Speaker #0un célèbre gentilhomme avait été invité à un dîner dans le monde mais d'abord il était allé à la chasse rentré trop tard pour pouvoir se changer il s'est présenté à la porte du palais habillé comme il l'était sale et crotté, mal rasé et décoiffé. Le portier et le majeur d'hommes lui ont barré la route. Le noble leur a dit comment il s'appelait, mais les deux serviteurs, qui pourtant lui avaient fait la révérence bien des fois, se sont mis à rire et l'ont chassé. Le gentilhomme est rentré chez lui, s'est rasé, lavé et a revêtu un de ses plus beaux habits. Puis il est retourné au palais et aussitôt, les deux serviteurs se sont inclinés devant lui. Le majordome l'a escorté dans la salle à manger, l'a installé, et puis il lui a apporté lui-même un bouillon dans une belle soupière. Le gentilhomme a pris la soupière et a renversé le bouillon sur lui. Quand le majordome stupéfait lui a demandé pourquoi il avait fait ça, le gentilhomme lui a répondu. « Ce n'est pas moi qui ai été invité, mais mon ami. Alors le bouillon est pour lui, pas pour moi. » Nouveau chemin. Le podcast qui vous révèle les ressorts psychologiques d'une vie épanouie par Laurence Simon, saison 3, épisode 30. Qui que vous soyez, quel que soit votre âge ou votre milieu social, quelqu'un vous a forcément déjà dit, ou alors vous avez déjà dit à quelqu'un, ne juge pas sur les apparences. Vous en avez même peut-être déjà subi les conséquences. Et pourtant, c'est ce que nous faisons tous et très souvent, même si on sait que ce n'est pas une bonne idée. Nous le faisons tous parce que nous avons tous des biais cognitifs et notamment l'effet de halo. L'effet de halo est un raccourci mental qui nous aide à traiter rapidement l'information, mais il le fait en s'appuyant sur des stéréotypes. voire sur des préjugés. Il est influencé par notre éducation, notre culture et les normes sociales. Il nous incite à porter un jugement rapide sur l'apparence, jugement qui repose souvent sur des mécanismes sociaux et culturels, eux-mêmes très fortement influencés par exemple par les pressions médiatiques. Alors tout le monde fait ça et entre adultes, chacun est normalement capable de faire la part des choses. Mais à l'égard des enfants, c'est plus délicat. On apprend généralement à nos enfants à ne pas s'arrêter aux apparences. On leur dit qu'il faut d'abord connaître leur camarade avant de décider si c'est un copain ou pas. Un peu comme quand on leur explique qu'ils ne peuvent pas dire qu'ils n'aiment pas les brocolis s'ils n'en ont jamais mangé. Et pourtant, j'ai constaté que cela arrive très souvent à l'école, et pas uniquement entre enfants. C'est aussi un comportement des adultes à l'école envers les enfants. Et ça, c'est vraiment, mais vraiment dommage, parce que ça peut avoir des effets très importants et très négatifs sur les enfants. Je crois que, avant de porter un jugement sur un enfant à partir de son comportement, ou de ce qu'il a dit, ou de la manière dont il le dit, il faudrait se poser deux questions. La première, c'est, qu'est-ce qui, dans son entourage, incite l'enfant à se comporter comme il le fait ? Et la deuxième, qu'est-ce qui, dans son caractère, incite l'enfant à se comporter comme il le fait ? Avant de dire que cet enfant dysfonctionne, posons-nous la question de savoir s'il y a quelque chose qui dysfonctionne autour de lui. Léo est un petit garçon de 4 ans qui va à la maternelle. Sa maman a été convoquée par la maîtresse parce que Léo est agressif avec ses camarades, très agité en classe, il ne supporte pas la frustration. Donc elle préconise de lui faire consulter un spécialiste parce qu'elle juge que Léo a probablement des troubles du comportement. Alors, troubles du comportement ou troubles de l'environnement ? La maman de Léo a aussi constaté que son fils est très difficile à la maison. Il fait des colères, il crie, il se bat avec son frère aîné, il dort mal, il refuse la nourriture, etc. Mais surtout, surtout, son père est violent. Toute la famille vit dans un climat d'insécurité du fait de la violence du père. On dit souvent que les enfants sont des éponges, et même si je n'aime pas du tout cette expression, c'est vrai, dans le sens où ils absorbent tout ce qui les entoure, y compris ce qu'ils n'ont ni vu ni entendu. Et leur comportement est une réaction de défense ou de protection, et même parfois d'imitation, de ce qui les entoure. J'ai connu un ado qui, une fois rentré à la maison, passait tout son temps sur son écran d'ordinateur à jouer. pour ne pas avoir à supporter l'ambiance familiale. Bien sûr, ses parents étaient très en colère contre lui et aussi inquiets et ils l'ont conduit dans mon cabinet, pensant qu'il avait un problème de socialisation. Sans comprendre que ce comportement était pour leur fils un moyen de se protéger d'une vie familiale insupportable qu'ils avaient eux-mêmes créée. L'environnement dans lequel grandissent nos enfants conditionne assurément leur comportement. L'environnement, c'est bien sûr la maison, mais c'est aussi partout ailleurs où ils passent une grande partie de leur vie. À l'école, par exemple. J'ai récemment reçu une famille dont le garçon de 8 ans n'arrive pas à se concentrer en classe et donc il ne réussit pas à faire les exercices demandés. La maîtresse a décrété qu'il avait des troubles du comportement et des retards de développement. Mais sorti du contexte de l'école, à la maison, par exemple, Il est capable de passer plusieurs heures sur un puzzle. Et bien sûr, il le réussit. Donc, sommes-nous vraiment sûrs que ce ne sont pas nos comportements qui troublent le comportement de nos enfants ? Autre question, qu'est-ce qui, dans le caractère de l'enfant, le pousse à se comporter de cette manière ? C'est une question essentielle qui soulève celle du fameux « tel qu'il est vu, tel qu'il est » . Les jugements que nous portons sur les enfants sont souvent fonction de nos propres biais, préjugés ou attentes sociales, qui souvent là aussi déforment la réalité de leurs intentions et de leurs comportements. Imaginons un scénario où je suis animé par un préjugé très fort. Par exemple... Je pourrais penser que lorsqu'un enfant est puni, il doit se taire et accepter sans discuter, car dans ma vision, toujours, si l'adulte a décidé de le punir, c'est qu'il a forcément mérité cette sanction. Mais que se passe-t-il si cet enfant, loin d'être soumis, me regarde dans les yeux pendant que je le gronde ? Dans un tel cas, mon jugement immédiat pourrait être « il est insolent » . Mais est-ce vraiment de l'insolence ? Peut-être que cet enfant a simplement un sens aigu de la justice. Peut-être qu'il refuse de se laisser accuser à tort. Ce trait de caractère, loin d'être un défaut, est une qualité précieuse qui pourrait lui être extrêmement utile tout au long de sa vie. Il pourra, grâce à ce sens de la justice, se défendre contre l'injustice, mais aussi défendre les autres et agir de manière éthique face aux situations de la vie. Au lieu de dévaloriser ce comportement, je devrais plutôt l'encourager et l'aider à le développer de manière constructive. C'est un comportement qui mérite d'être compris et guidé, plutôt que réprimé. Mais attention ! Attention, cela ne veut pas dire que tous les enfants qui tiennent tête sont des justiciens en herbe. Il est important de nuancer. Il ne faut pas généraliser et il est essentiel de comprendre le contexte avant de juger, et surtout... essentiel de garder à l'esprit qu'il existe peut-être une autre raison pour expliquer son comportement que celle que j'ai envisagée. Après tout, pourquoi est-ce que j'aurais nécessairement raison ? Alors, avant de sauter aux conclusions hâtives, posons-nous la question. Si un enfant ne tient pas en place, peut-être qu'il est simplement curieux et qu'il cherche à explorer le monde autour de lui. Si un enfant semble être dans la lune, peut-être qu'il a une imagination débordante, un univers intérieur riche et créatif. Si un enfant semble mal poli, peut-être qu'il est simplement franc, qu'il dit tout simplement ce qu'il pense, sans artifice. En définitive, les comportements des enfants ne sont pas toujours ce qu'ils semblent être à première vue. Les apparences peuvent être trompeuses et ne reflètent pas nécessairement la réalité de leurs intentions ou de leurs capacités. Avant de juger, prenons longtemps de comprendre ce qui motive leurs actions et essayons de les voir sous un angle plus nuancé. En agissant ainsi, nous offrons à l'enfant la possibilité de se sentir compris et valorisé, ce qui contribuera à coup sûr à son développement harmonieux. Se fier aux apparences et porter des jugements hâtifs sur un enfant peut avoir des répercussions profondes et durables sur l'adulte qu'il deviendra. En effet, réduire un enfant à ses actions, ses paroles ou son apparence physique, c'est le priver de prendre conscience de lui-même et l'empêcher de développer son potentiel. Un enfant jugé sur des critères superficiels risque de grandir en pensant que sa valeur personnelle est uniquement déterminée par ce qu'il fait, ce qu'il dit, qui n'a de valeur que s'il correspond à ce que les adultes attendent de lui. Ce type de perception peut gravement altérer son estime de soi, car il devient convaincu que sa véritable personnalité ne compte pas et qu'il doit se conformer à une norme extérieure pour être accepté. Si ces jugements sont fréquents, ils peuvent nourrir une anxiété constante liée à la peur d'être mal perçue. Cette peur de l'évaluation sociale peut alors se transformer en une vraie anxiété sociale, dans laquelle l'enfant évite de plus en plus les interactions sociales par crainte du jugement et du rejet. Il peut s'isoler de plus en plus et, dans certains cas, développer des troubles plus graves, tels que des troubles du comportement ou notamment alimentaire. Il peut aussi chercher un moyen de contrôler sa propre image, de transformer son corps. Mais cette peur pourrait aussi nourrir une grande colère, parce que non seulement c'est injuste, mais en plus il n'arrive pas à correspondre à ce qu'on attend de lui. Ainsi, il pourrait réagir par la violence, contre les autres et contre lui-même. En outre, un enfant réduit à son apparence ou à ses comportements superficiels devient plus vulnérable aux manipulations émotionnelles. au chantage affectif, voire au harcèlement. Il peut devenir craintif, effacé, développer l'anxiété sociale, confinant à la phobie, ce qui fragilise sa capacité à développer des relations saines et équilibrées. Mais l'impact ne s'illimite pas seulement au développement de l'enfant. Sur le long terme, cela peut également avoir des conséquences néfastes pour l'adulte qu'il deviendra. Devenu adulte, il peut éprouver de grandes difficultés à interagir de manière authentique avec les autres. Il risquerait de renforcer ses préjugés et ceux des autres, contribuant à un cercle vicieux de discrimination et d'incompréhension. En clair, il pourrait reproduire le schéma dysfonctionnel dont il a été victime. Se focaliser sur l'apparence empêche de voir la richesse intérieure de chaque individu, freine l'apprentissage des différences et des diversités humaines. et limite la possibilité de construire des liens véritablement respectueux de la complexité de chaque personne. Et surtout, surtout, c'est une chance perdue pour la relation enfant-adulte. Imaginons une classe à l'école primaire dans laquelle un enfant est perçu comme turbulent parce qu'il a du mal à rester calme. Il se tourne vers ses copains, il bouge sur sa chaise, il tripote ses crayons et oh sacrilège, il parle tout le temps. Si l'enseignant se laisse guider par des jugements basés sur les apparences, il risque de ne pas voir l'enfant pour ce qu'il est vraiment, mais plutôt pour ce qu'il imagine que l'enfant est. Il risque de ne pas comprendre la grande curiosité ou l'énergie débordante de l'enfant. Il va donc chercher à maîtriser son comportement en le punissant, en l'isolant des autres, en le pointant du doigt face à la classe entière. Pourtant, la curiosité est une qualité qui peut être très positive si elle est bien exploitée. C'est souvent le signe d'une grande créativité et d'un esprit explorateur que la classe entière gagnerait à exploiter en l'encourageant au service de la classe. Et puis, cela crée une distorsion aussi dans la perception de l'enfant. Il se sent incompris, comprend très bien qu'il est rejeté, d'autant plus que les remarques de l'enseignant sont très rapidement relayées par les enfants eux-mêmes. Il comprend que ses comportements sont mal interprétés ou jugés de manière injuste. Souvent, il pense aussi que tout ça est de sa faute parce qu'il est mauvais, c'est pas un gentil garçon ou c'est une mauvaise fille. Il cesse alors de s'ouvrir à l'adulte. Au lieu de voir l'adulte comme une personne de confiance auprès de qui il peut partager ses pensées et ses émotions, l'enfant se sent accablé par des attentes qu'il ne comprend pas et qu'il ne peut pas satisfaire. Il perd la confiance en adulte qui normalement doit le protéger. ou l'aider à surmonter les difficultés, il ressent un fort sentiment d'insécurité. Peut-être va-t-il alors essayer de changer de comportement. Il va redoubler d'efforts pour tenter de correspondre à ce que l'adulte attend de lui, au détriment de l'épanouissement de son propre caractère et de ses qualités personnelles. Et là, soit il y arrive, et l'adulte le félicite. Ok, mais qu'est-ce que l'enfant a appris ? Que certaines différences ne sont pas acceptées, que le monde des adultes ne prend pas en compte la diversité, que c'est un monde où discrimination, superficialité, préjugés ont force de loi, ou alors ils n'y arrivent pas, et l'adulte durcit son comportement à son égard. Donc il sera puni plus souvent, les punitions seront de plus en plus grandes, ce qui a toutes les chances d'accentuer en réaction le comportement de l'enfant qui de manifestation de son caractère devient manifestation de son mal-être. En un mot, cela crée un climat de méfiance et de distance où l'adulte se prive de la possibilité de comprendre pleinement l'enfant et d'établir avec lui une relation de confiance et de soutien et où l'enfant est privé de la possibilité de s'exprimer librement et de devenir celui ou celle qu'il est réellement. Mais quel gâchis ! Mais quel gâchis de temps, d'énergie et d'avenir ! Alors, comment faire pour ne pas tomber dans ce piège ? Je voudrais d'abord déconstruire deux idées fausses. La première, c'est un enfant qui ne veut pas apprendre, ça n'existe pas. Tous les enfants veulent apprendre des choses nouvelles pour la simple raison qu'ils veulent grandir. Ils veulent être grands et ils savent qu'apprendre les fera grandir bien plus que de manger de la soupe, parce qu'ils pourront alors faire ce que font leurs grands frères ou leurs grandes sœurs. Et puis, autre idée fausse, un enfant n'apprend pas sous la contrainte. Pour réussir en classe, il faut se sentir en sécurité et valorisé. C'est comme pour un adulte au travail. Si vous n'avez pas de liberté d'action ou de reconnaissance de vos collègues et de vos supérieurs, vous ne pouvez pas donner le plein de vous-même. Vous n'êtes pas pleinement opérationnel. Et c'est ce qu'on appelle la souffrance au travail. Donc, partant de là, quoi faire ? D'abord et avant tout, prendre conscience de nos biais et remettre en question nos premières impressions. prendre en considération qu'il y a peut-être une autre explication au comportement de l'enfant que celle qu'on a envisagée en premier. Partir du postulat qu'on commence toujours par se tromper. Du coup, ça va nous permettre de chercher à comprendre les motivations profondes des comportements de l'enfant. Mais il est possible que l'enfant, surtout s'il est très jeune, ne sache pas pourquoi il fait ce qu'il fait, et encore moins ce qu'il voudrait faire d'autre. ou ce dont il aurait besoin pour se calmer. Donc, troisième étape, c'est à nous les adultes de faire des propositions, de faire des expériences de changement, changer de stratégie pour voir si cela a un impact sur le comportement de l'enfant. Par exemple, si je fais l'hypothèse que cet enfant ne tient pas en place parce qu'il est curieux plutôt que perturbateur. Je peux peut-être lui trouver une mission, un défi à relever, qui pourrait bénéficier à toute la classe. Par exemple, je pourrais lui confier la tâche de trouver de nouvelles informations sur un sujet que la classe étudie. Et il pourrait les partager avec la classe de la façon qu'il voudra. Il pourrait donc être responsable des découvertes. Et cela stimule sa curiosité, sa capacité à explorer de nouveaux savoirs, tout en contribuant activement à l'apprentissage collectif. Il pourrait même faire des émules parmi ses camarades. Ou alors, s'il aime se déplacer et explorer, s'il ne tient pas en place, pourquoi ne pas créer un coin découverte dans la classe où il pourrait organiser lui-même des mini-ateliers d'exploration pour ses camarades. Cela lui donnerait un rôle à jouer et un moyen de guider les autres dans l'exploration, dans la découverte, tout en l'aidant à canaliser sa curiosité de manière productive. Mais bien sûr, tout cela nécessite que, au lieu de choisir la solution de facilité, en gardant ma bonne vieille grille de lecture et en rendant les autres responsables de son comportement, les parents par exemple, Et pour finir, en envoyant l'enfant vers un spécialiste des troubles du comportement, comme on renvoie une balle à l'envoyeur pour s'en débarrasser, ça nécessite donc, je disais, que je fasse preuve de curiosité, d'ouverture d'esprit, de créativité et aussi d'une pointe de courage. Mais sans tout ça, c'est quoi le sel de la vie en fait ? À quoi ça sert de faire des enfants ? Nouveau chemin est un podcast conçu, écrit et réalisé par Laurence Simon, psychopraticienne en thérapie systémique de l'école de Palo Alto. Vous pouvez l'écouter sur votre application favorite. Et pour le soutenir, n'hésitez pas à laisser des commentaires, des étoiles, à le partager et à vous abonner. Rendez-vous dans trois semaines pour le prochain épisode.