colonels ont exilé dans un village du Péloponnèse. Est-ce que vous vous souvenez de l'aventure, de l'implication de Théodorakis dans le film ?

  • Speaker #0

    De Théodorakis, c'était la volonté de Costa. Costa pensait qu'il y avait des éléments qui ne pouvaient pas varier, qu'on ne pouvait pas supprimer ou substituer. Et donc la musique devait être Théodorakis parce que ça faisait partie de son histoire, de l'histoire de la Grèce. Donc c'est moi qui suis allé voir Théodorakis quand il était en prison en Grèce. et puis je me suis rendu compte que c'était à 200 km la prison dans laquelle il était déjà pour louer une voiture je me faisais toujours qu'il y avait des gens qui me suivait je trouvais ça puis j'ai compris que c'était pas par hasard et puis j'ai pris la voiture donc j'ai pas joué à fond de train à prendre des virages et arriver à quelques kilomètres de la prison j'étais arrêté on m'a demandé ce que je faisais vous je vais voir un musée Théodore Akis, on a fait un beau film sur votre pays et donc on aimerait bien que tous les éléments qui vont composer cette vision du film, on aimerait bien qu'elle soit partagée par Théodore Akis parce qu'il est un peu l'âme de la Grèce j'ai été accompagné à l'aéroport et puis voilà et vous n'avez pas rencontré Théodore Akis ? j'ai pas rencontré Théodore Akis et puis bon voilà on a rencontré un arrangeur.

  • Speaker #1

    Bernard Gérard.

  • Speaker #0

    Bernard Gérard, qui a été remarquable.

  • Speaker #1

    Et qui a adapté des musiques et des temps de Théodorakis.

  • Speaker #0

    Il n'a pas trahi Théodorakis, et ce n'était pas tout à fait la musique de Théodorakis. Il a trouvé une traduction cinématographique. Et ça, c'était remarquable. Et donc, bien souvent, les airs qui étaient connus, qui sont restés dans nos mémoires, de Zed, c'est en partie Théodorakis et en partie Bernard Gérard.

  • Speaker #1

    Cette musique scelle votre rencontre avec un monstre sacré, Ennio Morricone, sur un film que vous avez porté à bout de bras, avec notamment Michel De Broca, qui est Le désert des tartares. Vous m'avez dit un jour, ça m'avait beaucoup frappé, que vous étiez heureux et fier de ce film, mais pas complètement à 100%. Et vous m'avez dit que peut-être que la musique de Morricone avait permis de compléter ce que le film n'avait pas complètement dans l'image.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    On était avec le film de Géolini, Dieu sait si c'est un réalisateur que j'admire, mais qui a été très fidèle à Busati. qui a été, j'ose dire, sur des choses que l'on estime, on peut admirer, il était trop fidèle. Et donc, d'une certaine façon, il s'est un petit peu emprisonné dans l'allégorie, dans la symbolique du désert. Et son film, c'est un peu une photographie en mouvement. Et donc il a été très très proche, c'était un hommage à Dino Bugiati.

  • Speaker #1

    Mais la musique justement, Morricone cite toujours le désert des tartares, et je l'ai vu, Morricone d'ailleurs vous parlait du film à son dernier concert à Paris, disant que c'était une partition fascinante pour lui parce que... Plus la partition avance, plus le langage se dérègle. On commence sur quelque chose de clair, de mélodique. Vous quittez votre famille pour aller vers cette forteresse isolée en plein désert. Et au fur et à mesure, le langage va devenir de plus en plus abstrait, des dissonances vont apparaître, et on va basculer dans la folie, et même dans un monde parallèle et absurde.

  • Speaker #0

    Non, mais si c'est ce que vous a dit Morricone, vous avez eu de la chance parce qu'il ne m'en a pas parlé. Mais c'est, en tout cas, mais c'est vraiment... C'est vraiment la transformation de ce qu'il a écrit et qui donne cette espèce de réalité du personnage qui s'en va dans le désert pour suivre une carrière de militaire. qui va rester six mois, un an. Et que tout se délite. Et Morricone, à vous entendre, il a compris ça. C'est que la réalité, les paysages difficiles, c'est-à-dire la réalité des personnages, quand c'est des étendus désertiques qui surveillent un désert dans lequel doivent apparaître les tartares, c'est-à-dire un fantasme qui existe. Et donc, au bout d'un certain temps, même le décor était un peu ça quand on a tourné en Iran, euh ça s'effrite, ça fout le camp. Et dans sa musique aussi, c'est comme la raison, la raison de ce garçon qui reste trop damné, qui se rend compte que, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a attendu, il a attendu la vieillesse, qui est le pas avant la mort. Il a attendu, donc comment, par la musique, comprendre ça ?

  • Speaker #1

    Mais sur tous ces films sur lesquels vous êtes à la fois producteur et acteur, est-ce que vous vous impliquez sur l'étape de la musique ? Vous allez aux enregistrements ?

  • Speaker #0

    Oui, les enregistrements, j'y suis. Mais en tout cas, c'est une règle. Je ne veux pas... influencer le réalisateur. Je trouve que c'est son œuvre. Et donc, j'arrive à un certain moment, vous devriez être un peu plus, sinon il faudrait que... Non, je ne veux pas. Et si je le fais, c'est peut-être après l'enregistrement. Je veux lui dire, il me semble que... c'est bien, mais tu vois, ce sera encore mieux si tu accentues un peu ça. Mais je le fais rarement. Donc à chaque fois, c'est la découverte de musiciens que je ne connaissais pas à Piovani, que je ne connaissais pas dans le film de Maroun Bagdadi. Formidable, formidable. J'ai la chance d'être le premier auditeur. Donc je vais et j'écoute, je suis dans ce mélange d'accents musicaux, de relations entre le compositeur et puis le réalisateur. Donc il y a quelque chose, un mystère, qui se passe entre eux et j'aime m'assister à ça. Autant sur le scénario, j'interviens beaucoup, quitte à être emmerdant, je crois.

  • Speaker #1

    Mais pas sur la musique.

  • Speaker #0

    Mais pas... sur la musique. C'est un univers qui est réservé, c'est un univers qui est protégé. Je ne crois pas que c'est quand même arrivé à la musique. Vous vous rendez compte quel parcours, quel chemin solitaire pour le réalisateur, quelle recherche de traduction pour le compositeur, pour qu'enfin deux sensibilités différentes se rejoignent. C'est quand même un don, une rencontre. dans laquelle j'ai la chance d'assister. Et puis, en général, le choix du compositeur se fait entre nous, entre le réalisateur et moi. Je n'ai pas envie de devenir un mauvais professeur, parce que je serais un mauvais.

  • Speaker #1

    Il y a un film que j'aime beaucoup dans votre filmographie de producteur, c'est en 93-94, vous vous lancez dans un Paris fou, qui est raconté un siècle. de cinéma français. Retrouvailles avec Michel Legrand,

  • Speaker #0

    20 ans après Rochefort. Alors il y a eu un film sur les 100 ans. du cinéma qui a été fait par Bertrand Tavernier, qui est très bien. La différence, c'est que Bertrand se penche sur sa jeunesse, sur sa formation au cinéma, et donc c'est un long apprentissage personnel pour découvrir ce qu'était le cinéma. Nous, ce que nous avons fait avec Claude Sautet, avec Christophe Baratier...

  • Speaker #1

    À la Corneau !

  • Speaker #0

    À la Corneau... Et donc les premières choses que l'on a faites... Chacun vous prenez un papier et on va citer les 20 films qui nous semblent les plus importants. Ce n'est pas les plus importants, ceux que vous appréciez le plus, chacun. Et sur les 20, il y en avait à peu près une douzaine où on se retrouvait. C'était les mêmes films. Et puis après, on a continué avec un chef d'orchestre des images.

  • Speaker #1

    Pierre Philippe.

  • Speaker #0

    Qui était Pierre Philippe, qui parlait du film. film et de son oeuvre. C'était son oeuvre. Je comprends très bien que ça peut se considérer comme ça. Michel Legrand a fait quelque chose de magnifique.

  • Speaker #1

    Mais vous imaginez pour lui, sur ce film qui s'appelle Les Enfants de Lumière, on n'a pas cité le titre du film, à quel point c'était un pari ? C'est-à-dire...

  • Speaker #0

    qu'il fallait trouver une écriture musicale qui unifie toutes les écritures du cinéma français unifié de mes voies en une voix avec tout à légende du cinéma qu'il a su exprimer les scènes de grandes batailles des films historiques et dieu sait c'est dans l'histoire du cinéma on avait l'impression que mais c'est la musique de ces films et je me souviens mais non c'est la musique de Michel Legrand. À la façon dont se faisaient les musiques, musique des films, il y a 30 ans, il y a 40 ans, il y a 50 ans. Et donc, ce qu'on avait voulu avec Pierre-Philippe et avec les co-réalisateurs, les co-auteurs, c'est que chacun retrouve son cinéma. Et ça, c'est ce qu'on avait expliqué à Michel Legrand, qui a plongé de bonheur, mais formidable. Moi, je fais une musique qui doit être reconnue par tous. Une musique populaire. Et puis, c'est aussi une musique qui va chercher, c'est comme remonter le temps. La musique va chercher des images et des films qui ne sont plus de notre temps. Il a été à la recherche de la mémoire que l'on croyait avoir et qu'on n'avait pas. Il montait un petit peu aux spectateurs, leur faisant croire que ces musiques, vous les avez déjà entendues.

  • Speaker #1

    Pour illustrer la musique de Michel Legrand pour Les Enfants de Lumière, je vous laisse choisir, décider, Jacques, entre trois morceaux, le pari des décorateurs, les couples célèbres ou l'histoire de la vie. L'histoire de France. Vous avez droit à un titre.

  • Speaker #0

    Les accents de trompette sur l'histoire. Et ça, c'est à chaque fois comme si on ouvrait un rideau et d'un seul coup, il y a les personnages du Moyen-Âge qui apparaissent et qui... Ça aussi, c'était une musique qui était tellement inventive, tellement... On ne pouvait pas y échapper. On était captivés tout de suite. Et c'était de la musique de Michel Legrand.

  • Speaker #3

    Merci à tous ceux qui ont participé à cette émission.

  • Speaker #1

    Pour boucler la boucle, Jacques, avec Le désert des tartares, je pense à Ennio Morricone, je pense à vos retrouvailles à son dernier concert parisien, son concert d'adieu à Bercy, c'était en 2018. Ennio Morricone a été un peu réactivé, je dirais, en 1987 par un jeune cinéaste sicilien. sur un film qui était pour lui bouleversant, parce que ce film est arrivé dans la vie de Morricone, et ce cinéaste est arrivé dans la vie de Morricone, au moment où Sergio Leone venait de partir. Morricone a vu comme un transfert de génération auprès de lui, c'est-à-dire qu'il y avait un frère de cinéma qui disparaissait, et un fils de cinéma qui apparaissait. Le film s'appelait Cinéma Paradiso, Nuovo Cinema Paradiso, le metteur en scène Giuseppe Tornatore, et vous êtes dans ce film, le petit Toto, devenu adulte, et sur ce film, Tornatore avait demandé à Morricone de reconduire la méthode fondatrice d'Avec Sergio Leone, c'est-à-dire d'écrire et d'enregistrer la musique en amont du tournage, de façon à ce que vous, Jacques Perrin, vous puissiez jouer en musique sur le tournage, notamment quand vous revenez dans le cinéma désaffecté, ou évidemment sur la séquence finale des Baisers.

  • Speaker #0

    Giuseppe Tornatore, il voulait vraiment que cette scène soit intense d'émotion. Donc il a fait le pari, est-ce que c'était juste ou pas, d'avoir, comme vous le dites, une musique préenregistrée. Et donc j'ai été mis dans ce petit cinéma et il m'a dit, voilà, j'ai fait un truc, c'est baisé, tu l'as lu, ça te plaît bien. Donc on les a collés et personne ne les a vus. On va le projeter et en même temps on va tourner. Donc tu vas les découvrir comme le spectateur à la fin du film, le verron.

  • Speaker #1

    Et la musique en plus.

  • Speaker #0

    Et la musique en plus. Et donc tout le monde. les techniciens, avaient été prévenus. Et donc, le machiniste, avec son chariot, le travelling, les électriciens qui étaient en train de tourner le projecteur, et puis les gens autour de la caméra. Je savais qu'il fallait que ce soit intense, d'émotion. Attention, silencio. Et dans silencio, je vois tous les gens qui presque tremblent. C'est pas tout à fait ça, mais donne l'impression de trembler. Et la musique commence, le travelling est poussé. Et la plupart des techniciens pleuraient. Avec l'émotion... qu'ils étaient persuadés de rencontrer. Donc, vous savez, on a toujours trois yeux. Le troisième, c'est celui qu'on ne voit pas, qui regarde sur les côtés. Et donc, j'étais... À un certain moment, c'était pas être... Mais je ne vais jamais être à la hauteur des émotions qui sont autour de moi. On a fait une prise, une seule prise. Et Giuseppe a dit, non, c'est bien, c'est suffisant. On fait une seule prise, pas d'autre. Donc, c'est de dire que les techniciens, que les collaborateurs du film ont été saisis. par le film, ont compris le périple d'émotion du réalisateur et voulaient jouer en même temps que lui. Ça a été une scène où l'acteur, les exécutifs ont tous pleuré.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'il y a... C'est un souvenir... Vraiment très très fort de vous voir assister à ce concert de Morricone en 2018 et de vous voir, vous, spectateurs, voyant Morricone dirigeant sur scène, aux dernières minutes de son dernier concert en France, cette musique qui est indissociable du cinéma de Tornatore et de vous, totaux adultes, dans cette scène finale qui est, on peut le dire, une déclaration d'amour au cinéma.

  • Speaker #0

    Très bien dit, tout à fait. C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Merci Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Jacques Perrin

    00:00

  • Les débuts de Jacques Perrin au cinéma et l'importance de la musique

    00:30

  • Les premières impressions de la musique au cinéma

    01:05

  • L'impact de la musique sur les performances d'acteur

    02:10

  • Rencontres marquantes avec des compositeurs

    06:06

  • La production de Z et la musique de Mikis Theodorakis

    11:36

  • L'expérience avec Ennio Morricone et Le désert des tartares

    17:06

  • La collaboration sur la musique et son rôle dans le film

    21:09

  • Réflexions sur le cinéma et la musique de Michel Legrand

    23:07

Description

Son parcours, ce sont plusieurs vies en une vie, une succession de renaissances miraculeuses : un jeune premier qui devient producteur, à vingt-sept ans, pour financer des films ambitieux, non formatés (Z, Section spéciale, Le Désert des Tartares, Microcosmos, Les Choristes) ; un producteur qui, à soixante ans, traverse le miroir pour devenir réalisateur, à travers le triptyque de contes naturels Le Peuple migrateur, Océans et Les Saisons.
Au Festival de Cannes 2021, la Sacem remet son prix A Life in Soundtrack au binôme de création qu’il forme avec le compositeur Bruno Coulais.
L’occasion rêvée pour évoquer avec Jacques Perrin son rapport intime à la musique, ou plutôt aux musiques. Avec un premier podcast consacré à son parcours musical comme comédien et producteur (Michel Legrand, Ennio Morricone, Mikis Theodorakis), un second à sa collaboration en haute-fidélité avec Bruno Coulais. 

Crédits musicaux :

La 317ème section - Thème principal  

Musique de Pierre Jansen, Editions Sido Music  

Les Demoiselles de Rochefort  - Chanson de Maxence, par Jacques Revaux 

Musique de Michel Legrand / Paroles de Jacques Demy 

Editions Universal Music Publishing France / Warner Chappell Music France  

  

Z  -Thème principal  

Musique de Mikis Theodorakis  

Arrangements et direction d'orchestre : Bernard Gérard  

Editions Emi Songs France  

  

Le Désert des Tartares - Proposta - Il Deserto come estasi  

Musique d'Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing  

  

Les Enfants de Lumière  - Histoire de France  

Musique de Michel Legrand 

Editions Sony Music Entertainment France / ALP Music  

  

Cinéma Paradiso -Tema d'Amore 

Musique d'Andrea et Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing   


Crédit photo : Laurence Sudre / Bridgeman Images 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacem présente Regards de Cinéaste, un podcast imaginé et animé par Stéphane Lerouge.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous. C'est l'histoire de métamorphoses successives. Celle d'un comédien, jeune premier des années 60, qui, à 27 ans, s'est réinventé en produisant Z de Costa Gavras. Celle aussi d'un producteur qui, à 60 ans, a traversé le miroir en co-réalisant son premier long-métrage, Le Peuple Migrateur. Avec lui, dans ce podcast, nous allons évoquer les compositeurs de ses deux premières vies professionnelles. Michel Legrand, Mikis Theodorakis ou Ennio Morricone. Bonjour Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous dire à quel âge vous avez pris conscience du pouvoir de la musique au cinéma ? Est-ce qu'il y a des films ou des musiques de films qui durant votre enfance ou votre adolescence ont marqué votre cortex au fer rouge ?

  • Speaker #0

    Déjà, la première fois que je suis allé au cinéma, je devais avoir... 12 ans à peu près, donc mon éducation est, si l'on peut dire, relativement récente. Et le film que j'avais vu, c'était L'Épave. L'Épave, un film de, avec Françoise Arnoul. Et elle se noie. Et quelqu'un va la chercher, la sort des eaux, et découvre son corsage. Donc le premier sein que j'ai vu, c'est celui de Françoise Arnoul. Et ça m'est resté. Vous savez, j'arrive à un grand âge, tout se confond, je ne sais plus si c'est la première ou la dernière musique, si j'ai vu des films ou 3000 films, donc je n'arrive pas à saisir quel était le film avec la musique.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, avec le recul, comment vous avez vécu ce début de parcours ou d'itinéraire en accéléré ? C'est-à-dire le fait de passer très vite, finalement, de l'adolescence et du lycée à la vie active, en commençant à tourner comme comédien très, très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, ce parcours il a commencé plus tard puisque le lycée je n'en ai pas fait j'ai fait que l'école communale et on m'a dit que c'était très bien il fallait avoir un bagage donc j'ai eu mon certificat d'études à presque 15 ans donc j'étais pas en avance et faut dire une chose que mon père était régisseur à la comédie française, maman était comédienne j'ai eu une soeur Eva, qui était aussi actrice et nous étions tous dans le chaudron de ce qu'est le théâtre, à savoir que maman récitait des poèmes, non pas pour un public très large, mais chez nous, et on voyageait avec Francis Carcot, avec Jacques Prévert, donc suivant la diction de notre mère. Et donc c'est comme ça que j'ai commencé à appréhender la vie, donc on ne peut pas dire qu'elle était très difficile, le mieux que j'ai fait. Beaucoup des petits métiers, mais que ce n'était pas une difficulté en soi, il fallait bien survivre. J'ai quitté le conservatoire très tôt, parce que ce n'était pas mon fort. Et puis c'était l'époque où le conservatoire, on apprenait une scène tous les trois mois. Donc on arrivait à bien la dire quand même.

  • Speaker #1

    Vous allez très vite commencer à tourner pour des cinéastes majeurs. Costa Gavras, Schoendorfer bien sûr, Zurlini, Ruffio. Quel regard vous portiez-vous sur les musiques de tous ces films ? Vous étiez juste, ce n'est pas une restriction comédien, donc vous n'aviez pas affaire directement aux compositeurs, c'était l'affaire du cinéaste. Quel regard vous portiez sur la musique une fois que vous découvriez le film terminé, mixé ? Parce que vous aviez des compositeurs comme Michel Magne, Georges Delerue, Gainsbourg, Colombier sur l'horizon, par exemple, qui vous mettaient en musique.

  • Speaker #0

    Je crois qu'il n'y a pas de vrai voyage sans musique. Je crois que ce n'est pas possible, même quand on raconte quelque chose. raconte il ya des musiques des qui nous reste dans la tête et c'est avec ça qu'on ose parler de ce qui nous anime complètement c'est la musique c'est la musique et donc c'est bien plus tard en faisant de la production que j'ai pu comprendre le mystère, la magie et le pouvoir de la musique.

  • Speaker #1

    Mais quand vous découvriez par exemple la 317e section terminée avec justement la musique de Pierre Janssen, avec ce bugle sur vous, sur votre personnage...

  • Speaker #0

    C'est vrai que... La 317e section, qui est un film sur l'Indochine. Comment se rendre compte de ce parcours, de cette difficulté d'existence qu'avaient ces militaires, qu'avaient ces hommes perdus dans la jungle ? Et là, d'un seul coup, le film a une identité. Le film, on comprend un petit peu quelles sont toutes les péripéties, les trajectoires qu'ont traversées les personnages. Et d'un seul coup, on les comprend. La musique, c'est un pouvoir de compréhension. C'est d'aller vers quelqu'un. Et quelqu'un a une âme profonde, un peu indéchiffrable. Et la musique, d'un seul coup, vous rassure. On comprend.

  • Speaker #1

    Il y a en 1966, dans votre itinéraire, une double rencontre décisive avec un cinéaste et avec un compositeur sur un film qui est, disons, appelé à traverser le temps. Écoutez.

  • Speaker #2

    Le seul fait d'exister, la rente incomparable. Le seul fait d'être là la rend plus désirable. Comme mille filles nues, comme mille rêves fous. J'ai fait le tour du monde, je l'ai cherché partout. Est-elle loin d'ici ? Est-elle près de moi ? Je n'en sais rien encore, mais je sais qu'elle existe. Et elle pécheresse. Ou bien fille de roi, star de cinérama, ou modeste fleuriste, je sais qu'elle m'appartiendra.

  • Speaker #1

    C'est Les Demoiselles de Rochefort, la chanson de Maxence. Et Les Demoiselles, c'est votre premier film tourné avec... et sur de la musique, celle évidemment de Michel Legrand, en quoi est-ce que ça change le travail du comédien d'être complètement immergé dans un bain de musique sur le tournage ?

  • Speaker #0

    C'est réjouissant. Ça vous transporte et dans le même temps, je me méfie beaucoup.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Je me méfie beaucoup parce que, allez, nous sommes dans une pièce, on met un peu de musique et on veut dire quelque chose, la musique va nous faciliter la parole. On va pouvoir s'exprimer. Et donc... Donc, je parle au niveau des gestes, des gestuels. Quand j'ai fait la comédie musicale, c'était la première. Notre pas, notre façon de nous approcher d'un lieu ou d'un personnage est complètement différente et magnifiée. Donc on peut faire des choses, vous savez, il y a une chose qui est très difficile. Vous êtes devant la caméra, vous regardez quelqu'un, et vous le regardez en continuant de sourire. C'est pas facile, parce qu'au bout de deux secondes, il y a le sourire qui se fige. Et avec la musique, on peut rester pendant trois minutes. Et puis le sourire devient éclatant, au contraire, il devient très discret. Et donc c'est toute cette palette de sentiments que l'on peut avoir, qui... qui est accompagné, qui s'exprime formidablement pour la musique.

  • Speaker #1

    Pour la chanson de Maxence, vous vous êtes doublé par un chanteur qui s'appelle Jacques Revaux, et Demi et Legrand avaient cherché une voix chantée qui soit raccord avec votre voix parlée à vous. Vous avez assisté à l'enregistrement de votre chanson ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai découvert même Jacques Revaux après. C'est après, pratiquement quand le film était terminé. Mais c'est terrible parce que je suis votre voix. comment... J'ai fait le film, c'est ma voix. Et donc, à un certain moment, j'y croyais que je chantais. Et puis, il y a eu une scène avec Gene Kelly, où là, Gene Kelly, il peut tourner avec un playback ou sans playback, enfin, aussi bien les gestes que la musicalité. Il n'y avait plus de technique. Donc Jacques Demy nous a demandé, ça vous ennuie à Gene Kelly et à moi, vous chantez, vous n'avez pas de musique, le playback ne marche pas. Et je crois que c'est le sentiment d'horreur, le sentiment de complexe le plus fort que j'ai vu.

  • Speaker #1

    Par contraste avec Gene Kelly.

  • Speaker #0

    Par contraste avec Gene Kelly. Comment je vais faire ? Et d'un seul coup, je me suis rendu compte que ma voix était raillée, que je ne peux pas suivre différents registres. Et ils ont été très gentils, parce qu'on a continué les répétitions, comme si de rien n'était, comme si ça avait bien marché. J'avais Jacques Baratier qui m'a fait « Oh là là ! » Oh là là, j'espère que le son va marcher maintenant, parce que vraiment, c'est très difficile. Cela dit, je n'étais pas le seul. Les voix dans les comédiens, que ce soit le personnage de Catherine, François...

  • Speaker #1

    On était doublés.

  • Speaker #0

    Sauf...

  • Speaker #1

    Darieux. Darieux. Sauf Darieux. On a cité Costa, Gavras, tout à l'heure. Vous êtes lié avec lui par les deux premiers films, son passage à la mise en scène avec Compartiment Tueur, qui est un polar noir et blanc stylisé, puis Un Homme de Trop, qui est une parabole sur un groupe perverti de l'intérieur. Et puis, il y a la déflagration internationale de Z avec la musique de Miki Stéodorakis. Z, c'est votre traversée du miroir. Vous êtes très jeune, vous avez 27 ans. C'est le premier film que vous produisez en créant votre société. À quelles ambitions ça correspondait ?

  • Speaker #0

    Costa m'avait donné le scénario très beau, très fort de Z. et puis il m'a dit Jacques, écoute, je suis désolé c'est normal, c'est un film comme on dit politique personne n'y croit surtout en ce moment c'est 68 donc il y a d'autres préoccupations chez les districts que de faire un film politique. Et là, je lui ai dit, écoute, je ne sais pas, je m'avance, mais je suis ami avec des responsables du cinéma algérien, l'Agdar Amina, pour ne pas le nommer, et je vais poser la question de voir si lui pourrait coproduire. Je suis allé en Algérie, et puis je connaissais bien l'Agdar, et qui tout de suite a lu le scénario, je crois, oui. Il a été enthousiaste. Il a fait lire à Boumediene, qui était donc à l'époque... Président de la République d'Algérie. Puis ça l'a fait rire et puis on a pu bénéficier de la coproduction. Et puis comme ça, ça s'est fait par amitié, avec des amis algériens. Et aussi parce que j'étais responsable. Ce que je cherchais avec Eva Christian Baratier, c'est d'être celui qui va promouvoir la troupe. Je faisais partie d'une troupe, dans Z, je faisais partie des comédiens. et on avait un scénario formidable et personne ne s'amusait à le produire. Personne n'osait ou personne n'avait envie. La production va faire vivre tout ça.

  • Speaker #1

    Mais 27 ans quand même, vous avez 27 ans.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Bien souvent on dit comment vous avez fait pour porter ce film. C'est le film qui nous porte. C'est le film qui insiste en nous en disant mais ça on ne l'a pas rencontré, ça on ne l'a pas fait. Et donc quand j'imagine la palette des comédiens, de Pierre Duc, de Zuffi, de Renne-Papa, c'est énorme ce qu'on avait comme comédiens. Charles Dennerre. Charles Dennerre. J'étais d'une certaine façon l'agent de toute cette troupe. Dans Z, il n'y a que des gens. je ne parle pas du dux et du général, mais des gens qui refusent. Qu'est-ce que c'est bien quand dans la vie on rencontre des gens et où avec insistance on arrive à les combattre.

  • Speaker #1

    Mais là, sur Z, vous parlez d'esprit de troupe. comme au théâtre, notamment des comédiens, mais aussi les collaborateurs de création. Raoul Coutard à la lumière, Françoise Bonneau au montage, Jacques Devidio au décor. Il y a aussi la musique. Et là, il y a une symbolique particulière, c'est le fait d'aller chercher... un compositeur grec que les colonels ont exilé dans un village du Péloponnèse. Est-ce que vous vous souvenez de l'aventure, de l'implication de Théodorakis dans le film ?

  • Speaker #0

    De Théodorakis, c'était la volonté de Costa. Costa pensait qu'il y avait des éléments qui ne pouvaient pas varier, qu'on ne pouvait pas supprimer ou substituer. Et donc la musique devait être Théodorakis parce que ça faisait partie de son histoire, de l'histoire de la Grèce. Donc c'est moi qui suis allé voir Théodorakis quand il était en prison en Grèce. et puis je me suis rendu compte que c'était à 200 km la prison dans laquelle il était déjà pour louer une voiture je me faisais toujours qu'il y avait des gens qui me suivait je trouvais ça puis j'ai compris que c'était pas par hasard et puis j'ai pris la voiture donc j'ai pas joué à fond de train à prendre des virages et arriver à quelques kilomètres de la prison j'étais arrêté on m'a demandé ce que je faisais vous je vais voir un musée Théodore Akis, on a fait un beau film sur votre pays et donc on aimerait bien que tous les éléments qui vont composer cette vision du film, on aimerait bien qu'elle soit partagée par Théodore Akis parce qu'il est un peu l'âme de la Grèce j'ai été accompagné à l'aéroport et puis voilà et vous n'avez pas rencontré Théodore Akis ? j'ai pas rencontré Théodore Akis et puis bon voilà on a rencontré un arrangeur.

  • Speaker #1

    Bernard Gérard.

  • Speaker #0

    Bernard Gérard, qui a été remarquable.

  • Speaker #1

    Et qui a adapté des musiques et des temps de Théodorakis.

  • Speaker #0

    Il n'a pas trahi Théodorakis, et ce n'était pas tout à fait la musique de Théodorakis. Il a trouvé une traduction cinématographique. Et ça, c'était remarquable. Et donc, bien souvent, les airs qui étaient connus, qui sont restés dans nos mémoires, de Zed, c'est en partie Théodorakis et en partie Bernard Gérard.

  • Speaker #1

    Cette musique scelle votre rencontre avec un monstre sacré, Ennio Morricone, sur un film que vous avez porté à bout de bras, avec notamment Michel De Broca, qui est Le désert des tartares. Vous m'avez dit un jour, ça m'avait beaucoup frappé, que vous étiez heureux et fier de ce film, mais pas complètement à 100%. Et vous m'avez dit que peut-être que la musique de Morricone avait permis de compléter ce que le film n'avait pas complètement dans l'image.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    On était avec le film de Géolini, Dieu sait si c'est un réalisateur que j'admire, mais qui a été très fidèle à Busati. qui a été, j'ose dire, sur des choses que l'on estime, on peut admirer, il était trop fidèle. Et donc, d'une certaine façon, il s'est un petit peu emprisonné dans l'allégorie, dans la symbolique du désert. Et son film, c'est un peu une photographie en mouvement. Et donc il a été très très proche, c'était un hommage à Dino Bugiati.

  • Speaker #1

    Mais la musique justement, Morricone cite toujours le désert des tartares, et je l'ai vu, Morricone d'ailleurs vous parlait du film à son dernier concert à Paris, disant que c'était une partition fascinante pour lui parce que... Plus la partition avance, plus le langage se dérègle. On commence sur quelque chose de clair, de mélodique. Vous quittez votre famille pour aller vers cette forteresse isolée en plein désert. Et au fur et à mesure, le langage va devenir de plus en plus abstrait, des dissonances vont apparaître, et on va basculer dans la folie, et même dans un monde parallèle et absurde.

  • Speaker #0

    Non, mais si c'est ce que vous a dit Morricone, vous avez eu de la chance parce qu'il ne m'en a pas parlé. Mais c'est, en tout cas, mais c'est vraiment... C'est vraiment la transformation de ce qu'il a écrit et qui donne cette espèce de réalité du personnage qui s'en va dans le désert pour suivre une carrière de militaire. qui va rester six mois, un an. Et que tout se délite. Et Morricone, à vous entendre, il a compris ça. C'est que la réalité, les paysages difficiles, c'est-à-dire la réalité des personnages, quand c'est des étendus désertiques qui surveillent un désert dans lequel doivent apparaître les tartares, c'est-à-dire un fantasme qui existe. Et donc, au bout d'un certain temps, même le décor était un peu ça quand on a tourné en Iran, euh ça s'effrite, ça fout le camp. Et dans sa musique aussi, c'est comme la raison, la raison de ce garçon qui reste trop damné, qui se rend compte que, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a attendu, il a attendu la vieillesse, qui est le pas avant la mort. Il a attendu, donc comment, par la musique, comprendre ça ?

  • Speaker #1

    Mais sur tous ces films sur lesquels vous êtes à la fois producteur et acteur, est-ce que vous vous impliquez sur l'étape de la musique ? Vous allez aux enregistrements ?

  • Speaker #0

    Oui, les enregistrements, j'y suis. Mais en tout cas, c'est une règle. Je ne veux pas... influencer le réalisateur. Je trouve que c'est son œuvre. Et donc, j'arrive à un certain moment, vous devriez être un peu plus, sinon il faudrait que... Non, je ne veux pas. Et si je le fais, c'est peut-être après l'enregistrement. Je veux lui dire, il me semble que... c'est bien, mais tu vois, ce sera encore mieux si tu accentues un peu ça. Mais je le fais rarement. Donc à chaque fois, c'est la découverte de musiciens que je ne connaissais pas à Piovani, que je ne connaissais pas dans le film de Maroun Bagdadi. Formidable, formidable. J'ai la chance d'être le premier auditeur. Donc je vais et j'écoute, je suis dans ce mélange d'accents musicaux, de relations entre le compositeur et puis le réalisateur. Donc il y a quelque chose, un mystère, qui se passe entre eux et j'aime m'assister à ça. Autant sur le scénario, j'interviens beaucoup, quitte à être emmerdant, je crois.

  • Speaker #1

    Mais pas sur la musique.

  • Speaker #0

    Mais pas... sur la musique. C'est un univers qui est réservé, c'est un univers qui est protégé. Je ne crois pas que c'est quand même arrivé à la musique. Vous vous rendez compte quel parcours, quel chemin solitaire pour le réalisateur, quelle recherche de traduction pour le compositeur, pour qu'enfin deux sensibilités différentes se rejoignent. C'est quand même un don, une rencontre. dans laquelle j'ai la chance d'assister. Et puis, en général, le choix du compositeur se fait entre nous, entre le réalisateur et moi. Je n'ai pas envie de devenir un mauvais professeur, parce que je serais un mauvais.

  • Speaker #1

    Il y a un film que j'aime beaucoup dans votre filmographie de producteur, c'est en 93-94, vous vous lancez dans un Paris fou, qui est raconté un siècle. de cinéma français. Retrouvailles avec Michel Legrand,

  • Speaker #0

    20 ans après Rochefort. Alors il y a eu un film sur les 100 ans. du cinéma qui a été fait par Bertrand Tavernier, qui est très bien. La différence, c'est que Bertrand se penche sur sa jeunesse, sur sa formation au cinéma, et donc c'est un long apprentissage personnel pour découvrir ce qu'était le cinéma. Nous, ce que nous avons fait avec Claude Sautet, avec Christophe Baratier...

  • Speaker #1

    À la Corneau !

  • Speaker #0

    À la Corneau... Et donc les premières choses que l'on a faites... Chacun vous prenez un papier et on va citer les 20 films qui nous semblent les plus importants. Ce n'est pas les plus importants, ceux que vous appréciez le plus, chacun. Et sur les 20, il y en avait à peu près une douzaine où on se retrouvait. C'était les mêmes films. Et puis après, on a continué avec un chef d'orchestre des images.

  • Speaker #1

    Pierre Philippe.

  • Speaker #0

    Qui était Pierre Philippe, qui parlait du film. film et de son oeuvre. C'était son oeuvre. Je comprends très bien que ça peut se considérer comme ça. Michel Legrand a fait quelque chose de magnifique.

  • Speaker #1

    Mais vous imaginez pour lui, sur ce film qui s'appelle Les Enfants de Lumière, on n'a pas cité le titre du film, à quel point c'était un pari ? C'est-à-dire...

  • Speaker #0

    qu'il fallait trouver une écriture musicale qui unifie toutes les écritures du cinéma français unifié de mes voies en une voix avec tout à légende du cinéma qu'il a su exprimer les scènes de grandes batailles des films historiques et dieu sait c'est dans l'histoire du cinéma on avait l'impression que mais c'est la musique de ces films et je me souviens mais non c'est la musique de Michel Legrand. À la façon dont se faisaient les musiques, musique des films, il y a 30 ans, il y a 40 ans, il y a 50 ans. Et donc, ce qu'on avait voulu avec Pierre-Philippe et avec les co-réalisateurs, les co-auteurs, c'est que chacun retrouve son cinéma. Et ça, c'est ce qu'on avait expliqué à Michel Legrand, qui a plongé de bonheur, mais formidable. Moi, je fais une musique qui doit être reconnue par tous. Une musique populaire. Et puis, c'est aussi une musique qui va chercher, c'est comme remonter le temps. La musique va chercher des images et des films qui ne sont plus de notre temps. Il a été à la recherche de la mémoire que l'on croyait avoir et qu'on n'avait pas. Il montait un petit peu aux spectateurs, leur faisant croire que ces musiques, vous les avez déjà entendues.

  • Speaker #1

    Pour illustrer la musique de Michel Legrand pour Les Enfants de Lumière, je vous laisse choisir, décider, Jacques, entre trois morceaux, le pari des décorateurs, les couples célèbres ou l'histoire de la vie. L'histoire de France. Vous avez droit à un titre.

  • Speaker #0

    Les accents de trompette sur l'histoire. Et ça, c'est à chaque fois comme si on ouvrait un rideau et d'un seul coup, il y a les personnages du Moyen-Âge qui apparaissent et qui... Ça aussi, c'était une musique qui était tellement inventive, tellement... On ne pouvait pas y échapper. On était captivés tout de suite. Et c'était de la musique de Michel Legrand.

  • Speaker #3

    Merci à tous ceux qui ont participé à cette émission.

  • Speaker #1

    Pour boucler la boucle, Jacques, avec Le désert des tartares, je pense à Ennio Morricone, je pense à vos retrouvailles à son dernier concert parisien, son concert d'adieu à Bercy, c'était en 2018. Ennio Morricone a été un peu réactivé, je dirais, en 1987 par un jeune cinéaste sicilien. sur un film qui était pour lui bouleversant, parce que ce film est arrivé dans la vie de Morricone, et ce cinéaste est arrivé dans la vie de Morricone, au moment où Sergio Leone venait de partir. Morricone a vu comme un transfert de génération auprès de lui, c'est-à-dire qu'il y avait un frère de cinéma qui disparaissait, et un fils de cinéma qui apparaissait. Le film s'appelait Cinéma Paradiso, Nuovo Cinema Paradiso, le metteur en scène Giuseppe Tornatore, et vous êtes dans ce film, le petit Toto, devenu adulte, et sur ce film, Tornatore avait demandé à Morricone de reconduire la méthode fondatrice d'Avec Sergio Leone, c'est-à-dire d'écrire et d'enregistrer la musique en amont du tournage, de façon à ce que vous, Jacques Perrin, vous puissiez jouer en musique sur le tournage, notamment quand vous revenez dans le cinéma désaffecté, ou évidemment sur la séquence finale des Baisers.

  • Speaker #0

    Giuseppe Tornatore, il voulait vraiment que cette scène soit intense d'émotion. Donc il a fait le pari, est-ce que c'était juste ou pas, d'avoir, comme vous le dites, une musique préenregistrée. Et donc j'ai été mis dans ce petit cinéma et il m'a dit, voilà, j'ai fait un truc, c'est baisé, tu l'as lu, ça te plaît bien. Donc on les a collés et personne ne les a vus. On va le projeter et en même temps on va tourner. Donc tu vas les découvrir comme le spectateur à la fin du film, le verron.

  • Speaker #1

    Et la musique en plus.

  • Speaker #0

    Et la musique en plus. Et donc tout le monde. les techniciens, avaient été prévenus. Et donc, le machiniste, avec son chariot, le travelling, les électriciens qui étaient en train de tourner le projecteur, et puis les gens autour de la caméra. Je savais qu'il fallait que ce soit intense, d'émotion. Attention, silencio. Et dans silencio, je vois tous les gens qui presque tremblent. C'est pas tout à fait ça, mais donne l'impression de trembler. Et la musique commence, le travelling est poussé. Et la plupart des techniciens pleuraient. Avec l'émotion... qu'ils étaient persuadés de rencontrer. Donc, vous savez, on a toujours trois yeux. Le troisième, c'est celui qu'on ne voit pas, qui regarde sur les côtés. Et donc, j'étais... À un certain moment, c'était pas être... Mais je ne vais jamais être à la hauteur des émotions qui sont autour de moi. On a fait une prise, une seule prise. Et Giuseppe a dit, non, c'est bien, c'est suffisant. On fait une seule prise, pas d'autre. Donc, c'est de dire que les techniciens, que les collaborateurs du film ont été saisis. par le film, ont compris le périple d'émotion du réalisateur et voulaient jouer en même temps que lui. Ça a été une scène où l'acteur, les exécutifs ont tous pleuré.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'il y a... C'est un souvenir... Vraiment très très fort de vous voir assister à ce concert de Morricone en 2018 et de vous voir, vous, spectateurs, voyant Morricone dirigeant sur scène, aux dernières minutes de son dernier concert en France, cette musique qui est indissociable du cinéma de Tornatore et de vous, totaux adultes, dans cette scène finale qui est, on peut le dire, une déclaration d'amour au cinéma.

  • Speaker #0

    Très bien dit, tout à fait. C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Merci Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Jacques Perrin

    00:00

  • Les débuts de Jacques Perrin au cinéma et l'importance de la musique

    00:30

  • Les premières impressions de la musique au cinéma

    01:05

  • L'impact de la musique sur les performances d'acteur

    02:10

  • Rencontres marquantes avec des compositeurs

    06:06

  • La production de Z et la musique de Mikis Theodorakis

    11:36

  • L'expérience avec Ennio Morricone et Le désert des tartares

    17:06

  • La collaboration sur la musique et son rôle dans le film

    21:09

  • Réflexions sur le cinéma et la musique de Michel Legrand

    23:07

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Description

Son parcours, ce sont plusieurs vies en une vie, une succession de renaissances miraculeuses : un jeune premier qui devient producteur, à vingt-sept ans, pour financer des films ambitieux, non formatés (Z, Section spéciale, Le Désert des Tartares, Microcosmos, Les Choristes) ; un producteur qui, à soixante ans, traverse le miroir pour devenir réalisateur, à travers le triptyque de contes naturels Le Peuple migrateur, Océans et Les Saisons.
Au Festival de Cannes 2021, la Sacem remet son prix A Life in Soundtrack au binôme de création qu’il forme avec le compositeur Bruno Coulais.
L’occasion rêvée pour évoquer avec Jacques Perrin son rapport intime à la musique, ou plutôt aux musiques. Avec un premier podcast consacré à son parcours musical comme comédien et producteur (Michel Legrand, Ennio Morricone, Mikis Theodorakis), un second à sa collaboration en haute-fidélité avec Bruno Coulais. 

Crédits musicaux :

La 317ème section - Thème principal  

Musique de Pierre Jansen, Editions Sido Music  

Les Demoiselles de Rochefort  - Chanson de Maxence, par Jacques Revaux 

Musique de Michel Legrand / Paroles de Jacques Demy 

Editions Universal Music Publishing France / Warner Chappell Music France  

  

Z  -Thème principal  

Musique de Mikis Theodorakis  

Arrangements et direction d'orchestre : Bernard Gérard  

Editions Emi Songs France  

  

Le Désert des Tartares - Proposta - Il Deserto come estasi  

Musique d'Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing  

  

Les Enfants de Lumière  - Histoire de France  

Musique de Michel Legrand 

Editions Sony Music Entertainment France / ALP Music  

  

Cinéma Paradiso -Tema d'Amore 

Musique d'Andrea et Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing   


Crédit photo : Laurence Sudre / Bridgeman Images 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacem présente Regards de Cinéaste, un podcast imaginé et animé par Stéphane Lerouge.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous. C'est l'histoire de métamorphoses successives. Celle d'un comédien, jeune premier des années 60, qui, à 27 ans, s'est réinventé en produisant Z de Costa Gavras. Celle aussi d'un producteur qui, à 60 ans, a traversé le miroir en co-réalisant son premier long-métrage, Le Peuple Migrateur. Avec lui, dans ce podcast, nous allons évoquer les compositeurs de ses deux premières vies professionnelles. Michel Legrand, Mikis Theodorakis ou Ennio Morricone. Bonjour Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous dire à quel âge vous avez pris conscience du pouvoir de la musique au cinéma ? Est-ce qu'il y a des films ou des musiques de films qui durant votre enfance ou votre adolescence ont marqué votre cortex au fer rouge ?

  • Speaker #0

    Déjà, la première fois que je suis allé au cinéma, je devais avoir... 12 ans à peu près, donc mon éducation est, si l'on peut dire, relativement récente. Et le film que j'avais vu, c'était L'Épave. L'Épave, un film de, avec Françoise Arnoul. Et elle se noie. Et quelqu'un va la chercher, la sort des eaux, et découvre son corsage. Donc le premier sein que j'ai vu, c'est celui de Françoise Arnoul. Et ça m'est resté. Vous savez, j'arrive à un grand âge, tout se confond, je ne sais plus si c'est la première ou la dernière musique, si j'ai vu des films ou 3000 films, donc je n'arrive pas à saisir quel était le film avec la musique.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, avec le recul, comment vous avez vécu ce début de parcours ou d'itinéraire en accéléré ? C'est-à-dire le fait de passer très vite, finalement, de l'adolescence et du lycée à la vie active, en commençant à tourner comme comédien très, très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, ce parcours il a commencé plus tard puisque le lycée je n'en ai pas fait j'ai fait que l'école communale et on m'a dit que c'était très bien il fallait avoir un bagage donc j'ai eu mon certificat d'études à presque 15 ans donc j'étais pas en avance et faut dire une chose que mon père était régisseur à la comédie française, maman était comédienne j'ai eu une soeur Eva, qui était aussi actrice et nous étions tous dans le chaudron de ce qu'est le théâtre, à savoir que maman récitait des poèmes, non pas pour un public très large, mais chez nous, et on voyageait avec Francis Carcot, avec Jacques Prévert, donc suivant la diction de notre mère. Et donc c'est comme ça que j'ai commencé à appréhender la vie, donc on ne peut pas dire qu'elle était très difficile, le mieux que j'ai fait. Beaucoup des petits métiers, mais que ce n'était pas une difficulté en soi, il fallait bien survivre. J'ai quitté le conservatoire très tôt, parce que ce n'était pas mon fort. Et puis c'était l'époque où le conservatoire, on apprenait une scène tous les trois mois. Donc on arrivait à bien la dire quand même.

  • Speaker #1

    Vous allez très vite commencer à tourner pour des cinéastes majeurs. Costa Gavras, Schoendorfer bien sûr, Zurlini, Ruffio. Quel regard vous portiez-vous sur les musiques de tous ces films ? Vous étiez juste, ce n'est pas une restriction comédien, donc vous n'aviez pas affaire directement aux compositeurs, c'était l'affaire du cinéaste. Quel regard vous portiez sur la musique une fois que vous découvriez le film terminé, mixé ? Parce que vous aviez des compositeurs comme Michel Magne, Georges Delerue, Gainsbourg, Colombier sur l'horizon, par exemple, qui vous mettaient en musique.

  • Speaker #0

    Je crois qu'il n'y a pas de vrai voyage sans musique. Je crois que ce n'est pas possible, même quand on raconte quelque chose. raconte il ya des musiques des qui nous reste dans la tête et c'est avec ça qu'on ose parler de ce qui nous anime complètement c'est la musique c'est la musique et donc c'est bien plus tard en faisant de la production que j'ai pu comprendre le mystère, la magie et le pouvoir de la musique.

  • Speaker #1

    Mais quand vous découvriez par exemple la 317e section terminée avec justement la musique de Pierre Janssen, avec ce bugle sur vous, sur votre personnage...

  • Speaker #0

    C'est vrai que... La 317e section, qui est un film sur l'Indochine. Comment se rendre compte de ce parcours, de cette difficulté d'existence qu'avaient ces militaires, qu'avaient ces hommes perdus dans la jungle ? Et là, d'un seul coup, le film a une identité. Le film, on comprend un petit peu quelles sont toutes les péripéties, les trajectoires qu'ont traversées les personnages. Et d'un seul coup, on les comprend. La musique, c'est un pouvoir de compréhension. C'est d'aller vers quelqu'un. Et quelqu'un a une âme profonde, un peu indéchiffrable. Et la musique, d'un seul coup, vous rassure. On comprend.

  • Speaker #1

    Il y a en 1966, dans votre itinéraire, une double rencontre décisive avec un cinéaste et avec un compositeur sur un film qui est, disons, appelé à traverser le temps. Écoutez.

  • Speaker #2

    Le seul fait d'exister, la rente incomparable. Le seul fait d'être là la rend plus désirable. Comme mille filles nues, comme mille rêves fous. J'ai fait le tour du monde, je l'ai cherché partout. Est-elle loin d'ici ? Est-elle près de moi ? Je n'en sais rien encore, mais je sais qu'elle existe. Et elle pécheresse. Ou bien fille de roi, star de cinérama, ou modeste fleuriste, je sais qu'elle m'appartiendra.

  • Speaker #1

    C'est Les Demoiselles de Rochefort, la chanson de Maxence. Et Les Demoiselles, c'est votre premier film tourné avec... et sur de la musique, celle évidemment de Michel Legrand, en quoi est-ce que ça change le travail du comédien d'être complètement immergé dans un bain de musique sur le tournage ?

  • Speaker #0

    C'est réjouissant. Ça vous transporte et dans le même temps, je me méfie beaucoup.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Je me méfie beaucoup parce que, allez, nous sommes dans une pièce, on met un peu de musique et on veut dire quelque chose, la musique va nous faciliter la parole. On va pouvoir s'exprimer. Et donc... Donc, je parle au niveau des gestes, des gestuels. Quand j'ai fait la comédie musicale, c'était la première. Notre pas, notre façon de nous approcher d'un lieu ou d'un personnage est complètement différente et magnifiée. Donc on peut faire des choses, vous savez, il y a une chose qui est très difficile. Vous êtes devant la caméra, vous regardez quelqu'un, et vous le regardez en continuant de sourire. C'est pas facile, parce qu'au bout de deux secondes, il y a le sourire qui se fige. Et avec la musique, on peut rester pendant trois minutes. Et puis le sourire devient éclatant, au contraire, il devient très discret. Et donc c'est toute cette palette de sentiments que l'on peut avoir, qui... qui est accompagné, qui s'exprime formidablement pour la musique.

  • Speaker #1

    Pour la chanson de Maxence, vous vous êtes doublé par un chanteur qui s'appelle Jacques Revaux, et Demi et Legrand avaient cherché une voix chantée qui soit raccord avec votre voix parlée à vous. Vous avez assisté à l'enregistrement de votre chanson ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai découvert même Jacques Revaux après. C'est après, pratiquement quand le film était terminé. Mais c'est terrible parce que je suis votre voix. comment... J'ai fait le film, c'est ma voix. Et donc, à un certain moment, j'y croyais que je chantais. Et puis, il y a eu une scène avec Gene Kelly, où là, Gene Kelly, il peut tourner avec un playback ou sans playback, enfin, aussi bien les gestes que la musicalité. Il n'y avait plus de technique. Donc Jacques Demy nous a demandé, ça vous ennuie à Gene Kelly et à moi, vous chantez, vous n'avez pas de musique, le playback ne marche pas. Et je crois que c'est le sentiment d'horreur, le sentiment de complexe le plus fort que j'ai vu.

  • Speaker #1

    Par contraste avec Gene Kelly.

  • Speaker #0

    Par contraste avec Gene Kelly. Comment je vais faire ? Et d'un seul coup, je me suis rendu compte que ma voix était raillée, que je ne peux pas suivre différents registres. Et ils ont été très gentils, parce qu'on a continué les répétitions, comme si de rien n'était, comme si ça avait bien marché. J'avais Jacques Baratier qui m'a fait « Oh là là ! » Oh là là, j'espère que le son va marcher maintenant, parce que vraiment, c'est très difficile. Cela dit, je n'étais pas le seul. Les voix dans les comédiens, que ce soit le personnage de Catherine, François...

  • Speaker #1

    On était doublés.

  • Speaker #0

    Sauf...

  • Speaker #1

    Darieux. Darieux. Sauf Darieux. On a cité Costa, Gavras, tout à l'heure. Vous êtes lié avec lui par les deux premiers films, son passage à la mise en scène avec Compartiment Tueur, qui est un polar noir et blanc stylisé, puis Un Homme de Trop, qui est une parabole sur un groupe perverti de l'intérieur. Et puis, il y a la déflagration internationale de Z avec la musique de Miki Stéodorakis. Z, c'est votre traversée du miroir. Vous êtes très jeune, vous avez 27 ans. C'est le premier film que vous produisez en créant votre société. À quelles ambitions ça correspondait ?

  • Speaker #0

    Costa m'avait donné le scénario très beau, très fort de Z. et puis il m'a dit Jacques, écoute, je suis désolé c'est normal, c'est un film comme on dit politique personne n'y croit surtout en ce moment c'est 68 donc il y a d'autres préoccupations chez les districts que de faire un film politique. Et là, je lui ai dit, écoute, je ne sais pas, je m'avance, mais je suis ami avec des responsables du cinéma algérien, l'Agdar Amina, pour ne pas le nommer, et je vais poser la question de voir si lui pourrait coproduire. Je suis allé en Algérie, et puis je connaissais bien l'Agdar, et qui tout de suite a lu le scénario, je crois, oui. Il a été enthousiaste. Il a fait lire à Boumediene, qui était donc à l'époque... Président de la République d'Algérie. Puis ça l'a fait rire et puis on a pu bénéficier de la coproduction. Et puis comme ça, ça s'est fait par amitié, avec des amis algériens. Et aussi parce que j'étais responsable. Ce que je cherchais avec Eva Christian Baratier, c'est d'être celui qui va promouvoir la troupe. Je faisais partie d'une troupe, dans Z, je faisais partie des comédiens. et on avait un scénario formidable et personne ne s'amusait à le produire. Personne n'osait ou personne n'avait envie. La production va faire vivre tout ça.

  • Speaker #1

    Mais 27 ans quand même, vous avez 27 ans.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Bien souvent on dit comment vous avez fait pour porter ce film. C'est le film qui nous porte. C'est le film qui insiste en nous en disant mais ça on ne l'a pas rencontré, ça on ne l'a pas fait. Et donc quand j'imagine la palette des comédiens, de Pierre Duc, de Zuffi, de Renne-Papa, c'est énorme ce qu'on avait comme comédiens. Charles Dennerre. Charles Dennerre. J'étais d'une certaine façon l'agent de toute cette troupe. Dans Z, il n'y a que des gens. je ne parle pas du dux et du général, mais des gens qui refusent. Qu'est-ce que c'est bien quand dans la vie on rencontre des gens et où avec insistance on arrive à les combattre.

  • Speaker #1

    Mais là, sur Z, vous parlez d'esprit de troupe. comme au théâtre, notamment des comédiens, mais aussi les collaborateurs de création. Raoul Coutard à la lumière, Françoise Bonneau au montage, Jacques Devidio au décor. Il y a aussi la musique. Et là, il y a une symbolique particulière, c'est le fait d'aller chercher... un compositeur grec que les colonels ont exilé dans un village du Péloponnèse. Est-ce que vous vous souvenez de l'aventure, de l'implication de Théodorakis dans le film ?

  • Speaker #0

    De Théodorakis, c'était la volonté de Costa. Costa pensait qu'il y avait des éléments qui ne pouvaient pas varier, qu'on ne pouvait pas supprimer ou substituer. Et donc la musique devait être Théodorakis parce que ça faisait partie de son histoire, de l'histoire de la Grèce. Donc c'est moi qui suis allé voir Théodorakis quand il était en prison en Grèce. et puis je me suis rendu compte que c'était à 200 km la prison dans laquelle il était déjà pour louer une voiture je me faisais toujours qu'il y avait des gens qui me suivait je trouvais ça puis j'ai compris que c'était pas par hasard et puis j'ai pris la voiture donc j'ai pas joué à fond de train à prendre des virages et arriver à quelques kilomètres de la prison j'étais arrêté on m'a demandé ce que je faisais vous je vais voir un musée Théodore Akis, on a fait un beau film sur votre pays et donc on aimerait bien que tous les éléments qui vont composer cette vision du film, on aimerait bien qu'elle soit partagée par Théodore Akis parce qu'il est un peu l'âme de la Grèce j'ai été accompagné à l'aéroport et puis voilà et vous n'avez pas rencontré Théodore Akis ? j'ai pas rencontré Théodore Akis et puis bon voilà on a rencontré un arrangeur.

  • Speaker #1

    Bernard Gérard.

  • Speaker #0

    Bernard Gérard, qui a été remarquable.

  • Speaker #1

    Et qui a adapté des musiques et des temps de Théodorakis.

  • Speaker #0

    Il n'a pas trahi Théodorakis, et ce n'était pas tout à fait la musique de Théodorakis. Il a trouvé une traduction cinématographique. Et ça, c'était remarquable. Et donc, bien souvent, les airs qui étaient connus, qui sont restés dans nos mémoires, de Zed, c'est en partie Théodorakis et en partie Bernard Gérard.

  • Speaker #1

    Cette musique scelle votre rencontre avec un monstre sacré, Ennio Morricone, sur un film que vous avez porté à bout de bras, avec notamment Michel De Broca, qui est Le désert des tartares. Vous m'avez dit un jour, ça m'avait beaucoup frappé, que vous étiez heureux et fier de ce film, mais pas complètement à 100%. Et vous m'avez dit que peut-être que la musique de Morricone avait permis de compléter ce que le film n'avait pas complètement dans l'image.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    On était avec le film de Géolini, Dieu sait si c'est un réalisateur que j'admire, mais qui a été très fidèle à Busati. qui a été, j'ose dire, sur des choses que l'on estime, on peut admirer, il était trop fidèle. Et donc, d'une certaine façon, il s'est un petit peu emprisonné dans l'allégorie, dans la symbolique du désert. Et son film, c'est un peu une photographie en mouvement. Et donc il a été très très proche, c'était un hommage à Dino Bugiati.

  • Speaker #1

    Mais la musique justement, Morricone cite toujours le désert des tartares, et je l'ai vu, Morricone d'ailleurs vous parlait du film à son dernier concert à Paris, disant que c'était une partition fascinante pour lui parce que... Plus la partition avance, plus le langage se dérègle. On commence sur quelque chose de clair, de mélodique. Vous quittez votre famille pour aller vers cette forteresse isolée en plein désert. Et au fur et à mesure, le langage va devenir de plus en plus abstrait, des dissonances vont apparaître, et on va basculer dans la folie, et même dans un monde parallèle et absurde.

  • Speaker #0

    Non, mais si c'est ce que vous a dit Morricone, vous avez eu de la chance parce qu'il ne m'en a pas parlé. Mais c'est, en tout cas, mais c'est vraiment... C'est vraiment la transformation de ce qu'il a écrit et qui donne cette espèce de réalité du personnage qui s'en va dans le désert pour suivre une carrière de militaire. qui va rester six mois, un an. Et que tout se délite. Et Morricone, à vous entendre, il a compris ça. C'est que la réalité, les paysages difficiles, c'est-à-dire la réalité des personnages, quand c'est des étendus désertiques qui surveillent un désert dans lequel doivent apparaître les tartares, c'est-à-dire un fantasme qui existe. Et donc, au bout d'un certain temps, même le décor était un peu ça quand on a tourné en Iran, euh ça s'effrite, ça fout le camp. Et dans sa musique aussi, c'est comme la raison, la raison de ce garçon qui reste trop damné, qui se rend compte que, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a attendu, il a attendu la vieillesse, qui est le pas avant la mort. Il a attendu, donc comment, par la musique, comprendre ça ?

  • Speaker #1

    Mais sur tous ces films sur lesquels vous êtes à la fois producteur et acteur, est-ce que vous vous impliquez sur l'étape de la musique ? Vous allez aux enregistrements ?

  • Speaker #0

    Oui, les enregistrements, j'y suis. Mais en tout cas, c'est une règle. Je ne veux pas... influencer le réalisateur. Je trouve que c'est son œuvre. Et donc, j'arrive à un certain moment, vous devriez être un peu plus, sinon il faudrait que... Non, je ne veux pas. Et si je le fais, c'est peut-être après l'enregistrement. Je veux lui dire, il me semble que... c'est bien, mais tu vois, ce sera encore mieux si tu accentues un peu ça. Mais je le fais rarement. Donc à chaque fois, c'est la découverte de musiciens que je ne connaissais pas à Piovani, que je ne connaissais pas dans le film de Maroun Bagdadi. Formidable, formidable. J'ai la chance d'être le premier auditeur. Donc je vais et j'écoute, je suis dans ce mélange d'accents musicaux, de relations entre le compositeur et puis le réalisateur. Donc il y a quelque chose, un mystère, qui se passe entre eux et j'aime m'assister à ça. Autant sur le scénario, j'interviens beaucoup, quitte à être emmerdant, je crois.

  • Speaker #1

    Mais pas sur la musique.

  • Speaker #0

    Mais pas... sur la musique. C'est un univers qui est réservé, c'est un univers qui est protégé. Je ne crois pas que c'est quand même arrivé à la musique. Vous vous rendez compte quel parcours, quel chemin solitaire pour le réalisateur, quelle recherche de traduction pour le compositeur, pour qu'enfin deux sensibilités différentes se rejoignent. C'est quand même un don, une rencontre. dans laquelle j'ai la chance d'assister. Et puis, en général, le choix du compositeur se fait entre nous, entre le réalisateur et moi. Je n'ai pas envie de devenir un mauvais professeur, parce que je serais un mauvais.

  • Speaker #1

    Il y a un film que j'aime beaucoup dans votre filmographie de producteur, c'est en 93-94, vous vous lancez dans un Paris fou, qui est raconté un siècle. de cinéma français. Retrouvailles avec Michel Legrand,

  • Speaker #0

    20 ans après Rochefort. Alors il y a eu un film sur les 100 ans. du cinéma qui a été fait par Bertrand Tavernier, qui est très bien. La différence, c'est que Bertrand se penche sur sa jeunesse, sur sa formation au cinéma, et donc c'est un long apprentissage personnel pour découvrir ce qu'était le cinéma. Nous, ce que nous avons fait avec Claude Sautet, avec Christophe Baratier...

  • Speaker #1

    À la Corneau !

  • Speaker #0

    À la Corneau... Et donc les premières choses que l'on a faites... Chacun vous prenez un papier et on va citer les 20 films qui nous semblent les plus importants. Ce n'est pas les plus importants, ceux que vous appréciez le plus, chacun. Et sur les 20, il y en avait à peu près une douzaine où on se retrouvait. C'était les mêmes films. Et puis après, on a continué avec un chef d'orchestre des images.

  • Speaker #1

    Pierre Philippe.

  • Speaker #0

    Qui était Pierre Philippe, qui parlait du film. film et de son oeuvre. C'était son oeuvre. Je comprends très bien que ça peut se considérer comme ça. Michel Legrand a fait quelque chose de magnifique.

  • Speaker #1

    Mais vous imaginez pour lui, sur ce film qui s'appelle Les Enfants de Lumière, on n'a pas cité le titre du film, à quel point c'était un pari ? C'est-à-dire...

  • Speaker #0

    qu'il fallait trouver une écriture musicale qui unifie toutes les écritures du cinéma français unifié de mes voies en une voix avec tout à légende du cinéma qu'il a su exprimer les scènes de grandes batailles des films historiques et dieu sait c'est dans l'histoire du cinéma on avait l'impression que mais c'est la musique de ces films et je me souviens mais non c'est la musique de Michel Legrand. À la façon dont se faisaient les musiques, musique des films, il y a 30 ans, il y a 40 ans, il y a 50 ans. Et donc, ce qu'on avait voulu avec Pierre-Philippe et avec les co-réalisateurs, les co-auteurs, c'est que chacun retrouve son cinéma. Et ça, c'est ce qu'on avait expliqué à Michel Legrand, qui a plongé de bonheur, mais formidable. Moi, je fais une musique qui doit être reconnue par tous. Une musique populaire. Et puis, c'est aussi une musique qui va chercher, c'est comme remonter le temps. La musique va chercher des images et des films qui ne sont plus de notre temps. Il a été à la recherche de la mémoire que l'on croyait avoir et qu'on n'avait pas. Il montait un petit peu aux spectateurs, leur faisant croire que ces musiques, vous les avez déjà entendues.

  • Speaker #1

    Pour illustrer la musique de Michel Legrand pour Les Enfants de Lumière, je vous laisse choisir, décider, Jacques, entre trois morceaux, le pari des décorateurs, les couples célèbres ou l'histoire de la vie. L'histoire de France. Vous avez droit à un titre.

  • Speaker #0

    Les accents de trompette sur l'histoire. Et ça, c'est à chaque fois comme si on ouvrait un rideau et d'un seul coup, il y a les personnages du Moyen-Âge qui apparaissent et qui... Ça aussi, c'était une musique qui était tellement inventive, tellement... On ne pouvait pas y échapper. On était captivés tout de suite. Et c'était de la musique de Michel Legrand.

  • Speaker #3

    Merci à tous ceux qui ont participé à cette émission.

  • Speaker #1

    Pour boucler la boucle, Jacques, avec Le désert des tartares, je pense à Ennio Morricone, je pense à vos retrouvailles à son dernier concert parisien, son concert d'adieu à Bercy, c'était en 2018. Ennio Morricone a été un peu réactivé, je dirais, en 1987 par un jeune cinéaste sicilien. sur un film qui était pour lui bouleversant, parce que ce film est arrivé dans la vie de Morricone, et ce cinéaste est arrivé dans la vie de Morricone, au moment où Sergio Leone venait de partir. Morricone a vu comme un transfert de génération auprès de lui, c'est-à-dire qu'il y avait un frère de cinéma qui disparaissait, et un fils de cinéma qui apparaissait. Le film s'appelait Cinéma Paradiso, Nuovo Cinema Paradiso, le metteur en scène Giuseppe Tornatore, et vous êtes dans ce film, le petit Toto, devenu adulte, et sur ce film, Tornatore avait demandé à Morricone de reconduire la méthode fondatrice d'Avec Sergio Leone, c'est-à-dire d'écrire et d'enregistrer la musique en amont du tournage, de façon à ce que vous, Jacques Perrin, vous puissiez jouer en musique sur le tournage, notamment quand vous revenez dans le cinéma désaffecté, ou évidemment sur la séquence finale des Baisers.

  • Speaker #0

    Giuseppe Tornatore, il voulait vraiment que cette scène soit intense d'émotion. Donc il a fait le pari, est-ce que c'était juste ou pas, d'avoir, comme vous le dites, une musique préenregistrée. Et donc j'ai été mis dans ce petit cinéma et il m'a dit, voilà, j'ai fait un truc, c'est baisé, tu l'as lu, ça te plaît bien. Donc on les a collés et personne ne les a vus. On va le projeter et en même temps on va tourner. Donc tu vas les découvrir comme le spectateur à la fin du film, le verron.

  • Speaker #1

    Et la musique en plus.

  • Speaker #0

    Et la musique en plus. Et donc tout le monde. les techniciens, avaient été prévenus. Et donc, le machiniste, avec son chariot, le travelling, les électriciens qui étaient en train de tourner le projecteur, et puis les gens autour de la caméra. Je savais qu'il fallait que ce soit intense, d'émotion. Attention, silencio. Et dans silencio, je vois tous les gens qui presque tremblent. C'est pas tout à fait ça, mais donne l'impression de trembler. Et la musique commence, le travelling est poussé. Et la plupart des techniciens pleuraient. Avec l'émotion... qu'ils étaient persuadés de rencontrer. Donc, vous savez, on a toujours trois yeux. Le troisième, c'est celui qu'on ne voit pas, qui regarde sur les côtés. Et donc, j'étais... À un certain moment, c'était pas être... Mais je ne vais jamais être à la hauteur des émotions qui sont autour de moi. On a fait une prise, une seule prise. Et Giuseppe a dit, non, c'est bien, c'est suffisant. On fait une seule prise, pas d'autre. Donc, c'est de dire que les techniciens, que les collaborateurs du film ont été saisis. par le film, ont compris le périple d'émotion du réalisateur et voulaient jouer en même temps que lui. Ça a été une scène où l'acteur, les exécutifs ont tous pleuré.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'il y a... C'est un souvenir... Vraiment très très fort de vous voir assister à ce concert de Morricone en 2018 et de vous voir, vous, spectateurs, voyant Morricone dirigeant sur scène, aux dernières minutes de son dernier concert en France, cette musique qui est indissociable du cinéma de Tornatore et de vous, totaux adultes, dans cette scène finale qui est, on peut le dire, une déclaration d'amour au cinéma.

  • Speaker #0

    Très bien dit, tout à fait. C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Merci Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Jacques Perrin

    00:00

  • Les débuts de Jacques Perrin au cinéma et l'importance de la musique

    00:30

  • Les premières impressions de la musique au cinéma

    01:05

  • L'impact de la musique sur les performances d'acteur

    02:10

  • Rencontres marquantes avec des compositeurs

    06:06

  • La production de Z et la musique de Mikis Theodorakis

    11:36

  • L'expérience avec Ennio Morricone et Le désert des tartares

    17:06

  • La collaboration sur la musique et son rôle dans le film

    21:09

  • Réflexions sur le cinéma et la musique de Michel Legrand

    23:07

Description

Son parcours, ce sont plusieurs vies en une vie, une succession de renaissances miraculeuses : un jeune premier qui devient producteur, à vingt-sept ans, pour financer des films ambitieux, non formatés (Z, Section spéciale, Le Désert des Tartares, Microcosmos, Les Choristes) ; un producteur qui, à soixante ans, traverse le miroir pour devenir réalisateur, à travers le triptyque de contes naturels Le Peuple migrateur, Océans et Les Saisons.
Au Festival de Cannes 2021, la Sacem remet son prix A Life in Soundtrack au binôme de création qu’il forme avec le compositeur Bruno Coulais.
L’occasion rêvée pour évoquer avec Jacques Perrin son rapport intime à la musique, ou plutôt aux musiques. Avec un premier podcast consacré à son parcours musical comme comédien et producteur (Michel Legrand, Ennio Morricone, Mikis Theodorakis), un second à sa collaboration en haute-fidélité avec Bruno Coulais. 

Crédits musicaux :

La 317ème section - Thème principal  

Musique de Pierre Jansen, Editions Sido Music  

Les Demoiselles de Rochefort  - Chanson de Maxence, par Jacques Revaux 

Musique de Michel Legrand / Paroles de Jacques Demy 

Editions Universal Music Publishing France / Warner Chappell Music France  

  

Z  -Thème principal  

Musique de Mikis Theodorakis  

Arrangements et direction d'orchestre : Bernard Gérard  

Editions Emi Songs France  

  

Le Désert des Tartares - Proposta - Il Deserto come estasi  

Musique d'Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing  

  

Les Enfants de Lumière  - Histoire de France  

Musique de Michel Legrand 

Editions Sony Music Entertainment France / ALP Music  

  

Cinéma Paradiso -Tema d'Amore 

Musique d'Andrea et Ennio Morricone 

Editions Emi Music Publishing   


Crédit photo : Laurence Sudre / Bridgeman Images 


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Le Musée Sacem présente Regards de Cinéaste, un podcast imaginé et animé par Stéphane Lerouge.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous. C'est l'histoire de métamorphoses successives. Celle d'un comédien, jeune premier des années 60, qui, à 27 ans, s'est réinventé en produisant Z de Costa Gavras. Celle aussi d'un producteur qui, à 60 ans, a traversé le miroir en co-réalisant son premier long-métrage, Le Peuple Migrateur. Avec lui, dans ce podcast, nous allons évoquer les compositeurs de ses deux premières vies professionnelles. Michel Legrand, Mikis Theodorakis ou Ennio Morricone. Bonjour Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Est-ce que vous pourriez nous dire à quel âge vous avez pris conscience du pouvoir de la musique au cinéma ? Est-ce qu'il y a des films ou des musiques de films qui durant votre enfance ou votre adolescence ont marqué votre cortex au fer rouge ?

  • Speaker #0

    Déjà, la première fois que je suis allé au cinéma, je devais avoir... 12 ans à peu près, donc mon éducation est, si l'on peut dire, relativement récente. Et le film que j'avais vu, c'était L'Épave. L'Épave, un film de, avec Françoise Arnoul. Et elle se noie. Et quelqu'un va la chercher, la sort des eaux, et découvre son corsage. Donc le premier sein que j'ai vu, c'est celui de Françoise Arnoul. Et ça m'est resté. Vous savez, j'arrive à un grand âge, tout se confond, je ne sais plus si c'est la première ou la dernière musique, si j'ai vu des films ou 3000 films, donc je n'arrive pas à saisir quel était le film avec la musique.

  • Speaker #1

    Aujourd'hui, avec le recul, comment vous avez vécu ce début de parcours ou d'itinéraire en accéléré ? C'est-à-dire le fait de passer très vite, finalement, de l'adolescence et du lycée à la vie active, en commençant à tourner comme comédien très, très jeune.

  • Speaker #0

    Oui, ce parcours il a commencé plus tard puisque le lycée je n'en ai pas fait j'ai fait que l'école communale et on m'a dit que c'était très bien il fallait avoir un bagage donc j'ai eu mon certificat d'études à presque 15 ans donc j'étais pas en avance et faut dire une chose que mon père était régisseur à la comédie française, maman était comédienne j'ai eu une soeur Eva, qui était aussi actrice et nous étions tous dans le chaudron de ce qu'est le théâtre, à savoir que maman récitait des poèmes, non pas pour un public très large, mais chez nous, et on voyageait avec Francis Carcot, avec Jacques Prévert, donc suivant la diction de notre mère. Et donc c'est comme ça que j'ai commencé à appréhender la vie, donc on ne peut pas dire qu'elle était très difficile, le mieux que j'ai fait. Beaucoup des petits métiers, mais que ce n'était pas une difficulté en soi, il fallait bien survivre. J'ai quitté le conservatoire très tôt, parce que ce n'était pas mon fort. Et puis c'était l'époque où le conservatoire, on apprenait une scène tous les trois mois. Donc on arrivait à bien la dire quand même.

  • Speaker #1

    Vous allez très vite commencer à tourner pour des cinéastes majeurs. Costa Gavras, Schoendorfer bien sûr, Zurlini, Ruffio. Quel regard vous portiez-vous sur les musiques de tous ces films ? Vous étiez juste, ce n'est pas une restriction comédien, donc vous n'aviez pas affaire directement aux compositeurs, c'était l'affaire du cinéaste. Quel regard vous portiez sur la musique une fois que vous découvriez le film terminé, mixé ? Parce que vous aviez des compositeurs comme Michel Magne, Georges Delerue, Gainsbourg, Colombier sur l'horizon, par exemple, qui vous mettaient en musique.

  • Speaker #0

    Je crois qu'il n'y a pas de vrai voyage sans musique. Je crois que ce n'est pas possible, même quand on raconte quelque chose. raconte il ya des musiques des qui nous reste dans la tête et c'est avec ça qu'on ose parler de ce qui nous anime complètement c'est la musique c'est la musique et donc c'est bien plus tard en faisant de la production que j'ai pu comprendre le mystère, la magie et le pouvoir de la musique.

  • Speaker #1

    Mais quand vous découvriez par exemple la 317e section terminée avec justement la musique de Pierre Janssen, avec ce bugle sur vous, sur votre personnage...

  • Speaker #0

    C'est vrai que... La 317e section, qui est un film sur l'Indochine. Comment se rendre compte de ce parcours, de cette difficulté d'existence qu'avaient ces militaires, qu'avaient ces hommes perdus dans la jungle ? Et là, d'un seul coup, le film a une identité. Le film, on comprend un petit peu quelles sont toutes les péripéties, les trajectoires qu'ont traversées les personnages. Et d'un seul coup, on les comprend. La musique, c'est un pouvoir de compréhension. C'est d'aller vers quelqu'un. Et quelqu'un a une âme profonde, un peu indéchiffrable. Et la musique, d'un seul coup, vous rassure. On comprend.

  • Speaker #1

    Il y a en 1966, dans votre itinéraire, une double rencontre décisive avec un cinéaste et avec un compositeur sur un film qui est, disons, appelé à traverser le temps. Écoutez.

  • Speaker #2

    Le seul fait d'exister, la rente incomparable. Le seul fait d'être là la rend plus désirable. Comme mille filles nues, comme mille rêves fous. J'ai fait le tour du monde, je l'ai cherché partout. Est-elle loin d'ici ? Est-elle près de moi ? Je n'en sais rien encore, mais je sais qu'elle existe. Et elle pécheresse. Ou bien fille de roi, star de cinérama, ou modeste fleuriste, je sais qu'elle m'appartiendra.

  • Speaker #1

    C'est Les Demoiselles de Rochefort, la chanson de Maxence. Et Les Demoiselles, c'est votre premier film tourné avec... et sur de la musique, celle évidemment de Michel Legrand, en quoi est-ce que ça change le travail du comédien d'être complètement immergé dans un bain de musique sur le tournage ?

  • Speaker #0

    C'est réjouissant. Ça vous transporte et dans le même temps, je me méfie beaucoup.

  • Speaker #1

    Pourquoi ?

  • Speaker #0

    Je me méfie beaucoup parce que, allez, nous sommes dans une pièce, on met un peu de musique et on veut dire quelque chose, la musique va nous faciliter la parole. On va pouvoir s'exprimer. Et donc... Donc, je parle au niveau des gestes, des gestuels. Quand j'ai fait la comédie musicale, c'était la première. Notre pas, notre façon de nous approcher d'un lieu ou d'un personnage est complètement différente et magnifiée. Donc on peut faire des choses, vous savez, il y a une chose qui est très difficile. Vous êtes devant la caméra, vous regardez quelqu'un, et vous le regardez en continuant de sourire. C'est pas facile, parce qu'au bout de deux secondes, il y a le sourire qui se fige. Et avec la musique, on peut rester pendant trois minutes. Et puis le sourire devient éclatant, au contraire, il devient très discret. Et donc c'est toute cette palette de sentiments que l'on peut avoir, qui... qui est accompagné, qui s'exprime formidablement pour la musique.

  • Speaker #1

    Pour la chanson de Maxence, vous vous êtes doublé par un chanteur qui s'appelle Jacques Revaux, et Demi et Legrand avaient cherché une voix chantée qui soit raccord avec votre voix parlée à vous. Vous avez assisté à l'enregistrement de votre chanson ?

  • Speaker #0

    Non, non, non. J'ai découvert même Jacques Revaux après. C'est après, pratiquement quand le film était terminé. Mais c'est terrible parce que je suis votre voix. comment... J'ai fait le film, c'est ma voix. Et donc, à un certain moment, j'y croyais que je chantais. Et puis, il y a eu une scène avec Gene Kelly, où là, Gene Kelly, il peut tourner avec un playback ou sans playback, enfin, aussi bien les gestes que la musicalité. Il n'y avait plus de technique. Donc Jacques Demy nous a demandé, ça vous ennuie à Gene Kelly et à moi, vous chantez, vous n'avez pas de musique, le playback ne marche pas. Et je crois que c'est le sentiment d'horreur, le sentiment de complexe le plus fort que j'ai vu.

  • Speaker #1

    Par contraste avec Gene Kelly.

  • Speaker #0

    Par contraste avec Gene Kelly. Comment je vais faire ? Et d'un seul coup, je me suis rendu compte que ma voix était raillée, que je ne peux pas suivre différents registres. Et ils ont été très gentils, parce qu'on a continué les répétitions, comme si de rien n'était, comme si ça avait bien marché. J'avais Jacques Baratier qui m'a fait « Oh là là ! » Oh là là, j'espère que le son va marcher maintenant, parce que vraiment, c'est très difficile. Cela dit, je n'étais pas le seul. Les voix dans les comédiens, que ce soit le personnage de Catherine, François...

  • Speaker #1

    On était doublés.

  • Speaker #0

    Sauf...

  • Speaker #1

    Darieux. Darieux. Sauf Darieux. On a cité Costa, Gavras, tout à l'heure. Vous êtes lié avec lui par les deux premiers films, son passage à la mise en scène avec Compartiment Tueur, qui est un polar noir et blanc stylisé, puis Un Homme de Trop, qui est une parabole sur un groupe perverti de l'intérieur. Et puis, il y a la déflagration internationale de Z avec la musique de Miki Stéodorakis. Z, c'est votre traversée du miroir. Vous êtes très jeune, vous avez 27 ans. C'est le premier film que vous produisez en créant votre société. À quelles ambitions ça correspondait ?

  • Speaker #0

    Costa m'avait donné le scénario très beau, très fort de Z. et puis il m'a dit Jacques, écoute, je suis désolé c'est normal, c'est un film comme on dit politique personne n'y croit surtout en ce moment c'est 68 donc il y a d'autres préoccupations chez les districts que de faire un film politique. Et là, je lui ai dit, écoute, je ne sais pas, je m'avance, mais je suis ami avec des responsables du cinéma algérien, l'Agdar Amina, pour ne pas le nommer, et je vais poser la question de voir si lui pourrait coproduire. Je suis allé en Algérie, et puis je connaissais bien l'Agdar, et qui tout de suite a lu le scénario, je crois, oui. Il a été enthousiaste. Il a fait lire à Boumediene, qui était donc à l'époque... Président de la République d'Algérie. Puis ça l'a fait rire et puis on a pu bénéficier de la coproduction. Et puis comme ça, ça s'est fait par amitié, avec des amis algériens. Et aussi parce que j'étais responsable. Ce que je cherchais avec Eva Christian Baratier, c'est d'être celui qui va promouvoir la troupe. Je faisais partie d'une troupe, dans Z, je faisais partie des comédiens. et on avait un scénario formidable et personne ne s'amusait à le produire. Personne n'osait ou personne n'avait envie. La production va faire vivre tout ça.

  • Speaker #1

    Mais 27 ans quand même, vous avez 27 ans.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Bien souvent on dit comment vous avez fait pour porter ce film. C'est le film qui nous porte. C'est le film qui insiste en nous en disant mais ça on ne l'a pas rencontré, ça on ne l'a pas fait. Et donc quand j'imagine la palette des comédiens, de Pierre Duc, de Zuffi, de Renne-Papa, c'est énorme ce qu'on avait comme comédiens. Charles Dennerre. Charles Dennerre. J'étais d'une certaine façon l'agent de toute cette troupe. Dans Z, il n'y a que des gens. je ne parle pas du dux et du général, mais des gens qui refusent. Qu'est-ce que c'est bien quand dans la vie on rencontre des gens et où avec insistance on arrive à les combattre.

  • Speaker #1

    Mais là, sur Z, vous parlez d'esprit de troupe. comme au théâtre, notamment des comédiens, mais aussi les collaborateurs de création. Raoul Coutard à la lumière, Françoise Bonneau au montage, Jacques Devidio au décor. Il y a aussi la musique. Et là, il y a une symbolique particulière, c'est le fait d'aller chercher... un compositeur grec que les colonels ont exilé dans un village du Péloponnèse. Est-ce que vous vous souvenez de l'aventure, de l'implication de Théodorakis dans le film ?

  • Speaker #0

    De Théodorakis, c'était la volonté de Costa. Costa pensait qu'il y avait des éléments qui ne pouvaient pas varier, qu'on ne pouvait pas supprimer ou substituer. Et donc la musique devait être Théodorakis parce que ça faisait partie de son histoire, de l'histoire de la Grèce. Donc c'est moi qui suis allé voir Théodorakis quand il était en prison en Grèce. et puis je me suis rendu compte que c'était à 200 km la prison dans laquelle il était déjà pour louer une voiture je me faisais toujours qu'il y avait des gens qui me suivait je trouvais ça puis j'ai compris que c'était pas par hasard et puis j'ai pris la voiture donc j'ai pas joué à fond de train à prendre des virages et arriver à quelques kilomètres de la prison j'étais arrêté on m'a demandé ce que je faisais vous je vais voir un musée Théodore Akis, on a fait un beau film sur votre pays et donc on aimerait bien que tous les éléments qui vont composer cette vision du film, on aimerait bien qu'elle soit partagée par Théodore Akis parce qu'il est un peu l'âme de la Grèce j'ai été accompagné à l'aéroport et puis voilà et vous n'avez pas rencontré Théodore Akis ? j'ai pas rencontré Théodore Akis et puis bon voilà on a rencontré un arrangeur.

  • Speaker #1

    Bernard Gérard.

  • Speaker #0

    Bernard Gérard, qui a été remarquable.

  • Speaker #1

    Et qui a adapté des musiques et des temps de Théodorakis.

  • Speaker #0

    Il n'a pas trahi Théodorakis, et ce n'était pas tout à fait la musique de Théodorakis. Il a trouvé une traduction cinématographique. Et ça, c'était remarquable. Et donc, bien souvent, les airs qui étaient connus, qui sont restés dans nos mémoires, de Zed, c'est en partie Théodorakis et en partie Bernard Gérard.

  • Speaker #1

    Cette musique scelle votre rencontre avec un monstre sacré, Ennio Morricone, sur un film que vous avez porté à bout de bras, avec notamment Michel De Broca, qui est Le désert des tartares. Vous m'avez dit un jour, ça m'avait beaucoup frappé, que vous étiez heureux et fier de ce film, mais pas complètement à 100%. Et vous m'avez dit que peut-être que la musique de Morricone avait permis de compléter ce que le film n'avait pas complètement dans l'image.

  • Speaker #0

    Mais bien sûr.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire ?

  • Speaker #0

    On était avec le film de Géolini, Dieu sait si c'est un réalisateur que j'admire, mais qui a été très fidèle à Busati. qui a été, j'ose dire, sur des choses que l'on estime, on peut admirer, il était trop fidèle. Et donc, d'une certaine façon, il s'est un petit peu emprisonné dans l'allégorie, dans la symbolique du désert. Et son film, c'est un peu une photographie en mouvement. Et donc il a été très très proche, c'était un hommage à Dino Bugiati.

  • Speaker #1

    Mais la musique justement, Morricone cite toujours le désert des tartares, et je l'ai vu, Morricone d'ailleurs vous parlait du film à son dernier concert à Paris, disant que c'était une partition fascinante pour lui parce que... Plus la partition avance, plus le langage se dérègle. On commence sur quelque chose de clair, de mélodique. Vous quittez votre famille pour aller vers cette forteresse isolée en plein désert. Et au fur et à mesure, le langage va devenir de plus en plus abstrait, des dissonances vont apparaître, et on va basculer dans la folie, et même dans un monde parallèle et absurde.

  • Speaker #0

    Non, mais si c'est ce que vous a dit Morricone, vous avez eu de la chance parce qu'il ne m'en a pas parlé. Mais c'est, en tout cas, mais c'est vraiment... C'est vraiment la transformation de ce qu'il a écrit et qui donne cette espèce de réalité du personnage qui s'en va dans le désert pour suivre une carrière de militaire. qui va rester six mois, un an. Et que tout se délite. Et Morricone, à vous entendre, il a compris ça. C'est que la réalité, les paysages difficiles, c'est-à-dire la réalité des personnages, quand c'est des étendus désertiques qui surveillent un désert dans lequel doivent apparaître les tartares, c'est-à-dire un fantasme qui existe. Et donc, au bout d'un certain temps, même le décor était un peu ça quand on a tourné en Iran, euh ça s'effrite, ça fout le camp. Et dans sa musique aussi, c'est comme la raison, la raison de ce garçon qui reste trop damné, qui se rend compte que, qu'est-ce qu'il a fait ? Il a attendu, il a attendu la vieillesse, qui est le pas avant la mort. Il a attendu, donc comment, par la musique, comprendre ça ?

  • Speaker #1

    Mais sur tous ces films sur lesquels vous êtes à la fois producteur et acteur, est-ce que vous vous impliquez sur l'étape de la musique ? Vous allez aux enregistrements ?

  • Speaker #0

    Oui, les enregistrements, j'y suis. Mais en tout cas, c'est une règle. Je ne veux pas... influencer le réalisateur. Je trouve que c'est son œuvre. Et donc, j'arrive à un certain moment, vous devriez être un peu plus, sinon il faudrait que... Non, je ne veux pas. Et si je le fais, c'est peut-être après l'enregistrement. Je veux lui dire, il me semble que... c'est bien, mais tu vois, ce sera encore mieux si tu accentues un peu ça. Mais je le fais rarement. Donc à chaque fois, c'est la découverte de musiciens que je ne connaissais pas à Piovani, que je ne connaissais pas dans le film de Maroun Bagdadi. Formidable, formidable. J'ai la chance d'être le premier auditeur. Donc je vais et j'écoute, je suis dans ce mélange d'accents musicaux, de relations entre le compositeur et puis le réalisateur. Donc il y a quelque chose, un mystère, qui se passe entre eux et j'aime m'assister à ça. Autant sur le scénario, j'interviens beaucoup, quitte à être emmerdant, je crois.

  • Speaker #1

    Mais pas sur la musique.

  • Speaker #0

    Mais pas... sur la musique. C'est un univers qui est réservé, c'est un univers qui est protégé. Je ne crois pas que c'est quand même arrivé à la musique. Vous vous rendez compte quel parcours, quel chemin solitaire pour le réalisateur, quelle recherche de traduction pour le compositeur, pour qu'enfin deux sensibilités différentes se rejoignent. C'est quand même un don, une rencontre. dans laquelle j'ai la chance d'assister. Et puis, en général, le choix du compositeur se fait entre nous, entre le réalisateur et moi. Je n'ai pas envie de devenir un mauvais professeur, parce que je serais un mauvais.

  • Speaker #1

    Il y a un film que j'aime beaucoup dans votre filmographie de producteur, c'est en 93-94, vous vous lancez dans un Paris fou, qui est raconté un siècle. de cinéma français. Retrouvailles avec Michel Legrand,

  • Speaker #0

    20 ans après Rochefort. Alors il y a eu un film sur les 100 ans. du cinéma qui a été fait par Bertrand Tavernier, qui est très bien. La différence, c'est que Bertrand se penche sur sa jeunesse, sur sa formation au cinéma, et donc c'est un long apprentissage personnel pour découvrir ce qu'était le cinéma. Nous, ce que nous avons fait avec Claude Sautet, avec Christophe Baratier...

  • Speaker #1

    À la Corneau !

  • Speaker #0

    À la Corneau... Et donc les premières choses que l'on a faites... Chacun vous prenez un papier et on va citer les 20 films qui nous semblent les plus importants. Ce n'est pas les plus importants, ceux que vous appréciez le plus, chacun. Et sur les 20, il y en avait à peu près une douzaine où on se retrouvait. C'était les mêmes films. Et puis après, on a continué avec un chef d'orchestre des images.

  • Speaker #1

    Pierre Philippe.

  • Speaker #0

    Qui était Pierre Philippe, qui parlait du film. film et de son oeuvre. C'était son oeuvre. Je comprends très bien que ça peut se considérer comme ça. Michel Legrand a fait quelque chose de magnifique.

  • Speaker #1

    Mais vous imaginez pour lui, sur ce film qui s'appelle Les Enfants de Lumière, on n'a pas cité le titre du film, à quel point c'était un pari ? C'est-à-dire...

  • Speaker #0

    qu'il fallait trouver une écriture musicale qui unifie toutes les écritures du cinéma français unifié de mes voies en une voix avec tout à légende du cinéma qu'il a su exprimer les scènes de grandes batailles des films historiques et dieu sait c'est dans l'histoire du cinéma on avait l'impression que mais c'est la musique de ces films et je me souviens mais non c'est la musique de Michel Legrand. À la façon dont se faisaient les musiques, musique des films, il y a 30 ans, il y a 40 ans, il y a 50 ans. Et donc, ce qu'on avait voulu avec Pierre-Philippe et avec les co-réalisateurs, les co-auteurs, c'est que chacun retrouve son cinéma. Et ça, c'est ce qu'on avait expliqué à Michel Legrand, qui a plongé de bonheur, mais formidable. Moi, je fais une musique qui doit être reconnue par tous. Une musique populaire. Et puis, c'est aussi une musique qui va chercher, c'est comme remonter le temps. La musique va chercher des images et des films qui ne sont plus de notre temps. Il a été à la recherche de la mémoire que l'on croyait avoir et qu'on n'avait pas. Il montait un petit peu aux spectateurs, leur faisant croire que ces musiques, vous les avez déjà entendues.

  • Speaker #1

    Pour illustrer la musique de Michel Legrand pour Les Enfants de Lumière, je vous laisse choisir, décider, Jacques, entre trois morceaux, le pari des décorateurs, les couples célèbres ou l'histoire de la vie. L'histoire de France. Vous avez droit à un titre.

  • Speaker #0

    Les accents de trompette sur l'histoire. Et ça, c'est à chaque fois comme si on ouvrait un rideau et d'un seul coup, il y a les personnages du Moyen-Âge qui apparaissent et qui... Ça aussi, c'était une musique qui était tellement inventive, tellement... On ne pouvait pas y échapper. On était captivés tout de suite. Et c'était de la musique de Michel Legrand.

  • Speaker #3

    Merci à tous ceux qui ont participé à cette émission.

  • Speaker #1

    Pour boucler la boucle, Jacques, avec Le désert des tartares, je pense à Ennio Morricone, je pense à vos retrouvailles à son dernier concert parisien, son concert d'adieu à Bercy, c'était en 2018. Ennio Morricone a été un peu réactivé, je dirais, en 1987 par un jeune cinéaste sicilien. sur un film qui était pour lui bouleversant, parce que ce film est arrivé dans la vie de Morricone, et ce cinéaste est arrivé dans la vie de Morricone, au moment où Sergio Leone venait de partir. Morricone a vu comme un transfert de génération auprès de lui, c'est-à-dire qu'il y avait un frère de cinéma qui disparaissait, et un fils de cinéma qui apparaissait. Le film s'appelait Cinéma Paradiso, Nuovo Cinema Paradiso, le metteur en scène Giuseppe Tornatore, et vous êtes dans ce film, le petit Toto, devenu adulte, et sur ce film, Tornatore avait demandé à Morricone de reconduire la méthode fondatrice d'Avec Sergio Leone, c'est-à-dire d'écrire et d'enregistrer la musique en amont du tournage, de façon à ce que vous, Jacques Perrin, vous puissiez jouer en musique sur le tournage, notamment quand vous revenez dans le cinéma désaffecté, ou évidemment sur la séquence finale des Baisers.

  • Speaker #0

    Giuseppe Tornatore, il voulait vraiment que cette scène soit intense d'émotion. Donc il a fait le pari, est-ce que c'était juste ou pas, d'avoir, comme vous le dites, une musique préenregistrée. Et donc j'ai été mis dans ce petit cinéma et il m'a dit, voilà, j'ai fait un truc, c'est baisé, tu l'as lu, ça te plaît bien. Donc on les a collés et personne ne les a vus. On va le projeter et en même temps on va tourner. Donc tu vas les découvrir comme le spectateur à la fin du film, le verron.

  • Speaker #1

    Et la musique en plus.

  • Speaker #0

    Et la musique en plus. Et donc tout le monde. les techniciens, avaient été prévenus. Et donc, le machiniste, avec son chariot, le travelling, les électriciens qui étaient en train de tourner le projecteur, et puis les gens autour de la caméra. Je savais qu'il fallait que ce soit intense, d'émotion. Attention, silencio. Et dans silencio, je vois tous les gens qui presque tremblent. C'est pas tout à fait ça, mais donne l'impression de trembler. Et la musique commence, le travelling est poussé. Et la plupart des techniciens pleuraient. Avec l'émotion... qu'ils étaient persuadés de rencontrer. Donc, vous savez, on a toujours trois yeux. Le troisième, c'est celui qu'on ne voit pas, qui regarde sur les côtés. Et donc, j'étais... À un certain moment, c'était pas être... Mais je ne vais jamais être à la hauteur des émotions qui sont autour de moi. On a fait une prise, une seule prise. Et Giuseppe a dit, non, c'est bien, c'est suffisant. On fait une seule prise, pas d'autre. Donc, c'est de dire que les techniciens, que les collaborateurs du film ont été saisis. par le film, ont compris le périple d'émotion du réalisateur et voulaient jouer en même temps que lui. Ça a été une scène où l'acteur, les exécutifs ont tous pleuré.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire qu'il y a... C'est un souvenir... Vraiment très très fort de vous voir assister à ce concert de Morricone en 2018 et de vous voir, vous, spectateurs, voyant Morricone dirigeant sur scène, aux dernières minutes de son dernier concert en France, cette musique qui est indissociable du cinéma de Tornatore et de vous, totaux adultes, dans cette scène finale qui est, on peut le dire, une déclaration d'amour au cinéma.

  • Speaker #0

    Très bien dit, tout à fait. C'est bien ça.

  • Speaker #1

    Merci Jacques Perrin.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Chapters

  • Introduction au podcast et présentation de Jacques Perrin

    00:00

  • Les débuts de Jacques Perrin au cinéma et l'importance de la musique

    00:30

  • Les premières impressions de la musique au cinéma

    01:05

  • L'impact de la musique sur les performances d'acteur

    02:10

  • Rencontres marquantes avec des compositeurs

    06:06

  • La production de Z et la musique de Mikis Theodorakis

    11:36

  • L'expérience avec Ennio Morricone et Le désert des tartares

    17:06

  • La collaboration sur la musique et son rôle dans le film

    21:09

  • Réflexions sur le cinéma et la musique de Michel Legrand

    23:07

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