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Musique de film : une histoire d'inspiration

Philippe Rombi - Les grands entretiens des compositeurs de musique à l'image

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46min |31/05/2018
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Musique de film : une histoire d'inspiration

Philippe Rombi - Les grands entretiens des compositeurs de musique à l'image

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Description

Philippe Rombi a représenté, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulais, au tournant du nouveau siècle, l’émergence d’une nouvelle génération de compositeurs pour l’image. 

Il y a dans sa voix une trace d’accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l’école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la Nouvelle vague. 

Un large public a découvert sa musique en même temps qu’il découvrait le cinéma de François Ozon, avec Sous le sable en 2000. 

Depuis, avec Ozon, c’est un mariage quasi inconditionnel : 12 longs-métrages en bientôt 20 ans de collaboration au long-cours. En héritier de GD et ML, il a une écriture d’une grande clarté, d’un lyrisme franc et généreux chez Christian Carion (Une hirondelle, Joyeux Noël), d’un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant, chez Ozon. 

Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts, et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie : d’Ozon à Carion, de Dany Boon à Christophe Barratier.


Crédits musicaux :

Amicalement vôtre (The Persuaders) / John Barry / Editions Sony ATV

Pierrot le fou / Antoine Duhamel / Editions Sido Music

Les Amants criminels (Adagio) / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

Sous le sable / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

L'Amant double / Philippe Rombi / 

Joyeux Noël (Hymne des fraternisés, piano seul) / Philippe Rombi / Editions Nord Ouest Productions

Joyeux Noël (I'm dreaming of home) / Philippe Rombi-Lori Barth-Gary Lewis / Editions Nord Ouest Productions


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Stéphane Lerouge. Bonjour à tous, notre premier invité des grands entretiens du musée Sacem à représenter, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulet, au tournant du Nouveau Siècle. L'émergence d'une nouvelle génération de compositeurs pour l'image. Il y a dans sa voix une trace d'accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l'école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la nouvelle vague. Un large public a découvert sa musique en même temps qu'il découvrait le cinéma de François Ozon avec Sous le sable en 2000. Depuis, avec Ozon, c'est un mariage quasi inconditionnel. 12 longs métrages, en bientôt 20 ans de collaboration au long cours. En héritier de Georges Delru et Michel Legrand, il a une écriture d'une grande clarté, d'un lyrisme franc et généreux chez Christian Carillon « N'y rondelle a fait le printemps, joyeux Noël » et d'un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant chez Ozon. Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie Dosons à Carillon, de Danny Boone à Christophe Baratier. Bonjour Philippe Rombi. Bonjour.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir les hostilités, j'aurais presque envie de vous demander quels sont pour vous les avantages, pour un compositeur d'aujourd'hui, de s'exprimer à travers et pour le cinéma ?

  • Speaker #0

    Les avantages, le premier peut-être, ce serait de pouvoir exprimer. à travers les histoires et les univers des cinéastes avec qui on partage nos aventures, d'exprimer le plus de sentiments possibles, le plus de contrastes possibles dans la création musicale. Si toutefois on est ouvert à cet exercice-là et qu'on aime changer d'univers, on peut avec le cinéma, grâce au cinéma, avoir un un support émotionnel d'inspiration quasi illimité. C'est-à-dire qu'à travers l'univers d'un autre créateur, qui est le metteur en scène, le cinéaste, vous pouvez, vous, écrire une musique à la première personne. Oui, parce qu'avant de faire de la musique pour un film, on est, en ce qui me concerne, compositeur avant. Donc on s'est créé nos propres fantasmes, nos propres histoires pour écrire nos œuvres avant. de faire de la musique de film. Donc, cette source, elle est quand même un peu tarissable, à un moment donné. Donc, c'est vrai que de se retrouver à partager l'univers d'autres artistes, d'autres créateurs, et à travers leurs histoires, continuer à perpétuer nos inspirations, c'est formidable parce qu'on se laisse surprendre. Mais j'ai l'impression que pour vous, chez vous, écrire pour l'image, C'est une sorte d'accomplissement, c'est une sorte d'idéal dont vous rêvez depuis vraiment l'enfance. C'est une sorte d'évidence. C'est une continuité. C'est très particulier comme sensation. C'est une manière de raconter la vie, quelque part. J'ai toujours raconté la vie, depuis que je suis tout petit, grâce à la musique. C'était mon moyen d'expression. C'est-à-dire ? C'est-à-dire que j'étais un enfant assez timide, assez réservé, et j'avais un besoin, en revanche, j'étais très sensible, et j'avais un besoin d'extérioriser, d'exprimer des émotions que je ressentais. Mais que vous n'exprimiez pas par la parole. Voilà, voilà, c'est ça. Donc Je parlais, j'échangeais, je rigolais avec les copains à l'école, il n'y avait pas de problème. Mais ce qui m'était personnel, des sentiments, des ressentis, j'ai toujours eu une sensibilité un petit peu au-dessus de la moyenne, mais aujourd'hui encore, je le sais, je le sens. Et donc, cette manière de pouvoir exprimer ces sentiments, c'est illustré par un besoin de coucher ça d'une certaine manière. Alors, ce n'était pas sur le papier, comme certains pourraient le faire. Moi, c'était grâce au piano que j'avais chez moi. Mon père m'avait installé un piano à la maison, sans savoir vraiment ce que j'allais en faire au début, avant de prendre vraiment des cours. Donc, j'allais sur ce piano comme c'était pour moi le moment privilégié de ma journée. Je rentrais de l'école, j'ouvrais le couvercle, et là, je partais dans des élucubrations. Mais alors qu'ils étaient complètement libres, je cherchais, je couchais les choses. J'essayais de les agencer, puisque je n'avais pas de savoir encore sur la musique, de connaissances. Je les agençais le plus harmonieusement possible. Je me souviens, quand Je partais quelques fois en vacances l'été, et bien cette jauge que je n'avais pas pu exprimer pendant une semaine, quinze jours, quand je revenais de vacances, je me souviens m'isoler une heure, deux heures, et ma maman le savait, elle fermait la porte, elle savait que j'avais besoin de sortir tout ce que je n'avais pas pu sortir pendant les vacances. Donc c'est une sorte presque de, je ne dirais pas de journal de bord, mais de journal intime, de cahier intime. Imaginons par exemple, c'est facile de le dire aujourd'hui, mais voilà, vous êtes en quatrième, vous avez eu huit ans maths, vous êtes triste, déçu, ou vous avez une sorte d'amour platonique pour une jeune camarade de votre classe. Comment est-ce que vous l'exprimeriez au piano en 50 secondes ? Ah ben j'ai Oui, ça pourrait donner ça par exemple. Tout ça n'était qu'au stade de l'improvisation éphémère. C'est grâce à mon entourage, à ma maman, mon frère, mon père, qui me disaient « mais qu'est-ce que tu viens de jouer ? » Donc là, j'étais obligé de leur dire « je ne sais pas, rejoue au milieu, c'était beau à la fin, je ne sais pas ». Alors j'essayais de refaire, tant que bien que mal, en moins bien, ce que j'avais fait, jusqu'à ce qu'on me dise « mais tu devrais écrire». apprend, écrit, tout ça, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Et de l'improvisation est née l'envie de passer, de fixer les idées et de basculer vers l'écriture. Oui, parce que tout ce qui m'arrivait autour de moi se traduisait en musique. Donc les émotions des gens, les rapports humains, les drames, ce que je voyais à la télé, les infos, le tout. Donc toutes les sortes d'émotions se traduisaient par la musique. Donc à un moment donné, on m'a dit, mais il faut des connaissances maintenant. pour que tu puisses écrire vraiment, fixer ces improvisations, à les figer un petit peu, à les enregistrer. Au début, c'était un magnétophone, pour pouvoir me souvenir de ce que j'avais fait. Et après, l'écrit. Donc là, c'est passé par des balbutiements de solfège rudimentaire de mes débuts, jusqu'à ce que mes cours me permettent de théoriser tout ça et d'écrire dans les règles de l'art au fur et à mesure de mes études. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose qui est vraiment typique aussi d'un compositeur de votre génération, puisque vous êtes né en 68, c'est que contrairement à la génération, mettons, de nos grands-parents qui ont découvert le monde extérieur, mettons beaucoup par la littérature, ce qui a nourri votre imaginaire, c'est évidemment la télévision et le cinéma. Est-ce que ça a tout de suite façonné votre vocation dans le sens de se dire, voilà, si je deviens compositeur, j'ai envie d'écrire ? Non pas forcément pour le concert ou le ballet, mais d'écrire pour l'image.

  • Speaker #0

    Oui, depuis ma tendre enfance, c'est vrai que ce que je refaisais au piano, c'était les génériques, c'était les génériques de séries, les thèmes de Bon, il faut dire aussi que j'avais la chance d'avoir un frère qui adorait la musique, qui chantait, qui avait une collection de disques incroyables, et qui avait beaucoup de musique de film dans cette collection. donc un jour quand j'ai eu le droit de me servir de sa fameuse platine 33 tours que personne ne devait toucher et d'aller piocher dans sa collection de 33 tours soigneusement rangée dans une vitrine, je m'en suis donné à corps joie. Et là, j'ai découvert Morricone, Paris, Williams. Parce qu'il l'aimait entendre des musiques symphoniques, des grandes musiques et des musiques de films parce qu'il adorait le cinéma aussi. Et donc, j'allais lui piquer ses disques et j'écoutais. Et je ne savais pas, j'étais encore petit, je ne savais pas C'était des musiques de films, souvent. Je rêvais sur ces musiques. Et plus tard, quand j'ai continué mes études au conservatoire et que j'ai abordé la direction d'orchestre, que j'ai commencé à étudier les œuvres classiques symphoniques, Je suis tombé amoureux des musiques à programme. Des musiques de ballet, de Daphnis, de Prokofiev, d'Oiseau de feu, de Richard Strauss, de la Symphonie Alpestre, etc. Et tout d'un coup, il y a des évidences, des connexions qui se sont faites. Je me suis dit, voilà, des musiques qui racontent aussi quelque chose, qui sont très évocatrices. Et pour moi, il y avait quand même un héritage de ces musiques-là par rapport à ces musiques classiques-là. Il y avait une filiation et j'étais chez moi. Je me sentais chez moi. Donc ce besoin d'évoquer en musique des émotions ou la nature. Donc le cinéma est arrivé là à mon adolescence. La passion du cinéma est arrivée. Les projections chez moi avec les copains toute la nuit. Donc tout ça s'est recoupé. La musique et le cinéma, il y a comme une espèce de À un moment donné, ça s'est rejoint. Il y a eu une jointure. Et alors, comme Francis Lay, qui est né à Nice Vous, vous avez grandi à Marseille. Comment est-ce que vous avez vécu cette traversée du miroir ? C'est-à-dire le fait d'être un enfant du Sud et de monter à Paris. Oui, c'était un déracinement, bien sûr. À quel âge ? C'est plus de 20 ans. Avant, je suis venu quelques fois parce que je faisais des courts-métrages. J'essayais. C'était des allers-retours. Je donnais mes cours quand j'étais professeur au conservatoire. parce que J'ai eu mon prix à 18 ans. À 18 ans, j'ai pu donner mes premiers cours. Et donc, ça me faisait un peu d'argent pour aller à Paris. Donc, dès que j'avais un petit peu d'argent, je me payais mon TGV. J'allais à Paris, j'essayais de rencontrer des jeunes cinéastes. Moi, je suis un enfant du conservatoire. Donc, je suis quelqu'un qui essaye d'apprendre quand même, qui a cette culture pour arriver quand même. Même si je suis autodidacte, si on cherche bien au départ, puisque j'ai commencé par faire de la musique. Avant de savoir ce que ça voulait dire. Mais après, j'ai travaillé. Pour y arriver, j'ai travaillé. Et donc, pour moi, faire de la musique de film, c'était trouver aussi une manière d'apprendre. Qu'est-ce qu'il y a comme école ? Qu'est-ce qui se fait ? Et à l'époque, c'était très compliqué. Aujourd'hui, il y a énormément de choses autour de la musique de film, des stages, des festivals, des masterclass. C'est formidable.

  • Speaker #1

    Et à l'époque, il y a cette classe qui a été créée par Laurent Petit Girard à l'école normale. Et c'est Antoine Duhamel qui a pris la suite de Laurent Petitgirard. Et donc cette classe va vous aimanter. Vous allez vous y inscrire. Oui, parce que c'est une espèce de passerelle. Je me suis dit, tiens, un moyen d'essayer d'avoir des connaissances dans ce registre particulier qui est le cinéma. Est-ce qu'il y a une école ? Je me suis renseigné et on m'a dit, voilà, il y a l'école normale. Il y a un professeur qui s'appelle Antoine Duhamel. Ah oui, carrément. Mais comment on y rentre ? Est-ce qu'il y a un concours ? Non, Antoine Duhamel, vous savez, demande à ce que les compositeurs qui viennent dans sa classe soient déjà des compositeurs. Il ne va pas vous apprendre à composer. Alors si vous avez des choses à lui envoyer Donc j'avais fait une sonate pour violoncelles et pianos, j'avais fait un quintet, j'avais fait un début de poème symphonique. Donc j'ai envoyé ces partitions à Antoine Duhamel. Et puis j'ai croisé les doigts. Et puis Et j'ai reçu un mot, Antoine Duhamel vous accueille dans sa classe, etc. Donc j'étais heureux et j'ai retroussé les manches pour me payer mes études à l'école normale. Et aller toutes les semaines, à l'époque je n'habitais pas Paris, donc je faisais le voyage toutes les semaines pour aller prendre ce moment de bonheur, voler à l'école normale avec Antoine. Il faut dire qu'Antoine Duhamel est un compositeur né en 1925, comme Georges Delru, donc il a fait partie de cette génération 25. qui a eu 20 ans au moment de l'après-guerre, qui c'était un élève de Messiaen notamment, de René Lebovitz au conservatoire de Paris, un enfant du dodecaphonisme qui a élargi un peu finalement son langage, il a défriché d'autres territoires de la musique grâce au cinéma, grâce à Paulet bien sûr, Godard, Truffaut et plus tard Bertrand Tavernier, Patrice Lecomte. Quelle est la place que représente la figure d'Antoine Duhamel dans votre parcours ? Cet homme qui était un homme qui était aussi insolite qu'était finalement son esthétique musicale. C'était un grand bonhomme avec une barbe de 1 mètre, avec un physique entre Zizitop et Rasputin. Quelle figure il a représenté pour vous ?

  • Speaker #0

    Il était impressionnant quand il arrivait. Il y avait une cape, je me souviens. C'était à la fois le grand monsieur mais le petit artisan. c'est à dire que Ses grands airs, c'est impressionnant pour un jeune comme moi. Il avait un côté attachant, presque naïf, qui faisait que ça nous mettait à l'aise quelque part. Donc il avait son créature. Ses partitions écrites à la main, il était en dehors du système du showbiz et tout ça, il était, et c'est ce que j'aimais bien, faire la musique concrète au sens premier du terme. Et cette exigence aussi de l'écriture, malgré l'exercice de faire de la musique à l'image, de garder une certaine exigence. scientifique de l'écriture, au sens savante, plutôt que scientifique. Voilà, une écriture savante. C'est ce qu'il a su réaliser un petit peu dans son cinéma. C'est de conserver quand même une certaine écriture intéressante musicalement, tout en, comme vous disiez tout à l'heure, l'étendre au cinéma, étendre sa palette pour partager au mieux avec les réalisateurs.

  • Speaker #1

    Comment vous allez vivre ce sas entre la fin des études et le premier long-métrage en 1999 ? Il y aura forcément toute une série de courts-métrages dans cet intervalle, mais comment ça va se passer ? Les études s'arrêtent et il va y avoir quelques années avant la rencontre décisive en 1999 avec Ozon, vous avez 31 ans, sur Les Amants Criminels. C'est une période pleine de doutes. d'espoir, de travail, d'essais, de bouteilles à la mer, de maquettes, de... Je ne les ai plus maintenant, mais je les ai gardées un moment. J'avais une paire de chaussures qui étaient trouées, tellement j'avais fait des démarches pour aller porter mes cassettes de thèmes et autres films imaginaires que j'avais composés dans mon coin, des ensembles de morceaux. auquel je donnais des titres improbables. Et puis j'ai essayé de déposer ça, mais oui, des bouteilles à la mer, parce que la plupart du temps c'était « Vous avez rendez-vous ? » Voilà, non, donc au revoir. Déposer quand même une cassette, bon, elle va finir peut-être dans un tiroir ou à la poubelle, c'est vraiment utopique. Donc c'est une période où, bon, il fallait vivre quand même, donc j'étais professeur de piano, donc je lâchais pas ça. Je donnais mes cours et puis j'adorais mes élèves, donc c'était pas quelque chose de contraignant pour moi, j'aimais ça. Donc j'avais cette double casquette, oui j'avais mon petit cartable avec mes partitions de professeurs de piano. Et puis quand j'allais à mes rendez-vous pour essayer de faire écouter, j'avais un autre cartable avec mes cassettes, c'était assez drôle. Deux cartables et deux casquettes. Oui exactement, c'était Dr. Jekyll et Mr. Hyde un petit peu. C'était une période remplie de doutes et d'espoirs mélangés. Il y a eu des moments où vous vous êtes dit, je vais peut-être continuer à écrire juste pour moi, mais mon vrai métier, ça va être la pédagogie, je vais rester professeur. Vous avez quand même eu la conscience qu'un jour, finalement, vous finiriez par rencontrer le cinéma. Non, j'ai eu peur, mais je n'ai jamais douté. Pas de moi, mais je n'ai jamais douté de faire quelque chose dans le métier, de créer, de faire de la musique vivante. Non, je croyais. Je ne sais pas d'où ça venait, mais j'avais quelque chose qui m'empêchait de dire « oh là là, je n'y arriverai jamais » ou « ce n'est pas possible » , je ne sais pas. J'avais un moteur qui m'animait et qui me faisait avancer. Alors effectivement, nous sommes en 1999, et là vous allez rencontrer un cinéaste qui a déjà cette réputation un peu, comment est-ce qu'on pourrait dire, d'enfant terrible du cinéma français. Il s'est fait connaître par le court-métrage et par un premier long qui s'appelait Sitcom, c'est François Ozon. Et là, sur son deuxième long-métrage, il bascule vers un projet plus presque fantasmatique, plus onirique, plus ambitieux, donc Les Amants Criminels, qui est l'enchaînement de circonstances. vous a amené face à Ozon ?

  • Speaker #0

    J'avais fait un certain nombre de courts-métrages. À un moment donné, je ne savais pas comment arriver à faire entendre ce travail. Donc j'ai compilé tout ça. J'ai fait un enregistrement, une cassette ou un CD, je ne sais plus. de tout ça, et j'ai pu la faire passer à un moment donné à Olivier Delbosque, qui allait fonder Fidélité, cette maison de production de films, qui à l'époque ne produisait d'ailleurs que des courts-métrages, c'était vraiment, c'est début, on débutait tous en fait, et il avait trouvé, voilà, il m'a dit c'est le talent, c'est magnifique, etc. Il y a plein de choses intéressantes, je prends ça, je le garde dans un coin, et puis Si un jour j'ai l'opportunité de faire écouter ça à un réalisateur, je penserai à toi. Il a tenu parole. Il a tenu parole, oui. Quand François Ozon a réalisé Les Amants Criminels, qui est en vérité son premier film, qu'il n'avait pas pu monter, c'était compliqué de commencer par celui-là, donc il a fait sitcom, finalement, et puis il est revenu à son premier projet. Le producteur fait écouter cette cet enregistrement à François Ozon, qui trouve ça très intéressant, et donc me propose de faire un essai sur un passage de son film Les Amours Criminels. Donc je m'exécute, je reçois le film, je fais dans l'urgence une maquette de cette scène, je vais au rendez-vous prévu quatre jours après au montage son, parce que le film était très avancé déjà, Le montage d'image était terminé. Et là, eh bien, voilà, j'attends l'arrivée de François. La musique était calée. Sachant qu'il n'avait pas de musique originale pour cet endroit, il y avait une belle œuvre de Dvorak. Je ne sais plus laquelle. Qui était calée là. Formidable. Je crois que c'était Solty avec Chicago, évidemment. Un enregistrement formidable. Et moi, j'avais mon petit truc au synthé. Surtout les sons de l'époque, c'était quand même assez terrible. Voilà. Donc là, je transfère à grosse goutte, parce que switcher d'un morceau à l'autre, évidemment, sinon c'est pas drôle. Et je me disais, pourvu qu'ils ne trouvent pas ça trop minable par rapport à cet enregistrement magnifique. Et après avoir écouté l'un, puis l'autre, puis l'un, puis l'autre, François a dit, mais non, ça marche mieux ce qu'a fait Philippe. C'est ça qu'il faut. Et puis là, de fil en aiguille, Il commence à demander à son monteur, est-ce que tu peux montrer la séquence de la barque à Philippe ? Est-ce que tu peux montrer le petit passage là ? Et petit à petit, je me mets à Vous avez contaminé le film. Oui, je n'ai pas fait beaucoup dans ce film, mais enfin, plus que la petite séquence qu'on m'avait demandé. Et puis, j'avais pris l'initiative, moi aussi, j'avais préparé. Je trouvais que tout le final du film, il y avait une musique qui était collée dessus, qui était une musique classique, qui était belle en soi, mais je trouvais que Avec le film, j'avais ressenti quelque chose et je l'avais proposé. Et c'est resté. Et il y a donc ce grand adagio pour Cordes, avec déjà un langage à la fois très clair et un vrai sens du lyrisme, du lyrisme rombien, et qu'on va écouter tout de suite. La question qu'on a envie de poser par rapport à Ozon, c'est qu'aujourd'hui, avec quasiment 20 ans de recul, puisque c'était en 1999, est-ce qu'il est plus facile de démarrer avec un cinéaste de sa génération, puisqu'Ozon a juste quelques mois de plus que vous ? Et j'ai presque envie de vous demander, mais tous les deux, en termes de références, même de culture, qu'est-ce qui vous rapproche et qu'est-ce qui vous sépare ? C'est une question Délicate. À laquelle il faut répondre. Je vois. Avec François, on a entendu, on a vu, on a vécu des choses assez similaires quand même. Donc on a des points de convergence, des références qui font que peut-être Je me souviens, Potiche par exemple, quand on a parlé de Potiche, c'est-à-dire les films qu'on regardait quand on était enfant, au même âge. De toutes ces années 70, on avait cette envie commune de retourner dans ces parfums-là, et on s'est compris très vite. Non, je ne sais pas si c'est plus difficile aujourd'hui ou plus facile. Je ne me suis pas posé la question, non. On avait quand même des influences différentes. une culture différente avec François. On s'est apprivoisés, on a appris à se connaître aussi, on a appris à s'étonner l'un l'autre. À se provoquer l'un l'autre ? Oui, parfois. Son cinéma, c'est un cinéma exigeant, c'est un cinéma qui a une forte personnalité. Quand on commence par ça, pour moi, commencer par Les Amants Criminels, ce n'est quand même pas forcément le film le plus facile pour pénétrer dans l'univers d'un réalisateur. C'était un univers assez fort et en même temps c'est un univers riche et au niveau émotionnel, les amants criminels ça passe par des strates très riches et très diverses. Donc c'était aussi assez intéressant de commencer avec ça mais délicat, périlleux, je dirais périlleux et donc la difficulté avec François ça a été de lui proposer des idées euh En essayant d'élargir le curseur pour voir ses réactions en fonction de sa sensibilité, voir si là j'étais allé trop loin, pas assez, et petit à petit, moi aussi, découvrir son univers, qu'on peut ne découvrir qu'à partir d'un certain nombre de films aussi, où les choses commencent à s'affirmer.

  • Speaker #1

    Mais comment, en quelques mots, pourriez-vous définir le statut de la musique originale chez Ozon ? Et est-ce qu'en 20 ans, ce statut a changé, a évolué ? Il a évolué, c'est certain. François était de plus en plus à l'aise avec l'utilisation de la musique originale parce que d'abord moi j'ai toujours été au service du film, je voulais que ça marche, que ça soit réussi donc je comptais pas les essais, les remises en question personnelles, j'essayais des choses on en parlait et puis au début il a pu être sans doute méfiant sur cette secrète corps étranger qui est arrivé dans son univers. Qui vient se greffer à son univers. C'est normal. Le pouvoir est tel de la musique que sur une même scène, trois, quatre ou cinq musiques essayées différentes, la scène, vous la vivez tellement différemment. Vous la ressentez différemment. Jean-Paul Rabeneau a toujours une très belle image là-dessus. Il dit, pour un cinéaste Et c'est vrai pour Rabeneau comme pour Ozon, mais comme pour tout cinéaste, on a à un moment donné, on a l'impression de confier les clés de la maison à un autre créateur. Et de lui abandonner son film et que c'est lui qui va agir sur le film, qui va l'interpréter.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que c'est une espèce de dimension supplémentaire qui vient manipuler le spectateur. Et suivant le chemin qu'on prend, on peut le manipuler de différentes manières. Et donc ça peut changer la perception d'une séquence. le sens parfois même, le point de vue. On peut être du point de vue de quand il y a trois acteurs sur une séquence, de l'un ou de l'autre. Donc ça change le sens parfois. Et ça, avec François, ce qui est passionnant, c'est qu'on en parle. Il donne les clés, mais pas totalement tout le trousseau non plus. Moi, je me souviens, il y a certaines séquences où je lui demande. on est Tu penses qu'on est du point de vue d'un tel personnage ou de tel autre ? Je suis là, ou des deux. Parce que des fois, je fais une musique et ça peut être les deux à la fois. Et parfois, il me dit, non, je préfère qu'on reste sur elle, par exemple. Ça, ça me suffit, moi. Il n'a pas besoin de me dire, je veux un violoncelle et un basson. Il me dit, je veux qu'on reste sur elle. Moi, avec ma sensibilité, je palpe ça, je ressens ça et je lui repropose quelque chose en ajustant le morceau. au niveau de l'orchestration, l'harmonie, je ne sais pas, qui fait que tout d'un coup, on est du point de vue d'elle. Après ça, je ne sais pas vous l'expliquer. Je ne sais pas du tout. Mais c'est vrai qu'en quasiment 20 ans de collaboration, et vous cumulez 12 films, 13 films Je sais plus, j'ai pas compté. Et qu'à l'intérieur de cette sorte de fraternité partagée, on a l'impression que votre chance, à vous, en tant que compositeur, c'est que si le cinéma d'Ozon, il est multiple, il n'a pas un visage, il a des tas de visages différents, et que c'est aussi une chance de renouvellement dans l'inspiration musicale, parce qu'il y a quasiment un grand canyon. entre, mettons, Petiche et Franz, et entre Franz et la mandouble. Est-ce que ça aussi, c'est une chance pour le compositeur ? C'est une chance, pour moi en tout cas, parce que, comme je le disais précédemment, cette manière d'exprimer tous les sentiments réunis de la vie que j'ai depuis mon enfance, ça me va, là, parce que, du coup, il m'en propose des sentiments. et des expériences et des états d'âme. Et moi, je jubile chaque fois. Je me dis, qu'est-ce qu'il va faire ? J'aime ça. C'est pour ça que je fais la monde double avec cette musique électronique, alors qu'habituellement, on fait des choses beaucoup plus acoustiques, beaucoup plus instrumentales. Mais j'aime ça. Mais ça peut être aussi, pour un autre compositeur, l'enfer. Parce que c'est un défi, quand même. Chaque fois, c'est une remise en question. Et même lui ne sait pas si je vais relever ce défi. D'ailleurs, il me le dit. Il me dit, j'ai quelque chose de différent. Dis-moi ce que tu en penses. Est-ce que ça t'inspire ? Est-ce que tu en as envie ? Je t'envoie le scénario. Il ne sait pas si vraiment je vais rentrer dans l'aventure facilement ou pas.

  • Speaker #1

    Mais c'est très étrange parce qu'on a l'impression que vous, chez Ozan, c'est un compositeur dans un rôle de composition. Parce que dans la vie, vous êtes quelqu'un de clair, de direct, alors qu'Ozon, c'est un cinéma de la manipulation, de la perversion, notamment de la perversion du couple. Le couple est un des fils rouges de son cinéma, et c'est aussi un cinéma de l'ambiguïté. Et on a l'impression que souvent, chez lui, la musique, votre musique, est une sorte de trompe-l'œil, ou de trompe-l'oreille supplémentaire. Trompe-l'oreille. Bonne formule. Oui, c'est vrai que dans le cinéma de François, il y a ce vrai-faux. tout le temps dans est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est un reflet de la réalité ? Ou est-ce qu'on est dans le mental du personnage ? Est-ce qu'on est dans le mental ? Est-ce qu'on doit alors rester dans le mental du personnage ? Comme dans L'Amant Double par exemple, où on a beaucoup parlé de mental justement. Alors que dans certains autres films, on est dans le mental à certains moments, et à certains moments, non, on décrit, on est dans le recul de ce qui s'est passé, et on exprime un sentiment plus général. Un ressenti extérieur à ce qui s'est passé. Je me souviens de Sous le sable, à la fin, où finalement on se retrouve devant l'image tous les deux. On n'avait pas fait tous ces films, donc on n'avait encore pas beaucoup l'habitude de dialoguer ensemble. Qu'est-ce qu'on fait sur Charlotte Rampling ? Elle pleure, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on met de la musique ? Est-ce que ça va être trop ? Est-ce que ça va appuyer ce qu'on voit déjà ? Il y a la mer, il y a les vagues, il y a la plage. Et on a réfléchi sur l'instrumentation, si on faisait quelque chose d'orchestral ou pas. Ou de chambriste.

  • Speaker #0

    Ou de chambriste, sur ça. Évidemment, pour un jeune compositeur, une scène sur la plage où on court, on se dit ça y est, je vais sortir les violons et le grand orchestre. Bien sûr, c'est un réflexe, parce qu'on a besoin de s'exprimer, c'est normal. Et puis, après, il y a le film, la justesse. Qu'est-ce qui est juste pour le film ? Et donc là, ce qui était juste, je pense Et c'était son avis aussi, c'était qu'on la laisse pleurer sans musique. Et que la musique démarre après. Après, voilà. Et que quand elle le voit, Bruno Crémer, son espèce de fantasme intérieur se remet en route. Et la musique se remet en route avec elle. Donc là, on avait travaillé sur le son pour que le violoncelle dialogue. Et puis que quand le piano se retrouve tout seul... Le son de l'océan s'arrête et que le piano soit carrément tout seul dans la pièce, dans la salle de cinéma. Et l'orchestre au générique de fin qui suit, lui, exprime toute la douleur contenue dans le film et qui n'était pas dans le film.

  • Speaker #1

    Le film, la grande reconnaissance pour Ozon, ça a moins été les amants criminels que le film d'après, donc Sous le sable, dont vous parliez à l'instant, et qui aussi a fait découvrir à un plus large public votre écriture. Et puis à partir de là, il y a eu des tas d'autres films qui sont arrivés, Une hirondelle a fait le printemps avec Christian Carillon, et puis des collaborations avec Philippe Leguet, avec Christophe Baratier, une invitation musicale chez Agnès Jauy, etc. J'aurais envie de vous dire, avec tous ces cinéastes, Comment est-ce qu'on arrive à respecter ce que disait toujours Georges Delru, qui avait ce joli aphorisme, il disait « La demande du metteur en scène, il faut à la fois la respecter et lui tordre le cou. »

  • Speaker #0

    Non, c'est juste, j'essaye de ressentir, et donc le plus sincèrement possible à chaque film. Et je crois que si on fait ça de cette manière, forcément, si on a soi-même une sensibilité à un univers, automatiquement, on va tordre le cou inconsciemment à ce qu'on vous a demandé. Ça va passer par nos entrailles, on va le reconditionner, le refiltrer avec notre sensibilité, et on va le redistribuer au réalisateur.

  • Speaker #1

    Alors il faut malheureusement, parce que le temps file, nous arrivons à la fin, à l'issue de ce premier podcast, il y a un film qu'on va évoquer rapidement, parce que c'est un film, là aussi, c'est une balise. en quelque sorte. C'est Joyeux Noël, qui est votre deuxième long-métrage avec Christian Carillon, qui est un cinéaste qui est passionné par l'histoire, par la nature, par l'engagement aussi. Et c'est un sujet humaniste, connecté à la Première Guerre mondiale, l'histoire de ces soldats écossais, français, allemands, qui ont fraternisé dans les tranchées un soir de Noël. Et ça a été un film important, parce que c'était un film européen, tourné en plusieurs langues. français, anglais, allemand. C'était un film aussi important parce que la partition de ce film, c'est l'une de vos premières musiques qui a pu s'échapper du film et être jouée en concert. Et la partition est très riche, très luxuriante, très thématique. Et il y a notamment cette demande incroyable de Carillon, avant même le début du tournage, c'est d'écrire deux thèmes qui allaient être joués à l'image, c'est-à-dire notamment un hymne écossais. que les écossais, cornemuses voix, jouent et interprètent dans les tranchées. Et puis à Nave Maria, qui est interprétée par le personnage de Diane Kruger, doublée par Nathalie Dessay. Et quand on demande à Christian Carillon, on lui dit « mais quelle a été votre demande à Philippe Ramby pour ces deux thèmes ? » Il dit toujours « je lui ai quasiment demandé d'écrire quelque chose de connu » . Ce qui est une demande, une injonction presque paradoxale. Et c'est vrai que quand on voit le film, on a l'impression que ces thèmes, qui sont pourtant à 200% originaux ont quelque chose de composition de toujours, de composition du folklore, de composition qui sont déjà dans la mémoire collective. Comment est-ce que vous êtes arrivé à ce résultat ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas du tout quoi dire. Le premier des deux morceaux, c'est l'hymne des Fraternisés. Alors ça, c'est vrai qu'au début, Christian m'avait parlé d'écrire une sorte d'hymne, comme ça, c'était un sacré défi, c'est sûr. Mais en même temps, j'ai tellement bouleversé par le scénario. Quand j'ai lu le scénario, là, on peut parler de processus de création. En tout cas, c'est très différent suivant les films. Il y a des films où vous avez besoin beaucoup de réfléchir, de faire des pauses, de sortir, d'aller s'aérer, de revenir, de digérer une histoire ou des images. Et ce film-là, j'ai fini la dernière page. Et je me souviens, j'avais un crayon, toujours avec moi, parce que je prends des notes quand j'ai les scénarios. J'ai vite écrit quelques portées sur la dernière page, comme ça, mes petites cinq lignes habituelles. Et j'ai écrit, si, mi, fa, sol, mi, si. En mettant quelques chiffrages au-dessus pour me souvenir des harmonies. J'avais pas tout le morceau, mais j'avais comme ça une espèce de À la lecture du scénario, tout de suite. Oui, oui. Donc j'ai mis ça dans un coin. Quand Christian m'a dit qu'il faudrait un hymne, j'ai réfléchi, j'ai dit mais cette ère qui m'est venue, est-ce que ça pourrait devenir ça ? Parce que c'est sorti tellement spontanément de l'histoire, comme quelque chose de physiologique, que j'y ai réfléchi. Donc je l'ai joué au piano, quand il est venu écouter la première fois... Je me suis mis au piano, puis j'ai joué cette aire en disant voilà un thème. Il était très ému et quand j'ai fini le morceau, il m'a dit c'est l'hymne des fraternisés. Donc là, émotion de tous les deux, je ne vous raconte pas. Parce que je tourne la page et moi j'avais appelé le morceau l'hymne de la fraternité. Et j'ai dit tu vois, j'avais appelé le morceau comme ça. Mais pour ne pas l'influencer, je ne lui avais pas dit. Et il m'a dit, je lui ai dit mais ça sera l'une des fraternisées, ça me va très bien.

  • Speaker #1

    Cette musique, quand elle a pris forme et quand elle a été enregistrée, c'est le premier voyage à Londres et le premier enregistrement à Abbey Road, dans ce studio mythique, avec le London Symphony Orchestra, qui est cet orchestre iconique, et qui a été l'orchestre de John Williams pendant des années. C'est là où il a enregistré évidemment les Star Wars, les trois premiers Indiana Jones, Fury, Dracula. Des musiques qui ont nourri votre imaginaire, qui vous ont fait rêver. Et vous, vous vous retrouvez à votre tour dans ce studio. Et face à cet orchestre-là, on a l'impression que, et c'est aussi la force de cette partition de Joyeux Noël, qu'il y a quelque chose d'un rêve d'enfant qui se réalise ce jour-là.

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens, j'ai levé la baguette et j'ai entendu le son de cet orchestre qui a en soi déjà un son, forcément, puisque c'est un orchestre. qui a une âme, qui a été façonnée Frissons garantis, émotions garanties, tout le monde a retenu son souffle, tout le monde avait fait le voyage. C'était un moment, un grand moment. Vous parliez de John Williams et il venait d'enregistrer le Star Wars, la revanche des sites, juste avant nous. Il y avait encore une photo dans la pièce de John. C'était encore plus émouvant de prendre la suite. Le hasard du calendrier a fait que Les résonances encore étaient palpables. Une transition comme ça, symbolique. Oui, et les musiciens, ce qui était chouette, c'est que je leur ai demandé, je leur ai dit ça. Vous étiez contents ? Ça vous a plu ? Et voilà, c'est vrai que j'étais le petit français qui arrivait, qui n'avait pas fait énormément de films, qui se retrouvait devant cet endroit et cet orchestre culte. Et ils m'ont dit non, c'était On a fait de la musique ensemble, et pour nous, les plus beaux moments, c'est quand on fait de la musique ensemble. J'ai aimé cette réflexion-là. Pour boucler ce premier module, ce premier podcast, nous allons écouter l'hymne des Fraternisés, issu de Joyeux Noël de Christian Carillon. Merci Philippe Rombi. Merci à vous.

Chapters

  • Introduction et présentation de Philippe Rombi

    00:00

  • Les avantages de composer pour le cinéma

    03:18

  • L'expression des émotions à travers la musique

    11:34

  • L'impact d'Antoine Duhamel sur son parcours

    17:43

  • La rencontre avec François Ozon et ses débuts au cinéma

    29:32

  • L'importance de 'Joyeux Noël' et l'enregistrement avec l'orchestre

    36:45

Description

Philippe Rombi a représenté, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulais, au tournant du nouveau siècle, l’émergence d’une nouvelle génération de compositeurs pour l’image. 

Il y a dans sa voix une trace d’accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l’école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la Nouvelle vague. 

Un large public a découvert sa musique en même temps qu’il découvrait le cinéma de François Ozon, avec Sous le sable en 2000. 

Depuis, avec Ozon, c’est un mariage quasi inconditionnel : 12 longs-métrages en bientôt 20 ans de collaboration au long-cours. En héritier de GD et ML, il a une écriture d’une grande clarté, d’un lyrisme franc et généreux chez Christian Carion (Une hirondelle, Joyeux Noël), d’un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant, chez Ozon. 

Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts, et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie : d’Ozon à Carion, de Dany Boon à Christophe Barratier.


Crédits musicaux :

Amicalement vôtre (The Persuaders) / John Barry / Editions Sony ATV

Pierrot le fou / Antoine Duhamel / Editions Sido Music

Les Amants criminels (Adagio) / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

Sous le sable / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

L'Amant double / Philippe Rombi / 

Joyeux Noël (Hymne des fraternisés, piano seul) / Philippe Rombi / Editions Nord Ouest Productions

Joyeux Noël (I'm dreaming of home) / Philippe Rombi-Lori Barth-Gary Lewis / Editions Nord Ouest Productions


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Stéphane Lerouge. Bonjour à tous, notre premier invité des grands entretiens du musée Sacem à représenter, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulet, au tournant du Nouveau Siècle. L'émergence d'une nouvelle génération de compositeurs pour l'image. Il y a dans sa voix une trace d'accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l'école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la nouvelle vague. Un large public a découvert sa musique en même temps qu'il découvrait le cinéma de François Ozon avec Sous le sable en 2000. Depuis, avec Ozon, c'est un mariage quasi inconditionnel. 12 longs métrages, en bientôt 20 ans de collaboration au long cours. En héritier de Georges Delru et Michel Legrand, il a une écriture d'une grande clarté, d'un lyrisme franc et généreux chez Christian Carillon « N'y rondelle a fait le printemps, joyeux Noël » et d'un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant chez Ozon. Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie Dosons à Carillon, de Danny Boone à Christophe Baratier. Bonjour Philippe Rombi. Bonjour.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir les hostilités, j'aurais presque envie de vous demander quels sont pour vous les avantages, pour un compositeur d'aujourd'hui, de s'exprimer à travers et pour le cinéma ?

  • Speaker #0

    Les avantages, le premier peut-être, ce serait de pouvoir exprimer. à travers les histoires et les univers des cinéastes avec qui on partage nos aventures, d'exprimer le plus de sentiments possibles, le plus de contrastes possibles dans la création musicale. Si toutefois on est ouvert à cet exercice-là et qu'on aime changer d'univers, on peut avec le cinéma, grâce au cinéma, avoir un un support émotionnel d'inspiration quasi illimité. C'est-à-dire qu'à travers l'univers d'un autre créateur, qui est le metteur en scène, le cinéaste, vous pouvez, vous, écrire une musique à la première personne. Oui, parce qu'avant de faire de la musique pour un film, on est, en ce qui me concerne, compositeur avant. Donc on s'est créé nos propres fantasmes, nos propres histoires pour écrire nos œuvres avant. de faire de la musique de film. Donc, cette source, elle est quand même un peu tarissable, à un moment donné. Donc, c'est vrai que de se retrouver à partager l'univers d'autres artistes, d'autres créateurs, et à travers leurs histoires, continuer à perpétuer nos inspirations, c'est formidable parce qu'on se laisse surprendre. Mais j'ai l'impression que pour vous, chez vous, écrire pour l'image, C'est une sorte d'accomplissement, c'est une sorte d'idéal dont vous rêvez depuis vraiment l'enfance. C'est une sorte d'évidence. C'est une continuité. C'est très particulier comme sensation. C'est une manière de raconter la vie, quelque part. J'ai toujours raconté la vie, depuis que je suis tout petit, grâce à la musique. C'était mon moyen d'expression. C'est-à-dire ? C'est-à-dire que j'étais un enfant assez timide, assez réservé, et j'avais un besoin, en revanche, j'étais très sensible, et j'avais un besoin d'extérioriser, d'exprimer des émotions que je ressentais. Mais que vous n'exprimiez pas par la parole. Voilà, voilà, c'est ça. Donc Je parlais, j'échangeais, je rigolais avec les copains à l'école, il n'y avait pas de problème. Mais ce qui m'était personnel, des sentiments, des ressentis, j'ai toujours eu une sensibilité un petit peu au-dessus de la moyenne, mais aujourd'hui encore, je le sais, je le sens. Et donc, cette manière de pouvoir exprimer ces sentiments, c'est illustré par un besoin de coucher ça d'une certaine manière. Alors, ce n'était pas sur le papier, comme certains pourraient le faire. Moi, c'était grâce au piano que j'avais chez moi. Mon père m'avait installé un piano à la maison, sans savoir vraiment ce que j'allais en faire au début, avant de prendre vraiment des cours. Donc, j'allais sur ce piano comme c'était pour moi le moment privilégié de ma journée. Je rentrais de l'école, j'ouvrais le couvercle, et là, je partais dans des élucubrations. Mais alors qu'ils étaient complètement libres, je cherchais, je couchais les choses. J'essayais de les agencer, puisque je n'avais pas de savoir encore sur la musique, de connaissances. Je les agençais le plus harmonieusement possible. Je me souviens, quand Je partais quelques fois en vacances l'été, et bien cette jauge que je n'avais pas pu exprimer pendant une semaine, quinze jours, quand je revenais de vacances, je me souviens m'isoler une heure, deux heures, et ma maman le savait, elle fermait la porte, elle savait que j'avais besoin de sortir tout ce que je n'avais pas pu sortir pendant les vacances. Donc c'est une sorte presque de, je ne dirais pas de journal de bord, mais de journal intime, de cahier intime. Imaginons par exemple, c'est facile de le dire aujourd'hui, mais voilà, vous êtes en quatrième, vous avez eu huit ans maths, vous êtes triste, déçu, ou vous avez une sorte d'amour platonique pour une jeune camarade de votre classe. Comment est-ce que vous l'exprimeriez au piano en 50 secondes ? Ah ben j'ai Oui, ça pourrait donner ça par exemple. Tout ça n'était qu'au stade de l'improvisation éphémère. C'est grâce à mon entourage, à ma maman, mon frère, mon père, qui me disaient « mais qu'est-ce que tu viens de jouer ? » Donc là, j'étais obligé de leur dire « je ne sais pas, rejoue au milieu, c'était beau à la fin, je ne sais pas ». Alors j'essayais de refaire, tant que bien que mal, en moins bien, ce que j'avais fait, jusqu'à ce qu'on me dise « mais tu devrais écrire». apprend, écrit, tout ça, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Et de l'improvisation est née l'envie de passer, de fixer les idées et de basculer vers l'écriture. Oui, parce que tout ce qui m'arrivait autour de moi se traduisait en musique. Donc les émotions des gens, les rapports humains, les drames, ce que je voyais à la télé, les infos, le tout. Donc toutes les sortes d'émotions se traduisaient par la musique. Donc à un moment donné, on m'a dit, mais il faut des connaissances maintenant. pour que tu puisses écrire vraiment, fixer ces improvisations, à les figer un petit peu, à les enregistrer. Au début, c'était un magnétophone, pour pouvoir me souvenir de ce que j'avais fait. Et après, l'écrit. Donc là, c'est passé par des balbutiements de solfège rudimentaire de mes débuts, jusqu'à ce que mes cours me permettent de théoriser tout ça et d'écrire dans les règles de l'art au fur et à mesure de mes études. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose qui est vraiment typique aussi d'un compositeur de votre génération, puisque vous êtes né en 68, c'est que contrairement à la génération, mettons, de nos grands-parents qui ont découvert le monde extérieur, mettons beaucoup par la littérature, ce qui a nourri votre imaginaire, c'est évidemment la télévision et le cinéma. Est-ce que ça a tout de suite façonné votre vocation dans le sens de se dire, voilà, si je deviens compositeur, j'ai envie d'écrire ? Non pas forcément pour le concert ou le ballet, mais d'écrire pour l'image.

  • Speaker #0

    Oui, depuis ma tendre enfance, c'est vrai que ce que je refaisais au piano, c'était les génériques, c'était les génériques de séries, les thèmes de Bon, il faut dire aussi que j'avais la chance d'avoir un frère qui adorait la musique, qui chantait, qui avait une collection de disques incroyables, et qui avait beaucoup de musique de film dans cette collection. donc un jour quand j'ai eu le droit de me servir de sa fameuse platine 33 tours que personne ne devait toucher et d'aller piocher dans sa collection de 33 tours soigneusement rangée dans une vitrine, je m'en suis donné à corps joie. Et là, j'ai découvert Morricone, Paris, Williams. Parce qu'il l'aimait entendre des musiques symphoniques, des grandes musiques et des musiques de films parce qu'il adorait le cinéma aussi. Et donc, j'allais lui piquer ses disques et j'écoutais. Et je ne savais pas, j'étais encore petit, je ne savais pas C'était des musiques de films, souvent. Je rêvais sur ces musiques. Et plus tard, quand j'ai continué mes études au conservatoire et que j'ai abordé la direction d'orchestre, que j'ai commencé à étudier les œuvres classiques symphoniques, Je suis tombé amoureux des musiques à programme. Des musiques de ballet, de Daphnis, de Prokofiev, d'Oiseau de feu, de Richard Strauss, de la Symphonie Alpestre, etc. Et tout d'un coup, il y a des évidences, des connexions qui se sont faites. Je me suis dit, voilà, des musiques qui racontent aussi quelque chose, qui sont très évocatrices. Et pour moi, il y avait quand même un héritage de ces musiques-là par rapport à ces musiques classiques-là. Il y avait une filiation et j'étais chez moi. Je me sentais chez moi. Donc ce besoin d'évoquer en musique des émotions ou la nature. Donc le cinéma est arrivé là à mon adolescence. La passion du cinéma est arrivée. Les projections chez moi avec les copains toute la nuit. Donc tout ça s'est recoupé. La musique et le cinéma, il y a comme une espèce de À un moment donné, ça s'est rejoint. Il y a eu une jointure. Et alors, comme Francis Lay, qui est né à Nice Vous, vous avez grandi à Marseille. Comment est-ce que vous avez vécu cette traversée du miroir ? C'est-à-dire le fait d'être un enfant du Sud et de monter à Paris. Oui, c'était un déracinement, bien sûr. À quel âge ? C'est plus de 20 ans. Avant, je suis venu quelques fois parce que je faisais des courts-métrages. J'essayais. C'était des allers-retours. Je donnais mes cours quand j'étais professeur au conservatoire. parce que J'ai eu mon prix à 18 ans. À 18 ans, j'ai pu donner mes premiers cours. Et donc, ça me faisait un peu d'argent pour aller à Paris. Donc, dès que j'avais un petit peu d'argent, je me payais mon TGV. J'allais à Paris, j'essayais de rencontrer des jeunes cinéastes. Moi, je suis un enfant du conservatoire. Donc, je suis quelqu'un qui essaye d'apprendre quand même, qui a cette culture pour arriver quand même. Même si je suis autodidacte, si on cherche bien au départ, puisque j'ai commencé par faire de la musique. Avant de savoir ce que ça voulait dire. Mais après, j'ai travaillé. Pour y arriver, j'ai travaillé. Et donc, pour moi, faire de la musique de film, c'était trouver aussi une manière d'apprendre. Qu'est-ce qu'il y a comme école ? Qu'est-ce qui se fait ? Et à l'époque, c'était très compliqué. Aujourd'hui, il y a énormément de choses autour de la musique de film, des stages, des festivals, des masterclass. C'est formidable.

  • Speaker #1

    Et à l'époque, il y a cette classe qui a été créée par Laurent Petit Girard à l'école normale. Et c'est Antoine Duhamel qui a pris la suite de Laurent Petitgirard. Et donc cette classe va vous aimanter. Vous allez vous y inscrire. Oui, parce que c'est une espèce de passerelle. Je me suis dit, tiens, un moyen d'essayer d'avoir des connaissances dans ce registre particulier qui est le cinéma. Est-ce qu'il y a une école ? Je me suis renseigné et on m'a dit, voilà, il y a l'école normale. Il y a un professeur qui s'appelle Antoine Duhamel. Ah oui, carrément. Mais comment on y rentre ? Est-ce qu'il y a un concours ? Non, Antoine Duhamel, vous savez, demande à ce que les compositeurs qui viennent dans sa classe soient déjà des compositeurs. Il ne va pas vous apprendre à composer. Alors si vous avez des choses à lui envoyer Donc j'avais fait une sonate pour violoncelles et pianos, j'avais fait un quintet, j'avais fait un début de poème symphonique. Donc j'ai envoyé ces partitions à Antoine Duhamel. Et puis j'ai croisé les doigts. Et puis Et j'ai reçu un mot, Antoine Duhamel vous accueille dans sa classe, etc. Donc j'étais heureux et j'ai retroussé les manches pour me payer mes études à l'école normale. Et aller toutes les semaines, à l'époque je n'habitais pas Paris, donc je faisais le voyage toutes les semaines pour aller prendre ce moment de bonheur, voler à l'école normale avec Antoine. Il faut dire qu'Antoine Duhamel est un compositeur né en 1925, comme Georges Delru, donc il a fait partie de cette génération 25. qui a eu 20 ans au moment de l'après-guerre, qui c'était un élève de Messiaen notamment, de René Lebovitz au conservatoire de Paris, un enfant du dodecaphonisme qui a élargi un peu finalement son langage, il a défriché d'autres territoires de la musique grâce au cinéma, grâce à Paulet bien sûr, Godard, Truffaut et plus tard Bertrand Tavernier, Patrice Lecomte. Quelle est la place que représente la figure d'Antoine Duhamel dans votre parcours ? Cet homme qui était un homme qui était aussi insolite qu'était finalement son esthétique musicale. C'était un grand bonhomme avec une barbe de 1 mètre, avec un physique entre Zizitop et Rasputin. Quelle figure il a représenté pour vous ?

  • Speaker #0

    Il était impressionnant quand il arrivait. Il y avait une cape, je me souviens. C'était à la fois le grand monsieur mais le petit artisan. c'est à dire que Ses grands airs, c'est impressionnant pour un jeune comme moi. Il avait un côté attachant, presque naïf, qui faisait que ça nous mettait à l'aise quelque part. Donc il avait son créature. Ses partitions écrites à la main, il était en dehors du système du showbiz et tout ça, il était, et c'est ce que j'aimais bien, faire la musique concrète au sens premier du terme. Et cette exigence aussi de l'écriture, malgré l'exercice de faire de la musique à l'image, de garder une certaine exigence. scientifique de l'écriture, au sens savante, plutôt que scientifique. Voilà, une écriture savante. C'est ce qu'il a su réaliser un petit peu dans son cinéma. C'est de conserver quand même une certaine écriture intéressante musicalement, tout en, comme vous disiez tout à l'heure, l'étendre au cinéma, étendre sa palette pour partager au mieux avec les réalisateurs.

  • Speaker #1

    Comment vous allez vivre ce sas entre la fin des études et le premier long-métrage en 1999 ? Il y aura forcément toute une série de courts-métrages dans cet intervalle, mais comment ça va se passer ? Les études s'arrêtent et il va y avoir quelques années avant la rencontre décisive en 1999 avec Ozon, vous avez 31 ans, sur Les Amants Criminels. C'est une période pleine de doutes. d'espoir, de travail, d'essais, de bouteilles à la mer, de maquettes, de... Je ne les ai plus maintenant, mais je les ai gardées un moment. J'avais une paire de chaussures qui étaient trouées, tellement j'avais fait des démarches pour aller porter mes cassettes de thèmes et autres films imaginaires que j'avais composés dans mon coin, des ensembles de morceaux. auquel je donnais des titres improbables. Et puis j'ai essayé de déposer ça, mais oui, des bouteilles à la mer, parce que la plupart du temps c'était « Vous avez rendez-vous ? » Voilà, non, donc au revoir. Déposer quand même une cassette, bon, elle va finir peut-être dans un tiroir ou à la poubelle, c'est vraiment utopique. Donc c'est une période où, bon, il fallait vivre quand même, donc j'étais professeur de piano, donc je lâchais pas ça. Je donnais mes cours et puis j'adorais mes élèves, donc c'était pas quelque chose de contraignant pour moi, j'aimais ça. Donc j'avais cette double casquette, oui j'avais mon petit cartable avec mes partitions de professeurs de piano. Et puis quand j'allais à mes rendez-vous pour essayer de faire écouter, j'avais un autre cartable avec mes cassettes, c'était assez drôle. Deux cartables et deux casquettes. Oui exactement, c'était Dr. Jekyll et Mr. Hyde un petit peu. C'était une période remplie de doutes et d'espoirs mélangés. Il y a eu des moments où vous vous êtes dit, je vais peut-être continuer à écrire juste pour moi, mais mon vrai métier, ça va être la pédagogie, je vais rester professeur. Vous avez quand même eu la conscience qu'un jour, finalement, vous finiriez par rencontrer le cinéma. Non, j'ai eu peur, mais je n'ai jamais douté. Pas de moi, mais je n'ai jamais douté de faire quelque chose dans le métier, de créer, de faire de la musique vivante. Non, je croyais. Je ne sais pas d'où ça venait, mais j'avais quelque chose qui m'empêchait de dire « oh là là, je n'y arriverai jamais » ou « ce n'est pas possible » , je ne sais pas. J'avais un moteur qui m'animait et qui me faisait avancer. Alors effectivement, nous sommes en 1999, et là vous allez rencontrer un cinéaste qui a déjà cette réputation un peu, comment est-ce qu'on pourrait dire, d'enfant terrible du cinéma français. Il s'est fait connaître par le court-métrage et par un premier long qui s'appelait Sitcom, c'est François Ozon. Et là, sur son deuxième long-métrage, il bascule vers un projet plus presque fantasmatique, plus onirique, plus ambitieux, donc Les Amants Criminels, qui est l'enchaînement de circonstances. vous a amené face à Ozon ?

  • Speaker #0

    J'avais fait un certain nombre de courts-métrages. À un moment donné, je ne savais pas comment arriver à faire entendre ce travail. Donc j'ai compilé tout ça. J'ai fait un enregistrement, une cassette ou un CD, je ne sais plus. de tout ça, et j'ai pu la faire passer à un moment donné à Olivier Delbosque, qui allait fonder Fidélité, cette maison de production de films, qui à l'époque ne produisait d'ailleurs que des courts-métrages, c'était vraiment, c'est début, on débutait tous en fait, et il avait trouvé, voilà, il m'a dit c'est le talent, c'est magnifique, etc. Il y a plein de choses intéressantes, je prends ça, je le garde dans un coin, et puis Si un jour j'ai l'opportunité de faire écouter ça à un réalisateur, je penserai à toi. Il a tenu parole. Il a tenu parole, oui. Quand François Ozon a réalisé Les Amants Criminels, qui est en vérité son premier film, qu'il n'avait pas pu monter, c'était compliqué de commencer par celui-là, donc il a fait sitcom, finalement, et puis il est revenu à son premier projet. Le producteur fait écouter cette cet enregistrement à François Ozon, qui trouve ça très intéressant, et donc me propose de faire un essai sur un passage de son film Les Amours Criminels. Donc je m'exécute, je reçois le film, je fais dans l'urgence une maquette de cette scène, je vais au rendez-vous prévu quatre jours après au montage son, parce que le film était très avancé déjà, Le montage d'image était terminé. Et là, eh bien, voilà, j'attends l'arrivée de François. La musique était calée. Sachant qu'il n'avait pas de musique originale pour cet endroit, il y avait une belle œuvre de Dvorak. Je ne sais plus laquelle. Qui était calée là. Formidable. Je crois que c'était Solty avec Chicago, évidemment. Un enregistrement formidable. Et moi, j'avais mon petit truc au synthé. Surtout les sons de l'époque, c'était quand même assez terrible. Voilà. Donc là, je transfère à grosse goutte, parce que switcher d'un morceau à l'autre, évidemment, sinon c'est pas drôle. Et je me disais, pourvu qu'ils ne trouvent pas ça trop minable par rapport à cet enregistrement magnifique. Et après avoir écouté l'un, puis l'autre, puis l'un, puis l'autre, François a dit, mais non, ça marche mieux ce qu'a fait Philippe. C'est ça qu'il faut. Et puis là, de fil en aiguille, Il commence à demander à son monteur, est-ce que tu peux montrer la séquence de la barque à Philippe ? Est-ce que tu peux montrer le petit passage là ? Et petit à petit, je me mets à Vous avez contaminé le film. Oui, je n'ai pas fait beaucoup dans ce film, mais enfin, plus que la petite séquence qu'on m'avait demandé. Et puis, j'avais pris l'initiative, moi aussi, j'avais préparé. Je trouvais que tout le final du film, il y avait une musique qui était collée dessus, qui était une musique classique, qui était belle en soi, mais je trouvais que Avec le film, j'avais ressenti quelque chose et je l'avais proposé. Et c'est resté. Et il y a donc ce grand adagio pour Cordes, avec déjà un langage à la fois très clair et un vrai sens du lyrisme, du lyrisme rombien, et qu'on va écouter tout de suite. La question qu'on a envie de poser par rapport à Ozon, c'est qu'aujourd'hui, avec quasiment 20 ans de recul, puisque c'était en 1999, est-ce qu'il est plus facile de démarrer avec un cinéaste de sa génération, puisqu'Ozon a juste quelques mois de plus que vous ? Et j'ai presque envie de vous demander, mais tous les deux, en termes de références, même de culture, qu'est-ce qui vous rapproche et qu'est-ce qui vous sépare ? C'est une question Délicate. À laquelle il faut répondre. Je vois. Avec François, on a entendu, on a vu, on a vécu des choses assez similaires quand même. Donc on a des points de convergence, des références qui font que peut-être Je me souviens, Potiche par exemple, quand on a parlé de Potiche, c'est-à-dire les films qu'on regardait quand on était enfant, au même âge. De toutes ces années 70, on avait cette envie commune de retourner dans ces parfums-là, et on s'est compris très vite. Non, je ne sais pas si c'est plus difficile aujourd'hui ou plus facile. Je ne me suis pas posé la question, non. On avait quand même des influences différentes. une culture différente avec François. On s'est apprivoisés, on a appris à se connaître aussi, on a appris à s'étonner l'un l'autre. À se provoquer l'un l'autre ? Oui, parfois. Son cinéma, c'est un cinéma exigeant, c'est un cinéma qui a une forte personnalité. Quand on commence par ça, pour moi, commencer par Les Amants Criminels, ce n'est quand même pas forcément le film le plus facile pour pénétrer dans l'univers d'un réalisateur. C'était un univers assez fort et en même temps c'est un univers riche et au niveau émotionnel, les amants criminels ça passe par des strates très riches et très diverses. Donc c'était aussi assez intéressant de commencer avec ça mais délicat, périlleux, je dirais périlleux et donc la difficulté avec François ça a été de lui proposer des idées euh En essayant d'élargir le curseur pour voir ses réactions en fonction de sa sensibilité, voir si là j'étais allé trop loin, pas assez, et petit à petit, moi aussi, découvrir son univers, qu'on peut ne découvrir qu'à partir d'un certain nombre de films aussi, où les choses commencent à s'affirmer.

  • Speaker #1

    Mais comment, en quelques mots, pourriez-vous définir le statut de la musique originale chez Ozon ? Et est-ce qu'en 20 ans, ce statut a changé, a évolué ? Il a évolué, c'est certain. François était de plus en plus à l'aise avec l'utilisation de la musique originale parce que d'abord moi j'ai toujours été au service du film, je voulais que ça marche, que ça soit réussi donc je comptais pas les essais, les remises en question personnelles, j'essayais des choses on en parlait et puis au début il a pu être sans doute méfiant sur cette secrète corps étranger qui est arrivé dans son univers. Qui vient se greffer à son univers. C'est normal. Le pouvoir est tel de la musique que sur une même scène, trois, quatre ou cinq musiques essayées différentes, la scène, vous la vivez tellement différemment. Vous la ressentez différemment. Jean-Paul Rabeneau a toujours une très belle image là-dessus. Il dit, pour un cinéaste Et c'est vrai pour Rabeneau comme pour Ozon, mais comme pour tout cinéaste, on a à un moment donné, on a l'impression de confier les clés de la maison à un autre créateur. Et de lui abandonner son film et que c'est lui qui va agir sur le film, qui va l'interpréter.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que c'est une espèce de dimension supplémentaire qui vient manipuler le spectateur. Et suivant le chemin qu'on prend, on peut le manipuler de différentes manières. Et donc ça peut changer la perception d'une séquence. le sens parfois même, le point de vue. On peut être du point de vue de quand il y a trois acteurs sur une séquence, de l'un ou de l'autre. Donc ça change le sens parfois. Et ça, avec François, ce qui est passionnant, c'est qu'on en parle. Il donne les clés, mais pas totalement tout le trousseau non plus. Moi, je me souviens, il y a certaines séquences où je lui demande. on est Tu penses qu'on est du point de vue d'un tel personnage ou de tel autre ? Je suis là, ou des deux. Parce que des fois, je fais une musique et ça peut être les deux à la fois. Et parfois, il me dit, non, je préfère qu'on reste sur elle, par exemple. Ça, ça me suffit, moi. Il n'a pas besoin de me dire, je veux un violoncelle et un basson. Il me dit, je veux qu'on reste sur elle. Moi, avec ma sensibilité, je palpe ça, je ressens ça et je lui repropose quelque chose en ajustant le morceau. au niveau de l'orchestration, l'harmonie, je ne sais pas, qui fait que tout d'un coup, on est du point de vue d'elle. Après ça, je ne sais pas vous l'expliquer. Je ne sais pas du tout. Mais c'est vrai qu'en quasiment 20 ans de collaboration, et vous cumulez 12 films, 13 films Je sais plus, j'ai pas compté. Et qu'à l'intérieur de cette sorte de fraternité partagée, on a l'impression que votre chance, à vous, en tant que compositeur, c'est que si le cinéma d'Ozon, il est multiple, il n'a pas un visage, il a des tas de visages différents, et que c'est aussi une chance de renouvellement dans l'inspiration musicale, parce qu'il y a quasiment un grand canyon. entre, mettons, Petiche et Franz, et entre Franz et la mandouble. Est-ce que ça aussi, c'est une chance pour le compositeur ? C'est une chance, pour moi en tout cas, parce que, comme je le disais précédemment, cette manière d'exprimer tous les sentiments réunis de la vie que j'ai depuis mon enfance, ça me va, là, parce que, du coup, il m'en propose des sentiments. et des expériences et des états d'âme. Et moi, je jubile chaque fois. Je me dis, qu'est-ce qu'il va faire ? J'aime ça. C'est pour ça que je fais la monde double avec cette musique électronique, alors qu'habituellement, on fait des choses beaucoup plus acoustiques, beaucoup plus instrumentales. Mais j'aime ça. Mais ça peut être aussi, pour un autre compositeur, l'enfer. Parce que c'est un défi, quand même. Chaque fois, c'est une remise en question. Et même lui ne sait pas si je vais relever ce défi. D'ailleurs, il me le dit. Il me dit, j'ai quelque chose de différent. Dis-moi ce que tu en penses. Est-ce que ça t'inspire ? Est-ce que tu en as envie ? Je t'envoie le scénario. Il ne sait pas si vraiment je vais rentrer dans l'aventure facilement ou pas.

  • Speaker #1

    Mais c'est très étrange parce qu'on a l'impression que vous, chez Ozan, c'est un compositeur dans un rôle de composition. Parce que dans la vie, vous êtes quelqu'un de clair, de direct, alors qu'Ozon, c'est un cinéma de la manipulation, de la perversion, notamment de la perversion du couple. Le couple est un des fils rouges de son cinéma, et c'est aussi un cinéma de l'ambiguïté. Et on a l'impression que souvent, chez lui, la musique, votre musique, est une sorte de trompe-l'œil, ou de trompe-l'oreille supplémentaire. Trompe-l'oreille. Bonne formule. Oui, c'est vrai que dans le cinéma de François, il y a ce vrai-faux. tout le temps dans est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est un reflet de la réalité ? Ou est-ce qu'on est dans le mental du personnage ? Est-ce qu'on est dans le mental ? Est-ce qu'on doit alors rester dans le mental du personnage ? Comme dans L'Amant Double par exemple, où on a beaucoup parlé de mental justement. Alors que dans certains autres films, on est dans le mental à certains moments, et à certains moments, non, on décrit, on est dans le recul de ce qui s'est passé, et on exprime un sentiment plus général. Un ressenti extérieur à ce qui s'est passé. Je me souviens de Sous le sable, à la fin, où finalement on se retrouve devant l'image tous les deux. On n'avait pas fait tous ces films, donc on n'avait encore pas beaucoup l'habitude de dialoguer ensemble. Qu'est-ce qu'on fait sur Charlotte Rampling ? Elle pleure, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on met de la musique ? Est-ce que ça va être trop ? Est-ce que ça va appuyer ce qu'on voit déjà ? Il y a la mer, il y a les vagues, il y a la plage. Et on a réfléchi sur l'instrumentation, si on faisait quelque chose d'orchestral ou pas. Ou de chambriste.

  • Speaker #0

    Ou de chambriste, sur ça. Évidemment, pour un jeune compositeur, une scène sur la plage où on court, on se dit ça y est, je vais sortir les violons et le grand orchestre. Bien sûr, c'est un réflexe, parce qu'on a besoin de s'exprimer, c'est normal. Et puis, après, il y a le film, la justesse. Qu'est-ce qui est juste pour le film ? Et donc là, ce qui était juste, je pense Et c'était son avis aussi, c'était qu'on la laisse pleurer sans musique. Et que la musique démarre après. Après, voilà. Et que quand elle le voit, Bruno Crémer, son espèce de fantasme intérieur se remet en route. Et la musique se remet en route avec elle. Donc là, on avait travaillé sur le son pour que le violoncelle dialogue. Et puis que quand le piano se retrouve tout seul... Le son de l'océan s'arrête et que le piano soit carrément tout seul dans la pièce, dans la salle de cinéma. Et l'orchestre au générique de fin qui suit, lui, exprime toute la douleur contenue dans le film et qui n'était pas dans le film.

  • Speaker #1

    Le film, la grande reconnaissance pour Ozon, ça a moins été les amants criminels que le film d'après, donc Sous le sable, dont vous parliez à l'instant, et qui aussi a fait découvrir à un plus large public votre écriture. Et puis à partir de là, il y a eu des tas d'autres films qui sont arrivés, Une hirondelle a fait le printemps avec Christian Carillon, et puis des collaborations avec Philippe Leguet, avec Christophe Baratier, une invitation musicale chez Agnès Jauy, etc. J'aurais envie de vous dire, avec tous ces cinéastes, Comment est-ce qu'on arrive à respecter ce que disait toujours Georges Delru, qui avait ce joli aphorisme, il disait « La demande du metteur en scène, il faut à la fois la respecter et lui tordre le cou. »

  • Speaker #0

    Non, c'est juste, j'essaye de ressentir, et donc le plus sincèrement possible à chaque film. Et je crois que si on fait ça de cette manière, forcément, si on a soi-même une sensibilité à un univers, automatiquement, on va tordre le cou inconsciemment à ce qu'on vous a demandé. Ça va passer par nos entrailles, on va le reconditionner, le refiltrer avec notre sensibilité, et on va le redistribuer au réalisateur.

  • Speaker #1

    Alors il faut malheureusement, parce que le temps file, nous arrivons à la fin, à l'issue de ce premier podcast, il y a un film qu'on va évoquer rapidement, parce que c'est un film, là aussi, c'est une balise. en quelque sorte. C'est Joyeux Noël, qui est votre deuxième long-métrage avec Christian Carillon, qui est un cinéaste qui est passionné par l'histoire, par la nature, par l'engagement aussi. Et c'est un sujet humaniste, connecté à la Première Guerre mondiale, l'histoire de ces soldats écossais, français, allemands, qui ont fraternisé dans les tranchées un soir de Noël. Et ça a été un film important, parce que c'était un film européen, tourné en plusieurs langues. français, anglais, allemand. C'était un film aussi important parce que la partition de ce film, c'est l'une de vos premières musiques qui a pu s'échapper du film et être jouée en concert. Et la partition est très riche, très luxuriante, très thématique. Et il y a notamment cette demande incroyable de Carillon, avant même le début du tournage, c'est d'écrire deux thèmes qui allaient être joués à l'image, c'est-à-dire notamment un hymne écossais. que les écossais, cornemuses voix, jouent et interprètent dans les tranchées. Et puis à Nave Maria, qui est interprétée par le personnage de Diane Kruger, doublée par Nathalie Dessay. Et quand on demande à Christian Carillon, on lui dit « mais quelle a été votre demande à Philippe Ramby pour ces deux thèmes ? » Il dit toujours « je lui ai quasiment demandé d'écrire quelque chose de connu » . Ce qui est une demande, une injonction presque paradoxale. Et c'est vrai que quand on voit le film, on a l'impression que ces thèmes, qui sont pourtant à 200% originaux ont quelque chose de composition de toujours, de composition du folklore, de composition qui sont déjà dans la mémoire collective. Comment est-ce que vous êtes arrivé à ce résultat ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas du tout quoi dire. Le premier des deux morceaux, c'est l'hymne des Fraternisés. Alors ça, c'est vrai qu'au début, Christian m'avait parlé d'écrire une sorte d'hymne, comme ça, c'était un sacré défi, c'est sûr. Mais en même temps, j'ai tellement bouleversé par le scénario. Quand j'ai lu le scénario, là, on peut parler de processus de création. En tout cas, c'est très différent suivant les films. Il y a des films où vous avez besoin beaucoup de réfléchir, de faire des pauses, de sortir, d'aller s'aérer, de revenir, de digérer une histoire ou des images. Et ce film-là, j'ai fini la dernière page. Et je me souviens, j'avais un crayon, toujours avec moi, parce que je prends des notes quand j'ai les scénarios. J'ai vite écrit quelques portées sur la dernière page, comme ça, mes petites cinq lignes habituelles. Et j'ai écrit, si, mi, fa, sol, mi, si. En mettant quelques chiffrages au-dessus pour me souvenir des harmonies. J'avais pas tout le morceau, mais j'avais comme ça une espèce de À la lecture du scénario, tout de suite. Oui, oui. Donc j'ai mis ça dans un coin. Quand Christian m'a dit qu'il faudrait un hymne, j'ai réfléchi, j'ai dit mais cette ère qui m'est venue, est-ce que ça pourrait devenir ça ? Parce que c'est sorti tellement spontanément de l'histoire, comme quelque chose de physiologique, que j'y ai réfléchi. Donc je l'ai joué au piano, quand il est venu écouter la première fois... Je me suis mis au piano, puis j'ai joué cette aire en disant voilà un thème. Il était très ému et quand j'ai fini le morceau, il m'a dit c'est l'hymne des fraternisés. Donc là, émotion de tous les deux, je ne vous raconte pas. Parce que je tourne la page et moi j'avais appelé le morceau l'hymne de la fraternité. Et j'ai dit tu vois, j'avais appelé le morceau comme ça. Mais pour ne pas l'influencer, je ne lui avais pas dit. Et il m'a dit, je lui ai dit mais ça sera l'une des fraternisées, ça me va très bien.

  • Speaker #1

    Cette musique, quand elle a pris forme et quand elle a été enregistrée, c'est le premier voyage à Londres et le premier enregistrement à Abbey Road, dans ce studio mythique, avec le London Symphony Orchestra, qui est cet orchestre iconique, et qui a été l'orchestre de John Williams pendant des années. C'est là où il a enregistré évidemment les Star Wars, les trois premiers Indiana Jones, Fury, Dracula. Des musiques qui ont nourri votre imaginaire, qui vous ont fait rêver. Et vous, vous vous retrouvez à votre tour dans ce studio. Et face à cet orchestre-là, on a l'impression que, et c'est aussi la force de cette partition de Joyeux Noël, qu'il y a quelque chose d'un rêve d'enfant qui se réalise ce jour-là.

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens, j'ai levé la baguette et j'ai entendu le son de cet orchestre qui a en soi déjà un son, forcément, puisque c'est un orchestre. qui a une âme, qui a été façonnée Frissons garantis, émotions garanties, tout le monde a retenu son souffle, tout le monde avait fait le voyage. C'était un moment, un grand moment. Vous parliez de John Williams et il venait d'enregistrer le Star Wars, la revanche des sites, juste avant nous. Il y avait encore une photo dans la pièce de John. C'était encore plus émouvant de prendre la suite. Le hasard du calendrier a fait que Les résonances encore étaient palpables. Une transition comme ça, symbolique. Oui, et les musiciens, ce qui était chouette, c'est que je leur ai demandé, je leur ai dit ça. Vous étiez contents ? Ça vous a plu ? Et voilà, c'est vrai que j'étais le petit français qui arrivait, qui n'avait pas fait énormément de films, qui se retrouvait devant cet endroit et cet orchestre culte. Et ils m'ont dit non, c'était On a fait de la musique ensemble, et pour nous, les plus beaux moments, c'est quand on fait de la musique ensemble. J'ai aimé cette réflexion-là. Pour boucler ce premier module, ce premier podcast, nous allons écouter l'hymne des Fraternisés, issu de Joyeux Noël de Christian Carillon. Merci Philippe Rombi. Merci à vous.

Chapters

  • Introduction et présentation de Philippe Rombi

    00:00

  • Les avantages de composer pour le cinéma

    03:18

  • L'expression des émotions à travers la musique

    11:34

  • L'impact d'Antoine Duhamel sur son parcours

    17:43

  • La rencontre avec François Ozon et ses débuts au cinéma

    29:32

  • L'importance de 'Joyeux Noël' et l'enregistrement avec l'orchestre

    36:45

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Description

Philippe Rombi a représenté, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulais, au tournant du nouveau siècle, l’émergence d’une nouvelle génération de compositeurs pour l’image. 

Il y a dans sa voix une trace d’accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l’école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la Nouvelle vague. 

Un large public a découvert sa musique en même temps qu’il découvrait le cinéma de François Ozon, avec Sous le sable en 2000. 

Depuis, avec Ozon, c’est un mariage quasi inconditionnel : 12 longs-métrages en bientôt 20 ans de collaboration au long-cours. En héritier de GD et ML, il a une écriture d’une grande clarté, d’un lyrisme franc et généreux chez Christian Carion (Une hirondelle, Joyeux Noël), d’un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant, chez Ozon. 

Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts, et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie : d’Ozon à Carion, de Dany Boon à Christophe Barratier.


Crédits musicaux :

Amicalement vôtre (The Persuaders) / John Barry / Editions Sony ATV

Pierrot le fou / Antoine Duhamel / Editions Sido Music

Les Amants criminels (Adagio) / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

Sous le sable / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

L'Amant double / Philippe Rombi / 

Joyeux Noël (Hymne des fraternisés, piano seul) / Philippe Rombi / Editions Nord Ouest Productions

Joyeux Noël (I'm dreaming of home) / Philippe Rombi-Lori Barth-Gary Lewis / Editions Nord Ouest Productions


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Stéphane Lerouge. Bonjour à tous, notre premier invité des grands entretiens du musée Sacem à représenter, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulet, au tournant du Nouveau Siècle. L'émergence d'une nouvelle génération de compositeurs pour l'image. Il y a dans sa voix une trace d'accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l'école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la nouvelle vague. Un large public a découvert sa musique en même temps qu'il découvrait le cinéma de François Ozon avec Sous le sable en 2000. Depuis, avec Ozon, c'est un mariage quasi inconditionnel. 12 longs métrages, en bientôt 20 ans de collaboration au long cours. En héritier de Georges Delru et Michel Legrand, il a une écriture d'une grande clarté, d'un lyrisme franc et généreux chez Christian Carillon « N'y rondelle a fait le printemps, joyeux Noël » et d'un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant chez Ozon. Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie Dosons à Carillon, de Danny Boone à Christophe Baratier. Bonjour Philippe Rombi. Bonjour.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir les hostilités, j'aurais presque envie de vous demander quels sont pour vous les avantages, pour un compositeur d'aujourd'hui, de s'exprimer à travers et pour le cinéma ?

  • Speaker #0

    Les avantages, le premier peut-être, ce serait de pouvoir exprimer. à travers les histoires et les univers des cinéastes avec qui on partage nos aventures, d'exprimer le plus de sentiments possibles, le plus de contrastes possibles dans la création musicale. Si toutefois on est ouvert à cet exercice-là et qu'on aime changer d'univers, on peut avec le cinéma, grâce au cinéma, avoir un un support émotionnel d'inspiration quasi illimité. C'est-à-dire qu'à travers l'univers d'un autre créateur, qui est le metteur en scène, le cinéaste, vous pouvez, vous, écrire une musique à la première personne. Oui, parce qu'avant de faire de la musique pour un film, on est, en ce qui me concerne, compositeur avant. Donc on s'est créé nos propres fantasmes, nos propres histoires pour écrire nos œuvres avant. de faire de la musique de film. Donc, cette source, elle est quand même un peu tarissable, à un moment donné. Donc, c'est vrai que de se retrouver à partager l'univers d'autres artistes, d'autres créateurs, et à travers leurs histoires, continuer à perpétuer nos inspirations, c'est formidable parce qu'on se laisse surprendre. Mais j'ai l'impression que pour vous, chez vous, écrire pour l'image, C'est une sorte d'accomplissement, c'est une sorte d'idéal dont vous rêvez depuis vraiment l'enfance. C'est une sorte d'évidence. C'est une continuité. C'est très particulier comme sensation. C'est une manière de raconter la vie, quelque part. J'ai toujours raconté la vie, depuis que je suis tout petit, grâce à la musique. C'était mon moyen d'expression. C'est-à-dire ? C'est-à-dire que j'étais un enfant assez timide, assez réservé, et j'avais un besoin, en revanche, j'étais très sensible, et j'avais un besoin d'extérioriser, d'exprimer des émotions que je ressentais. Mais que vous n'exprimiez pas par la parole. Voilà, voilà, c'est ça. Donc Je parlais, j'échangeais, je rigolais avec les copains à l'école, il n'y avait pas de problème. Mais ce qui m'était personnel, des sentiments, des ressentis, j'ai toujours eu une sensibilité un petit peu au-dessus de la moyenne, mais aujourd'hui encore, je le sais, je le sens. Et donc, cette manière de pouvoir exprimer ces sentiments, c'est illustré par un besoin de coucher ça d'une certaine manière. Alors, ce n'était pas sur le papier, comme certains pourraient le faire. Moi, c'était grâce au piano que j'avais chez moi. Mon père m'avait installé un piano à la maison, sans savoir vraiment ce que j'allais en faire au début, avant de prendre vraiment des cours. Donc, j'allais sur ce piano comme c'était pour moi le moment privilégié de ma journée. Je rentrais de l'école, j'ouvrais le couvercle, et là, je partais dans des élucubrations. Mais alors qu'ils étaient complètement libres, je cherchais, je couchais les choses. J'essayais de les agencer, puisque je n'avais pas de savoir encore sur la musique, de connaissances. Je les agençais le plus harmonieusement possible. Je me souviens, quand Je partais quelques fois en vacances l'été, et bien cette jauge que je n'avais pas pu exprimer pendant une semaine, quinze jours, quand je revenais de vacances, je me souviens m'isoler une heure, deux heures, et ma maman le savait, elle fermait la porte, elle savait que j'avais besoin de sortir tout ce que je n'avais pas pu sortir pendant les vacances. Donc c'est une sorte presque de, je ne dirais pas de journal de bord, mais de journal intime, de cahier intime. Imaginons par exemple, c'est facile de le dire aujourd'hui, mais voilà, vous êtes en quatrième, vous avez eu huit ans maths, vous êtes triste, déçu, ou vous avez une sorte d'amour platonique pour une jeune camarade de votre classe. Comment est-ce que vous l'exprimeriez au piano en 50 secondes ? Ah ben j'ai Oui, ça pourrait donner ça par exemple. Tout ça n'était qu'au stade de l'improvisation éphémère. C'est grâce à mon entourage, à ma maman, mon frère, mon père, qui me disaient « mais qu'est-ce que tu viens de jouer ? » Donc là, j'étais obligé de leur dire « je ne sais pas, rejoue au milieu, c'était beau à la fin, je ne sais pas ». Alors j'essayais de refaire, tant que bien que mal, en moins bien, ce que j'avais fait, jusqu'à ce qu'on me dise « mais tu devrais écrire». apprend, écrit, tout ça, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Et de l'improvisation est née l'envie de passer, de fixer les idées et de basculer vers l'écriture. Oui, parce que tout ce qui m'arrivait autour de moi se traduisait en musique. Donc les émotions des gens, les rapports humains, les drames, ce que je voyais à la télé, les infos, le tout. Donc toutes les sortes d'émotions se traduisaient par la musique. Donc à un moment donné, on m'a dit, mais il faut des connaissances maintenant. pour que tu puisses écrire vraiment, fixer ces improvisations, à les figer un petit peu, à les enregistrer. Au début, c'était un magnétophone, pour pouvoir me souvenir de ce que j'avais fait. Et après, l'écrit. Donc là, c'est passé par des balbutiements de solfège rudimentaire de mes débuts, jusqu'à ce que mes cours me permettent de théoriser tout ça et d'écrire dans les règles de l'art au fur et à mesure de mes études. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose qui est vraiment typique aussi d'un compositeur de votre génération, puisque vous êtes né en 68, c'est que contrairement à la génération, mettons, de nos grands-parents qui ont découvert le monde extérieur, mettons beaucoup par la littérature, ce qui a nourri votre imaginaire, c'est évidemment la télévision et le cinéma. Est-ce que ça a tout de suite façonné votre vocation dans le sens de se dire, voilà, si je deviens compositeur, j'ai envie d'écrire ? Non pas forcément pour le concert ou le ballet, mais d'écrire pour l'image.

  • Speaker #0

    Oui, depuis ma tendre enfance, c'est vrai que ce que je refaisais au piano, c'était les génériques, c'était les génériques de séries, les thèmes de Bon, il faut dire aussi que j'avais la chance d'avoir un frère qui adorait la musique, qui chantait, qui avait une collection de disques incroyables, et qui avait beaucoup de musique de film dans cette collection. donc un jour quand j'ai eu le droit de me servir de sa fameuse platine 33 tours que personne ne devait toucher et d'aller piocher dans sa collection de 33 tours soigneusement rangée dans une vitrine, je m'en suis donné à corps joie. Et là, j'ai découvert Morricone, Paris, Williams. Parce qu'il l'aimait entendre des musiques symphoniques, des grandes musiques et des musiques de films parce qu'il adorait le cinéma aussi. Et donc, j'allais lui piquer ses disques et j'écoutais. Et je ne savais pas, j'étais encore petit, je ne savais pas C'était des musiques de films, souvent. Je rêvais sur ces musiques. Et plus tard, quand j'ai continué mes études au conservatoire et que j'ai abordé la direction d'orchestre, que j'ai commencé à étudier les œuvres classiques symphoniques, Je suis tombé amoureux des musiques à programme. Des musiques de ballet, de Daphnis, de Prokofiev, d'Oiseau de feu, de Richard Strauss, de la Symphonie Alpestre, etc. Et tout d'un coup, il y a des évidences, des connexions qui se sont faites. Je me suis dit, voilà, des musiques qui racontent aussi quelque chose, qui sont très évocatrices. Et pour moi, il y avait quand même un héritage de ces musiques-là par rapport à ces musiques classiques-là. Il y avait une filiation et j'étais chez moi. Je me sentais chez moi. Donc ce besoin d'évoquer en musique des émotions ou la nature. Donc le cinéma est arrivé là à mon adolescence. La passion du cinéma est arrivée. Les projections chez moi avec les copains toute la nuit. Donc tout ça s'est recoupé. La musique et le cinéma, il y a comme une espèce de À un moment donné, ça s'est rejoint. Il y a eu une jointure. Et alors, comme Francis Lay, qui est né à Nice Vous, vous avez grandi à Marseille. Comment est-ce que vous avez vécu cette traversée du miroir ? C'est-à-dire le fait d'être un enfant du Sud et de monter à Paris. Oui, c'était un déracinement, bien sûr. À quel âge ? C'est plus de 20 ans. Avant, je suis venu quelques fois parce que je faisais des courts-métrages. J'essayais. C'était des allers-retours. Je donnais mes cours quand j'étais professeur au conservatoire. parce que J'ai eu mon prix à 18 ans. À 18 ans, j'ai pu donner mes premiers cours. Et donc, ça me faisait un peu d'argent pour aller à Paris. Donc, dès que j'avais un petit peu d'argent, je me payais mon TGV. J'allais à Paris, j'essayais de rencontrer des jeunes cinéastes. Moi, je suis un enfant du conservatoire. Donc, je suis quelqu'un qui essaye d'apprendre quand même, qui a cette culture pour arriver quand même. Même si je suis autodidacte, si on cherche bien au départ, puisque j'ai commencé par faire de la musique. Avant de savoir ce que ça voulait dire. Mais après, j'ai travaillé. Pour y arriver, j'ai travaillé. Et donc, pour moi, faire de la musique de film, c'était trouver aussi une manière d'apprendre. Qu'est-ce qu'il y a comme école ? Qu'est-ce qui se fait ? Et à l'époque, c'était très compliqué. Aujourd'hui, il y a énormément de choses autour de la musique de film, des stages, des festivals, des masterclass. C'est formidable.

  • Speaker #1

    Et à l'époque, il y a cette classe qui a été créée par Laurent Petit Girard à l'école normale. Et c'est Antoine Duhamel qui a pris la suite de Laurent Petitgirard. Et donc cette classe va vous aimanter. Vous allez vous y inscrire. Oui, parce que c'est une espèce de passerelle. Je me suis dit, tiens, un moyen d'essayer d'avoir des connaissances dans ce registre particulier qui est le cinéma. Est-ce qu'il y a une école ? Je me suis renseigné et on m'a dit, voilà, il y a l'école normale. Il y a un professeur qui s'appelle Antoine Duhamel. Ah oui, carrément. Mais comment on y rentre ? Est-ce qu'il y a un concours ? Non, Antoine Duhamel, vous savez, demande à ce que les compositeurs qui viennent dans sa classe soient déjà des compositeurs. Il ne va pas vous apprendre à composer. Alors si vous avez des choses à lui envoyer Donc j'avais fait une sonate pour violoncelles et pianos, j'avais fait un quintet, j'avais fait un début de poème symphonique. Donc j'ai envoyé ces partitions à Antoine Duhamel. Et puis j'ai croisé les doigts. Et puis Et j'ai reçu un mot, Antoine Duhamel vous accueille dans sa classe, etc. Donc j'étais heureux et j'ai retroussé les manches pour me payer mes études à l'école normale. Et aller toutes les semaines, à l'époque je n'habitais pas Paris, donc je faisais le voyage toutes les semaines pour aller prendre ce moment de bonheur, voler à l'école normale avec Antoine. Il faut dire qu'Antoine Duhamel est un compositeur né en 1925, comme Georges Delru, donc il a fait partie de cette génération 25. qui a eu 20 ans au moment de l'après-guerre, qui c'était un élève de Messiaen notamment, de René Lebovitz au conservatoire de Paris, un enfant du dodecaphonisme qui a élargi un peu finalement son langage, il a défriché d'autres territoires de la musique grâce au cinéma, grâce à Paulet bien sûr, Godard, Truffaut et plus tard Bertrand Tavernier, Patrice Lecomte. Quelle est la place que représente la figure d'Antoine Duhamel dans votre parcours ? Cet homme qui était un homme qui était aussi insolite qu'était finalement son esthétique musicale. C'était un grand bonhomme avec une barbe de 1 mètre, avec un physique entre Zizitop et Rasputin. Quelle figure il a représenté pour vous ?

  • Speaker #0

    Il était impressionnant quand il arrivait. Il y avait une cape, je me souviens. C'était à la fois le grand monsieur mais le petit artisan. c'est à dire que Ses grands airs, c'est impressionnant pour un jeune comme moi. Il avait un côté attachant, presque naïf, qui faisait que ça nous mettait à l'aise quelque part. Donc il avait son créature. Ses partitions écrites à la main, il était en dehors du système du showbiz et tout ça, il était, et c'est ce que j'aimais bien, faire la musique concrète au sens premier du terme. Et cette exigence aussi de l'écriture, malgré l'exercice de faire de la musique à l'image, de garder une certaine exigence. scientifique de l'écriture, au sens savante, plutôt que scientifique. Voilà, une écriture savante. C'est ce qu'il a su réaliser un petit peu dans son cinéma. C'est de conserver quand même une certaine écriture intéressante musicalement, tout en, comme vous disiez tout à l'heure, l'étendre au cinéma, étendre sa palette pour partager au mieux avec les réalisateurs.

  • Speaker #1

    Comment vous allez vivre ce sas entre la fin des études et le premier long-métrage en 1999 ? Il y aura forcément toute une série de courts-métrages dans cet intervalle, mais comment ça va se passer ? Les études s'arrêtent et il va y avoir quelques années avant la rencontre décisive en 1999 avec Ozon, vous avez 31 ans, sur Les Amants Criminels. C'est une période pleine de doutes. d'espoir, de travail, d'essais, de bouteilles à la mer, de maquettes, de... Je ne les ai plus maintenant, mais je les ai gardées un moment. J'avais une paire de chaussures qui étaient trouées, tellement j'avais fait des démarches pour aller porter mes cassettes de thèmes et autres films imaginaires que j'avais composés dans mon coin, des ensembles de morceaux. auquel je donnais des titres improbables. Et puis j'ai essayé de déposer ça, mais oui, des bouteilles à la mer, parce que la plupart du temps c'était « Vous avez rendez-vous ? » Voilà, non, donc au revoir. Déposer quand même une cassette, bon, elle va finir peut-être dans un tiroir ou à la poubelle, c'est vraiment utopique. Donc c'est une période où, bon, il fallait vivre quand même, donc j'étais professeur de piano, donc je lâchais pas ça. Je donnais mes cours et puis j'adorais mes élèves, donc c'était pas quelque chose de contraignant pour moi, j'aimais ça. Donc j'avais cette double casquette, oui j'avais mon petit cartable avec mes partitions de professeurs de piano. Et puis quand j'allais à mes rendez-vous pour essayer de faire écouter, j'avais un autre cartable avec mes cassettes, c'était assez drôle. Deux cartables et deux casquettes. Oui exactement, c'était Dr. Jekyll et Mr. Hyde un petit peu. C'était une période remplie de doutes et d'espoirs mélangés. Il y a eu des moments où vous vous êtes dit, je vais peut-être continuer à écrire juste pour moi, mais mon vrai métier, ça va être la pédagogie, je vais rester professeur. Vous avez quand même eu la conscience qu'un jour, finalement, vous finiriez par rencontrer le cinéma. Non, j'ai eu peur, mais je n'ai jamais douté. Pas de moi, mais je n'ai jamais douté de faire quelque chose dans le métier, de créer, de faire de la musique vivante. Non, je croyais. Je ne sais pas d'où ça venait, mais j'avais quelque chose qui m'empêchait de dire « oh là là, je n'y arriverai jamais » ou « ce n'est pas possible » , je ne sais pas. J'avais un moteur qui m'animait et qui me faisait avancer. Alors effectivement, nous sommes en 1999, et là vous allez rencontrer un cinéaste qui a déjà cette réputation un peu, comment est-ce qu'on pourrait dire, d'enfant terrible du cinéma français. Il s'est fait connaître par le court-métrage et par un premier long qui s'appelait Sitcom, c'est François Ozon. Et là, sur son deuxième long-métrage, il bascule vers un projet plus presque fantasmatique, plus onirique, plus ambitieux, donc Les Amants Criminels, qui est l'enchaînement de circonstances. vous a amené face à Ozon ?

  • Speaker #0

    J'avais fait un certain nombre de courts-métrages. À un moment donné, je ne savais pas comment arriver à faire entendre ce travail. Donc j'ai compilé tout ça. J'ai fait un enregistrement, une cassette ou un CD, je ne sais plus. de tout ça, et j'ai pu la faire passer à un moment donné à Olivier Delbosque, qui allait fonder Fidélité, cette maison de production de films, qui à l'époque ne produisait d'ailleurs que des courts-métrages, c'était vraiment, c'est début, on débutait tous en fait, et il avait trouvé, voilà, il m'a dit c'est le talent, c'est magnifique, etc. Il y a plein de choses intéressantes, je prends ça, je le garde dans un coin, et puis Si un jour j'ai l'opportunité de faire écouter ça à un réalisateur, je penserai à toi. Il a tenu parole. Il a tenu parole, oui. Quand François Ozon a réalisé Les Amants Criminels, qui est en vérité son premier film, qu'il n'avait pas pu monter, c'était compliqué de commencer par celui-là, donc il a fait sitcom, finalement, et puis il est revenu à son premier projet. Le producteur fait écouter cette cet enregistrement à François Ozon, qui trouve ça très intéressant, et donc me propose de faire un essai sur un passage de son film Les Amours Criminels. Donc je m'exécute, je reçois le film, je fais dans l'urgence une maquette de cette scène, je vais au rendez-vous prévu quatre jours après au montage son, parce que le film était très avancé déjà, Le montage d'image était terminé. Et là, eh bien, voilà, j'attends l'arrivée de François. La musique était calée. Sachant qu'il n'avait pas de musique originale pour cet endroit, il y avait une belle œuvre de Dvorak. Je ne sais plus laquelle. Qui était calée là. Formidable. Je crois que c'était Solty avec Chicago, évidemment. Un enregistrement formidable. Et moi, j'avais mon petit truc au synthé. Surtout les sons de l'époque, c'était quand même assez terrible. Voilà. Donc là, je transfère à grosse goutte, parce que switcher d'un morceau à l'autre, évidemment, sinon c'est pas drôle. Et je me disais, pourvu qu'ils ne trouvent pas ça trop minable par rapport à cet enregistrement magnifique. Et après avoir écouté l'un, puis l'autre, puis l'un, puis l'autre, François a dit, mais non, ça marche mieux ce qu'a fait Philippe. C'est ça qu'il faut. Et puis là, de fil en aiguille, Il commence à demander à son monteur, est-ce que tu peux montrer la séquence de la barque à Philippe ? Est-ce que tu peux montrer le petit passage là ? Et petit à petit, je me mets à Vous avez contaminé le film. Oui, je n'ai pas fait beaucoup dans ce film, mais enfin, plus que la petite séquence qu'on m'avait demandé. Et puis, j'avais pris l'initiative, moi aussi, j'avais préparé. Je trouvais que tout le final du film, il y avait une musique qui était collée dessus, qui était une musique classique, qui était belle en soi, mais je trouvais que Avec le film, j'avais ressenti quelque chose et je l'avais proposé. Et c'est resté. Et il y a donc ce grand adagio pour Cordes, avec déjà un langage à la fois très clair et un vrai sens du lyrisme, du lyrisme rombien, et qu'on va écouter tout de suite. La question qu'on a envie de poser par rapport à Ozon, c'est qu'aujourd'hui, avec quasiment 20 ans de recul, puisque c'était en 1999, est-ce qu'il est plus facile de démarrer avec un cinéaste de sa génération, puisqu'Ozon a juste quelques mois de plus que vous ? Et j'ai presque envie de vous demander, mais tous les deux, en termes de références, même de culture, qu'est-ce qui vous rapproche et qu'est-ce qui vous sépare ? C'est une question Délicate. À laquelle il faut répondre. Je vois. Avec François, on a entendu, on a vu, on a vécu des choses assez similaires quand même. Donc on a des points de convergence, des références qui font que peut-être Je me souviens, Potiche par exemple, quand on a parlé de Potiche, c'est-à-dire les films qu'on regardait quand on était enfant, au même âge. De toutes ces années 70, on avait cette envie commune de retourner dans ces parfums-là, et on s'est compris très vite. Non, je ne sais pas si c'est plus difficile aujourd'hui ou plus facile. Je ne me suis pas posé la question, non. On avait quand même des influences différentes. une culture différente avec François. On s'est apprivoisés, on a appris à se connaître aussi, on a appris à s'étonner l'un l'autre. À se provoquer l'un l'autre ? Oui, parfois. Son cinéma, c'est un cinéma exigeant, c'est un cinéma qui a une forte personnalité. Quand on commence par ça, pour moi, commencer par Les Amants Criminels, ce n'est quand même pas forcément le film le plus facile pour pénétrer dans l'univers d'un réalisateur. C'était un univers assez fort et en même temps c'est un univers riche et au niveau émotionnel, les amants criminels ça passe par des strates très riches et très diverses. Donc c'était aussi assez intéressant de commencer avec ça mais délicat, périlleux, je dirais périlleux et donc la difficulté avec François ça a été de lui proposer des idées euh En essayant d'élargir le curseur pour voir ses réactions en fonction de sa sensibilité, voir si là j'étais allé trop loin, pas assez, et petit à petit, moi aussi, découvrir son univers, qu'on peut ne découvrir qu'à partir d'un certain nombre de films aussi, où les choses commencent à s'affirmer.

  • Speaker #1

    Mais comment, en quelques mots, pourriez-vous définir le statut de la musique originale chez Ozon ? Et est-ce qu'en 20 ans, ce statut a changé, a évolué ? Il a évolué, c'est certain. François était de plus en plus à l'aise avec l'utilisation de la musique originale parce que d'abord moi j'ai toujours été au service du film, je voulais que ça marche, que ça soit réussi donc je comptais pas les essais, les remises en question personnelles, j'essayais des choses on en parlait et puis au début il a pu être sans doute méfiant sur cette secrète corps étranger qui est arrivé dans son univers. Qui vient se greffer à son univers. C'est normal. Le pouvoir est tel de la musique que sur une même scène, trois, quatre ou cinq musiques essayées différentes, la scène, vous la vivez tellement différemment. Vous la ressentez différemment. Jean-Paul Rabeneau a toujours une très belle image là-dessus. Il dit, pour un cinéaste Et c'est vrai pour Rabeneau comme pour Ozon, mais comme pour tout cinéaste, on a à un moment donné, on a l'impression de confier les clés de la maison à un autre créateur. Et de lui abandonner son film et que c'est lui qui va agir sur le film, qui va l'interpréter.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que c'est une espèce de dimension supplémentaire qui vient manipuler le spectateur. Et suivant le chemin qu'on prend, on peut le manipuler de différentes manières. Et donc ça peut changer la perception d'une séquence. le sens parfois même, le point de vue. On peut être du point de vue de quand il y a trois acteurs sur une séquence, de l'un ou de l'autre. Donc ça change le sens parfois. Et ça, avec François, ce qui est passionnant, c'est qu'on en parle. Il donne les clés, mais pas totalement tout le trousseau non plus. Moi, je me souviens, il y a certaines séquences où je lui demande. on est Tu penses qu'on est du point de vue d'un tel personnage ou de tel autre ? Je suis là, ou des deux. Parce que des fois, je fais une musique et ça peut être les deux à la fois. Et parfois, il me dit, non, je préfère qu'on reste sur elle, par exemple. Ça, ça me suffit, moi. Il n'a pas besoin de me dire, je veux un violoncelle et un basson. Il me dit, je veux qu'on reste sur elle. Moi, avec ma sensibilité, je palpe ça, je ressens ça et je lui repropose quelque chose en ajustant le morceau. au niveau de l'orchestration, l'harmonie, je ne sais pas, qui fait que tout d'un coup, on est du point de vue d'elle. Après ça, je ne sais pas vous l'expliquer. Je ne sais pas du tout. Mais c'est vrai qu'en quasiment 20 ans de collaboration, et vous cumulez 12 films, 13 films Je sais plus, j'ai pas compté. Et qu'à l'intérieur de cette sorte de fraternité partagée, on a l'impression que votre chance, à vous, en tant que compositeur, c'est que si le cinéma d'Ozon, il est multiple, il n'a pas un visage, il a des tas de visages différents, et que c'est aussi une chance de renouvellement dans l'inspiration musicale, parce qu'il y a quasiment un grand canyon. entre, mettons, Petiche et Franz, et entre Franz et la mandouble. Est-ce que ça aussi, c'est une chance pour le compositeur ? C'est une chance, pour moi en tout cas, parce que, comme je le disais précédemment, cette manière d'exprimer tous les sentiments réunis de la vie que j'ai depuis mon enfance, ça me va, là, parce que, du coup, il m'en propose des sentiments. et des expériences et des états d'âme. Et moi, je jubile chaque fois. Je me dis, qu'est-ce qu'il va faire ? J'aime ça. C'est pour ça que je fais la monde double avec cette musique électronique, alors qu'habituellement, on fait des choses beaucoup plus acoustiques, beaucoup plus instrumentales. Mais j'aime ça. Mais ça peut être aussi, pour un autre compositeur, l'enfer. Parce que c'est un défi, quand même. Chaque fois, c'est une remise en question. Et même lui ne sait pas si je vais relever ce défi. D'ailleurs, il me le dit. Il me dit, j'ai quelque chose de différent. Dis-moi ce que tu en penses. Est-ce que ça t'inspire ? Est-ce que tu en as envie ? Je t'envoie le scénario. Il ne sait pas si vraiment je vais rentrer dans l'aventure facilement ou pas.

  • Speaker #1

    Mais c'est très étrange parce qu'on a l'impression que vous, chez Ozan, c'est un compositeur dans un rôle de composition. Parce que dans la vie, vous êtes quelqu'un de clair, de direct, alors qu'Ozon, c'est un cinéma de la manipulation, de la perversion, notamment de la perversion du couple. Le couple est un des fils rouges de son cinéma, et c'est aussi un cinéma de l'ambiguïté. Et on a l'impression que souvent, chez lui, la musique, votre musique, est une sorte de trompe-l'œil, ou de trompe-l'oreille supplémentaire. Trompe-l'oreille. Bonne formule. Oui, c'est vrai que dans le cinéma de François, il y a ce vrai-faux. tout le temps dans est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est un reflet de la réalité ? Ou est-ce qu'on est dans le mental du personnage ? Est-ce qu'on est dans le mental ? Est-ce qu'on doit alors rester dans le mental du personnage ? Comme dans L'Amant Double par exemple, où on a beaucoup parlé de mental justement. Alors que dans certains autres films, on est dans le mental à certains moments, et à certains moments, non, on décrit, on est dans le recul de ce qui s'est passé, et on exprime un sentiment plus général. Un ressenti extérieur à ce qui s'est passé. Je me souviens de Sous le sable, à la fin, où finalement on se retrouve devant l'image tous les deux. On n'avait pas fait tous ces films, donc on n'avait encore pas beaucoup l'habitude de dialoguer ensemble. Qu'est-ce qu'on fait sur Charlotte Rampling ? Elle pleure, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on met de la musique ? Est-ce que ça va être trop ? Est-ce que ça va appuyer ce qu'on voit déjà ? Il y a la mer, il y a les vagues, il y a la plage. Et on a réfléchi sur l'instrumentation, si on faisait quelque chose d'orchestral ou pas. Ou de chambriste.

  • Speaker #0

    Ou de chambriste, sur ça. Évidemment, pour un jeune compositeur, une scène sur la plage où on court, on se dit ça y est, je vais sortir les violons et le grand orchestre. Bien sûr, c'est un réflexe, parce qu'on a besoin de s'exprimer, c'est normal. Et puis, après, il y a le film, la justesse. Qu'est-ce qui est juste pour le film ? Et donc là, ce qui était juste, je pense Et c'était son avis aussi, c'était qu'on la laisse pleurer sans musique. Et que la musique démarre après. Après, voilà. Et que quand elle le voit, Bruno Crémer, son espèce de fantasme intérieur se remet en route. Et la musique se remet en route avec elle. Donc là, on avait travaillé sur le son pour que le violoncelle dialogue. Et puis que quand le piano se retrouve tout seul... Le son de l'océan s'arrête et que le piano soit carrément tout seul dans la pièce, dans la salle de cinéma. Et l'orchestre au générique de fin qui suit, lui, exprime toute la douleur contenue dans le film et qui n'était pas dans le film.

  • Speaker #1

    Le film, la grande reconnaissance pour Ozon, ça a moins été les amants criminels que le film d'après, donc Sous le sable, dont vous parliez à l'instant, et qui aussi a fait découvrir à un plus large public votre écriture. Et puis à partir de là, il y a eu des tas d'autres films qui sont arrivés, Une hirondelle a fait le printemps avec Christian Carillon, et puis des collaborations avec Philippe Leguet, avec Christophe Baratier, une invitation musicale chez Agnès Jauy, etc. J'aurais envie de vous dire, avec tous ces cinéastes, Comment est-ce qu'on arrive à respecter ce que disait toujours Georges Delru, qui avait ce joli aphorisme, il disait « La demande du metteur en scène, il faut à la fois la respecter et lui tordre le cou. »

  • Speaker #0

    Non, c'est juste, j'essaye de ressentir, et donc le plus sincèrement possible à chaque film. Et je crois que si on fait ça de cette manière, forcément, si on a soi-même une sensibilité à un univers, automatiquement, on va tordre le cou inconsciemment à ce qu'on vous a demandé. Ça va passer par nos entrailles, on va le reconditionner, le refiltrer avec notre sensibilité, et on va le redistribuer au réalisateur.

  • Speaker #1

    Alors il faut malheureusement, parce que le temps file, nous arrivons à la fin, à l'issue de ce premier podcast, il y a un film qu'on va évoquer rapidement, parce que c'est un film, là aussi, c'est une balise. en quelque sorte. C'est Joyeux Noël, qui est votre deuxième long-métrage avec Christian Carillon, qui est un cinéaste qui est passionné par l'histoire, par la nature, par l'engagement aussi. Et c'est un sujet humaniste, connecté à la Première Guerre mondiale, l'histoire de ces soldats écossais, français, allemands, qui ont fraternisé dans les tranchées un soir de Noël. Et ça a été un film important, parce que c'était un film européen, tourné en plusieurs langues. français, anglais, allemand. C'était un film aussi important parce que la partition de ce film, c'est l'une de vos premières musiques qui a pu s'échapper du film et être jouée en concert. Et la partition est très riche, très luxuriante, très thématique. Et il y a notamment cette demande incroyable de Carillon, avant même le début du tournage, c'est d'écrire deux thèmes qui allaient être joués à l'image, c'est-à-dire notamment un hymne écossais. que les écossais, cornemuses voix, jouent et interprètent dans les tranchées. Et puis à Nave Maria, qui est interprétée par le personnage de Diane Kruger, doublée par Nathalie Dessay. Et quand on demande à Christian Carillon, on lui dit « mais quelle a été votre demande à Philippe Ramby pour ces deux thèmes ? » Il dit toujours « je lui ai quasiment demandé d'écrire quelque chose de connu » . Ce qui est une demande, une injonction presque paradoxale. Et c'est vrai que quand on voit le film, on a l'impression que ces thèmes, qui sont pourtant à 200% originaux ont quelque chose de composition de toujours, de composition du folklore, de composition qui sont déjà dans la mémoire collective. Comment est-ce que vous êtes arrivé à ce résultat ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas du tout quoi dire. Le premier des deux morceaux, c'est l'hymne des Fraternisés. Alors ça, c'est vrai qu'au début, Christian m'avait parlé d'écrire une sorte d'hymne, comme ça, c'était un sacré défi, c'est sûr. Mais en même temps, j'ai tellement bouleversé par le scénario. Quand j'ai lu le scénario, là, on peut parler de processus de création. En tout cas, c'est très différent suivant les films. Il y a des films où vous avez besoin beaucoup de réfléchir, de faire des pauses, de sortir, d'aller s'aérer, de revenir, de digérer une histoire ou des images. Et ce film-là, j'ai fini la dernière page. Et je me souviens, j'avais un crayon, toujours avec moi, parce que je prends des notes quand j'ai les scénarios. J'ai vite écrit quelques portées sur la dernière page, comme ça, mes petites cinq lignes habituelles. Et j'ai écrit, si, mi, fa, sol, mi, si. En mettant quelques chiffrages au-dessus pour me souvenir des harmonies. J'avais pas tout le morceau, mais j'avais comme ça une espèce de À la lecture du scénario, tout de suite. Oui, oui. Donc j'ai mis ça dans un coin. Quand Christian m'a dit qu'il faudrait un hymne, j'ai réfléchi, j'ai dit mais cette ère qui m'est venue, est-ce que ça pourrait devenir ça ? Parce que c'est sorti tellement spontanément de l'histoire, comme quelque chose de physiologique, que j'y ai réfléchi. Donc je l'ai joué au piano, quand il est venu écouter la première fois... Je me suis mis au piano, puis j'ai joué cette aire en disant voilà un thème. Il était très ému et quand j'ai fini le morceau, il m'a dit c'est l'hymne des fraternisés. Donc là, émotion de tous les deux, je ne vous raconte pas. Parce que je tourne la page et moi j'avais appelé le morceau l'hymne de la fraternité. Et j'ai dit tu vois, j'avais appelé le morceau comme ça. Mais pour ne pas l'influencer, je ne lui avais pas dit. Et il m'a dit, je lui ai dit mais ça sera l'une des fraternisées, ça me va très bien.

  • Speaker #1

    Cette musique, quand elle a pris forme et quand elle a été enregistrée, c'est le premier voyage à Londres et le premier enregistrement à Abbey Road, dans ce studio mythique, avec le London Symphony Orchestra, qui est cet orchestre iconique, et qui a été l'orchestre de John Williams pendant des années. C'est là où il a enregistré évidemment les Star Wars, les trois premiers Indiana Jones, Fury, Dracula. Des musiques qui ont nourri votre imaginaire, qui vous ont fait rêver. Et vous, vous vous retrouvez à votre tour dans ce studio. Et face à cet orchestre-là, on a l'impression que, et c'est aussi la force de cette partition de Joyeux Noël, qu'il y a quelque chose d'un rêve d'enfant qui se réalise ce jour-là.

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens, j'ai levé la baguette et j'ai entendu le son de cet orchestre qui a en soi déjà un son, forcément, puisque c'est un orchestre. qui a une âme, qui a été façonnée Frissons garantis, émotions garanties, tout le monde a retenu son souffle, tout le monde avait fait le voyage. C'était un moment, un grand moment. Vous parliez de John Williams et il venait d'enregistrer le Star Wars, la revanche des sites, juste avant nous. Il y avait encore une photo dans la pièce de John. C'était encore plus émouvant de prendre la suite. Le hasard du calendrier a fait que Les résonances encore étaient palpables. Une transition comme ça, symbolique. Oui, et les musiciens, ce qui était chouette, c'est que je leur ai demandé, je leur ai dit ça. Vous étiez contents ? Ça vous a plu ? Et voilà, c'est vrai que j'étais le petit français qui arrivait, qui n'avait pas fait énormément de films, qui se retrouvait devant cet endroit et cet orchestre culte. Et ils m'ont dit non, c'était On a fait de la musique ensemble, et pour nous, les plus beaux moments, c'est quand on fait de la musique ensemble. J'ai aimé cette réflexion-là. Pour boucler ce premier module, ce premier podcast, nous allons écouter l'hymne des Fraternisés, issu de Joyeux Noël de Christian Carillon. Merci Philippe Rombi. Merci à vous.

Chapters

  • Introduction et présentation de Philippe Rombi

    00:00

  • Les avantages de composer pour le cinéma

    03:18

  • L'expression des émotions à travers la musique

    11:34

  • L'impact d'Antoine Duhamel sur son parcours

    17:43

  • La rencontre avec François Ozon et ses débuts au cinéma

    29:32

  • L'importance de 'Joyeux Noël' et l'enregistrement avec l'orchestre

    36:45

Description

Philippe Rombi a représenté, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulais, au tournant du nouveau siècle, l’émergence d’une nouvelle génération de compositeurs pour l’image. 

Il y a dans sa voix une trace d’accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l’école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la Nouvelle vague. 

Un large public a découvert sa musique en même temps qu’il découvrait le cinéma de François Ozon, avec Sous le sable en 2000. 

Depuis, avec Ozon, c’est un mariage quasi inconditionnel : 12 longs-métrages en bientôt 20 ans de collaboration au long-cours. En héritier de GD et ML, il a une écriture d’une grande clarté, d’un lyrisme franc et généreux chez Christian Carion (Une hirondelle, Joyeux Noël), d’un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant, chez Ozon. 

Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts, et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie : d’Ozon à Carion, de Dany Boon à Christophe Barratier.


Crédits musicaux :

Amicalement vôtre (The Persuaders) / John Barry / Editions Sony ATV

Pierrot le fou / Antoine Duhamel / Editions Sido Music

Les Amants criminels (Adagio) / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

Sous le sable / Philippe Rombi / Editions Haute Fidélité

L'Amant double / Philippe Rombi / 

Joyeux Noël (Hymne des fraternisés, piano seul) / Philippe Rombi / Editions Nord Ouest Productions

Joyeux Noël (I'm dreaming of home) / Philippe Rombi-Lori Barth-Gary Lewis / Editions Nord Ouest Productions


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Les grands entretiens du musée de la Sacem avec Stéphane Lerouge. Bonjour à tous, notre premier invité des grands entretiens du musée Sacem à représenter, juste après Alexandre Desplat et Bruno Coulet, au tournant du Nouveau Siècle. L'émergence d'une nouvelle génération de compositeurs pour l'image. Il y a dans sa voix une trace d'accent qui trahit sa jeunesse méridionale. A Paris, à l'école normale, il a eu comme professeur le grand Antoine Duhamel, icône musicale de la nouvelle vague. Un large public a découvert sa musique en même temps qu'il découvrait le cinéma de François Ozon avec Sous le sable en 2000. Depuis, avec Ozon, c'est un mariage quasi inconditionnel. 12 longs métrages, en bientôt 20 ans de collaboration au long cours. En héritier de Georges Delru et Michel Legrand, il a une écriture d'une grande clarté, d'un lyrisme franc et généreux chez Christian Carillon « N'y rondelle a fait le printemps, joyeux Noël » et d'un lyrisme plus trouble, plus tendu, sinon plus inquiétant chez Ozon. Avec lui, nous allons évoquer sa formation, ses influences, ses débuts et plus largement les coulisses de la création avec les cinéastes de sa vie Dosons à Carillon, de Danny Boone à Christophe Baratier. Bonjour Philippe Rombi. Bonjour.

  • Speaker #1

    Pour ouvrir les hostilités, j'aurais presque envie de vous demander quels sont pour vous les avantages, pour un compositeur d'aujourd'hui, de s'exprimer à travers et pour le cinéma ?

  • Speaker #0

    Les avantages, le premier peut-être, ce serait de pouvoir exprimer. à travers les histoires et les univers des cinéastes avec qui on partage nos aventures, d'exprimer le plus de sentiments possibles, le plus de contrastes possibles dans la création musicale. Si toutefois on est ouvert à cet exercice-là et qu'on aime changer d'univers, on peut avec le cinéma, grâce au cinéma, avoir un un support émotionnel d'inspiration quasi illimité. C'est-à-dire qu'à travers l'univers d'un autre créateur, qui est le metteur en scène, le cinéaste, vous pouvez, vous, écrire une musique à la première personne. Oui, parce qu'avant de faire de la musique pour un film, on est, en ce qui me concerne, compositeur avant. Donc on s'est créé nos propres fantasmes, nos propres histoires pour écrire nos œuvres avant. de faire de la musique de film. Donc, cette source, elle est quand même un peu tarissable, à un moment donné. Donc, c'est vrai que de se retrouver à partager l'univers d'autres artistes, d'autres créateurs, et à travers leurs histoires, continuer à perpétuer nos inspirations, c'est formidable parce qu'on se laisse surprendre. Mais j'ai l'impression que pour vous, chez vous, écrire pour l'image, C'est une sorte d'accomplissement, c'est une sorte d'idéal dont vous rêvez depuis vraiment l'enfance. C'est une sorte d'évidence. C'est une continuité. C'est très particulier comme sensation. C'est une manière de raconter la vie, quelque part. J'ai toujours raconté la vie, depuis que je suis tout petit, grâce à la musique. C'était mon moyen d'expression. C'est-à-dire ? C'est-à-dire que j'étais un enfant assez timide, assez réservé, et j'avais un besoin, en revanche, j'étais très sensible, et j'avais un besoin d'extérioriser, d'exprimer des émotions que je ressentais. Mais que vous n'exprimiez pas par la parole. Voilà, voilà, c'est ça. Donc Je parlais, j'échangeais, je rigolais avec les copains à l'école, il n'y avait pas de problème. Mais ce qui m'était personnel, des sentiments, des ressentis, j'ai toujours eu une sensibilité un petit peu au-dessus de la moyenne, mais aujourd'hui encore, je le sais, je le sens. Et donc, cette manière de pouvoir exprimer ces sentiments, c'est illustré par un besoin de coucher ça d'une certaine manière. Alors, ce n'était pas sur le papier, comme certains pourraient le faire. Moi, c'était grâce au piano que j'avais chez moi. Mon père m'avait installé un piano à la maison, sans savoir vraiment ce que j'allais en faire au début, avant de prendre vraiment des cours. Donc, j'allais sur ce piano comme c'était pour moi le moment privilégié de ma journée. Je rentrais de l'école, j'ouvrais le couvercle, et là, je partais dans des élucubrations. Mais alors qu'ils étaient complètement libres, je cherchais, je couchais les choses. J'essayais de les agencer, puisque je n'avais pas de savoir encore sur la musique, de connaissances. Je les agençais le plus harmonieusement possible. Je me souviens, quand Je partais quelques fois en vacances l'été, et bien cette jauge que je n'avais pas pu exprimer pendant une semaine, quinze jours, quand je revenais de vacances, je me souviens m'isoler une heure, deux heures, et ma maman le savait, elle fermait la porte, elle savait que j'avais besoin de sortir tout ce que je n'avais pas pu sortir pendant les vacances. Donc c'est une sorte presque de, je ne dirais pas de journal de bord, mais de journal intime, de cahier intime. Imaginons par exemple, c'est facile de le dire aujourd'hui, mais voilà, vous êtes en quatrième, vous avez eu huit ans maths, vous êtes triste, déçu, ou vous avez une sorte d'amour platonique pour une jeune camarade de votre classe. Comment est-ce que vous l'exprimeriez au piano en 50 secondes ? Ah ben j'ai Oui, ça pourrait donner ça par exemple. Tout ça n'était qu'au stade de l'improvisation éphémère. C'est grâce à mon entourage, à ma maman, mon frère, mon père, qui me disaient « mais qu'est-ce que tu viens de jouer ? » Donc là, j'étais obligé de leur dire « je ne sais pas, rejoue au milieu, c'était beau à la fin, je ne sais pas ». Alors j'essayais de refaire, tant que bien que mal, en moins bien, ce que j'avais fait, jusqu'à ce qu'on me dise « mais tu devrais écrire». apprend, écrit, tout ça, c'est intéressant.

  • Speaker #1

    Et de l'improvisation est née l'envie de passer, de fixer les idées et de basculer vers l'écriture. Oui, parce que tout ce qui m'arrivait autour de moi se traduisait en musique. Donc les émotions des gens, les rapports humains, les drames, ce que je voyais à la télé, les infos, le tout. Donc toutes les sortes d'émotions se traduisaient par la musique. Donc à un moment donné, on m'a dit, mais il faut des connaissances maintenant. pour que tu puisses écrire vraiment, fixer ces improvisations, à les figer un petit peu, à les enregistrer. Au début, c'était un magnétophone, pour pouvoir me souvenir de ce que j'avais fait. Et après, l'écrit. Donc là, c'est passé par des balbutiements de solfège rudimentaire de mes débuts, jusqu'à ce que mes cours me permettent de théoriser tout ça et d'écrire dans les règles de l'art au fur et à mesure de mes études. Et c'est vrai qu'il y a quelque chose qui est vraiment typique aussi d'un compositeur de votre génération, puisque vous êtes né en 68, c'est que contrairement à la génération, mettons, de nos grands-parents qui ont découvert le monde extérieur, mettons beaucoup par la littérature, ce qui a nourri votre imaginaire, c'est évidemment la télévision et le cinéma. Est-ce que ça a tout de suite façonné votre vocation dans le sens de se dire, voilà, si je deviens compositeur, j'ai envie d'écrire ? Non pas forcément pour le concert ou le ballet, mais d'écrire pour l'image.

  • Speaker #0

    Oui, depuis ma tendre enfance, c'est vrai que ce que je refaisais au piano, c'était les génériques, c'était les génériques de séries, les thèmes de Bon, il faut dire aussi que j'avais la chance d'avoir un frère qui adorait la musique, qui chantait, qui avait une collection de disques incroyables, et qui avait beaucoup de musique de film dans cette collection. donc un jour quand j'ai eu le droit de me servir de sa fameuse platine 33 tours que personne ne devait toucher et d'aller piocher dans sa collection de 33 tours soigneusement rangée dans une vitrine, je m'en suis donné à corps joie. Et là, j'ai découvert Morricone, Paris, Williams. Parce qu'il l'aimait entendre des musiques symphoniques, des grandes musiques et des musiques de films parce qu'il adorait le cinéma aussi. Et donc, j'allais lui piquer ses disques et j'écoutais. Et je ne savais pas, j'étais encore petit, je ne savais pas C'était des musiques de films, souvent. Je rêvais sur ces musiques. Et plus tard, quand j'ai continué mes études au conservatoire et que j'ai abordé la direction d'orchestre, que j'ai commencé à étudier les œuvres classiques symphoniques, Je suis tombé amoureux des musiques à programme. Des musiques de ballet, de Daphnis, de Prokofiev, d'Oiseau de feu, de Richard Strauss, de la Symphonie Alpestre, etc. Et tout d'un coup, il y a des évidences, des connexions qui se sont faites. Je me suis dit, voilà, des musiques qui racontent aussi quelque chose, qui sont très évocatrices. Et pour moi, il y avait quand même un héritage de ces musiques-là par rapport à ces musiques classiques-là. Il y avait une filiation et j'étais chez moi. Je me sentais chez moi. Donc ce besoin d'évoquer en musique des émotions ou la nature. Donc le cinéma est arrivé là à mon adolescence. La passion du cinéma est arrivée. Les projections chez moi avec les copains toute la nuit. Donc tout ça s'est recoupé. La musique et le cinéma, il y a comme une espèce de À un moment donné, ça s'est rejoint. Il y a eu une jointure. Et alors, comme Francis Lay, qui est né à Nice Vous, vous avez grandi à Marseille. Comment est-ce que vous avez vécu cette traversée du miroir ? C'est-à-dire le fait d'être un enfant du Sud et de monter à Paris. Oui, c'était un déracinement, bien sûr. À quel âge ? C'est plus de 20 ans. Avant, je suis venu quelques fois parce que je faisais des courts-métrages. J'essayais. C'était des allers-retours. Je donnais mes cours quand j'étais professeur au conservatoire. parce que J'ai eu mon prix à 18 ans. À 18 ans, j'ai pu donner mes premiers cours. Et donc, ça me faisait un peu d'argent pour aller à Paris. Donc, dès que j'avais un petit peu d'argent, je me payais mon TGV. J'allais à Paris, j'essayais de rencontrer des jeunes cinéastes. Moi, je suis un enfant du conservatoire. Donc, je suis quelqu'un qui essaye d'apprendre quand même, qui a cette culture pour arriver quand même. Même si je suis autodidacte, si on cherche bien au départ, puisque j'ai commencé par faire de la musique. Avant de savoir ce que ça voulait dire. Mais après, j'ai travaillé. Pour y arriver, j'ai travaillé. Et donc, pour moi, faire de la musique de film, c'était trouver aussi une manière d'apprendre. Qu'est-ce qu'il y a comme école ? Qu'est-ce qui se fait ? Et à l'époque, c'était très compliqué. Aujourd'hui, il y a énormément de choses autour de la musique de film, des stages, des festivals, des masterclass. C'est formidable.

  • Speaker #1

    Et à l'époque, il y a cette classe qui a été créée par Laurent Petit Girard à l'école normale. Et c'est Antoine Duhamel qui a pris la suite de Laurent Petitgirard. Et donc cette classe va vous aimanter. Vous allez vous y inscrire. Oui, parce que c'est une espèce de passerelle. Je me suis dit, tiens, un moyen d'essayer d'avoir des connaissances dans ce registre particulier qui est le cinéma. Est-ce qu'il y a une école ? Je me suis renseigné et on m'a dit, voilà, il y a l'école normale. Il y a un professeur qui s'appelle Antoine Duhamel. Ah oui, carrément. Mais comment on y rentre ? Est-ce qu'il y a un concours ? Non, Antoine Duhamel, vous savez, demande à ce que les compositeurs qui viennent dans sa classe soient déjà des compositeurs. Il ne va pas vous apprendre à composer. Alors si vous avez des choses à lui envoyer Donc j'avais fait une sonate pour violoncelles et pianos, j'avais fait un quintet, j'avais fait un début de poème symphonique. Donc j'ai envoyé ces partitions à Antoine Duhamel. Et puis j'ai croisé les doigts. Et puis Et j'ai reçu un mot, Antoine Duhamel vous accueille dans sa classe, etc. Donc j'étais heureux et j'ai retroussé les manches pour me payer mes études à l'école normale. Et aller toutes les semaines, à l'époque je n'habitais pas Paris, donc je faisais le voyage toutes les semaines pour aller prendre ce moment de bonheur, voler à l'école normale avec Antoine. Il faut dire qu'Antoine Duhamel est un compositeur né en 1925, comme Georges Delru, donc il a fait partie de cette génération 25. qui a eu 20 ans au moment de l'après-guerre, qui c'était un élève de Messiaen notamment, de René Lebovitz au conservatoire de Paris, un enfant du dodecaphonisme qui a élargi un peu finalement son langage, il a défriché d'autres territoires de la musique grâce au cinéma, grâce à Paulet bien sûr, Godard, Truffaut et plus tard Bertrand Tavernier, Patrice Lecomte. Quelle est la place que représente la figure d'Antoine Duhamel dans votre parcours ? Cet homme qui était un homme qui était aussi insolite qu'était finalement son esthétique musicale. C'était un grand bonhomme avec une barbe de 1 mètre, avec un physique entre Zizitop et Rasputin. Quelle figure il a représenté pour vous ?

  • Speaker #0

    Il était impressionnant quand il arrivait. Il y avait une cape, je me souviens. C'était à la fois le grand monsieur mais le petit artisan. c'est à dire que Ses grands airs, c'est impressionnant pour un jeune comme moi. Il avait un côté attachant, presque naïf, qui faisait que ça nous mettait à l'aise quelque part. Donc il avait son créature. Ses partitions écrites à la main, il était en dehors du système du showbiz et tout ça, il était, et c'est ce que j'aimais bien, faire la musique concrète au sens premier du terme. Et cette exigence aussi de l'écriture, malgré l'exercice de faire de la musique à l'image, de garder une certaine exigence. scientifique de l'écriture, au sens savante, plutôt que scientifique. Voilà, une écriture savante. C'est ce qu'il a su réaliser un petit peu dans son cinéma. C'est de conserver quand même une certaine écriture intéressante musicalement, tout en, comme vous disiez tout à l'heure, l'étendre au cinéma, étendre sa palette pour partager au mieux avec les réalisateurs.

  • Speaker #1

    Comment vous allez vivre ce sas entre la fin des études et le premier long-métrage en 1999 ? Il y aura forcément toute une série de courts-métrages dans cet intervalle, mais comment ça va se passer ? Les études s'arrêtent et il va y avoir quelques années avant la rencontre décisive en 1999 avec Ozon, vous avez 31 ans, sur Les Amants Criminels. C'est une période pleine de doutes. d'espoir, de travail, d'essais, de bouteilles à la mer, de maquettes, de... Je ne les ai plus maintenant, mais je les ai gardées un moment. J'avais une paire de chaussures qui étaient trouées, tellement j'avais fait des démarches pour aller porter mes cassettes de thèmes et autres films imaginaires que j'avais composés dans mon coin, des ensembles de morceaux. auquel je donnais des titres improbables. Et puis j'ai essayé de déposer ça, mais oui, des bouteilles à la mer, parce que la plupart du temps c'était « Vous avez rendez-vous ? » Voilà, non, donc au revoir. Déposer quand même une cassette, bon, elle va finir peut-être dans un tiroir ou à la poubelle, c'est vraiment utopique. Donc c'est une période où, bon, il fallait vivre quand même, donc j'étais professeur de piano, donc je lâchais pas ça. Je donnais mes cours et puis j'adorais mes élèves, donc c'était pas quelque chose de contraignant pour moi, j'aimais ça. Donc j'avais cette double casquette, oui j'avais mon petit cartable avec mes partitions de professeurs de piano. Et puis quand j'allais à mes rendez-vous pour essayer de faire écouter, j'avais un autre cartable avec mes cassettes, c'était assez drôle. Deux cartables et deux casquettes. Oui exactement, c'était Dr. Jekyll et Mr. Hyde un petit peu. C'était une période remplie de doutes et d'espoirs mélangés. Il y a eu des moments où vous vous êtes dit, je vais peut-être continuer à écrire juste pour moi, mais mon vrai métier, ça va être la pédagogie, je vais rester professeur. Vous avez quand même eu la conscience qu'un jour, finalement, vous finiriez par rencontrer le cinéma. Non, j'ai eu peur, mais je n'ai jamais douté. Pas de moi, mais je n'ai jamais douté de faire quelque chose dans le métier, de créer, de faire de la musique vivante. Non, je croyais. Je ne sais pas d'où ça venait, mais j'avais quelque chose qui m'empêchait de dire « oh là là, je n'y arriverai jamais » ou « ce n'est pas possible » , je ne sais pas. J'avais un moteur qui m'animait et qui me faisait avancer. Alors effectivement, nous sommes en 1999, et là vous allez rencontrer un cinéaste qui a déjà cette réputation un peu, comment est-ce qu'on pourrait dire, d'enfant terrible du cinéma français. Il s'est fait connaître par le court-métrage et par un premier long qui s'appelait Sitcom, c'est François Ozon. Et là, sur son deuxième long-métrage, il bascule vers un projet plus presque fantasmatique, plus onirique, plus ambitieux, donc Les Amants Criminels, qui est l'enchaînement de circonstances. vous a amené face à Ozon ?

  • Speaker #0

    J'avais fait un certain nombre de courts-métrages. À un moment donné, je ne savais pas comment arriver à faire entendre ce travail. Donc j'ai compilé tout ça. J'ai fait un enregistrement, une cassette ou un CD, je ne sais plus. de tout ça, et j'ai pu la faire passer à un moment donné à Olivier Delbosque, qui allait fonder Fidélité, cette maison de production de films, qui à l'époque ne produisait d'ailleurs que des courts-métrages, c'était vraiment, c'est début, on débutait tous en fait, et il avait trouvé, voilà, il m'a dit c'est le talent, c'est magnifique, etc. Il y a plein de choses intéressantes, je prends ça, je le garde dans un coin, et puis Si un jour j'ai l'opportunité de faire écouter ça à un réalisateur, je penserai à toi. Il a tenu parole. Il a tenu parole, oui. Quand François Ozon a réalisé Les Amants Criminels, qui est en vérité son premier film, qu'il n'avait pas pu monter, c'était compliqué de commencer par celui-là, donc il a fait sitcom, finalement, et puis il est revenu à son premier projet. Le producteur fait écouter cette cet enregistrement à François Ozon, qui trouve ça très intéressant, et donc me propose de faire un essai sur un passage de son film Les Amours Criminels. Donc je m'exécute, je reçois le film, je fais dans l'urgence une maquette de cette scène, je vais au rendez-vous prévu quatre jours après au montage son, parce que le film était très avancé déjà, Le montage d'image était terminé. Et là, eh bien, voilà, j'attends l'arrivée de François. La musique était calée. Sachant qu'il n'avait pas de musique originale pour cet endroit, il y avait une belle œuvre de Dvorak. Je ne sais plus laquelle. Qui était calée là. Formidable. Je crois que c'était Solty avec Chicago, évidemment. Un enregistrement formidable. Et moi, j'avais mon petit truc au synthé. Surtout les sons de l'époque, c'était quand même assez terrible. Voilà. Donc là, je transfère à grosse goutte, parce que switcher d'un morceau à l'autre, évidemment, sinon c'est pas drôle. Et je me disais, pourvu qu'ils ne trouvent pas ça trop minable par rapport à cet enregistrement magnifique. Et après avoir écouté l'un, puis l'autre, puis l'un, puis l'autre, François a dit, mais non, ça marche mieux ce qu'a fait Philippe. C'est ça qu'il faut. Et puis là, de fil en aiguille, Il commence à demander à son monteur, est-ce que tu peux montrer la séquence de la barque à Philippe ? Est-ce que tu peux montrer le petit passage là ? Et petit à petit, je me mets à Vous avez contaminé le film. Oui, je n'ai pas fait beaucoup dans ce film, mais enfin, plus que la petite séquence qu'on m'avait demandé. Et puis, j'avais pris l'initiative, moi aussi, j'avais préparé. Je trouvais que tout le final du film, il y avait une musique qui était collée dessus, qui était une musique classique, qui était belle en soi, mais je trouvais que Avec le film, j'avais ressenti quelque chose et je l'avais proposé. Et c'est resté. Et il y a donc ce grand adagio pour Cordes, avec déjà un langage à la fois très clair et un vrai sens du lyrisme, du lyrisme rombien, et qu'on va écouter tout de suite. La question qu'on a envie de poser par rapport à Ozon, c'est qu'aujourd'hui, avec quasiment 20 ans de recul, puisque c'était en 1999, est-ce qu'il est plus facile de démarrer avec un cinéaste de sa génération, puisqu'Ozon a juste quelques mois de plus que vous ? Et j'ai presque envie de vous demander, mais tous les deux, en termes de références, même de culture, qu'est-ce qui vous rapproche et qu'est-ce qui vous sépare ? C'est une question Délicate. À laquelle il faut répondre. Je vois. Avec François, on a entendu, on a vu, on a vécu des choses assez similaires quand même. Donc on a des points de convergence, des références qui font que peut-être Je me souviens, Potiche par exemple, quand on a parlé de Potiche, c'est-à-dire les films qu'on regardait quand on était enfant, au même âge. De toutes ces années 70, on avait cette envie commune de retourner dans ces parfums-là, et on s'est compris très vite. Non, je ne sais pas si c'est plus difficile aujourd'hui ou plus facile. Je ne me suis pas posé la question, non. On avait quand même des influences différentes. une culture différente avec François. On s'est apprivoisés, on a appris à se connaître aussi, on a appris à s'étonner l'un l'autre. À se provoquer l'un l'autre ? Oui, parfois. Son cinéma, c'est un cinéma exigeant, c'est un cinéma qui a une forte personnalité. Quand on commence par ça, pour moi, commencer par Les Amants Criminels, ce n'est quand même pas forcément le film le plus facile pour pénétrer dans l'univers d'un réalisateur. C'était un univers assez fort et en même temps c'est un univers riche et au niveau émotionnel, les amants criminels ça passe par des strates très riches et très diverses. Donc c'était aussi assez intéressant de commencer avec ça mais délicat, périlleux, je dirais périlleux et donc la difficulté avec François ça a été de lui proposer des idées euh En essayant d'élargir le curseur pour voir ses réactions en fonction de sa sensibilité, voir si là j'étais allé trop loin, pas assez, et petit à petit, moi aussi, découvrir son univers, qu'on peut ne découvrir qu'à partir d'un certain nombre de films aussi, où les choses commencent à s'affirmer.

  • Speaker #1

    Mais comment, en quelques mots, pourriez-vous définir le statut de la musique originale chez Ozon ? Et est-ce qu'en 20 ans, ce statut a changé, a évolué ? Il a évolué, c'est certain. François était de plus en plus à l'aise avec l'utilisation de la musique originale parce que d'abord moi j'ai toujours été au service du film, je voulais que ça marche, que ça soit réussi donc je comptais pas les essais, les remises en question personnelles, j'essayais des choses on en parlait et puis au début il a pu être sans doute méfiant sur cette secrète corps étranger qui est arrivé dans son univers. Qui vient se greffer à son univers. C'est normal. Le pouvoir est tel de la musique que sur une même scène, trois, quatre ou cinq musiques essayées différentes, la scène, vous la vivez tellement différemment. Vous la ressentez différemment. Jean-Paul Rabeneau a toujours une très belle image là-dessus. Il dit, pour un cinéaste Et c'est vrai pour Rabeneau comme pour Ozon, mais comme pour tout cinéaste, on a à un moment donné, on a l'impression de confier les clés de la maison à un autre créateur. Et de lui abandonner son film et que c'est lui qui va agir sur le film, qui va l'interpréter.

  • Speaker #0

    Oui, c'est vrai que c'est une espèce de dimension supplémentaire qui vient manipuler le spectateur. Et suivant le chemin qu'on prend, on peut le manipuler de différentes manières. Et donc ça peut changer la perception d'une séquence. le sens parfois même, le point de vue. On peut être du point de vue de quand il y a trois acteurs sur une séquence, de l'un ou de l'autre. Donc ça change le sens parfois. Et ça, avec François, ce qui est passionnant, c'est qu'on en parle. Il donne les clés, mais pas totalement tout le trousseau non plus. Moi, je me souviens, il y a certaines séquences où je lui demande. on est Tu penses qu'on est du point de vue d'un tel personnage ou de tel autre ? Je suis là, ou des deux. Parce que des fois, je fais une musique et ça peut être les deux à la fois. Et parfois, il me dit, non, je préfère qu'on reste sur elle, par exemple. Ça, ça me suffit, moi. Il n'a pas besoin de me dire, je veux un violoncelle et un basson. Il me dit, je veux qu'on reste sur elle. Moi, avec ma sensibilité, je palpe ça, je ressens ça et je lui repropose quelque chose en ajustant le morceau. au niveau de l'orchestration, l'harmonie, je ne sais pas, qui fait que tout d'un coup, on est du point de vue d'elle. Après ça, je ne sais pas vous l'expliquer. Je ne sais pas du tout. Mais c'est vrai qu'en quasiment 20 ans de collaboration, et vous cumulez 12 films, 13 films Je sais plus, j'ai pas compté. Et qu'à l'intérieur de cette sorte de fraternité partagée, on a l'impression que votre chance, à vous, en tant que compositeur, c'est que si le cinéma d'Ozon, il est multiple, il n'a pas un visage, il a des tas de visages différents, et que c'est aussi une chance de renouvellement dans l'inspiration musicale, parce qu'il y a quasiment un grand canyon. entre, mettons, Petiche et Franz, et entre Franz et la mandouble. Est-ce que ça aussi, c'est une chance pour le compositeur ? C'est une chance, pour moi en tout cas, parce que, comme je le disais précédemment, cette manière d'exprimer tous les sentiments réunis de la vie que j'ai depuis mon enfance, ça me va, là, parce que, du coup, il m'en propose des sentiments. et des expériences et des états d'âme. Et moi, je jubile chaque fois. Je me dis, qu'est-ce qu'il va faire ? J'aime ça. C'est pour ça que je fais la monde double avec cette musique électronique, alors qu'habituellement, on fait des choses beaucoup plus acoustiques, beaucoup plus instrumentales. Mais j'aime ça. Mais ça peut être aussi, pour un autre compositeur, l'enfer. Parce que c'est un défi, quand même. Chaque fois, c'est une remise en question. Et même lui ne sait pas si je vais relever ce défi. D'ailleurs, il me le dit. Il me dit, j'ai quelque chose de différent. Dis-moi ce que tu en penses. Est-ce que ça t'inspire ? Est-ce que tu en as envie ? Je t'envoie le scénario. Il ne sait pas si vraiment je vais rentrer dans l'aventure facilement ou pas.

  • Speaker #1

    Mais c'est très étrange parce qu'on a l'impression que vous, chez Ozan, c'est un compositeur dans un rôle de composition. Parce que dans la vie, vous êtes quelqu'un de clair, de direct, alors qu'Ozon, c'est un cinéma de la manipulation, de la perversion, notamment de la perversion du couple. Le couple est un des fils rouges de son cinéma, et c'est aussi un cinéma de l'ambiguïté. Et on a l'impression que souvent, chez lui, la musique, votre musique, est une sorte de trompe-l'œil, ou de trompe-l'oreille supplémentaire. Trompe-l'oreille. Bonne formule. Oui, c'est vrai que dans le cinéma de François, il y a ce vrai-faux. tout le temps dans est-ce que c'est vrai, est-ce que c'est un reflet de la réalité ? Ou est-ce qu'on est dans le mental du personnage ? Est-ce qu'on est dans le mental ? Est-ce qu'on doit alors rester dans le mental du personnage ? Comme dans L'Amant Double par exemple, où on a beaucoup parlé de mental justement. Alors que dans certains autres films, on est dans le mental à certains moments, et à certains moments, non, on décrit, on est dans le recul de ce qui s'est passé, et on exprime un sentiment plus général. Un ressenti extérieur à ce qui s'est passé. Je me souviens de Sous le sable, à la fin, où finalement on se retrouve devant l'image tous les deux. On n'avait pas fait tous ces films, donc on n'avait encore pas beaucoup l'habitude de dialoguer ensemble. Qu'est-ce qu'on fait sur Charlotte Rampling ? Elle pleure, qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on met de la musique ? Est-ce que ça va être trop ? Est-ce que ça va appuyer ce qu'on voit déjà ? Il y a la mer, il y a les vagues, il y a la plage. Et on a réfléchi sur l'instrumentation, si on faisait quelque chose d'orchestral ou pas. Ou de chambriste.

  • Speaker #0

    Ou de chambriste, sur ça. Évidemment, pour un jeune compositeur, une scène sur la plage où on court, on se dit ça y est, je vais sortir les violons et le grand orchestre. Bien sûr, c'est un réflexe, parce qu'on a besoin de s'exprimer, c'est normal. Et puis, après, il y a le film, la justesse. Qu'est-ce qui est juste pour le film ? Et donc là, ce qui était juste, je pense Et c'était son avis aussi, c'était qu'on la laisse pleurer sans musique. Et que la musique démarre après. Après, voilà. Et que quand elle le voit, Bruno Crémer, son espèce de fantasme intérieur se remet en route. Et la musique se remet en route avec elle. Donc là, on avait travaillé sur le son pour que le violoncelle dialogue. Et puis que quand le piano se retrouve tout seul... Le son de l'océan s'arrête et que le piano soit carrément tout seul dans la pièce, dans la salle de cinéma. Et l'orchestre au générique de fin qui suit, lui, exprime toute la douleur contenue dans le film et qui n'était pas dans le film.

  • Speaker #1

    Le film, la grande reconnaissance pour Ozon, ça a moins été les amants criminels que le film d'après, donc Sous le sable, dont vous parliez à l'instant, et qui aussi a fait découvrir à un plus large public votre écriture. Et puis à partir de là, il y a eu des tas d'autres films qui sont arrivés, Une hirondelle a fait le printemps avec Christian Carillon, et puis des collaborations avec Philippe Leguet, avec Christophe Baratier, une invitation musicale chez Agnès Jauy, etc. J'aurais envie de vous dire, avec tous ces cinéastes, Comment est-ce qu'on arrive à respecter ce que disait toujours Georges Delru, qui avait ce joli aphorisme, il disait « La demande du metteur en scène, il faut à la fois la respecter et lui tordre le cou. »

  • Speaker #0

    Non, c'est juste, j'essaye de ressentir, et donc le plus sincèrement possible à chaque film. Et je crois que si on fait ça de cette manière, forcément, si on a soi-même une sensibilité à un univers, automatiquement, on va tordre le cou inconsciemment à ce qu'on vous a demandé. Ça va passer par nos entrailles, on va le reconditionner, le refiltrer avec notre sensibilité, et on va le redistribuer au réalisateur.

  • Speaker #1

    Alors il faut malheureusement, parce que le temps file, nous arrivons à la fin, à l'issue de ce premier podcast, il y a un film qu'on va évoquer rapidement, parce que c'est un film, là aussi, c'est une balise. en quelque sorte. C'est Joyeux Noël, qui est votre deuxième long-métrage avec Christian Carillon, qui est un cinéaste qui est passionné par l'histoire, par la nature, par l'engagement aussi. Et c'est un sujet humaniste, connecté à la Première Guerre mondiale, l'histoire de ces soldats écossais, français, allemands, qui ont fraternisé dans les tranchées un soir de Noël. Et ça a été un film important, parce que c'était un film européen, tourné en plusieurs langues. français, anglais, allemand. C'était un film aussi important parce que la partition de ce film, c'est l'une de vos premières musiques qui a pu s'échapper du film et être jouée en concert. Et la partition est très riche, très luxuriante, très thématique. Et il y a notamment cette demande incroyable de Carillon, avant même le début du tournage, c'est d'écrire deux thèmes qui allaient être joués à l'image, c'est-à-dire notamment un hymne écossais. que les écossais, cornemuses voix, jouent et interprètent dans les tranchées. Et puis à Nave Maria, qui est interprétée par le personnage de Diane Kruger, doublée par Nathalie Dessay. Et quand on demande à Christian Carillon, on lui dit « mais quelle a été votre demande à Philippe Ramby pour ces deux thèmes ? » Il dit toujours « je lui ai quasiment demandé d'écrire quelque chose de connu » . Ce qui est une demande, une injonction presque paradoxale. Et c'est vrai que quand on voit le film, on a l'impression que ces thèmes, qui sont pourtant à 200% originaux ont quelque chose de composition de toujours, de composition du folklore, de composition qui sont déjà dans la mémoire collective. Comment est-ce que vous êtes arrivé à ce résultat ?

  • Speaker #0

    Je ne sais pas du tout quoi dire. Le premier des deux morceaux, c'est l'hymne des Fraternisés. Alors ça, c'est vrai qu'au début, Christian m'avait parlé d'écrire une sorte d'hymne, comme ça, c'était un sacré défi, c'est sûr. Mais en même temps, j'ai tellement bouleversé par le scénario. Quand j'ai lu le scénario, là, on peut parler de processus de création. En tout cas, c'est très différent suivant les films. Il y a des films où vous avez besoin beaucoup de réfléchir, de faire des pauses, de sortir, d'aller s'aérer, de revenir, de digérer une histoire ou des images. Et ce film-là, j'ai fini la dernière page. Et je me souviens, j'avais un crayon, toujours avec moi, parce que je prends des notes quand j'ai les scénarios. J'ai vite écrit quelques portées sur la dernière page, comme ça, mes petites cinq lignes habituelles. Et j'ai écrit, si, mi, fa, sol, mi, si. En mettant quelques chiffrages au-dessus pour me souvenir des harmonies. J'avais pas tout le morceau, mais j'avais comme ça une espèce de À la lecture du scénario, tout de suite. Oui, oui. Donc j'ai mis ça dans un coin. Quand Christian m'a dit qu'il faudrait un hymne, j'ai réfléchi, j'ai dit mais cette ère qui m'est venue, est-ce que ça pourrait devenir ça ? Parce que c'est sorti tellement spontanément de l'histoire, comme quelque chose de physiologique, que j'y ai réfléchi. Donc je l'ai joué au piano, quand il est venu écouter la première fois... Je me suis mis au piano, puis j'ai joué cette aire en disant voilà un thème. Il était très ému et quand j'ai fini le morceau, il m'a dit c'est l'hymne des fraternisés. Donc là, émotion de tous les deux, je ne vous raconte pas. Parce que je tourne la page et moi j'avais appelé le morceau l'hymne de la fraternité. Et j'ai dit tu vois, j'avais appelé le morceau comme ça. Mais pour ne pas l'influencer, je ne lui avais pas dit. Et il m'a dit, je lui ai dit mais ça sera l'une des fraternisées, ça me va très bien.

  • Speaker #1

    Cette musique, quand elle a pris forme et quand elle a été enregistrée, c'est le premier voyage à Londres et le premier enregistrement à Abbey Road, dans ce studio mythique, avec le London Symphony Orchestra, qui est cet orchestre iconique, et qui a été l'orchestre de John Williams pendant des années. C'est là où il a enregistré évidemment les Star Wars, les trois premiers Indiana Jones, Fury, Dracula. Des musiques qui ont nourri votre imaginaire, qui vous ont fait rêver. Et vous, vous vous retrouvez à votre tour dans ce studio. Et face à cet orchestre-là, on a l'impression que, et c'est aussi la force de cette partition de Joyeux Noël, qu'il y a quelque chose d'un rêve d'enfant qui se réalise ce jour-là.

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens, j'ai levé la baguette et j'ai entendu le son de cet orchestre qui a en soi déjà un son, forcément, puisque c'est un orchestre. qui a une âme, qui a été façonnée Frissons garantis, émotions garanties, tout le monde a retenu son souffle, tout le monde avait fait le voyage. C'était un moment, un grand moment. Vous parliez de John Williams et il venait d'enregistrer le Star Wars, la revanche des sites, juste avant nous. Il y avait encore une photo dans la pièce de John. C'était encore plus émouvant de prendre la suite. Le hasard du calendrier a fait que Les résonances encore étaient palpables. Une transition comme ça, symbolique. Oui, et les musiciens, ce qui était chouette, c'est que je leur ai demandé, je leur ai dit ça. Vous étiez contents ? Ça vous a plu ? Et voilà, c'est vrai que j'étais le petit français qui arrivait, qui n'avait pas fait énormément de films, qui se retrouvait devant cet endroit et cet orchestre culte. Et ils m'ont dit non, c'était On a fait de la musique ensemble, et pour nous, les plus beaux moments, c'est quand on fait de la musique ensemble. J'ai aimé cette réflexion-là. Pour boucler ce premier module, ce premier podcast, nous allons écouter l'hymne des Fraternisés, issu de Joyeux Noël de Christian Carillon. Merci Philippe Rombi. Merci à vous.

Chapters

  • Introduction et présentation de Philippe Rombi

    00:00

  • Les avantages de composer pour le cinéma

    03:18

  • L'expression des émotions à travers la musique

    11:34

  • L'impact d'Antoine Duhamel sur son parcours

    17:43

  • La rencontre avec François Ozon et ses débuts au cinéma

    29:32

  • L'importance de 'Joyeux Noël' et l'enregistrement avec l'orchestre

    36:45

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